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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 10 décembre 1852

Séance du 10 décembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 291) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :

« Des propriétaires à Malines présentent des observations en faveur de la proposition de loi qui exemple de quelques droits les actes relatifs à l'expulsion de certains locataires. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner la proposition de loi.


« Les membres du conseil communal de Woubrechtegem et de Saint-Antelinckx demandent un subside pour achever la construction de la route d'Aspelaere à Herzele. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Plusieurs habitants de Malines prient la chambre d'adopter la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Les huissiers près le tribunal de première instance d'Ypres demandent une loi qui les autorise à instrumenter devant les justices de paix, concurremment avec les huissiers attachés près de ces tribunaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Kuhn, gendarme pensionné, réclame l'intervention de la chambre pour lui faire obtenir le payement de ce qui lui est resté dû sur sa masse de réserve et de fourrages de l'ancienne maréchaussée du Limbourg. »

- Même renvoi.


« Le sieur Levavasseur, ancien employé des douanes, demande une augmentation de pension. »

- Même renvoi.

« Le conseil communal de Tongres demande que le gouvernement soit autorisé à concéder l'embranchement du chemin de fer de Tongres vers Ans ou Fexhe, avec la garantie stipulée par la loi et à se charger de son exploitation et de son entretien, moyennant la moitié du produit de la recette brute. »

M. Julliot. - Je demande que cette requête soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Par message du 9 décembre, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi modifiant la limite séparative entre les communes de Beffe et de Rendeux, province de Luxembourg. »

- Pris pour notification.


M. le Bailly de Tilleghem demande un congé de quelques jours.

- Ce congé est accordé.

Rapport sur une pétition

M. de Perceval, rapporteur. - Par pétition datée d'Enghien, le 29 novembre, le collège des bourgmestre et échevins de cette ville présente des observations contre l'interprétation donnée par le gouvernement aux dispositions de la loi sur l'instruction primaire, qui règlent les conditions de l'intervention de la province et de l'Etat dans les frais de cet enseignement.

L'article 20 de cette loi organique met, il est vrai, à la charge des communes les frais de l'instruction primaire, mais l'article 23 règle les conditions de l'intervention de la province et de l'Etat dans ces frais.

« L'intervention de la province à l'aide de subsides n'est obligatoire, dit cet article, que lorsqu'il est constaté que l'allocation de la commune en faveur de l'instruction primaire égale le produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes, sans toutefois que cette allocation puisse être inférieure au crédit voté pour cet objet au budget communal de 1842.

« L'intervention de l'Etat, à l'aide de subsides, n'est obligatoire que lorsqu'il est constaté que la commune a satisfait à la disposition précédente et que l'allocation provinciale, en faveur de l'enseignement primaire, égale le produit de 2 centimes additionnels au principal des contributions directes, sans toutefois que ladite allocation puisse être inférieure au crédit voté pour cet objet au budget provincial de 1842. »

Les pétitionnaires exposent que jusqu'en 1851 ces articles ont toujours été sainement interprétés et appliqués, en ce sens que lorsque l'allocation égalait celle fixée par la loi, la commune était déchargée de toute obligation ultérieure.

Cependant, malgré le refus de la députation permanente du conseil provincial du Hainaut d'augmenter d'office l'allocation communale en faveur de l'instruction primaire, elle a été majorée par un arrêté royal en date du 24 janvier 1852.

Le collège échevinal de la ville d'Enghien réclame contre les dispositions de cet arrêté qui est conçu en ces termes :

« Considérant qu'aux termes de l'article 20 préappelé, les frais de l'instruction primaire constituent une charge essentiellement communale et que l'article 23 dont les deuxième et troisième paragraphes établissent des règles à suivre dans un cas exceptionnel, celui où les ressources locales seraient insuffisantes pour subvenir aux dépenses, doit être entendu en ce sens que les communes pauvres seules sont libérées de leurs obligations et peuvent réclamer des subsides de la province et de l'Etat, après qu'elles auront voté une somme au moins égale au produit de 2 centimes additionnels au principal des contributions directes, sans être inférieure aux crédits de 1842.

« Considérant que, deux fois, à l'occasion du budget de l'intérieur, la chambre des représentants a été appelée à se prononcer sur cette interprétation et qu'elle l'a approuvée du moins implicitement, en ne votant que les sommes strictement nécessaires pour suppléer, conjointement avec les provinces, à l'insuffisance des ressources locales applicables à l'iostruction primaire.

« Considérant que, pour l'exercice de 1851, un certain nombre de communes de la province de Hainaut ont affecté aux besoins du service ordinaire des écoles primaires, des sommes insuffisantes et nullement en rapport avec leurs ressources financières. »

Les bourgmestre et échevins de la ville d'Enghien observent que l'interprétation de cet arrêté royal ne peut être acceptée, en présence des dispositions si claires de l'article 23 de la loi organique qui détermine l'instant où l'intervention de la province et de l'Etat devient obligatoire ; ils ajoutent que la commune, à la tête de laquelle ils se trouvent, affecte au service de l'instruction primaire, non point 2 p. c, mais près de 8 p. c. du principal des contributions directes ; ils demandent, enfin, que la surcharge, basée sur l'interprétation erronée de la loi du 23 septembre 1842, ne leur soit pas imposée, puisque la situation financière de la ville qu'ils administrent n'est point des plus prospères.

Votre commission a l'honneur de vous proposer, messieurs, le dépôt de cette requête sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur et son renvoi à l'honorable chef de ce département, quand la chambre aura terminé l'examen du budget dont elle s'occupe actuellement.

M. Ansiau. - Les questions soulevées par cette pétition sont très importantes. J'appelle sur chacune d'elles l'examen approfondi du gouvernement. Du reste, je me rallie aux conclusions de la commission des pétitions.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XII. Voirie vicinale

Rapport de la section centrale

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, j'ai l'honneur de vous faire connaître, au nom de la section centrale, le résultat de son examen des deux amendements, relatifs à l'augmentation de cent mille francs en faveur de la voirie vicinale, dont elle a eu à s’occuper, par suite de la résolution d’hier.

Eu égard aux observations qui ont été présentées dans cette séance d'hier, par plusieurs membres et que le gouvernement examinera avec soin ;

Eu égard à cette époque si avancée de l'année, où les provinces et les communes ont arrêté leurs budgets pour 1853, sans avoir prévu que l'Etat aurait à sa disposition de plus grandes ressources pour encourager les travaux de la voirie vicinale ; ce qui ne permettrait pas de tirer immédiatement de l'emploi du crédit supplémentaire de 100 mille fr. tout le fruit qu'on en attend ;

Eu égard au désir manifesté par la chambre de connaître, dans leur ensemble, les dépenses déjà faites, qui réclament encore des crédits supplémentaires pour les couvrir,

La section centrale a résolu de vous proposer d'ajourner l'examen de la question d'une augmentation de crédit en faveur de la voirie vicinale, au budget de 1854, dont la présentation est prochaine.

Cet ajournement est motivé principalement sur la nécessité de faire connaître à la chambre s'il n'y a pas un meilleur système de répartition à adopter, et si l'augmentation du crédit n'aurait pas pour conséquence de grever, au-delà de leurs moyens, les provinces et les communes, dont le concours serait réclamé pour l'exécution des travaux.

La résolution qui précède a été prise à l'unanimité des cinq membres présents à la section centrale et d'accord avec MM. les ministres de l'intérieur et des finances.

Article 57

M. le président. - La discussion continue sur l'article 57, relatif à la voirie vicinale et sur les amendements.

(page 292) M. de Muelenaere. - Messieurs, je vois avec plaisir que la question de la voirie vicinale éveille toujours dans cette enceinte les plus vives sympathies.

En effet, le perfectionnement de cette voirie est non seulement un bienfait pour l'agriculture, un bienfait pour nos campagnes, mais il se lie d'une manière très intime aux progrès de l'industrie et du commerce du pays.

Il ne faut pas cependant, messieurs, que ce débat, quelque intéressant qu'il puisse être, dégénère en quelque sorte en un plaidoyer pro domo sua.

Si chacun de nous venait successivement dérouler à nos yeux le tableau des doléances et des besoins des diverses localités de son ressort, la seule discussion du paragraphe actuel du budget de l'intérieur absorberait des semaines et peut-être des mois entiers.

Ce n'est pas, messieurs, que je veuille, pour ma part, contester la légitimité de ces plaintes ; ce n'est pas que je veuille méconnaître la réalité des besoins.

J'ajoute seulement que les besoins sont les mêmes à peu près pour tout le pays. Mais, l'œuvre de l'amélioration de la voirie vicinale est si vaste, si difficile, qu'il est impossible qu'elle s'accomplisse dans le cours de quelques années. Cependant si vous voulez bien vous reporter quelque peu en arrière, si vous voulez comparer la voirie vicinale en 1852 à ce qu'elle était à d'autres époques contemporaines, je ne dirai pas en 1815, où toutes les routes de l'Etat se trouvaient dans la situation la plus déplorable, mais si vous voulez la comparer à ce qu'elle était en 1830, lorsque déjà on avait fait beaucoup de progrès, je pense que vous éprouverez un légitime sujet d'orgueil à la vue de tout ce que la Belgique a accompli en fait de voirie depuis son émancipation politique.

Que ceux qui se plaignent du présent veulent bien faire cette révue rétrospective et je suis persuadé qu'ils trouveront là de quoi se consoler. Est-ce à dire qu'il faut s'arrêter, qu'il ne faut plus faire d'améliorations ultérieures ? Nullement. Nous devons continuer à marcher en avant, mais avec prudence, avec sagesse et avec discernement.

Dans la séance d'hier, plusieurs honorables membres ont critiqué avec quelque amertume les répartitions, faites par le gouvernement, des sommes mises à sa disposition. Je ne prétends pas que cette répartition soit la meilleure possible, je ne prétends pas qu'elle soit parfaite, et qu'on ne puisse pas faire quelque chose de plus équitable.

Cependant après avoir écouté avec attention tout ce qui a été dit, je suis demeuré convaincu que le mode de répartition actuel offre moins d'inconvénients, se rapproche davantage de la justice distributive et surtout qu'il prête moins à l'arbitraire de la part du gouvernement, que tout ce qu'on a proposé d'y substituer. C'est ainsi, messieurs, qu'un honorable membre de la chambre, par des raisons qu'il a très lucidement déduites, a pensé qu'il était juste avant tout que l'on tînt compte aux provinces des sacrifices que font les particuliers, de ce qu'il appelle les cotisations volontaires. Eh bien, messieurs au premier abord, cette proposition a quelque chose de séduisant, mais quand on y réfléchit plus mûrement, elle est, au fond, plus spécieuse que solide. En effet, je me suis demandé ce qu'on devait entendre par « cotisations personnelles », je me suis demandé quels étaient les sacrifices, quelles étaient les sommes d'argent qu'on pourrait faire entrer dans cette catégorie.

Un honorable député d'Ypres vous a fait observer hier que, dans la Flandre notamment, l'entretien et l'amélioration ordinaires de la voirie vicinale, pour la tenir constamment dans un état convenable de viabilité, sont une charge des propriétaires riverains. C'est là, messieurs, une disposition de nos anciennes ordonnances, une disposition de nos anciens usages et coutumes.

Je pense, messieurs, que cette dispositionne se retrouve nulle part dans le pays. Elle a été reproduite, il y a quelques années, dans le nouveau règlement provincial qui a été approuvé par le Roi, de manière que cette disposition, aujourd'hui, est pleinement exécutoire.

Eh bien, messieurs, de cette disposition il résulte des dépenses considérables pour les propriétaires ; mais ces dépenses ne figurent nulle part. Ce sont là des dépenses qui ont le caractère de cotisations volontaires, de sacrifices individuels et dont le gouvernement devrait nécessairement aussi tenir compte.

Je dis, messieurs, que cette dépense ne figure nulle part, et la raison en est excessivement simple, c'est qu'aucune administration publique ne les connaît, n'est à même de les constater. Lorsque le chemin vicinal a besoin de réparations ou d'améliorations, le propriétaire est sommé de faire effectuer les travaux nécessaires.

S'il ne les effectue pas dans le délai prescrit, on procède à l'exécution d'office ; mais ces exécutions d'office sont assez rares.

Régulièrement le propriétaire ou le fermier, en son nom, se conforme aux prescriptions de l'autorité communale. Lorsque les travaux sont exécutés et que l'administration communale, dans son inspection, trouve que le propriétaire a rempli les devoirs qui lui sont imposés, on n'a pas le droit de lui demander compte de la dépense qu'il a faite de ce chef, ni de la manière dont les travaux ont été exécutés.

Dès lors ces dépenses très considérables n'ont jamais été prises en considération pour la distribution du subside gouvernemental.

Je crois que si l'on passait en revue les autres éléments d'un nouveau mode de répartition qui ont été indiqués par d'honorables membres de cette assemblée, on y trouverait aussi probablement une foule d'inconvénients de toute nature et que voulant changer d'une manière imprudente le mode actuel, qui repose après lout sur des bases plus ou moins fixes, on tomberait vraisemblablement dans des difficultés inextricables.

Qu'il me soit permis d'ajouter un mot sur la proposition qui a été faite par quelques-uns de nos collègues, d'augmenter le chiffre pour la voirie vicinale. J'avoue qu'il m'est extrêmement difficile de refuser mon assentiment à une proposition de cette nature dont le caractère d'utilité me saurait être contesté par personne. Cependant je suis d'avis qu'il ne faut pas abuser même des meilleures de choses, et que nous devons savoir nous arrêter là où commencerait l'abus.

Il faut bien aussi que les finances de l'Etat trouvent des défenseurs dans cette enceinte. Le trésor public ne vit pas d'une vie qui lui est propre ; le trésor public doit être alimenté, et malheureusement nous ne pouvons l'alimenter qu'au grand détriment de ceux qui sont tenus de payer les contributions.

Indépendamment de cette considération purement financière, je crains, si i'on voulait pousser les choses à l'extrême, qu'on ne se trouvât en présence d'un double écueil. Si vous décrétez simultanément un trop grand nombre de constructions de routes, vous ferez hausser outre mesure le prix des matériaux. Eh bien, passez-moi cette expression, c'est là une perte sèche pour les communes.

Cet inconvénient ne se présenterait pas pour la première fois ; je me souviens qu'il y a quelques années, le gouvernement et les provinces exécutant simultanément la construction de plusieurs routes, le prix des matériaux augmenta sensiblement, à tel point que, dans la Flandre occidentale que j'avais l'honneur d'administrer à cette époque, nous fûmes obligés, pour ne pas devoir arrêter les travaux, de prendre des grès d'un échantillon inférieur à celui qu'on avait employé jusque-là.

Un autre inconvénient beaucoup plus grave, c'est celui-ci, et j'appelle sur ce point l'attention particulière de la chambre : le subside dont il s'agit en ce moment a un caractère qui lui est particulier, c'est qu'il doit servir d'encouragement et de stimulant pour les particuliers, pour les communes et pour les provinces.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'œuvre de l'amélioration de la voirie vicinale est si vaste, qu'il est impossible que cette œuvre incombe au gouvernement seul ; il faut le concours de toutes les parties intéressées, sans cela le trésor marcherait inévitablement vers une ruine certaine. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point, que jamais on ne proposera à la chambre de dispenser soit les communes, soit les provinces, d'un concours quelconque dans ces améliorations. Mais votre désir à tous paraît être que les communes les moins riches aient au moins leur part dans les subsides.

Pour atteindre ce résultat, il ne faut pas que le subside général, le subside à distribuer par le gouvernement soit trop élevé. Car il est évident que les sacrifices que les communes seront obligées de faire seront toujours en raison même de l'allocation mise à la disposition du gouvernement.

Plus cette allocation grandira, plus aussi la quote-part que doivent fournir les communes sera considérable.

Il résulte de là que le subside, s'il est trop grand, profitera de préférence aux communes qui auront le plus de ressources. Or, c'est là ce que vous voulez tous éviter. Dès lors, il me semble infiniment préférable de continuer à voter annuellement des sommes suffisantes pour qu'on puisse faire graduellement toutes les améliorations nécessaires ; mais cependant des sommes qui soient en rapport avec les sacrifices réels que peuvent faire les communes les moins riches pour pouvoir réclamer leur juste contingent dans ces subsides. C'est assez vous dire, messieurs, que je ne suis pas grand partisan d'une augmentation extraordinaire.

Je m'opposerai à toute demande qui aura un caractère d'exagération. Il faut se renfermer dans des limites justes et raisonnables et de manière que les communes qui sont dans la situation la moins prospère puissent jouir du bénéfice de votre vote et y trouver un gage de la bienveillance que vous leur portez.

M. Osy. - D'après le rapport qui nous a été fait par l'honorable rapporteur de la section centrale, il me paraît que nous pouvons facilement terminer cette discussion.

Effectivement, hier j'ai demandé la parole pour combattre la proposition, mais non pas cependant pour en demander le rejet. Je suis persuadé que la répartition, telle qu'elle a été faits jusqu'à présent, n'est pas convenable. D'ici à l'exercice 1854, le gouvernement pourrait examiner s'il n'y aurait pas moyen de trouver une répartition qui fût plus équitable. Je crois qu'il est juste que les communes qui payent pour les besoins de l'Etat puissent également profiter comme les autres de ce qu'elles payent. En outre, j'aurais demandé l'ajournement de la proposition qui, d'après moi, est trop forte. Les budgets provinciaux et communaux sont arrêtes pour 1853 ; si vous allez imposer aux communes et aux provinces de nouvelles charges, elles seront obligées de chercher d'autres voies et moyens.

Car, certainement, en augmentant l'allocation de cent mille francs, vous augmentez de deux cent mille francs la charge des provinces et des communes.

La section centrale, d'après le rapport de M. Veydt, propose l'ajournement de l'amendement et le renvoi a M. le ministre avec prière de faire un rapport en présentant le budget de 1854, de voir s'il n'y avait pas de meilleur moyen de répartition, et s'il était nécessaire d'augmenter le crédit de cinq cent mille francs.

N'oublions pas que la première fois qu'on a ouvert un crédit pour la voirie vicinale, il n'était que de 100,000 fr. ; on l'a porté ensuite à 300,000 fr ; (page 293) il est aujourd'hui de 500,000 francs, et on a parlé de le porter jusqu'à un million.

Il faut des bornes à tout ; nous allons en toutes choses beaucoup trop vite.

Mieux vaut aller plus lentement et bien ; attendre le rapport de M. le ministre avant de se décider, soit pour le rejet, soit pour l'adoption de la proposition. Je demande donc l'adoption des conclusions de la section centrale.

M. Visart. - Malgré mon désir d'être utile à l'agriculture et afin de lui épargner le reproche de trop demander, je me proposais de combattre l'amendement de MM. Deliége et Vandenpeereboom ; j'y renonce en faveur de la nouvelle proposition de la section centrale qui enlève les chances favorables de cet amendement.

Puisque j'ai la parole j'en profiterai un instant pour faire connaître que je ne partage pas les opinions émises hier par un orateur, l'honorable M. Magherman, je crois. Il a proposé de changer le mode employé jusqu'ici pour surveiller l'entretien de la voirie vicinale ; il nous a dit que des commissaires d'arrondissement n'accomplissaient pas toujours avec de convenables résultats leur obligation de s'assurer d'une bonne viabilité des chemins.

J'ai de la répugnance, messieurs, à parler ici de moi ; j'éprouve donc le regret de devoir dire que, bourgmestre d'une commune rurale, j'ai eu occasion de remarquer que le commissaire d'arrondissement s'assurait toujours suffisamment de la bonne direction de ce service, plus facile, il est vrai, dans ma province : je dois ajouter que cet honorable fonctionnaire n'a jamais dîné chez moi.

Je n'attaque point les intentions de mon honorable collègue ; il sait, comme nous tous, qu'un certain danger de déconsidération accompagnait des attaques fréquentes contre des personnes haut placées et chargées de surveiller l'exécution des lois ; l'honorable M. Magherman, du reste, n'a cité que des faits isolés qui ne pouvaient atteindre les commissaires d'arrondissement en général, pour lesquels nous conservons tous l'estime qui leur est nécessaire autant qu'ils y ontdroit.

La surveillance exercée dans ma province n'a pas besoin, selon moi, d'être modifiée.

Il y a d'abord le conseil échevinal, qui, outre l'accomplissement de son devoir, a un intérêt direct, comme habilants et comme propriétaires, à ce que les chemins communaux soient convenablement entretenus : viennent ensuite les commissaires-voyers, surveillés eux-mêmes par des chefs, et qui, pour la plupart, font bien leur devoir : enfin les commissaires d'arrondissement qui font tous les ans des inspections qui divulgueraient les défectuosités.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Rousselle. - Il serait convenable que l'on entendît l'un des auteurs des amendements, car il faut que nous sachions si les amendements sont maintenus.

M. Magherman (pour un fait personnel). - Je n'ai nullemeut entendu incriminer la manière d'agir de MM. les commissaires d'arrondissement. J'ai voulu démontrer à la chambre qu'avec les nombreuses attributions qui leur sont déjà données, il est impossible dans des provinces comme celle de la Flandre orientale, où. il n'existe pas de commissaires-voyers, que les commissaires d'arrondissement exercent une surveillance efficace sur le service de la voirie ; j'ai voulu démontrer qu'il faudrait une surveillance continuelle, une surveillance qui, pour tout un arrondissement, absorberait au moins tous les instants d'un fonctionnaire spécial.

On ne peut pas exiger des commissaires d'arrondissement l'impossible ; et une surveillance efficace de leur part, dans les conditions que je viens d'énoncer, est réellement impossible.

L'honorable M. Visait confond les provinces qui, comme celle du Hainaut, ont à leur service des commissaires-voyers cantonaux, avec celles qui, comme la Flandre orientale, n'ont d'autres agents de la voirie vicinale que les administrations communales et les commissaires d'arrondissement. Je conçois que dans les premières provinces, là où les attributions de ces fonctionnaires en ce qui concerne la voirie vicinale les bornent à diriger l'action des commissaires-voyers, à stimuler le zèle des administrations communales, ils puissent convenablement s'acquitter de cette tâche, et je n'ai aucun motif de mettre leur exactitude, leur dévouement en suspicion.

Cependant l'honorable M. Moxhon nous a signalé l'inefficacité du mode de surveillance existant dans la province de Namur où le service de la voirie est organisé d'une manière analogue à celle existant dans le Hainaut.

Du reste, l'opinion que j'ai émise qu'il serait peut-être convenable de transférer la voirie vicinale dans les attributions du département des travaux publics, n'est qu'une idée que j'ai voulu livrer aux méditations du gouvernement, afin qu'il en fasse son profit, s'il y rencontre les éléments d'une amélioration réelle.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

MM. Rodenbach, Ch. Roussellc et Veydt renoncent à la parole.

M. de Mérode. - A l'occasion du subside concernant les chemins vicinaux, je crois utile de faire remarquer que les grands progrès qu'on leur attribue n'existent pour leur partie principale que par les efforts en travaux de corvée et par les centimes additionnels ajoutés aux contributions foncières et locales.

On nous a dit que l'Etat avait fourni, en douze ans, six millions et demi pour ces voies de communication si nécessaires à l'agriculture. Eh bien, c'est un peu plus de la moitié de ce que coûtera le canal latéral à la Meuse de Liège à Maestricht ; les deux tiers de ce que coûtera la seule dérivation de la Meuse, c'est-à-dire l'embellissement de la ville de Liège par des quais.

Le million que propose M. le ministre de l'intérieur n'est qu'une somme égale à ce que coûteront les garanties de minimum d'intérêt assurées à la création de chemins de fer nouveaux, indépendamment des quatre ou cinq millions que doivent fournir chaque année les recettes publiques provenant des impôts et devant suppléer au déficit de l'administration financière des chemins de fer anciens, déficit qu'on s'obstine à maintenir le plus possible, par je ne sais quelle aberration économique dont je ne me lasserai jamais de déplorer la persistance. Et cependant hier un honorable député des Flandres vous citait de malheureuses communes où la viabilité était si mauvaise qu'on ne pouvait quelquefois transporter les morts jusqu'à leur dernier asile.

Quant aux vivants, comme le disait M. Coomans, ils sont obligés pour remplir leurs devoirs électoraux de se transporter à d'énormes distances et souvent par de détestables chemins, tandis que trois millions d'habitants des campagnes, depuis les innovations électorales, n'ont pas plus de suffrages qu'un million d'habitants des villes.

Par ces anomalies injustes s'explique facilement le système des millions prodigués à des œuvres de subrogation, tandis que la viabilité vicinale des villages est si pauvrement dotée et qu'après les avoir épuisés de contributions pour l'Etat, on leur laisse le droit de s'épuiser encore en corvées et en taxes locales pour se désembourber s'ils le peuvent.

Telle est à leur égard la justice distributive. Quant à moi je n'hésite pas à redire que dix millions de plus attribués par l'Etat aux communications rurales eussent été bien autrement favorables au développement de la richesse nationale en Belgique que dix millions attribués à un canal creusé à côté de la Meuse ; que 8 autres millions donnés également par l'Etat aux villages pour leurs chemins agricoles eussent rendu de bien plus grands services aux populations prises dans leur ensemble que les quais de la ville de Liège. Mais dans la province de Liège la ville règne en vertu du système électoral faux et dépourvu d'égalité qui nous régit.

Dans la Flandre, Gand a une influence relative exagérée, comme Anvers dans la province qui porte son nom, et Bruxelles dans le Brabant. De là parcimonie pour les villages, luxe et faveurs outrées pour le commerce des grandes cités maîtresses du gouvernement.

Que si chacun, au contraire, était représenté dans le gouvernement comme il doit l'être, les parts de tous seraient beaucoup plus équitablement réparties ; et, sans déranger les finances de l'Etat, sans augmenter les impôts, comme on l'a fait si mal à propos après une longue paix ; les campagnes n'attendraient pas pendant de si longues années le complément des travaux d'utilité première qui leur manquent et leur manqueront encore sous le régime actuel pendant plusieurs années.

Maintenant, je ne demande pas mieux qu'on attende à 1854 pour examiner la proposition de M. le ministre de l'intérieur. Mes observations sont favorables à cette proposition. Je crois qu'on pourrait y satisfaire en prenant ailleurs les fonds nécessaires.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je dois supposer que l'honorable comte de Mérode n'a pas assisté à toute la séance d'hier. Sans cela, il n'aurait pas fait intervenir le gouvernement dans cette discussion, eu lui prêtant des propositions qu'il n'a pas faites. Il me permettra de rétablir les faits et d'indiquer la position réelle que le gouvernement a prise dans le débat. Cette observation mettra fin à la discussion.

A propos du crédit relatif à la voirie vicinale, plusieurs honorables membresont,comme les années précédentes, exprimé le vœu que l'état de la voirie vicinale fût amélioré par une plus large protection. A cette occasion, il a été proposé d'augmenler de 100,000 francs le crédit normal de la voirie vicnale. Obligé de m'expliquer sur cette proposition, j'ai en l'honneur de faire connaître à la chambre l'état général de la voirie, et le tableau des demandes adressées au gouvernement pour l'amélioration de ce service.

En vous faisant connaître les travaux commencés qui restent inachevés, j'en suis venu à exprimer l'avis, que si l'on voulait faciliter l'achèvement de ces travaux, ce n'était pas une allocation de 100,000 fr. qu'il fallait, mais une allocation jusqu'à concurrence d'un million. Je n'ai pas ajouté qu'il fallait voter cette somme ; je n'ai pas fait de proposition. Je me suis borné à dire que quand le gouvernement aurait examiné l'ensemble des travaux exécutés jusqu'à ce jour, il verrait s'il convient de demander à la chambre un million ou davantage pour continuer ce qui reste inachevé. Il serait en effet déplorable que des entreprises aussi utiles dussent être abandonnées à défaut de ressources suffisantes.

Quant aux amendements qui consistent à augmenter de 100,000 fr. le crédit de la voirie vicinale, je ne m'y suis pas opposé. Ce n'était pas le rôle du gouvernement, son rôle eût été plutôt d'en prendre l'initiative. Mais le gouvernement s'est tenu dans la réserve, parce qu'il m'a été impossible jusqu'à présent, de me rendre un compte bien complet de l'étendue des besoins et du système auquel il faut s'arrêter pour faire droit aux observations qui ont été produites hier sur la répartition du subside.

Dans la réunion de la section centrale, qui m'a fait l'honneur de m'appeler dans son sein, je me suis demandé s'il n'était pas convenable de me rallier à l'opinion de ceux qui pensent qu'il faut ajourner à l’année 1854 (page 294) l'examen du point de savoir s'il faut augmenter le crédit, et reconnaissant que les difficultés d'appréciation proviennent surtout de la nécessité d'examiner les diverses bases de répartition, reconnaissant la justesse certaines critiques, animé du désir de les faire cesser, je me suis dit : Attendons ; le budget de 1854 va être soumis aux chambres.

D'ici là j'examinerai les bases actuelles de répartition, et j'en comparerai les effets avec les résultats probables des bases qui ont été indiquées par plusieurs orateurs.

Rien de plus sinple, à mon avis, dans de telles circonstances, que de demander aux honorables auteurs des amendements s'ils y persistent. Si au contraire, comme je le présume, ils sont d'avis de se rallier à l'opinion de la section centrale, d'ici à peu de temps ils sauront à quoi s'en tenir sur la possibilité d'augmenter la dotation de la voirie vicinale et sur le meilleur mode de répartition à adopter.

Un mot seulement, messieurs, pour répondre à une observation de l'honorable comte de Mérode qui, à propos de la voirie vicinale, a jugé utile de faire intervenir dans cette discussion la dérivation de la Meuse, le canal de Liège à Macslricht et beaucoup d'autres travaux qu'il appelle d'utilité plus ou moins locale, y compris des quais pour lesquels la ville de Liège n'a jamais rien demandé.

Messieurs, je pensais que depuis longtemps la Meuse, la dérivation, comme on l'appelle, et le canal de Liège à Maestricht avaient suffisamment défrayé les discussions de cette chambre. Je pensais qu'on avait renoncé à en parler davantage et à faire intervenir continuellement dans cette assemblée, à mettre en quelque sorte en scène devant l'opinion publique une province qui n'est pas, croyez-le bien, la dernière à s'imposer quand il s'agit de travaux d'utilité générale, qui n'est pas la dernière non plus à payer la dette du patriotisme.

Qu'on me permette d'exprimer le vœu de ne plus voir réchauffer ces vieilles querelles dont la dérivation a été le texte. De pareils retours sur des faits accomplis n'ont aucune utilité, et ne peuvent avoir qu'un résultat, c'est d'entretenir dans quelques esprits des germes d'irritation que nous devons chercher à faire disparaître.

Voilà ce que j'avais à répondre à l'honorable comte de Mérode.

M. le président. - La parole est à M. de Naeyer.

M. de Naeyer, rapporteur. - Puisqu'on paraît d'accord pour ajourner la discussion de la question, de savoir quels sont les moyens d'améliorer la voirie vicinale, je renonce à la parole.

M. Deliége. - Je renoncerais également à la parole, si je ne devais expliquer quelles sont les intentions des auteurs de l'amendement.

Les auteurs de l'amendement tiennent compte à M. le ministre de ses bonnes intentions, qu'il a exprimées hier d’une manière très formelle, en constatant les besoins de la voirie vicinale.

Il vous a dit, en effet, que ce n'était pas une augmentation de 100,000 francs qu'il faudrait pour subvenir à tous les besoins, que ce serait une somme d'un million.

Je crois, messieurs, que la question financière ne doit pas nous arrêter, pas plus qu'elle n'a empêché plusieurs augmentations que l'on nous propose au budget que nous discutons.

Nous trouvons entre autres, au budget de l'intérieur, une augmentation de 10,000 francs pour les fêtes nationales, une augmentation de 15,000 fr. pour l'agriculture, une augmentation de 10,000 fr. pour l'industrie, une augmentation de 6,400 fr. pour les lettres et les sciences, une augmentation de 30,000 fr. pour les beaux-arts, etc.

Je ne conteste pas l'utilité relative de ces dépenses. Mais lorsqu'on compare cette utilité à celle des chemins vicinaux, lorsqu'on examine l'état où se trouve encore en ce moment la voirie vicinale, je crois que si nous pouvons avoir, comme nous le disait l'honorable comte de Muele-naere, un légitime orgueil de ce qui s'est fait depuis notre régénération politique, cet orgueil ne doit pas être poussé trop loin.

Cependant, messieurs, en présence des bonnes intentions qu'a exprimées M. le ministre, en présence des bonnes intentions de la section centrale qui, j'en suis certain, n'a pas voulu user d'un moyen dilatoire, la discussion du budget de 1854 étant trop rapprochée, les auteurs des amendements y renoncent.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, mon intention était de maintenir l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous présenter hier. Car je l'avoue, les motifs donnés par l'honorable rapporteur de la section centrale et par les divers orateurs qui onl pris la parole, ne m'ont aucunement convaincu.

Ainsi, on a allégué que les budgets provinciaux et communaux pour 1853 étant arrêtés, on ne pourrait trouver à appliquer la majoration de 100,000 fr. qui vous est proposée. Ce motif, je ne puis l'admettre, car dans toutes les provinces, des fonds destinés à la voirie sont préparés et n'attendent pour être employés que les subsides de l'Etat. C'est ainsi que dans la Flandre occidentale, les communes peuvent disposer pour la voirie d'une somme de près d'un million, mais ces fonds ne peuvent être appliques parce que le gouvernement ne peut faire liquider une somme de 300,000 fr. environ, montant des engagements pris par l'Etat.

D'autres arguments ont été présentés. Ainsi on a dit que l'augmentation de crédit de 100,000 fr. pourrait amener un renchérissement considérable des matériaux de construction des routes. Cet argument me touche également fort peu ; je ne puis admettre qu'une augmentation aussi minime exerce une influence quelconque sur le prix des matières premières.

Une dernière considération qui ne m'a pas plus touché que les autres, c'est que la situation financière ne permet pas de majorer le crédit en discussion.

Messieurs, la situation financière est, me paraît-il, une chose extrêmement élastique.

La situation financière permet d'augmenter les subsides accordés au musée d'histoire naturelle, au musée de peinture de la capitale ; elle permettra probablement, lorsque nous discuterons le budget des affaires étrangères, d'augmenter le traitement des agents diplomatiques ; mais lorsqu'il s'agit d'améliorer la voirie vicinale, la situation financière ne permet plus le moindre sacrifice, elle y met un obstacle insurmontable !

Je le répète, de pareils motifs ne peuvent me toucher, et j'étais disposé à maintenir mon amendement. Mais je croirais manquer à la confiance que j'accorde volontiers à M. le ministre de l'intérieur, si, en présence de ses déclarations, des bonnes dispositions dont il paraît animé et surtout du quasi-engagement qu'il vient de prendre, je ne consentais pas à l'ajournement proposé. Je ferai toutefois une réserve formelle ; si, au budget de 1854, une augmentation notable du crédit pour la voirie vicinale ne nous est pas proposée, je me réserve de présenter de nouveau mon amendement, et même de demander une augmentation plus forte de crédit. Nos populations rurales n'auront ainsi rien perdu à attendre, si la chambre adopte nos propositions.

M. de Mérode (pour un fait personnel). - M. le ministre de l'intérieur m'a accusé d'exciter ou de chercher à exciter de l'irritation. Telle n'a pas été mon intention. J'ai parlé des travaux exécutés dans certaines localités, et l'on comprend que je ne pouvais parler de travaux qui ne sont pas exécutés. J'ai dû citer les lieux où ces travaux extraordinaires avaient été faits, pour établir que les villages ne recevaient presque rien comparativement à certaines autres localités plus puissantes.

Mon but a été d'arriver à une justice plus distribulive. Je n'ai pas cherché à exciter de l'irritation.L'irritation ne sert à rien, mais la justice dislributive est très utile.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

Les conclusions de la section centrale, tendant à l'ajournement des amendements présentés, sont adoptées.

L'article, tel qu'il est libellé au projet de budget, est adopté.

Chapitre XIII. Industrie

Article 58

« Art. 58. Traitement de l'inspecteur et. des membres du comité consultatif pour les affaires d'industrie : fr. 7,600. »

- Adopté.

Article 59

« Art. 50. Encouragements à l'industrie. Enseignement professionnel. Achat de modèles et de métiers perfectionnés. Inspection des établissements dangereux ou insalubres ; expertises des machines pour lesquelles on demande l'exemption des droits d'entrée ; voyages et missions ; publications ; prix ou récompenses pour des ouvrages technologiques ou d'économie industrielle ; subsides en faveur d'industries nouvelles ; caisses de prévoyance : fr. 63,000. »

La section centrale propose une réduction de 10,000 fr.

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à la réduction proposée par la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, M. le président, je maintiens le chiffre du gouvernement.

M. T’Kint de Naeyer. - Vous remarquerez, messieurs, que la section centrale propose sur ce crédit une diminution de 10,000 francs. L'article, ainsi libellé, porterait une somme de 53,000 francs dans laquelle se trouvent compris le crédit de 33,000 fr. du budget de 1852 et une somme de 13,000 francs distraite du chapitre de l'enseignement moyen.

Je crois, messieurs, qu'il y a erreur dans l'appréciation de la section centrale, à l'égard de ce dernier chiffre.

Il est impossible que la somme de 13,000 francs suffise pour que les écoles industrielles de Gand, de Liège et de Verviers pussent être maintenues dans leur état tctuel d'organisation.

Grâce à l’intervention intelligente du gouvernement et aux subsides qui ont été accordés, de notables améliorations ont été introduites dans l'enseignement professionnel. L'école de Gand, notamment, a été complétée par l’adjonction d'une classe de dessin de figures, d'ornements et de fieurs pour les fabriques d'indiennes, d'étoffes, de papier peint, etc., d'un atelier de tissage où nos ouvriers et nos contre-maîtres peuvent se familiariser avec la mise en cartes et le lisage des métiers à la Jacquart, ou le piquage des dessins pour les dentelles et les broderies. Il ne sera pas nécessaire d'entrer dans de grands développements, messieurs, pour faire ressortir les immenses services que des écoles de ce genre sont appelées à rendre à l'industrie manufacturière.

Nous manquons en général de bons dessinateurs, et jusqu'à présent la Belgique est restée à cet égard tributaire de l'étranger.

Sans avoir la prétention, messieurs, de déplacer l'empire de la mode qui s'est fixée à Paris pour un grand nombre d'articles, à Mulhouse pour (page 295) les indiennes, et à Lyon pour les soieries, on comprendra combien il est important que nous ayons des dessinateurs à même de tirer bon parti des modèles qui nous viennent de l'étranger, et de suivre les exigences de la mode. Il faut que parmi les ouvriers mêmes les notions du bon goût se répandent et se propagent de plus en plus. De l'enseignement professionnel sortira un jour une révolution industrielle ; il y a là le secret de très sérieuses améliorations.

Vous savez, messieurs, que c'est souvent la séduction du dessin qui facilite la vente de l'article, alors même que l'étoffe laisse à désirer. Plus l'ouvrier est habile, plus il a de connaissances dans la pratique de l'industrie qu'il exerce, mieux il sera rétribué. D'un autre côté la perfection des produits promet au fabricant une grande extension d'affaires, un moyen de soutenir la concurrence. Ne nous le dissimulons pas, messieurs, nos exportations ont augmenté depuis quelque temps, mais la lutte est plus vive que jamais, parce que partout le progrès est incessant.

Je ne citerai pas l'Allemagne et la France où les subsides accordés à l'enseignement professionnel ont été poussés quelquefois jusqu'à la prodigalité, mais je citerai la plus grande puissance industrielle du monde. Vous savez, messieurs, combien l'Angleterre est avare des deniers publics lorsqu'il s'agit de venir en aide même d'une manière indirecte à l'industrie privée.

Eh bien, plusieurs écoles spéciales de dessin ont été fondées ou subsidiees par le parlement ; à Londres, à Manchester, à Birmingham, enfin dans les principales villes manufacturières. L'industrie anglaise a compris qu'elle a tout à craindre de rivaux qui l'emporteraient sur elle par le bon goût.

Je pense, messieurs, qu'il ne peut y avoir qu'une opinion dans cette chambre sur l'utilité de l'enseignement professionnel, sur les services que l'industrie doit en attendre ; j'espère que la section centrale, elle-même, ne maintiendra pas son amendement s'il lui est démontré que l'existence des écoles sur lesquelles je viens d'appeler votre attention pourrait être compromise.

J'engagerai donc l'honorable ministre de l'intérieur à vouloir bien donner quelques explications complémentaires qui mettront la chambre à même de se prononcer en parfaite connaissance de cause.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il s'agit, messieurs, d'une augmentation de 17.000 fr. sur le crédit de l'article 59, l'augmentation apparente est de 30,000 fr., mais comme il y a un transfert de 13,000 fr. résultant de ce qu'autrefois les fonds nécessaires aux écoles industrielles étaient pris sur les crédits de l'enseignement moyen, et qu'il a paru plus convenable de transporter cette dépense à l'article 59, l'augmentation réelle n'est donc en définitive que de 17,000 fr. Ces 17,000 francs sont demandés en partie, jusqu'à concurrence de 7,000 fr. pour couvrir les frais d'une inspection plus complète des établissements dangereux ou insalubres.

Depuis longtemps on a reconnu, en effet, la nécessité de renforcer cette surveillance, afin de prévenir le retour d'accidents ou d'inconvénients qui n'ont été que trop souvent signalés dans les grands centres de population et qui résultent du voisinage de ces établissements industriels. Il a été reconnu qu'il fallait redoubler de précaution dans l'instruction préalable à leur autorisation. Il en résultera une dépense nouvelle. La section centrale s'est ralliée sous ce rapport à la proposition du gouvernement.

Mais elle n'a pas admis l'augmentation de 10,000 francs demandée par le gouvernement pour couvrir les frais de l'enseignement professionnel.

Ici, messieurs, je pense qu'il ne doit pas y avoir de difficulté à faire apprécier par la chambre combien il est utile à notre industrie de donner à nos artisans, en général, des connaissances plus complètes, plus étendues que celles qu'ils ont eues jusqu'à présent, surtout dans l'art du dessin, afin de pouvoir lutter, comme l'a dit l'honorable M. T'Kint de Naeyer, par l'élégance des formes et par la supériorité des modèles avec l'induslne étrangère.

C'est dans ce but que le gouvernement a favorisé l'établissement de cours spéciaux aux écoles industrielles, notamment à Gand. Il en est résulté une dépense plus considérable, qu'on ne peut pas couvrir avec les fonds qui se trouvaient portés au budget de 1852.

Mais la ville de Gand n'est pas la seule où des écoles professionnelles sont établies ; d'autres villes ont demandé de jouir de cette faveur, Anvers, par exemple, et Bruges.

L'institut commercial d'Anvers n'attend plus pour s'organiser que l'intervention du gouvernement, au moyen d'un subside, comme c'est l'usage pour tous les établissements de cette nature. L'école de Bruges est également sur le point d'être mise en activité. Là, comme à Anvers, à Liège, à Verviers et dans d'autres villes encore, le gouvernement ne peut pas refuser d'intervenir dans une juste proportion.

C'est donc pour compléter l’enseignement professionnel dans les villes où déjà il existe et pour l'étendre à d'autres localités où il n'est pas moins intéressant de l'établir, que le gouvernement a demandé une augmentation de 10,000 fr. Je ne pense pas qu'il existe un crédit plus justement recommandé.

J'espère que la chambre reconnaîtra la nécessité de seconder le gouvernement dans une voie où la chambre elle-même l'a encouragé par les subsides que la législature a successivement votés.

Messieurs, je dois ajouter pour justifier entièrement l'augmentation de 7,000 fr., quelle n'est pas seulement destinée à l'inspection des établissements insalubres, mais encore à développer ces institutions de prévoyance, ces associations de secours mutuels qui répandent leurs bienfaits dans toutes les villes où la classe ouvrière abonde ; les institutions de cette nature se propagent de plus en plus ; il est donc nécessaire de leur donner quelques légers encouragements de plus ; c'est sur la somme de 7,000 fr. qu'ils seront accordés.

Voilà les observations que j'avais à présenter à la chambre dès à présent ; j'attendrai la suite de la discussion pour savoir s'il y a lieu d'insister davantage.

M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, je viens soutenir le crédit demandé par le gouvernement.

Je me proposais de vous présenter quelques considérations sur l'enseignement industriel et professionnel ; mais l'honorable M. T'Kint de Naeyer et M. le ministre de l'intérieur ayant traité le point pratique de la question, il me restera peu de chose à dire.

L'honorable M. T'Kint de Naeyer a fait allusion à ce qui se passait en Angleterre. Je demanderai à la chambre la permission de lui exposer un fait tout récent : il sera peut-être de nature à exercer quelque influence sur la décision de cette assemblée.

Messieurs, vous connaissez tous les bons résultais que l'exposition universelle a procurés à l'Angleterre : il y a eu des avantages matériels pour le présent ; il y a eu un grand enseignement pour l'avenir.

Ce peuple si pratique n'a pas manqué de tirer parti de cette grande entreprise. Sans compter tous les avantages immédiats que lui a valus l'exposition, il s'est trouvé, déduction faite de tous frais, un excédant de 3,750,000 fr. Cette somme était à la disposition de la commission royale, qui avait été chargée de la direction de l'exposition. Quand il s'est agi de faire usage de ce reliquat considérable, on a agité la question de savoir s'il ne fallait pas le consacrer à l'érection d'un hôpital pour les ouvriers vieux et infirmes.

Certainement, cette pensée était de nature à sourire à tout cœur généreux, et, cependant, on a su y résister. On a cru qu'il y avait mieux à faire que d'ériger un hôpital pour les ouvriers, c'était de leur procurer du travail, et de leur éviter ainsi la dure nécessité d'y être admis.

En conséquence, on s'est arrêté à l'idée d'élever un vaste établissement, où l'on exposerait des objets d'art, des produits de l'industrie et où l'on donnerait aussi des leçons pratiques, profitables à toutes les professions.

On avait donc à sa disposition, pour la réalisation de ce projet, une somme de 3,750,000 francs, soil 150,000 livres sterling. Pensez-vous que le gouvernement anglais, qu'on a si souvent cité comme restant étranger à ce que font les particuliers, soit demeuré impassible spectateur de ce généreux effort et n'ait pas prêté son concours en cette circonstance ? Il n'en est rien, messieurs. Tout récemment, dans la séance du 6 de ce mois, il y a quatre jours, le chancelier de l'échiquier est venu demander à la chambre des communes de voter une somme de 3,750,000 francs et de la mettre à la disposition de la commission royale, pour être, avec l'excédant de la même valeur que cette association possédait déjà, consacrée à l'érection du grand établissement industriel dont je viens de parler.

Permettez moi, messieurs - et ceci vaudra mieux que tous les raisonnements auxquels je pourrais me livrer -permettez-moi de vous citer quelques-uns des puissants motifs que l'on a fait valoir dans ce débat. Le chancelier de l'échiquer dit entre autre choses : « Je viens vous proposer de voter une somme considérable, celle de 150,000 livres (fr. 3,750,000). Je vous expliquerai, en peu de mots, les circonstances qui ont déterminé le gouvernement à vous demander l'allocalion de cette somme. Il ne peut être douteux pour personne que le temps est arrivé pour nous de nous préoccuper davantage de l'éducation industrielle du peuple de ce royaume. Je dis qu'il est du notre devoir de nous servir de l'influence de la science et des arts, pour donner une plus forte impulsion, que par le passé, à l'industrie nationale. »

L'honorable chancelier termine son discours, si simple mais si vrai, par les paroles suivantes :

« Le projet de la commission royale consiste en ceci, rien de plus rien de moins, consiste en ceci, dis-je, à donner un enseignement industriel au peuple et à faire pénétrer les notions des sciences et des arts - mais spécialement des sciences - dans les rangs des populations ouvrières. »

Après le chancelier de l'échiquier, vint lord John Russell qui, oubliant qu'il se trouve vis-à-vis d'un projet présenté par son successeur, vient lui apporter l'appui de sa puissante parole et de sa longue expérience. Voici ce qu'a dit cet honorable membre :

« Tous ceux qui ont étudié la signification et la portée de la grande exposition, doivent admettre cette opinion, consignée au rapport de la commission, à savoir, qu'à l'avenir il s'établira une grande lutte entre les industries de toutes les nations et que, pour ce qui nous concerne, il y a lieu de consacrer toute notre attention et toute notre intelligence à l'effet de maintenir noire position. »

Ces paroles sont fort modestes, mais elles nous annoncent un grand danger. Il est de notre intérêt de comprendre que le peuple anglais va joindre à sa puissance matérielle de production tous les perfectionnements que l'application des arts et des sciences peut donner a l'industrie.

Il est facile de concevoir tout ce qu'on pourra faire, quand on tientà sa disposition une somme de 3,500,000 fr. C'est là un puissant levier, un énergique moyen pour la propagande de l'enseignement industriel. Et ce serait dans ces circonstances que nous refuserions au gouvernement belge une somme de 10,000 fr. pour développer ce même enseignement !

(page 296) Je trouve que cette somme n'est pas en rapport avec les besoins de l'industrie. Mais, pour le moment, je me contente de demander que le crédit intégral soit maintenu.

Maintenant, un mot relativement à l'application de cette somme.

Quand on a de faibles ressources à sa disposition, il faut tâcher de les appliquer à des moyens d'action qui existent déjà, à des instruments qu'on possède.

Je crois que nous trouvons ces moyens d'action dans les académies de dessin, érigées dans la plupart de nos villes et qui ont beaucoup amélioré l'enseignement artistique pour nos populations. Je pense que si à ces académies on joignait des cours de dessin industriel, on ferait une chose très utile et très peu coûteuse.

On vient d'établir à Gand une de ces institutions. Le jury de l'exposition, qui eut lieu, en 1848 dans cette fille, avait signalé ce besoin à M. le ministre de l'intérieur de cette époque. Si l'honorable ministre n'a pas agi plus tôt, c'est sans doute parce qu'on devient timide à entreprendre les meilleures choses, alors qu'on se voit vivement attaqué, malgré ses bonnes intentions.

Je vous le demande, n'est-il pas étonnant que dans les villes de Courtray, d'Ypres, de Bruxelles, de Bruges et de Grammont, où s'exerce l'industrie des dentelles, il n'y ait pas un cours d'enseignement pour le dessin industriel ? On sait cependant que ce fabricat acquiert une plus grande valeur s'il porte le cachet de la nouveauté et du bon goût.

Il me semble donc qu'il serait très facile d'annexer successivement, graduellement, des cours d'enseignement industriel aux académies existantes.

Je reconnais que, depuis quelques années, ces institutions ont reçu une direction plus intelligente, c'est-à-dire qu'on y enseigne le dessin utile aux ébénistes, aux sculpteurs, aux modeleurs et à d'autres professions. Mais on pourrait aller plus loin, on pourrait adjoindre à quelques académies, des cours de chimie, et l'enseignement d'autres dessins que ceux que je viens d'indiquer. Par exemple, dans les villes de St-Nicolas et dans plusieurs autres localités, il devrait se trouver une école où l'on enseignât l'application de la chimie aux procédés de la teinture.

Je me borne à ces observations. En présence de ce qui se fait en Angleterre, en tenant compte de cette puissante intervention de son gouvernement, il me semble que nous devons voter les dix mille francs qui nous sont demandés.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir examiner si les autres vœux que j'ai émis peuvent être mis en pratique.

M. Veydt, rapporteur. - Ce n'est pas, messieurs, dans un esprit étroit de mesquine économie, que la section centrale ne vous propose qu'une augmentation de 7,000 fr., dont le rapport indique plus particulièrement le but.

S'il suffit de démontrer qu'un emploi très utile d'un crédit plus considérable que celui des années précédentes peut être fait pour l'inscrire au budget, l'accroissement successif des budgets est désormais inévitable.

Je suis loin, pour ce qui me concerne, de combattre l'usage que le gouvernement se propose de faire des 10 mille fr. non admis par la section centrale.

Mais dans la manière de voir de celle-ci, il a paru possible d'accorder des encouragements nouveaux, au moyen d'une augmentation partielle seulement, parce que tous les subsides alloués pendant les années antérieures ne doivent sans doute pas être immuablement maintenus. Ce serait un mauvais symptôme de l'emploi des fonds. Que chaque objet, reconnu utile, ait son tour de participer aux encouragements ; c'est fort bien. Mais qu'il n'en résulte pas pour lui un droit acquis d'en jouir toujours.

Il doit donc y avoir des changements d'application assez fréquents, et c'est sur les fonds devenus libres que la section centrale voudrait voir prélever, en grande partie, les subsides en faveur des institutions nouvelles dont il a été parlé tout à l'heure.

Je crois, messieurs, qu'il est utile, en général, que toutes les augmentations de crédit, qui nous sont si fréquemment demandées, rencontrent de la contradiction au sein des sections centrales. Leurs chances d'être admises par la chambre seront toujours très grandes, nous en avons beaucoup d'exemples, quand on invoque en leur faveur l'utilité de la dépense, tantôt pour l'industrie, tantôt pour l'agriculture et les beaux-arts. Ces courtes explications vous suffiront, messieurs, pour bien comprendre et apprécier les intentions de la section centrale.

M. Manilius. - Je dois applaudir au zèle louable de la section centrale et de son honorable rapporteur ; mais je demande si, dans une section centrale comme celle dont il s'agit, on doit céder à des excès d'économie, quand il s'agit surtout de propager les moyens de bien produire pour l'industrie ?

Mais, messieurs, vous devez vous rappeler tous que depuis longtemps l'industrie en général a voulu à toute force avoir des protections pour favoriser ses moyens d'exportation, parce qu'il y avait pléthore dans sa position ; et qu'a-t-on dit à l'industrie: « Produisez bien, produisez mieux, vous irez concourir sur une foule de marchés étrangers ouverts à toutes les nations. Si vous êtes repoussée de la France et ailleurs où il a y prohibition, allez aux îles, le commerce maritime d'Anvers vous attend, mais il ne vous attend que pour autant que vous produisiez bien. »

On s'est efforcé de travailler et de produire bien, l'on s'efforce encore de travailler mieux, et déjà l'honorable M. T'Kint de Naeyer, qui a traité cette question ex professo, vous a prouvé combien les progrès sont devenus sensibles ; mais il manquait quelque chose pour que les progrès fussent plus sensibles encore, c'est ce que l'honorable M. E. Vandenpeereboom vous a également signalé, c'est l'enseignement du dessin industriel.

Je demande si lorsqu'on veut propager nos moyens d'exportation, si lorsqu'on veut obtenir une amélioration de nos produits, l'on doit s'arrêter à 10,000 fr. Quand il s'agit de propager un aussi grand bien pour la classe ouvrière et pour le pays, je crois qu'il vaut beaucoup mieux consacrer 10,000 fr. que d'y affecter des subsides que l'on n'a que trop encouragés jusqu'ici.

Je pense qu'il n'y a pas d'orateur inscrit contre le crédit. Si cette dépense était contestée par d'autres raisons que celles qui ont été alléguées par l'honorable rapporteur, je me réserve d'y répondre.

M. Rogier. - Je crois qu'il est inulile que je parle en faveur du chiffre de 10 mille francs, puisque personne ne le combat ; il est probable qu'il sera voté. J'ai seulement à faire une observation ; c'est que le chapitre de l'industrie subit en définitive une réduction.

On a quelquefois reproché au gouvernement d'intervenir dans l'industrie des particuliers, de se mêler de choses qui ne le regardent pas et de grever souvent le trésor public de dépenses considérables. Je tiens à faire remarquer que les dépenses qui figurent au chapitre de l'industrie ont été en diminuant depuis plusieurs années.

Ainsi, dans les années antérieures, on avait porté à 150,000 francs le chiffre destiné à subsidier le travail des ateliers créés dans les Flandres et destinés à l'industrie linière ; il est réduit aujourd'hui à 120,000 fr. Mais de ces 120,000 frs, 17,000 fr. sont passés à un autre article ; sur ces 17.000 francs, 7,000 sont destinés à renforcer la surveillance des établissements insalubres ou dangereux, à venir en aide aux sociétés de secours mutuels et à favoriser l'enseignement professionnel.

Voilà les seules observations que j'avais à faire. Remarquez d'ailleurs, messieurs, que le chiffre qui figure à ce chapitre est très peu considérable, et que dès lors, on peut en toute confiance voter l'article, puisqu'il en résulte aujourd'hui encore 5 mille francs d'économie sur l'exercice de 1853, comparé à celui de 1852.

- Le chiffre proposé par le gouvernement, et qui est le plus élevé, est d'abord mis aux voix.

Il est adopté.

Article 60

« Art. 60. Subsides en faveur de l'industrie linière et de la classe des tisserands et des fileuscs ; distribution de métiers, etc. ; charge extraordinaire : fr. 120,000. »

Ce chiffre est réduit à 113,850 fr. par suite d'un transfert aux articles 17 et 20.

M. de Haerne. - Je demande à la chambre la permission de lui soumettre quelques observations relativement à cet article.

Parmi les mesures qui ont été adoptées depuis quelques années en faveur de l'industrie linière, il en est une sur laquelle j'ai pris la liberté d'appeler l'attention de la chambre dans la session antérieure et pour laquelle j'ai adressé mes remerceiments à l'ancien cabinet, je veux parler de l'enlèvement des fils étrangers de l’entrepôt pour le convertir en toile et les réexpédier à l'étranger.

J'ai été appelé à faire un rapport sur la matière et j'ai demandé à cette occasion quelques améliorations de détail dans l'application de cette excellente mesure. Justice m'a été rendue à certains égards ; depuis lors et récemment encore, je me suis adressé à M. le ministre de l'intérieur et à d'autres membres du cabinet pour leur demander quelques nouvelles améliorations.

Je dois le dire, il a paru récemment un arrêté qui introduit des modifications d'exécution pour lesquelles je m'empresse encore d'adresser mes remerciements au cabinet actuel. Il y a cependant des difficultés, des entraves qui se présentent encore dans la pratique et sur quelques-unes desquelles je me propose d'adresser quelques observations à la chambre et aux ministres que la chose concerne.

Parmi ces formalités gênantes, ils en trouve qui sont assez délicates en ce qui concerne nos relations avec les pays étrangers. Je m'impose le silence sur ce point, pour ne pas nuire à ces relations.

D'autres sont d'une nature assez compliquée, de manière que je craindrais qu'elles n'échappassent à l'attention de la chambre.

Je me réserve pour les premières et les secondes d'en conférer avec les membres du cabinet que la chose concerne.

Mais il en est d'autres sur lesquelles je dois faire un appel à l'attention de la chambre. D'abord, dans l'exécution de la mesure dont il s'agit on procède d'une manière qui fait naître des difficultés de détails telles que le commerce se trouve entravé et que l'administration de la douane rencontre elle-même une besogne lourde et compliquée qui donne lieu à de nouveaux embarras.

Ainsi on procède à la vérification en entrepôt par deux épreuves : une épreuve provisoire et une épreuve définitive qui se fait de mois en mois. Ou procède par numéros métriques pour constater l'identité des fils. On compte ceux-ci depuis le n°8 jusqu'au n°180.

Vous voyez quels détails en résultent ; on est obligé, en quelque sorte, d'avoir un compte ouvert pour chaque numéro.

Je ne présente pas ici une théorie : j'ai consulté des hommes pratiques dans l'industrie et ces hommes très verses dans l'administration préposée à l'exécution du règlement sur la madère ; ils m'ont assuré que sans nuire au trésor ni à la filature indigène, on pourrait très bien procéder par catégories, en partageant tous les numéros en quatre catégories, au lieu de les échelonner, comme on fait à présent, du n° 8 au n°180. On (page 297) constaterait la catégorie à laquelle le fil appartient, puis on prendrait le poids sans s'inquiéter du numéro métrique.

Dans l'intérêt du commerce et de l'administration, j'appelle l'attention du ministère sur ce point. Il y a ici quelque chose à faire.

Une autre observation est celle qui se rapporte au mélange de certains fils. On admet dans cette fabrication avec du fil pris à l'entrepôt que j'appelle une fabrication en entrepôt simulé, des fils écrus, blanchis et teints ; mais il y a des tissus pour lesquels on voudrait employer un mélange avec des fils du pays ; il existe ici encore des entraves que je voudrais voir disparaître et qu'on peut faire cesser, sans inconvénient ni pour le trésor, ni pour l'industrie du pays. Ainsi l'on n'admet pas, lors de la réintégration en entrepôt, le mélange de fil étranger avec le fil indigène.

C'est un très grand inconvénient, au point de vue de l'industrie nationale, soit qu'on désire mélanger le fil anglais avec du fil indigène à la main, soit avec du fil indigène mécanique ; c'est un inconvénient, car plus il y a de liberté, plus l'industrie prend d'essor. Je voudrais qu'il fût permis d'employer ces différentes espèces de fil et qu'on constatât le poids du fil étranger, qui seul devrait entrer en ligne de compte pour le payement des droits consignés sur le passavant-à-caution.

Je crois que la chose serait très faisable. Il, ne s'agit pas seulement, je le répèle, de fil à la main indigène, il s'agit aussi de fil mécanique de lin indigène et de fil de coton, car on fait plus que jamais des toiles mélangées de lin et de coton. Je sais que cette fabrication est souvent frauduleuse, en ce qu'elle tend à tromper le consommateur ; mais ce n'est pas une question dont doive se préoccuper le gouvernement quant à la fabrication en entrepôt. Il doit accorder à cet égard toutes les facilités désirables à l'industrie. Du moment qu'on trouve avantage à faire usage de fils de lin et de coton mélangés, ou à recourir à un mélange quelconque, le gouvernement n'a rien à y voir au point de vue dont il s'agit ; il n'a qu'à favoriser ici la liberté de l'industrie. Je voudrais donc que ces mélanges pussent se faire sans qu'on eût à payer d'autres droits que ceux qui sont exigés pour le fil étranger.

J'ajouterai une autre observation, en ce qui concerne le même article.

Aujourd'hui, l'on exige un cautionnement ; je reconnais que c'est chose nécessaire ; car on ne peut évidemment enlever des marchandises de l'entrepôt sans que les droits soient garantis pour le trésor. Mais il y a, pour le cautionnement, des formalités qui entravent le commerce, et d'où il résulte des inégalités entre les fabricants. Je sais que le gouvernement est à cet égard dans une position assez difficile, et que les dispositions de la loi de 1822 paralysent ses bonnes intentions.

Voici ce dont il s'agit :

Aux termes de la loi de 1822, le cautionnement peut être personnel ou consister en numéraire, ce qui dépend de l'appréciation du receveur responsable vis-à-vis du gouvernement. Je comprends très bien que quant à présent le gouvernement ne peut pas imposer au receveur l'obligation de se contenter de la caution personnelle. Mais il n'en est pas moins vrai que, sous ce rapport, il y a inégalité entre les fabricants ; car d'après les relations qui existent parfois entre les fabricants et les receveurs, il arrive que ces fabricants, inspirant plus de confiance au receveur, ont un avantage réel sur les autres qui, n'étant pas suffisamment connus du receveur, doivent fournir un cautionnement en argent.

Cette manière de fabriquer en entrepôt simulé étant nouvelle, on n'a pu prévoir le cas en 1822. On devrait apporter un changement à la loi. Je voudrais que cette question fût mise a l'étude dans les bureaux ministériels.

Aujourd'hui, il se présente, pour le remboursement des sommes consignées, des difficultés, des inégalités choquantes : ainsi, l'on fait attendre longtemps, même pendant des mois, à certains fabricants le remboursement des sommes qu'ils ont avancées, tandis que, pour d'autres fabricants, le remboursement se fait immédiatement après la réintégration d'une partie des marchandises.

On dit que cela dépend des agents comptables qui, d'après la loi, répondent des droits. Je ne le contesterai pas ; mais c'est en cela que je voudrais que la loi fût modifiée.

Je pourrais signaler encore d'autres entraves que rencontre le commerce dans la fabrication en entrepôt.

Je me réserve d'en parler en particulier à qui de droit. J'ai voulu attirer l'attention toute particulière de la chambre et de M. le ministre de l'intérieur sur cette importante question. Je ne doute pas que l'honorable M. Piercot ne s'en occupe sérieusement, et j'ai la conviction qu'il ne négligera rien, d'accord avec ses collègues, pour donner à cet égard toute la satisfaction possible à l'industrie.

Avant de terminer, messieurs, il me reste une observation à faire sur la diminution proposée sur le chiffre du subside. Cette diminution se présente aujourd'hui d'une manière fort malencontreuse. Je connais les raisons qu'on allègue pour motiver la diminution. En thèse générale, elle serait assez juste ; mais dans les circonstances actuelles, elle produira un mauvais effet dans le pays.

Je ne fais pas un grief au ministère d'avoir proposé la diminution, puisque cette proposition est antérieure au 10 août. Mais depuis lors l’industrie linière périclite ; nos tisserands, nos fileuses sont dans une situation très fâcheuse. Vous connaissez l'émigration considérable qui a eu lieu, l'état de décadence de nos marchés de toiles.

Or, je vous demande si, en présence de telles circonstances, il est opportun de proposer une diminution du subside affecté à l'encouragement de l'industrie linière. Je crois que ce serait une imprudence, et qu'il faudrait rétablir le chiffre qui avait été adopté les années précédentes.

Il s'agit d'ateliers d'apprentissage, de métiers et d'outils à distribuer aux ouvriers. Ce n'est pas le moment de se relâcher dans ces utiles encouragements.

Je n'en fais pas de proposition formelle : je crois que la réclamation que je viens de faire est assez juste pour que M. le ministre de l'intérieur la prenne en considération. J'ai assez de confiance dans ses lumières, dans sa bonne volonté, dans les excellentes intensions qu'il a manifestées à plusieurs reprises pour les classes indigentes, pour me dispenser de faire à cet égard une proposition, à moins que je ne voie par la discussion qu'il vaut mieux que je prenne l'initiative.

M. Rodenbach. - Je suis aussi l'un des membres de cette chambre qui ont demandé à l'ancien ministère de vouloir bien laisser entrer les fils étrangers, à charge de réexporter les fabricals. Cette mesure a fait infiniment de bien.

Malheureusement il n'y a que les grands fabricants, que ceux qui avaient de la fortune qui ont pu faire usage de cette faculté. Cela tient à ce que l'administration de la douane met trop d'entraves. C'est de la part des petits fabricants de l'arrondissement de Roulers un sujet de plaintes continuelles, et, il faut bien le reconnaître, il y a dans ces plaintes quelque chose de fondé.

En effet, comme vient de le dire l'honorable préopinant, il faut d'abord donner un cautionnement.

Or, les petits fabricants qui ne peuvent en fournir un sont victimes de la facilité qu'obtiennent sous ce rapport les grands fabricants ; il n'y a plus cette égalité de conditions, qui, seule, permet de soutenir la concurrence. Ensuite la vérification des fils n°8 à 180 qui viennent d'Angleterre se fait si minutieusement que les petits industriels de mon district préfèrent renoncer à ces affaires-là. Il en est de même pour l'exportation. Les ouvriers n'ont d'ailleurs aucun avantage à cela, les gros fabricants seuls en profitent.

Vous le savez, messieurs, il y a eu, depuis que la convention linière a cessé d'être en vigueur, une émigration considérable de nos districts liniers dans le département du Nord ; elle peut être évaluée à 9 ou 10 mille ouvriers pour les districts de Thielt et d'Audenarde. C'est un déplacement bien malheureux pour notre industrie. Sans doute nous pouvons espérer que la remise en vigueur prochaine de la convention de 1845 fera rentrer ces ouvriers dans leur pays. Mais le gouvernement devrait favoriser les petits fabricants, ne pas prendre des mesures vexatoires, modifier la loi en ce sens que le cautionnement ne devrait plus être fourni en argent. Je sais que le gouvernement ne peut le faire, sans le concours des chambres ; mais je crois que c'est une ancienne disposition de la loi qui peut être considérablement améliorée.

Je n'en dirai pas davantage, mais je répète que si l'on ne modifie pas les mesures douanières, si l'on ne veut pas se départir de ces vexations, de ces minuties bureaucratiques, la disposition qui permet de laisser entrer les fils étrangers à charge d'exportation, sera comme non avenue, excepté pour les personnes qui ont de la fortune. Encore une fois les petits seront sacrifiés aux grands.

M. Vander Donckt. - Je viens appuyer les dernières observations de l'honorable abbé de Haerne. Comme lui, je vois avec peine que le subside pour l'industrie l'inière est réduit de 20,000 fr., je crois que ce n'est pas le moment d'opérer cette réduction.

Messieurs, il s'agit d'une allocation qui a été portée au budget surtout en faveur des campagnes des Flandres. Je dois le dire à l'honneur du ministère précédent, ces secours qu'il a accordés à l'industrie linière sont peut-être un des plus salutaires soulagements qui ont été apportés à la grande misère des Flandres.

Je crois que l'on s'est même trompé sur le libellé de cette allocation. Les subsides donnés par le gouvernement ont surtout servi à établir des écoles, des ateliers d'apprentissage où l'on apprend à travailler aux jeunes gens et à ceux qui ne connaissaient aucun métier et n'avaient pas le moyen d'en apprendre un.

Dans les communes des Flandres où les ateliers d'apprentissage ont été organisés, l'émigration est infiniment moindre ; les ouvriers qui ont fréquenté ces ateliers et y ont appris à tisser la toile d'après les méthodes perfectionnées, sont en état aujourd'hui non seulement de gagner leur pain quotidien, mais de vivre dans une certaine aisance.

Malheureusement ces écoles ne sont établies que sur une petite échelle. Si, à l'aide d'une augmentation de subsides, on pouvait les étendre ou en multiplier le nombre, je puis vous assurer que la misère diminuerait considérablement dans nos communes industrielles des Flandres, et c'est ce qui m'engage à appuyer les observations de l'honorable M. de Haerne, auxquelles j'espère que le gouvernement aura tous égards.

Je vois avec peine, messieurs, dans le libellé du budget, que l'allocation dont nous nous occupons est temporaire. Comme les populations, comme les jeunes gens qui n'ont pas d'état et n'ont pas le moyen d'en apprendre un, se succèdent constamment, je crois que c'est une allocation qu'il ne faudra pas supprimer, qu'il faudra au contraire maintenir dans une certaine mesure au budget.

M. Osy. - Messieurs, à l'occasion du crédit qu'on nous demande, je crois devoir présenter quelques observations à la chambre.

Après les événements de 1848, le gouvernement a introduit par arrêtés plusieurs mesures qui auraient dû, selon moi, être sanctionnés par la chambre et qu'ils n'ont jamais été.

Une première mesure qu'il a adoptée, c'est celle des primes à (page 298) l’exportation. Ces primes ont été allouées pendant plusieurs années, et tout à coup par arrêté royal on les a supprimées. La chambre a sanctionné cette suppression ; je n'ai donc plus à en parler.

Mais la mesure qui a permis l'entrée des fils en entrepôt à condition d'exportation des toiles, continue à être maintenue et n'a pas encore été sanctionnée par la chambre. C'est encore une mesure qui avait été prise dans des circonstances difficiles pour donner du travail à nos tisserands.

Je ne suis pas contraire à la mesure en elle-même, mais je crois qu'elle devrait être soumise à la chambre pour que nous examinions jusqu'à quel point elle doit être maintenue. Je conviens que pour plusieurs objets qui se fabriquent dans le pays, la filature à la mécanique ne donne pas de numéros assez élevés et qu'on est obligé de faire venir des fils de l'étranger. Mais vous comprenez aussi qu'à mesure que des besoins nouveaux se font sentir dans le pays, nos filatures peuvent faire des progrès et établir des mécaniques qui permettent de fournir à l'industrie tous les numéros dont elle a besoin.

J'engage M. le ministre de l'intérieur à examiner cette question et à voir s'il n'est pas temps que nous rentrions dans la légalité. Si le gouvernement juge convenable de continuer la mesure dont il s'agit, on pourrait, dans le projet qu'on nous proposera, remédier au mal ou aux difficultés que viennent de signaler d'honorables collègues.

Je ne fais pas au précédent cabinet un grief des mesures qu'il a prises. Je conviens que lors des événements de 1848, les difficultés ont été telles qu'il a fallu prendre des mesures extraordinaires.

Maintenant je viens appuyer la demande du gouvernement de réduire le subside en discussion de 20,000 fr.

Il s'agit ici encore d'une prime déguisée que nous donnons à l'industrie. Vous avez trouvé convenable, à une grande majorité, de supprimer les primes à l'exportation. Je n'ai pas été de votre avis ; je me suis prononcé contre la suppression subite des primes ; car je n'aime pas les secousses en industrie. Lorsque en 1848 on avait établi des primes de 10 p. c. à la sortie de divers produits, j'avais demandé au gouvernement de faire connaître aux industriels que ces primes ne seraient pas maintenues, mais qu'on les diminuerait petit à petit, qu'on les réduirait par exemple de 2 et demi p. c. chaque année. C'est contre mon gré qu'au lieu de suivre cette marche, on a supprimé brusquement ces primes.

Ici encore je ne veux pas que la prime dont nous nous occupons soit brusquement supprimée. Je crois qu'elle doit être diminuée progressivement.

Les industriels comprendront qu'elle doit finir par disparaître, et ils tâcheront de faire des progrès.

M. Rogier. - L'honorable préopinant est tombé dans diverses erreurs. Il vous a dit que l'ancien cabinet a commis une illégalité qu'il aurait fallu faire sanctionner par la chambre. Il aurait commis une illégalité en autorisant l'entreposage des fils étrangers, à condition de réexportation sous forme de tissus. Eh bien, le gouvernement n'a commis aucune espèce d'illégaiité ; il est resté complètement dans les limites de la loi qui l'autorise à permettre l'entreposage de produits destinés à être réexportés après avoir reçu une main-d'œuvre dans le pays. Tout ce qui a été fait est parfaitemeot régulier.

Au point de vue de l'utilité, ce qui a été fait est également irréprochable. Ne nous le dissimulons pas, messieurs, l'industrie du filage mérite sans doute la sollicitude du gouvernement, mais l'industrie du tissage est bien autrement importante. Si vous voulez que vos tisserands puissent lutter contre la concurrence étrangère, il faut qu'ils puissent se procurer à bon compte le fil qui est leur matière première. Il est impossible que des tissus faits avec du fil qui coûterait beaucoup plus cher que le fil anglais, aillent rivaliser avec les tissus anglais.

Un des bons effets de la cessation du traité avec la France a été de réduire les droits sur les fils anglais ; depuis ce temps nos tisserands ont pu importer du fil anglais. Ils ont pu, aussi, en vertu de l'application de l'article 40, importer du fil anglais à la condition d'exporter les tissus fabriqués avec ces fils. C'est contre quelques mesures que l'on trouve trop rigoureuses dans l'application de l'article 40 que d'honorables députés des Flandres on cru devoir s'élever.

Je ne doute pas que le département des finances ne continue d'accorder de plus en plus des facilités aux fabricants de tissus pour l'exportation de leurs produits tissés avec du fil étranger. La disposition de l'article 40 de la loi sur les entrepôts est une disposition très libérale, qu'il importe d'étendre successivement à diverses matières premières qu'on peut exporter sous forme de fabricats sans nuire aux industries du pays.

Une autre erreur de l'honorable député d'Anvers consiste à dire que la somme qui figure au budget sous le titre de subsides à l'industrie linière, doit disparaître, attendu qu'elle est destinée à accorder des primes à l'industrie, et qu'ii faut faire cesser complètement les primes. Cette somme n'est nullement destinée à accorder des primes ; la plus forte partie en est absorbée par les dépenses des ateliers d'apprentissage institués depuis 1847 dans deux provinces, et dans quelques communes du Hainaut.

Ces ateliers sont au nombre de 75 à 80. Tout à l'heure un honorable représentant des Flandres a bien voulu reconnaître qu'ils ont fait du bien, et qu'il est utile de les maintenir.

En effet, messieurs, beaucoup d'ouvriers y ont trouvé de l'occupation, beaucoup d'ouvriers sont venus s'y former à la confection de tissus variés.

Il est reconnu aujourd'hui, je pense, par tout le monde, que l'institution de ces ateliers a été un grand soulagement pour les Flandres. Il faut donc les maintenir encore pendant un certain temps, mais d'année en année la dépense peut diminuer ; ces ateliers coùtent déjà moins que dans le principe aux provinces et à l'Etat ; ils sont dirigés avec une économie telle que depuis deux ans il a été permis d'opérer, sur la somme de 150,000 fr., une réduction de 30,000 fr.

Les ateliers dont il s'agit constituent une sorte d'enseignement professionnel primaire pour les ouvriers, pour les enfants d'ouvriers, pour les enfants pauvres. D'après le compte rendu que j'ai distribué aux chambres dans le courant de l'année dernière, on a pu se convaincre des excellents résullats obtenus par l'établissement de ces ateliers d'apprentissage. Comme résultat général on aura remarqué que le salaire de l'ouvrier, indépendamment du perfectionnement de son travail, a augmenté au moins d'un tiers.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à répondre à l'honorable M. Osy. Je ne puis qu'engager M. le ministre de l'intérieur à persévérer dans la voie qui a été suivie jusqu'ici tant pour l'admission des matières premières en entrepôt, avec charge de reexportation des fabricats à en provenir, que pour l'entretien écocomique de ces nombreux ateliers établis avec tant de succès et dans les Flandres et dans quelques communes du Hainaut.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, c'est pour adresser une demande de renseignement à M. le ministre de l'intérieur, que j'ai réclamé la parole.

En 1848, un industriel de la ville de Courtray a obtenu un subside individuel de 52,000 fr. à la condition suivante : il avait pris l'engagement de donner de l'ouvrage à 1,500 fileuses, et le fil qu'il devait produire était destiné à la fabrication de toiles mixtes.

Il existe, messieurs, quelques doutes dans les environs de Courtray, sur l'exécution de ce contrat, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si ces conditions s'exécutent ; si, en effet, cet industriel donne de l'ouvrage à 1,500 fileuses.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je prends note de l'observation de l'honorable membre. Vous comprenez, messieurs, qu'il m'est impossible de répondre aujourd'hui, le fait m'étant complètement étranger ; mais je m'empresserai de donnera la chambre des explications aussitôt que je me serai renseigné sur l'affaire dont il s'agit, et probablement dès demain.

Quant à la réduction de 20,000 fr. que le gouvernement propose et que quelques membres ont combattue, je dois dire que le gouvernement se trouve dans une singulière position. Quand il demande des augmentations, on le combat ; quand il propose des réductions, on le combat encore ! Le gouvernement n’aurait pas proposé cette réduction s'il n'avait été convaincu qu'elle peut être opérée sans inconvénient.

Tous les ateliers seront maintenus, mais on a eu l'occasion de constater que, d'année en année, des perfectionnements s'introduisent dans ces ateliers et que, d'autre part, les communes commencent à comprendre qu'il est convenable qu'elles aussi fassent des sacrifices pour seconder les efforts du gouvernement. C'est à ces deux causes qu'on doit la diminution de 20,000 francs, sans qu'il doive en résulter aucune suppression, j'espère bien, d'ici à quelque temps, pouvoir réaliser des économies nouvelles, tout en maintenant ce qui existe, autant qu'il le faudra.

M. de Haerne. - Messieurs, je dois confirmer l'opinion qui a été énoncée tout à l'heure par l'honorable M. de Man, ea ce qui concerne l'emploi de 50,000 fr. accordé à un industriel de Courtray. J'ajouterai même que la circonstance à laquelle il a fait allusion a fait naître des réclamations assez vives dans la localité ; mais je n'insisterai pas, parce que M. le ministre de l'intérieur a promis de prendre à cet égard les informations nécessaires et d'agir en conséquence. Je veux laisser au cabinet nouveau toute la liberté de son action à cet égard.

L'honorable M. Osy a dit que le crédit que je désire voir rétabli à son chiffre primitif, constitue une prime déguisée. J'en conviens ; mais remarquez que c'est une prime bien minime, eu égard au bien qu'elle peut produire et au chiffre énorme de la population qu'elle tend a soulager. Il me semble que pour une somme de 20,000 fr. qui doit s'appliquer au soulagement d'une population de plus de 200,000 personnes, ce n'est pas le cas d'invoquer le système des primes ; je me suis plus d'une fois énoncé dans cette enceinte sur la valeur de ce système, et quoique je reconnaisse avec presque tous les membres de cette chambre que le système des primes ne peut être que transitoire et exceptionnel, je suis loin d'admettre à cet égard le rigorisme de quelques-uns de mes honorables collègues.

On parle de primes lorsqu'il s'agit d'appliquer quelques milliers de francs à l'enseignement professionnel, au développement des ateliers d'apprentissage, à l'amélioration de l'industrie dont il s'agit en ce moment. Mais les fonds que nous avons votés tout à l'heure pour l'amélioration de la voirie vicinale, qu'est-ce autre chose qu'une prime ? C'est une prime très bien appliquée, mais enfin c'est une véritable prime. Sans doute, les millions qu'on a votés pour la construction de certains chemins de fer pour lesquels on a réclamé en même temps un minimum d'intérêt, sont des primes immenses, au moins pour les chemins de fer et il y en a beaucoup qui seront improductifs ou onéreux. Il y a bien d'aulres primes que je pourrais signaler encore.

Est-ce à dire qu'il faut réprouver ce système ? En aucune manière, mais j'en tire la conclusion qu'on a mauvaise grâce de s'élever contre la (page 299) prime dont il s'agit, lorsque, d'un autre côté, on prodigue des millions en véritables primes. Ainsi ne lésinons pas ici, et soyons justes envers les classes souffrantes qui méritent bien une prime.

Il est une considération que j'ai fait valoir tout à l'heure et à laquelle on n'a pas répondu : ce sont les circonstances toutes particulières dans lesquelles se trouve placée l'industrie linière par suite des événements qui se sont passés. Voilà la raison pour laquelle j'ai demandé le rétablissement de l'ancien chiffre.

Vous savez, messieurs, que beauroup de nos ouvriers se sont transportés en France. Par l'heureuse nouvelle qu'on nous a annoncée hier, et qui nous fait entrevoir dans un traité provisoire un acheminement à un traité définitif plus étendu et plus avantageux, beaucoup de ces ouvriers rentreront dans leur patrie ; mais vous comprenez qu'avant qu'ils se soient remis à l'ouvrage, il se produira un très grand froissement. Les uns auront vendu leurs métiers, d'autres se seront endettés, d'autres encore seront démoralisés. Le meilleur remède à ces maux sera le travail qu'on leur donnera dans les ateliers, ou en leur procurant des instruments de travail.

Il faut donc que le gouvernement soit à même de venir au secours de ces populations qui seront desoeuvrées pendant un certain temps et qui réclament plus que jamais ses soins. Il ne s'agira pas seulement de l'apprentissage ; mais il s'agira de maintenir dans le travail de bons ouvriers qui seront sans ressources. Il s'agira encore de leur procurer du fil par les commissions directrices. Ce serait là un immense bienfait, car nos ouvriers ne trouvent pas toujours chez le fabricant la matière première à des conditions assez avantageuses.

Il y a donc une circonstance toute nouvelle qui se présente, qui n'a pas été prévue avant la rupture survenue avec la France et lors de la confection du budget. Nos ouvriers reviendront de France, il y aura des besoins nouveaux, qu'on ne saurait contester. Ou bien tout le subside est inutile, ou la majoration que je demande est d'une utiiité incontestable. Les Flandres ont assez souffert dans les derniers temps pour qu'on ait égard à leur malheur. Je devrais demander un chiffre plus élevé, mais je me contente de l'ancien chiffre pour ne pas avoir l'air de vouloir grever le trésor.

Si M. le ministre de l'intérieur ne rétablit pas lui-même le subside précédemment alloué, j'en conclurai qu'il m'abandonne une initiative que je prendrai volontiers. Je proposerai un amendement ; et quel qu'en doive être le sort, j'aurai la conviction d'avoir rempli un devoir. Ma proposition est juste et équitable.

Je suis persuadé que si ia chambre veut y réfléchir, elle ne pourra se refuser à voter l'ancien chiffre. Une diminution, dans les circonstances actuelles, serait, je le répète, tout à fait inopportune et produirait le plus fâcheux effet dans les Flandres.

La proposition que j'ai l'honneur de soumettre à la chambre tend à augmenter de 200,000 francs le crédit de l'article 61.

- La proposition est appuyée.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour engager M. le ministre de l'intérieur à bien vouloir s'assurer si les nombreux industriels qui ont reçu des subsides considérables, remplissent exactement les conditions qui ont été attachées à l'allocation de ces subsides. Plusieurs de ces industriels ont reçu 20,000, 30,000 et même jusqu'à 50,000 francs, et je suis bien informé, il en est quelques-uns parmi eux qui ne remplissent pas leurs engagements. Il me semble que tout industriel, subventionné par le gouvernement, a pour premier devoir de remplir exactement et loyalement les conditions qu'on lui impose. Je pense que certains de ces messieurs se sont engagés entre autres à occuper un nombre déterminé d'ouvriers.

Il convient que le gouvernement s'assure, par les moyens qu'il a à sa disposition, si cet engagement est rempli. Je crois, pour ma part, que plusieurs de ces industriels, que j'appellerai plutôt des spéculateurs, n'exécutent pas ponctuellement leur contrat.

L'honorable ministre de l'intérieur vient de déclarer à l'honorable M. de Man, qu'il ne peut des à présent répondre aux interpellations qui ont ces subsides pour objet ; je le conçois : M. le ministre de l'intérieur est à peine aux affaires.

Cependant tous les documentls qui peuvent l'éclairer à cet égard se trouvent dans les bureaux ; je le prie donc de vouloir bien les examiner, et de faire à la chambre, le plus tôt que faire se pourra, un rapport sur ces opérations.

- La discussion est close.

L'amendement de M. de Haerne est mis aux voix.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- Il est proecde à l'appel nominal.

En voici le résultat :

58 membres sont présents.

14 votent l'adoption.

42 votent le rejet.

2 membres (MM. Rogier et T'Kint de Naeyer s'abstiennent.)

En conséquence, la proposition de M. de Haerne n'est pas adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. de Breyne, de Haerne, de Muelenaere, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere, Magherman, Rodenbach, Thienpout, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Iseghem, Boulez et Clep.

Ont vote le rejet : MM. de Brouckere, de La Coste, Deliége, de Man d'Attenrode, de Perceval, Dequesne, de Theux, Devaux, d'Hoffchmidt, Dumpn, Julliot, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Roussel (A.), Rousseile (Ch.), Vandenpeereboom (A.), Van Hoorebeke, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Closset, Coomans et Delfosse.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Rogier. - Je n'ai jamais refusé et je ne refuserai jamais des dépenses qui ont pour but de venir en aide aux populations malheureuses et notamment aux populations flamandes. Sous ce rapport, je n'ai pu voter contre la proposition de M. de Haerne.

D'un autre côté, cette proposition ne m'a nullement paru motivée, il n'y a aucun fait nouveau qui aurait dû la nécessiter. Dès lors, il m'a été impossible, malgré toutes mes sympathies pour les Flandres, de m'associer à une augmentation qui n'avait absolument aucun but.

M. T’Kint de Naeyer. - Je suis très disposé à voter tous les fonds nécessaires à l’organisation des ateliers d’apprentissage, mais je n’ai pas cru devoir mettre à la disposition du gouvernement une somme dont il déclare ne pas avoir besoin pour le moment.

- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix, il est adopté.

Articles 61 à 63

« Art. 61. Primes et encouragements aux arts mécaniques et à l’industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, n°6, sur les fonds provenant des droits de brevet ; frais de bureau : fr. 12,700. »

- Adopté.


« Art. 62. Musée de l'industrie. Traitement du personnel : fr. 17,748. »

- Adopté.


« Art. 63. Musée de l’industrie. Matériel et frais divers : fr. 10,253. »

- Adopté.

Chapitre XIV. Poids et mesures

Article 64

« Art. 64. Traitement des vérificateurs et d'un aspirant vérificateur des poids et mesures : fr. 52,400. »

M. Peers. - Il est certains abus comme il est certains griefs qui prennent des racines si profondes qu'à la longue ils finissent par devenir inaperçus. Parmi ces abus, je dois signaler les poids et mesures.

La législation qui nous régit date de 1793. Depuis cette époque, l'industrie a fait d'immenses progrès, de grands changements oni été introduits, les balances ont remplacé d'autres systèmes de pesée, il en est résulté que cette législation est devenue en quelque sorte inapplicable. A la suite de ces améliorations une masse de règlements et d'arrêtés ont paru et n'ont fait qu'embrouiller la législation qui régit cette matière.

Je sais pertinemment qu'une commission a été nommée afin de réviser la législation de poids et mesures, cette commission a travaille plusieurs années. Son rapport doit être fait.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il ne consent pas, à l'aide d'une nouvelle loi, à refaire en quelque sorte cette législation qui est devenue tout à fait inapplicable aujourd'hui par suite des abus nombreux auxquels elle donne lieu.

Je ne veux pas porter atteinte à la réputation des vingt-sept agents à qui est confier la vérification des poids et mesures, mais je crois qu'ils pourraient bien être doués de plus de connaissances ; ce point devrait faire l'objet d'une loi tout à fait spéciale, parce qu'aujourd'hui non seulement les abus ne sont pas tels que l'administration en souffre ; mais, en général, le vendeur comme l'acheteur sont en quelque sorte dupes du la mauvaise foi, par suite des poids illégaux dont on se sert.

Je demanderai donc à M. le ministre de l'intérieur s'il n'a pas l'intention de réviser la loi de 1793 qui a reçu de profondes modifications en France, et s'il ne pourrait pas calquer la loi belge qui concerne cette matière sur la loi française qui aujourd'hui fonctionne très bien.

M. Vilain XIIII. - Je ne prends pas la parole pour engager le gouvernement à piéscuter un projet de loi, mais à faire exécuter la loi actuelle sur les poids et mesures. Cette loi, dont le principe a été admis par l'assemblée constituante et qui a été décrétée par la Convention nationale, la seule encore peut-être de cette assemblée qui résistera au temps, cette loi est parfaite à ce point qu'elle n'a jamais été l'objet de la moindre critique.

Cette loi ett parfaite par excellence ; c'est pour cela qu'elle n'est pas exécutée à moitié, au quart peut-être, en Belgique.

Car si vous exceptez le commerce de détail, le commerce de boutique ouverte sur la rue, où le détaillant pèse ses marchandises avec le poids décimal, vous ne la trouvez nulle part. Ainsi, le haut commerce conserve tous ses anciens poids et mesures, toules les monnaies féodales.

Il a été impossible de décider le haut commerce à se servir du système décimal. Vous pouvez dans un cabaret obtenir un litre de bière, mais je vous défie de trouver un hectolitre de bière.

- Un membre. - Vous en trouverez à Louvain.

- Un autre membre. - A Tournay aussi.

M. Vilain XIIII. - Louvain est une exception ; ce n'est pas par (page 300) hectolitre que se vend la bière, c'est par tonneau, et le tonneau contient ici 130, là 131, ailleurs 136 litres. Chaque village, chaque brasseur, chaque cabaret a sa mesure.

Pour l'huile c'est la même chose ; on ne compte pas par hectolitre mais par « aime » (le commerce d'huile est très considérable en Belgique), il n'y a pas de récipient qui représente l'aime ; c'est par tonneau de toute grandeur qu'on expédie l'huile et on vous dit qu'il y a tant d'aimes, de pots et de pintes. Voyez dans les journaux belges d'aujourd'hui, c'est par aime qu'on cote les prix des huiles ; et en quelle monnaie ? En florins courants de Brabant, la monnaie la plus bête qu'on puisse imaginer, qui même quand elle était monnaie légale n'avait pas de représentation palpable pas plus que le florin de change.

Le gouvernement devrait prendre des mesures pour défendre l'usage de ces monnaies purement nominales.

Le gouvernement sous certains rapports est responsable de leur emploi.

A Anvers, le commerce des sucres se fait par livre d'Anvers, livre qui n'est connue nulle part si ce n'est dans l'enceinte d'Anvers.

Quand on achète du sucre à Anvers, on vous envoie tant de livres d'Anvers pour tant de florins des Pays-bas ; il faut deux tarifs différents pour reconnaître si le compte est juste.

Je disais donc que les courtiers d'Anvers donnent toutes les semaines et font paraître des prix courants toujours en florins des Pays-Bas, à l'exception du commerce des céréales, le plus grand, qui se fait en florins courants de Brabant.

A Anvers donc, pour le commerce des céréales on compte par florins courants ; de plus, pour ce commerce, il y a autant de sacs que de marchés, tous les sacs diffèrent ; à moins d'être marchand depuis très longtemps, il est impossible de s'y reconnaître.

Tout à l'heure, l'honorable M. de Brouckere réclamait pour Louvain, où il disait que la bière se vendait par hectolitre ; M. le ministre de l'intérieur pourrait réclamer pour Liège, les céréales s'y vendent par 110 kil. C'est la véritable manière de peser et de vendre le grain.

M. de Brouckere. - Il se vend ici par sac de 80 kilogrammes et à Louvain aussi.

M. Vilain XIIII. - Mais Liège ne se distingue pas pour le charbon ; tandis qu'à Mons et à Charleroy on le vend par mille kilogrammes, à Liège on le vend par charrée de Meuse, et la charrée diffère à chaque houillère.

Quand le charbon est cher la charrée est petite, quand il est bon marché on donne une grosse charrée. On ne sait jamais où l'on en est ; c'est un tobu-bobu général. Il y a 14 aunes différentes dans le Hainaut ; l'aune de Liège est la plus petite de la Belgique.

Si M. le ministre veut entrer dans une voie de réforme à cet égard, il aura beaucoup d'obstacles à vaincre, les intérêts s'opposeront vivement à ce que la loi de 1793 soit exécutée, Je sais qu'il y a une foule de professions qui ont des capitaux considérables engagés dans les mesures anciennes : on ne peut pas d'un jour à l'autre annuler, anéantir ce capital, mais avec prudence et fermeté ou pourrait arriver à ce résultat, qui sera un grand bienfait.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, il y a en effet beaucoup de bigarrures dans la manière dont s'opèrent les achats et les ventes, en ce qui concerne les poids et mesures, et aussi sous le rapport monétaire.

Mais le plus souvent, les irrégularités dont on se plaint proviennent plutôt de l'inexécution de la loi, que de ses imperfections. Je sais que cette loi rencontre, dans la pratique, des difficultés de plus d'un genre, qui tiennent à l'empire des habitudes.

Le gouvernement avisera aux moyens de renforcer les mesures de surveillance administrative, et il s'ocuppera de même de combler les lacunes qui existeraient dans la législation relalivement à la vente de certaines denrées, comme les liquides, par exemple, sur lesquelles il n'existe pas un contrôle suffisant.

M. Ch. de Brouckere. - Je voulais dire, comme l'honorable comte Vilain XIIII, que je ne trouve rien à modifier, à changer dans la loi de 1793. J'espère bien que l'on ne copiera pas servilement les changements qui ont été introduits aillttirs daus cette législation.

Du reste, l'honorable M. Peers a pris un moyen très commode de critique. « La loi, dit-il, ne vaut rien ; » mais il n'a dit ni pourquoi, ni en quoi. Tout ce que j'ai compris, c'est qu'autrefois l'on ne se servait pas de balances, et qu'aujourd'hui l'on s'en sert. S'il y a là une subtilité, elle m'échappe.

Il nous a dit aussi que les employés n'étaient pas à la hauteur de leurs fonctions. C'est une allégation jetée bien légèrement dans cette enceinte. Je ne sache rien qui la justifie. Je ne connais pas l'employé chargé de ce service à Bruxelles ; mais je suis en rapport indirect avec lui pour ses procès-verbaux et je puis dire qu il est à la hauteur de ses fonctions. Il n'y a jamais eu aucune plainte d'aucune nature à sa charge, sous aucun rapport.

On a parlé de toutes les bigarrures qui existent en cette matière. Il y en a que le gouvernement peut faire disparaître de suite.

Aimi, bien que le système décimal soit notre système, à la bourse de Bruxelles et à la bourse d'Anvers on cote les fonds par quart, huitième, seizième.

Il y a là quelque chose qui choque.Qu'est-ce que des fonds à 98 7/8, à 97 15/16 ? Pourquoi ne pas dire 98 et tant de centimes ? Voilà une chose que le gouvernement peut faire puisque la cote des fonds est sous sa surveillance, et que toutes les semaines il la fait insérer dans le journal officiel, pour les successions.

Il y a une infinité d'abus qui dépendent du gouvernement. Qu'il commence par les faire disparaître. Ce sera un grand pas.

Quant au reste, je crois qu'il n'est pas possible de violenter les usages. Il y a 59 ans que la loi existe. Sous certains rapports, on n'a rien obtenu ; sous certains rapports, on n'obtiendra rien, même avec des moyens coercitifs.

On a parlé des vaisseaux de capacité pour les liquides ; mais si vous pouvez donner aux tonneliers un moyen de faire un tonneau d'une capacité déterminée, ils en feront toujours.

Malheureusement c'est une chose impossible. Vous ne pouvez, à cinq litres près, déterminer la capacité d'un grand tonneau. La capacité d'un hectolitre varie en général de 2 ou trois litres. Le bois se retire ; il faut donc faire le tonneau plus grand. S'agit-il d'un gros tonneau de 3 hectolitres, il est impossible de le faire d'une capacité rigoureusement exacte.

Que, dans les marchés publics, on tienne la main à ce que la loi soit observée, fort bien. Pour le reste, laissons agir le temps ; ne violentons pas les usages.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Nous essayerons.

M. Ch. de Brouckere. -Vous n'empêcherez pas votre cuisinière, quand elle revient du marché, de vous faire son compte en cents des Pays-Bas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Pourquoi pas ?

M. Ch. de Brouckere. - Je vais vous prouver que vous ne pourrez pas l'en empêcher.

J'envoie ma cuisinière au marché. On lui offre un poulet, dont on fixe le prix à deux francs et demi. Avant de payer, elle compte sur ses doigts combien cela fait de cents. Et en comptant avec vous, elle ne vous dira pas : Le prix est de deux francs cinquante. Elle vous dira : Le prix est de tant de cents.

Je demande ce que le ministre, ce que le gouvernement peut à cela.

Il n'y a qu'un moyen d'arriver lentement, c'est par les écoles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il y a donc un moyen.

M. Ch. de Brouckere. - C'est ce que j'ai dit : laissez faire au temps.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Mais il faut l'aider.

M. Ch. de Brouckere. - Soit ; mais ne violentez pas les usages.

M. Peers. - En prenant la parole, je n'ai pas voulu dire que la législation de 1793 fût vicieuse. Seulement, sachant qu'il y avait une commission nommée pour la réviser, j'ai demandé si les modifications projetées ne seraient pas bientôt introduites ; car depuis 50 ou 60 ans, il y a des modifications introduites dans notre système de balances. Ainsi, en 1793, on ne connaissait ni la bascule, ni la romaine... (Interruption.)

M. Ch. de Brouckere. - La romaine date des Romains.

M. Rodenbach. - N'est-ce pas Romulus qui l'a inventée ?

M. Peers. - Ce n'est pas sans connaissance de cause que j'ai parlé d'abus. En cette matière, les abus datent de loin, car il y a des poids dont les étalons n'ont pas été vérifies depuis 1828. Comment, avec cela, donner des mesures exactes aux débitants ?

M. de Mérode. - On nous a parlé tout à l'heure de l'habitude de coter les fonds publics par quart, huitième, seizième. Cela tient à la nature des choses. Cette manière de compter est bien plus facile que le système décimal.

M. Ch. de Brouckere. - Il n'est pas plus difficile d'indiquer la cote en francs et centimes.

M. de Mérode. - C'est possible ; mais il faut respecter les habitudes et ne pas se montrer trop rigoureux.

Si vous avez un objet à diviser en cinq, vous serez obligé de recourir au compas ! Il n'en est pas de même quand vous voulez diviser en deux ou en quatre. Si vous voulez diviser une ficelle en deux, vous n'avez qu'à la plier ; si vous voulez la diviser en quatre, vous n'avez qu'à la plier une seconde fois ; si vous voulez la diviser en huit, vous n'avez qu'à la plier une troisième fois.

Eh bien, tout le monde continuera à se servir de ce moyen, et je m'opposerais à toute sévérité qui tendrait à empêcher de se servir de la division la plus naturelle. Je crois que le kilogramme lui-même devrait être divisé par moitiés, par quarts, par huitièmes. Ce serait une mesure très commode pour l'usage général des habitant -du pays.

M. Allard. - L'honorable M. de Brouckere vous a signalé tout à l'heure les usages de la bourse. Je vous signalerai ce qui se passe dans les journaux. Tous les jours les anciennes mesures et les anciennes monnaies s'y trouvent reproduites. Je crois que le gouvernement devrait, s'appuyant sur une loi qui a été portée sous le régime des Pays-Bas, défendre de se servir des anciennes dénominations ; et nous ne verrions plus se reproduire continuellement les mots de « sous », de « deniers », d' « aimes », etc.

- La suite de la discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.