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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 juillet 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1653) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. A. Vandenpeereboom donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs distillateurs agricoles dans l'arrondissement de Bruxelles présentent des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries. »

« Mêmes observations des sieurs Dumont et Remy, distillateurs agricoles, et des distillateurs agricoles dans les arrondissements de Huy, Hasselt, Louvain, Liège et Roulers. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Les administrations communales de Marehienne-au-Pont et de Monceau-sur-Sambre prient la chambre d'annuler l'arrêté ministériel qui autorise la société concessionnaire du chemin de fer d'Erquelinnes à aboutir à la station de Mont-sur-Marchienne, en traversant la vallée de l'Eau d'Heure, et demandent que les règles prescrites à la concession soient observées. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics.


« Le conseil communal de Tongres demande la construction d'un embranchement de chemin de fer qui relierait cette ville au chemin de fer de l'Etat à Fexhe. »

- Même disposition.


« Plusieurs distillateurs à Termonde présentent des observations contre le projet de loi sur les distilleries.

« Mêmes observations des sieurs Meeus et Torfs, distillateurs à Anvers. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les distilleries.


« Les membres de la société littéraire dite de Wyngaerd à Bruxelles, demandent l'abolition de la contrefaçon et la libre entrée des livres entre la Belgique et la Hollande. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Mortier présente des observations sur le projet de loi concernant le droit sur le débit du tabac. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Plusieurs propriétaires et locataires à Anvers demandent une loi qui interdise aux administrations communales de percevoir un droit sur les engrais. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Chequet et Fierens, distillateurs à Bruxelles, demandent la suppression du paragraphe premier de l'article 3 du projet de loi sur les distilleries. »

M. Rodenbach. - Messieurs, les pétitionnaires signalent une lacune qui existe dans le projet de loi sur les distilleries ; ils prétendent même que les rédacteurs du projet de loi n'ont pas eu connaissance d'un instrument destiné à accélérer la fermentation et appelé macératcur mécanique ; ils expriment le vœu que cette lacune dans la loi fasse, de la part de la section centrale, l'objet d'un examen attentif. Le macératcur mécanique dont il s'agit est en usage depuis plus de six mois dans plusieurs distilleries ; dès lors il est étonnant que les rédacteurs du projet de loi n'en aient pas eu connaissance. Cette question doit être mûrement examinée. On ne peut pas sans doute empêcher le progrès.

Je demande le renvoi de la pétition à la section centrale. (Interruption.)

On médit que la seclion centrale a terminé l'examen du projet de loi et que le rapporteur est nommé ; je demande que la pétition n'en soit pas moins renvoyée à la section centrale et que cette dernière fasse un rapport subddiaire.

Je le repète, on ignorait dans les bureaux que le macérateur mécanique fût en usage depuis plus de six mois dans plusieurs distilleries ; il y a donc une lacune dans la loi ; je ne pense pas qu'on veuille donner un effet rétroactif à la disposition.

M. Manilius. - J'appuie la proposition de renvoyer la pétition à la section centrale.

On nous a annoncé que cette section a déjà terminé son travail, et que son rapport sur la dernière pétition qui lui a été renvoyée, est arrêté. Nonobstant, si la chambre décide, d'après le vœu que j'en forme, de renvoyer la pétition à la commission, je pense, contrairement à l'avis de l’honorable M. Rodenbach, que la commission doit être laissée juge de la proposition qui lui paraîtra devoir être faite à la chambre ; elle proposera le dépôt sur le bureau ou elle rédigera un rapport supplémentaire ; elle verra enfin si les faits signalés dans la pétition méritent une attention ultérieure.

M. Rodenbach. - Je n'ai pas demandé autre chose.

- La chambre, consultée, renvoie la pétition à la section centrale.


« L'administration communale de Malines fait hommage à la chambre de 110 exemplaires de la requête que le conseil communal de cette ville lui a adressée au sujet de la construction projetée d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par Alost. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.


« L'administration communale de Nivelles fait hommage à la chambre de 110 exemplaires de la réponse faite par le conseil communal aux explications communiquées par M. le minisire des finances à la chambre, sur les réclamations des villes de Namur, de Diest et de Nivelles, relatives aux dettes contractées pour la construction de diverses chaussées, sous le gouvernement autrichien. »

- Même disposition.


« Le comice du deuxième district agricole du Hainaut demande que le gouvernement fasse successivement abattre les peupliers noirs et blancs qui sont plantés le long des routes de l'Etat, et qu'à l'avenir on les remplace par des arbres d'essences reconnues moins nuisibles à l'agriculture, et plantés à de plus grandes distances que maintenant. »

M. Faignart. - Je demande que la commission soit invitée à faire son rapport le plus tôt possible ; plusieurs pétitions semblables à celle qui vient d'être analysée ont déjà été adressées à la chambre, la question qu'elles soulèvent intéresse gravement l'agriculture, il importe de la résoudre promptement.

- La proposition est adoptée.


« Les membres du conseil communal d'Audenarde, prient la chambre de décider qu'il sera donné suite aux propositions faites pour la construction d'un chemin de fer de l'arrondissement d'Audenarde, et, à défaut de concession, que la ville d'Audenarde, au moyen d'un chemin de fer à construire par l'Etat, sera mise en communication avec la ville de Gand et avec les autres villes du royaume. »

M. d'Hondt. - Je demande le renvoi à la section centrale et j'appelle l'attention particulière de la chambre et du gouvernement sur cette pétition qui est digne à tous égards de la plus vive sollicitude, puisqu'elle signale les plus justes griefs.

Non seulement la ville et le district si important d'Audenarde qui, malgré les fortes parts contributives qu'ils payent dans les budgets de l'Etat, ont été constamment, et comme à dessein, oubliés dans les bienfaits des dépenses publiques, ne se trouvent pas compris dans les travaux qu'on propose de décréter, mais parmi ces projets il en est un, au contraire, qui doit nécessairement porter un préjudice considérable à la principale source de leur prospérité, à la navigation par Audenarde. Ce projet désastreux pour la ville que j'ai l'honneur de représenter, c'est le canal de jonction de l'Escaut à la Lys entre Bossuyt et Courtray. J'appelle donc l'examen le plus réfléchi du gouvernement et de la chambre sur les considérations que la ville d'Audenarde fait valoir, et j'émets le vœu que le gouvernement veuille bien, pendant la discussion en sections, prendre une détermination sur l'objet de la présente requête.

M. Liefmans. - J'appuie les observations présentées par mon honorable collègue M. d'Hont. Les raisons pour renvoyer la pétition à la section centrale sont fondées, mais comme il s'agit d'un intérêt majeur pour la ville et pour tout le district d'Audenarde, je demande que cette pétition soit de plus envoyée à M. le ministre des travaux publics. Ce haut fonctionnaire pourra prendre des informations, et de cette manière quand la discussion sera ouverte sur les projets de loi qui nous sont présentés, il sera à même de donner des réponses positives sur les interpellations qui lui seront adressées.

Je dois le déclarer, messieurs, la position d'Audenarde est tout exceptionnelle. Non seulemént nous ne participons pas aux nombreux travaux qu'il s'agit d'entreprendre, mais il est en projet un travail considérable qui doit frapper le district d'Audenarde dans les principales sources de sa prospérité. Si le gouvernement était convaincu comme nous des pertes dont la ville et le district d'Audenarde sont menacés, il présenterait lui-même à la législature un projet de loi pour nous donner un juste dédommagement.

Je demande donc non seulement que le renvoi à la section centrale ait lieu, mais même que la pétition soit adressée à M. le ministre des travaux publics.

M. d'Hondt. - J'appuie cette proposition.

M. le président. - C'est contraire au règlement.

M. Liefmans. - Je n'entends nullement déroger au règlement de la chambre. Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport. De cette manière les formalités seront observées.

M. le président. - La section centrale prendra en considération ces observations, et, si elle le juge convenable, pourra renvoyer la pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Le renvoi à la section centrale des travaux publics est ordonné.


« Plusieurs habitants de Blankenberghe demandent la construction (page 1654) d’un port de relâche à Blankenberghe et d'un chemin de fer reliant cette ville à celle de Bruges. »

M. Rodenbach. - Cinq ou six communes des Flandres demandent d'avoir aussi leur part dans les millions qu'on propose de consacrer aux travaux publics, elles demandent qu'on garantisse un minimum d'intérêt de 4 p. c. pour une dépense de 2 millions ayant pour objet de construire un chemin de fer de Blankenberghe à Bruges, et un port de refuge à Blankenberghe.

Il veulent aussi avoir leur part dans les travaux du chemin de fer.

Je demande le renvoi à la section centrale avec prière d'examiner si la demande est fondée.

- Ce renvoi est prononcé.


M. Lelièvre demande un congé pour demain.

- Ce congé est accordé.

Projet de loi relatif au visa pour timbre, enregistrement et transcription, sans pénalité, des actes translatifs ou déclaratifs de droits réels immobiliers

Rapport de la commission

Projet de loi relatif au droit de transcription des actes de partage et de licitation

Rapport de la commission

M. Lelièvre, au nom de la commission spéciale qui a examiné les projets de loi relatifs au visa pour timbre, enregistrement et transcription, sans pénalité, des actes translatifs ou déclaratifs de droits réels immobiliers ; 2° au droit de transcription des actes de partage et de licitation, dépose les rapports sur ces projets de loi.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports, et met la discussion de ces projets de loi à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. A. Vandenpeereboom. - Par diverses pétitions adressées à la chambre, les conseils communaux de Blankenberghe, de Wenduyne, de Stalhille et Uylkerke demandent que le gouvernement soit autorisé à garantir un minimum d'intérêt de 4 p. c. aux concessionnaires d'un port de pêche et de cabotage à Blankenberghe et d'un chemin de fer de cette ville à Bruges.

La concession de ce port et des travaux accessoires comprenant un chemin de fer de Blankenberghe à Bruges, etc., est demandée depuis le 18 mars 1848 ; la dépense est évaluée à 2 millions de francs.

Le chemin de fer de Blankenberghe serait, d'après les pétitionnaires, pour le railway national un service de produits d'autant plus considérable que ces produits doivent parcourir la ligne d'Ostende vers l'Allemagne.

La construction d'un port permettrait aux armateurs de donner de nouveaux développements à une industrie qui seule fournit du travail aux pêcheurs, aujourd'hui si pauvres, de la ville de Blankenberghe.

Votre commission propose le renvoi de ces pétitions à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux publics.

M. Manilius. - Je demande que la pétition soit en outre renvoyée à M. le ministre des travaux publics ; car la section centrale n'a pas la mission de créer des travaux nouveaux. S'il doit en être créé, il faut que le gouvernement présente un travail. Je ne m'oppose donc pas au renvoi à la section centrale ; mais je demande en outre le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

M. A. Vandenpeereboom, rapporteur. - Tout à l'heure, l'honorable membre s'opposait au renvoi à M. le ministre des travaux publics, pour une pétition de même nature. Je crois qu'il faut se borner au renvoi à la section centrale qui proposera le renvoi au ministre si elle le juge convenable.

M. Manilius. - L'honorable rapporteur aurait parfaitement raison si nous nous trouvions dans la même situation, mais il s'agit ici d'une pétition déjà examinée par une commission et l'honorable rapporteur prend ses conclusions d'une pétition déjà connue. Tout à l'heure nous ne concluions pas sur une pétition ; il s'agissait de la faire examiner ; mais il s'agit ici d'une pétition déjà examinée et qui a déjà été trouvée assez importante pour être renvoyée à une section quasi centrale.

Je dis et je répète que s'il y arrive des demandes de travaux, ces demandes doivent s'adresser plus particulièrement au gouvernement qu'à des sections centrales et à la chambre. La chambre et les sections ne sont destinées qu'à examiner les projets du gouvernement et non pas à en créer. Je suis donc très logique en demandant cette fois-ci, contrairement à ce que j'ai fait tout à l'heure, le renvoi à la section centrale et au gouvernement parce que cette pétition est connue et que nous en avons déjà un rapport.

Je me rallie entièrement aux conclusions de la commission, mais je demande subsidiairement qu'on en donne connaissance au ministre.

M. Rodenbach. - Le renvoi direct au ministre seul est contraire au règlement ; mais on pourrait tout concilier en renvoyant la pétition à la section centrale et au ministre.

M. Manilius. - Nous sommes parfaitement d'accord. Le règlement n'est pas obstatif à ce que nous prenions une résolution sur une pétition.

- Les conclusions de la commission et la proposition de M. Manilius sont adoptées. En conséquence la pétition est renvoyée à la section centrale et au ministre des travaux publics.


M. A. Vandenpeereboom. - « Par pétition du 24 décembre 1850 et dont l'analyse a été présentée à la séance du 9 mai dernier, plusieurs habitants du canton de Houffalize réclament l'intervention de la chambre, pour que le gouvernement oblige la compagnie concessionnaire du canal de Meuse-et-Moselle à continuer les travaux de cette voie de communication. »

Les pétitionnaires se plaignent du retard que met la compagnie concessionnaire à remplir ses obligations. L'achèvement du canal de Meuse-et-Moselle ne doit point grever le budget de l'Etat.

La commission des pétitions propose le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem, au nom de la section centrale qui a examiné un projet de loi de crédit au département des affaires étrangères, dépose un rapport sur ce projet de loi.

La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et met la discussion de ce projet de loi à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1852

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, dans la séance d'hier vous avez voté les articles relatifs aux dépenses de l'administration dans les provinces et, par erreur, on a laissé subsister à la colonne des crédits extraordinaires une somme de 5,000 francs pour la Flandre orientale, cette somme ne doit plus figurer au budget de 1852 ; c'est donc une réduction de 5,000 francs à opérer.

Mais il y aura à l'article 70, frais du jury d'examens pour les grades académiques, un somme de 4,000 fr. à ajouter.

La somme demandée est de 50,000 fr. J'ai adressé à la section centrale une lettre pour demander une augmentation de 4,000 francs, destinée aux membres du jury chargé d'examiner les candidats qui se présentent pour le professorat. La section centrale avait, je pense, adopté cette augmentation, mais on a omis de le mentionner dans le rapport.

C'est donc 5,000 francs à retrancher d'une part et 4,000 francs à ajouter de l'autre.

M. le président. - Nous nous occuperons d'abord de la suppression des 5,000 francs qui figurent, à l'article 21, dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires. Nous statuerons sur l'augmentation de 4,000 francs à l'article 70, quand nous en serons à cet article.

- La suppression des 5,000 francs est mise aux voix et adoptée.

Chapitre XV. Instruction publique. Enseignement supérieur

Article 67

« Art. 67. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur : fr. 4,000. »

- Adopté.

Article 68

« Art. 68. Traitement des fonctionnaires et employés des deux universités de l'Etat : fr. 518,600. »

M. le président. - Il y a à transférer, de l'article 69 à l'article 68, une somme de 11,090 fr., ce qui porte le chiffre de ce dernier article à 5229,690 francs. M. le ministre est, je pense, d'accord sur ce transfert ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, M. le président.

- Le chiffre de 529,690 francs est mis aux voix et adopté.

Article 69

« Art. 69. Bourses. Matériel des universités. Frais de l'enseignement normal près la faculté de philosophie et lettres de l'université de Liège et près la faculté des sciences de l'université de Gand : fr. 106,800. »

M. le président ; - Par suite du transfert qui vient d'être voté, le chiffre de cet article se trouve réduit à 93,710 francs.

- Le chiffre de 93,710 francs est mis aux voix et adopté.

Article 70

« Art. 70. Frais du jury d'examen pour les grades académiques : fr. 50,000. »

M. le président. - D'après les observations faites tout à l'heure par M. le ministre de l'intérieur, le chiffre de cet article devrait être porté à 54,000 francs.

- Le chiffre de 54,000 francs est mis aux voix et adopté.

Article 71

« Art. 71. Dépenses du concours universitaire : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre XVI. Instruction publique. Enseignement moyen

Discussion générale

M. Vilain XIIII. - Messieurs, lorsqu'il s'est agi, dans la séance du 30 avril 1850, de voter sur l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, amendement qui rendait l'enseignement de la religion obligatoire, j'ai demandé la division de l'article.

Je demandais cette division, afin de voter contre la partie de l’amendement de M. Lelièvre qui rendait l'enseignement de la religion obligatoire.

(page 1655) Je m'exprimais en ces termes :

« M. le président, quand vous avez mis aux voix la première partie de l'amendement de M. Lelièvre, vous n'avez pas fait la contre-épreuve ; certainement elle n'était pas nécessaire, attendu qu'une majorité très considérable avait adopté la disposition ; mais je tiens à constater que j'aurais émis un vote négatif, et je demande que ma déclaration soit insérée au procès-verbal. Un concert préalable n'ayant pas été conclu avec le clergé, je suis contraire à l'enseignement obligatoire de la religion dans les établissements de l'Etat : selon moi, la seule manière de résoudre constitutionnellement la question, c'était l'article primitif du projet du gouvernement.»

Après ce vote et cette déclaration, la chambre comprendra que j'ai été peu étonné du résultat de la négociation de M. le ministre de l'intérieur avec le clergé : à mes yeux, l'accord était impossible. Aussi en prenant connaissance de la correspondance qui nous a été distribuée, il m'a semblé lire des lettres que je savais par cœur depuis un an. C'était pour moi de l'histoire ancienne et je vous demande la permission de ne pas vous en entretenir.

Ce qui excite aujourd'hui au plus haut point mon intérêt, je puis dire mon anxiété, c'est la détermination que va prendre le gouvernement.

La loi le laisse libre de choisir entre deux partis. Il peut envoyer les élèves à la paroisse ou bien il peut leur faire donner dans le collège des leçons de religion par un laïque.

S'il envoie les élèves à la paroisse, tout est dit, aucun conflit ne peut surgir. L'église est ouverte pour tout le monde, les élèves pourront assister aux offices, aux instructions de la paroisse, comme tous les autres fidèles et, quoique cette instruction soit bien au-dessous des besoins d'enfants de cet âge, cependant elle est strictement suffisante, elle sera du moins orthodoxe.

Mais si M. le ministre prenait l'autre parti, s'il se déterminait à nommer un professeur de religion dans le collège, je serais effrayé des conséquences incalculables de cet acte imprudent et, à mon avis, inconstitutionnel. Il est incontestable que l'autorité spirituelle a seule le droit d'enseigner la religion, seule elle a le droit de déléguer à qui il lui plaît le pouvoir de l'enseigner, et toute personne qui, malgré la défense de l'évêque, usurpe l'enseignement du dogme, devient schismatique. C'est donc la possibilité d'un commencement de schisme que M. le ministre de l'intérieur tient dans les pans de son manteau ; c'est, à mes yeux, le plus grave danger intérieur auquel la Belgique ait été exposée depuis 1830.

J'ignore complètement quelle peut être, sous ce rapport, la pensée de l'épiscopat ; il y a un an que je n'ai vu aucun évêque belge, que je n'ai eu avec aucun d'eux de rapport direct ou indirect ; ainsi la pensée de la supposition que je vais faire ne peut leur être attribuée ; mais laissez-moi pousser les choses à l'extrême pour vous montrer les dangers possibles de la situation.

Supposons qu'usant de leur droit incontestable, les évêques déclarent que les collèges où la religion sera publiquement enseignée, sans leur autorisation, sont séparés d'eux par le fait même, vous faites-vous une idée, messieurs, des conséquences incalculables qui peuvent sortir d'une pareille situation, du choc de deux pouvoirs, dont l'un, le ministère et la majorité des chambres, ayant la force en mains, serait excité par le soin de sa dignité et la vivacité de la lutte et dont l'autre resterait impassible et inébranlable ? Ah ! Dieu nous préserve d'une pareille extrémité !

On me fera une objection, et l'on me dira peut-être, comme cela a été dit au sénat, que les parents ont le droit d'enseigner le catéchisme à leurs enfants et qu'ils peuvent déléguer ce droit aux professeurs des collèges.

C'est, messieurs, une erreur complète ; laissez-moi vous en parler un moment, car le point est capital.

Les parents sont obligés d'élever chrétiennement leurs enfants et de leur enseigner le catéchisme, cela est certain, c'est pour eux un devoir positif et de stricte obligation, mais ce n'est pas un droit primordial qu'ils possèdent en eux-mêmes et qui soit inhérent à leur qualité de père et de mère de famille. Ce devoir leur est imposé et par conséquent, la délégation leur est donnée par l'évêque du diocèse, par le curé de la paroisse. Je le prouve : En premier lieu, il y a beaucoup de catéchismes, peut-être tous, je l'ignore, mais j'en connais plusieurs qui contiennent, au verso de la première page, un avis pour les parents, signé par l'evêque, avis qui leur fait un devoir de faire apprendre à leurs enfants les prières du matin et du soir et les leçons du catéchisme. Première délégation. Secondement, tous les trois ou quatre ans au moins, les évêques rappellent aux parents, dans le mandement du carême, que leur devoir le plus rigoureux est de donner à leurs enfants une bonne éducation chrétienne, qu'ils doivent leur enseigner les principes de la religion dès leur plus jeune âge, etc.... Seconde délégation. Enfin tous les curés répètent cette recommandation à satiété au prône du dimanehe et par conséquent délèguent leur droit à tous les parents de leur paroisse.

Je pense, messieurs, que vous jugerez avec moi qu'il y a surabondance de délégation. Maintenant voyons comment les parents pourraient s'en passer. D'où tireraient-ils le droit d'enseigner la religion à leurs enfants ? Evidemment ce ne peut être en vertu de la loi naturelle, loi antérieure à la révélation ; la loi civile n'a que faire ici, et la loi religieuse y est contraire, car c'est aux apôtres et à leurs successeurs et non à des parents que J. C. a dit :« Allez et enseignez. » Ainsi, messieurs, les parents n'ont pas en eux-mêmes le droit d'enseigner le catéchisme à leurs enfanls et dès lors ils ne peuvent déléguer ce pouvoir, qui leur est donné par les évêques. Il est de règle en effet dans le droit ecclésiastique, comme dans le droit politique, le droit judiciaire, le droit administratif, le droit diplomatique qu'on ne peut transmettre à un tiers un pouvoir qui vous a été délégué par votre supérieur, sans que celui-ci vous ait donné une autorisation spéciale de délégation. Or, dans la circonstance présente, l'autorité légitime non seulement n'autorise pas la délégation, mais elle la refuse à plusieurs reprises.

L'honorable M. Lebeau, à la fin de son rapport, a cru devoir présenter l'archevêque de Paris comme un modèle à suivre par le clergé belge. J'ai relu, à ce propos, quelques mandements de ce prélat, et j'y ai trouvé bien des choses, entre autres le passage que voici ; je le rencontre dans le mandement du 24 août 1850 :

« On ne peut méconnaître que la civilisation actuelle ne sorte, en grande partie, de l'Evangile. Il est évident que le monde politique a été éclairé par ses dogmes, formé et moralisé par sa discipline, et que toutes ses institutions ont été pénétrées de son esprit. L'Eglise s'est donc trouvée, par la force même des choses, mêlée au gouvernement du monde moderne et de ses sociétés, parce que le monde moderne était chrétien par son origne, par son éducation, par son développement. La révolution religieuse du seizième siècle, qu'on appelle la Réforme, a commencé à briser cette union. Le monde a voulu vivre à côté de l'Eglise d'abord, puis sans elle ; et comme cette tentative ne lui a pas réussi, parce qu'un Etat ne peut pas plus vivre sans religion qu'un corps sans âme, il a cherché au moins à se passer de l'Eglise le plus qu'il pourrait, et par conséquent à restreindre son influence et à diminuer son action sur les peuples. L'élément laïque, comme on dit aujourd'hui, s'est mis en guerre avec l'élément ecclésiastique, afin de lui enlever même l'empire et la direction des âmes. Malheur à nous, si nous lui laissions usurper cet empire et s'emparer de cette direction, qui n'appartient qu'à l'Eglise !

« Autant, N.T.C.F., nous respectons l'indépendance du pouvoir civil, autant et plus encore nous proclamons et défendons celle du pouvoir religieux. Plus nous honorons les gouvernements de ce monde, établis pour faire observer la justice et maintenir l'ordre dans les sociétés, quelles que soient leurs formes et leurs constitutions, plus aussi nous voulons qu'on respecte le gouvernement de Dieu, qui est l'Eglise, avec sa constitution divine, avec ses traditions consacrées par le temps, avec sa hiérarchie sainte, et surtout son infaillible autorité, pour enseigner aux peuples les vérités éternelles, et les diriger dans la voie du salut. Voilà pourquoi, N. T. C. F., nous ne pouvons tolérer l'invasion du laïcisme dans l'enseignement de l'Eglise et son gouvernement, sous quelque forme qu'il se présente, et quelle que soit sa bonne volonté de la défendre. »

J'espère que l'honorable rapporteur est satisfait de ce petit morceau de son protégé.

En finissant, je conjure le cabinet de peser mûrement l'acte qu'il va poser ; je le conjure, dans cette circonstance, de s'élever au-dessus de toutes les considérations de parti, de s'isoler des préoccupations du moment, d'être hommes d'Etat enfin, et de ne pas léguer à ses successeurs et au pays des embarras de la plus haute gravité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable préopinant me semble céder à des alarmes prématurées ou mal fondées. Il raisonne comme si tout espoir de conciliation devait être abandonné, comme si l'on devait renoncer pour toujours à une entente avec le clergé. J'aime à croire que le clergé, éclairé par l'opinion publique, reviendra de lui-même sur quelques opinions que nous avons considérées comme trop absolues.

S'il arrivait que l'entente que nous avons toujours désirée sincèrement et que nous désirons encore, ne pût avoir lieu, quelle serait la conduite à tenir par le gouvernement, pour l'exécution de l'article 8 ? Je pourrais dire, à mon tour, que rien de nouveau ne nous a été dit, ne nous a été appris à cet égard par l'honorable préopinant. La question qu'il nous pose, nous a été posée à maintes reprises pendant la discussion de la loi, et il y a été répondu.

Pour le cas où le clergé refuserait d'envoyer des délégués dans les établissements de l'Etat, dans les établissements soumis au régime de la loi, que ferait le gouvernement ? Nous l'avons dit et nous le répétons : le gouvernement ferait en sorte d'exécuter autant qu'il est en lui les prescriptions de l'article 8. Il aurait à suivre les usages établis, à s'en rapporter au sentiment des pères de famille.

Ce qui excite aujourd'hui les alarmes de l'honorable préopinant, existe dans plusieurs collèges : depuis un grand nombre d'années, après que les délégués du clergé se sont retirés de ces établissements, l'enseignement religieux a continué d'y être donné. Sous ce rapport, il n'y aurait donc aucune innovation, si l'on se décidait à faire ce qui a été fait jusqu'ici, sans que le haut clergé y mît obstacle.

L'opinion de l'honorable M. Vilain XIIII, opinion qu'il a, d'ailleurs, exprimée très consciencieusement et très modérément, n'est pas partagée par tous ses amis.

Voici ce que disait l'honorable M. Dumorticr sur le catéchisme, lors de la discussion de la loi du 1er juin 1850 :

« Les laïques peuvent-ils donner l'enseignement doctrinal ? Non, ils ne peuvent pas donner l'enseignement doctrinal ; cela est impossible, la doctrine religieuse est du ressort, exclusivement du ressort du clergé. Mais à côté de cet enseignement de la doctrine, vient se placer l'enseignement textuel du catéchisme. Si le clergé ne va pas dans les établissemtnts au gouvernement, il est évident que, dans l'intérêt de la jeunesse, on doit demander l'enseignement du catéchisme. Pour mon compte, j’aime mieux (page 1656) pouvoir enseigner le catéchisme que de voir par l’abstention du clergé l’enseignement religieux suspendu dans les collèges de l’Etat. Je voudrais que, dans tous les établissements d’instruction, on donnât au moins l’enseignement du catéchisme.

« Il m'est pénible de voir que la plus grande partie des enfants en Belgique ne reçoivent pas même l'enseignement du catéchisme. C'est le moins qu'on puisse faire. Remarquez, comme le disait tout à l’heure l'honorable ministre des finances, que c'est ce qu'on enseigne dans les athénées de Gand, de Tournay et de Mons, et il n'est jamais venu à ma connaissance qu'on se soit plaint de ce qu'on enseignât le catéchisme dans ces établissements. Il y aurait eu plus de motifs de se plaindre si on ne l'eût pas enseigné. »

Voilà comment s'exprimait l'honorable M. Dumortier, et, comme on voit, il se trouve en complet désaccord avec l'honorable député de Saint-Nicolas.

En règle générale - nous raisonnons, d'ailleurs, dans une hypothèse qui, nous l'espérons encore, ne se réalisera pas - mais en règle générale, je le répète, nous suivrons les usages locaux existants. Le principe sera de faire recevoir à l'église l'enseignement religieux. Mais nous croyons aussi que dans certaines localités, il n'y aura pas d'inconvénient à ce que l'enseignement religieux continue d'être donné comme il l'a été jusqu'ici.

Mieux vaudra sans doute que l'état de choses actuel vienne à cesser et que le clergé veuille bien se conformer à l'invitation que nous lui adressons au nom de la loi.

J'ignore si l'intention de la chambre est qu'une discussion s'engage à propos de la correspondance échangée entre le gouvernement et les évêques ; quant à nous, nous sommes prêts à entrer dans cette discussion ; nous ne voulons pas cependant la provoquer.

Nous nous contentons de l'approbation que notre conduite a reçue de la part de la section centrale, et nous considérerons le vote des crédits nouveaux qui sont demandés, comme une adhésion donnée par la chambre à la marche que nous avons suivie.

M. Lelièvre. - Auteur de l'amendement introduit dans l'article 8 de la loi sur l'enseignement, j'éprouve le besoin d'énoncer mon opinion sur les difficultés que cet article a fait naître entre le gouvernement et les évêques.

Le discours que j'ai prononcé dans la séance du 16 avril 1850 exprimait clairement la pensée qui avait dicté cet amendement :

« Tous les hommes sages et modérés, disais-je, veulent l'enseignement religieux. Cet enseignement doit être complet et sérieux.

« Les ministres de la religion, arrivant dans l'école, doivent être protégés dans l'exercice de leur auguste mission. Ils doivent être respectés et honorés de tous. Nul ne peut se permettre de porter atteinte directement ou indirectement à leur enseignement. Telle est la portée évidente de l'article 8 du projet, qu'en ce qui me concerne, je crois devoir maintenir, comme exprimant l'intention, que l'enseignement religieux fasse partie de l'enseignement moyen, comme reflétant sur ce point l'esprit de la loi que les déclarations du gouvernement viendront certainement confirmer. »

Mes intentions sont nettement énoncées. Quand la loi considérait comme obligatoire la gymnastique qui était déclarée formellement faire partie du programme de l'enseignement moyen, il me paraissait peu convenable de ne faire mention de l'enseignement religieux qu'en termes qui auraient pu faire supposer que le législateur n'en avait nul souci et qu'il n'attachait aucune importance au concours du clergé en ce qui concerne l'éducation publique.

En décrétant au contraire que l'enseignement moyen comprenait l'enseignement de la religion, la loi rendait hommage au principe religieux, elle témoignait qu'elle le prisait à sa juste valeur. L'énonciation de semblable disposition avait aussi des conséquences importantes. Il en résulte nécessairement que l'enseignement scientifique ne peut contrarier en rien l'instruction religieuse, et qu'en conséquence les livres employés à l'enseignement des sciences doivent être purs de toute doctrine contraire aux principes religieux, et c'est dans ce but que l'article 8 dont il s'agit autorise les ministres des cultes à communiquer leurs observations au conseil de perfectionnement.

Une autre conséquence qui se déduit nécessairement de l'article 8, c'est que les professeurs ne peuvent se permettre directement ou indirectement de porter atteintes aux doctrines religieuses considérées comme faisant partie du programme de l'enseignement moyen et c'est la pensée que j'exprimais dans le passage dont j'ai eu l'honneur de vous donner lecture.

Dans la négociation qui a été entamée entre le gouvernement et les évêques, ceux ci ont élevé d'autres prétentions. Ils ont subordonné leur concours à des mesures préventives. Le gouvernement doit leur garantir d'avance un personnel homogène, des professeurs, en un mot, dont les opinions et la conduite religieuse puissent rassurer le clergé

Je dois le déclarer franchement, messieurs, jamais mon amendement n'a eu cette portée, et cela résulte, à l'évidence, de mon discours dans lequel on lit : « Que le clergé reponde à l'appel de la législature. S'il était ensuite réduit à la triste nécessité de ne pas prêter son concours, qu'il le fasse, non par mesure préventive, mais en se fondant sur des faits qui, posés et se perpétuant dans tel élablisssement, seraient de nature à rendre sa mission purement nominale ou tendraient à la paralyser de quelque manière que ce fût, et il n'y aura qu'une voix dans le pays pour applaudir à une retraite commandée par l'accomplissement d'un devoir impérieux. »

Dans mon opinion, on ne peut exiger qu'une chose des professeurs de l'enseignement scientifique, c'est que dans l'exercice de leurs fonctions ils s'abstiennent de toute critique directe ou indirecte des principes religieux, et quant à leur conduite en dehors de l’établissement, l'on n'aurait droit de l'incriminer, comme le dit M. le rapporteur, que dans l'hypothèse où elle porterait ouvertement atteinte à leur considération, à celle de l'établissement, ou bien serait de nature à exercer une influence fâcheuse sur ma moralité des élèves.

Mais il est impossible, sous l'empire de nos lois constitutionnelles, d'exiger de qui que ce soit la profession d'une foi religieuse quelconque et d'exclure d'un emploi public ceux qui ne partagent pas les convictions catholiques.

Je n'examine pas les prétentions des évêques au point de vue des principes religieux, mais en admettant qu'elles soient fondées sous ce rapport, en admettant qu'en conscience et en acquit de leurs devoirs les chefs de l'Eglise catholique ne puissent concourir à l'exécution de la loi qu'aux conditions énoncées dans la lettre du cardinal archevêque, force est de conclure que l'Etat ne peut plus songer à l'intervention du clergé, parce que, lui aussi, a des devoirs constitutionnels qui ne lui permettent pas de donner son assentiment aux conditions exigées.

En effet, messieurs, tous les Belges sont admissibles aux emplois quelles que soient leurs opinions religieuses, il n'est donc pas possible d'exclure du professorat un citoyen belge par cela seul qu'il ne partagerait pas les principes de l'Eglise catholique, parce qu'il ne pratiquerait pas les devoirs religieux imposés aux fidèles. Il est impossible de décréter cette exclusion dans un traité émané de la puissance gouvernementale. Le système contraire n'est pas en harmonie avec les libertés civiles décrétées par les articles 14 et 15 de la Constitution.

D'un autre côté, le gouvernement ne peut traiter les élèves appartenant à une communion dissidente sous un rapport moins favorable que la jeunesse catholique. Il ne peut dès lors arrêter des mesures préalables ni conclure des conventions qui auraient réellement cette portée.

La correspondance des évêques conduirait, à mon avis, à la conséquence qu'il doit exister une séparation entre l'Eglise et l'Etat, même en matière d'enseignement.

J'avais cru, messieurs, que l'on pouvait arriver à un résultat différent, j'avais pensé qu'il était possible de concilier les droits du pouvoir civil avec l'intervention du clergé dans les écoles publiques.

Je m'étais persuadé que du moment que les professeurs des sciences s'abstenaient de contrarier en quoi que ce fût la mission des ministres de la religion, ceux-ci eussent été heureux de venir annoncer la parole divine aux jeunes gens fréquentant les collèges de l'Etat. J'éprouve le regret de voir que, pour le moment au moins, mes espérances se trouvent déçues.

Toutefois, messieurs, mon amendement ne sera pas sans portée et l'article 8 conserve encore quelque valeur. Il en résultera toujours que l'on ne pourra porter atteinte aux principes religieux, qu'il ne sera permis de les contrarier en rien et que les livres qui seront mis dans les mains des élèves devront aussi être irréprochables sous ce rapport.

Après cela, que le gouvernement se garde bien de faire donner par des délégués la moindre partie de l'enseignement religieux, puisque c'est à juste titre qu'on méconnaît sa compétence à ce point de vue. Qu'il ne s'immisce en aucune manière dans une mission qui est du domaine exclusif des ministres des cultes, mais que les élèves soient conduits dans les temples où ils recevront l'instruction religieuse donnée aux fidèles par les ministres de leurs communions respectives, ainsi que le disait notre honorable président dans la discussion de la loi sur l'enseignement primaire.

Voilà dans quel sens la loi doit être exécutée, et à ce point de vue, l'article 8 pourra encore produire de bons fruits. Le gouvernement ne pourra être accusé d'empiétement sur le domaine religieux ; et, d'un autre côté, il sera satisfait autant que possible à l'esprit qui a présidé à la rédaction de la disposition dont il s'agit.

Telle est la marche que, selon moi, le gouvernement doit suivre dans l'intérêt de ses établissements et des familles qui leur accordent leur confiance. C'est la seule qui est de nature à prévenir des conflits fâcheux qu'une saine politique commande d'éviter avec soin.

M. de Theux. - Messieurs, la section centrale vous propose de voler les crédits pétitionnés pour l'enseignement moyen comme une approbation explicite de la conduite tenue par le gouvernement dans la négociation ouverte pour l'exécution de l'article 8. M. le ministre de l'intérieur vous demande le même vote. Quant à moi, mon vote sera négatif. Je vous en exposerai brièvement les motifs. La section centrale s'est demandé si le gouvernement avait fait tout ce que la loi prescrit pour obtenir le concours du clergé. Matériellement oui, le gouvernement a écrit aux évêques, ainsi il les a invités à prêter leur concours ; mais le gouvernement a-t-il rempli les promesses qu'il avait faites dans cette chambre et au sein du sénat ? Nous disons non.

La section centrale demande encore si le gouvernement a fait tout ce que sa dignité lui permettait de faire. Elle répond oui ; nous disons encore non, parce que la première chose qu’exige la dignité du gouvernement, c’est l’accomplissement des engagements pris vis-à-vis de la législature pour l'exécution d'une loi.

Le vœu du législateur était qu'il y eût concours de la part du clergé ; et, en effet, l’article 8 n’a pas été voté à la légère ; c’est à la suite d’une discussion longue, approfondie dans laquelle on s’est mis généralement d’accord sur l’utilité, la nécessité même de l’enseignement religieux dans (page 1657) les établissements publics, Quelle était la conséquence de cette discussion, de ce vote ? C'est que le gouvernement devait aviser à tous les moyens que la raison avoue pour arriver au but que le législateur voulait atteindre. L'honorable M. Lebeau dit dans son rapport :

« Il est peut-être à regretter que l'épiscopat ait cru devoir réclamer une mesure officielle et publique destinée à écarter les difficultés signalées et pour déterminer la position qu'on veut faire au clergé. »

Il exprime l'espoir, ainsi que M. le ministre de l'intérieur, que la négociation n'est pas définitivement rompue. Il n'entre pas dans mes intentions de me poser comme intermédiaire dans la négociation ; mais il est de mon devoir d'exprimer nettement mon opinion sur la conduite qui a été suivie par le gouvernement. Au lieu de réclamer du clergé une confiance aveugle dans une matière aussi délicate, confiance qui n'a jamais été accordée à personne, M. le ministre aurait dû, ce me semble, faire connaître aux évêques quelle était la marche que le gouvernement entendait suivre pour exécuter l'article 8 de la loi sur l'enseignement moyen.

Ayant exposé nettement, franchement cette marche, il aurait pu s'assurer si le clergé avait des objections sérieuses à y faire. Mais il dit au clergé : Ayez pleine confiance en moi, ne vous occupez pas du reste. Ce n'est pas ainsi qu'on traite des intérêts aussi graves.

Si M. le ministre a devoir de charge d'opinion, le clergé a aussi un devoir ; c'est un devoir de mission et de conscience. Les gouvernements absolus, du moins les gouvernements absolus raisonnables, n'ont jamais craint de tracer publiquement, officiellement les règles de conduite qu'ils entendaient suivre pour traiter les grands intérêts du pays. En traçant ces règles qu'ils entendaient suivre, ils n'abdiquaient pas leur pouvoir puisqu'il leur était toujours facultatif de les réformer ; mais ils s'engageaient moralement vis-à-vis du pays, vis-à-vis des intéressés, ils engageaient également leurs successeurs qui étaient obligés de suivre les règles établies conformément à la saine raison, sous peine de perdre la confiance du pays en les révoquant.

Appliquons ces observations aux points principaux qui ont fait l'objet de la discussion entre le gouvernement et l'épiscopat et qui font l'objet du rapport de l'honorable M. Lebeau.

Commençons par le conseil supérieur de perfectionnement de l'enseignement moyen. Assurément la position que le gouvernement aurait offerte au clergé dans ce conseil était une première garantie. Cette garantie a-t-elle élé offerte ? Non ; il n'en a pas été question.

Cependant M. le ministre de l'intérieur, dans la discussion de la loi, s'en était expliqué formellement dans deux séances différentes ; d'abord dans la séance du 11 avril, M. le ministre disait :

« Voici comment je conçois le conseil de perfectionnement.

« Le gouvernement choisira des hommes aptes, des hommes capables, des hommes considérés. Le clergé, donnant son concours, sera appelé dans le conseil de perfectionnement pour faire connaître les besoins de l'enseignement religieux ; pour faire connaître de quelle manière l'enseignement religieux est donné dans les établissements de l'Etat. Il sera fait (c'est la déclaraton la plus formelle) pour le conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen ce qui se passe aujourd'hui pour le conseil de perfectionnement de l'enseignement primaire.

« Chaque année le ministre invite les évêques à envoyer un délégué au conseil de perfectionnement de l'enseignement primaire. Que fait le délégué des évêques ? Il fait connaître au gouvernement, au conseil central de perfectionnement de quelle manière l'enseignement religieux est donné dans les écoles. Il indique les améliorations à introduire sous ce rapport, etc. Voilà ce qui, je crois, pourra parfaitement se faire pour le conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen. »

Voilà une déclaration qui n'est pas ambiguë.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je la tiens toujours.

M. de Theux. - Nous disons que c'était là une première garantie de l'homogénéité désirée par l'épiscopat et dont l'utilité a été reconnue par l'honorable rapporteur de la section centrale dans les termes que je rappellerai tout à l'heure. Comment cette garantie a-t-elle été offerte ? Nous n'en trouvons pas la moindre trace dans la correspondance.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La loi l'a dit aussi.

M. de Theux. - Elle n'est pas dans la loi. La loi dit simplement que les réclamations pourront être adressées au conseil de perfectionnement ; mais ce n'est pas ainsi que les choses se passent pour le conseil de perfectionnement de l'enseignement primaire. C'est tout à fait différent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous avons dit, soit verbalement, soit par écrit.

M. de Theux. - Vous n'en avez pas parlé dans la correspondance.

Dans la séance du 2 mai, l'honorable M. Rogier disait encore : « Le gouvernement s'entendra avec le clergé sur les conditions auxquelles il pourra donner honorablement et efficacement son concours. Eh bien, si les ministres des cultes expriment le désir d'être entendu dans le consul de perfectionnement, le gouvernement ne demandera pas mieux que de les y appeler ; de cette manière nous éviterons certaines difficultés que nous devons chercher à écarter de la loi. »

M. le ministre de l'intérieur dira peut-être que le clergé n'a pas exprimé le désir d'être représenté auprès du conseil de perfectionnement....

Le clergé avait parfaitement raison de ne pas exprimer ce désir ; s'il ne l'a pas fait, c'est par une réserve prudente dont le gouvernement a dù lui savoir gré.

Il n'a voulu gêner en rien l'action du gouvernement en lui indiquant quels étaient les moyens d'entente.

Il s'est borné à demander au ministre de l'intérieur quels étaient les moyens par lesquels il entendait lui faire une position honorable et efficace pour prêter son concours ; position qui devait faire l'objet de l'accord à arrêter entre le gouvernement et l'épiscopat aux termes du discours du 2 mai.

M. le ministre de l'intérieur dira peut-être que cela supposait que le clergé donnât son concours. Mais pour l'amener à donner son concours il aurait dû, conformément à son discours du 2 mai, commencer par faire au clergé la position honorable, efficace qu'il avait promise.

L'honorable M. Lebeau dit encore dans son rapport qu'il est de la plus haute utilité que le clergé soit représenté au conseil de perfectionnement et auprès du bureau d'administration. La seule objection qu'il élève, c'est qu'il y aurait peut-être eu illégalité à insérer cette concession dans une espèce de convention ou de concordat, attendu que l'amendement présenté par l'honorable M. Osy aux termes duquel le clergé aurait dû être positivement appelé dans le conseil de perfectionnement, avait été rejeté. Je ne puis partager les scrupules de l'honorable membre, ils ne sont pas fondés.

Car si l'amendement de M. Osy a été rejeté, c'est précisément d'après la promesse que le ministère faisait pendant la discussion de cet amendement, que le clergé y serait formellement appelé, et les déclarations du ministre n'ont rencontré aucune opposition dans la chambre.

L'argument présenté par l'honorable M. Lebeau ne justifie donc que trop les appréhensions de ceux qui croyaient que, pour garantir cette intervention, il était convenable d'adopter quelques dispositions législatives. L'opinion de ceux qui n'avaient pas oublié l'histoire du royaume des Pays-Bas sous lequel des promesses faites dans les discussions étaient restées sans exécution.

Sur le point de l'homogénéité dans dans les établissements, voici comment s'exprime l'honorable rapporteur de la section centrale :

« Le dissentiment principal, révélé par la correspondance, porte sur la garantie exigée par le clergé à l'égard du corps professoral, considéré non seulement dans son enseignement, mais dans les actes, les principes, les opinions des professeurs, les livres dont ils se servent et jusqu'à leur conduite en dehors des établissements.

« Nous concevons que le clergé, appelé à donner son concours à un établissement d'instruction dirigé par l'Etat ou par une administration locale, se préoccupe de toutes les circonstances que nous venons de rappeler.

« Ici encore le dissentiment porte moins peut-être sur le fond même des choses que sur la forme.

« Dans une convention préalable, générale, comment s'y prendre pour formuler la garantie demandée ? »

Et plus loin :

« Certes, rien en soi ne paraît plus naturel et plus légitime que le désir de voir régner l'harmonie entre tous ceux qui sont appelés à unir leurs efforts pour arriver à un but commun ; rien de plus désirable que de voir régner dans un établissement d'instruction une certaine homogénéité d'enseignement, de doctrines. Si, lorsque le professeur chargé d'enseigner la religion a terminé sa tâche, un aulre professeur vient, comme on l'a vu il y a quelque mois dans un pays voisin, attaquer les croyances, les dogmes enseignés, les vouer au ridicule, la position de celui qui les enseigne devient intolérable. Il faut qu'il s'en plaigne ; c'est son droit, c'est son devoir. Si ses griefs sont fondés, s'ils ne sont redressés, sa conscience, sa dignité, sa responsabilité peuvent exiger ou'il avise. »

« De même, nous pouvons aller jusque-là : si, en dehors de l'école, la conduite d'un professeur était telle qu'elle portât ouvertement atteinte à sa considération, à celle de l'établissement, et pût exercer une fâcheuse influence sur la moralité de ses élèves, le clergé ne serait pas dépouillé du droit de présenter ses réclamations et d'aviser, s'il n'était fait justice. »

Il est très vrai que le gouvernement ne peut point déléguer au clergé le droit de nomination ni de révocation : aussi le clergé, dans les négociations, non seulement n'a point réclamé ce droit, mais il a formellement déclaré qu'il ne le réclamait pas. S'ensuit-il de là qu'aucune espèce de garantie ne peut être offerte ? Je pense que non. Je lis dans une lettre du cardinal, en date du 8 janvier, le passage qui suit :

« Ce serait une erreur de croire que le gouvernement ne peut accorder rien de plus au clergé sans déroger à son autorité ou sans abdiquer son indépendance ; car il est évident qu'un pouvoir quelconque, en demandant des avis ou des conseils, même à ses subordonnés, ne cède rien de son autorité, puisqu'il reste toujours libre de ne pas suivre les avis qu'on lui donne. Au contraire, en agissant ainsi, il se fortifie, car il s'environne de plus de lumière, il apprend à mieux connaître ce qu'exige le bien public, et il évite les décisions qui compromettraient son autorité. »

Messieurs, la loi sur l'enseignement primaire avait laissé, pendant les quatre premières années de son exécution, le libre choix, sans condition aucune, des instituteurs aux conseils cirnmunaux. Seulement elle avait réservé au ministre l'approbation de ces nominations.

(page 1658) Comme il importe grandement que l'instituteur offre aux parents les garanties morales qu'exige son état, le ministre de l'intérieur prit une résolution exlrêmement sage.

Il prescrivit aux inspecteurs civils, aux inspecteurs laïques de prendre sur les candidats proposés par le conseil communal l'avis des inspecteurs ecclésiastiques. Il se réservait de ne pas suivre cet avis, si les griefs articulés n'étaient pas assez graves, ou s'ils étaient erronés. Cette mesure a été exécutée pendant quatre ans.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Elle n'a pas été insérée au Moniteur,

M. de Theux. - Je ne sache pas qu'elle ait donné lieu à des réclamations.

Ainsi, encore, la loi donnant au gouvernement le droit de révoquer les instituteurs, celui-ci a chargé les inspecteurs civils de s'enquérir des plaintes portées contre eux par les inspecteurs ecclésiastiques. Quand ces plaintes lui ont paru fondées, il les a révoqués ; quand elles ne lui ont pas paru fondées, il les a maintenus en fonctions. De cette manière, il y a eu entre les personnes chargées de la direction et de la surveillance des écoles cette entente que tout législateur sage doit désirer.

En ce qui concerne les livres reçus dans les collèges et dans les athénées, l'honorable M. Lelièvre vient de dire de la manière la plus nette, la plus formelle, qu'il était bien entendu, d'après le sens de l'article 8, qu'on voulait proscrire les livres qui pourraient mettre en danger la foi, la moralité des élèves, contrarier leur instruction religieuse.

La commission centrale d'instruction primaire, instituée par la loi du 25 septembre 1842, a tracé à cet égard des règles extrêmement simples, et si M. le minisire de l'intérieur avait donné cette règle à suivre au conseil de perfectionnement, le gouvernement aurait été éclairé sur les conséquences fatales que peut avoir l'emploi de tel ou tel livre. En cela il aurait fait ce que la raison commande et ce que le clergé peut réclamer à bon droit, sans compromettre en aucune manière l'indépendance ni la dignité du gouvernement.

L'honorable rapporteur dit qu'il est impossible de tout prévoir dans une convention. En effet. Mais de ce qu'il est impossible de tout prévoir dans un arrangement avec un tiers, s'ensuit-il qu'il ne faille rien prévoir ? Evidemment non. Il faut au moins prévoir les cas les plus fréquents et tracer des règles de conduite qui déterminent pour chacun quelques sûretés, quelques garanties.

Prenons un exemple dans un pays voisin.

Le roi Louis-Philippe avait certainement, à l'égard de la religion, à l'égard du clergé, des intentions droites ; il a toujours proposé comme évêques à la nomination du souverain pontife les prêtres les plus dignes, les plus éminents du clergé français. C'est une justice qu'on lui a rendue.

De même, M. Guizot, ministre de l'instruction publique, a professé en matière d'instruction, principalement en matière d'instruction primaire, des opinions que l'homme le plus religieux aurait adoptées avec confiance. Celait un homme de caractère, aux intentions droites, ferme dans ses principes et dans sa conduite. Mais a-t-il appliqué dans la pratique ces principes qu'il avait professés dans ses discours ? En aucune imanière. Pourquoi ? C'est qu'il ne dépend pas toujours de l'homme politique absorbé par tant de devoirs, de donner une attention soutenue, assidue à tous les détails de cette matière ; c'est que les lenleurs de l'administration sont telles que, quand le mal est fait, il est extrêmement difficile de le réparer. C'est que le courage civil, celui qu'exige l'accomplissement suivi d'un devoir, manque très souvent par la crainte de se compromeltre, de se faire des ennemis, et qu'un changement de cabinet aurait pour résultat la démission de celui qui aurait eu le courage de remplir son devoir.

Aussi, en France, qu'a-t-on fait ? Après la révolution de 1848, lorsque le mal causé par un système d'éducation nationale, dépourvu de sentiments religieux, a révélé les plaies morales de la France, le premier soin de l'assemblée législative a été de tracer des garanties dans une loi pour assurer l'instruction religieuse dans les collèges et dans les écoles. L'assemblée législative n'a pas dit : C'est un intérêt qu'il faut abandonner au bon vouloir du ministre de l'instruction publique. Elle a dit : Le gouvernement a eu longtemps un pouvoir absolu en matière d'instruction. Il n'en a pas usé. C'est à nous législateurs qu'il appartient de prévenir les erreurs du gouvernement.

Voilà l'origine de la dernière loi en France. Vous voyez donc que dans ce pays il n'existait pas une confiance aveugle dans les intentions du ministre.

En résumé, il ne s'agit pas ici, messieurs, de la réclamation de faveurs pour le clergé ; il s'agit d'un intérêt national de premier ordre, et comme législateur, nous avons la mission de nous prononcer sur cet intérêt.

Nous disons que le gouvernement n'a point fait ce qu'il devait faire pour arriver à s'entendre avec le clergé sur les conditions auxquelles il pourrait prêter honorablement et efficacement son concours.

Nous disons que le gouvernement a assumé une responsabilité morale très grande, d'autant plus grande que par la dernière loi il a introduit un système d'instruction très vaste, très complet, et que ce système doit porter en dehors de tout élément religieux des fruits qui tourneront contre le bien-être du pays.

Je n'en dirai pas davantage.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable députe de Hasselt ne peut s'associer à l'approbation que la section centrale a donnée au gouvernement à l'occasion des négociations entamées avec le clergé. A son avis, le gouvernement a fait des promesses qu'il n'a pas tenues. En second lieu le gouvernement n'a pas fait tout ce que la dignité lui prescrivait de faire. Cette thèse, annoncée d'un ton sévère par l’honorable préopinant m'a paru, comme elle aura sans doute paru à la chambre, bien faiblement défendue. Cette faiblesse même de l'attaque ne fait que me confirmer dans l'opinion que la conduite que j'ai tenue mérite, en effet, l'approbation que la section centrale veut bien lui donner et qu'à son tour, je l'espère, la grande majorité de la chambre lui donnera.

- Un membre. - Cela ne prouve rien.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'approbation donnée par la chambre ne prouve rien, aux jeux de l'honorable interrupteur, qui est, je pense, l'honorable M. Rodenbach.

M. Rodenbach. - M. de Theux qui a fait l'interruption ; mais je l'ai repétée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est donc l'honorable M. de Theux, ancien ministre, qui juge que l'approbation donnée à un ministère par la majorité de la chambre, ne signifie rien.

M. de Theux. - Vous l'avez dit souvent avant moi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quant à nous, nous nous contenterons de cet appui insignifiant de la majorité de la chambre. (Interruption.)

Je demanderai à M. le président s'il tolère de semblables paroles.

M. le président. - Je n'ai pas compris l'interruption.

- Un membre. - On a dit que les chambres sont des girouettes.

M. le président. - Si un membre de l'assemblée se permettait une pareille inconvenance, je serais obligé de le rappeler à l'ordre.

M. Pierre. -M. de Mérode l'a dit.

M. Thiéfry. -La majorité est au-dessus de ces attaques inconvenantes.

M. le président. - Je prie M. de Mérode de s'expliquer : a-t-il dit ce qu'on lui attribue ?

M. de Mérode. - M. le président, je l'ai dit ; je ne puis pas le nier.

M. le président. - Dans ce cas, je rappelle M. de Mérode à l'ordre.

M. de Mérode. - M. le président, je suis obligé de subir le rappel à l'ordre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je constate d'abord que la discussion dans laquelle nous entrons n'a pas été provoquée par nous ; en second lieu, que si, dans cette discussion, des éléments d'irritation sont introduits, ce n'est pas, non plus, de notre part.

Nous n'avons pas, dit-on, tenu les promesses que nous avions faites à la chambre. Nous n'avons pas agi avec la dignité qu'exigeait notre situation vis-à-vis du clergé. En quoi les promesses que nous avons faites à la chambre n'ont-elles pas été tenues ? Qu'avons-nous promis à la chambre ? De nous montrer, vis-à-vis du clergé, animés d'un esprit conciliant, d'entamer les négociations avec le désir d'aboutir à un résultat. Avons-nous tenu ces promesses ? Nous en appelons à la lecture impartiale des pièces qui sont sous les yeux de la chambre.

Sans nous laisser arrêter par des procédés que nous devions considérer comme peu bienveillants, peu conciliants, de la part du clergé, nous lui avons fait un appel, dans les termes les plus modérés, les plus conciliants ; et à quelle occasion et à quelle époque ?

A quelle époque ? Dans une note insérée au rapport de la section centrale, l'honorable M. Malou nous reproche de ne nous être adressé au clergé que lorsque déjà un grand nombre de mesures d'exécution et des plus essentielles avaient été prises.

M. Malou. - Je le prouverai.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En attendant que vous le prouviez, je déclare votre assertion complètement inexacte : à l'époque où nous nous sommes adressés au clergé, aucune mesure essentielle à l'exécution de la loi n'avait été prise.

Je citerai les dates.

Nous nous sommes adressés au clergé, le 31 octobre 1850, je dirai tout à l'heure à quelle occasion. A la date du 31 octobre 1850, voici les mesures qui avaient été prises par le département de l'intérieur.

« 7 juin 1850. Circulaire ministérielle. On charge les gouverneurs d'inviter les villes, chefs-lieux de province et la ville de Tournay, à délibérer sur le projet d'y établir un athénée et de faire connaître si elles souscrivent aux obligations que la loi impose aux communes dans lesquelles des établissements de l'espèce seront fondés. »

« 11 juin 1850. Circulaire ministérielle. On charge les gouverneurs de signaler l'article 6, paragraphe 2 et l'article 52 de la loi du 1er juin 1850, à l'attention des administrations communales que ces dispositions concernent, et de les inviter à prendre, sans retard, la délibération prescrite par l'article 6 précité. »

C'était imprimer à l'exécuion de la loi une marche parfaitement impartiale.

« 26 juillet 1850. Circulaire ministérielle. On charge les gouverneurs d'informer les professeurs des établissements d'enseignement moyen qu'ils ne doivent plus désigner de délégué pour l'élection des candidats au conseil de perfectionnement. »

« 11 août 1850. Arrêté royal. Autorisation donnée au ministre de (page 1659) l'intérieur de former un conseil préparatoire de perfectionnement de l'enseignement moyen. »

« 23 août 1830. Circulaire ministérielle. On charge les gouverneurs d'informer les établissements d'enseignement moyen subsidiés par l'Etat et les écoles primaires supérieures, que les programmes des cours qui ont été suivis pendant l'année scolaire 1849-1850 sont maintenus provisoirement pour l'année 1850-1851. »

Ainsi, par cette circulaire, rien n'était changé aux programmes de l'enseignement pour l'année 1851.

« 3 septembre. Arrêté royal. Fixation du siège des dix athénées royaux. »

« 3 septembre Arrêté royal. Fixation du nombre des membres dont se composera le bureau administratif de l'athénée et de l'école moyenne du gouvernement, indépendamment du collège des bourgmestre et échevins qui en font partie de droit. »

« 9 septembre 1850. Circulaire ministérielle. Transmission de l'arrêté royal du 3 septembre relatif à la formation des bureaux administratifs Instructions au sujet des mesures à prendre en exécution de est arrêté. »

« 18 septembre 1830. Circulaire ministérielle. Instructions sur la marche à suivre, pour procéder à l'inspection des locaux et du mobilier destinés au service des alhénés. »

« 25 septembre. Arrêté royal. Fixation des frais de route et de séjour accordés aux membres du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen. »

« 28 septembre. Arrêté royal. Transformation en école moyenne de l'Etat, de l'école industrielle et commerciale établie à Braine-le-Comte. »

Messieurs, ce détail n'est pas complètement inutile, au point de vue du ministère, parce qu'il prouvera que le gouvernement ne négligeait pas l'exécution successive des diverses parties de la loi.

« 1er octobre 1830. Circulaire ministérielle. On charge les gouverneurs de faire savoir qu'il peut être donné suite provisoirement aux délibérations prises par les conseils communaux concernant les établissements d'instruction moyenne de leur localité, en attendant qu'il ait pu être statué sur les diverses mesures de l'espèce qui se rattachent à la loi du 1er juin 1850. »

Ceci est encore une mesure toute de bienveillance ; elle concernait les délibérations des conseils communaux qui patronnaient des établissements privés. A cette époque, le gouvernement déclara qu'il approuvait provisoirement ces délibérations.

« 5 octobre 1830. Arrêté royal. Approbation d'une délibération du conseil communal de Diest, relative à l'établissement d'un collège communal subventionné par le gouvernement, et établissement, dans cette ville, d'une école moyenne de l'Etat. »

« 10 octobre 1850. Deux arrêtés royaux. - Compositon des bureaux administratifs des athénées établis à Gand et à Mons. »

Voilà, messieurs, les mesures qui ont été prises, mesures toutes préparatoires, mesures tout extérieures en quelque sorte, avant que le gouvernement s'adressât au clergé.

Je dirai plus : c'est que si je n'avais pas été en quelque sorte forcé de m'adresser au clergé à la même époque, j'aurais différé de le faire ; j'aurais voulu appeler le clergé dans nos établissements seulement alors que l'organisation de ces établissements aurait été assez complète, pour que je pusse lui dire : « Voilà comment les établissements de l'Etat sont organisés, vous convient-il d'y entrer ? » C'eût été une position plus digne et pour le gouvernement et pour le clergé ; mais enfin, je le répète, j'ai été forcé d'adresser au clergé la lettre du 31 octobre.

Que disais-je dans cette lettre ? N'y étais-je pas complètement d'accord avec ce que j'avais promis dans le cours de la discussion ? L'honorable M. Malou prétend, dans la note qu'il a remise à la section centrale, que le ministre de l'intérieur s'est borné à accuser les évêques de procéder par voie de restriction et de défiance ; l'honorable M. deTheux vient de nous dire que le ministère avait exigé des évêques une confiance aveugle et absolue : chose qui ne se voyait dans aucun pays.

Messieurs, je rapporterai tout à l'heure les termes dans lesquels était conçue la lettre du 31 octobre, adressée aux évêques ; mais permettez-moi de m'arrêter ici un moment, pour faire connaître à la chambre, à quelle occasion cette lettre, que je considérais comme prématurée, a été adressée aux évêques.

Il existait à l'athénée d'Anvers un ecclésiastique qui depuis plusieurs années donnait l'instruction religieuse, à la satisfaction de l'administration, des parents et aussi, je pense, du haut clergé. Tout à coup ce digne ecclésiastique annonça à l'autorité locale qu'il devait opérer sa retraite de l'athénée. Lui-même, il faut le dire, paraissait très ému, très affligé, de la mesure à laquelle il était condamné, mais à laquelle il ne paraissait pas complètement résigné. L'autorité locale d'Anvers qui avait encore entre ses mains l'administration de l'athénée, attendu que le gouvernement n'avait encore rien repris et qu'il s'était borné à déclarer qu'Anvers devenait le siège d'un athénée, en ajoutant que le programme de 1850 serait continué pour 1851 ; l'administration locale d'Anvers s'adressa à Malines pour demander les motifs de cette retraite ; moi-même, sollicité par cet estimable ecclésiastique, j'adressai à l'archevêque la lettre suivante sous la date du 29 septembre :

« À M. l'archevêque de Malines.

« M. l'archevêque,

« L'administration communale d'Anvers m’informe que M. l'abbé Bulo, en suite d'instructions qu'il a reçues de Malines, s'est vu dans la nécessité de cesser, à la reprise prochaine du cours de l'athénée, l'enseignement religieux qu'il donnait a l'athénée de ladite ville.

« Cette information m'a causé une pénible surprise et je ne puis me rendre compte de la mesure qui en fait l'objet, attendu que rien n'est changé jusqu'à présent ni dans le programme, ni dans le personnel de l'athénée qui continuera à marcher provisoirement sur le même pied que l'année dernière. Quand l'organisation nouvelle sera plus avancée et qu'il s'agira de procéder à la nomination des professeurs, j'aurai l'honneur de m'adresser à vous, M. l'archevêque, pour vous demander un professeur de religion. Si, comme je le pense, M. l'abbé Bulo vous convient, ainsi qu'il paraît convenir à l'administration communale d'Anvers, je n'aurai aucune observation à faire relativement à sa nomination.

« La position des professeurs de religion, dans les établissements de l'Etat, sera établie sur un pied convenable : toute facilité sera laissée à ces professeurs pour donner leur enseignement et aux élèves pour le suivre, et le traitement attaché à ces fonctions sera fixé à un taux suffisant.

« Mais en attendant il est désirable, M. l'archevêque, que M. l'abbé Bulo puisse conserver provisoirement les fonctions qu'il a remplies jusqu'ici à l'athénée d'Anvers, à la satisfaction commune.

« Agréez, M. l'archevêque, l'assurance de ma haute considération,

« Le ministre, Ch. Rogier. »

Le 30 octobre j'écrivis à l'archevêque une nouvelle lettre ainsi conçue :

« Monsieur l'archevêque,

« Les circonstances douloureuses que nous venons de traverser m'ont fait différer de répondre à votre lettre du 10 de ce mois, par laquelle, répondant à la mienne du 29 septembre, vous me faites connaître les motifs de la retraite de M. l'abbé Bulo qui était chargé, depuis plusieurs années, de donner l'instruction religieuse à l'athénée d'Anvers.

« Ces motifs consistent 1° en ce que le collège communal d'Anvers se trouve converti en établissement du gouvernement, placé désormais sous l'empire de la nouvelle loi, et 2° en ce que l'accord entre les évêques et le gouvernement, que suppose l'article 8 de ladite loi, n'est pas encore intervenu.

« Vous ajoutez, M. l'archevêque, que vous vous empresserez d'engager M. l'abbé Bulo à reprendre ses fonctions, dès que seront aplanies les difficultés qu'a soulevées la loi dont il s'agit, et au sujet desquelles l'épiscopat belge s'est adressé au gouvernement par lettre datée de Bruges le 17 mai dernier, et qui n'est autre, si je ne me trompe, que la pétition, adressée sous la même date au sénat.

« En ce qui concerne le premier motif, je ne puis que répéter, M. l'archevêque, ce que j'avais l'honneur de vous écrire le 29 septembre dernier. C'est une erreur de considérer l'athénée d'Anvers comme étant dès aujourd'hui converti en établissement de l'Etat. Jusqu'ici il a conservé son caractère communal. Rien n'est changé, ni quant au programme ni quant au personnel de l'athénée. Tout l'enseignement, tous les professeurs sont maintenus sur le même pied, et on ne comprend pas pourquoi ou comment on aurait procédé, quant à l'enseignement religieux, à une application partielle et prématurée de la loi.

« J'avais pensé, M. l'archevêque, qu'avant d'adresser au clergé l'invitation prescrite par l'article 8 de la loi, les convenances exigeaient que l'établissement pour lequel on appelait son concours, fût effectivement passé sous le régime nouveau et se présentât au clergé dans des conditions qui lui permissent de prêter ce concours en parfaite connaissance de cause.

« Puisque vous semblez professer une opinion contraire, j'aurai l'honneur, par une lettre spéciale, de vous adresser l'invitation prescrite par l'article 8, afin que vous vouliez bien autoriser lés ecclésiastiques à donner l'enseignement religieux. J'éprouve d'autant moins de difficulté à faite dès à présent cette démarche, que le gouvernement ayant fortement à cœur de voir donner cet enseignement dans les établissements qu'il doit diriger, il se ferait scrupule de paraître abriter son inaction, quand il s'agit d'un intérêt aussi puissant, derrière de pures questions de forme.

« Vous m'entretenez aussi, M. l'archevêque, de l'accord entre MM. les évêques et le gouvernement que suppose l'article 8, ainsi que des difficultés qu'a soulevées la loi dont il s'agit.

« Rien ne me sera plus agréable, M. l'archevêque, que de rencontrer cet accord qui vous paraît à vous-même désirable. Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire dans ma lettre du 29 septembre, la position des professeurs de religion dans les établissements de l'Etat sera établie sur un pied convenable ; toute facilité sera laissée aux professeurs pour donner leur enseignement et aux élèves pour le recevoir ; le traitement attaché à ces fonctions sera fixé à un taux suffisant.

« Existe-t-il d'autres points à déterminer pour amener l'accord dont vous me parlez, je vous serai reconnaissant de vouloir bien me les signaler. Je vous prierai également de vouloir bien préciser en quoi consistent les difficultés qu'a soulevées la loi dont il s'agit, ainsi que les moyens qui, le cas échéant, vous paraîtraient propres à aplanir ces difficultés. »

« Agréez, etc. Ch. Rogier. »

Voici ce qui me fut répondu :

« M. le ministre,

« Par la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser le (1660) 30 octobre dernier, vous me communiquez de nouvelles observations sur la résolution que M. Bulo a prise de s’abstenir provisoirement de donner l’enseignement religieux à l’athénée d’Anvers. Je crois devoir vous faire observer, à cet égard, que cet ecclésiastique n’a pas pris cette résolution en vertu d’un ordre reçu de Malines. Lorsqu’il est venu me consulter sur le parti qu’il avait à prendre, en suite de l’arrêté du 3 septembre 1850, qui porte qu’un athénée est établi à Anvers, et qu’il sera successivement organisé d’après la loi du 1er juin, je me suis entretenu avec lui sur les embarras de sa position ; mais, en le congédiant, je lui ai dit et répété que je ne lui donnais ni ordre, ni conseil ; que je lui laissais toute sa liberté et qu’il devait prier pour connaître le parti qu’il avait à prendre.

« Du reste, je pense que dans la position critique où l'arrêté susdit plaçait cet ecclésiastique, et vu les difficultés que la loi a soulevées, ainsi que les propositions qu'elle a suscitées parmi le clergé, il a pris le parti le plus prudent.

« J'espère, M. le ministre, que vous comprendrez que dans cet état de choses, je ne puis pas convenablement ordonner à M. Bulo de reprendre ses fonctions, avant que nous ne soyons tombés d'accord sur les conditions auxquels l'enseignement religieux sera donné dans les établissements de l'Etat.

« MM. les évêques devant se rendre ici la semaine prochaine, je profiterai de cette occasion pour leur communiquer cette dépêche susdite du 30 octobre, ainsi que vous m'en exprimez le désir par celle du jour suivant. Je conférerai aussi avec eux sur les moyens d'applanir les difficultés que présente la loi du 1er juin, et je me ferai un devoir de vous donner le plus tôt possible les explications que vous m'avez demandées a cet égard.

« Recevez, M. le ministre, l'assurance de ma haute considération.

« Engeldert, card. archevêque de Malines.

« Malines, le 5 novembre 1850. »

A la suite de cette correspondance, j'adressai à MM. les évêques la circulaire qui figure sub littera A parmi les pièces communiquées à la section centrale et dont je crois devoir reproduire ici les passages suivants :

« Le gouvernement n'a pas perdu de vue les prescriptions de l'article 8 de la loi. Il en veut la franche et complète exécution. Mais avant de réclamer officiellement le concours du clergé, il avait pensé qu'il était convenable d'attendre que les établissements fussent définitivement passés sous sa direction, avec le caractère nouveau que la loi leur assigne, et se présentassent au clergé dans des conditions qui lui permissent de prêter son concours en parfaite connaissance de cause.

« Comme il résulte d'une lettre que m'a adressée M. l'archevêque de Malines à l'occasion de la retraite de M. Bulo, de l'athénée d'Anvers, que les intentions du gouvernement n'ont pas été comprises, je viens, M. l'évêque, afin de prévenir tout malentendu, vous prier de vouloir prendre, en ce qui vous concerne, les mesures nécessaires pour que l'enseignement religieux soit donné ou surveillé dans les établissements d'instruction moyenne de votre diocèse, placés par la loi sous la direction du gouvernement.

« Veuillez, en conséquence, M. l'évêque, m'indiquer à cet effet les ecclésiastiques que vous jugerez les plus aptes à remplir cette mission. Toute facilite sera assurée aux professeurs pour donner l'enseignement, et aux élèves pour le suivre. Un traitement suffisant sera, en outre, garanti aux premiers.

« Existe-t-il, à voire avis, d'autres points à déterminer pour faciliter l'exécution de l'article 8, je vous prie de vouloir bien me les signaler.

« J'examinerai avec impartialité et bienveillance toutes les observations que vous aurez à me communiquer. Le gouvernement désire arriver à l'exécution loyale de la loi, dans toutes ses parties, et il aime à penser qu'il sera efficacement secondé, dans l'accomplissement de cette mission, par tous ceux que la loi appelle à y concourir. »

L'honorable M. de Theux me reproche, au mépris des promesses que j'avais faites, de ne pas avoir appelé tout d'abord le clergé dans le conseil de perfectionnement.

Or, a cette époque le conseil n'était pas encore organisé et si, dans la suite, le clergé avait manifesté l'intention, le désir d'être entendu dans le conseil, je me serais rendu immédiatement à un pareil désir.

Pouvais-je croire qu'il lui aurait convenu d'être mis en rapport immédiat avec le conseil, alors que le premier acte posé par lui à la suite de l'arrêté royal qui décrétait la fixation des sièges des athénées était un acte d'hostilité ? Pouvais-je croire qu'après l'acte d'hostilité ouverte posé par le clergé, à propos de l'exécution de l'article le plus innocent de la loi, il serait entré de confiance dans le conseil de perfectionnement ? Je ne le pense pas. Je crois, au contraire, qu'il se serait refusé à faire entendre ses observations dans le conseil, si ce conseil avait été organisé à cette époque. Je n'avais pas de proposiliou à faire, à cet égard, au clergé.

Si je l'eusse fait, c'est alors qu'on aurait dit que je faisais au clergé de vaines concessions, que ce que je lui proposais, la loi le lui garantissait ; ce n'est pas, en effet, en vertu du bon vouloir du ministre, que le clergé doit être entendu par le conseil, c'est en vertu de la loi, en vertu d'une disposition additionnelle que nous-mêmes avons proposée à l'article 8, dans des vues de conciliations.

L'honorable député de Hasselt dit qu'il ne parle pas au nom du clergé. En effet, je ne pense pas que le clergé belge, pénétre comme il l’est de sa dignité, accepterait la position imposée au clergé français, que l'honorable M. de Theux envie pour le nôtre, et qu'une grande partie du clergé français repousse.

Je ne pense pas avec l’honorable préopinant qu’il conviendrait à un membre du clergé belge de se voir, de par la loi, forcé de siégéer dans un conseil mixte, à côté d’un pasteur protestant ou d’un rabbin. Voilà la position qui a été faite au clergé français et contre laquelle beaucoup d’ecclésiastiques ont protesté. Voilà une posiiton qui ne peut pas être faite au clergé belge ; la Constitution s’y oppose.

Je n'avais pas au surplus, je le répète, de démarche à faire pour appeler le clergé à présenter ses observations au conseil de perfectionnement ; la loi l'y invite, tout en respectant sa liberté.

Le clergé, répondant aux questions qui lui avaient été posées dans ma lettre du 31 octobre, énuméra un certain nombre de difficultés qui à ses yeux devaient l'empêcher, aussi longtemps qu'elles ne seraient pas résolues, de prêter son concours à l'exécution de la loi. La chambre a sous les jeux la correspondance. Je me borne à signaler un passage de la réponse de l'archevêque en date du 8 janvier 1851. L'archevêque se montrait plus juste vis-à-vis du ministère que les membres de l'opposition. Suivant M. Malou, je me serais borné à accuser les évêques de procéder par voie de restriction et de défiance ; et, suivant M. de Theux, je n'aurais rien offert pour résoudre les difficultés soulevées. De l'aveu même de l'archevêque, le ministère est parvenu à résoudre quatre à cinq difficultés sur huit.

Voici le passage de la correspondance :

« Nous avons vu avec plaisir, M. le ministre, que vos explications font disparaître quelques-unes de ces difficultés... Il ne reste plus qu'une partie de la première et de la deuxième difficulté, la quatrième et la cinquième et une partie de la sixième. »

On énumère les difficultés que nous avons fait disparaître et l'on ajoute, il ne reste plus qu'une partie de la première et de la deuxième, la quatrième et la cinquième et une partie de la sixième difficultés, en un mot trois difficultés et demie, si l’on peut ainsi diviser les difficultés.

Ainsi nous tenons à ce qu'on le sache ; nous ne nous sommes pas montrés absolus dans nos négociations avec le clergé. Lui-même reconnaît que nous avons résolu à sa satisfaction plusieurs des difficultés qui avaient été soulevées. Il en est, il est vrai, de radicales et sur lesquelles nous ne nous entendrions pas si nous devions le faire aux conditions qui nous ont été indiquées par l'honorable M. de Theux, conditions que nous considérons comme avilissantes pour le pouvoir civil, conditions que l'honorable M. de Theux lui-même, je lui en porte le défi, n'oserait pas ouvertement accepter s'il était ministre du Roi.

Au fond, l'honorable M. de Theux réclame pour le clergé la censure préalable des professeurs et la censure préalable des livres. Voilà à quoi aboutissent ces difficultés sur lesquelles nous ne nous entendrons pas, si les prétentions sont maintenues dans ces limites extrêmes.

L'honorable M. de Theux rappelle que, en effet, il y a eu quelque chose de cela dans l'exécution de la loi sur l'instruction primaire ; que le ministre d'alors n'a pas craint de prendre une mesure qui n'a pas paru au Moniteur.

M. de Theux. - Elle a été prise par MM. Nothomb et Van de Weyer et je l'ai publiée avec les documents qui ont été communiques à la chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dis que cette mesure n'a pas paru au Moniteur. Elle a été publiée avec d'autres documents. Mais je constate qu'à l'époque où elle a été prise, elle n'a pas été publiée au Moniteur. Cette mesure consistait en ce que les inspecteurs civils étaient tenus de prendre l'avis des inspecteurs ecclésiastiques sur les instituteurs à nommer.

Est-ce là ce que l'honorable M. de Theux veut donner pour exemple ? Entend-il que le gouvernement consulte les inspecteurs ecclésiastiques sur le personnel du corps enseignant ? Entend-il que, lorsque la loi a attribué cette mission au bureau administratif, composé des pères de famille de la commune, cette mission doive, par quelque article secret, passer de leurs mains à celles du clergé ? Nous ne voulons pas détruire, par des articles secrets, les prescriptions formelles de la loi, et si c'est pour arriver à ces sortes d'arrangements qu'on nous conseille de substituer aux négociations écrites des négociations verbales, nous déclarons que, dans des entretiens pas plus que dans une correspondance, nous ne consentirions à satisfaire à une pareille prétention.

M. Dumortier. - Il ne s'agit pas de cela.

M. de Perceval. - Si fait ! Au fond, c'est de cela qu'il s'agit.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est le fond. C'est là la difficulté. J'en dirai autant pour les livres ? La question est la même, et ma réponse est conséquemment la même.

Est-ce à dire que le clergé se trouve désarmé vis-à-vis d'un personnel enseignant, qui combattrait ses doctrines, vis-à-vis de livres, que l'administration supérieure, l'administration des communes, les bureaux administratifs admettraient dans les établissements publics ?

C'est ici que commencent le droit, les obligations du clergé. Il lui appartient d'adresser ses observations et ses plaintes, s'il y a lieu, au gouvernement, aux bureaux administratifs et de les faire entendre dans le sein du conseil. S'il n'est pas écouté, il refusera son concours, et il sera dans son droit.

Au surplus (et j'appelle l'attention de l'honorable M. de Theux sur ce (page 1661) fait, les conseils communaux nomment aujourd'hui les instituteurs librement, sans le concours des inspecteurs ecclésiastiques.

Ainsi cette disposition est détruite. Elle n'existe plus, vous voulez la faire revivre pour l'enseignement moyen.

Qu'on le sache bien, nous ne céderons pas sur ces deux questions que nous considérons comme fondamentales. Nous croyons qu'il n'est pas beaucoup de pères famille, si orthodoxes qu'on les suppose, qui approuveraient la conduite d'un gouvernement qui suivrait la voie indiquée par l'honorable M. de Theux.

Je dois une dernière observation à l'honorable M. de Theux : il aurait désiré qu'on formulât quelques articles réglementaires : il aurait désiré surtout, avec l'honorable M. Malou, que le ministère se mît directement en rapport avec les évêques, et substituât des conférences verbales aux conférences écrites. C'est le vœu exprimé par d'autres membres. Si je disais à la chambre que cette marche a été suivie, qu'elle est restée sans résultat, peut-être trouverait-on encore là un motif de modérer son blâme à l'égard du ministère.

Avant le vote de la loi, un respectable ecclésiastique donnait des leçons de religion à l'école vétérinaire de l'Etat, et, pour le dire en passant, ce respectable aumônier avait été nommé, en 1836, par l'honorable M. de Theux, directement, sans aucun concert préalable avec l'évêque. Par arrêté ministériel du 31 octobre 1836, l'abbé N*** avait été nommé aumônier de l'école vétérinaire. Aucune protestation ! Une pareille nomination serait critiquée aujourd'hui, à l'égal d'un coup d'Etat d'une usurpation. Alors la nomination ne souleva aucune objection.

Lorsque, dans la période d'économie que nous avons heureusement traversée et probablement épuisée quant à la plupart de nos budgets, on introduisit des réformes dans cette école, je réduisis le traitement de l'aumônier fixé ; dans le principe à 1,200 francs, il avait été porté à 2.000 francs ; je le ramenai au taux primitif de 1,200 francs. Je passe la correspondance qui eut lieu à ce sujet avec l'archevêque ; je me borne à dire que l'aumônier fut retiré et qu'il fut nommé à l'école militaire. A la suite de cette retraite, je m'adressai à l'archevêque et lui demandai un nouvel aumônier. L'archevêque montra de bonnes dispositions ; il m'annonça un aumônier, mais il crut qu'à cette occasion il convenait de régler certaines conditions auxquelles l'aumônier pourrait entrer dans l'établissement. Il me cita des articles du règlement de l'école militaire comme étant de nature à pouvoir servir de type au nouveau règlement à introduire à l'école vétérinaire. Je demandai à mon collègue de la guerre en quoi consistaient ces articles, et voici comment ils étaient conçus :

Le dimanche et les jours de fête l'aumônier dira la messe dans la chapelle de l'école. La messe sera suivie d'une instruction religieuse et morale.

II. Les élèves assisteront à la messe et à l'instruction de l'aumônier, à moins qu'ils n'aient obtenu la permission de s'en dispenser pour cause de culte différent, ou pour d'autres motifs légitimes.

III. Le commandant de l'école prendra les mesures les plus propres à faciliter l'accomplissement des autres devoirs religieux.

IV. L'aumônier visitera l'infirmerie au moins une fois par semaine : il pourra également visiter la salle de police et les salles d'arrêts.

Déclarations de M. le ministre de la guerre.

Sur la demande qui lui avait été faite d'ajouter à l'article du règlement qui interdit tout discours, tout acte qui serait de nature à troubler l'ordre public ou la tranquillité intérieure de l'école, les mots suivants : « ou qui serait contraire aux bonnes mœurs ou à la religion », M. le ministre a déclaré ce qui suit :

« Comme de la part d'un élève tout propos contraire aux bonnes mœurs ou à la religion est regardé comme capable de troubler, sinon l'ordre public, au moins la tranquillité intérieure, et par conséquent se trouve implicitement interdit par le règlement en vigueur ; l'addition proposée n'ajouterait rien à la sévérité de la discipline et il paraît dès lors préférable de ne pas l'introduire. »

II. A la demande qui avait été faite de faire aux directeurs et aux professeurs un devoir de s'abstenir de tout ce qui pourrait diminuer l’attachement des élèves à leurs devoirs religieux, M. le minisire a répondu ce qui suit :

« L'école militaire n'a qu'un but, celui de former des militaires instruits. Le commandant qui permettrait que les professeurs s'écartassent de ce qui fait l'objet de leur enseignement, ne serait pas digne de la confiance du gouvernement, et ce n'est pas un article du règlement qui pourrait le rappeler à son devoir. Cet article du règlement le blesserait, ainsi que les professeurs, sans aucune nécessite. »

Voilà, messieurs, ce qui fut répondu par le ministre de la guerre d'alors, à des prétentions beaucoup moins absolues que celles que l'on produit aujourd'hui, et ces réponses furent jugées satisfaisantes ; car l'aumônier fut attaché à l'école militaire, et il y est encore sous l'empire de ces dispositions.

En suite de la correspondance que j'ai mentionnée tout à l'heure, j'eus une conférence avec deux délégués de Mgr l'archevêque de Malines, et voici les dispositions sur lesquelles nous tombâmes complètement d'accord :

« Art. 1. L'enseignement religieux est donné à l'école de médecine vétérinaire de l'Etat par un aumônier, sous la direction et la surveillance du chef diocésain ou de son délégué.

« Art. 2. L'aumônier est désigné par le chef diocésain et agréé par le gouvernement qui fixe son traitement.

« Art. 3. Le dimanche et les jours de fête, l'aumônier dit la messe dans la chapelle de l'école et donne une instruction religieuse.

« Il y a, en outre, une instruction religieuse dans le courant de la semaine, au jour et à l'heure à arrêter de commun accord entre le directeur et l'aumônier.

« Art. 4. Toute facilité sera donnée aux élèves pour l'accomplissement de leurs devoirs religieux. »

Ces faits, messieurs, datent du commencement de 1850 et, certes, si nous avions pu, au moyen des mêmes dispositions, terminer les grandes difficultés d'exécution que l'on nous oppose aujourd'hui, ce n'est pas de ma part que les obstacles seraient venus.

A la suite, messieurs, de cette conférence, le cardinal déclara qu'il était pret à accorder l'aumônier, à la condition qu'il serait reconnu par le gouvernement, que l'aumônier entrait à l'école en venu d'une mission spirituelle. Le ministre de l'intérieur répondit qu'd admettait parfaitement que l'aumônier entrait à l'école en vertu de cette mission spirituelle. Nous pensions donc que l'affaire était dès lors entièrement terminée : Elle avait été réglée de commun accord entre les délégués du cardinal et le ministre. J'avais même des motifs de croire que la personne intéressée alors dans la nomination avait obtenu à Malines une adhésion complète aux articles réglementaires qui avaient été arrêtés entre le ministre et les délégués.

Et cependant, messieurs, qu'arrive-t-il ? Au moment où je croyais toucher à une solution, on me fait savoir que l'on ne pourra terminer l'affaire avant d'avoir consulté les autres évêques. On me le fait savoir le 2 avril ; j'attends jusqu'au 10 août pour m'informer de la résolution des évoques ; le 12 septembre, on me répond que la position de l'aumônier de l'école vétérinaire devrait être réglée en même temps que celle des autres ecclésiastiques qui pourraient être attachés aux écoles moyennes, en vertu de la loi du 1er juin. Je réponds le 16 septembre qu'il n'y a pas d'analogie entre ces divers établissements ; on me fait connaître le 27 septembre qu'on ajourne la négociation jusqu'après la solution des difficultés soulevées à propos de la loi du Ier juin.

Je rappelle ces faits, parce qu'ils ont été pour moi une indication pour la marche ultérieure que j'avais à suivre. Je dus croire que les conférences verbales n'étaient pas un bon moyen d'arriver à un résultat pratique. Au moment où j'ai commencé mes négociations écrites, je sortais donc d'une négociation verbale qui n'avait pas abouti ; mais je tiens à constater que pendant tout le cours de ces négociations verbales, les délégués de l'archevêque n'ont jamais mis en avant les prétentions qui ont surgi ensuite ; j'affirme que les articles réglementaires avaient paru complètement satisfaisants à ces délégués ; j'ajoute et j'affirme que j'avais des motifs sérieux de croire que le cardinal lui-même donnait son adhésion aux articles...

Nous désirons aujourd'hui, comme toujours, le concours du clergé. Mais si parce que ce concours est très désirable et très désiré, on veut le faire payer trop cher, on veut imposer au gouvernement des conditions inacceptables, eh bien, le gouvernement se passera du concours.

Il le fera, il aura la raison et le bon droit de son côté ; et à l'heure où je parle si le gouvernement n'avait pas de son côté la raison et le bon droit, il n'aurait pas vu tant de zèles, tant de dévouements s'associer à l'exécution de la loi. Il a eu le regret de voir le concours du clergé lui manquer. Mais il a eu la consolation de voir un très grand nombre d'hommes honnêtes, éclairés, dévoués, s'associer activement à l'exécution de la loi. Voilà une compensation.

D'autre parties administrations communales se sont prêtées avec le plus grand empressement à toutes les mesures d'exécution.

Je sais qu'on avait espéré faire naître des obstacles, des résistances de ce côté. Mais l'on a été déçu dans toutes les tentatives, dans toutes les espérances. Partout l'exécution de la loi a reçu l'accueil le plus sympathique, le plus empressé. Ce n'est pas tout encore.

Le gouvernement voit se réaliser la prédiction qu'il vous a faite pendant la discussion. Alors on trouvait que c'était beaucoup trop que de créer cinquante écoles moyennes pour le pays.

Je vous ai dit que ce nombre d'écoles moyennes ne suffirait pas ; qu'il ne se passerait pas une année avant que ce nombre fût reconnu insuffisant. C'est ce qui est arrivé. Les administrations communales, de toutes parts, dans toutes les provinces, sont en instances auprès du gouvernement pour obtenir ces écoles moyennes. Et cependant elles sont informées des difficultés qui existent entre l'administration supérieure et le clergé. Elles acceptent l'éventualité de la retraite du clergé. Elles ont confiance dans la modération et la sagesse du gouvernement.

(page 1662) Elles savent que, quoi qu'on fasse, quoi qu'on puisse insinuer ou publier, jamais le gouvernement ne prêtera les mains à ce que des professeurs immoraux communiquent de mauvaises doctrines aux élèves, à ce que de mauvais livres répandent leurs poisons dans les écoles moyennes ou dans les athénées.

Eh bien, en attendant que ce concours que nous désirons encore, que nous avons toujours désiré ; en attendant que ce concours nous arrive, nous aurons celui des pères de famille du pays, des pères de famille qui siègent au sein de nos administrations communales.

- - Un membre. - Ils ne sont pas tous là.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sont les élus de la commune.

M. de Mérode. - Il y a deux hommes dans le père de famille.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Jusqu'à ce qu'on ait démontré que les pères de famille, élus dans la commune comme les plus capables, les plus probes sont des hommes immoraux, sans religion, on nous permettra d'avoir quelque confiance dans l'adhésion des conseils communaux auxquels un honorable membre de l'opposition vient de rendre un si éclatant hommage, en demandant pour eux le pouvoir de nommer les collèges échevinaux.

Messieurs, que ceux qui ont voté la loi se rassurent, elle sera exécutée ; les établissements de l'Etat prospéreront ; aucune mauvaise volonté ne pourra prévaloir contre le bon vouloir du gouvernement, des pères de famille et des administrations communales.

Dans l'état actuel des choses, malgré tout le désir qui m'anime, d'arriver à un résultat, je dois dire à la chambre que je considère les négociations comme suspendus. Il faut attendre du temps, de l'effet de l'opinion, des témoignages rassurants que donneront, je n'en doute pas, nos établissements, dès qu'ils seront organisés ; il faut attendre de toutes ces circonstances que les préventions qui existent aient disparu ; et que les préventions exagérées s'affablissent.

J'espère que le pays ne donnera pas, sous ce rapport, un fâcheux exemple exceptionnel ; que, lorsque toutes les classes de citoyens sont animés de si bons sentiments, que lorsque nous donnons à l'Europe de si beaux modèles de calme, d'union, des causes d'agitation ne viendront pas de ceux-là mêmes qui sont plus particulièrement chargés d'entretenir dans la société l'union, l'esprit de famille, l'esprit de fraternité. S'ils ne veulent pas faire de ces questions des questions de parti, que nos adversaires parlementaires donnent la main au gouvernement pour concourir à l'accomplissement de cette tâche.

Il n'est pas sur les bancs de cette chambre, je n'hésite pas à le dire, un seul membre qui, chargé de la responsabilité des fonctions de ministre, aurait dans une correspondance officielle poussé plus loin que nous les concessions. Que l'honorable M. de Theux lui-même en prenne acte, si quelque jour il revient sur ces bancs qu'il a si honorablement occupés et qu'il est si digne d'occuper encore, il n'ira pas officiellement plus loin que nous n'avons été dans les concessions faites au clergé. Je dirai plus : il ira moins loin que moi ; il aura à garder vis-à-vis de l'opinion des ménagements que nous n'avons pas à garder, et il se montrera plus timide que nous ne l'avons été.

M. Malou. - M. le ministre de l'intérieur nous a donné lecture de deux fractions de lettres qui n'ont pas été communiquées à la section centrale ; il y a, en outre, dans le rapport une lettre du 29 septembre qui se trouve mentionnée et qui n'a pas été remise. Pour ne pas interrompre la discussion, je demanderai que M. le ministre de l'intérieur veuille bien déposer sur le bureau les pièces relatives à l'incident de la retraite de M. l'abbé Bulo, et notamment les deux pièces dont nous avons entendu la lecture partielle. Je pense que ma demande ne rencontrera pas d'objection ; je n'aurais pas fait cette proposition, si l'on n'avait pris l'initiative de la publication ; mais lorsqu'on publie, il faut tout publier.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je déposerai ces pièces sur le bureau.

- La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 5 heures.