Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 29 janvier 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 545) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le baron de Vivario de Romezée demande la réforme de l'armée, de la marine et de l'administration forestière, et un droit d'entrée très élevé sur le tabac et le genièvre.»

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Lambert, ancien géomètre du cadastre, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »

M. Thibaut. - Messieurs, le pétitionnaire demande la révision d'une pension qui lui a été accordée en 1840 ; autant que je puis en juger à la lecture de la pétition, les motifs sur lesquels le requérant se fonde sont réels. Je demande que la commission des pétitions veuille faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« L'administration communale de Rupelmonde appelle l'attention de la chambre sur l'interprétation donnée par le gouvernement aux prescriptions financières des articles 20 et 23 de la loi sur l'instruction primaire, demande un examen nouveau de la question, et adhère à la pétition faite sur ce sujet par la ville de Malines. »

M. de T'Serclaes. - Messieurs, il s'agit d'un différend qui a été élevé entre le geuvernement et plusieurs communes, au sujet des stipulations financières de la loi sur l'instruction primaire. La commune de Rupelmonde, comme plusieurs autres, a cru pouvoir satisfaire à toutes les obligations de la loi en votant une somme égale à celle qui figurait à son budget de 1842 et aux 2 p. c. du principal des contributions ; c'est ainsi que s'exprime la loi de 1842 ; mais le gouvernement a cru devoir appliquer d'office à la commune de Rupelmonde les règlements généraux arrêtés pour les frais de l'instruction primaire dans tout le pays ; de là différends, de là difficultés, pourvoi, rejet du pourvoi par l'autorité royale ; enfin, appel à la chambre.

Messieurs, je ne me prononce pas sur la valeur de la réclamation de la commune de Rupelmonde ; mais je demande que cette affaire soit étudiée de nouveau, que la commission des pétitions veuille bien joindre cette requête à celle que la ville de Malines a faite en dernier lieu sur la même matière, et qu'elle soumette à la chambre, le plus promptement possible, un rapport qui permette, après bientôt dix ans d'exécution, de suivre une voie définitive et certaine, quant à l'application des stipulations financières de la loi de l'instruction primaire.

Mes conclusions tendent donc à demander un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Vandenkerckhove, premier commis au bureau des hypothèques, à Bruxelles, soumet à la chambre un projet de loi, relatif à l'inscription des hypothèques légales et aux mesures à adopter pour la validité des conventions. »

- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur les hypothèques.


M. le ministre des finances adresse à la chambre le compte-spécial des opérations relatives à la négociation des bons du trésor pendant l'année 1849.

- Ce compte sera imprimé et distribué.

M. de Deyn fait hommage à la chambre d'un exemplaire de son ouvrage : « L'Expert agricole ».

- Dépôt à la bibliothèque

Projet de loi modifiant la législation sur le régime hypothécaire

Rapport de la commission

M. Lelièvre. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau la première partie du rapport de la commission sur les amendements proposés à la loi sur le régime hypothécaire.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi substituant un nouvel article à l'article 34 de la loi 6 août 1849, sur le transit

Discussion générale

« Article unique (projet du gouvernement). Les mots : « Dans l'intervalle des réunions des chambres » sont supprimés au premier paragraphe de l'article 34 de la loi du 6 août 1849 {Moniteur, n°221), sur le transit. »

« Article unique (proposition de la section centrale). L'article 34 de la loi du 6 août 1849, sur le transit, est remplacé par le suivant :

« Art. 54. § 1er. Le gouvernement peut, dans l'intérêt du commerce ou de l'industrie :

« 1° Modifier ou supprimer les droits de transit ;

« 2° Lever les prohibitions de transit ;

« 3° Modifier les formalités de douane établies par le chapitre III.

« § 2. Les dispositions prises en vertu du présent article sont soumises à l'approbation des chambres avant la fin de la session, si elles sont réunies, sinon dans la session suivante. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à l'amendement proposé par la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le gouvernement avait demandé la rectification d'une erreur qui s'était glissée dans l'article 34 de la loi sur le transit. La section centrale a pensé que, tout en rectifiant cette erreur, conformément à l'opinion émise par le gouvernement, il y avait lieu de modifier l'article 34 lui-même dans une disposition qui n'était pas soumise aux délibérations de la chambre et qui porte que les mesures prises par le gouvernement en exécution de la loi devaient être communiquées auc chambres. La section centrale a pensé que l'on ne devait pas laisser un pouvoir aussi étendu au gouvernement, qu'il ne fallait pas se borner à une simple communication, quoique la chambre l'eût ainsi décidé ; mais que les mesures que le gouvernement pourrais prendre devaient être soumises à l'approbation de la chambre.

L'honorable rapporteur de la section centrale, dans l'exposé qu'il a fait de ces difficultés, a fait remarquer que c'était par erreur que la chambre s'était déterminée, que j'étais moi-même tombé dans une erreur en indiquant à la chambre que déjà il existait des précédents de même nature.

Il est vrai, messieurs, que, dans les explications que j'ai eu à donner à la chambre lors de la discussion de la loi sur le transit, j'ai, à tort, invoqué une loi de 1846 comme contenant un principe analogue. Mais, en réalité, déjà, dans une loi antérieure, le même principe existait. Je ne devais pas indiquer la loi de 1846, mais je serais resté dans le vrai en indiquant la loi du 18 juin 1842. La loi du 18 juin 1842 a été successivement prorogée jusqu'en 1849 ; elle avait donné au gouvernement, d'une manière pleine et entière, sans qu'il y eût même lieu de faire une communication à la chambre, le pouvoir de modifier toutes les dispositions de nos lois sur le transit. Cette loi, le gouvernement en a fait usage depuis 1842 jusqu'en 1849. Il serait donc inexact de prétendre que la mesure adoptée par la chambre était sans précédents.

Je tenais surtout à signaler ce point à l'attention de la chambre. J'avais pu sans doute être induit en erreur. Mais je ne le pense pas ; j'ai indiqué une loi de 1846 au lieu d'une loi de 1842 ; il est même probable que dans la discussion j'ai bien indiqué la loi, et que c'est tout simplement une faute typographique qui a été commise. Au surplus, l'affaire n'a pas la moindre importance. Que les résolutions à prendre par le gouvernement en exécution du pouvoir qu'il sollicite soient communiquées à la chambre ou qu'elles soient soumises à l'approbation de la chambre, cela est parfaitement indifférent au fond. Je n'ai donc aucune opposition à faire à la proposition de la section centrale, telle qu'elle est formulée.

- Personne ne demandant la parole, la discussion est close.

Vote de l’article unique

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi ; en voici le résultat :

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 55 membres présents. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. de Steenhault, de Theux, Devaux, de Wouters, A. Dumon, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, (page 546) Manilius, Mascart, Mercier, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, A. Roussel, Ch. Rousselle, Tesch, Thiéfry, T’Kint de Naejcr, Tremouroux, A.Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, H. de Baillet, de Bocarmé, de Chimay, Dedecker, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse et Delfosse.

Projet de loi modifiant le code pénal maritime

Discussion des articles

La discussion s'établit sur la rédaction proposée par la section centrale, de commun accord avec le gouvernement.

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la discussion des articles.

Article premier

« Art. 1er. Les peines de la cale avec coups de corde, de la vergue avec coups de corde, de la vergue avec coups de garcette, et les coups de garcette, établies par le Code pénal maritime, sont abolies. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Sont remplacées de la manière suivante :

« § 1er. La peine de la cale avec coups de corde, par un emprisonnement de 6 mois à 5 ans.

« § 2. La peine de la vergue avec coups de corde, et la peine de la vergue avec coups de garcette, par un emprisonnement de quatre mois à deux ans.

« §3. La peine des coups de garcette, par un emprisonnement d'un mois à un an. «

M. Lelièvre. - Messieurs, je dois soumettre une observation à M. le ministre de la justice.

La peine de la cale avec coups de corde est remplacée par un emprisonnement de six mois à cinq ans.

Mais aux termes de l'article 28 du code pénal maritime, cette peine peut être accompagnée d'emprisonnement, de bannissement ou de renvoi à terre comme infâme.

De même la peine de la vergue avec coups de corde est remplacée par un emprisonnement de quatre mois à deux ans.

Mais aux termes de l'article 33 du code pénal maritime, cette peine peut aussi être accompagnée d'emprisonnemtnt, de bannissement, de renvoi à terre comme infâme, de la dégradation, des arrêts et de la détention.

Cependant je pense qu'il entre dans l'esprit du projet de supprimer les articles 28 et 33, car je ne conçois plus les peines qu'ils sanctionnent en présence de la peine d'emprisonnement établie par l'article 2. Je désirerais connaître sur ce point l'opinion de M. le ministre de la justice, afin qu'il ne puisse s’élever aucun doute dans l'exécution de la loi. Il s'agit donc de savoir si les peines énoncées aux articles 28 et 33 du Code pénal maritime pourront être cumulées avec celles établies par l'article 2 du projet. Une explication claire et précise est indispensable pour l'interprétation de la loi en discussion.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Dans l'intention du gouvernement, la peine nouvelle ne sera plus accompagnée d'un emprisonnement ; mais les autres peines dont la cale et la vergue avec coups de corde étaient accompagnées continueront à subsister. Ainsi, malgré la peine de 2 à 5 ans de prison, le bannissement pourra être prononcé.

- L'article 2 est adopté.

Article 3

« Art. 3. Par dérogation aux articles 182 et 202 du Code de procédure maritime, les condamnés auront le droit d'appeler de tous jugements rendus par les conseils de guerre, à l'exception de ceux qui sont prononcés en mer, à l'égard desquels il sera procédé conformément aux articles 184 et suivants du même Code. »

- Adopté.

Vote sur l'ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi. En voici le résultat :

56 membres répondent à l'appel nominal.

55 membres votent pour le projet.

1 membre vote contre.

2 membres s'abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption : MM. de Steenhault, Destriveaux, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumon (Auguste), Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, Roussel (A.), Rousselle (Charles), Tesch, Thierry, T’Kint de Naejer, Tremouroux, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Allard, Ansiau, Cans, Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Chimay, Dedecker, de La Coste, Delehaye, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse et Delfosse.

A voté contre : M. de Wauters.

Se sont abstenus : MM. Vilain XIIII et Coomans.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à en faire connaître les motifs.

M. Vilain XIIII. - M. le président, si nous avions une marine, j'aurais certainement voté contre une innovation qui, si je suis bien informé, n'a pas de précédent chez les nations maritimes. Mais comme nous n'avons qu'un bâtiment, je n'ai pas voulu, pour si peu de chose, me donner une réputation d'antiphilanthrope.

M. Coomans. - Messieurs, mon vote n'a pas été négatif parce qu'on aurait pu en inférer que je voulais le maintien des peines qu’il s'agit d'abroger ; d'un autre côté, mon vote n'a pas été approbatif, parce que les peines nouvelles me semblent trop fortes et qu'elles imposeront une dépense très considérable à l'Etat.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je ferai observer qu'en France ces peines sont également abolies. Ainsi il y a un précédent chez une nation maritime très importante.

Rapports sur des pétitions

M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition datée de Vilvorde, le 10 décembre 1850, le sieur Van IIovc-Kessel, négociant à Vilvorde, réclame l'intervention de la chambre pour qu'il soit donné suite à l'enquête faite sur une faillite dont il est créancier. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition sans date, plusieurs habitants de Lise, Chalqueux, Bo-verie, etc., demandent que ces hameaux soient séparés de la commune de Scraing et forment une commune distincte. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition sans date, un grand nombre d'électeurs de l'arrondîs--sement de Dixmude prient la chambre de prendre des mesures pour que les électeurs puissent, sans inquictule, prendre part aux opérations électorales qui doivent avoir lieu le 12 de ce mois. »

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition datée de Saint-Josse-ten-Noode, le 9 décembre 1850, le sieur Jamotte, avocat, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir les arriérés d'un traitement d'attente comme magistrat en disponibilité, et par suite, une pension. »

Conclusions : Renvoi à 31. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 9 décembre 1850, la dame Dcbie,, veuve du sieur Verbisl, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir l'indemnité annuelle qui est accordée aux veuves de légionnaires. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition datée de Sain-t-Josse-len-Noode, le 10 décembre 1850, le sieur Verstappen, ancien commis des accises, réclame l'intervention de la chambre pour qu'on le remette en activité de service. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 5 décembre 1850, la dame Van Reys-schot, peintre artiste, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir un secours. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétitions datées de Jodoigne, le 27 novembre et le 6 décembre 1850, les secrétaires communaux du canton de Jodoigne et le secrétaire communal de Sainl-Remy-Geest demandent l'établissement d'une caisse de retraite en faveur des secrétaires communaux. Les pétitionnaires méritent d'attirer l'attention toute particulière de M. le ministre de l'intérieur. Peu de fonctionnaires sont aussi dignes de la sollicitude du gouvernement et des chambres que les secrétaires communaux qui, surtout en raison de la modicité de leur traitement, rendent de grands services. Par conséquent, la commission conclut au renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur, en l'engageant à les prendre en sérieuse considération. »

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition dalce de Virton, le 25 novembre 1850, le sieur Rohr, négociant à Virton, demande qu'il soit permis aux receveurs de la douane de délivrer des passavants pour effectuer le transport des marchandises soumises à l'accise de Virton à Saint-Léger. »

Conclusions : renvoi à M. le minisire des finances.

M. Pierre. _ La pétition dont il est question contient les plaintes d'un négociant contre des formalités de douane, qui sont de nature à entraver le commerce dans le rayon frontière. Ces mesures ont même pour résultat d'empêcher l'expédition de certaines marchandises soumises à l'accise, telles que le sucre, l'eau-de-vie indigène et le sel, vers les localités de l'intérieur.

J'appuie le renvoi à M. le ministre des finances, en le priant d'avoir égard à cette réclamation, qui paraît réellement juste et fondée.

-Les conclusions de la commission sont adoptées.

M. Van Renynghe, rapporteur. - « Par pétition sans date, plusieurs habitants d'Haeltert demandent que le gouvernement maintienne les primes pour l'exportation de nos tissus liniers en Amérique, en Italie et en Espagne. »

Conclusions : renvoi à M. le ministre des affaires étrangères avec prière d'y avoir égard.

M. Osy. - La commission des pétitions propose de renvoyer la pétition à M. le ministre des affAires étrangères. Il y a peu de jours que M. le ministre des affaires étrangères nous a dit que la question des primes est du ressort du ministère de l'intérieur. Je demande donc le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Cools. - Il me semble, messieurs, qu'il n'y a qu'une décision à prendre, c'est l'ordre du jour. Il y a à peine 7 ou 8 jours, M. le ministre de l'intérieur nous a fait connaître que le gouvernement a positivement (page 547) renoncé au système des primes, en ce qui concerne l'exportation des tissus de lin, et l'assentiment que ces paroles ont rencontre sur les bancs de l’assemblée, indique assez que la chambre n'est pas disposée à donner tort au gouvernement. C'est alors qu'on aurait dû faire valoir les observations qu'on pouvait avoir à présenter. Aujourd'hui, si nous prononcions le renvoi de la pétition au gouvernement, nous aurions l'air de l'engager à revenir sur sa décision.

M. de Perceval. - Messieurs, j'appuie la proposition de l'honorable M. Osy, qui consiste à renvoyer la pétition à M. le ministre de l'intérieur. Il bien vrai que les fonds destinés aux primes sont épuisés, mais le gouvernement peut présenter un projet de loi afin d'établir de nouvelles primes pour l'exportation de nos tissus... (Interruption.) Je ne préjuge rien ; je ne me prononce pas sur cette question de primes. Je constate un fait possible. Mais il me semble que la demande des pétitionnaires se rapporte à un intérêt assez grave pour mériter le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

L'ordre du jour, messieurs, c'est la décision que vous prenez pour les requêtes. Sans but, sans valeur, je demande qu'on ait égard à l'importance de l'objet dont les pétitionnaires entretiennent la chambre, et qu'on le renvoie à M. le ministre de l'intérieur.

M. Vilain XIIII. - L'honorable M. de Perceval vient de dire que M. le ministre de l'intérieur a déclaré l'autre jour que les fonds étaient épuisés et que dès lors on ne pouvait plus accorder de primes à l'industrie linière et à l'industrie cotonnière ; M. le ministre de l'intérieur a dit plus que cela ; il a dit que les fonds étaient épuisés et que le gouvernement ne comptait plus demander de nouveaux crédits à la chambre. Voilà l'engagement que M. le ministre de l'intérieur a pris au nom du gouvernement. Si maintenant nous lui renvoyons la pétition, surtout avec l'addition proposée par M. le rapporteur, c'est-à-dire en priant le gouvernement d'y avoir égard, la chambre émettrait un vœu contraire à la déclaration que M. le ministre de l'intérieur nous a faite.

La chambre n'a pas pu manifester son opinion sur cette déclaration. Mais je demande qu'aujourd'hui elle ne manifeste pas un vœu contraire. Quant à moi, j'approuve complètement la déclaration que M. le ministre de l'intérieur a faite ; il y a bien longtemps, dès le temps du Congrès national, que je me suis opposé aux primes de toute espèce dans cette chambre ; j'ai été extrêmement satisfait de la déclaration du gouvernement, car c'est au nom du cabinet que M. le ministre de l'intérieur parlait ; je prie la chambre de ne pas prendre aujourd'hui une détermination qui serait une espèce de non-assentiment à la déclaration du gouvernement.

M. Lebeau. - Messieurs, j'appuierai aussi l'ordre du jour ; je l'appuie comme un encouragement donné aux excellentes intentions récemment annoncées par le gouvernement.

Il ne faut pas, messieurs, dans cette matière, deux poids et deux mesures ; on est entré, à l'occasion d'un intérêt très grave, dans un système de réductions sages de tarif. Je crois que c'est avec beaucoup de prudence qu'il faut faire de nouveaux pas dans cette voie ; mais lorsque le gouvernement annonce qu'il a l'intention de faire ce pas, je crois qu'il est d'une bonne politique, de la part de la chambre, de l'encourager, au lieu de donner, en quelque sorte, un démenti à la manifestation par laquelle elle a accueilli, dans une séance précédente, l'annonce de la suppression des primes.

Je propose, en conséquence, à la chambre de voter l'ordre du jour, tel qu'il est formulé par l'honorable M. Cools.

M. Delehaye. - Messieurs, j'ai déjà eu occasion de dire, dans des circonstances précédentes, qu'en thèse générale, je ne voulais pas non plus du système des primes ; que lorsqu'une industrie avait en elle-même assez d'éléments de succès, il ne fallait pas recourir à l'application de ce système ; mais j'ai ajouté, et je répète aujourd'hui, que c'est prendra une mesure défavorable au pays, que d'arrêter tout d'un coup l'élan qu'on a imprimé à une industrie quelconque, au moyen d'une prime, dont la conséquence ne peut être que de donner à une industrie un nouvel essor dans l'intérêt du travail.

Le gouvernement avait accordé une prime aux produits dont il s'agit en ce moment. Grâce à cette prime, cette industrie avait pris un nouveau développement de marchés, fermés jusqu'alors à nos produits, des demandes considérables lui avaient été faites, eh bien, par la cessation immédiate de la prime, ces demandes ont dû rester sans résultat.

Pour le moment, en présence de la déclaration du gouvernement qu'il ne serait plus accordé de primes, il pourrait paraître inopportun d'examiner le système à suivre si les circonstances qui font recourir à cette ressource venaient à se représenter. Quelle que soit la résolution que prendra la chambre sur la pétition, il est loin de prévoir l'avenir. C'est sous ce point de vue que je veux examiner la question.

Je pense qu'il serait fort utile d'adopter en cette matière un système de gradation ; c'est-à-dire de diminuer successivement les primes qu'on accorde ; ainsi, à mon avis, le gouvernement aurait agi très sagement, dans le cas dont il s'agit, en maintenant la prime pour les transactions transatlantiques ; et après un terme indiqué, à abaisser le chiffre de la prime jusqu'à extinction complète. Cette marche est rationnelle, elle empêcherait un encombrement et continuerait à donner du travail à l'ouvrier.

Ce système est encore indiqué dans un autre intérêt. La Belgique a besoin d'ouvrir des relations commerciales et maritimes avec d'autres pays. Le système que j'indique pouvait être d'une très grande utilité, plus, en effet, on est fort chez soi, moins on doit faite des concessions.

Messieurs, vous vous trouvez en présence de la Hollande qui va dénoncer son traité ; d'un autre côté, la France paraît, malgré tout l'intérêt qui l'attache à la Belgique, tenir beaucoup au traité qui est en vigueur aujourd'hui ; et enfin le Zollverein n'a prolongé qu'avec peine les dispositions du traité qu'il a conclu avec nous. Dans ces circonstances, la Belgique n'aurait-elle pas un moyen de négociation très puissant ? A l'aide du système des primes, elle acquerrait un développement industriel plus considérable, elle prouverait qu'elle avait des débouchés qui lui permettraient au besoin de renoncer à ceux que lui présentent l'Europe.

En effet, plus votre industrie sera puissante, plus vous serez certains de placer vos produits sur les marchés étrangers, et plus aussi vous serez en mesure de conclure des traités de commerce et de navigation avec les autres puissances, dont vous serez d'autant moins les tributaires.

J'aurais donc voulu que le gouvernement n'eût pas supprimé brusquement le système des primes ; il en eût graduellement diminué l'application.

Il ne faut pas se le dissimuler : quelques branches de notre industrie ont encore besoin de la protection du gouvernement. Ce n'est pas la localité à laquelle j'appartiens qui réclame, elle peut à la rigueur se suffire à elle-même. Assez avancée en industrie, elle excite l'envie de l'étranger. Mais il n'en est pas de même de toutes les parties du pays, ni de toutes les industries.

On parle de, liberté commerciale, on a cité l'exemple de l'Angleterre. Pour moi, je demanderai s'il est un seul pays prospère en Europe dont la prospérité soit due au système de la liberté commerciale. (Interruption.)

On me dit : la Suisse ; je vais répondre : Si la Suisse est parvenue à ce degré de prospérité, c'est que pour braver la concurrence étrangère, elle possède des avantages qui lui sont propres et qui résultent de frais moins élevés, de loyers moins considérables, d'une main-d'œuvre moins chère.

L'exemple du pays de Gex, appartient à la France, et qui est contiguë à la Suisse, confirme mon opinion ; nos voisins du Midi ont adopté le système protecteur dans toute sa puissance. Tenons compte des faveurs que possède la Suisse, et qui sont communes au pays de Gex. Elle proclame, sur cette partie de son territoire la liberté la plus illimitée ; elle va plus loin, elle accorde aux tissus français expédiés pour cette contrée la prime accordée à l'exportation.

Pourquoi la France se relâche-t-elle de son système pour cette partie de son territoire ? C'est précisément parce que, comme la Suisse, le pays de Gex a des avantages résultant de frais moins élevés, de loyers moins considérables, d'une main-d'œuvre moins chère, et qui lui permette de soutenir la concurrence avec les autres pays ; mais par contre les produits du pays de Gex expédiés en France sont soumis au même tarif que les produits étrangers.

On nous parle du système anglais. Eh bien, ce système n'a pas été celui de la liberté commerciale ; elle ne l'a proclamé que lorsque le monopole obtenu à l'aide de la plus grande protection, lui a donné ce degré de perfection qui lui permet aujourd'hui de soutenir toute concurrence, jusque-là on a été impuissant à faire proclamer en Angleterre le libre-échange. Au reste, l'Angleterre n'a pas renoncé entièrement au système des primes ou à celui de protection ; elle accorde des primes à celles de ses industries qui en ont besoin et elle protège tous les éléments du travail national.

Lorsque vous serez parvenus à vous assurer des débouchés privilégiés comme l'Angleterre, vous pourrez alors, à son exemple, proclamer le libre-échange.

Je regrette que le gouvernement qui avait sagement agi, en revenant à ce système de primes ; je regrette, dis-je, que le gouvernement n'y ait pas persisté pendant quelque temps ; j'aurais voulu que le gouvernement réduisît les primes petit à petit, graduellement, de telle manière qu'on fût parvenu à les supprimer entièrement en deux ou trois ans. Le temps nous démontrera le mal de la suppression subite.

Messieurs, puisque j'ai la parole, qu'il me soit permis de répondre à une observation faite par un membre du cabinet, aux intentions duquel je suis prêt à rendre pleine et entière justice. Ce membre du cabinet, qui est présent à la séance, avait fait remarquer que si l'on connaissait le nombre des maisons qui jouissaient de la prime, on n'insisterait pas davantage.

Eh bien, je répondrai que n'y eût-il qu'une seule maison qui jouît de la prime, ce ne serait pas un motif pour supprimer cette mesure de protection. Voici pourquoi :

Les maisons qui ont reçus les primes peuvent être en petit nombre, mais ce n'est pas un argument qui puisse tourner contre nous ; car ces maisons ne font que le commerce, ce sont des maisons intermédiaires entre le consommateur et le producteur.

Dans leurs achats, elles tiennent compte au producteur de la prime qu'elles reçoivent.

Vous voyez donc que cette considération n'avait absolument aucun mérite, puisqu'en définitive c'est toujours l'industrie qui en profite.

Les primes ont déjà produit un grand résultat, elles nous ont révélé des ressources inconnues, des débouchés nouveaux ; si, pendant quelque temps encore, le gouvernement les avait maintenues, l'industrie belge, justement appréciée partout, pouvait disputer à l'étranger sa supériorité.

M. Lebeau. - Le système de prime, c'est de l'exagération.

(page 348) M. Delehaye. - Je vais citer à M. Lebeau un exemple qui lui prouvera toute l'efficacité de mon système que l'on peut traiter d'exagéré, mais dont on ne peut méconnaître le mérite.

Comment, par exemple, voulez-vous que la Belgique puisse lutter avec l'industrie anglaise ?

Prenez un des grands établissements de Belfast, placez-le dms les mêmes conditions de Gand, avant les mêmes capitaux, le même nombre d'ouvriers, de broches. Savez-vous, messieurs, l'avantage dont jouira l'établissement anglais pour la houille seule, rien que pour les houilles, l'établissement de Belfast jouira, au détriment de l'établissement belge, d'un avantage de plus de quinze mille francs. (Interruption.)

- Une voix. - Ce n'est pas possible.

M. Delehaye. - On me dit que ce n'est pas possible. Eh bien, ce qui m'étonne, c'est que ces mots échappent précisément à un honorable membre, ennemi du système que je préconise. Informez-vous de ce que j'indique, et vous verrez que mes renseignements sont très positifs ; on ne parvient à combattre le système protecteur que lorsqu'on se refuse aux faits les plus positifs.

Je le répète, l'établissement de Belfast placé dans les mêmes conditions que l’établissement belge, jouit, par le seul fait des houilles, d'un avantage de quinze mille francs.

M. Orts. - Laissez entrer la houille anglaise.

M. Delehayeù. - Laissez entrer la houille anglaise, me dit l'honorable membre. Ah ! messieurs, si l'esprit de clocher m'animait, comme il anime quelques-uns de mes honorables contradicteurs, je ne demanderais pas mieux, mais l'intérêt général avant tout.

Savcz-vous ce qu'il faut à la Belgique ? Il faut que le gouvernement abaisse tous les droits sur les objets de première nécessité, il faut que ces objets soient livrés aux consommateurs au plus bas prix possible.

Quand vous aurez abaissé tous ces droits, vous serez admis à changer votre système. Mais changer tout à coup de système, ce n'est pas agir avec prudence, ni avec sagesse. Profitons des avantages que la nature nous a donnés, tirons parti de l'activité, du génie de nos compatriotes, favorisons le travail, c'est à lui que nous devons notre force, notre bien-être. Que le gouvernement y réfléchisse, sa déclaration ne changera probablement pas par la lecture de la pétition, il y puisera du moins la conviction que dans des mesures exceptionnelles, comme celles des primes, il faut agir graduellement, avec prudence ; c'est le but du renvoi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous voici bien éloignés du point de savoir si la pétition qui a été adressée à la chambre sera renvoyée ou non au ministre de l'intérieur.

Je ne veux pas, pour ma part, entrer dans la discussion soulevée par l'honorable M. Delehaye et qui me paraît tout à fait inopportune. Je tiens seulement à rectifier une assertion erronée, échappée à l'honorable membre.

Il a reproché au gouvernement d'avoir agi avec précipitation, d'avoir toutt à coup supprimé les primes. Cela est complètement inexact.

Les primes avaient été accordées en raison des circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous nous trouvions. Nous avons eu soin de déclarer alors que c'était là une mesure temporaire, que ce n'était pas un système dans lequel le gouvernement voulait entrer et qu'il n'entendait pas y persévérer. Ces primes expiraient au mois de juillet 1850.

Au mois de juillet 1850, on a jugé qu'il était encore nécessaire de les prolonger et on a successivement réduit la prime comme le demande M. Delehaye ; de telle sorte que ce que l'honorable membre suppose n'avoir pas été fait est précisément ce qui a été fait. On avait annoncé d'abord que les primes expireraient en juillet 1850 ; à cette époque on a cru devoir les continuer encore et on a annoncé qu'elles cesseraient définitivement le 1er janvier 1851. Personne n'a été trompé, personne n'a été induit en erreur.

Plusieurs discussions ont eu lieu sur cette question et l'assemblée reconnaîtra que, chaque fois, le gouvernement a annoncé qu'à moins de circonstances extraordinaires, exceptionnelles, le système des primes ne serait pas continué au-delà du 1er janvier 1851. Le reproche qu'on lui a adressé n'est donc pas fondé ; je dois le repousser.

M. Dumortier. - La question dont il s'agit est une des plus graves qu'on puisse soulever, car elle renferme tout l'avenir de notre industrie manufacturière dans ses relations avec les contrées transatlantiques. Quand je dis l'industrie manufacturière, j'eutends parler des fabricats de lin et de coton dont la consommation est immense en Amérique et que jusqu'ici nous n'avons pu faire d'exportation dans ces contrées.

Messieurs, ne vous laissez pas effaroucher par le mot de primes. C'est une chose très fàcheuse que de prendre des résolutions en exécution d'un mot donné ; c'est une chose non moins fâcheuse que de se passionner pour telle ou telle idée. Voyez l'inconséquence de ce système ; s'il s'agit du transit qui ne nous rapporte rien, qui ne donne aucun travail à nos populations, on ne peut pas faire assez de sacrifices aux dépens du trésor public, on ne peut pas donner trop de primes aux produits des ouvriers américains aux frais du budget ; mais s'il s'agit du travail de nos ouvriers, le mot prime arrive de tous côtés, c'est un concert de réclamations.

Pourtant, qu'est-ce que les faveurs accordées au transit ? Ce sont des primes. Qu'est-ce que les traités de commerce avec les nations étrangères ? Ce sont des primes dont vos tarifs de douane payent les frais. (Interruption.)

M. Frère rit, s'il avait étudié les questions industrielles comme les procès, il saurait que ce que je dis est l'exacte vérité. Quand, pour favoriser l'entrée en France de vos toiles et de vos fils de lin, vous avez sacrifié 500,000 fr. ou un million sur l'article vins ; vous avez accordé à l'industrie linière une prime d'un million ou d'un demi-million.

Je ne suis pas, je n'ai pas l'honneur d'être avocat, mais je suis ancien négociant, je connais ces matières.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous avons étudié plus que vous les questions industrielles et économiques.

M. Dumortier. - Je vois avec plaisir que M. Tesch a étudié les questions industrielles, j'espère qu'il nous en donnera des preuves quand prochainement nous nous occuperons de l'agriculture, qui maintenant est en souffrance.

Qu'est-ce que l'abaissement disproportionné du tarif du chemin de fer ? C'est un système de prime au profit de telle localité, au détriment de telle autre. Pour les sucres, le rendement est un système de prime. On en a beaucoup parlé quand on a discuté la question des sucres ; on l'a vivement défendu parce qu'on l'a présentée comme la restitution d'un droit d'accise. En définitive, quand les primes qu'on donne sont indirectes, personne ne s'en plaint ; mais s'il s'agit d'accorder directement à l'industrie linière et à l'industrie cotonnière, ce qu'à d'autres vous accordiez indirectement, on se plaint.

Je demanderai à M. le ministre des finances si, quand on transporte des houilles pour l'exportation par chemin de fer à raison de deux centimes par tonne-lieue, ce n'est pas une prime ? Mais celle-là, M. Frère en veut bien ; Liège en profite, mais quand il s'agit de l'intérêt des Flandres on n'en veut plus, parce que députés des Flandres, nous n'avons pas l'honneur d'être entendus dans les conseils du Roi.

Il ne s'agit pas de savoir si un ou deux industriels seulement profitent des primes pour exporter ; il s'agit de savoir si par les primes accordées aux produits manufacturés des industries linière et cotonnière vous créez de nouveaux débouchés au travail de vos ouvriers.

C'est du travail qu'il faut donner aux ouvriers, si vous voulez abandonner un système qui a produit des résultats incontestables, vous arriverez au point où en sont venus la France et l'Angleterre ; la taxe des pauvres ou l'organisation du travail, les ateliers nationaux.

Quand l'ouvrier n'a plus de travail dans sa manufacture, il faut que les communes, les bureaux de charité lui viennent en aide, il est de beaucoup préférable que l'ouvrier ail du travail dans sa manufacture.

Que m'importe si un ou deux industriels seulement exportent, s'ils exportent beaucoup ; ce qu'ils exportent est autant qui ne vient pas faire concurrence au travail dont le produit doit se consommer dans le pays.

Trouve-t-on que ce soit un grand malheur que notre industrie puisse se montrer à l'étranger ?

Tout le monde nous redoute ; en France, en Hollande, en Allemagne on repousse nos produits par des droits exorbitants ; et pourtant nous ne pouvons parvenir à exporter que très peu de chose dans les contrées transatlantiques, parce que nous ne sommes pas connus, parce que notre industrie maritime n'a pas pris cette direction.

Aujourd'hui qu'encouragée par les primes, elle a commencé à se porter vers ces parages, faut-il l'arrêter dans son essor ? Les premiers efforts que des armateurs font avec les colonies sont souvent très dispendieuses, presque toujours elles amènent une perte, si par là de nouveaux débouchés sont ouverts, n'est-il pas juste que cette perte soit supportée par le pays ?

Encore une fois, ne nous passionnons pas contre ce malheureux mot : prime ! Les primes qui ne procurent pas du travail aux ouvriers sont détestables, celles qui favorisent le travail étranger, sont plus détestables encore, il n'en faut pas vouloir.

Mais les primes, qui n'ont pour but que de faire connaître nos fabricats dans les pays transatlantiques, de nous créer des débouchés, c'est le meilleur de tous les encouragements que vous puissiez donner à l'industrie.

Je m'inquiète fort peu de vos ateliers-modèles, de tous vos efforts, si vous ne cherchez pas à exporter. C'est à l'exportation qu'il faut viser. Pour y arriver, il n'y a qu'un moyen : c'est d'exciter le zèle et l'intérêt des armateurs à faire connaître nos produits dans les pays transatlantiques.

Songez à la situation qui va être faite à votre industrie ; les traités avec la Hollande et avec la Prusse sont dénoncés. Celui avec la France le sera sans doute. Dans un an ou deux, vous serez privés de tous rapports avec ces pays, de toutes vos exportations. Qu'une crise ait lieu, que ferez-vous de vos ouvriers si vous n'avez pas donné le moyen d'exporter nos produits dans les pays transatlantiques ?

Il est donc sage que le gouvernement prévoie le jour où les traités que la Belgique a conclus avec les nations qui l'avoisinent cesseront d'exister et que dans cette prévoyance il assure à noire industrie des moyens d'exportation vers les pays transatlantiques, qui seuls peuvent nous sauver, dans le cas où des événements européens amèneraient une de ces commotions dont l'industrie a toujours tant à souffrir.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'aurais pas pris une seconde fois la parole, si je n'avais été en quelque sorte mis personnellement en cause par l'honorable préopinant.

Je ne veux pas discuter actuellement son système ; mais je tiens à en signaler les points les plus saillants.

(page 549) Il a une profonde horreur pour l'organisation du travail, pour les ateliers nationaux ; il a raison et je l'en félicite. Mais à son insu probablement, il est le plus grand promoteur des ateliers nationaux et de l'organisation du travail.

M. Dumortier. - Du travail libre, oui !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un seul mot, et vous allez le comprendre immédiatement.

L'honorable membre veut bien l'atelier national, quand il s'agit du pays entier, et que le chef de l'atelier national est le gouvernement. Celui-là doit s'occuper du travail national et faire en sorte qu'on exporte les produits nationaux.

M. Dumortier. - Je n'ai rien dit de semblable !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Sans doute, vous ne vous exprimez pas de cette manière. Mais les principes que vous soutenez sont en opposition avec ceux que vous annoncez. Vous voulez le travail national dirigé par le gouvernement. Vous voulez que le gouvernement dise : Il y a tels et tels produits qui ne peuvent se vendre, parce qu'ils ne sont pas dans des conditions vendables. Je vais prélever, au moyen d'impôts, une certaine somme dont je ferai cadeau, pour compenser la perte que l'on éprouve en les fabriquant.

M. Dumortier. - Je ne veux pas de la direction du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais pour que le gouvernement sache à qui il doit donner ces primes, il doit s'enquérir, s'occuper de l'industrie, y donner une certaine direction. Lorsqu'il aura donné cette direction, il aura constaté s'il doit ou s'il ne doit pas agir.

Vous voulez donc pour l'Etat ce que vous combattez lorsqu'il s'agit de la province ou de la commune. Si la commune - ce serait assurément une chose très mauvaise, de l'avis de M. Dumortier, - établissait son propre atelier national, elle aurait quelque chose à lui accorder pour faire fabriquer, car elle l'établirait, parce que telle ou telle industrie serait dans la pénurie, il faudrait donc que la commune prélevât une certaine somme sur les habitants pour le placement des produits qu'elle aurait fait fabriquer dans les ateliers communaux. Voulez-vous autre chose pour les produits fabriqués dans d'autres espèces d'ateliers nationaux ?

Il faut prendre garde aux conséquences de vos principes ; vos principes sont dangereux.

C'est à votre insu, contre votre volonté ; mais à votre insu, les principes que vous émettez conduisent à de telles conséquences, et elles sont fatales.

L'honorable membre dit d'un autre côté : On nous redoute partout ; on a peur de nous ; la France repousse nos produits ; parce que nous fabriquons à trop bon marché, elle a peur de nous ! L'Allemagne a peur de nous 1 La France ne veut pas absolument, dit l'honorable membre, recevoir les objets que nous fabriquons.

Mais si nous sommes dans de si bonnes conditions pour vendre à bon marché, laissons l'industrie placer ses produits comme elle l'entend ; elle saura bien trouver les marchés qui lui conviennent.

Je parle au surplus, on le sent, en thèse générale. Je ne parle pas de circonstances exceptionnelles, de la crise des Flandres ou du cas où une révolution, comme celle de 1848, vient subitement bouleverser les conditions d'existence de l'industrie. On admet alors que les principes doivent fléchir.

Je viens maintenant à ce que l'honorable membre a cru devoir m'adresser d'une manière personnelle.

Le ministre des finances veut bien des primes, quand il s'agit de réduire les péages du chemin de fer, pour faire transporter les houilles. Eh bien, d'abord il ne s'agit pas de principe et l'honorable membre s'est complétement trompé à cet égard. Ensuite on a abaissé le prix du transport des houilles sur le chemin de fer, moins pour les houilles, qu'en vue du chemin de fer, pour y attirer des transports, et cette mesure a été complètement inefficace. Vous raisonnez sur une supposition. Je n'ai pas les derniers renseignements. Mais je ne sache pas qu'il ait été transporté 200 wagons de houille, depuis l'abaissement de la taxe à 20 c. par lieue, et de ces 200 waggons, il n'en a pas été transporté un seul, je pense, venant de la ville que j'ai l'honneur de représenter. De sorte que la prétendue prime imaginée par l'honorable membre, et en vue de laquelle auraiteu lieu la réduction, n'a pas existé. Je souhaite, au surplus, que cet état de choses fâcheux ne continue pas à subsister.

J'ajouterai que l'honorable membre ignore que le transport des houilles à Anvers serait moins coûteux par le canal latéral que par le chemin de fer. Ce qui rendrait complètement inutile la mesure dont parle l'honorable membre, quant à la localité au nom de laquelle je siège dans cette enceinte.

M. Cools. - S'il est une chose qui a dû nous étonner dans cette discussion, ce sont les paroles de l'honnorable député de Gand, qui a cru devoir faire intervenir la doctrine du libre-échange dans la question des primes d'exportation au profit de l'industrie liniere.

Je crois que, s'il avait voulu agir dans l'intérêt des industriels, il aurait dû se garder d'en parler.

Comment ! on parle de liberté commerciale à propos de l'industrie linière ! On oublie donc les avantages énormes accordes aux filateurs contre l'importation des fils étrangers ! S'il y a une industrie qui jouisse de droits protecteurs au suprême degré, qui soit aux antipodes de la liberté commerciale, c'est l'industrie linière.

Si nous nous étonnons de ce que l'honorable membre ait tenu ce langage, il est loin de notre pensée de lui en faire un reproche. Je l'en remercie, au contraire,

Il nous a fourni par là l'occasion d'engager le gouvernement à se rapprocher, pour l'industrie linière, plus qu'il ne l'a fait du système de liberté, à supprimer ou du moins à diminuer considérablement les droits à l'importation des fils, car ces droits sont le plus grand obstacle au progrès de l'industrie linière dans le pays.

Ce sont ces droits presque prohibitifs dont sont frappés les fils étrangers, qui sont des matières premières pour les tisserands, qui sont le plus grand obstacle à ce que l'industrie prenne les développements dont elle est susceptible. L'honorable membre, dans son horreur pour le système de liberté commerciale, s'est encore livré à une appréciation pour laquelle je dois lui adresser des remerciements ; il s'est occupé de la question des houilles qui placent les fabricants belges dans une position inférieure aux fabricants étrangers, et il y voit un motif pour qu'on accorde des primes à ces derniers.

Il nous a fait observer avec raison, qu'il y a dans ce rapport un desavantage pour nos industriels, que la protection accordée aux houilles belges contre les importations étrangères est encore un obstacle très grand contre lequel les industriels des Flandres ont à lutter.

Je crois, messieurs, qu'il y a beaucoup de vrai dans cette observation et que, sous ce rapport, nous devons, non pas entrer dans la voie indiquée par cet orateur, mais nous rapprocher davantage encore du système de la liberté commerciale. Le gouvernement est entré dans une voie qui doit le conduire à s'occuper de la question des houilles au premier jour. Il a inséré dans son programme que les droits d'entrée, quels qu'ils soient, ne seraient plus augmentés. Depuis quelques mois il a fait un pas de plus. Il a reconnu que le système des primes est vicieux ; il a manifesté l'intention d'en sortir. C'est un second pas très heureux et pour lequel je n'hésite pas à lui accorder mon appui. Mais ce second pas fait, il devra en faire un autre ; il devra examiner les droits prohibitifs qui doivent être abaissés, et parmi ces droits figurent en tête les droits sur les fers et les houilles. Je n'en dirai pas davantage sur ce point pour le moment.

Messieurs, si nous ne connaissions pas de longue date l'opinion de l'honorable membre, en ce qui concerne les primes, et si dès lors il n'avait pas été facile de prévoir à quelles conclusions il serait arrivé, je me serais attendu, en écoutant ses paroles, à le voir venir s'asseoir auprès de moi. Car, quelle est la principale considération qu'il a fait valoir ? C'est qu'il y a un grand danger à imprimer un développement excessif à l'industrie par des moyens fictifs. Or, c'est précisément pour faire disparaître ce danger que le gouvernement supprime les primes ; et, comme l’a fait observer M. le ministre des finances, il ne l'a pas fait à l'improviste. Depuis longtemps ces primes avaient été diminuées, et leur suppression était annoncée.

Messieurs, le système des primes n'offre pas seulement des dangers au point de vue de l'intérêt général, au point de vue de l'industrie elle-même ; il en offre aussi au point de vue financier. Car demander que le gouvernement examine de nouveau s'il n'y a pas lieu de rétablir les primes, c'est le pousser indirectement à faire de nouvelles dépenses, à venir nous demander des crédits supplémentaires. Et ici permettez-moi une observation sur une circonstance qui me frappe. Nous sortons à peine d'une discussion solennelle, celle du budget de la guerre. Nous nous sommes trouvés, à notre grand regret, parmi les adversaires du gouvernement. Mais quel était le motif pour lequel la plupart des membres l'engageaient à modifier la loi d'organisation de l'armée ? C'était pour arriver à des économies. Nous avons pensé que la question était d'un ordre trop élevé et qu'il fallait laisser de côté celle des économies. Et c'est le lendemain de cette discussion que nous trouvons nos adversaires, eux qui se préoccupaient alors avec tant de sollicitude de l'état de nos finances, engageant le gouvernement, non pas à faire des économies, mais à faire de nouvelles dépenses, à ne pas se contenter des crédits qui lui sont alloués, mais à venir en demander de nouveaux.

Ce simple rapprochement, messieurs, vous prouve que la position que nous avons prise élait bien mieux en rapport avec les intérêts généraux du pays que celle qui avait été prise par nos adversaires. Nous ne nous occupons pas des considérations d'économie, lorsque les intérêts généraux du pays sont en jeu ; mais nous y avons égard lorsque les questions le comportent, et nous le prouvons en ce moment.

C'est pourquoi nous venons engager le gouvernement à persister dans la voie où il est entré, à ne pas rentrer dans le système des primes et à adopter, avec nous, l'ordre du jour sur la pétition dont on vient de faire rapport.

- Plusieurs membres demandent la clôture.

M. Coomans. - Messieurs, l'honorable M. Lebeau vous proposait tout à l'heure d'en finir avec cette question une fois pour toutes, en adoptant l'ordre du jour, soit la condamnation des primes de sortie. Je suis de son avis et je demande la permission de dire à la chambre quelques mots.

Plusieurs orateurs ont défendu le système des primes. Je demande de pouvoir les combattre très sommairement.

M. Delehaye. - Laissons parler M. Coomans.

M. Coomans. - J’ai eu plusieurs fois l'occasion de me prononcer sur le système des primes dont je n'ai jamais voulu. Celles que le cabinet du 12 aout a décrétées sont une véritable superfétation du régime protecteur ; elles sont l'exagération, la falsification du régime protecteur (page 550) elles tendent à vider les fonds de magasins, et non à favoriser les progrès de l'industrie.

De plus elles imposent à tous les contribuables des charges assez fortes dont quelques-uns seulement profitent.

Ce système manque de logique et surtout de justice distributive. Il nuit au trésor, c'est-à-dire à la masse de la nation, il profite peu aux exportateurs, et il ne sert bien que les intérêts des consommateurs étrangers. Le prix de nos fabricats, exportés avec prime, baisse, à l'étranger, exactement dans la mesure de la prime accordée.

- Un membre. - Vous avez voté la prime des sucres.

M. Coomans. - Je m'en repens peut-être. Je ne la voterais plus que dans le cas où notre système commercial cesserait d'être une mystification pour l'agriculture.

J'ai vu avec plaisir expirer les arrêtés royaux dont on demande aujourd'hui le rétablissement. Je déclare que si ces arrêtés devaient être renouvelés (ce que la chambre me paraît peu disposée à permettre), je m'empresserais de déposer un projet de loi qui décréterait des primes en faveur de quelques autres industries, et notamment en faveur d'une industrie qui souffre beaucoup en ce moment : l'élevage du bétail. Et je serais très curieux de savoir comment les honorables membres qui demandent encore un ou deux millions en guise de primes s'opposeraient au projet de loi que je déposerais.

Il est établi que les primes encouragent les nations voisines à décréter des mesures restrictives. Rien n'est plus vrai, l'expérience lu démontre. A la prime on oppose la prime, directe ou indirecte. De prime en prime on finit par élever les barrières douanières à la hauteur des murailles chinoises. Je suis fort surpris de voir des libre-échangistes en venir là, ou du moins soutenir des prétentions qui y mènent.

L'honorable M. Delehaye combat vivement la liberté commerciale, comme si nous en étions déjà menacés. Ne changez pas, dit-il, brusquement de système.

Messieurs, il ne s'agit pas de changer de système, à moins que l'on ne soutienne que les primes sont un système légal, consacré par les chambres, admis par le gouvernement à titre définitif.

Mais ce serait un système qui se serait établi assez rapidement et d'une façon subreptice.

Quoi ! Gand, en faveur de qui on plaide surtout aujourd'hui, se plaindrait de l'envahissement du libre-échange parce qu'on supprimerait les primes de sortie ?

On oublie donc que l'industrie gantoise jouit encore d'une protection douanière, d'une prime déguisée qui varie de 50 à 125 p. c. !

Evidemment, messieurs, il ne peut pas être ici question de liberté commerciale, et la peur de nos adversaires serait singulièrement prématurée si je pouvais la considérer comme sérieuse.

L'honorable ministre des finances a cherché à démontrer, et je crois qu'il y est parvenu jusqu'à un certain point, que les primes de sortie sont du socialisme déguisé, en ce qu'elles tendent à métamorphoser nos manufactures arriérées en ateliers nationaux plus ou moins progressifs.

Il y a beaucoup de vrai dans cette manière d'envisager la question, et je prends acte de l'aveu de M. Frère. L'honorable ministre reconnaît donc qu'il a fait du socialisme pendant trois ans. Je trouve que c'est bien assez et j'adjure la chambre de ne pas persévérer dans un détestable système de subsides personnels ou locaux dont le cabinet du 12 août a déjà trop abusé.

On a invoqué l'exemple de l'Angleterre. Mais l'Angleterre n'a pas plus à voir dans cette circonstance-ci que dans une foule d'autres où l'on invoque son exemple. On prodigue trop les arguments anglais dans cette enceinte. Quand on a besoin de l'Angleterre et de feu M. Peel, on les cite comme de grandes autorités. Et quand nous citons des exemples britanniques à l'appui de nos réclamations, on dit que cela ne prouve rien, qu'il faut juger la Belgique au point de vue belge.

D'abord l'Angleterre ne donne pas de primes de sortie ; elle est revenue depuis longtemps de cet inefficace et ruineux système ; ensuite cette puissance est entrée dans un système logique et juste, c'est-à-dire qu'elle s'est rapprochée de la liberté commerciale d'un pas égal, et sans blesser la justice distributive. Elle a décrété des réductions égales pour toutes les industries.

Il serait vraiment extraordinaire et déplorable que la seule industrie belge, à laquelle on ait appliqué le libre-échange depuis l'intronisation de la politique nouvelle, que cette seule industrie là, aujourd'hui la plus souffrante de toutes, continuât de fournir des primes à toutes les autres.

Remarquez bien, messieurs, qu'il ne s'agit pas de changer de système. Que l'honorable M. Delehaye se tranquillise. Le gouvernement n'osera pas faite un pas de plus dans la voie du free-trade.

Ce que M. Lebeau demande pour le moment, ce que je me borne à exiger avec lui, c'est qu'on reste purement et simplement dans le système « retrograde », dans le système « clérical » qu'on a tant reproché à mes honorables amis d'avoir consacré, et que le ministère du 12 août a accepté sous bénéfice d'inventaire, mais sans rien y changer. Pas le moindre droit de douane n'a été réduit ; au contraire, on y a ajoute, dans des circonstances extraordinaires, à la vérité, des primes de sortie, qui ont enlevé plus d'un million au trésor.

Nous demandons donc simplement le retour à l'état de choses qui existait avant l’établissement des déplorables primes dont je suis fort heureux d'entendre que le règne est fini. Plus tard nous irons plus loin, et nous demanderons le droit commun pour toutes les branches du travail national.

- La clôture est demandée.

M. Delehaye (sur la clôture). - Mon intention n'est pas de renouveler la discussion relative aux primes, mais je pense qu'on me permettra de répondre un mot à M. Cools. L'honorable membre a supposé à mon vote sur le budget de la guerre une pensée que je dois repousser. Si la chambre veut clore, je demanderai la parole pour un fait personnel.

M. Dumortier. - Je demande que la chambre continue la discussion. Je voudrais réfuter l'opinion que l'honorable M. Frère a émise en me l'attribuant, opinion que je combats en tous points.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Dumortier. - Du reste, si la chambre veut clore, il me suffira d'agir protesté contre les paroles de M. Frère.

M. Manilius. - Je m'oppose à la clôture. J'ai demandé la parole depuis longtemps. Je voulais faire valoir que la proposition d'ordre du jour ne se fait que pour les pétitions qui ne sont pas convenables. Voilà pourquoi je désirais avoir mon tour de parole.

J'aurais à faire une proposition qui n'étendrait pas la discussion et qui amènerait une solution beaucoup plus convenable qu'un dédaigneux ordre du jour.

M. Cumont. - J'avais quelques observations à soumettre à la chambre. Il est regrettable que, sur un point aussi important, on étouffe la discussion et l'examen.

Il est de fait qu'il est très important pour les Flandres, qui sont à peine sorties du malaise qui a pesé sur elles pendant plusieurs années, qu'on supprime brusquement les primes.

Je suis d'accord avec vous, je suis ennemi des primes ; je crois que le gouvernement aurait mieux fait de ne pas entrer dans cette voie. Mais une fois qu'on y est entré, il est déplorable qu'on en sorte de suite parce que le bien qui pouvait résulter des premiers sacrifices qu'on a faits sera perdu.

On dit que les intentions du gouvernement étaient connues. C'est une erreur. Les démarches que j'ai faites personnellement il y a peu de jours m'ont porté à croire que les primes seraient non supprimées, mais graduellement réduites.

- La discussion est close.

L'ordre du jour esl mis aux voix et prononcé par 49 voix contre 14.

Ont voté pour : MM. Destriveaux, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumon (A.), Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Malou, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry, Tremouroux, Vandenpeereboom (Alphonse), Verhaegen, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Cans, Cools, Coomans, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bocarmé, de La Coste, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse et Delfosse.

Ont voté contre : MM. Dumortier, Manilius, Osy, Rodenbach, T'Kint de Naeyer, Vandenpeereboom (Ernest), Van Iseghem, Van Renynghe, Clep, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), Delehaye, de Muelenaere et de Perceval.


M. Lelièvre, deuxième rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 22 janvier 1849, le sieur Smedt, appelant l'attention de la chambre sur des soustractions qui auraient été faites dans les dépôts de livres et de manuscrits du gouvernement, demande que des poursuites soient dirigées contre l'auteur de ces soustractions. »

Conclusions : renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition datée de Saint-Josse-ten-Noode, le 4 décembre 1850, le sieur Baillieu, enseigne de vaisseau en inactivité, réclame l'inrervention de la chambre pour qu'on lui permette de sortir de la maison de santé où il a été incarcéré. »

Conclusions : renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition datée de Florenville, le 10 décembre 1850, le sieur Pertz, marchand colporteur en aunages indigènes, à Florenville, demande de pouvoir colporter librement et vendre ses aunages dans le rayon frappé de proscription sur tout le périmètre belge et français. »

Conclusions : renvoi à M. le minisire des finances.

M. Pierre. - Messieurs, cette pétition de M. Pertz, négociant, à Florenville, a une importance non moins grande que celle dont je m'occupais tout à l'heure, il s'agit de mesures douanières qui empêchent les marchands colporteurs du pays de fréquenter les villages situés sur la frontière de France, dans un rayon de 2,500 mètres.

Celte prohibition ne paraît pas être rendue indispensable par les exigences du service pour la répression de la fraude. Elle porte sur des marchandises à l'aunage d'origine belge, facile à reconnaître puisqu'elles sont plombées.

Ce genre de commerce souffre considérablement : on peut aisément s'en convaincre.

Avant la prohibition dont le pétitionnaire se plaint, nos colporteurs vendaient une quantité assez importante de leurs marchandises aux Français de la frontière ; ils sont aujourd'hui privés de cette vente. Ils fournissaient aussi leurs marchandises aux habitants des villages situés (page 551) dans le rayon qui leur est maintenant interdit. Ceux-ci, au contraire, vont, dans l'état actuel des choses, s'approvisionner à la frontière française des marchandises dont ils ont besoin et cela au préjudice du commerce du pays.

J'appuierai donc le renvoi à M. le ministre des finances, à la haute attention duquel je recommande tout spécialement cette pétition.

- Le renvoi à M. le ministredes finances est ordonné.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Par pétition de Vilvorde, le 2 décembre 1850, plusieurs pharmaciens à Vilvorde demandent la révision de la loi du 12 mars 1818 et de l'arrêté royal du 31 mai suivant, qui régissent l'art de guérir. »

Conclusions : renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


(Addendum, page 553 M. Lelièvre, au nom de la commission des pétitions, a fait rapport sur quatre pétitions émanées respectivement des sieurs Smedt, Baillieu, Pertz, et de plusieurs pharmaciens de Vilvorde; voici les rapports que l'honorable membre a lus successivement sur chacune de ces pétitions.

M. Lelièvre, rapporteur. - « Le sieur Smedt, appelant l'attention de la chambre sur des soustractions qui auraient été faites dans les dépôts de livres et de manuscrits du gouvernement, demande que des poursuites soient dirigées contre l'auteur de ces soustractions. »

Cette pétition, telle qu'elle est formulée, est devenue en partie sans objet, puisque celui auquel elle prétendait imputer les soustractions est décédé. Toutefois comme il s'agit de livres et de manuscrits qui devraient être restitués au gouvernement, dans l'hypothèse où les faits allégués seraient vérifiés, la commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Le sieur Baillieu, enseigne de vaisseau en inactivité, réclame l'intervention de la chambre pour qu'on ordonne son élargissement de la maison de santé où il est retenu. »

La commission ignore les motifs qui ont dicté la mesure dont se plaint le pétitionnaire. Toutefois il s'agit ici de la liberté d'un citoyen, et sous ce rapport la pétition mérite une attention spéciale. Le gouvernement doit nécessairement s'assurer si le placement du sieur Baillieu dans une maison de santé est légale, et si les causes qui y ont donné lieu ne sont pas venues ) cesser, comme le ferait assez présumer la requête pleine de lucidité sur laquelle vous avez à statuer.

En conséquence, la commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Le sieur Pertz, marchand colporteur en aunages indigènes à Florenville, demande de pouvoir colporter et vendre ses aunages dans le rayon réservé du territoire belge. »

Le pétitionnaire signale les inconvénients de l'état de choses actuel.

La commission, qui est convaincue qu'il faut chercher à concilier les intérêts du commerce avec ceux du trésor public, et que l'on doit concéder aux négociants de la catégorie du pétitionnaire toutes les facilités possibles, pourvu qu'elles soient compatibles avec les garanties dues à l'Etat ; la commission, dis-je, appelle l'attention du gouvernement sur la demande du sieur Pertz, et en conséquence propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.


M. Lelièvre, rapporteur. - « Plusieurs pharmaciens de Vilvorde demandent la révision de la loi du 12 mars 1818 et de l'arrêté royal du 31 mai suivant, relatifs à l'exercice de l'art de guérir.»

Il est reconnu que plusieurs dispositions de la loi du 12 mars 1818 ont pour base un système qui n'est plus en harmonie avec les idées reçues. Une appréciation plus saine des principes de la matière a fait reconnaître la nécessité de règles et prescriptions nouvelles qui placent la législation à la hauteur des progrès de la science.

En conséquence, et sans entrer dans l'examen spécial, de l'hypothèse dont s'occupent les pétitionnaires, la commission qui estime que la loi du 12 mars 1818 et les règlements sur la matière ne répondent plus aux besoins de l'époque, pense qu'une révision à cet égard est indispensable, et appelant sur cet objet l'attention du gouvernement, elle propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice.

(Nous avons mentionné dans le compte rendu de la séance du 29 janvier, que la chambre avait adopté les conclusions de la commission sur chacune des quatre pétitions.) (fin de l'addendum)

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l'intérieur

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai l'honneur de soumettre aux délibérations de la chambre un projet de loi ayant pour but d'allouer au gouvernement un crédit de 73,000 francs, applicable aux dépenses à résulter de la participation des industriels belges à l'exposition de Londres.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le renvoie à l'examen des sections.

La séance est levée à 4 heures et un quart.

(A ajouter, l’addition insérée au tout début du fichier pdf du 30 janvier 1851, une demi-colonne)