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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 22 novembre 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 117) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« La députation permanente du conseil provincial du Brabant prie la chambre d'augmenter l'allocation du budget de l'intérieur sur laquelle on impute le traitement des employés de cette province. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le conseil communal de Herstal demande la réforme du régime des dépôts de mendicité et de celui de Reckheim. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Malines, présentant des observations contre l'interprétation donnée par le gouvernement, en ce qui concerne les subsides, à l'article 23 de la loi organique de l'enseignement primaire, prie la chambre de décider quel est le sens de cette disposition. »

- Sur la proposition de M. Vanden Branden de Reeth, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« L'administration communale de Malines fait hommage à la chambre de 110 exemplaires d'une adresse que le conseil communal de cette vitte a présentée à l'assemblée, au sujet de l'interprétation donnée par le gouvernement, en ce qui concerne les subsides, à l'article 23 de la loi organique de l'enseignement primaire.

- Distribution aux membres.

Projet de loi portant le budget du département des affaires étrangères pour l’exercice 1851

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur le chapitre VII, commerce, navigation, pêche,

M. Lesoinne. - J'ai demandé hier la parole, lorsque l'honorable M. Dechamps a dit qu'on devait attribuer la situation meilleure en général de notre industrie au système protecteur qui continue à nous régir, et que c'était depuis l'application du système des droits différentiels que la situation des Flandres s'était améliorée.

Il a même ajouté que mon honorable ami M. de Brouwcr de Hogendorp serait embarrassé pour lui répondre.

La situation meilleure des Flandres doit être attribuée à plusieurs causes ; on les a déjà signalées dans cette enceinte. Mon honorable ami M. de Brouwer de Hogendorp l'attribue aux mesures prises par le gouvernement pour introduire des industries nouvelles. D'autres membres de cette chambre l'attribuent au bon marché des denrées alimentaires.

Je me rappelle cependant qu'en 1843 et en 1844 les denrées alimentaires n'étaient pas à un prix supérieur à celui auquel elles se vendent aujourd'hui. Cependant nos honorables collègues des Flandres signalaient la misère de ces proviuces, ils disaient que les populations ouvrières mouraient de faim.

Certainement, le bas prix des denrées alimentaires doit être considéré comme une des causes principales de l'amélioration de la situation de la classe ouvrière dans les Flandres.

Mais il y en a d'autres; les mesures prises par un gouvernement voisin ont contribué aussi à cette amélioration : une grande quantité de produits du sol des Flandres s'expédient actuellement vers l'Angleterre, et l'exportation a été croissante d'année en année.

Ce fait a exercé l'influence la plus heureuse sur l'agriculture de ces provinces.

Mais on doit aussi attribuer la situation meilleure de l'industrie dans les Flandres à une mesure libre-échangiste : c'est au moyen de l'introduction sans droits des fils étrangers nécessaires à la fabrication de certaines qualités de toiles qu'on a vu augmenter la fabrication et l'exportation des toiles, et que l'on a en quelque sorte ressuscité une fabrication qui était tombée depuis longtemps.

Cela nous fait voir que si l'on n'avait pas, dès le principe, frappé d'un droit prohibitif les fils étrangers, l'industrie des toiles ne serait pas tombée dans les Flandres, puisqu'elle aurait pu fabriquer des toiles dites russias et les exporter à l'étranger,

L'honorable M. Dechamps fait aujourd’hui grand cas des relations que nous avons avec les pays qui nous avoisinent. Je suis de son avis, mais il n’en était pas si grand partisan à l’époque de la discussion des droits différentiels.

M. Van Iseghem. - Je demande la parole.

M. Lesoinne. - Je me rappelle que l'honorable M. Nothomb, qui était alors collègue de l'honorable M. Dechamps au ministère, comparant les exportations vers les pays transatlantiques et vers les pays d’Europe, a exprimé ce souhait dans la chambre que les chiffres eussent été renversés c'est-à-dire que le chiffre de nos exportations vers les pays d'Europe eût été autant inférieur qu'il était supérieur à celui de nos exportations vers les pays hors d'Europe; il faisait ainsi bon marché des relations avec les pays voisins, relations qui sont à la portée du plus grand nombre, et l'honorable M. Dechamps ne le contredirait pas.

Les droits différentiels, qui ont été discutés en 1844, ont eu pour résultat premier de nous mettre en guerre avec nos voisins.

Les résultats (je ne dis pas que l'honorable M. Dechamps pouvait les prévoir) ont été d'abord désastreux pour notre pays, et quant à la province de Liège, les relations qu'elle avait avec la Hollande ont été tellement bouleversées que jusqu'aujourd'hui on n'est pas encore parvenu à les rétablir telles qu'elles existaient.

Cette loi des droits différentiels n'était pas seulement destinée à activer nos exportations vers les pays transatlantiques, elle devait aussi encourager l'industrie maritime. Or, en examinant les résultats, on voit que l'augmentation qui a eu lieu dans les diverses branches de l'industrie maritime, soit pour la construction des navires, soit pour les transports vers les pays transatlantiques, est tellement peu importante qu'on peut dire avec raison que les effets de cette loi ont été nuls. Il est même à remarquer que la navigation vers les pays d'Europe a augmenté dans une proportion plus forte que la navigation vers les pays hors d'Europe, et qu'elle a diminué vers les pays transatlantiques.

L'honorable M. Dechamps a excepté aussi, des industries qui se trouvent dans un état prospère, l'industrie métallurgique. C'est encore une nouvelle preuve de l'inanité du système qui nous régit.

Il a dit : L'industrie agricole est la seule industrie pour laquelle on se soit départi du système protecteur, et on ne peut pas dire qu'elle se trouve aujourd'hui dans un état prospère. L'industrie métallurgique, messieurs, continue à élre protégée par un droit prohibitif, et cependant l'industrie métallurgique est dans une situation moins satisfaisante que l'industrie agricole.

J'ai voulu dire ces quelques mots en réponse à l'honorable M. Dechamps pour prouver que l'effet que produit sur les industries le système protecteur est plutôt nuisible qu'utile.

L'honorable M. Dumortier nous a dit que ce n'était pas assez de fabriquer à bon compte et mieux que ses voisins, qu'il fallait encore faire connaître ses produits. Il ne nous avait pas dit dans son premier discours la manière dont on devait s'y prendre. Mais hier, dans son second discours, il nous a dit que c'était à nos industriels eux-mêmes à faire connaître leurs produits. Nous sommes parfaitement d'accord avec l'honorable membre sur ce point. Que nos industriels suivent à cet égard le conseil de l'honorable M. Dumorlier, et ils exporteront leurs marchandises.

Nous avons des produits qui s'exportent en très grande quantité. L'exportation de nos draps prend de l'extension tous les jours, et l'honorable membre, qui habite Tournay, doit savoir que les étoffes pour pantalons, qui se fabriquent dans cette ville, s'exportent en grandes quantités. Eh bien, messieurs, les autres industriels n'ont qu'à faire la même chose. On ne fait jamais si bien ses affaires que par soi-même, on les fait d'autant mieux que l'on suit les recommandations des consommateurs pour lesquels on travaille.

M. Dumortier nous a menacés aussi d'une pléthore lorsque les traités que nous avons faits avec nos voisins viendraient à cesser, et il a dit qu'il était essentiel de chercher des débouchés pour le cas où ces traités ne seraient pas renouvelés.

Sans vouloir entrer dans une discussion aussi anticipée sur la valeur de ces traités, je crois cependant que, lorsque le moment en sera venu, j'engagerai mes honorables collègues à réfléchir à ce qui vaudrait mieux : rester libres ou s'engager dans des traités qui nous lient et sous l'empire desquels il est impossible de prendre des mesures qui seraient souvent très favorables au pays. L'Angletere a renoncé aux traités, et c'est une question à examiner que de savoir si, au lieu de faire des traités qui nous lient, il ne serait pas plus favorable de laisser au gouvernement la faculté d'user de réciprocité, de dire aux autres Etats : Je vous traiterai comme vous nous traiterez; et de rester libres, d'agir chez nous pour le mieux de nos intérêts. Mais cette pléthore, dont M. Dumortier nous a parlé, serait bien plus dangereuse sous un système restrictif que sous un système de liberté. Avec le système restrictif, n'ayant qu'un marché restreint, l'encombrement des produits est possible, et cela a déjà eu lieu pour l'industrie métallurgique. Mais, sous le système de la liberté, les relations s'établissent naturellement, suivent leur cours, et c'est ce que nous devons chercher. Nous devons chercher à régler les choses de manière que l'on travaille sur commande, autant que possible; lorsque les industriels exécuteront les ordres qui leur seront transmis, ils régleront leur fabrication en conséquence. Pour activer les relations, le meilleur moyen (et c'est un moyen pratique), c'est d'attirer dans nos ports le plus grand nombre de navires possible. Je parle d'après l'expérience. Ce qui gêne en général les exportations, c'est le manque d'occasions. Nos industriels sont obligés d’expédier leurs produits par Rotterdam, hambourg, le Havre ou Marseille, dans tous les ports de mer. Si nous avions des occasions à Anvers, on éviterait des transports très longs et très coûteux, on se servirait de la voie d’Anvers de préférence à toutes les autres. Eh bien, ce qu’il faut faire, c’est d’encourager, autant que possible, l’arrivage des navires à Anvers.

L'honorable M. Osy le fait un signe d'approbation. J'ai entendu avec plaisir, dans une séance précédente, l'honorable membre conseiller au gouvernement d'entrer dans une voie libérale en fait de commerce et d'arriver graduellement à un système de liberté ; je suis aussi de cet avis. Nous pensons que la Belgique, par la position qu'elle occupe, peut être appelée à un grand avenir de prospérité commerciale, si vous entrez sagement dans le système de liberté. Si les navires qui arrivent à Anvers sont sûrs de cargaisons composées d'une grande variété de produits, ils s'empresseront de s'y rendre.

Eh bien, en adoptant le système de liberté, nous attirerons vers la Belgique, qui occupe une position si favorable, le commerce d'une grande partie de l'Allemagne.

La Hollande vient d'adopter un système très libéral pour sa navigation; elle cherche à attirer chez elle le transit des marchandises vers l'Allemagne.

Je signalerai cette position à M. le ministre des affaires étrangères qui a le commerce dans ses attributions, afin qu'il examine s'il ne serait pas temps pour nous-mêmes de songer à modifier nos lois commerciales. Dans celle question-là, il est dangereux de se laisser devancer, car une fois que des relations se sont établies, il est très difficile de leur faire prendre une autre direction.

Messieurs, j'ai cru devoir dire ces quelques mois dans cette discussion pour ne pas laisser croire que les assertions qui avaient été avancées par d'honorables membres qui professent, en fait de commerce et d'industrie, des opinions contraires aux nôtres, fussent restées sans réplique. Je n'abuserai pas des moments de la chambre : il ne doit y avoir aucun vote. Lorsque l'occasion se présentera de réviser nos tarifs et de les mettre plus en harmonie avec nos besoins commerciaux, je m'étendrai davantage sur ce sujet, qui est extrêmement important pour l'avenir de notre pays.

M. Moncheur. - Messieurs, mon intention n'est pas d'occuper longtemps la chambre, quoique je considère la discussion qui a lieu depuis avant-hier, comme une des plus utiles qui puissent être agitées dans cette chambre. Je pense en effet que nous avons beaucoup à gagner à ce que l'attention du public, de la presse, des chambres, du gouvernement, soit attirée et fixée, d'une manière positive, sur les grandes questions d'intérêt commercial dont dépend la prospérité du pays.

Messieurs, la question dominante aujourd'hui, c'est la question de l’exportation de nos produits dans les contrées lointaines.Dans l'état d'exubérance de nos produits, c'est le seul moyen de tirer quelque parti des capitaux énormes qui se sont, un peu imprudemment, engagés dans l'industrie depuis une quinzaine d'années.

Il faut donc exporter nos produils.

Des essais ont déjà eu lieu à cet égard, et ces essais n'ont pas mal réussi; c'est de bon augure; mais que faut-il pour encourager ces essais? que faut-il pour que l'exportation régulière puisse s'établir sur des bases solides ?

Il faut d'abord qu'un capital nouveau se produise et soit l'intermédiaire entre le producteur et le consommateur des pays étrangers. Il faut en un mot un véhicule entre le fabricant et le consommateur. C'est là ce qui a manqué jusqu'à présent.

Mais en outre, il est nécessaire que le gouvernement se décide d'une manière nette et positive sur ce qui concerne l'érection ou la non érection d'une société d'exportation.

J'ai dit, messieurs, qu'il fallait qu'un capital nouveau se produisît pour l'exportation, et à cet égard, je ne puis adopter la manière de voir de l'honorable M. Loos qui prétendait, hier, que ce sont les fabricants eux-mêmes qui doivent se livrer à l'exportation de leurs produits.

Messieurs, les fabricants doivent rester fabricants, et c'est le commerce proprement dit qui doit se charger de l'échange des produits.

Autre chose est de fabriquer, autre chose d'échanger des produits indigènes contre des produits étrangers pour venir les réaliser sur nos marchés européens. D'ailleurs, le capital affecté aujourd'hui à la fabrication en Belgique ne peut pas suffire pour faire, en outre, le commerce d'échange d'une manière convenable. Ce capital est plus que suffisant peut-être pour la fabrication; mais si vous détournez une partie de ce capital pour l'employer à l'échange, il ne suffira plus. Je sais que des maisons puissantes d'industrie peuvent envoyer elles-mêmes leurs produits dans des pays transatlantiques afin de les échanger contre des produits de ces contrées, et les ramener en Europe pour les réaliser; mais ce sont là de très rares exceptions. Tous les pelits fabricants, tous les fabricants même d'une classe moyenne sont dans l'impossibilité de se livrer à de pareilles opérations.

L'honorable M. Loos disait encore qu'il ne suffisait pas de fabriquer, mais qu'il fallait bien fabriquer, c'est-à-dire de manière à répondre aux besoins, aux goûts, aux caprices même des consommateurs; d'où il tirait la conséquence que les fabricants devaient aller eux-mêmes étudier ces goûts et ces besoins.

C'est là, messieurs, une erreur.

D'abord, la grande majorité des fabricants ne peuvent pas aller étudier les besoins et les goûts du consommateur étranger. Mais en outre, personne n'est mieux placé que le commerçant pour se livrer à l’étude de ces besoins et de ces goûts ; et, certes si quelque riche fabricant a pu se rendre une fois dans sa vie au-delà des mers, pour faire cette étude, il ne pourra renouveler de semblables voyages.

C’est donc le commerçant seul qui peut et doit éclairer les fabricants. C'est à lui à rapporter des pays étrangers des modèles des échantillons, et de commander des marchandises exactement conformes à ces modèles et à ces échantillons, et de les transporter pour son compte outre-mer.

Comme je l'ai dit, le fabricant doit rester fabricant, et il a besoin de tout son temps, de toute son attention, de tout son capital, pour fabriquer bien et à bon marché, ce qui est la base de l'exportation.

Il est donc nécessaire qu'un capital, qui jusqu'à présent s'est tenu timidement caché, se produise enfin pour servir d'intermédiaire entre l'industrie proprement dite et la consommation étrangère. Je viens de dire que jusqu'à présent ce capital s'était tenu caché. J'avouerai sans peine que les conditions premières d'exportation ont pu manquer jusqu'à présent, c'est-à-dire qu'on ne fabriquait ni à assez bon marché, ni assez bien; mais, s'il est vrai, comme je le pense, qu'on soit arrivé, pour plusieurs articles, à réunir ces conditions, le capital du commerce n'aura plus de raison de se tenir à l'écart, et soyez sûrs, messieurs, qu'il ne le fera pas, parce que son intérêt lui conseillera de réaliser les bénéfices que les fabricants pourraient faire eux-mêmes comme exportateurs. L'intérêt du capital privé le forcera donc à se produire pour l'exportation dès qu'il croira pouvoir le faire avantageusement.

Cependant on a dit qu'il faut nécessairement former une société d'exportation. Est-il vrai, messieurs, qu'il faille absolument constituer une société d'exportation? Avant de répondre à cette question, je ferai une distinction. S'il s'agit d'une réunion de capitaux privés destinés à faire le commerce d'exportation sur une échelle plus grande que ne pourraient le faire des particuliers isolés, j'applaudirai de tout cœur à la réalisation de cette idée, et je dirai même qu'il serait à désirer que non seulement une société, mais plusieurs sociétés semblables se constituassent pour se livrer à l'envi à l'échange de nos produits. Mais si on entend par société d'exportation l'affectation d'une portion plus ou moins considérable du trésor public à l'effet de concourir avec des capitaux particuliers à faire le commerce, je verrais, je l'avoue, dans ce système de graves inconvénients.

En effet, de deux choses l'une : ou le commerce d'exportation peut se faire d'une manière fructueuse ou il ne le peut pas. S'il peut se faire d'une manière fructueuse, le capital privé doit le faire et le fera seul; s'il ne peut pas se faire avantageusement, alors en créant une société avec le concours de l'Etat, on compromettrait et l'argent des contribuables et le capital privé que l'on aurait attiré dans cette société; en outre, quand le capital de la société serait épuisé, après avoir surexcité la production, vous arriveriez à une crise fatale pour l'industrie. Dans tous les cas, le pire des systèmes, à mon avis, c'est celui de temporisation, c'est l'incertitude sur la part que prendra ou ne prendra pas le gouvernement dans l'érection de la société dont il s'agit.

En effet, comment voulez-vous que le capital privé puisse entreprendre le commerce d'exportation, s'il a à craindre que le gouvernement forme lui-même une société privilégiée?

Jamais le capital privé ne pourra s'exposera lutter avec une société qui aurait une espèce de monopole et jouirait de toutes les faveurs du gouvernement.

Il faut donc que cette question se vide, il faut qu'on se décide pour un parti ou pour un autre et que le gouvernement sorte de cette attitude expectante où il est resté jusqu'aujourd'hui.

M. le ministre des affaires étrangères a dit dans une séance précédente que le gouvernement attendait les propositions des capitalistes. Ainsi le gouvernement dit au capital privé : Venez à moi, faites-moi des propositions, et je les débattrai. Mais le capital privé se tient sur la réserve, parce qu'il ne sait lui-même quelle faveur demander au gouvernement et qu'il craindrait toujours de ne pas en demander assez.

Je voudrais au contraire que le gouvernement dît au capital privé :

« Voilà ce que je veux faire (si tant est qu'il puisse ou qu'il veuille faire quelque chose) et je n'irai pas plus loin. Si, dans un certain délai, il n'y a pas entente entre nous, vous marcherez seul. »

Alors, messieurs, ou il y aurait entente entre legouvernement et les capitalistes, ou cet accord ne s'établirait pas. S'il y avait entente entre eux, eh bien, la question serait du moins décidée et tout le monde saurait à quoi s'en tenir.

Si au contraire il n'y avait pas entente, et qu'il fût bien décidé que le gouvernement n'irait pas plus loin que son ultimatum, les capitalistes se décideraient à voler de leurs propres ailes? Et s'il y a des chances de faire l'exportation avec succès, celle-ci aura lieu sur une bien plus vaste échelle par les efforts des particuliers rivaux que par l'entremise d'une seule société exerçant un monopole.

Ainsi, messieurs, ce qui paralyse le commerce vers les contrées lointaines, c'est l'incertitude où l'on est sur la part qu'y prendra ou n'y prendra pas le gouvernement.

Qu'arrive-t il aujourd'hui? C'est que les essais d'exportation qui ont lieu ne sont point faits par le commeice, mais par les fabricants eux-mêmes, comme je viens de le dire.

C'est un état anomal, mais il faut bien qu'il en soit ainsi, puisque le commerce ne se montre pas encore et continue à faire défaut à l'industrie.

(page 119) Ce sont donc quelques fabricants qui confient leurs marchandises à des armateurs, sans autre garantie que la probité de ceux-ci, lesquels prennent une commission sur la vente qui a lieu au profit des fabricants, à qui ils rapportent les produits du sol étranger. Des opérations semblables ont déjà réussi plusieurs fois aux fabricants qui les ont faites, et à l'heure qu'il est, plusieurs navires portant une cargaison de plus de 500,000 fr. sont en partance pour la côte d'Afrique.

Il est à espérer que cette affaire aura aussi de bons résultats.

Et, lorsque ces opérations se seront renouvelées encore un certain nombre de fois, le commerce ouvrira les yeux, et fera ce que j'appelle son métier, c'est-à-dire qu'il achètera les objets fabriqués belges , en formera des cargaisons qu'il enverra dans les contrées lointaines et fera des retours sur lesquels il réalisera un deuxième bénéfice dans notre pays.

Mais, messieurs, cela ne sera possible, je le répète, que quand on saura à quoi s'arrêter sur les dispositions du gouvernement à l'égard de la société d'exportation, société toujours en projet, et pour laquelle aucun système n'est spécialement proposé, aucune initiative n'est prise par le ministère.

M. de Theux. - L'honorable M. Loos disait hier : « Si le gouvernement actuel avait continué à marcher dans l'ancienne ornière, l'industrie linière belge n'emploierait encore que des fils à la main. C'est contre ces paroles que je dois protester. En effet, longtemps avant le cabinet actuel, et si ma mémoire est fidèle, en 1838, des sociétés se sont formées pour la filature du lin à la mécanique. Ces sociétés ont demandé au gouvernement l'autorisation de se constituer en sociétés anonymes. Celui qui a l'honneur de vous parler n'a pas hésité à proposer au Roi l'approbation des statuts de ces diverses sociétés. Nous n'étions donc pas les ennemis du progrès de l'industrie ; nous n'étions pas hostiles à la filature à la mécanique.

A la même époque, une industrie nouvelle se produisit : il s'agissait de l'industrie du sucre de betterave; des sociétés demandèrent aussi le privilège de se constituer en sociétés anonymes. D'où vint l'opposition à la formation de ces sociétés? D'Anvers. Pourquoi? Parce qu'elles pouvaient porter atteinte à l'ancienne industrie du sucre exotique. Qu'il me soit permis de rappeler un fait bien remarquable, c'est que plus tard on a demandé, et c'étaient des hommes dits du progrès, la suppression de l'industrie du sucre de betterave, moyennant une indemnité à charge de l'Etat.

Qui s'est opposé à cette demande? Nous avons encore été parmi les opposants.

Ainsi nous ne nous sommes jamais opposés à l'introduction d'une industrie nouvelle ou d'un perfectionnement. Nous savons fort bien qu'il serait stupide d'agir ainsi.

Mais, dit-on, on a cherché à améliorer l'industrie linière en ce qui concerne le fil à la main. Cela est vrai. On n'ignore pas que le fil à la main est encore nécessaire pour certaines spécialilés de l'industrie. Aussi le cabinet actuel s'est également préoccupé de l'amélioration de la filature à la main.

Ainsi tombent d'un coup les reproches faite par l'honorable M. Loos aux administrations précédentes.

Quant aux industries nouvelles des Flandres, soyons plus justes, et disons que les Flandres ont pris l'initiative de l'introduction d'industries nouvelles pour suppléer autant que possible au déficit de l'ancienne industrie linière. C'est ainsi que, dans plusieurs communes, on a introduit des écoles dentellières qui ont été d'une grande utilité, surtout dans la Flandre occidentale. C'est ainsi que l'on a également introduit l'industrie de certains tissus de laine.

Pour rendre justice à qui de droit, disons que l'honorable M. Nothomb a contribué à introduire la manufacture de la ganterie. En ce qui nons concerne, quand nous sommes rentrés au pouvoir en 1846, nous avons chargé l'un des principaux employés de se rendre en Suisse pour y étudier les différentes industries qui pouvaient être introduites en Belgique, moyennant l'aide du gouvernement.

C'est ainsi, notamment en ce qui concerne la broderie, qui est une industrie très considérable en Suisse, que l'honorable M. T'Kint a engagé des brodeuses, connaissant parfaitement leur état, pour former ici des écoles avec l'aide du gouvernement.

Messieurs, vous vous rappelez que lorsque nous sommes arrivés aux affaires, vers la fin de la session, la situation était extrêmement difficile. Vous vous rappellerez encore que l’opposition d'alors, soit dans la chambre, soit au-dehors, n'a pas cherché à faciliter notre tâche, et malgré toutes ces difficultés, nous n'avons cessé de porter toute notre attention sur la situation des Flandres.

Ainsi, par exemple, à l'ouverture de la session de 1847, nous avons demandé un fonds roulant destiné à venir en aide au perfectionnement de l'industrie linière et à l'introduction de nouvelles industries. Nous avons proposé au Roi de prendre un arrêté régularisant l'octroi des subsides, leur emploi et leur surveillance.

Nous avons proposé aux chambres la création d'une société d'exportation pour l'industrie linière principalement et pour les produits d'autres industries que l'on pourrait encore introduire dans les Flandres. Messieurs, cette société d'exportation ne renfermait-elle pas évidemment la pensée de progrès à faire faire à l'industrie linière en ce qui concernait les nécessités des marchés étrangers.

Mais la pensée d'une société d'exportation, isolée de cette pensée de perfectionnements n'eût été qu'une absurdité.

Des subsides ont été accordés pour un atelier d'apprentissage de tisserands en laine, pour un établissement perfectionné de blanchiment et diverses autres mesures.

Messieurs, nous ne nions pas que le gouvernement ait pris diverses mesures utiles aux Flandres, qu'il ait étendu les précédents posés par ses devanciers. Mais il en est en cette matière comme il en sera toujours. Le cabinet actuel pense-t-il que les cabinets qui lui succéderont ne feront plus rien en faveur des intérêts matériels du pays? Et pour ne citer qu'un exemple, rappelons-nous ce qui s'est passe pour les chemins de fer.

Dans le principe, il ne s'agissait que d'établir une communication en faveur du commerce maritime et du transit avec l'Allemagne.

Mais cette ligne primitive a été singulièrement étendue, d'abord par les chambres dans la discussion du projet de loi, ensuite par diverses autres lois qui ont autorisé la construction de voies nouvelles; et finalement par de grandes concessions de chemins de fer auxquelles on était très opposé dans le principe. Qui donc, messieurs, a été le promoteur de ces concessions de chemin de fer? Evidemment les administrations que l'on critique comme ayant empêché toute espèce de progrès.

Messieurs, abandonnant cette discussion et le terrain où l'avait posée l'honorable M. Loos, j'en arrive à quelques considérations plus générales et aussi plus importantes.

Il est évident, messieurs, que la première chose à faire pour un pays comme la Belgique, où il y a un grand nombre d'industriels, de commerçants anciens, instruits et riches, c'est d'adopter un bon système de douanes, calculé d'après les besoins bien compris du pays. C'est la première base; ensuite, lorsqu'on peut les obtenir, de bons traités de commerce; et, finalement, l'intervention du gouvernement pour la création, d'établissements publics qui puissent aider au développement des connaissances dans les sciences et dans les arts, et, en ce qui concerne ce dernier point, toutes les administrations ont apporté à cette matière leur contingent. Inutile d'entrer dans les détails particuliers; cela nous mènerait trop loin.

Je disais, messieurs, que l'essentiel pour un pays est d'avoir un bon système de douane; mais aussi il suit de cette observation qu'il importer que le pays ne reste pas dans l'incertitude sur les intentions du gouvernement et des chambres.

Veut-on, messieurs, continuer les errements d'un système protecteur modéré, ou veut-on entrer, pour l'industrie manufacturière, dans la voie que l'on a parcourue pour l'industrie agricole?

Cette question, messieurs, doit être vidée. Il y a ici un principe de justice qui le réclame, et je dis qu'il y va des plus grands intérêts du commerce et de l'industrie. Car dans l'état d'incertitude, on ne fait rien de bon.

Il faut absolument que l'on connaisse le système auquel nous voulons arriver. Il y a assez longtemps qu'on parle de grandes innovations à l'ancien système, pour que l'on arrive finalement à l'œuvre; soit que le gouvernement en prenne l'initiative, soit que les députés qui soutiennent cette politique en prennent eux-mêmes l'initiative, il faut que cette question soit résolue, et elle ne peut être résolue que par la présentation d'un projet de loi par l'initiative du gouvernement, ou par celle des membres qui veulent suivre une politique commerciale plus libérale ou libre-échangiste, comme on voudra la nommer.

Jusqu'ici, messieurs, parmi les dépulés des Flandres, nous n'avons entendu que l'honorable M. Vermeire qui se prononce à peu près pour le libre échange; l'honorable M. Delehaye le combat.

L'honorable M. Lesoinne est parfaitement pour le libre échange; il est conséquent dans ses principes, et je suis convaincu qu'il ne reculerait pas non plus devant le vote de ses principes, devant leur conversion en loi.

Mais je ne suis pas aussi convaincu que lui que l'industrie métallurgique, dont il signale les souffrances, profiterait grandement de l'abolition des droits protecteurs.

Il prétend que cette industrie est beaucoup plus souffrante que l'industrie agricole. Je ne puis pas établir la comparaison ; mais ce que je sais parfaitement bien, c'est que l'industrie agricole est véritablement souffrante, et il n'y a pas une seule commune rurale où l'assertion contraire ne recevrait un démenti.

Quoi qu'il en soit, messieurs, j'en reviens toujours à ceci. C'est qu'il faut que l'on en finisse une bonne fois par une discussion d'ensemble de noire système de douane; et pour préparer, à cette discussion, je désirerais que MM. les ministres de l'intérieur et des finances fissent imprimer, pour l'instruction de la chambre, un tarif belge comparé avec toutes les modifications introduites récemment dans les divers pays.

Je voudrais en outre que ce tarif fût accompagné de quelques aperçus sur les industries qui donnent lieu aux plus grandes importations ou exportations.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce travail existe.

M. de Theux. - Diverses modifications ont été introduites depuis quelques années, qu'il serait important de faire connaître aux chambres, afin que l'on eût pas besoin de recourir à une quantité de journaux qu'il est difficile de réunir pour établir des examens comparatifs assez com pliqués par eux-mêmes, même lorsque le gouvernement facilite la besogne.

Encore un dernier mot à l'honorable M. Loos.

Il a parlé avec éloges de la navigation à vapeur. Nous n'avons jamais blâmé le projet que le gouvernement conçut en 1840 d'établir une ligne de navigation à vapeur; mais nous nous sommes abstenus de voter le projet de loi parce que le gouvernement se bornait à demander un crédit (page 120) en se réservant d'appliquer ce crédit comme il l'entendrait. Or, nous avions la conviction que le gouvernement fait toujours de mauvaises opérations lorsqu'il s'agit de matières si compliquées et qu'il n'a pas avant tout consulté le commerce et l'industrie, qu'il n'a pas mis tous les intéressés à même de produire leurs observations sur un projet complètement formulé, prévisions ne se sont que trop réalisées et il ne pouvait en être autrement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'opération a été mal conduite ; on a tout fait pour la faire manquer.

M. de Theux. - Elle aurait peut-être été mieux conduite si, en demandant les fonds aux chambres, on avait admis le système d'une publicité complète. Alors il serait arrivé de part et d'autre des observations critiques et on aurait évité les fautes qui ont été commises.

C'est pour le même motif que nous n'avons pas voulu, en 1847, demander à la chambre, à priori, un crédit pour la formation d'une société de commerce.

Nous avons présenté à la chambre un projet de loi dans lequel l'application de notre pensée était formulée, afin qu'elle fut livrée à la publicité et que la chambre pût recevoir tous les renseignements propres à l'éclairer; et je suis convaincu que la chambre aura toujours grand tort d'accorder des fonds, à priori, pour des opérations de ce genre, parce que les fonds ainsi accordés seront presque toujours mal employés.

M. Cumont. - Messieurs, j'ai demandé hier la parole pour répondre à l'honorable M. Loos, parce que son discours contenait contre les Flandres une accusation, que je dois relever comme représentant de ces provinces. L'honorable M. Loos, en annonçant qu'il s'opposerait à la création d'une société de commerce, a dit ce qui suit :

« On veut une société dont le capital passerait bien vite de la caisse de cette société, dans la caisse des industriels. ».

Et il a ajouté :

« J'ai connu de prime abord le but que voulait atteindre l'industrie des Flandres. »

Je vous en fais juges, messieurs : cette accusation est-elle méritée? Que demandent nos fabricants? Mais une chose qui serait dans l'intérêt de tout le pays : ils demandent que nous ayons des négociants qui exportent nos produits.

M. Loos dit encore : « Faites des produits susceptibles d'être exportés, et nous vous en procurerons la vente. » Et il a cité un exemple qui est tout à fait contraire à son opinion : on a créé à Anvers une espèce de société d'exportation, je veux parler de la sociéte de Saint-Bernard ; nous avons voté 2 millions pour mettre cette institution à même de fabriquer des objets propres à être exportés; elle l'a fait et elle a rendu un très grand service au pays.

Mais, messieurs, par qui croyez-vous que ces objets ont été exportes? Anvers en a exporté peut-être la vingtième partie; le reste a été exporté par des maisons de Hambourg et par des maisons anglaises. Et c'est après cela qu'on vient nous dire : « Faites des objets propres à être exportés, el nous les exporterons ! » (Interruption.) Quant aux droits différentiels, je n'en suis pas plus partisan que M. Lebeau, qui m'interrompt.

On vient nous dire qu'une société d'exportation serait nécessairement un gouffre pour nos finances. Mais, messieurs, la société de Saint-Bernard est une société d'exportation sur une petite échelle, et elle fait des bénéfices : pourquoi ne voulez-vous pas qu'une société un peu plus étendue et bien constituée, obtienne le même résultat ?

Ce qui nous manque, messieurs, c'est l'élément commercial, ce sont des moyens d'exporter nos produits, et sous ce rapport Anvers nous fait complètement défaut. Ce qui nous manque, ce ne sont pas des marchandises exportables, c'est le commerce intermédiaire, et je désire que le gouvernement comprenne que cet élément nous faisant défaut, il faut nous le procurer.

M. Loos trouve que nous ne devons pas avoir des comptoirs subsidiés par le gouvernement, ni un système de navigation transatlantique, ni une société de commerce. Nous professons, mes amis et moi, une tout autre opinion : nous pensons que des comptoirs bien établis peuvent être d'une grande utilité au pays, et je félicite l'honorable ministre des affaires étrangères d'être entre dans cette voie.

Lorsqu'on nous a proposé, messieurs, l'établissement d'un comptoir à Santo-Tomas, l'honorable M. Loos, quoique désapprouvant les comptoirs, a voté pour cette proposition, parce que ce sont des maisons d'Anvers qui établiront le comptoir. Le gouvernement accorde un subside de 150 mille francs, je l'approuve, parce que je suis persuadé que cette somme produira de bons résultats ; mais je trouve que lorsqu'on vient d'un côté combattre un principe et, d'un autre côté, lorsque sa localité y est intéressée, voter en faveur du même principe, ce n'est pas là agir dans l'intérêt général du pays.

L'honorable M. Van Grootven a demandé un subside pour des navires qui partiraient de Gand, et qu'on ne se borne pas à accorder des subsides pour Anvers seulement. M. Loos trouve très convenable qu'on accorde ce subside à des navires partant d'Anvers, mais il croit que ce serait l'abomination de la désolation que de l'accorder à des navires partant de Gand. Eh bien, messieurs, j'ai la bonhomie de croire que les navires qui partiraient de Gand rendraient de plus grands services au pays, répondraient mieux au but que se propose le gouvernement ; en mettant les capitaines directement en rapport avec nos grands centres d'industrie, en les amenant à converser avec eux, on favoriserait certainement beaucoup mieux les exportations qu'en obligeant les producteurs à tout faire par l'intermédiaire d'Anvers.

J'ai dit que je suis favorable à la société d'exportation, que M. Loos a combattue ; eh bien, cette société existe à Anvers, en petit, c'est, je le répète, la société de St-Bernard, qui obtient encore une fois l'approbation de M. Loos, toujours parce qu'elle est à Anvers ; mais du moment qu'il s'agit d'étendre une semblable institution au pays entier, l'honorable membre n'en veut plus.

M. Veydt. - Je demande la parole.

M. Cumont. - Je me borne à citer des faits pour répondre aux accusations qu'on a lancées contre les Flamands de ne chercher qu'à manger le capital que le gouvernement mettrait à leur disposition.

- La clôture est demandée, mise aux voix et prononcée.

Articles 25 à 28

« Art. 25. Ecole de navigation. Personnel : fr. 11,720. »

- Adopté.


« Art. 26. Ecole de navigation. Frais divers : fr. 7,280. »

- Adopté.


« Art. 27. Chambres de commerce : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Frais divers et encouragements au commerce : fr. 19,900. »

- Adopté.

Article 29

« Art. 29. Encouragements pour la navigation à vapeur entre les ports belges et ceux d'Europe, ainsi que pour la navigation à voiles, sans que, dans l'un ou l'autre cas, les engagements puissent obliger l'Etat au-delà du crédit alloué pour l'exercice 1851, et sans que les crédits puissent excéder 40,000 fr. par service, sauf pour le service au-delà du cap Horn. Personnel : fr. 1,050. »

- La section centrale propose de supprimer les mots « à vapeur et à voiles ».

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je me suis rallié à cette proposition.

M. Cumont. - J'appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la pénurie qui existe dans les moyens de communication entre notre pays et l'Espagne. M. le ministre nous a dit, il y a deux jours, qu'il allait s'occuper de ces communications; je lui en sais beaucoup de gré. M. le ministre nous a parlé aussi de communications avec la Russie ; mais ces communications sont moins nécessaires qu'avec l'Espagne, parce que le droit différentiel qui frappe nos produits en Espagne, lorsqu'ils ne sont pas introduits par le pavillon espagnol, nous met dans l'impossibilité de les expédier par nos propres navires. Il est urgent que notre gouvernement fasse à cet égard un arrangement avec celui d'Espagne, pour amener la réciprocité entre les deux pays. Beaucoup d'affaires sont manquées aujourd'hui à cause de cet état de choses qu'il importe de faire cesser au plus tôt.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je reconnais l'utilité qu'il y aurait à ce qu'une ligne de navigation subsidiée fût établie entre la Belgique et l'Espagne. C'est une commission instituée à Anvers qui fait ses propositions au gouvernement, quant aux lignes subsidiées qui doivent obtenir la préférence.

Eh bien, on a déjà attiré l'attention de cette commission sur des propositions qui m'ont été faites dans le sens qui vient d'être indiqué par l'honorable M. Cumont.

Plusieurs autres lignes sont encore indiquées: ce qui prouve combien, me commerce attache de l'importance à ces lignes de navigation. Il faut faire un choix entre ces différentes directions; jusqu'à présent il n'a pas encore été fait. Pour l'année 1851, j'appellerai l'attention de la commission sur les observations qui viennent d'être présentées.

- L'article 29, tel qu'il est modifié par la section centrale, est mis aux voix et adopté.

Article 30

« Art. 30. Encouragements pour la navigation à vapeur entre les ports belges et ceux d'Europe, ainsi que pour la navigation à voiles, sans que, dans l'un ou l'autre cas, les engagements puissent obliger l'Etat au-delà du crédit alloué pour l'exercice 1851, et sans que les crédits puissent excéder 40,000 francs par service , sauf pour le service au-delà du cap Horn. Frais divers : fr. 113,350. »

- Adopté.

Article 31

« Art. 31. Primes pour construction de navires : fr. 20,000. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, j'ai une observation importante à faire, à propos de l'article en discussion. Le crédit proposé est égal à celui qui a été alloué pour 1850. Mais je dois faire connaître à l'assemblée que ce crédit sera très insuffisant pour pourvoir à toutes les dépenses que nécessiteront les primes à accorder pour la construction des navires. J'ai déjà eu l'honneur de présenter cette observation à la section centrale, et la section centrale, reconnaissant cette insuffisance, m'a engagé à déterminer le chiffre qui serait nécessaire pour les exigences de l'année 1851. J'ai cherché à établir ce chiffre d'après les déclarations qui sont déjà faites aujourd'hui au département et celles qui pourraient être faites postérieurement. Mais il ne m'est pas possible de le bien préciser. Je dois donc me borner à dire qu'un crédit supplémentaire sera nécessaire pour pourvoir à cette dépense.

Pour vous donner, messieurs, une idée du développement qu'a pris le construction des navires, je citerai quelques chiffres.

(page 121) De 1841 à 1849, il n'a été construit que 36 navires.

Cela fait une moyenne de 4 navires par année; en 1850, onze navires jouiront de la prime; pour 1851, on a déjà déclaré 8 navires, dunt un de 800 tonneaux qui emporte à lui seul une prime de 15,000 francs.

Voilà donc 10 navires construits en deux ans; si vous y ajoutez les 10 navires qui ont été nationalisés dans le cours de cette année, sans compter ceux qui le seront pendant l'année 1851, vous arrivez à 29 navires d'augmentation pour notre marine marchande.

Mais de ce développement des constructions maritimes, résulte la nécessité de payer des sommes plus considérables. En 1849, un seul navire a obtenu une prime ; pour 1850 et pour 1851, on en signale 10 ; je crois que la dépense à faire de ce chef pendant l'année 1851 sera d'environ 100,000 francs. Je devrais donc demander approximativement un crédit de 100,000 francs.

Vous savez, messieurs, que ce chiffre ne peut être discuté. Il y a droit acquis de la part des constructeurs de navires, aussi longtemps que la loi n'est pas expirée et que les intéressés se trouvent dans les conditions requises.

M. Osy. - Messieurs, le gouvernement connaît la répugnance générale de la chambre à voter des crédits supplémentaires, lorsqu'on peut, dans le budget même, déterminer le chiffre de la dépense nécessaire.

Eh bien, dans le rapport de la section centrale qui a été déposé au mois de mai, le gouvernement prévoyait une insuffisance de 23 mille francs. Je crois que le gouvernement doit connaître les navires qui se trouvent sur les chantiers, et quelle sera la dépense de l'année actuelle.

J'aurais donc désiré que le gouvernement voulût désigner le chiffre et que nous eussions pu le voter dans le budget actuel.

L'honorable M. Vermeire me paraît ne pas m'avoir bien compris. Je ne suis pas de ceux qui demandent l'abolition de la prime. J'ai pour principe de descendre graduellement de primes que nous accordons. Voila mon système.

(erratum, page 130) Lorsque l’honorable M. Julliot a demandé l’abolissement des primes, j'ai demandé la naturalisation de navires étrangers, afin de faire comme nos voisins, c'est-à-dire avec un droit beaucoup moindre.

L'honorable ministre des affaires étrangères a protesté contre le chiffre de 14 p. c. que j'ai mis en avant pour un navire.

Si l'honorable ministre veut prendre des renseignements pour un navire de trois cents tonneaux qui a été nationalisé (l'Océanic) qui est allé en Océanie, il apprendra que c'est un droit de 14 p. c. que ce navire a payé.

J'engage donc le gouvernement à examiner, dans le courant de la session, s'il n'y aurait pas lieu à abaisser également le droit d'entrée pour les navires étrangers. (erratum, page 130) Les armateurs verront ce qui vaut mieux d'acheter à l'étranger ou de construire dans le pays. Si l'on trouve qu'il vaut mieux d'échanger à l'étranger, la prime que nous percevons aujourd'hui disparaîtra entièrement, et je suis certain que de cette manière vous aurez des recettes et non pas des dépenses.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, d'après les renseignements qui me sont parvenus jusqu'à présent, il y a possibilité de déterminer un chiffre approximatif pour les crédits dont il s'agit ; mais je ne puis pas garantir que d'autres déclarations ne nous viendront encore, et que, par conséquent, ce chiffre ne doive être encore augmenté. Cependant, pour répondre au désir de la section centrale et de l'honorable préopinant, je proposerai de porter, dans l'article dont il s'agit, une somme de 95 mille francs.

Voilà, d'après les renseignements qui nous sont parvenus, ce qu'exigera l'application de la loi qui accorde des primes pour construction de navires. Ce crédit serait applicable aux navires construits, aussi bien en 1850 qu'en 1851, car dès à présent les fonds alloués pour 1850 sont épuisés.

M. Osy. - Messieurs, dans les rapports que nous avons sous les yeux, je vois qu'au mois de mai, l'insuffisance des crédits demandés ne se montait qu'à 22 mille francs ; de manière que c'est 42 mille francs que nous aurons votés.

Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si depuis le mois de mai on a mis tant de navires sur les chantiers. Je crois que nous ne devrions voter le chiffre que pour les navires qui se trouvent sur les chantiers. Si dans le courant de l'année 1851 on en construit encore, on ne payera qu'en 1852. Je demande donc à M. le ministre des affaires étrangères de nous indiquer le chiffre réel des navires qui se trouvent sur les chantiers aujourd'hui.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - D'après la note qui m'a été remise, la somme que je viens d'indiquer est nécessaire. Plusieurs déclaratio s ont été faites depuis le moment où la section centrale a été saisie du budget, c'est-à-dire depuis le mois de mars ou d'avril. Le chiffre de l'insuffisance constatée alors doit être augmenté en raison des nouvelles déclarations qui ont été faites. Si le chiffre que je propose était un peu trop élevé, comme le pense l'honorable préopinant, il ne serait pas enlièrement dépensé. N'est-il pas préférable de fixer un chiffre un peu plus élevé que ce que l'honorable membre croit suffisant, pour éviter l'inconvénient signalé par la section centrale et par l'honorable M. Osy lui-même, de devoir recourir à un crédit supplémentaire. C'est d'après tous les renseignements recueillis que j'ai cru devoir fixer le chiffre à 95,000 fr.

M. De Pouhon. - Ce n'est pas seulement par des primes qu’on peut encourager la construction des navires dans le pays. Ces primes peuvent n'amener aucun résultat utile si d'un autre côté on prend des mesures de nature à produire des effets contraires à ceux qu'on espère obtenir en accordant des primes.

Il m'a été assuré que M. le ministre des affaires étrangères avait l'intention de demander un crédit de 400,000 fr. pour faire construire un quatrième bateau-poste et qu'il devait faire construire ce navire en Angleterre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je n'ai manifesté cette intention à personne.

M. De Pouhon. - Nous ne demandons qu'à être rassurés sur ce point.

Nous avons en Belgique deux ateliers de construction qui ont été établis à très grands frais et qui construisent pour l'étranger ; si le gouvernement s'adressait à un pays étranger pour faire construire un de ses navires, il donnerait un brevet d'incapacité aux constructeurs nationaux.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Il n'a jamais été question de cela.

M. De Pouhon. - La déclaration de M. le ministre me satisfait complètement; le projet avait été annoncé aux industriels dont je viens de parler.

M. de T'Serclaes, rapporteur. - Comme on l'a fait remarquer, la section centrale, frappée des inconvénients qui résultent de la demande de crédits qui sont reconnus d'avance insuffisants, a insisté pour que le gouvernement cherchât à préciser la dépense au moment du vote. La pensée de la section centrale était que la somme fût augmentée en proportion des besoins réellement constatés. Au 20 mars, quand nous avons examiné le budget, l'insuffisance était de 23,000 fr. ; aujourd'hui, M. le minisire accuse un chiffre beaucoup plus élevé. Il est conforme aux intentions de la section centrale que le chiffre reconnu aujourd'hui nécessaire soit accordé par la chambre. Ce chiffre ne peut pas être discutér attendu que la somme est duc en vertu d'une loi dont les effets expirent au 31 décembre 1851.

- Le chiffre de 95,000 fr., proposé par M. le ministre des affaires étrangères, est mis aux voix est adopté.

Articles 32 et 33

« Art. 32. Pêche maritime. Personnel : fr. 7,750. »


« Art. 33. Pêche maritime. Frais divers : fr. 92,250. »

M. de T’Serclaes, rapporteur. - La section centrale a proposé des modifications à ces articles. Elle a proposé d'abord de porter à 7,930 au lieu de 7,750 le chiffre de l'article 32 et de fixer à 92,030 au lieu de 92,250 le chiffre de l'article 33 ; elle propose, en outre, de changer le libellé de ce dernier article, de remplacer les mots : « frais divers » par le mot « prime » qui figure dans le développement.

Le gouvernement s'est rallié à ces modifications.

- Les articles 32 et 33 sont mis aux voix et adoptés avec les modifications ci-dessus.

Chapitre VIII. Marine

Articles 34 à 39

« Art. 34. Pilotage. Personnel : fr. 169,410. »

- Adopté.


« Art. 35. Pilotage. Remises à payer aux pilotes (crédit non limitatif) : fr. 187,510. »

- Adopté.


« Art. 36. Passage d'eau. Personnel : fr. 11,830. »

- Adopté.


« Art. 37. Police maritime. Personnel : 27,900. »

- Adopté.


« Art. 38. Primes d'arrestation aux agents et vacations aux experts chargés de la surveillance et de l'embarquement des émigrants (crédit non limitatif) : fr. 2,800. »

- Adopté.


Article 39. Sauvetage. Personnel : fr. 15,800. »

La section centrale propose une réduction de 1,300 fr. Le gouvernement s'y rallie.

- Le chiffre de 14,300 fr. est mis aux voix et adopté.

Article 40

« Art. 40. Paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres, pour le transport des lettres. Traitements des courriers et agents : fr. 14,350. »

M. Delfosse. - Lors de la discussion du budget des affaires étrangères et de la marine pour l'exercice 1849, j'ai exprimé l'opinion quer l'exploitation par l'Etat du service de paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres était très onéreuse au trésor, les dépenses dépassant de beaucoup chaque année les recettes. M. le ministre des affaires étrangères a combattu mon opinion et promit le dépôt d'un rapport détaillé qui, selon lui, démontrerait mon erreur.

(page 122) Ce rapport a été déposé; je l'ai lu avec attention et j'ai le regret de n'y avoir pas trouvé la démonstration promise par M. le ministre.

Du 30 juillet 1844 au 3 mars 1846, nous avons eu un service de paquebots à vapeur exploité par le gouvernement anglais conjointement avec une compagnie subsidiée par l'Etat.

Il y avait alors six départs de Douvres et six départs d'Ostende par semaine. Le gouvernement belge payait au gouvernement anglais un subside de 1000 livres sterling et à la compagnie un subside de pareille somme, en tout 2000 livres sterling, soit 51,000 fr. Pour un service quotidien, la dépense se serait élevée à 59,500 fr. L'Etat a jugé à propos de se substituer à la compagnie, et il a commencé par dépenser, en frais de premier établissement, environ 1 million de francs.

Voici quelle a été la dépense, année par année, de 1846 à 1849 ;

La dépense de 1846 (d'après le rapport déposé par M. le ministre des affaires étrangères) s'élève à 90,064 fr. Il faut ajouter ce qu'a dû coûter le personnel de la marine militaire pour le seul bateau exploité en 1846. La dépense pour trois bateaux était, en 1848, de 103,406 fr., la dépense pour 1846 doit être évaluée à 28,703 fr. Total : 118,787 fr.

Année 1847. Dépense d'après le rapport, 150,393 fr. 24 c. Personnel de la marine militaire pour un bateau pendant un an : 34,468 fr. Un autre bateau pendant cinq mois : 14,361 fr. Total : 199,222 fr. 24 c.

Année 1848 : Dépense d'après le rapport : 203,288 fr. 23 c. Personnel de la marine militaire : 103,406 fr. Total : 306,694 fr. 23 c.

Année 1849 : La dépense totale, y compris le personnel de la marine militaire, a été de 295,035 fr. 73 c.

La dépense totale pour les quatre années a été de 919,736 fr. 96 c.

Voyons quelles ont été les recettes. On avait supposé (pour montrer l'entreprise sous un jour favorable) que la recette serait annuellement de plus de 500,000. Elle a été en 1846 de 83,813 fr. 95 c., en 1847 de 140,660 fr. 18 c. et en 1848 de 130,975 fr. 34 c.

(Lorsque nous avons signalé, dans le temps, la grande différence qu'il y avait entre ces recettes et les évaluations primitives du gouvernement, on nous a répondu que l'année 1848 était une année exceptionnelle, que les années suivantes donneraient de meilleurs résultats. On paraissait alors espérer, pour les années suivantes, une recette égale ou à peu près aux évaluations primitives, c'est-à-dire de plus de 500,000 fr. Celte espérance ne s'est guère réalisée.)

En 1849, la recette n'a été que de 171,564 fr. 89 c.

Recette totale des quatre années : 527,014 fr. 36 fr.

Excédant, pour les quatre années, des dépenses sur les recettes : 392,722 fr. 60 c.

Mais il faut ajouter à cette perte les intérêts des frais de premier établissement. Je me bornerai à un calcul approximatif. Je néglige la partie payée avant 1846 et je porte la dépense à une somme ronde de 1,000,000 fr.

Intérêts à 5 p. c. pendant quatre ans : 200,000 fr.

Il faut, en outre, tenir compte de la détérioration des bateaux.

A raison de 10 p. c. par an, cette perte doit être évaluée comme suit :

Premier bateau. Dépenses 328,943 fr. 10 p. c. pour détérioration, pendant quatre ans 131,577 fr. 20 c.

Dépenses des deux autres bateaux : 644,420 fr. 40 c.

Détérioration, un bateau, 3 mois en 1847 : 13,425 fr. 43 c.

Deux bateaux, en 1848 et 1849 : 128,884 fr. 08 c.

Si l'on tient compte de lous les chiffres que je viens de communiquer à la chambre, l'excédant des dépenses sur les recettes pour les 4 années, sera de 866,609 fr. 31 c.

Si l'on suppose que toutes les années à venir donneront les mêmes résultats que 1849, la perte par année devra être calculée comme suit :

Dépense indiquée par la section centrale, d'accord avec le ministre : 295,633 fr. 73 c.

Intérêts du capital engagé : 50,000 fr.

Détérioration à raison de 10 p. c. : 97,356 fr. 34 c.

Total par année : 442,370 fr. 07 c.

A déduire pour la recette (en supposant que la recette obtenue en 1849 se maintienne) : 171,564 fr. 69 c.

Reste : 270,805 fr. 18 c.

Il faut en déduire la somme qui devrait être payée à la compagnie et au gouvernement anglais pour un service quotidien : 59,500 fr.

Perte pour chaque année : 211,305 fr. 18 c.

D'après le rapport, il faudrait aussi en déduire une somme d'environ 36,000 fr. pour les traitements de disponibilité qui devraient être payés au persounel de la marine militaire. Mais cette charge ne serait que temporaire. Supposons que cela équivale en charge permanente aux 11,305,18.

Nous subirions chaque année une perte nette de 200,000 fr.

Le rapport fait valoir, en compensation de cette perte, les avantages indirects que, selon M. le ministre des affaires étrangères, le service des bateaux à vapeur aurait procurés au trésor.

C'est ainsi que le transit des dépêches, qui ne s'élevait en 1843 qu'à 12,535 fr., a monté successivement jusqu'en 1849, à 149,590 fr. Augmentation de 137,000 francs environ.

C'est ainsi que les produits de la station du chemin de fer d'Ostende se sont accrus en 1846 d'une centaine de mille francs. M. le minisire ne nous a fait connaître que les résultats de cette année. Il évalue à 200,000 francs l'augmentation réelle de toutes les stations, augmentation qu'il attribue, on ne sait sur quelles données, à l'établissement d'un service de bateaux à vapeur entre Ostcnde et Douvres.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - C'est d'après les renseignements du ministère des travaux publics que j'ai indiqué ce chiffre.

M. Delfosse. - Vous me répondrez, M. le ministre. Je ferai d'abord remarquer que les avantages indirects signalés par M. le ministre des affaires étrangères, doivent en grande partie être attribués à d'autres causes. Depuis 1843, nos relations commerciales et industrielles se sont considérablement développées ; il y a eu en conséquence un accroissement de voyageurs et de correspondances indépendant d'un service de bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres.

Chacun sait aussi que chaque année la ville d'Ostende voit affluer dans ses murs un plus grand nombre d'étrangers qui viennent y prendre les bains de mer.

Je n'ai, du reste, jamais nié les avantages d'un service quotidien de bateaux à vapeur entre Ostendc et Douvres. Ils sont inconlestables. Ce que j'ai blâmé, ce n'est pas l'établissement du service en lui-même, c'est l'exploitation par l'Etat.

Lorsque le service était fait par le gouvernement anglais conjointement avec une compagnie subsidiée, il ne nous coûtait que 51,000 fr. Cependant, bien qu'il n'y eût que six départs par semaine, le produit du transit des dépêches qui n'était, comme je l'ai dit tantôt, en 1843 que de douze mille et quelques cents francs, a sextuplé en deux années. En 1845 il était de plus de 79,000 francs.

En 1848, après trois années d'un service quotidien exploité par l'Etat, ce produit, qui avait sextuplé en deux ans, n'était pas même doublé. De 79,000 fr., il ne s'était élevé qu'à 149,000 fr.

Ce qu'il y aurait eu de mieux à faire, messieurs, c'était de rendre le service quotidien, et non de le reprendre à la compagnie pour le confier à l'Etat. Nous aurions obtenu par là les mêmes avantages indirects (je vous ai, en effet, démontré que ces avantages ont été, toute proportion gardée, plus grands lors de l'exploitation par la compagnie), nous aurions eu les mêmes avantages indirects en dépensant par année 200,000 francs de moins.

Je ne sais si le gouvernement trouverait encore à traiter aujourd'hui avec une compagnie présentant des garanties suffisantes, mais on m'a assuré qu'il a pu dans le temps traiter avec une compagnie qui offrait à certaines conditions de se charger gratuitement du transport des dépêches ; je regrette qu'il ne l'ait point fait.

J'ai cru, messieurs, devoir vous soumettre ces observations. Mon vœu est que l'Etat ne conserve pas l'exploitation du service des bateaux à vapeur. Si mon avis ne prévaut pas, j'engage sérieusement M. le ministre des affaires étrangères à ne négliger aucune mesure propre à grossir les recettes et à diminuer les dépenses.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, si l'Etat avait eu en vue, comme un entrepreneur ordinaire, de réaliser des bénéfices directs sur le service de paquebots d'Ostende à Douvres, par la balance des recettes et des dépenses, je suis de l'avis de l'honorable préopinant, c'eût élé une mauvaise spéculation. Mais quelles ont été les intentions qui ont dicté l'adoption de la loi qui a décrété le service dont il s'agit ? D'abord, messieurs, on a voulu faciliter et régulariser nos relations avec l'Angleterre.

On a voulu que le transport des dépêches, qui forme l'objet principal du service, fût assuré; on a voulu que les conventions postales conclues avec l'Angleterre fussent appliquées de manière à ce que toutes les stipulations reeussent leur exécution, et que le transit des lettres de (page 123) l'Allemagne, par exemple, et des autres pays soit pour l'Angleterre, soit pour les colonies, se fît d'une manière permanente, prompte et régulière.

Ensuite, messieurs, on a voulu attirer le courant des voyageurs sur les plus grandes lignes de nos chemins de fer, et enfin on a voulu que la ville d'Ostende ne fût pas, dans telle ou telle circonstance, privée de communications qui lui sont d'un très grand avantage.

Examinons, messieurs, si le but qu'on a cherché à atteindre, si les intentions qu'on a eues se sont réalisées.

D'abord en 1844, nous n'avions entre Ostende et Douvres que quatre départs.

Eusuite lorsqu'on vertu de la convention postale qui a été conclue entre la Belgique et l'Angleterre, il a été décidé qu'il serait établi un service du gouvernement belge pour le transport des dépêches, on fit, en attendant la construction des navires de l'Etat, et du consentement du gouvernement anglais, un arrangement provisoire avec une société anglaise, d'après lequel deux départs nouveaux eureut lieu; mais il restait encore une lacune, puisqu'il n'y avait alors que six départs. Maintenant, par l'organisation du service, nous avons donc obtenu ce que l'on désirait, c'est-à-dire un service quotidien assuré.

Ainsi donc, si la société était restée, et je ne sais si cela serait entré dans ses convenances, il y aurait eu un jour d'interruption dans le service.

Voici surtout l'avantage du service par l'Etat. Si vous avez affaire à une société, d'abord ce sera un service étranger, et je crois que l'on doit préférer un service national; ensuite comment voulez-vous avoir l'assurance, avec une société, que les heures de départ seront en coïncidence avec le mouvement des convois du chemin de fer, de manière que le transport des dépêches s'effectue régulièrement. Voilà ce que vous obtenez avec un service qui vous appartient, mais ce que vous n'obtiendriez pas d'une société. A l'époque dont M. Delfosse a parlé, la société avait décidé que les départs auraient lieu à huit heures du matin : son principal intérêt n'était pas de transporter des dépêches, c'était de transporter des voyageurs. Pour nous, au contraire, le transport des dépêches est très important, et c'est pour qu'il puisse se faire avec régularité et promptitude, que nous faisons coïncider les départs des bateaux à vapeur avec l'arrivée des convois du chemin de fer.

Ces départs, vous le savez, ont lieu à une heure extrêmement avancée, et c'est ce qu'on n'obtiendrait pas d'une société à moins de faire de très grands sacrifices. Comment voulez-vous, messieurs, qu'une société, qui veut avant tout réaliser des bénéfices par le transport des voyageurs, consente à faire partir ses bateaux, par exemple, à une heure de la nuit, dans la saison actuelle? Quant à nous, nous ne tenons aucun compte ni de ces inconvénients ni des marées; les heures sont fixées d'une manière invariable pour nos paquebots et, quelque temps qu'il fasse, ils doivent parlir et transporter les dépêches.

Nous avons donc obtenu ce premier résultat que nos relations avec l'Angleterre par Ostende sont régulières et quotidiennes, et qu'elles présentent toutes les garanties et toutes les facilités pour le transport des dépêches.

Le deuxième avantage qui résulte de ce service, c'est, messieurs, d'activer les transports de voyageurs sur notre chemin de fer et d'amener ainsi la réalisation d'un certain bénéfice. Eh bien, messieurs, d'après les renseignements qui ont été donnés par le département des travaux publics, auquel j'ai posé nettement la question, il y a eu une augmentation notable de recettes sur le chemin de fer, due à l'influence du service des paquebots. Ici je ferai remarquer à l'honorable M. Delfosse que la position n'est plus la même qu'en 1845 : nous avons à lutter maintenant contre une concurrence extrêmement redoutable, celle de la ligne de Calais. Depuis que le chemin de fer est terminé dans la direclion de Calais, il est évident que les voyageurs qui se rendent d'Allemagne et de Belgique même, en Angleterre, et vice versa, sont souvent amenés à prendre la voie de Calais. Eh bien, la société, s'il s'en présentait une, tiendrait nécessairement compte de cet état de choses qui n'existait pas en 1845.

Du reste, messieurs, jusqu'à présent il ne s'est pas présenté une société sérieuse pour se substituer au gouvernement; je n'ai eu aucune nouvelle de celle à laquelle l'honorable M. Delfosse a fait allusion; j'ai bien reçu, dans le temps à ce sujet une lettre d'un individu, je ne me rappelle pas, au juste, d'où il était, mais d'après les renseignements quej'ai pris, sa proposition n'avait rien de sérieux.

Je dois reconnaître du reste, messieurs, que les résultats financiers de cette entreprise n'ont pas entièrement répondu à ce que l'on avait espéré quand on a discuté le projet de loi. A cette époque on avait d'assez grandes espérances, même sous le rapport financier; le résultat, j'en conviens, n'a pas complètement justifié ces espérances. Cependant le nombre de voyageurs qui a été transporté est pour le moins aussi considérable qu'on l'avait prévu. On avait calculé sur 20 voyageurs par voyage ; eh bien, la moyenne a été de 28 ; mais ils n'appartiennent pas tous à la première classe comme on l'avait présumé.

Voici, en effet, quel a été le mouvement des voyageurs :

En 1846, 4,548 voyageurs, 28 par voyage.

En 1847, 7,980 voyageurs, 32 par voyage.

En 1848, 7,550 voyageuurs, 23 par voyage.

En 1849, 9,986 voyageurs.

Le nombre sera plus considérable en 1850.

Quant à la recette directe, qui a été, comme le dit fort bien M. Delfosse, de 171,504 fr. en 189, elle ne restera pas beaucoup au-dessous de 200.000 fr. en 1850. Jusqu'au 1er novembre elle était de 165,576.

Il m'est impossible de discuter immédiatement tous les chiffres posés par l'honorable membre; mais il est à observer que le service n'a été complètement organisé qu'à partir de 1848. Il n'y a eu qu'un bateau pendant la première période, du 3 mars 1846 au 10 août 1847; il y en a eu deux pendant la seconde période, du 10 août 1847 au 21 avril 1848, et c'est seulement à partir de cette époque qu'il y a trois bateaux, c'est-à-dire que le service a été complet. Ce n'est donc que d'après les résultats produits depuis lors que l'on peut apprécier. Eh bien, messieurs, voyons ce qui a eu lieu en 1849. Je ferai entrer en ligne de compte absolument tout ce qui constitue la dépense. Nous avons d’abord le capital engagé, que je porte à un million , bien qu’il ne soit pas tout à fait de cette somme, et ici je dois faire une observation : l’honorable M. Delfosse a fait partir l’intérêt d’un million de 1846, mais en 1846 le capital tout entier n'était pas engagé.

M. Delfosse. - Une partie était engagée avant 1846 et je n'ai rien compté de ce chef, de sorte qu'il y a compensation.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - J'ai entre les mains l'état officiel des bons du trésor qui ont été successivement émis pour cet objet ; les intérêts ne s'élevaient, jusqu'au 19 avril 1848, qu'à la somme de 82,980 francs, et non à 200,000 francs.

Mais examinons les résultats de l'année 1849, puisque précédemment le service n'était pas entièrement organisé, et que l'année 1848 a été fort désastreuse pour le chemin de fer comme pour les bateaux à vapeur.

Intérêt du capital d’un million : fr. 50,000.

Moins-value : fr. 50,000. (Interruption.) Je sais qu'on porte quelquefois 10 p. c, mais il est à observer que l'entretien de nos bateaux est très soigné. Nous faisons, de ce chef, une dépense considérable, et l'entretien ne laisse absolument rien à désirer. Or, porter 10 p. c. de moins-value, ce serait dire qu'au bout de dix ans, les bateaux n'existeraient plus, ce qui est inadmissible.

Ainsi, intérêts : fr. 50,000.

Moins-value : fr. 50,000.

Personnel de la marine, qui a coûté en 1849 : fr. 62,739.

Mécaniciens et chauffeurs : fr. 12,839.

Vivres : fr. 20,148.

Combustible : fr. 73,573.

Huile, graisse, fagots, etc. : fr. 15,833.

Matériel. Entretien : fr. 88,400.

Frais d'agence : fr. 21,502.

Total général de la dépense : fr. 395,034.

Voyons maintenant la recette :

1° Le transport des voyageurs, etc., a produit 171,564 fr. Mais à cette somme il faut ajouler l'accroissement des recettes du chemin de fer et des postes dues à l'influence des paquebots.

2° Quant à l'accroissement sur le chemin de fer, il est difficile de le déterminer d'une manière rigoureuse. L'honorable M. Rolin l'évaluait, pour 1849, dans une dépêche en date du 27 avril 1850, à 144,317 fr.

Quant à l'augmentation du prix du transport des lettres, elle est très considérable. L'honorable M. Delfosse n'a parlé que de l'année 1848 ; l'augmentation pour 1849 est beaucoup plus élevée. On a fait sur le transit des lettres, en 1849, un boni au profit de la Belgique de 255,516 fr., tandis qu'en 1843 il n'a été que de 12,535 francs, et en 1845 avec les six départs de ... fr. Prenant pour point de comparaison l'année 1845, nous trouvons une augmentation de ... fr. pour 1849. Réunissant les recettes directes et indirectes, nous arrivons au chiffre de 79,352 fr. En 1849, depuis le service régulier, on est donc arrivé à un excédant de 176,164 fr.

Total des recettes directes et indirectes : fr. 492,045.

Dépenses : fr. 395,034.

Boni : fr. 97,011.

Messieurs, je suppose que, dans ces recettes indirectes, il y ait exagération et qu'on doive même effacer ce boni de 97,000 fr., qu'il y ait donc balance exacte entre les recettes et les dépenses; je suppose même qu'il y ait un certain déficit, je ne pense pas que ce déficit dût nous arrêter, quand il s'agit d'un service de cette importance, d'un service régulier, quotidien, destiné à faciliter nos relations avec l'Angleterre, et d'un si haut intérêt pour notre commerce, notre industrie et nos relations de toute nature.

Comme le disait hier l'honorable M. Loos, les autres pays accordent des subsides considérables au service des bateaux à vapeur ; aux Etats-Unis, on alloue à certaines lignes jusqu'à 400,000 dollars annuellement.

Une autre considération sur laquelle j'appelle l'allention de l'honorable M. Delfosse, c'est que, si nous allions supprimer ce service, ou le remplacer par un autre (ce qui serait fort difficile, puisque personne ne (page 124) se présente), si nous n'avions plus les mêmes garanties, cela ne compromettrait-il pas nos relations et même nos conventions postales avec l'Angleterre? Voici ce que m'écrivait M. le ministre des travaux publics à cet égard :

« Quant à la question de savoir si le maintien du service des bateaux à vapeur ne doit pas être considéré comme obligatoire aux termes de nos conventions postales, j'estime qu'elle peut être résolue affirmativement, sinon d'après le texte formel, au moins d'après l'esprit de ces arrangements qui font du reste partie des pièces imprimées à la suite du rapport susmentionné.

« D'une part il est en effet bien évident que l'office britannique n'a consenti à libérer le gouvernement belge de l'indemnité de mille livres, qui lui était imposée par l'article 5 de la convention du 17 octobre 1834, qu'en considération des nouvelles communications établies à nos frais; et d'un autre côté, il nous serait impossible d'abandonner ces communications sans renoncer implicitement à tous les avantages d'un service quotidien vers lequel nos efforts ont été constamment dirigés. Ce serait là, en un mot, nous mettre entièrement à la merci de l'amirauté britannique.

Le commerce du pays attache aussi une grande importance à la conservation de ce service. Les chambres de commerce m'ont écrit, pour que le gouvernement le maintienne quand bien même il entraînerait une certaine perte pour le trésor. Je pourrais lire à la chambre si l'heure n'était pas si avancée, les lettres que j'ai reçues à ce sujet; je me bornerai a dire en résumé que les chambres de commerce d'Anvers, de Gand et d'Ostende attachent le plus grand prix au maintien de ce service.

D'après toutes ces considérations, je crois qu'il importe à un haut degré d'assurer, dans tous les cas, des départs quotidiens entre Ostende et Douvres. Avec un pays comme l'Angleterre, nous ne pouvons avoir des communications trop faciles et trop nombreuses.

Nos affaires avec l’Angleterre augmentent chaque année d’une manière très remarquable : il n’y a pour s’en convaincre qu’à jeter un coup d’œil sur le chiffre de nos exportations vers l’Angleterre, elles ont quadruplé depuis 1842; elles s'élèvent maintenant à la somme de 36 millions de francs ; elles ont augmenté de 140 p. c. depuis. Il est donc essentiel d'assurer par tous les moyens possibles, même au prix de quelques sacrifices, des communications régulières, faciles et multipliées entre la Belgique et un pays avec lequel nous faisons des affaires si nombreuses, si importantes et qui grandissent chaque année.

S'il se présentait une société qui nous offrît les mêmes garanties que le service de l'Etat, qui nous donnât l'assurance que des départs auraient lieu tous les jours, aux heures et de la manière que nous lui indiquerions, qui ne laissât rien à désirer sous le rapport de la stabilité, et ne nous coûtât que très peu de chose; certes, dans un intérêt d'économie, il conviendrait d'adopter les propositions de cette société; mais jusqu'à présent il ne s'est pas présenté de société semblable, et je doute qu'il puisse s'en présenter dans les conditions et les circonstances où nous sommes.

- La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.