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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 décembre 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 215) M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Vermeire présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Les sauniers de diverses localités du pays prient la chambre de ne pas donner son assentiment à la partie de l'article 5 du traité de commerce conclu avec l'Angleterre, qui a pour objet l'assimilation quant aux droits de douane et d'accise, du sel de source au sel brut et la faculté du transit. »

M. Van Iseghem. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le traité.

M. de T'Serclaes. - Je demande en outre que la pétition soit insérée au Moniteur.

M. Rodenbach. - J'appuie cette double proposition.

M. de Perceval. - Avant que la pétition soit insérée au Moniteur, il faut que la commission l'examine.

M. de T'Serclaes - Messieurs, il s'agit, d'un intérêt important ; tous les sauniers se sont réunis en meeting à Malines, et ont délibéré en commun sur la pétition dont il s'agit qui est imprimée. Je l'ai lue ; elle ne renferme absolument rien qui s'oppose à ce qu'elle soit insérée au Moniteur ; elle renferme des renseignements précieux sur une question dont la chambre va s'occuper d'ici à peu de jours ; si la requête peut être lue aux Annales, il sera loisible à chaque membre de s'éclairer sur la stipulation du traité avec l'Angleterre qui semble mettre en péril l'une des branches de notre industrie nationale et que l'on recommande à voire attention.

Quant aux précédents de la chambre, ils ne s'opposent pas, selon moi, à ce que la pétition soit publiée d'emblée au Moniteur ; cette insertion ne préjuge rien, et je crois, contrairement à l'avis de M. le président que, plus d'une fois, des pièces semblables ont été imprimées par ordre de la chambre lorsqu'il s'est agi d'un objet spécial qui, comme celui-ci, demande un prompt examen et intéresse un grand nombre de personnes.

J'ai appuyé la motion de l'honorable M. Van Iseghem quant au renvoi à la section centrale ; mais en attendant son rapport, quel inconvénient y a-t-il à ce que nous puissions tous en prendre connaissance et étudier l'affaire ?

M. Rodenbach. - J'appuie de tout point les observations de l'honorable M. de T'Serclaes. La chambre doit désirer de s'éclairer sur une question aussi importante. Plus on donnera de la publicité à la pétition qui est très bien faite, plus on répandra de lumières sur la question.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La pétition doit d'abord être renvoyée à la commission. Si la commission est d'avis qu'il y a lieu de l'insérer au Moniteur, la chambre ne se refusera pas sans doute à cette insertion.

- La discussion est close.

La chambre renvoie la pétition à la section centrale chargée d'examiner le traité.

Elle décide ensuite que la pétition ne sera pas insérée aux Annales parlementaires.


« Les membres du conseil communal de Stekene prient la chambre d'allouer au budget des travaux publics une somme qui permette au gouvernement de faire face aux trois quarts de la dépense à résulter du recreusement du canal dit de Stekene. »

M. Cools. - Messieurs, voici une question qui revient tous les ans à la chambre au moment de la discussion du budget des travaux publics. L'administration communale de Stekene demande que le gouvernement veuille se charger d'approfondir le canal qui mène de cette commune à Moervaert. Quoiqu'il soit de principe que l'entretien des canaux ne soit pas une dépense communale, l'administration communale offre cependant de contribuer pour un quart dans les travaux.

Je demande que la pétition soit renvoyée à la section centrale du budget des travaux publics ; il importe que cette question soit abordée sérieusement et vidée sans retour. Le rapport de la section centrale n'est pas encore imprimé ; peut-être pourra-t-elle y intercaler un passage dans lequel elle exprime son opinion ; peut-être voudra-t-elle faire un rapport supplémentaire. Elle fera ce qu'elle jugera le mieux ; mais je demande que la section soit chargée de l'examen de l'affaire.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je pense que dans l'état d'avancement où est arrivée l'impression du rapport sur le budget des travaux publics, il serait parfaitement inutile de soumettre à la sectîon centrale l'examen d'une question sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer lors de la discussion du budget des travaux publics de l'année dernière. J'ai dit alors que les raisons qui déterminaient le gouvernement à refuser toute espèce de subside pour le recreusement du canal de Stekene étaient le refus des communes intéressées à concourir à l'exécution du travail ou à s'en charger.

D'après ce que vient de dire l'honorable M. Cools, il paraîtrait que les communes s'offriraient à fournir leur concours.

Je demande qu'on se borne à renvoyer la pétition à la commission des pétitions ou au ministre des travaux publics, qui pourra examiner les propositions des communes et se prononcer en temps et lieu sur la suite qu'il peut leur donner.

- Un membre. - Il vaut mieux ordonner le renvoi à la commission des pétitions et le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

M. Cools. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics n'est pas commencée ; le rapport est très volumineux ; si la discussion doit avoir l'importance du rapport, il est probable qu'elle se prolongera longtemps ; or, quand une discussion importante est sur le point de s'ouvrir, il est d'usage de faire examiner avant son ouverture les pétitions qui s'y rapportent. Si je parlais de la question, je dirais qu'elle a complètement changé de face.

Je demande si on peut arriver à un accord entre le ministre et la chambre, et à cet effet je propose le renvoi à la section centrale, qui pourra entendre le ministre et aura tout le temps nécessaire pour faire un rapport supplémentaire.

- Le renvoi à la section centrale n'est pas adopté.

La pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et renvoyée à la commission des pétitions, qui pourra faire un rapport avant la discussion du budget.

M. de T'Serclaes. - Je demande que le renvoi porte invitation à la commission de faire un rapport avant la discussion du budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.


« La chambre de commerce et des fabriques de l'arrondissement de Mons prie la chambre de donner son assentiment au traité de commerce conclu avec les Pays-Bas. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le traité, et insertion aux Annales parlementaires.


« La chambre des avoués près le tribunal de première instance de Tongres prie la chambre de modifier le projet de loi sur l'expropriation forcée, dans le sens des observations présentées par les avoués de Bruges.

« La chambre des avoués de Huy déclare adhérer aux observations des avoués de Bruges et demande que le projet de loi soit soumis à l'avis des tribunaux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les sieurs Goens, échevin et Lenaerts, conseiller communal, à Cor-warem, réclament l'intervention de la chambre pour faire annuler les élections qui ont eu lieu dans cette commune le 28 octobre derier. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. le président. - M. le ministre de l'intérieur informe la chambre qu'un Te Deum sera chanté le 16, jour de la naissance du Roi.

La chambre voudra sans doute assister au Te Deum.

- Un grand nombre de voix. - Oui ! Oui !

Composition des bureaux de section

Composition des bureaux de section pour le mois de décembre 1851

Première section

Président : M. Lange

Vice-président : M. Lesoinne

Secrétaire : M. Jacques

Rapporteur de pétitions : M. H. de Baillet


Deuxième section

Président : M. de Royer

Vice-président : M. Bruneau

Secrétaire : M. Pierre

Rapporteur de pétitions : M. Van Iseghem


Troisième section

Président : M. Lebeau

Vice-président : M. Van Grootven

Secrétaire : M. de Perceval

Rapporteur de pétitions : M. Vanden Branden de Reeth


Quatrième section

Président : M. A. Roussel

Vice-président : M. Moxhon

Secrétaire : M. Thibaut

Rapporteur de pétitions : M. Lelièvre


Cinquième section

Président : M. Destriveaux

Vice-président : M. Ch. Rousselle

Secrétaire : M. A. Dumon

Rapporteur de pétitions : M. de Steenhault


Sixième section

Président : M. de Chimay

Vice-président : M. Dautrebande

Secrétaire : M. Allard

Rapporteur de pétitions : M. Orban

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Van Grootven. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un rapport de la commission des naturalisations sur une demande en naturalisation ordinaire.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. de Steenhault. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre (page 216) un rapport de la commission des naturalisations sur une demande de naturalisation.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Proposition de loi relative au mode de nomination des bourgmestres et des échevins

Prise en considération

M. Dumortier. - Il me semble qu'on pourrait s'occuper immédiatement de la discussion de la prise en considération de ma proposition. Il n'y a rien qui s'y oppose, puisqu'elle figure à l'ordre du jour sur les convocations.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si l'on devait entamer aujourd'hui une discussion sur le jour où la prise en considération sera discutée, mieux vaudrait commencer dès maintenant. Il ne faut pas deux discussions sur un objet qui n'a aucune portée pratique ou sérieuse, a mon avis.

Dès lors je crois que l'on peut continuer aujourd'hui la discussion d'hier, si discussion il y a.

D'après les antécédents 'et ceci est dans l'intérêt de nos travaux (qui ont leur importance quoiqu'on ait dit l'honorable M. Dumortier), et dans le but d'épargner le temps à la chambre, d'après les antécédents et notamment d'après l'antécédent posé à l'égard de la proposition de l'honorable M. Coomans, il semble que la prise en considération n'a aucune espèce de signification, de valeur, ni de portée. S'il en était ainsi, s'il en était de la proposition de M. Dumortier comme de celle de l'honorable M. Coomans, j'avoue que je n'attacherais pas une grande importance à combattre la prise en considération ; je laisserais la chambre faire ce qu'elle a fait de la prise en considération de la proposition de l'honorable M. Coomans, qui a été votée par des membres qui, au fond, la combattaient.

Si cela était bien entendu je ne m'opposerais pas à la prise en considération. Si, au contraire, la prise en considération de la proposition de l'honorable M. Dumortier devait donner à cette proposition le caractère sérieux qu'elle n'a pas à mes yeux, je me réserverais de la combattre.

M. le président. - Puisqu'il n'y a pas d'opposition, la discussion est ouverte sur la prise en considération.

M. Coomans. - Je n'admets pas du tout que la prise en considération d'une proposition de loi n'ait point de valeur.

J'attache beaucoup de prix aux votes de la chambre, je n'y vois pas des actes de politesse, un jeu puéril. Pour ma part, je n'oserais pas lui faire une pareille insulte.

Le gouvernement lui-même attachait quelque importance à la prise en considération de ma proposition, puisqu'il l'a combattue pendant deux jours. Ses actes protestent donc contre son langage.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole !

M. Coomans. - Tout au moins, le gouvernement a-t-il eu l'air de me combattre.

Si ce n'était qu'un jeu, pourquoi l'a-t-il prolongé si longtemps ?

Ainsi donc, j'attache pour ma part une certaine importance à la prise en considération des projets de loi, et je suis très reconnaissant envers la chambre, du vote qu'elle a émis en faveur du mien. Je suis persuadé qu'elle a consciencieusement agi.

Je proteste derechef contre la doctrine ministérielle, qui tend à enlever toute valeur et tout caractère sérieux à l'une des prérogatives de la représentation nationale. Tous nos actes sont sérieux, et l'on peut trouver étrange que le cabinet lui-même vienne prétendre le contraire. Du reste un prochain avenir démontrera que mon projet de loi avait bien ce caractère.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Coomans n'est pas difficile et je n'entends pas le chicaner sur l'opinion qu'il se fait du vote de la chambre ; je me borne à rectifier un fait qui est énoncé par l'honorable membre.

Il a dit que le gouvernement attachait une telle importance à la prise en considération qu'il l'a combattue pendant trois jours.

Je ne pense pas que l'on puisse sérieusement énoncer pareille chose devant la chambre. J'ai fait un exposé complet de notre système commercial ; j'ai signalé les reformes qui doivent y être introduites ; j'ai montré les vices de la proposition de M. Coomans qui, sous prétexte de liberté, renforce à outrance les droits différentiels ; mais j'ai répété non pas une fois, mais dix fois dans le cours de cette discussion, que je n'attachais aucune espèce d'importance à la prise en considération.

M. Coomans. - Vous avez voté contre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez, je n'en ai pas moins dit ce que je répète en ce moment, ce qui détruit entièrement votre allégation. Voire allégation est absolument et directement contraire à ce qui s'est passé dans cette chambre.

J'ai dit que je n'attachais aucune espèce d'importance à la prise en considération, qu'elle n'avait aucune espèce de valeur telle qu'elle était sollicitée, et nonobstant mes déclarations, la proposition de l'honorable M. Coomans n'a été admise à une voix de majorité que parce que la chambre était déserte ce jour-là. Il est indubitable qu'elle aurait été repoussée à une très forte majorité sans cette circonstance.

M. Coomans. - Vous n'en savez rien.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous savez aussi bien que moi que la prise en considération aurait été repoussée, si la chambre avait été plus nombreuse ce jour-là.

Mais pour mieux caractériser le vote qui a été émis en cette occasion, je ne rappellerai pas mes paroles, je rappellerai celles d'un ami de l'honorable M. Coomans, de l'honorable M. Dechamps.

L’honorable M. Dechamps, à côté de l'honorable M. Coomans, s'est levé pour solliciter la prise en considération, en déclarant qu'il était l'adversaire de la proposition, qu'il la combattrait, mais que cette prise en considération n'était qu'une simple formule da politesse, qu'elle n'avait pas une autre valeur, une autre signification et qu'on ne pouvait causer le désagrément à l'honorable M. Coomans de repousser sa proposition par une fin de non-recevoir.

M. Coomans. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est la pensée de l'honorable M. Dechamps. Il a combattu la proposition au fond ; il la repousse au fond, ainsi que les autres amis de l'honorable M. Coomans qui ont voté pour la prise en considération. Or, à moins que l'honorable M. Coomans ne veuille prétendre que le vote émis sur la prise en considération implique l'approbation de ses idées, et dans ce cas il ferait une singulière position à ses honorables amis, il sera bien obligé d'avouer que le vote qu'il invoque n'est guère favorable à sa motion.

Nous savons parfaitement, d'ailleurs, c'est prouvé par l'expérience, quelle est la valeur de la prise en considération d'une proposition faite à la chambre. On a pris en considération une foule de propositions qui sont allées mourir dans les cartons. Je ne sais pas si la proposition de l'honorable M. Coomans aura le même sort ; c'est ce que nous verrons ultérieurement ; mais quant à celle que fait l'honorable M. Dumortier, je crois qu'elle est bien destinée à rester dans les cartons de la chambre. Cette proposition a déjà été faite autrefois et elle n’a réuni que neuf voix.

M. Coomans. - Messieurs, je ne discute pas ; je relève des faits inexacts avancés par l'honorable ministre des finances.

Mon honorable ami, M. Dechamps, n'a pas dit que la prise en considération de mon projet de loi n'était qu'une simple formule de politesse à mon égard. S'il avait tenu ce langage, j'aurais protesté immédiatement. L'honorable M. Dechamps a positivement déclaré, entre autres choses, qu'il considérait la prise en considération de ma proposition comme une mise en demeure du ministère pour présenter son système commercial, qui dort depuis trop longtemps dins les cartons de l'honorable ministre, qui y a dormi depuis plus longtemps que ne dormira, dans les cartons de la chambre, ma proposition.

Voilà ce que l'honorable M. Dechamps a dit, et c'était là, en effet, le point essentiel du débat. Il a ajouté, il est vrai, qu'il était peu convenable de refuser la prise en considération de propositions qui étaient évidemment sérieuses. Mais il a ajouté, et c'est à quoi tous mes honorables amis ont applaudi ; il a ajouté que la prise en considération devait être considérée comme une mise en demeure du cabinet pour présenter son système de commerce. J'en appelle et aux souvenirs tout frais de la chambre et au Moniteur. Le Moniteur est là pour démontrer que M. le ministre des finances a très mal rendu la pensée de mon honorable ami M. Dechamps.

Après cela, je suis loin de prétendre que la majorité, qui s'est prononcée pour la prise en considération de mon projet de loi, adhère aux principes dont j'y ai déposé les conséquences. Ce que cette majorité a évidemment voulu, c'est se plaindre de l'état actuel des choses, en matière de douane, et provoquer le gouvernement à rendre justice à des intérêts sacrifiés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si l'honorable M. Coomans a déposé sa proposition à titre de mise en demeure adressée au cabinet, je déclare qu'il s'est complètement fourvoyé : le cabinet déposera ses propositions à l'heure qu'il trouvera convenable, et la présentation de la proposition de l'honorable M. Coomans n'aura pas pour effet de le faire devancer d'une seule minute le moment qu'il croira opportun d'agir. Si c'est là le but de l'honorable membre, il peut renoncer à sa proposition.

M. Dumortier. - Je suis très étonné d'entendre l'honorable ministre des finances dire que ma proposition est destinée à aller mourir dans les cartons de la chambre. Je me souviens encore que dans le cours de l'an dernier, le même ministre, à propos d'une discussion politique, s'écriait : « Qui donc a abandonné les libertés communales ? » et se tournant de ce côté de la chambre, il disait : « C'est vous ! » M. le ministre faisait alors un cas extrême des libertés communales et, maintenant, quand je convie la chambre à rendre au peuple les libertés dont il jouissait anciennement et dont il a été privé depuis un certain nombre d'années, voilà M. le ministre des finances qui dit que ma proposition ira mourir dans les cartons de la chambre.

Je dis, messieurs, que cette proposition est excessivement sérieuse et c'est parce que M. le ministre sait combien elle est sérieuse qu'il prétend qu'elle ne l'est pas.

Il est plus que temps, messieurs, de rendre enfin au pays toutes ses libertés, et je demande la prise en considération de ma proposition, ne doutant pas que la chambre ne veuille bien l'examiner et je suis persuadé que lorsque nous en serons venus à la discussion définitive la chambre n'hésitera pas un seul instant à lui donner son approbation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il m'est impossible, messieurs, de laisser sans réponse l'assertion d’un membre de cette chambre qu'il est temps de rendre au pays ses libertés.

Ces libertés, messieurs, nous n'avons fait que les étendre successivement. Est-il un pays au monde où l'on jouisse d'une liberté pratique et théorique plus complète qu'en Belgique ? Est-il dès lors raisonnable de venir tenir un pareil langage devant le pays et devant l'étranger ?

En ce qui concerne la loi communale, c'est avec raison que mon honorable ami, M. le ministre des finances, reprochait aux bancs où siège l'honorable M. Dumorlier, d'avoir restreint les libertés communales et c'est en 1847 que nous sommes arrivés pour rendre à la liberté communale ce qu'on lui avait ravie.

(page 217) Quant à la nomination des bourgmestres par le gouvernemen, cette question a été l’objet de longs débats dans la chambre, et elle a reçu une solution solennelle : 82 voix se sont prononcées pour le principe de la nomination par le Roi, 9 voix se sont prononcées en sens contraire. Veut-on revenir sur cette décision ? Est-ce que les institutions communales laissent à désirer ? N’est-ce pas, messieurs, l'une des plus belles parties de notre édifice politique- ? Nos institutions communales et provinciales marchent sans entraves et approchent autant que possible de la perfection. Qui réclame, dans le pays, l'élection des bourgmestres par les conseils communaux ?

Je crois que l'honorable M. Dumortier est à peu près seul de son avis, et c'est en ce sens que j'ai pu dire que sa proposition n'est pas sérieuse. Sans doute en principe elle a un caractère très sérieux ; mais quand je me suis exprimé ainsi, j'ai entendu parler de ses résultats pratiques.

Lorsqu'une proposition, est faite, ce doit être pour amener des résultats pratiques. Or, cette proposilion n'a aucune chance d'être accueillie, et, en ce moment, quoi qu'en ait dit hier l'honorable M. Dumortier, la chambre est saisie de travaux importants et urgents.

Eh bien, n'est-il pas évident qu'une telle proposition n'a aucune espèce de chance d'être accueillie par la chambre ? Y a-t-il trois membres de la chambre qui voulussent s'associer à la proposition ? Je ne le crois pas.

J'engagerai dès lors l'honorable M. Dumortier à ne pas insister sur la proposition, à la retirer, sauf à la reproduire plus tard, s'il le désire, quand la chambre n'aura rien de mieux à faire Quant à la prise en considération elle-même, s'il s'agit d'autre chose que d'un simple acte de politesse, je la combattrai avec énergie.

M. de Decker. - Messieurs, j'ai demandé la parole uniquemcnt pour me laver du reproche qui semble adressé à ces bancs, d'avoir aidé à mutiler les libertés communales. Pour moi, j'ai le bonheur de pouvoir, conséquent avec moi-même, invoquer mes antécédents. Lorsqu'en 1842 un homme dont j'approuvais, du reste, la politique générale, l'honorable M. Nothomb, est venu proposer de mutiler les libertés communales, je me suis élevé énergiqucmenl contre cette mutilation.

Aujourd'hui, je reste fidèle à ces antécédents, et j'élève la voix en faveur de la proposition de l'honorable M. Dumortier que je considère, moi, comme très sérieuse. Elle peut n'être pas d'une grande importance pratique, parce qu'en effet, la nomination des bourgmestres, en dehors du conseil, est une chose heureusement très exceptionnelle ; mais, c'est chose très sérieuse de rendre à la Belgique la plus ancienne, la plus nationale de ses libertés.

Messieurs, on invoque les circonstances actuelles ; on dit que ce n'est pas le moment de faire croire au pays qu'il n'a pas l'exercice complet de toutes les libertés.

Je crois, au contraire, que les circonstances solennelles que nous traversons doivent nous engager à revendiquer pour le pays ces libertés communales qui sont le foyer le plus actif de sa vie politique et qui constituent le caractère distinctif de notre nationalité. Plus les orages s'accumulent autour de nous, plus nous devons nous rattacher à nos traditions nationales et rendre nos institutions distinctes de celles de nos voisins. C'est dans les circonstances actuelles que je puiserais un motif nouveau pour revendiquer l'exercice complet de la plus importante comme de la plus ancienne de nos libertés. Car cette liberté aujourd'hui n'est pas complète ; cela est incontestable. Je fais un appel à l'intelligence de M. le ministre de l'intérieur lui-même.

Vouloir que le pouvoir central puisse s'arroger le droit de nommer un bourgmestre en dehors du conseil, c'est ne pas vouloir la liberté complète de la commune.

Avec l'honorable M. Dumortier, je considère la commune comme une grande famille, qui a le droit de s'administrer elle-même.

C'est là chez nous le caractère historique de la commune ; ce caractère, nous devons plus que jamais nous efforcer de le conserver.

M. Lelièvre. - Messieurs, la prise en considération ne préjuge en aucune manière la valeur d'une proposition, li en résulte seulement qu'il y a lieu à l'examen, et cela est si vrai que l'examen de la proposition est renvoyé aux sections, il est donc évident que la chambre ne préjugera en aucune manière le fondement de la proposition.

En conséquence, partageant à cet égard l'opinion de M. le ministre, je pense que la prise en considération laisse absolument intact tout examen ultérieur et qu'en conséquence il ne peut en résulter aucun préjugé relativement à la discussion ultérieure.

M. Devaux. - Professant l'opinion toute contraire, je viens demander à la chambre de rejeter la prise en considération de la proposition.

S'il s'agissait de faire une politesse à l'un de nos collègues, si l'on se trouvait dans la salle voisine, je serais le premier ; mais il s'agit de faire une chose sérieuse, et non de faire des politesses. Or que vous propose-t on ? On vous propose de remettre en question notre législation communale, c'est-à-dire une partie de nos institutions qui touche à la Constitution, qui est la plus voisine peut-être de la Constitution.

Il y a quelques jours, on vous proposait de bouleverser l'organisation financière des communes ; puis c'était le tour de la législation douanière. Qu'est-ce qui est menacé aujourd'hui ? C'est la loi communale.

Si vous voulez décréter l'instabilité de vos institutions, si vous croyez le moment propice pour cela, décrélez-la. Mais dans les circonstances où nous sommes - et ici je réponds à l'honorable M. de Decker - ce qu'il faut avant tout, c'est la stabilité de nos lois organiques ; nous devons montrer que nous tenons à nos institutions, non pas à celles qui existaient autrefois, mais à celles que nous avons aujourd’hui. Il ne faut pas que des des menaces soient suspendues tantôt sur une loi organique, tantôt sur une autre. J’adjure la chambre de ne pas prendre la proposition en considération ; à cause même des circonstances, elle doit saisir avec empressement cette occasion de prouver que son ferme désir est de consacrer la stabilité des institutions qui nous sont chères et auxquelles nous sommes tous attachés.

Je demande, pour ma part, que la prise en considération soit rejetée.

M. Cools. - Messieurs, j'ai surtout demandé la parole pour repousser les doctrines de MM. les ministres, en ce qui concerne la signification qu'il faut donner à une prise en considération. Je ne puis pas admettre que la prise en considération ne signifie rien, que se serait un simple acte de politesse ; car si cette opinion parvenait à prévaloir, ce serait encure une prérogative de la chambre qui serait complément annulée. Nous aurions beau prononcer des prises en considération, le ministère les interpréterait de telle manière, que nous n'aurions rien fait.

La prise en considération signifie quelque chose ; elle a plus de portée qu'un simple acte de politesse : elle signifie, non pas que la chambre se prononce définitivement en faveur de la proposition ; mais que, s'attachant à la pensée générale, elle lui donne une marque de sympathie. C'est parce que je donne cette signification à une prise en considération, que j'ai voté pour la prise en considération de la proposition de l'honorable M. Coomans, et que je voterai contre la prise en considération de la proposition de l'honorable M. Dumortier.

J'ai cru et je crois encore que le vote sur la proposition de l’honorable M. Coomans devait avoir une siguificatioi ; que c'était une manifestation de la part de la majorité, que c'était une invitation adressée au gouvernement de sortir du système de protection douanière qui nous régit actuellement, de faire un pas vers une plus grande liberté commerciale. C'est le sens que j'ai donné à mon vote, et c'est aussi la signification que la chambre a donnée à un vote précédent, relativement à la question des primes. On a cru alors aussi qu'il importait que la majorité se prononçât ; le gouvernement avait lui-même annoncé qu'il se proposait de renoncer au système des primes : il a néanmoins été loin de trouver mauvais que la majorité fît acte d'adhésion.

Quant à la proposition de l'honorable M. Dumortier, je ne crois pas pouvoir faire, à cette occasion, un simple acte de politesse, en lui donnant mon appui, alors que pour les motifs développés par l'honorable M. Devaux, je suis forcé de voter contre la prise en considération, il ne faut pas perdre de vue la situation du pays et surtout celle de l'Europe. Plus que jamais la prudence doit nous servir de guide. Je crois qu'il serait imprudent ou tout au moins inopportun de remanier encore en ce moment notre législation communale, qui, d'après l'opinion exprimée par l'honorable minisire de l'intérieur, et que je partage, répond aux besoins du pays et approche, sous ce rapport, autant que possible de la perfection.

C'est par ce motif surtout que je voterai contre la proposition de M. Dumortier.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable préopinant combat la doctrine que le gouvernement aurait émise en ce qui concerne la prise en considération des propositions émanant de l'initiative des membres de cette chambre. Le gouvernement n'a pas émis de doctrine. Il s'est référé à des antécédents récents et pour éviter une discussion inopportune et inutde, il a déclare que s'il devait en être de la proposition de M. Dumortier comme de celle de M. Coomans, il ne venait pas d'inconvénients à la prise en considération ; mais que si on voulait donner à cette décision une portée quelconque, il la combattrait.

Nous aurions voulu éviter une discussion, mais d'après la tournure que le débat a prise, nous croyons maintenant devoir insister et demander le rejet de la prise en considération.

Nous pensons que ce n'est pas en raison des circonstances qu'il faut rejeter la proposition. Nous pensons qu'il ne faut pas toucher à nos institutions communales parce que, bonnes hier, bonnes aujourd'hui, elles seront bonnes demain.

Ce n'est pas dans les circonstances actuelles que nous puisons nos motifs de combattre la proposition de M. Dumortier.

Les chambres se sont prononcées d'une manière défititive, pour longtemps du moins, sur le mode de nomination des bourgmestres ; en vertu d'une transaction qui a fait une part au pouvoir communal et une part au pouvoir executif, et après une longue discussion, la chambre, par 80 voix contre 9, a décidé que les bourgmestres seraient nommés par le Roi, mais pris dans le sein du conseil.

En 1842, il a été porté atteinte à cette transaction en accordant au gouvernement la faculté de nommer les bourgmestres en dehors du conseil ; et il a été fait usage de cette prérogative dans des intérêts qui n'étaient pas purement administratifs.

En 1847 on est revenu à l'ancien système, pas entièrement cependant ; mais on a écarté tous les inconvénients, le puvoir executif ne pouvant qu'exceptionnellement choisir les bourgmestres en dehors du conseil et ne le pouvant que sur l'avis conforme de la députation, c'est à dire pour des motifs purement administratifs.

Cette proposition a été adoptée à une grande majorité.

L'honorable M. de Decker ne connaît pas la proposition de son honorable ami, car l'auteur ne veut pas seulement enlever au gouvernement la faculté de choisir exceptionnellement en dehors du conseil : ce qu’il (page 218) veut, c'est que les conseils communaux nomment eux-mêmes les bourgmestre et les échevins.

M. de Decker. - C'est ce que je préfère.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - S'agit-il seulement d'enlever au gouvernement la faculté de nommer les bourgmestres exceptionnellement et sur l'avis conforme de la députation en dehors du conseil ?

Est-ce à ces proportions qu'on voudrait ramener la proposition ? Dès lors quelle importance a-t-elle ? Depuis que la faculté a été donnée au gouvernement, je l'ai dit hier, en a-t-il été fait abus ? Une seule fois le gouvernement a nommé un bourgmestre en dehors du conseil. Pourquoi ? Parce qu'après de longues recherches il a été impossible de trouver dans le conseil d'une commune rurale de la province de Liège un bourgmestre. Cela s'est fait à la satisfaction de la commune et du conseil communal lui-même.

Voilà l'usage qui a été fait de cette prérogative. Je demande s'il y a là un motif pour revenir sur le système établi en 1848 ? Attendez au moins que des abus aient été commis et que le gouvernement, de complicité avec les députations permanentes, ait fait tourner à son avantage une prérogative dont il ne peut faire usage que dans un intérêt administratif.

Je combats la prise en considération de la proposition, et si l'auteur insiste nous aurons une discussion approfondie.

M. de Decker. - Oui, messieurs, la Belgique a le droit d'être satisfaite, d'être fière de ses institutions ! C'est dans ces moments solennels où nous avons de grandes crises à traverser que nous sentons au cœur une plus vive satisfaction des libertés politiques dont nous jouissons. Guidé par ce motif, mû par ce sentiment, j'ai demandé, avec mon honorable ami, M. Dumorlier, le complément d'une de nos plus précieuses libertés.

Je l'ai dit déjà, au point de vue de l'opportunité, je n'insiste pas sur la prise en considération ou plutôt sur la discussion immédiate de la proposition de mon honorable ami. Je conviens qu'il peut y avoir, dans les circonstances où nous nous trouvons, quelque inconvénient à soulever ces questions.

Je me suis surtout élevé contre cette allégation de M. le minisire que la proposition de l'honorable M. Dumorlier n'est pas sérieuse. C'est parce que vous en comprenez trop bien le côté sérieux que vous ne vouez pas que la chambre s'en occupe.

L'honorable M. Devaux m'a objecté la nécessité de maintenir la stabilité de nos institutions dans un moment comme celui-ci. Mais, est-ce bien à nous qu'il faut adresser un pareil avertissement ? Voyons, de quoi se plaint-on ? Un de mes honorables amis a fait une proposition concernant les octrois ; mais cette question n'a-t-elle pas été soulevée par le gouvernement lui-même, et n'est-elle pas pendante devant le pays tout entier ? Ce même membre a fait une autre proposition relative à notre système douanier ; mais le gouvernement n'a-t-il pas proclamé plus d'une fois qu'il y a lieu de réformer notre système commercial et n'a-t-il pas saisi la chambre d'un traité auquel il donne des proportions tout aussi étendues ?

Où peut-on dire que sont les ennemis de la stabilité de nos institutions ? Depuis trois ans on avait organisé notre armée ; qui est venu proposer de revenir sur cette organisation ? Or, l'armée est-elle une institution moins nationale que celle dont nous proposons de nous occuper ? L'instruction primaire n'est-elle pas sérieusement menacée ? Qui a présidé à la réforme électorale, à la réforme parlementaire ?

La plupart de nos institutions n'ont-elles pas été réformées par les hommes qui sont au pouvoir et qui voudraient maintenant nous reprocher de compromettre la stabilité de ces mêmes institutions ? N'est-ce pas nous, au contraire, qui n'avons cessé de démontrer le danger de toucher ainsi aux principales institutions du pays ?

Je le répète, en terminant. La proposition de mon honorable ami M. Dumortier est sérieuse ; elle est de la plus grande importance. Quant à l'opportunité de la discussion de cette proposition, je ne tiens pas à ce qu'on s'en occupe immédiatement. Dès lors, la prise en considération est une formule à laquelle mon honorable ami ne doit pas attacher plus d'importance qu'elle n'en mérite.

M. de Mérode. - Je suis de l'avis de M. Cools, qu'on ne doit pas prendre de proposition en considération par politesse. Quant à l'accusation, tant de fois répétée, qu'on nous adresse de vouloir porter atteinte à nos libertés communales, lorsque des modifications y ont été apportées afin de donner plus de pouvoir au gouvernement, j'avoue que je suis un des grands coupables de cet acte liberticide, par la raison que les indigestions de liberté produisent des événements comme ceux que nous venons de voir surgir dans un autre pays.

Je regarde la prise en considération d'une proposition comme une chose sérieuse. On a parlé de la proposition de M. Coomans ; je fais une distinction entre cette proposition et celle de M. Dumortier. J'ai voté pour l'une, je ne voterai pas pour l'autre, et je ne voterai pas pour la prise en considération de celle de l'honorable M. Dumortier, parce que je me suis toujours opposé à l'extension outrée des libertés communales. Mais la proposition de M. Coomans aurait réellement un but conforme à mes vœux, et M. Coomans a parfaitement démontré qu'il était d'accord sur les trois quarts de ce que contenait sa proposition avec M. le ministre des finances ; seulement M. le ministre des finances laisse dormir son opinion dans ses cartons ; M. Coomans exhume de sa pensée un projet.

Je ne puis donc voter la prise en considération à cause de mes précédents ; mais je dois aussi déclarer qu'il y a un côté qui serait favorable à la proposition del’honorable M. Dumortier, c'est la manière dont certains fonctionnaires ont agi dans les élections, en signalant des candidats aux électeurs comme des ennemis de la Constitution, et en quelque sorte comme des ennemis du pays. Cette manière dont ils ont signalé certaines personnes constitue un abus tellement grave du pouvoir administratif que l'on finira par trouver que ce pouvoir administratif doit être restreint même dans ce sens qui me déplaît. Malgré cela, je conçois la nécessité de maintenir au gouvernement un certain pouvoir ; qiels que soient les abus qu'il commette, j'aime mieux les supporter qui d'en établir d'autres plus dangereux à mes yeux.

M. Manilius. - Je n'ai pas demandé la parole pour combattre la prise en considération. Je ne viens pas non plus l'appuyer. Je crois que, comme on l'a fait observer, le sort réservé à des propositions de cette nature est d'attendre longtemps avant d'être discutée au fond.

J'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu l'honorable M. de Decker déclarer que c'était à la droite, ou plutôt à cette partie de l'assemblée qu'on est convenu de qualifier ainsi (il me sera permis à moi qui siège sur les bancs de la droite de faire cette réserve) qu'on devait être reconnaissant de la conservation de l'armée. Ce qui revient à dire que c'est de vous (en désignant le côté gauche de l'assemblée), que c'est du ministère qu'est partie la proposition de désorganiser l'armée.

M. de Decker. - J'ai dit que la proposition de réorganiser l'armée venait de vous.

M. Manilius. - C'est ce que j'ai compris.

J'ai cru nécessaire de répondre à cette accusation, car c'est à titre d'accusation que l'observation a été présentée.

Pourquoi avons-nous demandé la révision de l'organisation de l'armée ? N'était-ce pas dans l'intérêt de l'armée ? Je défie l'honorable M. de Decker de citer un seul discours, une seule phrase qui puisse autoriser à nous supposer une autre pensée. C'est dans cet ordre d'idées que le gouvernement a jugé convenable de faire procéder à la révision ou plutôt à l'examen, à l'effet de savoir s'il y a lieu de réviser la législation existante.

C'est parce que l'on a reconnu que c'était une question de la plus haute importance pour le pays, qui devait être envisagée en elle-même et en rapport avec la question financière, traitée depuis si longtemps par le gouvernement actuel et qui rencontre une si vive opposition que l'on a voulu réviser notre établissement militaire et le faire cadrer avec nos ressources financières, de manière à mettre l'armée sur un pied respectable pour l'état de guerre et sur un pied national et convenable, pour l'état de paix.

Nous avons voulu nous conformer an vœu de la Constitution, qui nous prescrit d'organiser la force publique.

On a parlé d'opportunité. Mais est-ce bien le moment de recourir à de telles récriminations ? Je les repousse bien loin. Je suis heureux d'avoir eu cette occasion d'exprimer ma pensée. Je crois que j'aurai été compris de la chambre entière et que cela suffira à l'honorable M. de Decker.

M. Lelièvre. - On pourrait ordonner l'impression et la distribution des développements et renvoyer la discussion.

M. le président. - La chambre a décidé le contraire.

M. Dumortier. - Je m'attendais à ce que le cabinet, en combattant la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau, serait venu donner des motifs quelconques sérieux contre la prise en considération ; mais jusqu'ici, je dois le dire, je n'ai entendu rencontrer aucune des observations si sérieuses que j'avais eu l'honneur de développer dans la séance d'hier.

Il y a en faveur de la prise en considération de ma proposition deux considérations excessivement majeures : la première, c'est que le gouvernement ne connaît pas lui-même, en nommant les bourgmestres et échevins dans nos villes et nos campagnes, les personnes qu'il nomme, qu'il est forcé de s'en rapporter au choix d'agents subalternes et que par conséquent la nomination laissée au Roi par la loi est en réalité laissée aux commissaires d'arrondissement ; ceux-ci connaissent beaucoup mieux quelles sont les personnes qui sont les plus propres à exercer les fonctions de l'autorité communale ; les choix par les électeurs seront toujours bien meilleurs et beaucoup plus populaires que ceux que peut faire le gouvernement.

Il y a une seconde considération, c'est qu'au moyen de la nomination laissée au gouvernement de tous les agents municipaux des villes et des communes, vous arrivez à un résultat qui peut vicier le système parlementaire du pays.

Cette dernière considération surtout est d'une excessive importance. Je ne veux point accuser le cabinet ni M. le ministre de l'intérieur en particulier ; mais je lui demanderai à lui-même s'il n'est pas convaincu que de semblables faits, bien qu'il les désapprouve, sont parvenus à sa connaissance. N'esl-il pas vrai que souvent M. le commissaire d'arrondissement est allé trouver des bourgmestres et leur a dit : « Si vous ne votez pas pour tel ou lel candidat, vous ne serez pas renommé » ? Le fait est incontestable ; si l'on ordonnait une enquête, je pourrais au besoin en fournir des preuves.

Quand des faits aussi graves pèsent sur la représentation nationale, qui doit toujours être l'émanation libre des votes du pays, comment peut-on dire qu'une proposition est inopportune, qu'elle n'est point sérieuse ?

Voilà le but principal que j'ai eu en présentant ma proposition, ç'a été d'assurer la sécurité du gouvernement représentatif en Belgique, et si un pareil but doit être atteint en certaine circonstance, c'est (page 219) précisément dans les circonstances où se trouve l'Europe, c'est alors plus que jamais qu'il faut que la représentation natignalc soit à l'abri de toute espèce de soupçons et d'influence de la part du pouvoir.

Messieurs, cette considération seule prouve combien sont peu fondées les observations qui ont été présentées tout à l'heure par l'honorable M. Devaux. L'honorable M. Devaux vous disait : Maintenons la persistance de nos institutions. Eh ! mon Dieu, oui, il faut maintenir la persistance de nos institutions. Mais de nos institutions quelle est la première ? C'est la représentation nationale. Eh bien, ce qu'il faut avant tout, c'est la sincérité de la représentation nationale, et tout doit fléchir en présence de ce grand besoin de la société.

Si donc il est démontré, et tous vous en avez la conviction (je n'accuse pas, je le répète, M. le ministre de l'intérieur, je n'accuse aucun membre du cabinet), que dans des circonstances et dans beaucoup de circonstances, des agents de bas étage se sont permis de dire à des bourgmestres et des échevins de nos communes : « Si vous ne votez pas pour un tel, vous ne serez pas renommé, » il y a là un mal et il faut y porter remède.

Ce remède, quel est-il ?

Il en existe deux : d'abord celui que je propose. S'il est écarté, je serai forcé d'en présenter un autre : c'est de déposer une proposition de loi pour défendre à tout agent du pouvoir, sous les pénalités les plus sévères, de poser des actes de corruption parlementaire.

Dans tous les pays constitutionnels, des lois semblables existent ; car avant tout, il faut assurer la sincérité des élections. Eh bien, le moyen le meilleur, c'est de rendre les agents des municipalités, les agents communaux libres dans leur action, de leur assurer cette indépendance, cette noble indépendance à laquelle certes ils ont droit.

Vous le voyez donc, la proposition que j'ai l'honneur de vous proposer est éminemment sérieuse. Elle n'est pas dépourvue de ce caractère sérieux que doivent avoir toutes les propositions qui sont présentées dans cette enceinte. Oui, Cette proposition est sérieuse. Elle est extrêmement sérieuse, et c'est peut-être parce qu'elle l'est trop, qu'on la combat.

Je dis donc, messieurs, que la loi que je vous présente est excessivement importante. L'an prochain, vous avez une sortie du parlement. N'est-il pas juste que, lors de cette sortie, on ne puisse pas voir se répéter ce qu'on a vu il n'y a que quelques mois encore ? N'est-il pas juste que, lors de cette sortie, les magistrats communaux cessent d'être sous la disposition absolue de cerlains fonctionnaires de bas étage ?

La proposition que je vous présente a donc un caractère d'une immense gravité.

Je conçois, messieurs, que plusieurs d'entre vous ne veuillent pas la prendre en considération. Mais il demeurera démontré que sur ces bancs que vous avez si souvent accusés de vouloir porter atteinte à la liberté, il est encore des hommes qui savent la défendre. Il demeurera démontré au pays que du moins nous n'abandonnons pas cette cause et que nous ne l'abandonnerons jamais.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je commence à reconnaître que la proposition de l'honorable M. Dumortier a un côté sérieux que je n'avais pas d'abord aperçu. Il vient de se dessiner plus visiblement dans son dernier discours.

Cette proposition n'irait à rien moins qu'à interdire au gouvernement d'exercer, par des agents que l'on a élégamment qualifiés d'agents de bas étage, une influence corruptrice sur le corps électoral.

L'honorable M. Dumortier prétend que des agents du gouvernement, et, en cas d'enquête, il le prouverait, ont exercé sur les bourgmestres des communes une forte pression en les menaçant de destitution ou de non-nomination pour le cas où ils ne voteraient pas dans le sens du gouvernement.

Je repousse, messieurs, cette accusation comme injurieuse, non pas seulement pour l'administration, mais particulièrement pour les agents communaux eux-mêmes, hommes indépendants, qui n'ont pas à attendre de faveurs du gouvernement, qui exercent dans la plupart de nos communes des fonctions difficiles et gratuites, et qui alors, messieurs, doivent être considérés comme parfaitement à l'abri de l'action du gouvernement, comme ne devant attacher à la conservation de leur position aucun prix capable de les engager à sacrifier leur conscience.

On parle, messieurs, beaucoup de liberté communale dans cette proposition ; mais si nous abordions le fond même, nous aurions à examiner si dans beaucoup de communes le système que préconise l'honorable M. Dumortier n'irait pas tout droit à l'asservissement des communes. Nous connaissons grand nombre de communes où si ce n'était plus le gouvernement qui nommât le bourgmestre, une autre autorité, présente dans toutes les communes, ferait à sa place ces nominations. Je demande alors, messieurs, ce que serait la liberté communale ?

Quant à moi je crois la liberté communale mieux garantie par le système actuel que par celui qu'on voudrait lui substituer, et je me demande si c'est bien la défense de la liberté communale que l'on a en vue dans cette circonstance.

La proposition de l'honorable M. Dumortier aurait donc cette portée de rétablir la sincérité dans les élections parlementaires. Et pour cela, il faudrait que le gouvernement cessât de nommer les bourgmestres.

Il y aurait, messieurs, d'autres mesures à prendre pour assurer la liberté des élections, pour assurer leur sincérité ; et s'il y avait une enquête dans laquelle chacun viendrait apporter les faits qui sont à sa connaissance, je me réserverais de mettre sous les yeux de la chambre et de l'honorable M. Dumortier une série de faits qui prouveraient que d'autres influences que l'influence administrative contribuent à fausser la sincérité de nos élections.

Particulièrement pour les raisons qui ont été mises en avant par l'honorable M. Dumortier dans son dernier discours, je combats la prise en considération. Car cette prise en considération voudrait dire que le gouvernement fait abus du droit que lui confère la loi de nommer les bourgmestres pour exercer sur ces derniers une pression contraire à la sincérité des élections, et qu'en vue des élections prochaines, il faudrait retirer des mains du gouvernement cet instrument de corruption.

Je remercie l'honorable préopinant d'avoir bien précisé la portée de sa proposition. Dans ces termes, nous la repoussons plus énergiquement que jamais, et nous espérons qu'un vote de la chambre fera à cette proposition le sort qu'elle mérite.

- La discussion est cloie.

L'appel nominal et demandé pour le vote sur la prise en considération.

En voici le résultat :

77 membres prennent part au vote.

23 adoptent.

54 rejettent.

En conséquence la proposition n'est pas prise en considération.

Ont voté pour la prise en considération : MM. de Meester, de Mérode-Weslerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon (Aug.), Dumortier, Faignart, Jacques, Orban, Rodenbach, Thibaut, Vermeire, Clep, Coomans, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke.

Ont voté contre la prise en considération : MM. Deliége, de Merode (Félix), de Pitteurs, Dequesne, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, Devaux, d'Hont, Dumont (G.), Frère-Orban, Jouret, Lange, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles),. Tesch, Thiéfry, Vandenpeereboom (Alphonse), Vaudenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Veydt, Visart, Ansiau, Bruneau, Cans, Cools, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Denterghem, Delehaye, Delescluse et Verhaegen.

Projet de loi sur les loteries

Discussion des articles

Article 8 (nouveau)

M. le président. - On avait tenu en réserve le dernier paragraphe de l'article 7, qui était ainsi conçu :

« Sont également exceptées les opérations financières des puissances étrangères, faites avec primes ou remboursables par la voie du sort, lorsque la cote officielle en aura été autorisée par le gouvernement. »

M. le ministre de la justice propose de substituer à ce paragraphe un article 8 (nouveau) qui serait ainsi rédige :

« Sont également exceptées :

« 1° Les opérations financières des puissances étrangères faites avec primes ou remboursables par la voie du sort, lorsque la cote officielle en aura été autorisée par le gouvernement. »

« 2° Les opérations financières de même nature faites par les provinces et communes du royaume, ainsi que les opérations des sociétés anonymes ou tontinières faisant accessoirement des remboursements avec primes par la voie du sort, lorsqu'elles auront été autorisées par le gouvernement. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la rédaction nouvelle que j'ai l'honneur de proposer, consacre la disposition admise par votre section centrale ; mais la section centrale avait mis sur la même ligne et les emprunts contractés par les puissances étrangères, dont la cote officielle à la bourse doit être autorisée par le gouvernement, et les emprunts de provinces et communes, et, enfin, les opérations financières des sociétés anonymes et tontinières. Il faut, messieurs, faire une distinction entre ces diverses opérations : quant aux emprunts contractés par les puissances étrangères, il est indispensable pour qu'ils puissent être négociés dans le pays, lorsqu'ils sont remboursables avec primes, que la cote en ait été autorisée par le gouvernement ; c'est la seule manière dont celui-ci puisse intervenir.

Mais quand il s'agit d'emprunts faits par les provinces ou par les communes, quand il s'agit d'opérations faites par des sociétés anonymes ou tontinières, il y a un premier acte à poser, c'est celui de l'autorisation même de l'emprunt ou des statuts des sociétés ; et une fois l'autorisation donnée d'opérer dans ces conditions, il devient parfaitement inutile de prescrire une nouvelle autorisation.

J'ai donc, messieurs, rédigé l'article de manière à faire la distinction que je viens d'indiquer.

M. Bruneau, rapporteur. - Messieurs, la section centrale se rallie à la proposition de M. le ministre de la justice. Ce n'est, en effet, qu'un changement de rédaction ; c'est exactement la disposition consignée dans le rapport.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a plus qu'un changement de rédaction. La nouvelle rédaction a cette signification qu'une fois les emprunts des provinces et des communes autorisés, les statuts des sociétés approuvées, la côte de ces emprunts a la bourse n'aura plus besoin d'être autorisée par le gouvernement.

(page 220) - Le nouvel article 8, propre par M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.

Article 8 (devenu article 9) et article additionnel

M. le président. - Ici doit venir un article additionnel, proposé par M. Lelièvre.

M. Lelièvre. - Il ne suffit pas de prononcer la peine énoncée en l'article 8 dans le cas où les loteries s’étendent au-delà des limites pour lesquelles elles ont été autorisées ; il est indispensable que l'article 5 relatif à la récidive soit étendu à cette hypothèse, de même que l'article 6 concernant les circonstances atténuantes. C'est le seul moyen de mettre l'article 8 qui commine les pénalités énoncées aux articles 3 et 4 en harmonie avec les autres dispositions de la loi. Sans cela, il existerait une véritable anomalie et dans l'hypothèse prévue par l'article 8, il n'y aurait jamais lieu a appliquer les peines de la récidive, et d'un autre côté le juge ne pourrait modérer la peine d'après les circonstances atténuantes.

Ces considérations justifiant mon amendement ainsi conçu :

« Dans le cas énoncé à l'article précédent, les articles 5 et 6 recevront également leur application, s'il y a lieu. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Lelièvre est inutile. Ce que propose l'honorable M. Lelièvre est de droit. On ne pourrait contester l'applicabilité de l'article 6.

L'article 8 déclare que lorsqu'un sortira des termes pour lesquels la loterie est autorisée, cette loterie sera assimilée à la loterie prohibée. Eh bien, quelles sont les dispositions pénales applicables aux loteries prohibées ? Elles se trouvent dans les articles 4, 5 et 6 ; l'article 6 est applicable aux loteries prohibées ; par conséquent, ce qui est assimilé aux loteries prohibées par l'article 9 tombe sous l'application de l'article 6. Cela est incontestable.

M. Lelièvre. - Messieurs, je vous avoue qu'à mon avis l'amendement que j'ai proposé n'est pas inutile ; en effet, l'article 8 s'occupe de l'hypothèse où les loteries s'étendent au-delà des limites pour lesquelles elles ont été autorisées. Pour ce cas cet article commine une peine ; mais qu'arrivera-t-il si après une première condamnation le coupable commet un second délit ?

Eh bien, en ce cas on ne manquera pas de soutenir que la peine de la récidive n'est pas applicable parce que l'article 8 ne se réfère pas à l'article 5 et qu'en matière pénale tout est de stricte interprétation et qu'il n'est pas même possible de raisonner par analogie. On sait que les pénalités doivent résulter d'un texte formel de loi et qu'on ne peut argumenter par induction.

Eh bien, dans mon opinion, il est indispensable que dans le cas de l'article 8 qui prévoit un nouveau fait, on s'occupe de l'hypothèse de la récidive et qu'en conséquence on rende l'article 8 applicable à ce cas.

Il en est de même de l'article 6, qui prévoit les circonstances atténuantes. Il est indispensable de rédiger les lois pénales d'une manière claire et précise, afin qu'il ne puisse s'élever aucun doute sérieux dans leur application.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, quel est le but de l'amendement de l'honorable M. Lelièvre ? C'est de faire déclarer que dans le cas où l'on sortirait des limites de l'autorisation donnée pour établir une loterie, le tribunal pourrait admettre des circonstances atténuantes.

Or nous assimilons la loterie qui sortira de ces limites, à la loterie prohibée, et nous disons, dans l'article 6, que dans tous les cas où l'emprisonnement et l'amende sont prononcés par la loi, le juge pourra admettre des circonstances atténuantes, et par suite réduire ces peines. Par conséquent, l'article 8 tombe, quant aux circonstances atténuantes, sous l'application de la loi.

Quant à la récidive, s'il y avait un doute, on pourrait, pour le lever, rédiger le premier paragraphe de l'article 9, de la manière suivante :

« Les coupables seront punis, selon le cas, des peines prévues par la présente loi. »

Je propose cette rédaction. L'article 8 devenu l'article 9 serait donc ainsi conçu :

« Art. 9. Les exceptions prévues par les articles précédents cessent d'avoir leurs effets si les loteries s'étendent au-delà des limites dans lesquelles elles ont été autorisées. »

M. Lelièvre. - La nouvelle proposition de M. le ministre exprime absolument la même idée que mon amendement ; en conséquence celui-ci est remplacé littéralement par la rédaction nouvelle de l'article 8.

- L'article 8 (devenu l'article 9), rédigé comme il vient d'être indiqué, est mis aux voix et adopté.

Article 4

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, dans une séance précédente, les honorables MM. Allard et Cools m'ont demande d'examiner s'il n'y aurait pas moyen d'attribuer aux bureaux de bienfaisance ou aux hospices les numéros des loteries qui auraient été saisis et confisqués.

Malgré tout mon désir de créer à es établissements une nouvelle source de revenu, je ne puis me rendre au vœu qui a été exprimé. En voici les motifs :

D'abord, cette attribution des billets confisqués ne pourrait jamaisavoir lieu, en ce qui concerne les loteries existant dans le pays même ; quant à ces loteries-là, on confisquera non seulement les billets, mais encore ce qui fera l'objet de la loterie. La loterie elle-même disparaît.

En ce qui touche les loteries étrangères, voici l'insurmontable difficulté qui se présente : lorsqu'il y aura des loteries étrangères qui viendront émettre des billets dans le pays, elles auront des agents en Belgique ; ces agents ne seront que des mandataires ; ils ne seront pas les propriétaires des billets qu'ils placeront. Or, vous comprenez parfaitement que lorsque vous aurez saisi entre les mains des agents des loteries les billets qu'ils peuvent avoir en leur possession, vous ne pouvez les attribuer soit aux bureaux de bienfaisance, soit aux hospices, parce que les loteries étrangères se refuseraient à délivrer les lots gagnés à des billets confisqués par des gouvernements étrangers, et ces loteries auraient à faire valoir une raison qui serait admise par les tribunaux mêmes ; c'est que ces billets n'auraient pas été payés.

Vous ne pourriez pas prétendre prendre part aux gains d'une loterie en vertu de billets qui ne vous ont rien coûté, dont la loterie n'a pas bénéficié.

Il se pourrait par exception, qu'un individu eût pris en son nom personnel un certain nombre de billets et qu'il vînt les vendre en détail.

S'il les conservait, personne ne pourrait les confisquer ; ce n'est que pour le cas où il se ferait colporteur de ses billets, que la justice pourrait intervenir ; mais vous auriez à démontrer que l'individu sur lequel on a saisi des billets n'était pas l'agent d'une loterie, mais propriétaire des billets saisis ; nous aurions à discuter une question de propriété ; nous arriverions à des résultats qui donneraient lieu à beaucoup plus d'inconvénients que la proposition n'aurait d'avantages.

Malgré donc, je le répète, le désir que j'aurais d'augmenter les ressources des bureaux de bienfaisance, ces motifs me déterminent à ne pas accepter la proposition de M. Allard.

M. le président. - Il n'y a pas de proposition faite, je n'ai rien à mettre aux voix.

- La chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif de la loi.

Second vote des articles et vote sur l'ensemble du projet

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai deux changements de rédaction à proposer, l'un à l'article 6 qui consiste à dire si les circonstance « paraissent » atténuantes, au lieu de « sont » atténuantes ; et l'autre à l'article 8, dernier paragraphe, consistant à remplacer le mot : « les coupables » par « les contrevenants », etc.

- Ces modifications sont adoptées et les amendements introduits au premier vote sont confirmés.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

64 membres répondent à l'appel.

63 membres répondent oui ;

1 membre (M. Coomans), répond non.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Deliége, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Steenhault, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hont, Dumon (A.), Faignart, Jouret, Lange. Le Hon, Lelièvre, Lejeune, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Osy, Peers, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Roussel (Ad.), Rousselle (Ch.), Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vandenpeereboom (Alp.), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Visart, Ansiau, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, de Decker, de Denterghem, de Haerne, de la Coste, Delehaye, Delescluse et Delfosse.

- La séance est levée à 4 heures et demie.