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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 17 février 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 651) M. Dumon procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Braine-le-Comte présente des observations contre le projet d'un chemin de fer de Tubise vers Grammont, avec embranchement sur Braine-le-Comte, et demande que cette dernière commune soit le point de départ de la voie ferrée vers les Flandres. »

M. Ansiau. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale qui sera chargée de l'examen du projet de loi ayant pour objet de concéder le chemin de fer de Tubize aux Acren par Enghien.

- Cette proposition est adoptée.


« Les sieurs Gelhodes, de Groote et autres membres de la société de commerce Burger-Welzyn présentent des observations sur le tracé du canal de Schipdonck que le gouvernement se propose d'adopter et demandent que ce canal, suivant l'ancienne Lieve, passe par Damme et aboutisse à Blankenberghe. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Le conseil communal d'Hoogstraeten prie la chambre de rejeter tout projet de chemin de fer qui aurait pour résultat d'engager le gouvernement à ne point achever le canal de Turnhout à Anvers par St.-Job in 't Goor et demande qu'un chemin de fer de Turnhout par Oostmalle et Wyneghem sur Anvers soit préféré à celui de Lierre à Turnhout. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatifs la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout.


« Le conseil communal de Putts demande que le chemin de fer de Turnhout parte de la station de Malines et passe par Wavre-Notre-Dame, Putte, Heyst-op-den-Berg, Hegem, Herenthout et Herenthals. »

- Même renvoi.


« Les électeurs de Putte demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des électeurs de Hoorebeke-Sainte-Marie demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu de canton et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

« Même demande des électeurs de Hoorebeke-Saint-Cornil. »

- Même renvoi.


« Des électeurs à Oost-Ecloo demandent que les habitants des campagnes aient les mêmes facilités que ceux des villes d'exercer leurs droits électoraux, et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »

- Même renvoi.


« Des électeurs du canton de Vielsalm demande que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton. »

« Même demande des électeurs de Malderen, Verlée, Neerpelt. «

- Même renvoi.


« Les habitants de Binckum demandent la construction d'un chemin de fer direct de Diest à Louvain. »

« Même demande des habitants de Thielt, arrondissement de Louvain. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jean-Philippe-Jacques Fuchs, président de la chambre de commerce d'Anvers, né à Francfort-sur-Mein, demande la grande naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

Projet de loi transférant le chef-lieu de canton d'Oosterzeele à Bottelaere

Rapport de la commission

M. Magherman. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission instituée à l'effet d'examiner le projet de loi tendant à transférer le chef-lieu du canton d'Oosterzeele à Bottelaere.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget des non-valeurs et remboursements

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi portant demande d'un crédit supplémentaire de 65 mille francs pour le fonds de non-valeurs et remboursement. Ce fonds est devenu insuffisant en 1852, à la suite d'un grand nombre de ruines occasionnées à nos cultivateurs par des orages et des inondations.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer. Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Rapport sur des pétitions

M. Vander Donckt. - Je suis chargé par votre commission des pétitions de vous présenter le prompt rapport que la chambre lui a demandé sur les requêtes des administrations communales de Nukerke et autres concernant l'entretien des indigents dans les établissements publics.

Messieurs, les administrations locales de Nukerke, Euscornaix et Maerkekerkhera, par requêtes respectivement en date des 17, 18 et 27 décembre dernier demandent qu'il soit interdit aux hospices, hôpitaux, dépôts de mendicité et autres institutions de bienfaisance de recevoir des indigents sans un ordre du gouvernement, de la province, et l'assentiment des administrations locales du lieu de leur domicile, et que ces établissements ne puissent réclamer des communes que les frais d'entretien.

S'il est vrai de dire que la journée d'entretien est arrêtée par l'autorité supérieure, il est vrai de dire aussi que nos établissements en formulant leurs demandes à cet égard grossissent leurs comptes des frais d'administration, des constructions et même de leurs dépenses de luxe et parviennent ainsi à l'élever à fr. 1-50 par individu et par jour, ce que ces communes ne peuvent supporter sans les entraîner dans la ruine complète de leurs finances ; elles vous rappellent, messieurs, une lettre de M. le gouverneur de leur province à cet égard, et une adresse émanant du conseil provincial, votée en sa séance du 10 juillet 1851 à ce sujet, tendante à obtenir des modifications à la loi sur les dépôts de mendicité qui la rendent moins onéreuse aux finances des communes.

Il a paru à votre commission que lorsque non seulement des communes isolées mais une province entière par l'organe de son gouverneur et de ses mandataires à l'unanimité s'adressent à la chambre, elles méritent l'attention la plus sérieuse du gouvernement et une solution quelconque ; en conséquence elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de la justice avec prière de se faire produire l'adresse du conseil provincial de 1851 et de s'expliquer sur les intentions du gouvernement à ce sujet.

-Le renvoi au ministre de la justice avec demande d'explications est adopté.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées, bâtiments civils, etc.

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Discussion générale

M. le président. - Nous en sommes restés à la section III du chapitre II.

La section centrale qui a été chargée d'examiner les amendements présentés à la séance d'hier n'a pas terminé son travail.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Puisque la section centrale est appelée à délibérer sur la section 3 du chapitre II, je demande la permission de développer un article nouveau destiné à faire partie du projet de loi qui pourrait être renvoyé à cette section centrale ; la chambre statuerait ensuite sur son objet.

En voici le texte :

« Art. 2. En cas d'insuffisance de l'un ou de plusieurs des crédits portés aux article 9 à 55 et 38 à 41 du tableau joint au présent budget, il pourra y être pourvu, selon les besoins du service, au moyen des excédants que présenteraient les autres articles ci-dessus indiqués.

« Aucun transfert ne pourra avoir lieu par application de cette disposition, que par arrêté royal délibéré en conseil des ministres. »

Voici ce qui a inspiré à mes honorables collègues et à moi la proposition que je viens de lire :

En exécution de la promesse que j'ai eu l'honneur de faire à la chambre, j'ai écrit à tous mes collègues pour les prier de veiller à ce que, pour l'exercice 1853, il n'y ait pas de crédit supplémentaire à demander aux chambres. Mon honorable collègue M. le ministre des travaux publics me fit remarquer à ce sujet que le chapitre II de son budget était surtout celui qui donnait lieu au plus grand nombre de crédits supplémentaires. En effet, lorsque j'ai compulsé les comptes que la cour des comptes a rendus sur les exercices précédents, je me suis convaincu de la réalité de ce fait ; puisque tous les ans des crédits supplémentaires, ou plutôt des transferts sont demandés à ce chapitre II.

Voici comment s'exprime M. le ministre des travaux publics dans la réponse qu'il m'a faite :

« Une remarque que je crois devoir vous faire encore, c'est que pour le service des routes de l'Etat, non seulement les chambres admettent um chiffre global pour les travaux d'entretien que ces routes réclament, mais même pour les travaux de réparation extraordinaire que, chaque année, on se trouve dans le cas de devoir faire exécuter, tandis que (page 652) pour les canaux, rivières, ports et côtes, c'est-à-dire, pour les services qui sont le plus sujets à des faits et dépenses imprévu, les sommes sont portées séparément su budget pour chaque article de dépense. Il en résulte que les économies que je puis ou que je pourrais faire une année sur certains points, ne peuvent être appliquées à l'exécution de travaux que des circonstances fortuites et tout à fait imprévues ont rendus indispensables sur d'autres points. »

Il y a, en effet, à faire cette remarque sur le budget du département des travaux publics que, lorsqu'il s'agit de routes de l'Etat, on confie globalement à M. le ministre des travaux publics une somme de 2 millions et demi et au-delà. On ne lui dit pas : Vous consacrerez 10,000 fr. aux réparations de la route de Bruxelles à Gand, 5.000 fr. aux réparations de la route de Bruxelles à Anvers. On lui alloue globalement une somme de 2 millions et demi pour tous les travaux ordinaires et extraordinaires.

Mais, lorsqu'il s'agit de rivières et de canaux, on affecte à chaque rivière, à chaque canal une somme déterminée, et si dans le cours de l'année (ce qui se présente chaque année), il arrive l'un ou l'autre accident à une voie fluviale, soit par un ouragan, soit par une grande pluie torrentielle ; l'excédant que présente le fonds alloué pour l'entretien de l'un ou de l'autre cours d'eau ne peut se transférer à une rivière pour laquelle le crédit alloué est insuffisant.

C'est de là que résultent en grande partie ces demandes continuelles de crédits supplémentaires au budget des travaux publics.

Mon intention n'est nullement d'engager la chambre à revenir sur le passé, à introduire un mode différent de celui qu'elle a suivi jusqu'à présent. Je ne veux pas vous proposer de réunir en un chiffre global tous les chiffres affectés aux canaux et rivières. Seulement si un chiffre affecté à une rivière présente un excédant, et qu'il y ait déficit, pour bien entretenir une rivière ou une autre, je demande qu'il soit permis, moyennant un arrêté royal, délibéré en conseil des ministres, et qui conséquemment sera rendu public, d'affecter l'excédant que présenterait cet article, pour faire ce qui serait indispensable à l'un ou l'autre article qui serait insuffisant.

Je n'y tiens pas autrement que sous le point de vue que je vous indique ; si la chambre rejette cette proposition, je m'en console d'avance. Seulement je dois vous prévenir que dans ce cas, vous n'échapperez pas plus dans l'avenir que dans le passé à des demandes de crédits supplémentaires du chef des rivières et canaux. Car enfin, vous ne pouvez vouloir qu'un ministre, eût-il la connaissance de l'avenir, puisse indiquer deux ans d'avance (car c'est au mois de décembre 1852 qu'on a dû prévoir les dépenses qui seront à faire même au mois de décembre 1854), vous ne pouvez exiger d'un ministre des travaux publics, dis-je, qu'il prévoie deux ans d'avance, jusqu'à un centime près, les dépenses d'entretien que peuvent coûter les diverses rivières du pays, alors que des cas de force majeure peuvent se présenter sur différents points du pays ou sur tous à la fois comme on l'a vu dans le cataclysme de 1850.

Je demande donc que la section centrale veuille bien examiner la proposition que nous avons l'honneur de présenter à la chambre. Je ne crois pas inutile d'ajouter que c'est à l'introduction d'un système semblable dans le budget d'un gouvernement voisin, la Hollande, qui, cependant, est très sévère sur les principes en matière de finances, que l'on doit que presque jamais la chambre n'a de crédits supplémentaires à voter.

Que risquez-vous, d'ailleurs ? Si l'exécution de pareils transferts donne lieu à un abus, dès l'année suivante, vous êtes libres de retirer cet article du projet de loi. Les arrêtés vous seront connus. Pour que les transferts ne se fassent pas sous l'influence des bureaux du département des travaux publics, les arrêtés qui y donnèrent lieu seront délibérés en conseil des ministres, et on aura la preuve que le déficit que présente l'une ou l'autre voie navigable est dû à un cas de force majeure.

Je demande donc qu'il plaise à la chambre de renvoyer cette proposition à la section centrale pour qu'elle puisse en délibérer.

- La chambre ordonne l'impression de l'amendement présenté par MM. les ministres des finances et des travaux publics et le renvoie à l'examen de la section centrale.

M. le président. - La discussion sur la section 3 du chapitre II continue.

M. Desmaisières. - Messieurs, dans une précédente séance, MM. les ministres des travaux publics et des finances vous ont donné des explications sur la question du prompt achèvement des canaux de Zelzaete et de Schipdonck. En prenant la parole dans la discussion générale du budget, et afin de ne pas jeter de la confusion dans cette discussion, je me suis réservé de répondre à ces explications lorsque nous arriverions au chapitre relatif aux canaux. C'est cette réponse que je vais avoir l'honneur de faire.

Messieurs, l'indispensable nécessité de créer le canal de Zelzaete à la mer du Nord a été reconnue par la loi du 20 juin 1842. On a démontré alors que cette nécessité résultait des faits purement politiques, qu'elle résultait de notre séparation de la Hollande, de notre révolution de 1830, et que, par conséquent, c'était là une dette de l'Etat envers les populations pour lesquelles le creusement total de ce canal doit avoir lieu.

Je conmencerai, messieurs, par répondre à l'espèce de fin de non-recevoir que nous oppose aujourd'hui M. le ministre des finances, en s'appuyant sur l'article 115 de la Constitution.

En principe général, messieurs, cette fin de non-recevoir ne me paraît nullement fondée ; mais si elle était fondée, encore ne serait-elle pas applicable à l'achèvement du canal de Zelzaete.

En effet, messieurs, le gouvernement, en suite de faits posés par la Hollande, avait été amené à exécuter des travaux provisoires pour remédier à l'empêchement que le gouvernement hollandais avait mis à l'écoulement de nos eaux, et dès les premières années de la révolution le gouvernement avait reconnu la nécessité de s'affranchir de toutes ces entraves, à l'aide du creusement du canal de Zelzaete.

L'honorable M. de Theux, alors ministre de l'intérieur, ayant les travaux publics dans ses attributions, nous proposa, au budget de 1835, un crédit de 550,000 francs pour les premiers travaux de l'exécution du canal de Zelzaete.

Vous voyez qu'on ne craignait pas alors de demander un crédit de cette nature dans le budget !

Mais, messieurs, qu'est-il arrivé ? C'est qu'après un rapport favorable à l'allocation de ce crédit, fait par l'honorable M. de Puydt, la chambre a cru devoir distraire le crédit du budget, pour en faire l'objet d'une loi spéciale.

L'honorable M. de Theux a proposé immédiatement un projet de loi, dans lequel il était dit que les dépenses de l'exécution de ce canal seraient couvertes au moyen de fonds à provenir d'un emprunt qui serait ultérieurement réglé par une loi. Ce projet fut adopté par la chambre par 48 voix contre 17, dans sa séance du 20 avril 1836.

Mais, alors, messieurs, le projet de loi échoua au sénat, qui a voulu y introduire le concours des propriétaires intéressés ; divers ajournements s'en sont suivis, et en 1842 est venue la loi du 26 juin de cette année. Cette loi a été adoptée dans les deux chambres à une grande majorité, et elle aussi, elle a décrété que le canal se ferait soit par voie d'emprunt, soit par une émission de bons du trésor.

Si donc la fin de non-recevoir que M. le ministre des finances fait reposer sur l'article 115 de la Constitution était fondée, elle ne serait pas applicable au canal de Zelzaete, puisqu'il est démontré, par ce que je viens de dire, qu'on a voulu d'une manière absolue que le canal de Zelzaete s'exécutât par voie d'emprunt, soit en dette flottante, soit en dette consolidée.

Mais est-il bien vrai de dire que l'article 115 de la Constitution qui veut que toutes les dépenses de l'Etat figurent au budget, a cessé, depuis dix-hui tans que nous exécutons de grands travaux publics, d'être une vérité ? Non, messieurs, cet article n'a nullement cesse d'être une vérité. Je vais vous le démontrer.

Pour le prouver, je prendrai pour exemple le chemin de fer de l'Etat.

Messieurs, pour mieux fixer les idées, je prendrai des chiffres ronds.

Le chemin de fer de l'Etat a coûté environ 200 millions. Nous avons dépensé ces 200 millions en dix années de temps. Au bout de dix années, le pays a été mis en jouissance de l'exploitation du chemin de fer tout entier.

Messieurs, s'il avait fallu procéder, comme le propose actuellement M. le ministre des finances pour le canal de Zelzaete, s'il avait fallu porter chaque année au budget, pour l'exécution du chemin de fer, seulement les sommes que comportaient les voies et moyens de ce budget, on n'aurait pas pu y porter plus de 5 millions par année. Cela est évident : eh bien, ces 5 millions par année auraient exigé 40 années pour que la Belgique fût mise en jouissance de l'exploitation du chemin de fer tout entier. Or, qu'a-t-on fait ? On s'est dit : Il n'est pas juste ques les grands travaux de cette espèce soient entièrement exécutés aux frais des contribuables du présent, il faut que les contribuables de l'avenir, appelés à jouir du bienfait de ces travaux, contribuent aussi à la dépense.

On a dès lors emprunté les 200 millions et on a réparti le remboursement de cet emprunt sur 50 à 40 années. Prenons 40 années pour fixer nos idées.

Eh bien, qu'a-t-on fait alors pour se conformer à l'article 115 de la Constitution qui veut que toutes les dépenses de l'Etat figurent au budget ? On a porté chaque année (et on y portera jusqu'à ce que cet emprunt soitentièrement éteint) l'annuité composée de la prime d'amortissement et des intérêts composés de cette prime d'amortissement.

Vous voyez donc que nous avons complètement satisfait au vœu de l'article 115 de la Constitution ; nous avons porté au buget les dépenses du chemin de fer montant à 200 millions ; nous le sportons encore en les répartissant sur quarante années ou exercices ; seulement nous les portons sous forme de dette publique, au lieu de le faire sous forme de travaux publics.

Messieurs, pour le canal de Zelzaete, déjà par la loi du 26 juin 1848 qui l'a décrété et par sept lois successives qui ont été décrétées du 20 février 1844 au 4 juin 1850, des crédits spéciaux ont été accordés jusqu'à concurrence d'un peu plus de 4 millions.

Il ne reste plus pour achever ce grand ouvrage d'utilité, je dirai de nécessité publique, qu'à dépenser, M. le ministre nous l'a dit, environ 800,000 fr. Eh bien, c'est pour cette somme de 800,000 fr. qu'on veut soumettre le canal de Zelzaete, ce qu'on n'a fait pour aucun des autres grands travaux publics, aux lenteurs du budget des voies et moyens ordinaires.

L'honorable ministre des travaux publics l'a dit, les trois quarts du (page 655) canal de Zetaaete, qui ont coûte 4 millions environ, ont été achevés à la fin de 1850 ; et aujourd'hui qu'on a oublié comprendre les 800,000 fr. nécessaires à l'achèvement de ce canal dans la loi du 20 décembre 1851, on voudrait encore retarder l'allocation du crédit de deux ou trois années. Messieurs, je tiens surtout à vous prouver que l'achèvement du canal de Zelzaete est beaucoup plus urgent que ne le pense l'honorable ministre des finances. L'honorable ministre vous a dit dans ses explications qu'il ne croyait pas qu'une ou deux années de retard dans l'achèvement du canal de Zelzaete pouvaient faire le malheur de la Flandre orientale. Je vais vous prouver que si le retard qu'on veut apporter à l'achèvement de ce canal ne peut pas faire le malheur de toute la Flandre orientale, il ferait le malheur de la contrée de cette province qui attend cet achèvement avec une juste impatience qui s'est manifesléc par les nombreuses pétitions que vous avez reçues.

Il y a dans le bassin du Braeckman, pour l'écoulement des eaux duquel la dernière section du canal de Zelzaete qui reste à exécuter est une nécessité ; il y a, dans cette contrée, 21,642 hectares de terres qui, par suite du non-achèvement du canal, sont sujettes à des inondations pernicieuses et, par conséquent, à de grandes pertes agricoles. Il y a, dans cette contrée, une population de 31,042 cultivateurs qui demandent que vous vous hâtiez de les soustraire à des pertes annuelles considérables.

Et, messieurs, non seulement il s'agit de mettre l'agriculture à l'abri de ces pertes considérables, mais il y a aussi dans la question du prompt achèvement de la quatrième section du canal de Zelzaete une question d'hygiène, d'intérêt de salubrité.

Vous avez porté dans la loi de 1851, 600 mille francs pour travaux hygiéniques ; je ne sais si ces 600 mille francs sont actuellement dépensés : mais je sais qu'il n'y a pas de travail hygiénique plus urgent que l'achèvement du canal de Zelzaete. Vous savez, messieurs, ce que c'est que la fièvre des polders, vous savez qu'elle décime les populations, qu'elle atteint les employés, les fonctionnaires de l'Etat qui sont obligés de résider dans ces polders et qui ne sont pas acclimatés.

Je tiens de divers médecins des localités que dans toute la contrée, dans tout le bassin du Zwyn, auquel l'exécution complète des trois premières sections du canal assure l'écoulement de ses eaux, cette fièvre des polders est aujourd'hui beaucoup moins intense, qu'elle y règne beaucoup moins qu'auparavant. Ainsi en achevant promptement la section du canal de Zelzaete qui reste à exécuter, vous ferez jouir de ce grand bienfait une population de 31 mille âmes. C'est là un motif qui fait voir au ministre des finances que toute année de retard dans cet achèvement est un malheur public.

Messieurs, il y a encore un autre grand danger qui réclame le prompt achèvement du canal de Zelzaete. La wateringue dite de l'Ecluse-Noire (vous savez qu'une wateringue est une association d'intéressés qui administre l'écoulement des eaux des polders qui leur appartiennent dans un intérêt commun), eh bien la watteringue de l'Ecluse-Noire qui comprend 5,000 à 6,000 hectares de polders, avait, avant notre révolution de 1830, l'écoulement de ses eaux par une écluse située sur le territoire hollandais près de la petite forteresss de Philippine.

Lors de notre révolution, les Hollandais ont mis cette forteresse en état de défense ; non seulement ils ont tenu fermée l'écluse de cette wateringue, mais ils l'ont recouverte en amont et en aval de digues considérables, de sorte que cette écluse a été entièrement perdue pour nous.

Le gouvernement belge a cherché à y remédier en construisant une nouvelle écluse provisoire. Mais comme il était bien décidé à proposer à la législature l'exécution du canal de Zelzaete, les ingénieurs chargés de la construction de cette écluse ne l'ont construite qu'en bois. Ce qui n'assure l'écoulement de cette wateringue que d'une manière très précaire.

Je tiens de l'ingénieur même qui a dirigé cette construction que, lorsqu'il en a fait les projets, il n'avait assigné à cette écluse pas plus de 7 à 8 années de durée.

Aujourd'hui, vous devez comprendre que cette écluse se trouve dans un état qui inspire les plus grands inquiétudes. Si elle venait à manquer, savez-vous quel désastre en résulterait ? C'est que l'eau salée de la mer se répandrait immédiatement sur les 5 à 6 mille hectares qui composent la wateringue de l'Ecluse-Noire, et que ces 5 à 6 mille hectares seraient rendus stériles pour un très grand nombre d'années.

Je crois avoir démontré par ce que je viens de dire quelle urgence il y a d'achever promptement le canal de Zelzaete.

Je vais maintenant dire quelques mois du canal de Schipdonck.

Le canal de Schipdonck intéresse, réellement, quoi qu'on en ait dit, trois grandes provinces du royaume ; le Hainaut, et les deux Flandres.

Vous savez tous que l'Escaut, en Belgique, se divise en deux grandes sections, l'une appelée l'Escaut supérieur qui s'étend depuis la frontière française jusqu'à Gand, et l'autre appelée l'Escaut inférieur, qui s'étend depuis Gand jusqu'à Anvers. Eh bien, le parcours de l'Escaut supérieur sur notre territoire se divise ainsi ;

Dans le Hainaut, 47,842 mètres, c'est-à-dire 9 3/5 lieues environ ;

Dans la Flandre occidentale. 27,670 mètres, soit 5 1/2 lieues environ ;

Dans la Flandre orientale, 50,100 mètres, soit 10 lieues environ.

Ainsi le parcours total sur ses trois provinces est de 125,612 mètres, soit 25 lieues.

L'honorable M. Dumortier vous l'a dit avec raison, c'est l'Escaut supérieur qui est le plus sujet aujourd'hui aux grandes inondations désastreuses, qui affectent ces trois provinces. L'honorable M. Dumortier, vous l'a dit encore avec raison, c'est au grand élargissement de l'écluse d'Antoing à l'entrée sur notre territoire qu'on doit ces grandes inondations intempestives qui se produisent non seulement en hiver, mais aussi en été, au bout de deux ou trois fois 24 heures, parce que l'élargissement de l'écluse d'Antoing que nous avons accordé au gouvernement français (ce que nous n'aurions pas dû faire) nous amène, en deux ou trois fois 24 heures toutes les eaux du bassin de l'Escaut de France, et vous savez que, depuis une vingtaine d'années, on a exécuté en France de grands travaux d'assèchement ; des millions d'hectares de marais ont été asséchés ; les eaux des pluies ordinaires restant séjourner dans ces vastes marais, ne nous arrivaient que très lentement. Aujourd'hui que ces marais ont été asséchés, qu'on a exécuté de grands travaux de canalisation et des travaux de redressement à la partie française de l'Escaut et à ses affluents, il en résulte que les eaux nous arrivent avec une vitesse extraordinaire et par millions de mètres cubes à la fois.

Ainsi, quant à l'Escaut supérieur seul, vous voyez déjà, messieurs, que les trois provincs, le Hainaut, la Flandre occidentale et la Flandre orientale sont intéressées à ce qu'on puisse obtenir un écoulement mieux assuré de nos eaux à la mer.

Maintenant l'Escaut inférieur, c'est-à-dire l'Escaut depuis Gand jusqu'a Anvers, a un développement de 92,915 mètres, c'est-à-dire de 18 lieues et 3/5, et voulez-vous savoir quelle est la pente du lit du fleuve sur le parcours total de l'Escaut inférieur, c'est-à-dire sur un développement de 18 lieues et 3/5 ? La pente totale n'est que de 10 mètres, ce qui équivaut à 107 millionièmes de mètre par mètre. Vous voyez donc que c'est là une pente extrêmement insignifiante, et qu'elle doit vous prouver que l'écoulement de nos eaux de l'Escaut supérieur et de la Lys par l'Escaut inférieur est extrêmement précaire.

A Gand, à l'écluse de la Pêcherie, qui fait entrer un bras de la Lys dans l'Escaut, la tablette de cette écluse n'est qu'à 90 centimètres et le sol riverain qu'à 1 mètre 18 cent. au-dessus de la surface de l'eau à la marée haute à Anvers.

A Termonde, à la marée haute ordinaire, la surface de l'eau est seulement de 25 centimètres au dessous de la surface de l'eau à marée haute, à Anvers.

A Anvers, la différence entre la marée haute et la marée basse n'est que de 4 m. 30 ; et à Termonde de 2 m. 10.

L'Escaut inférieur, en partant de Gand, reçoit, avant d'arriver à Anvers, une très grande quantité de petits affluents, et il reçoit ensuite plusieurs affluents réellement considérables. Il reçoit à Termonde les eaux de la Dendre, qui lui amènent en même temps toutes les eaux de Leuze, Chièvres, Herchies, Alh, Lessinnes, Grammont, Ninove et Alost.

A Thielrode, il reçoit la Durme, qui lui donne beaucoup d'eau.

A Rupelmonde, il reçoit le Rupel, son plus grand affluent, qui lui amène toutes les eaux de la partie du bassin de l'Escaut, situé entre Boom, Oostmalle. Tamise, Lommel, Hasselt, Louvain, Nivelles, Houdeng et Bruxelles.

Dans cette partie du bassin de l'Escaut sont compris les Nèthes, la Dyle, le Demer, la Zwartebeke, la Mangelbeke, l'Herck, la Geete, la Velpe, la Lasne, le canal de Louvain, le Voer, la Senne, le canal de Bruxelles à Willebroek et une partie du canal de Charleroi.

L'arrivée de toutes ces eaux dans l'Escaut inférieur forme naturellement des barrages qui empêchent le prompt écoulement des eaux venant de Gand.

Vous voyez, messieurs, combien peu le bas Escaut peut servir à la fois à l'écoulement des grandes eaux de l'Escaut et à celui des grandes eaux de la Lys. Vous voyez combien il est nécessaire pour pouvoir faire arriver plus promptement les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut qu'on dérive les hautes eaux de la Lys vers la mer avant leur arrivée à Gand.

Messieurs, quel est maintenant le parcours de la Lys en Belgique ? Vous savez que c'est par le territoire de la Flandre occidentale que la Lys entre en Belgique. Eh bien ! la Lys, dans la Flandre occidentale, a un parcours de 65,513 mètres, tandis que son parcours dans la Flandre orientale est seulement de 36,207 mètres. Ainsi sur 101,000 mètres, il y en a 65,000 appartenant à la Flandre orientale et 36,000 seulement à la Flandre occidentale.

Vous voyez donc que la Flandre occidentale est tout au moins aussi intéressée que la Flandre orientale au canal de Schipdonck, qui doit déverser les eaux de la Lys à la mer avant leur arrivée dans le bassin de Gand.

La France, messieurs, n'a cessé de faire des instances aussi pour obtenir sur la Lys ce qu'elle avait obtenu sur l'Escaut. De grands travaux d'assèchement, de grands redressements, de grands travaux de canalisation ont été aussi exécutés en France, dans le bassin de la Lys. Aussi les terres françaises situées sur notre frontière se trouvent à chaque instant exposée à subir les mêmes calamités que nous avons à subir au haut Escaut en Belgique.

La France n'a cessé de demander l'élargissement du débouché de la Lys à Menin ; elle l'a demandé d'une manière très formelle sous mon ministère en 1842. Mais, instruit par l'exemple d'Antoing, j'ai cru de mon devoir de le refuser, et tous mes honorables successeurs ont agi de même.

Mais déjà à présent tons les riverains de la Lys, dans la Flandre (page 654) occidentale, se plaignenî, et avec raison, des inondations, des désastres qu'ils ont à subir, et si l'élargissement des écluses de Henin avait été accordée à la France, ces désastres seraient plus considérables encore que ceux que nous avons à déplorer sur le haut Escaut.

Encore une fois donc, vous le voyez, messieurs, il y a nécessité absolue, il y a urgence même à déverser les grandes eaux de la Lys à la mer. avant leur arrivée à Gand, afin que le bassin de Gand ne doive plus recevoir que les eaux de l'Escaut, et que l'on puisse exécuter sur le haut Escaut des redressements et d'autres travaux qui permettent de faire arriver plus promptemrnt las eaux dans l'Escaut inférieur. Celui-ci, dégagé des eaux de la Lys, pourra mieux conduire alors les grandes eaux du haut Escaut à la mer ou à Anvers.

Messieurs, au sujet du canal de Schipdonck on a soulevé une question de tracé.

Quant à moi, messieurs, je crois que les questions de tracé sont tout a fait du domaine du pouvoir exécutif. Je crois que nous n'avons pas à nous occuper de ces questions, qu'il serait même impossible que nous pussions nous entendre sur des points semblables, parce qu'il y aurait dans la chambre des tiraillements tels, que l'on ne saurait plus à qui s'entendre ni quoi décider. Je ne dirai donc qu'un mot à cet égard.

Les plaintes qu'ont fait entendre à ce sujet d'honorables membres de la Flandre occidentale me paraissent se réduire à ce que, selon eux, le point d'arrivée dn canal de Schipdonck à la mer a été mal choisi. Messieurs, je crois pouvoir prouver que ce point a été bien choisi, et que ce n'est pas l'ingénieur de la Flandre orientale qui l'a indiqué, mais l'ingénieur de la Flandre occidentale.

Les projets du canal de Zelzaete ont été faits par l'ingénieur en chef de la Flandre occidentale ; non pas par l’ingénieur actuel, mais par son prédécesseur M. Debrock, qui connaissait parfaitement toute notre côté maritime, qui la possédait, su je puis me servir de cette expression, sur le bout des doigts ; car il a été employé dans la Flandre occidentale depuis se spremiers pas dans la carrière jusqu’à sa mort.

Messieurs, quand il s'agit d'un canal d'écoulement, comment faut-il choisir le point de l’embouchire à la mer ? Il faut étudier la côte et choisir le point qui se trouve être le plus bas, parce que c’est le point le plus bas qui offre le plus de sûreté à l’écoulement. Aussi M. Debrock a-t-il choisi pour le canal de Zelzaete, le point de Heyst, parce qu’il avait reconnu depuis longtemps que ce point était le plus bas de la côté.

Quand l'ingénieur en chef de la Flandre orientale a eu à faire le projet du canal de Schipdonck, il était tout naturel qu'il prît pour point d'embouchure à la mer, le même point qu'avait choisi son collègue de la Flandre occidentale. (Interruption.)

On me dit que les eaux dans le canal de Schipdonck sont deux à trois mètres plus élevées que dans le canal de Zelzaete.

Certainement ; c'est, messieurs, la raison pour laquelle il faut deux canaux ; c'est parce que le canal de Zelzaete doit conduire à la mer des eaux d'un niveau de 2 à 3 mètres plus bas que les eaux que doit conduire le canal de Sehipdonck, qu'il faut deux canaux. Mais il n'en est pas moins vrai que le principe est, que pour tout canal d'écoulement, soit qu'il conduise à la mer les eaux de terrains bas ou de terrains hauts, le point d'embouchure doit toujours être le point le plus bas de la côte. (Interruption.)

L'honorable M. Sinave dit qu'il n'est pas le plus bas. Eh bien, je puis dire que lorsque j'étais ministre des travaux publics, je fus appelé par le Roi à Ostende, que je me mis en rapport avec un capitaine hydrographe anglais qui avait reçu la mission d'explorer nos côtes, et que je tiens de lui que c'est Heyst qui est le point le plus bas de notre côte.

Pour moi, messieurs, le canal de Schipdonck est un travail de si haute utilité publique, de si grande nécessité, que je ne voudrais pas qu'il restât dans l'esprit des habitant de Bruges et de Blankenberghe le moindre grief contre l'exécution de ce canal.

Aussi, j'engagerai l'honorable ministre des travaux publics (et je crois que cela peut se faire sans trop retarder l'exécution des travaux) à écouter les observations que veulent lui faire les autorités de ces villes et les associations de wateringues. Je crois qu'il n'aura pas de peine à leur démontrer que c'est le point d'Heyst qui doit être choisi pour l'embouchure du canal de Schipdonck aussi bien qu'il l'a été pour l'embouchure du canal de Zelzaete ; mais, encore une fois, je voudrais qu'il les entendît parce que je voudrais qu'il ne restât dans l'esprit de personne la moindre objection contre l'exécution de ce travail d'utilité publique.

J'avais pensé, messieurs, pouvoir présenter un amendement au budget actuel, qui assurât la prompte exécution tant du canal de Zelzaete que du canal de Schipdonck, mais j'ai compris qu'il pourrait en résulter que l'économie du budget serait complètement bouleversée ; je crois donc devoir attendre. Si le gouvernement ne prend pas l'initiative, une autre occasion se présentera prochainement.

M. le ministre des finances, indépendamment de la fin de non-recevoir qu'il a prétendu fonder sur l’article 115 de la Constitution, nous a opposé un auire fin de non-recevoir qu'il a voulu appuyer sur ce que sera, suivant lui, la situation financière en 1853. Quant à ce que sera la situation financière en 1853, je crois que M. le ministre des finances est le seul juge compétent pour en décider ; je crois que, dans son for intérieur, sans même nous donner d'explications à cet egard, il est appelé à prononcer sur ce point. Mais, messieurs, dans la séance du 25 janvier dernier, MM. les ministres des finances et des travaux publics nous ont présenté la demande d'un crédit spécial de 4,880,000 francs pour le chemin de fer et à couvrir par des bons du trésor au lieu d'être imputé par fractions sur les budgets successifs.

Eh bien, messieurs, je dois en conclure que MM. les ministres des finances et des travaux publics ne considèrent pas ce crédit de 4,880,000 francs comme de nature à grever la situation financière en 1853. La discussion de ce crédit étant prochaine, je les adjure de vouloir nous présenter en même temps une proposition pour l'achèvement des canaux de Zelzaete et de Schipdonck. S'ils ne le faisaient pas, je les préviens dés à présent que je proposerai un amendement dans ce sens.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Osy. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à l'établissement d'une légation à Saint-Pétersbourg. Je demanderai, d'accord avec M. le ministre des affaires étrangères, que ce projet soit mis à l'ordre du jour après le budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.

Le rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées, bâtiments civils, etc.

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Discussion générale

M. Manilius. - Messieurs, après le discours que vous venez d'entendre et celui de l'honorable député de Roulers, qui a parlé hier sur la même matière, il me reste fort peu de chose à dire sur la nécessité extrême, sur l'urgence d'activer les travaux ayant pour objet d'évacuer les eaux surabondantes du bassin de Gand. Revenir sur tous les détails de cette nécessité, deviendrait fastidieux, et je me borne à engager la chambre à se rappeler les recommandations faites dans nos discours précédents, et qui ont déjà été agréées en partie par le gouvernement. Oui, il y a nécessité de presser l'ouverture de nouvelles saignées directes sur la mer. Je me borne à cela.

Je pense que le gouvernement a parfaitement étudié l'affaire, et que tout obstacle doit venir échouer devant les longues études et les parfaites démonstrations dont elle a été l'objet, même de la part d'honorables membles qui s'étaient opposés pendant très longtemps à l'exécution des travaux dont il s'agit.

Au commencement de la séance, l'honorable ministre des finances a développé un amendement qu'il a déposé de concert avec son collègue l'honorable ministre des travaux publics, député de Gand. Il s'agit, par cet amendement, d'en venir à un système tout à fait nouveau. Je ne l'appellerai pas inconstitutionnel, car si la chambre veut formuler en un seul article tous les articles du chapitre premier, section 3, la chambre en est libre constitutionnellement. La chambre peut réunir tout cela en un seul article et mettre un simple littera à chacune des sommes destinées à nos rivières et à nos canaux.

Mais, messieurs, le danger que j'y vois, c'est la facilité que vous accorderiez au gouvernement pour anéantir les succès qu'obtiennent les députés en faveur de leur district, dans la discussion du budget. Vous êtes témoins, messieurs, des grands efforts que chacun de nous doit faire aujourd'hui pour obtenir qu'une parcelle du budget soit appliquée aux besoins impérieux des canaux et rivières de sa localité et aux travaux à faire pour remédier aux énormes inondations dont nous avons a souffrir.

Si, à la suite d'un rapport favorable de la section centrale (ce que je ne prévois pas), vous étiez amenés à accorder un transfert pour tous ces articles, vous amèneriez nos vives instances, nos succès, à être complètement annulés.

Je vais m'explïquer.

L'amendement est fait dans des termes tellement mielleux qu'il pourrait nons surprendre. Il porte que des transferts sur les articles 9 à 41 ne pourront se faire que par arrêté royal ; c'est-à-dire que tous les transferts pourront se faire par les ministres.

M. le ministre des finances, qui a développé l'amendement, a pris encore cette fois son grand sérieux : il a dit qu'aucun transfert ne pourrait se faire qu'avec l'autorisation du Roi. Voilà donc la garantie : le Roi doit signer, c'est-à-dire que les ministres proposeront au Roi de signer ce qu'ils jugeront convenable, c'est-à-dire que le conseil des ministres fera tous les transferts, c'est-à-dire que le budget des travaux publics, à commencer à l’article 9 jusqu’à l’article 41, n'aura qu'un seul article. Cela revient à demander que ces divers articles soient convertis en litteras.

La question des litteras même a été pendant longtemps l'occasion d'une grande lutte dans la chambre, parce que depuis que je siège ici j'ai pu m'apercevoir que les litteras ne tendaient qu'à favoriser tous les articles qu'on parvenait à grouper en un seul.

Ainsi, tous les ilittera des articles qui en comportent ne sont que des développements pour la chambre, développements qui se traduisent en une satisfaction momentanée, mais qui le lendemain ne sont plus rien pour les ministres ; les ministres ont les coudées franches, et la cour des comptes n'a rien à y voir. Quand elle déclare que le crédit d'un littera est dépassé, le ministère objecte avec fondement que la Cour des comptes n'a rien à y voir, que son contrôle ne porte que sur l'article.

Eh bien, si vous adoptez l'amendement de M. le ministre des finances, vous aurez tous les inconvénients que présentent les articles subdivisés (page 655) en litteras. Pour mon compte, je ne puis pas me rallier à cet amendement.

Je dois cependant rendre hommage à M. le ministre des finances, qni l'a développé dans de bonnes intentions : il désire qu'il n'y ait pas de crédits supplémentaires aux allocations ordinaires du budget. Cependant il reconnaît que des cas fortuits ou de force majeure peuvent nécessiter des dépenses extraordinaires ; et aujourd'hui même il nous a fourni la preuve la plus frappante de cette nécessité ; il a déposé sur le bureau la demande d'un crédit de 65,000 fr., somme dont les non-valeurs sont surchargées au-delà de celle que nous avons accordée.

M. le ministre n'hésite pas à dire que le motif principal de ce crédit ce sont des calamités, ce sont de grandes averses, des orages, des inondations, oui des inondations.

Et c'est en présence d'un pareil état de choses, avoué par le ministère, puisqu'il demande un crédit supplémentaire, que nous avons à craindre qu'on ne se refusât à faire aux canaux, aux rivières, comprises dans un des articles, non seulement les travaux extraordinaires, mais même les travaux d'entretien !

En effet, avec le système préconisé par M. le ministre des finances, à savoir qu'on ne peut faire aucune dépense en dehors des voies et moyens, nous n'aurons plus de bon entretien dans le cas d'une calamité ; nous n'aurons plus les travaux extraordinaires qui sont prévus dans ces articles.

J'ai parcouru les divers articles ; ils contiennent les sommes nécessaires pour achever les travaux qui avaient été votés par la chambre, avec l'intention d'en voir l'exécution la plus prompte possible, au moyen d'une émission de bons du trésor. Cela se lit dans chacune des lois qui ont décrété des travaux publics et sanctionné par le pouvoir exécutif ; il n'y a pas un seul de ces travaux publics qui n'ait pour corollaire l'obligation de les faire au moyen d'un emprunt provisoire. Je défie le gouvernement de signaler une seule loi où cette précaution, sage du reste, n'a son caractère spécial de voies et moyens. Or, je le répète, si la chambre devait verser dans une pareille erreur, permettez-moi cette expression, on nous escamoterait tous nos efforts.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, je ne répondrai pas à ttut ce que l'honorable préopinant vient de dire. Je rappellerai seulement à la chambre que j'ai déclaré moi-même que le cabinet tient peu à la proposition ; je suis même disposé à la retirer, si la section centrale ne s'y montre pas favorable.

J'ai posé une espèce de dilemme à la chambre ; j'ai dit : « Attendez-vous à ce que les crédits supplémentaires qui, chaque année, sont demandés à ce chapitre, se renouvellent dans l'avenir, à moins que vous n'adoptiez une disposition du genre de celle que je propose. » Maintenant si la chambre aime mieux que des crédits supplémentaires soient demandés comme par le passé, que la section centrale le dise, et je retirerai la proposition.

Quant au fond, la crainte qu'éprouve l'honorable préopinant, c'est qu'au moyen de ces transferts, on pourrait priver l'une ou l'autre rivière des fonds qui lui sont destinés. Ainsi supposons qu'on affecte 10,000 fr. à la Lys et 20,000 fr. à l'Escaut ; si, par suite d'événements de force majeure, l'Escaut exige 25,000 fr., on pourra ôter 5,000 fr. à la Lys. Voilà ce que craint l'honorable M. Manilius. Mais il n'en est rien.

Il faudra que tous les travaux à la Lys soient exécutés, pour que l'on puisse transférer à l'Escaut, s'il y a lieu, une partie du crédit affecté à la Lys.

On ferait ainsi, pour les rivières et canaux, ce qui se présente pour les routes. Pour les routes, la chambre va beaucoup plus loin ; elle met à la disposition du gouvernement une somme globale.

Je le répète, le cabinet ne fait pas de cela une grosse affaire ; seulement il tient à honneur de dire qu'il fera tous ses efforts pour qu'il n'y ait pas de crédils supplémentaires à demander ; mais il ajoute qu'à moins d'une disposition analogue à celle que j'ai déposée sur le bureau, il faut s'attendre à des crédits supplémentaires sur le chapitre en discussion comme les années précédentes.

M. Delehaye. - Messieurs, la première impression qu'a faite sur moi la lecture de la proposition de M. le ministre des finances, est semblable à celle qu'a éprouvée mon honorable ami, M. Manilius. Cependant la proposition ayant été renvoyée à l'examen de la section centrale, je ne m'en occuperai pas pour le moment.

Dans la séance d'hier, vous avez entendu un honorable député de Roulers exposer avec une grande lucidité les causes des inondations qui désolent les Flandres. L'honorable membre traite depuis longtemps cette question et pourtant jamais il n'avait produit sur moi l'émotion que j'ai éprouvée hier ; a-t-il modifié son opinion ou s'est-il exprimé de manière à ce que j'ai mieux saisi sa pensée ? Toujours est-il que nous nous rapprochons aujourd'hui l'un de l'autre.

Je suis convaincu que si l'honorable membre s'était donné la peine d'examiner les lieux par lui-même, il partagerait notre opinion.

Il vous a parlé de l'écluse de la porte St-Liévin destinée à donner passage aux eaux du haut Escaut ; mais il ne vous a pas dit qu'indépendamment de cette écluse, il y en a d'autres qui donnent également passage aux mêmes eaux ; il y a l'écluse des Cinq Vannes et celle du Moulin à eau. Je ferai observer que l'obstacle à l'écoulement des eaux du haut Escaut ne provient pas des travaux d'art qui existent à Gand, mais du barrage que les eaux de là Lys opposent à cet écoulement ; ces eaux constituent le véritable obstacle, le barrage principal qu'il s'agit d'enlever.

M. Dumortier. - Non ! non !

M. Delehaye. - Je vais vous en convaincre. L'honorable M. Dumortier sait, comme moi, que les eaux de la Lys et celles du haut Escaut se réunissent pour se jeter dans le bas Escaut à la porte de Bruxelles à Gand. Ces deux grandes rivières n'ont qu'une seule issue, c'est le bas Escaut.

Faites, comme dit l'honorable membre, une coupure en amont de Gand.

Ces eaux, ainsi détournées, iront se perdre dans le bas Escaut, où elles rencontreront également les eaux de la Lys. Vous ne ferez donc que déplacer ce premier barrage, auquel vous ne sauriez échapper que par la dérivation des eaux de la Lys. Sans cette dérivation, le bas Escaut étant impuissant à répondre au double écoulement, celui de la Lys et celui du haut Escaut, vous ne déplaceriez que les inondations, sans même que vous les supprimiez complètement à Tournai, à Audenarde, en amont de Gand.

Par la dérivation, au contraire, vous enlèverez les eaux de la Lys qui se déversent dans le bas Escaut, et si alors, contrairement à toutes nos prévisions, les inondations continuaient, vous proposerez alors tels travaux en amont ou en aval qui seront jugés nécessaires ; et si le passage à la porte Saint-Lievin était insuffisant, soyes persuadés que nous non empresserions de l'élargir.

Tout autant que qui que ce soit, nous voulons donner passage ani eaux du fleuve ; indépendamment du dommage que les inondations causent à l'agriculture, elles paralysent le commerce, arrêtent le travail, entravent la navigation.

En effet l'honorable membre n'a parlé que des dommages que les inondations causent à l'agriculture. Mais ne doit-il pas tenir compte des pertes que je viens de lui signaler ? Que dit la pétition de Gand ? Que les inondations, nuisibles aux prairies quand elles se présentent en été, le sont toujours à quelque époque qu'elles aient lieu, au commerce et à l'industrie ; du moment qu'il y a inondation la navigation est immédiatement suspendue, des centaines de navires venant de Tournai, s'arrêtent dans le fleuve, comme le dit la pétition du conseil communal de Gand.

Ainsi, messieurs, les pertes subies par le commerce et l'industrie sont incalculables, les usines sont obligées de stater, le travail manuel est complètement interrompu.

L'honorable M. Dumortier vous a entretenus des conséquences fâcheuses de l'élargissement de l'écluse d'Antoing. Pourquoi a-t-on élargi cette écluse ? Pour maintenir nos relations de bonne amitié avec la France. Alors comme aujourd'hui, comme à toute époque, la Belgique a besoin de vivre en bonne harmonie avec la France.

En 1834 ou 1835, à la demande du gouvernement français, pour faciliter le cours des eaux de la France, vous avez élargi les écluses d'Antoing. Quelle en a été la conséquence immédiate ? De déverser une plus grande quantité d'eau, et cela en moins de temps, dans la vallée du l'Escaut et d'y causer des inondations.

Mais faut-il que les dommages résultant d'un acte politique auquel le pays s'est soumis, que nous, Flamands, nous habitants du Hainaut, les supportions seuls ? Ne faut-il pas, avant de nous envoyer vos eaux, qu'on nous donne les moyens de les écouler. Ici, messieurs, je suis naturellement amené à exprimer mon opinion sur ce que doivent coûter les travaux à exécuter

Nous ne vous demandons pas de sacrifices nouveaux, des dépenses nouvelles ; nous demandons seulement l'exécution des travaux que vous avez décrétés.

Pour l'exécution de certains travaux infiniment moins utiles, moins légitimes, le gouvernement demande l'autorisation d'émettre 4 millions de bons du trésor ; qui empêchait le gouvernement d'émettre aussi des bons du trésor pour les 2,500,000 fr. nécessaires pour l'achèvement da canal de Schipdonck ?

J'appelle surtout l'attention de M. le ministre sur ce point. Que demandons-nous ? Que vous émettiez des bons du trésor jusqu'à concurrence de 2,500,000 fr. comme vous voulez le faire pour des travaux infiniment moins importants et surtout bien moins urgents ; il s'agit en effet de sauvegarder la fortune publique, de nous soustraire à ce terrible fléau des inondations.

L'émission de bons du trésor ne vous impose pas un grand sacrifice. Il ne s'agit donc pas d'un emprunt, c'est là un subterfuge qui ne nous trompera pas.

Avec l'émission de bons du trésor pour 2,500,000 fr., vous achevés tout le canal et vous-même vous vous assurez par là contre tous les dégâts que les inondations apportent à vos fleuves, à vos canaux.

C'est à vous de réparer les éboulements occasionnés au canal de Terneuzen, éboulements qui entraîneront une dépense de 50,000 francs ; vous aurez à subir la perte des contributions qui pèsent sur les propriétés inondées et, comme vous l'avez fait au commencement de la séance, force vous sera de demander des crédits supplémentaires pour des non-valeurs, par suite de perte de récoltes. Réunissez tons ces sacrifices, ils dépasseront de bien loin les sommes destinées à servir les bons du trésor.

J'estime donc, messieurs, qu'avec un léger sacrifice de quelques milliers de francs, le gouvernement sera mis à même de nous soustraire complètement aux inondations qui nous ruinent, qui altèrent la santé publique. D'ailleurs, messieurs, veuillez remarquer que vous avez reconnu la légitimité de nos demandes, puisque vous avez décrété les (page 656) travaux. Mettez donc la main à l'œuvre, faites cesser ces inondations qui enlèvent encore au gouvernement une partie de ses ressources.

M. le ministre, dans la séance du 3 février, m'a reproché de l'avoir accusé de n'avoir pas de sympathie pour les Flandres. Ce que j'ai dit, c'est qu'il avait mis une grande célérité pour l'exécution des travaux à la Meuse et une grande apathie en ce qui concerne les travaux des Flandres. Me sùîs-je trompé ? La pétition du conseil communal de Gand en fait foi, je n'ai été que le pâle écho de la clameur publique.

Dans les Flandres il n'y a qu'un seul désir, c'est de se soustraire aux inondations périodiques qui les désolent. Si l'on refuse de faire droit à notre demande, je me trouverai dans l'impossibilité de donner mon vote à tout travail qui n'aura pas un caractère d'urgence incontestable, tant que vous n'aurez pas achevé les travaux commencés dans les Flandres. Tout est prêt maintenant pour le grand travail vers Heyst, pourquoi ne pas mettre la main à l'œuvre ? Avec un peu de célérité, tout peut être terminé avant la fin de l'année.

Mais si au contraire on ne commence que l'année prochaine, il faudra tenir compte des événements, on sera exposé encore aux inondations et à toutes leurs conséquences plusieurs années peut-être.

J'en viens à un autre objet.

J'appelle l'attention du gouvernement sur un fait qui a été une grande cause de retard dans l'achèvement de la section terminée du canal de Schipdonck : cette partie a subi aussi des phases diverses, des retards calculés ; voici ce qui s'est fait lors des adjudications.

Lorsqu'il s'est agi de mettre en adjudication les travaux d'une partie de ce canal, au lieu d'approuver les soumissions immédiatement après l'adjudication, on laisse passer beaucoup de temps et l'on perd ainsi toute une campagne. Souvent une adjudication faite au mois de mars n'a été approuvée qu'au mois de juillet, et ainsi toute une campagne a été perdue. J'ai été surpris de voir que l'on commençât les travaux auisi tard.

Si donc le gouvernement veut achever la partie restante du canal de Schipdonck, qu'il fasse approuver immédiatement les soumissions afin que les entrepreneurs puissent mettre sans retard la main à l'œuvre. De cette manière les travaux se feront avec moins de peine et beaucoup plus vite, et il en coûtera moins de frais.

J'abandonne la thèse du canal de Schipdonck qui a été suffisamment développée par mes honorables amis. Permettez-moi de vous dire un mot des propositions qui ont été développées par plusieurs de nos honorables collègues. Je ne réclame plus qu'un moment d'attention.

J'appuie la proposition qui a été faite, tendant à la reprise de l'Yser par l'Etat. Je connais le régime auquel on veut mettre un terme par cette proposition. En y donnant mon adhésion, en me joignant en cette circonstance à mes collègues de la Flandre occidentale, je veux concourir au bien-être général ; je veux que dans ce but les deux Flandres se donnent la main ; car ne vous le dissimulez pas, si l'appui de la chambre a souvent fait défaut à nous seuls, députés des Flandres, c'est que nous avons été divisés.

Unissons-nous et nous serons forts. C'est surtout le cas de le dire ici. Je le répéterai à l'honorable membre qui est en ce moment à ma gauche (M. Sinave) à lui qui s'est si fortement élevé contre les travaux qui intéressent la Flandre orientale.

Mais croyez vous sérieusement que la ville de Gand s'oppose aux travaux qui intéressent la ville de Bruges ? Vous avez demandé l'approfondissement du canal de Bruges à Gand.

M. Sinave. - Simultanément.

M. le président. - M. Sinave, vous n'avez pas la parole.

M. Delehaye. - Vous avez demandé que les travaux s'exécutent simultanément. Eh bien, si les études sont faites, nous ne demandons pas mieux que de voir mettre la main à l'œuvre ; car si nous ne sommes peut-être pas complètement désintéressés, comme contribuables, nous le sommes entièrement au point de vue des intérêts de Gand relativement à ceux de Bruges : car je l'ai dit tantôt, si nous Flamands nous avons des griefs à faire valoir, si nous n'avons pas obtenu le redressement de ces griefs, c'est à nos divisions que nous devons nous en prendre.

Ainsi, que les honorables représentants de Bruges fassent des propositions favorables à leur province, bien loin de nous opposer à leur adoption, nous nous empresserons de les appuyer.

Soyez-en bien persuadés, messieurs, Gand comme ses députés applaudiront toujours à tout ce qui contribuera à la prospérité de Bruges et de la Flandre occidentale.

Un mot encore, messieurs, si le gouvernement cherche à ne pas froisser le caractère paisible de nos populations qui ont fait preuve de tant de dévouement, de tant d'abnégation, qui sont prêtes aux plus grands sacrifices par attachement à nos institutions, qu'il se hâte de faire droit a nos justes réclamations, qu'il profite du ralentissement que l'on remarque dans le travail.

Il n'y a pas tant de travaux dans les Flandres qu'il n'y ait encore bien des bras disponibles. Qu'on les occupe à ces travaux. Je suis convaincu que si l'honorable ministre des travaux publics y met un peu d'activité, un peu de ce zèle qu'on doit attendre d'un ministre député des Flandres, lorsqu'il s'agit de l'intérêl des Flandres, s'il demande aux chambres une émission de bons du trésor nécessaire, la chambre comprendra nos maux, elle y sympathisera et avant peu les travaux seront achevés.

Je ne puis cependant laisser passer les observations que vient de faire l'honorable M. Dumortier ; je lui ferai remarquer que ce n'est pas par des travaux exécutés à Gand qu'il faut chercher à remédier aux inondations du haut Escaut. Je rends justice aux appréciations de l'honorable membre, comme habitant de Tournai. Mais je connais les lieux ; j'y suis né ; j'y vis. Comme membre du conseil communal de Gand, je suis obligé, en exécution da mon mandat, de me rendre compte de la situation des lieux.

Eh bien, je le dis très haut, je n'admets pas ce moyen de mettre un terme aux inondations de l'Escaut. Je ne consens pas à perdre les uns dans le doute même que je sauverai les autres. Le grand obstacle à l'écoulement des eaux de l'Escaut, ce sont les eaux de la Lys. Je demanderai à l'honorable M. Dumortier deux secondes d'attention.

Comment cet honorable membre peut-il contester qu'un canal qui reçoit aujourd'hui les eaux de deux rivières ne doive offrir un moyen d'écoulement plus efficace, lorsqu'il n'aura plus à recevoir que les eaux d'une seule rivière ? Le canal qui reçoit aujourd'hui les eaux de la Lys et de l'Escaut n'aura plus à recevoir les eaux de la Lys.

Je suis convaincu qu'après y avoir réfléchi l'honorable membre sera de notre avis, et qu'il se joindra à nous pour demander le prompt achèvement des travaux.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne dirai qu'un mot : c'est pour répondre à un reproche de l'honorable M. De-lebaye.

Je ne puis empêcher que l'on m'accuse d'inertie ; mais ce que j'affirme, ce que j'ai le droit d'affirmer, c'est que l'accusation est mal fondée.

Je croyais, dans une autre séance, avoir démontré, par des extraits de la correspondance entre le département et l'ingénieur en chef de la Flandre orientale, que rien n'avait été négligé, de ma part, pour que les études fussent poursuivies avec toute l'activité désirable et que les travaux fussent adjugés au plus tôt.

Ce n'est pas ma faute si l'on n'a pas encore mis la main à l'œuvre, et je désirerais que quelqu'un pût me dire ce qu'il aurait fallu faire pour obtenir plus que je n'ai obtenu.

M. Delehaye (pour un fait personnel). - Remarquez que M. le ministre lui-même a justifié ce qui a été dit par le conseil communal. Les travaux préliminaires étaient achevés, et ce qui le prouve, c'est que M. le ministre des finances a déclaré qu'il avait refusé les fonds que lui avait demandés son collègue des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Pour le canal de Schipdonck.

M. Delehaye. - Nous nous plaignons également de l'inachèvement du canal de Zelzaete, non pas dans l'intérêt de Gand, mais dans l'intérêt général.

Pour le canal de Schipdonck les études sont faites, les fonds sont faits en majeure partie, les travaux vont être mis en adjudication ; vous l'avez dit vous-même.

Je n'ai pas voulu le moins du monde vous dire quelque chose de désagréable. Mais la chambre doit comprendre l'énergie de nos réclamations en présence des grandes calamités qui nous menacent, qui nous atteignent.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je tiens à préciser les faits, parce qu'ils sont dénaturés en dehors de cette enceinte.

J'ai eu l'occasion de dire que pour le canal de Zelzaete la situation est toute différente. Il s'agit d'une quatrième section pour laquelle les études sont achevées. J'ai demandé à mes collègues de mettre immédiatement à ma disposition les fonds nécessaires.

Quant au canal de Schipdonck, c'est tout différent ; les travaux ne sont pas mis en adjudication ; ce n'est pas parce que les fonds manquent, il y a 2,500,000 fr. mis à la disposition du gouvernement pour l'exécution de ces travaux ; c'est que je n'ai pas les projets définitifs et si je n'ai pas les projets définitifs, c'est que l'ingénieur en chef de la Flandre orientale ne me les a pas encore remis.

M. Lelièvre. - Il m'est impossible de ne pas soumettre à la chambre quelques observations sur le système présenté dans la séance d'hier relativement aux rivières non navigables et non flottables.

Que le gouvernement ait l'administration des rivières navigables on flottables, rien d'étonnant, puisque ces rivières sont des dépendances du domaine public, aux termes de l'article 538 du Code civil. Or, le domaine public tombe essentiellement sous l'administration de l'Etat (voir aussi loi du 22 novembre 1790, article 2). Ce principe a des conséquences importantes sanctionnées par la loi.

Les îles, îlots, atterrissements, qui se forment dans le lit de ces rivières, appartiennent à l'Etat (article 560 du Code civil).

Les rivières non navigables et non flottables sont régies par des principes entièrement différents.

Plusieurs auteurs soutiennent que leur lit appartient aux propriétaires riverains.

Ceux-ci sont propriétaires des îles et atterrissements qui s'y forment (article 561 du Code civil), ce qui prouve clairement qu'il ne s'agit plus du domaine public, comme relativement aux rivières navigables et flottables.

Aussi nulle disposition légale ne déclare que les rivières non navigables sont des dépendances du domaine public. Ce principe n'est décrété (page 657) qu'à l'égard des fleuves et rivières navigables. Or, il aurait été absurde d'énoncer dans l'article 538 du Code civil la disposition qu'il renferme, si toutes les rivières avaient fait partie du domaine public.

Mais l'ensemble de la législation démontre que le lit des rivières non navigables est considéré comme propriété privée, sauf toutefois certaines modifications à raison de la nature spéciale de cette propriété sui generis.

Un avis du conseil d'Etat, du 30 pluviôse an XIII, décrète que la pêche des rivières non navigables n'appartient pas aux communes, mais que c'est aux riverains à en jouir, parce que ces derniers sont exposés à tous les inconvénients attachés aux rivières non navigables, et que les lois et arrêtés les assujettissant au curage et à l'entretien de ces rivières, ceux qui supportent les charges doivent aussi recueillir le bénéfice.

On comprend dès lors que les rivières non navigables étant régies par un ordre de choses qui n'a rien de commun avec celui concernant les autres rivières, on ne peut incidemment et brusquement bouleverser la législation en cette matière, qui doit faire l'objet spécial des méditations du gouvernement, à qui je recommande la plus grande circonspection, afin de ne pas troubler les plus graves intérêts.

Il est essentiel que l'on présente à la législature un projet renfermant un système complet, coordonné avec la législation générale sur la matière ; mais il me paraît impossible d'accueillir des dispositions isolées qui ne sont pas en harmonie avec les principes généraux de notre droit civil.

M. Loos. - Je comprends la fatigue de la chambre ; je n'abuserai pas longtemps de ses moments.

J'avais demandé la parole pour appuyer l'amendement de l'honorable M. Vanden Branden de Reeth. Dans la séance d'hier, j'ai insisté en faveur d'une proposition qui avait pour but de réclamer le renvoi à la section centrale des seuls amendements relatifs à la Nèthe et à l'Yser. Je regrette qu'il n'ait pu être satisfait à ce désir et que nous n'ayons pas pu entendre aujourd'hui l'opinion de la section centrale sur ces deux propositions. En réalité, c'étaient les deux seules causes qui étaient ce qu'on appelle en état. Toutes les autres, dont on est venu surcharger la section centrale, n'avaient pas été étudiées, et leur production n'avait peut-être d'autre but que celui d'empêcher que la cause de la Nèthe et de l'Yser pût aboutir.

Je dois le regretter d'autant plus que, dans la séance d'hier, on est venu contester la jurisprudence d'après laquelle les rivières navigables et flottables étaient du domaine public. On est venu nous défier de citer des lois d'après lesquelles ces rivières auraient droit à réclamer leur administration par l'Etat.

On vient de faire justice de ces prétentions ; l'honorable M. Lelièvre vient de vous citer quelle a été, sous ce rapport, la jurisprudence constante dans notre pays comme dans les pays qui nous environnent, la France et les Pays-Bas.

Messieurs, si j'ai surtout désiré parler sur cette question, c'est que j'ai entendu l'honorable ministre des travaux publics prétendre que, par suite du vote qu'avait émis la chambre en 1851, lors de la loi sur les travaux publics, elle avait incontestablement reconnu qu'il n'y avait pas lieu pour l'Etat de reprendre l'administration de la Nèthe et de l'Yser.

J'avais l'honneur de faire partie de la section centrale, dans laquelle, d'après l'initiative d'un membre, des crédits ont été votés pour faire face -ux dépenses qu'exigeait l'entretien de la Nèthe, de l'Yser et de la Senne, et tous mes collègues attesteront avec moi qu'il n'a pas été un seul instant question de la reprise de res rivières par l'Etat. On a seulement voulu pourvoir à ce qui était extrêmement urgent. On savait que ces rivières produisaient de grands ravages, et en présence d'un grand nombre de travaux nouveaux de tout genre qui étaient proposés à la chambre, il a paru à ce membre de la section centrale qu'il fallait avant tout pourvoir à l'entretien des travaux existants. C'est sur cette observation que M. le ministre des travaux publics a consenti à ce qu'un crédit de 600,000 fr. fût proposé à la chambre.

Mais il n'a pas été le moins du monde question de la reprise de ces rivières par l'Etat.

La question n'a pas été soulevée ; la section centrale n'a pas eu à s'en occuper, et M. le ministre lui-même n'est pas venu demander quelle était l'opinion de la section centrale à cet égard. Evidemment, si la question avait été soulevée, je connais trop l'injustice qui existe aujourd'hui pour la Nèthe et pour l'Yser, pour que je n'eusse pas à l'instant même cherché à prouver qu'il était d'équité pour le pays de reprendre ces deux rivières.

En Effet, messieurs, dans quelle situation la province d'Anvers et la province de la Flandre occidentale se trouvent-elles vis-à-vis des autres provinces du pays en ce qui concerne les rivières ? Il est incontestable que ces deux cours d'eau se trouvent dans des conditions identiquement les mêmes que celles où se trouvaient le Demer, par exemple, la Petite-Nèthe qui a été reprise par l'Etat, et d'autres rivières situées dans les provinces de Liège et de Namur.

Or tout le pays contribue à l'entretien de ces rivières et pour la Nèthe et l'Yser, ce sont les provinces, les riverains qui doivent pourvoir à l'entretien, tandis que le pays entier profite de la navigation sur ces rivières comme sur la Meuse, sur l'Escaut. Cela est-il juste ? Cela est-il équitable ? N'y a-t-il pas là deux poids et deux mesures pour les diverses provinces du pays ? Messieurs, un pareil état de choses ne peut pas être maintenu, et je suis persuadé que lorsque M. le ministre des travaux publics se trouvera un peu dégagé de la multitude de demandes qui ont été produites dans la séance d'hier, il reconnaîtra, comme son prédécesseur, qu'il est juste, qu'il est équitable, qu'il est même de l'intérêt du pays d'agir à l'égard de la Nèthe et de l'Yser comme on a agi à l'égard de toutes les autres rivières navigables et flottables.

Messieurs, je disais que dans la section centrale de 1851, il n'avait nullement été question de la reprise de ces rivières par l'Etat et qu'on avait seulement reconnu la nécessité de venir en aide aux provinces pour pourvoir aux besoins urgents du moment. Ces besoins, messieurs, étaient alors bien constatés. Une quantité de pétitions venant de diverses localités parcourues par ces rivières, étaient arrivées à la chambre. M. le ministre, en consentant à porter devant vous le crédit de 600,000 fr. avait constaté lui-même la nécessité des travaux à faire.

Cependant, je dois le dire, malgré les nécessités reconnues, jusqu'à présent il n'a été fait aucun usage du crédit mis à la disposition de M. le ministre des travaux publics, c'est-à-dire que les provinces qui, momentanément du moins, croyaient pouvoir remédier aux inconvénients de la situation, sont encore aujourd'hui à attendre le subside qui leur a été voté par la loi de 1851.

Cela vous prouve une fois de plus que ce n'est pas par des subsides qu'il faut venir en aide aux provinces traversées par des rivières navigables ou flottables ; c'est par la sollicitude constante de l'Etat, c'est par ses agents qu'il faut pourvoir à l'administration de ces rivières comme vous avez pourvu à l'administration de celles qui se trouvent dans la même position. Aujourd'hui une session nous sépare déjà du vote de 1851, et rien n'a été fait.

Croyez-vous que le gouvernement eût pu rester dans l'inaction, s'il avait pris sur lui la responsabilité de l'entretien de ces rivières ? Evidemment non. Il est indispensable qu'il soit apporté un remède aux calamités qui ont signalé l'année 1851, qui se sont reproduites en 1852 et qui continueront à se reproduire, tant que l'état actuel des choses sera maintenu.

Messieurs, si l'on avait laissé la Nèthe dans la situation où elle existait depuis fort longtemps, nous aurions moins à nous plaindre que nous ne sommes en droit de le faire aujourd'hui. Mais on est venu aggraver, par des travaux exécutés aux frais de l'Etat, les servitudes naturelles du cours de la Nèthe. En effet, des travaux entrepris dans une autre province et qui contribuent en définitive à augmenter la richesse publique, ainsi les irrigations, le canal latéral à la Meuse, ces divers travaux sont venus aggraver la servitude imposée à la province d'Anvers.

L'honorable M. Verhaegen nous disait hier qu'il reconnaissait que la Senne n'est pas une rivière navigable et flottable, mais qu'à raison de l'aggravation de servitude, résultant de travaux exécutés par l'Etat, l'Etat était obligé de pourvoir à son entretien et de réparer les torts causés par les travaux qu'il a fait exécuter. Eh bien, messieurs, la rivière dont j'ai l'honneur de vous entretenir a également subi une aggravation de servitude comme celle qui, aux yeux de l'honorable M. Verhaegen, justifiait la reprise de la Senne par l'Etat. Je fais, messieurs, une très grande différence entre la rivière donl je parle et la Senne : la Senne a droit à des subsides, à raison du dommage causé par les travaux que l'Etat a fait exécuter, mais elle n'a droit qu'à cela. Pour nous, le droit de reprise par l'Etat résulte de la jurisprudence ancienne et de la règle suivie à l'égard de toutes les autres rivières navigables et flottables ; mais à cela, je le répète, vient se joindre encore le dommage que vous nous avez causé en effectuant des améliorations sur d'autres points.

Vous avez augmenté la richesse publique par les irrigations de la Campine, par l'établissement du canal latéral, mais les eaux qui ont servi à ces irrigations ne trouvent à se déverser que dans la Nèlhe, et viennent inonder les propriétés riveraines.

Messieurs, je n'imiterai pas l'honorable M. Delehaye ; je ne ferai pas appel à une coalition d'intérêts, mais je fais un appel à votre équité, à votre justice, et j'espère que la chambre reconnaîtra que ces sentiments plaident suffisamment en faveur de la cause que je défends, sans qu'il soit besoin de recourir à d'autres moyens pour la faire triompher.

M. le président. - Nous pourrions fixer maintenant l'heure de l'ouverture de la séance de demain.

M. Orban. - Il y a beaucoup de travaux dans les sections ; je pense qu'il conviendrait d'ouvrir la séance de demain à 2 heures.

- Cette proposition est adoptée.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne crois pas, messieurs, que ce soit le moment de discuter la question que vient de traiter l'honorable M. Loos ; cette discussion ne viendra à propos que quand la section centrale aura fait son rapport. Je n'ai demandé la parole que pour répondre à deux observations de l'honorable M. Loos.

L'honorable membre prétend d'abord que par la disposition de la loi sur les travaux publics, qui a accordé 600,000 fr. pour les Nèthes, l'Yser et la Senne, la question de principe n'a pas été tranchée, et que j'ai eu tort d'invoquer cette disposition pour démontrer que la question avait été résolue par la chambre. Je n'ai pas soutenu cela, messieurs, mais j'ai dit et j'ai eu raison de dire que la question avait été implicitement décidée. Voici, en effet, ce qui s'est passé :

Le gouvernement a proposé d'allouer pour la Grande Nèlhe, pour l'Yser et pour la Senne, un subside de 600,000 fr. Le rapport qui a été fait sur cette proposition porte ce qui suit :

« Ces rivières n'ont pas été reprises par l'Etat, mais des circonstances particulières ayant rendu les inondations qu'elles produisent, plus fréquentes et plus considérables, M. le ministre des travaux publics, tout (page 658) en déclarant que c'est aux provinces et aux communes de pourvoir aux nécessités… »

Ainsi, messiears, la réserve a été formelle de la part du gouvernement ; le gouvernement a reconnu la parfaite constitutionnalité de l'arrêté de 1819...

M. Loos. - La section centrale ne s'est pas prononcée.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La section centrale a consigné dans son rapport l'opinion du gouvernement, et elle n'a fait aucune espèce de réserve : il est évident que si elle avait trouvé que l'opinion du gouvernement ne fût pas conforme aux vrais principes, elle aurait eu soin de le déclarer.

Du reste, messieurs, cela ne préjuge pas la question de principe ; je veux seulement établir, qu'au point de vue de la légalité, de la constitutionnalité, j'étais parfaitement en droit de soutenir que l'Yser, les Nèthes et la Senne constituent une charge provinciale.

La deuxième observation que je voulais faire est celle-ci : L'honorable M. Loos dit que la preuve que le subside n'est pas suffisant, c'est que jusqu'à présent l'on n'a encore rien fait. Je répondrai à l'honorable membre que si l'on n'a rien fait jusqu'à présent, c'est parce que la députation permanente n'a pas voulu accepter, même transactionnellement, la proposition que je lui ai faite. J'ai adressé à la députation permanente d'Anvers l'offre d'un subside de 200,000 fr. pour l'amélioration de la Nèthe. La députation permanente voulait que la question de principe fût décidée, elle m'a répondu : Non, c'est vous, Etat, qui devez vous charger des travaux aux Nèthes....

M. Loos. - Vous vouliez que le principe fût décidé par l'acceptation des 200,000 francs.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Le principe n'avait pas besoin d'être décidé.

Maintenant, messieurs, on invoque une phrase d'une dépêche de l'honorable M. Rolin, portant qu'il y a de puissants motifs pour que les Nèthes soient reprises par l'Etat. Mais je suis prêt à reconnaître cela. Sans doute il y a de puissants motifs pour l'Etat, de reprendre les deux Nèthes, mais la question est toujours entière, de savoir si, en droit, l'Etat est tenu et si le moment est venu ; ainsi la question de principe et la question d'opportunité restent entières. Quant à l'équité, je suis prêt à reconnaître qu'elle existe et même, lorsque je discuterai le fond de la question, M. Loos verra que, sur certains points, je suis prêt à me mettre d'accord avec lui.

M. Rousselle. - Messieurs, je dois d'abord modifier l'amendement que, pris à l'improviste, j'ai hier déposé un peu précipitamment. Je le formule en ces termes :

« Art. 23 bis. Entretien et travaux d'amélioration aux rivières la Trouille et la Haine : fr. 30,000. »

Je dis que j'ai été pris à l'improviste, parce que je ne pouvais penser que puisque le gouvernement a mis à l'étude depuis 1848 la question des cours d'eau et que le moment ne peut être éloigné où nous recevrons une proposition générale, on voudrait partiellement par des allocations au budget trancher des questions d'une aussi haute importance, et dont tous les éléments d'appréciation nous manquent.

Après ce qu'ont dit deux honorables députés de Bruxelles dans la séance d'hier, je ne crois plus possible de nier la nécessité d'adopter, par une loi spéciale, des mesures qui, embrassant tout l'ensemble de nos rivières et cours d'eau, qu'ils servent à la navigation, à l'irrigation ou au dessèchement, fassent la juste part de chacun dans les charges d'amélioration et d'entretien, la part de l'Etat, comme celle des provinces, des communes, et autres intéressés.

Je n'ai pas, du reste, été peu surpris d'entendre citer le regrettable précédent de la reprise du canal de Mons à Condé par un amendement au budget, pour motiver d'autres mesures semblables en la forme sans doute, mais bien différentes quant au résultat pour la bourse des contribuables, que nous avons le devoir de défendre.

Après ces réflexions préliminaires, je passe à l'explication de mon amendement.

Je ne demande plus la reprise par l'Etat de l'administration des rivières la Trouille et la Haine puisque la loi du budget des voies et moyens de 1844 l'a déjà prononcée. Cette loi porte en effet :

« A partir du 1er janvier 1844, l'Etat reprend l'administration du canal de Mons à Condé, ainsi que celle de la Trouille et de la Haine. »

Je demande que l'Etat fasse ce à quoi il est tenu par une conséquence de la reprise dont il s’agit, reprise dont les produits sont assez considérables pour ne pas persister à laisser à la charge des communes et des propriétaires riverains les travaux de curage, d’entretien et d’amélioration de ces deux rivières.

Autrefois, messieurs, ces rivières étaient navigables ; elles ont cessé de l'être depuis la fin de 1814, date de l'ouverture du canal de Mons à Condé, creusé latéralement à leur cours.

Aujourd'hui, leurs eaux servent à alimenter le canal ; elles forment donc un accessoire de la voie navigable.

Il y a d'ailleurs un autre motif également puissant pour que l'Etat intervienne dans les dépenses d'entretien et d'amélioration de ces deux rivières, c'est le changement apporté à leur régime, tant par le creusement du canal et la construction de ses prises d'eau, que par l'établissement du chemin de fer, qui, ainsi que le canal, les traverse en plusieurs endroits, et qui à cause de l'insuffisance des débouchés qu'on a ménagés, forment barrage dans la vallée, et arrêtent l'écoulement des eaux, ce qui occasionne périodiquement des inondations considérables et désastreuses.

C'est à prévenir le retour de ces inondations qu'il importe de pourvoir, et jusqu'ici l'Etat s'est contenté d'encaisser les produits, sans se mettre en peine de remplir le devoir qui lui incombe en compensation.

Pour me résumer, messieurs, je dirai que les rivières de Trouille et de Haine font, pour la contrée qui m'a envoyé dans cette enceinte, la seule voie d'écoulement de ses eaux, comme le canal de Schipdonck est la voie d’écoulement des eaux du bassin de Gand, si vivement sollicitée par la Flandre orientale ; et puisque l’Etat n’hésitera pas à prendre toute la charge de ce dernier écoulement, j’espère qu’il n’hésitera pas davantage à prélever, sur le gros revenu que notre canal lui fournit, la dépense qui serait à faire dans le Hainaut pour empêcher les inondations dont nous avons à nous plaindre.

Messieurs, puisque j'ai la parole, je dirai un mot sur les questions qui ont été soulevées relativement à l'obligation de l'Etat, d'entretenir les rivières navigables.

Messieurs, je ne veux pas approfondir pour le moment cette question. Mais je dois dire qu'il y a une distinction à faire entre les rivières navigables. Les rivières navigables de leur propre fonds font toutes partie du domaine public, constituent toutes une charge pour l'Etat ; mais les rivières qui ne sont devenues navigables que par les ouvrages de main d'homme sont généralement à la charge de ceux qui ont entrepris ces travaux. Ce n'est pas, messieurs, que je veuille par là dire qu'il ne faudrait pas reprendre les rivières dont on nous a parlé tout à l'heure. Ce que je demande, c'est que la question soit mûrement examinée, qu'elle ne soit pas préjugée par un vote du budget, mais qu'elle fasse l'objet d'un examen spécial et d'une loi spéciale.

- L'amendement de M. Ch. Rousselle est appuyé ; la chambre le renvoie à la section centrale.

M. Magherman. - Messieurs, j'ai été péniblement affecté, dans la séance d'hier, en entendant d'honorables membres soutenir que les propositions relatives à l'Yser et à la Nèthe étaient seules sérieuses ; cela revenait à dire que les autres propositions, et entre autres celle que j'ai eu l'honneur de faire, ne l'étaient pas.

Messieurs, veuillez le croire, nous ne proposons ici que des choses sérieuses, c'est ainsi du moins que j'entends l'accomplissement de mon mandat.

Pour prouver, messieurs, que mon amendement au chapitre en discussion est sérieux, c'est que, nous, députés de la Flandre orientale, nous n'avons pas attendu le dépôt sur le bureau des amendements relatifs à l'Yser et à la Nèthe pour présenter notre proposition.

Voici ce que l'honorable M. Vander Donckt avait dit dans une séance précédente :

« A ce propos, je dois attirer l'attention du gouvernement sur ce qui s'est passé dans la Flandre orientale. A plusieurs reprises, le conseil provincial s'est adressé au gouvernement pour qu'il reprenne la Lieve et la Langeleede, que, par l'arrêté de 1819, l'Etat avait cédées à la province en même temps qu'il lui avait cédé l'administration de l'Escaut et de la Lys. Depuis 1830, l'Etat a repris l'administration de la Lys et de l'Escaut qui donnaient un bénéfice, tandis que la Lieve et la Langeleede étaient onéreuses, exigeaient une allocation annuelle au budget de la province. »

La Lieve est un canal navigable enclavé entre le canal de Gand et Bruges et celui de Schipdonck ; elle est en quelque sorte une dépendance de ce canal ; elle doit donc en suivre le sort. Quant à la Langeleede, c'est une dépendance du Moervaert ; elle est d'un intérêt international, puisqu'elle parcourt une partie du territoire belge et une partie du territoire hollandais.

Messieurs, en vertu d'un arrêté royal de 1819, les rivières et canaux de la Flandre ont été remis à l'administration provinciale ; la plupart de ces rivières et de ces canaux étaient une source de revenus pour la province ; depuis, l'Etat nous a repris l'administration de la Lys, de l'Escaut et des canaux qui procuraient des bénéfices à la province, et il a laissé à la province les deux canaux dont je viens de parler.

Je demande s'il est juste de ne reprendre que ce qui est avantageux, et de laisser à la province ce qui constitue pour elle une charge sans aucun bénéfice.

Le conseil provincial de la Flandre orientale n'a pas cesse de réclamer à cet égard. Voici ce qui a été décidé par ce conseil dans sa séance da du 16 juillet 1844 :

Je lis le procès-verbal de cette séance :

« 1° Insister auprès du gouvernement pour qu'il reprenne les rivières et les canaux, encore administrés par la province, en vertu de l'arrêté 17 décembre 1819 ;

« 2° Faire, à la prochaine session, un rapport sur le résultat de ses démarches ;

« 3° Dans la prévision de la reprise par l'Etat, ne renouveler que pour une année le bail de l'entretien des canaux. »

Eh bien, en vertu de cette décision, la députation permanente de la Flandre orientale a insisté, chaque année, auprès du département des travaux publics, pour la reprise par l'Etat de l'administration des canaux dont je viens de parler.

Je trouve encore une preuve de ce que j'avance, dans l'exposé de la province pour l'année 1849 ; j'y lis à la page 222 ce qui suit :

« Les canaux dont l'entretien incombe encore à la province, sont (page 659) ceux de la Lieve et de la Langeleede. On n'a pas cessé d'insister pour que l'Etat en reprenne l'administration, comme il a fait en ce qui concerne les autres canaux ; entre-temps cet entretien a été entrepris pour trois ans, à partir de 1849, pour la somme annuelle de 2,179 francs. »

Déduction faite des revenus, ce serait peut-être une charge annuelle de 1,200 à 1,500 francs, peut-être moins encore. Ce n'est pas beaucoup. C'est plutôt une affaire d'équité qu'une question d'argent. Il ne faut pas qu'on ne nous prenne que ce qui est avantageux pour ne nous laisser que ce qui est désavantageux ; il ne faut pas agir à l'égard de la Flandre orientale autrement qu'on n'a agi à l'égard des autres provinces. L'honorable M. de Naeyer a prouvé hier, pièces en mains, à quel degré la Flandre orientale était l'objet d'une injustice, en ce qui concerne la construction des routes. Faut-il qu'il en soit de même pour le régime des rivières et canaux ?

Messieurs, si j'ai pris la parole, c'est pour prouver que notre proposition est très sérieuses et j'espere qu'elle sera prise en considération par la chambre.

- L'amendement de M. Magherman et consorts est appuyé.

La chambre le renvoie à l'examen de la section centrale.

M. Vander Donckt. - Messieurs, l'honorable préopinant a singulièrement abrégé ma tâche. D'abord je dirai que j'ai entendu hier, avec un sentiment pénible, l'interruption de l'honorable M. de Decker pendant le discours de l'honorable M. Dumortier. L'honorable M. Dumortier a très bien expliqué l'affaire des inondations de l'Escaut. C'est certainement dans le bas Escaut que nous devons décharger les eaux surabondantes du haut Escaut. Il n'y a pas d'autre voie.

Je suis extrêmement peiné de la position qu'on a faite à la Flandre orientale. D'un côté, le gouvernement a fait des concessions à la France : ce qui a augmenté les inondations de l'Escaut ; alors que ces eaux nous arrivent aujourd'hui, comme j'ai eu l'honneur de le dire, en 6 heures au lieu de huit jours qu'elles mettaient autrefois, et que, d'un autre côté, nous rencontrons de l'opposition, quand il s'agit de nous débarrasser de nos inondations, soit de la part des représentants de la Flandre occidentale qui s'opposent au recreusement du canal de Bruges, soit de la part des représentants du district de Termonde qui aussi veulent s'opposer à ce que des moyens d'évacuation soient pratiqués sur la rivière.

Il est impossible que nous restions plus longtemps dans ce triste état. Il est possible qu'à l'époque où l'on a consenti à élargir les écluses à la frontière de France, il n'entrait pas dans les intentions du gouvernement de nous inonder, et qu'on se proposait de nous procurer des moyens d'évacuation pour les eaux dont on nous surchargeait ; il n'est pas moins vrai que, depuis que ces concessions ont eu lieu, nous nous trouvons dans une triste situation ; nous sommes ruinés par des inondations qui sont le fait du gouvernement, et, comme je l'ai dit dans une autre séance, un ancien ministre des travaux publics, M. Nothomb, a reconnu qu'il n'était pas juste qu'une localité souffrît par le fait d'un acte posé par le gouvernement dans l'intérêt du pays tout entier, dans l'intérêt des relations internationales, qu'il y avait solidarité entre toutes les provinces.

Je dirai encore un mot à propos du discours prononcé par M. Verhaegen dans la séance d'hier. Il a prétendu qu'aucune disposition législative ne faisait de distinction entre les cours d'eau, canaux, rivières, que tous devaient être administrés par l'Etat. L'honorable M. Lelièvre a parfaitement établi cette distinction. Je ne comprends pas comment l'honorable M. Verhaegen a pu avancer un pareil paradoxe. Il existe une distinction entre les cours d'eau navigables et flottables et ceux qui ne le sont pas ; aux termes de l'article 538 du Code civil, les premiers sont adminstrés par l'Etat, les autres sont régis par les provinces ou les communes ; s'il n'en était pas ainsi, il n’y aurait pas de motif pour qu'on ne demandât pas la reprise des petits fossés, des cours d'eaux, des aqueducs.

La plupart des provinces ont réglementé les cours d'eau non navigables. Il y a donc une différence à faire entre les cours d'eau navigables et flottables et ceux qui ne le sont pas. Je prierai la section centrale de faire un rapport sur les divers amendements qui ont été présentés hier et aujourd'hui, afin d'établir une bonne fois cette distinction. Je bornerai là, pour le moment, mes observations, me réservant de reprendre la parole, après le rapport de la section centrale.

M. de Muelenaere. - Je n'ai pas besoin d'appuyer les observations qui nous ont été présentées dans la séance d'hier par l'honorable M. Malou, en ce qui concerne l'Yser canalisé et les canaux de Plasschendaele à la frontière de France vers Dunkerque. L'honorable membre a établi d'une manière irréfragable combien sa proposition était juste et fondée. En effet, la reprise des canaux de Plasschendaele est une conséquence logique et en quelque sorte obligée de la reprise qui a déjà été faite par l'Etat des canaux de Gand à Bruges et de Bruges à Ostende.

Mes deux honorables amis et moi nous avons proposé par un sous-amendement de comprendre le Mandel dans cette reprise.

Le Mandel est une rivière qui, après avoir parcouru plusieurs communes de l'arrondissement judiciaire de Courtrai se jette dans la Lys en aval de Vive-Saint-Eloi.

Depuis Roulers jusqu'à l'embouchure, le développement de cette rivière est de 39,000 mètres. Sa pente est de dix mètres. Déjà en 1827 l'ingénieur Vanderkun, actuellement inspecteur divisionnaire du waterstaat en Hollande, a été chargé de faire un travail de recreusement et de canalisation du Mandel.

Les événements de la révolution n'ont pas permis de donner suite à ce projet, qui doit se trouver dans les archives du gouvernement ou de la direction des ponts et chaussées à Bruges.

En 1840, M. l'ingénieur du Treux a reçu la mission de réviser et de compléter, au besoin, le projet de M. Vanderkun.

La canalisation du Mandel eût été un grand travail. Mais outre qu'elle eût offert d'assez grandes difficultés d'exécution, je ne puis pas me dissimuler que cette canalisation, en la supposant praticable, n'aurait plus aujourd'hui le même degré d'importance, par la création de nouvelles routes et l'établissement des chemins de fer.

Nos prétentions aujourd'hui sont beaucoup plus modestes. Le Mandel cause chaque année des dégâts immenses aux terres riveraines. Les habitants de cette contrée vivent, pour ainsi dire, sous une menace incessante de ruine.

Eh bien ! ce que nous demandons, c'est que, au point de vue agricole et pour prévenir les désastres des inondations, le gouvernement prenne à sa charge les améliorations du Mandel, qu'il fasse au cours de cette rivière les rectifications nécessaires et qu'il élargisse convenablement les débouchés au passage des routes qui traversent la vallée.

Cette dépense serait peu considérable pour l'Etat. Je suis persuadé qu'elle n'atteindrait pas le chiffre de cent mille francs, en supposant même que l'on ne se bornât pas aux travaux nécesaires, mais qu'on fît tout ce qui peut être utile.

J'espère donc que la chambre fera un accueil favorable à notre proposition et que par là les calamités périodiques qui désolent la vallée du Mandel viendront à cesser.

M. David. - Messieurs, loin de chercher à entraver le gouvernement dans des dépenses nouvelles, vous savez que je les ai toujours combattues. Mais le budget est là pour tout le monde, et lorsque j'ai vu de tous les côtés de cette chambre surgir des demandes de reprise par l'Etat de certaines rivières, nous nous sommes dit, mon honorable ami M. Closset et moi, qu'il était de notre devoir et que nous étions dans notre droit de demander que l'Etat se chargeât de l'entretien et de l'amélioration des rivières de l'arrondissement de Verviers, qui, lui, n'a jamais rien demandé au gouvernement ; cette mesure est indispensable si l'on veut qu'elles restent à l'état de rivières.

Puisqu'il y a des doutes sur la question de savoir si la mesure de la reprise par l'Etat est applicable aux rivières qui ne sont ni navigables ni flottables, je commencerai par vous prouver que la Vesdre et l'Amblève sont des rivières navigables et flottables.

Au commencement du XVIIème siècle, la Vesdre était navigable jusque bien au-dessus de la pittoresque et célèbre ville de Limbourg. Je pourrais mettre sous vos yeux un livre très intéressant, imprimé en 1602, si je ne me trompe, où je vous ferais voir des gravures, très bien exécutées, qui représentent la rivière de Vesdre coulant au pied des fortifications de la ville de Limbourg avec des bateaux remorqués par deux chevaux. Cette ville est à 7 lieues à peu près de Chênée, endroit où la Vesdre se jette dans l'Ourthe.

Il y a à peu près 50 ans que la Vesdre était encore navigable jusqu'à Fraipont, ou, pour mieux vous désigner l'endroit, jusqu'à la station du chemin de fer de Nessonvaux. La Vesdre était, il y a un peu plus de 50 ans, navigable jusque-là. Maintenant elle l'est tout au plus jusqu'à Chaudfontaine.

Ce qui prouve que la Vesdre doit être rangée parmi les rivières navigables, ce sont les règlements nombreux sur les cours d'eau de la province de Liège, insérés dans l'ouvrage de M. Louvrex dont chacun de vous, messieurs, peut aisément prendre connaissance ; il se trouve dans toutes les bibliothèques.

Une autre preuve, c'est que nous ne pouvons établir sur la Vesdre un barrage pour nos usines, sans être assujettis par les arrêtés de concession de la députation permanente à y maintenir des pertuis de navigation.

Maintenant si vous voulez, je vous citerai, d'après l'exposé de la situation administrative de la province de Liège, les rivières navigables de cette province.

Les rivières navigables de cette province sont d'abord la Meuse, puis l'Ourthe, la Vesdre et l'Emblève.

Il y a quelques années, on a tâché de mettre en adjudication les péages sur l'Emblève ; il y a eu adjudication conditionnelle, un adjudicataire les a repris pour une somme de 600 francs, mais des difficultés se sont élevées.

Les bateliers ont prétendu que cette rivière ne pouvait être soumise à des droits de navigation, et la députation permanente n'a pas insisté, le bail a été résilié. Ceci date de 1850.

Vous le comprendrez, messieurs, je ne viens pas demander qu'on rende aujourd'hui la Vesdre navigable jusqu'à Limbourg, ville où pouvaient arriver précédemment les bateaux ; mais ce que je demande, c'est que le gouvernement qui a bouleversé le régime des eaux de la Vesdre par la construction d'une vingtaine de ponts pour l'établissement du chemin de fer et par d'autres travaux dont je parlerai tantôt, prenne à sa charge l'entretien et l'amélioration de cette rivière, et nous débarrasse des inondations qui, à tout moment, viennent ravager notre superbe et riche vallon.

Ces inondations, très fréquentes et toujours terribles, dévastent tout notre pays, même des propriétés appartenant à l'Etat. Vous vous rappelez qu'en 1850, vis-à-vis de la Rochelle, un grand viaduc et une assez (page 660) grande étendue du railway ont été enlevés, et plusieurs maisons ont été entraînées par les eaux débordées et furieuses.

En ce qui concerne l'agriculture, chaque inondation, et celles surtout qui nous arrivent au printemps, enlèvent tous les engrais déposés sur les prairies le long de la rivière. Ce n'est pas là le seul dommage qui en résulte pour les prairies et terres ; les inondations entraînent les engrais et les remplacent par des couches de gravier très profondes. Nous ne savons que faire de ces graviers, et très souvent les prairies restent improductives pendant plusieurs années, jusqu'à ce qu'on ait trouvé un endroit quelconque où l'on puisse déposer cette pierraille en la voiturant à grands frais.

Vous connaissez tous la beauté de la vallée de la Vesdre, et son importance sous le rapport de l'industrie ; vous savez combien d'usines à canons de fusil, de fabriques de draps, de fouleries, de filatures, de laminoirs, de martinets, etc. sont établis le long de la rivière. Toutes sont très souvent entravées soit par les inondations soit par le manque d'eau.

D'autres travaux encore, et ce sont ceux auxquels je faisais allusion tantôt, exécutés par le gouvernement, ont contribué à déranger le cours de la Vesdre. Afin d'améliorer la foret d'Hertogenwald, dont une grande partie est particulièrement marécageuse, on y a naturellement établi d'immenses, de grands et nombreux canaux d'assèchement.

Les eaux pluviales, anciennement, n'arrivaient que très lentement, et après avoir séjourné longtemps dans les bruyères, les mousses, les feuilles, les herbes et les sinuosités du sol de la forêt à la Vesdre, par une quantité de petits ruisseaux ; elles se précipitent maintenant toutes ensemble dans ces canaux qui de là les amènent brusquement et en un moment dans la Vesdre, et ravagent toute la vallée.

On voit quelquefois arriver un flux d'eau d'un mètre à un mètre et demi de hauteur emportant tout devant lui et recouvrant le lit de la rivière tout à fait sec et laissant partout apercevoir le gravier en avant de cette avalanche d'eau écumaute.

Vers 1812, sous l'empire de Napoléon Ier, déjà on avait reconnu toute la défectuosité de la rivière de la Vesdre, et l'on s'était déjà dit que les travaux exécutés pour l'amélioration de la forêt d'Hertogenwald belge et de la forêt d'Hertogenwald prussien, appartenant toutes deux à la France d'alors, avaient contribué à détruire pour ainsi dire le cours de la rivière.

Aussi à cette époque, fit-on des recherches, et l'on s'arrêta aux travaux que je vais avoir l'honneur de vous indiquer.

Tantôt je vous ai dit que souvent nous avons beaucoup trop d'eau, que nous souffrions des inondations et que peu d'heures après nous manquions d'eau.

Que voulait faire Napoléon ?

Pour éviter les inondations et ponr nous donner un certain volume d'eau pour nos usines, depuis Goë jusqu'à Chénée, il avait résolu d'établir des réservoirs de 300 à 400 hectares de superficie, dans les gorges des montagnes dans la forêt d'Hertogenwald. Les plans de ces travaux se retrouveraient peut-être dans les archives du gouvernement provincial de Liège ; ils ont existé à la préfecture de l'Ourthe.

De cette manière, lorsque de fortes pluies, lorsque des dégels subits seraient arrivés, les eaux auraient trouvé les réservoirs vides ; ceux-ci se seraient remplis, et au moins les inondations auraient été modifiées, auraient été amoindries. D'un autre côté, pendant l'été, lorsque nous manquons d'eau, et que le peu que nous en avons est altérée par tous les usages auxquels elle a servi dans nos fabriques, on nous en aurait laissé arriver un certain volume pour activer nos usines.

Voilà un travail quin je crois, ne coûterait pas infiniment d'argent, parce qu'il existe certaines vallées ou gorges profondes dans la forêt d'Hertogenwald, où les montagnes sont extrêmement rapprochées et où l'on pourrait très utilement et à peu de frais établir des barrages, qui, combinés avec des écluses, nous donneraient suffisamment d'eau pendant l'été, tandis que les inondations qui nous arrivent pendant l'hiver et dans les fortes pluies d'été, se trouveraient supprimées, au moins en très grande partie.

Ce que Napoléon le Grand n'a pas eu le temps d'achever, faisons-le, messieurs, et l'argent que je vous demande sera extrêmement bien employé.

Messieurs, j'en arrive à l'Emblève.

Je vous ai déjà prouvé que l'Emblève est aussi une rivière navigable. Cela est incontestable. Le batelage remonte encore aujourd'hui bien plus haut qu'Aywaille sur cette rivière.

Nous avons dans cette partie de l'Ardenne plusieurs routes qui viennent se bifurquer à Troisponts. L'une d'elles va vers Huy et dans diverses contrées du Condroz ; la deuxième se rend à Stavelot et Malmedy et une troisième se dirige vers Salm et l'intérieur du Luxembourg.

Il ne serait pas difficile, quant à l'Emblève, de la rendre navigable jusqu'à une distance beaucoup plus rapprochée de sa source. Si l'on pouvait se rapprocher de Troisponts, peut-être même y atteindre (et la distance d'Aywaille jusqu'à Troisponts est de quatre lieues à peu près, ce n'est pas immense), je crois que l'on rendrait un immense service à Stavelot et à toute cette partie de l'Ardenne qui n'a que des produits pondéreux impossibles ou au moins très difficiles à exporter par des routes dans un pays accidenté.

Tous ces produits pourraient se transporter par l'Emblève jusqu'à l'Ourthe et de l'Ourthe jusqu'à la Meuse, à peu de frais, ce qui rendrait de la vie et une certaine prospérité à Vielsalm, à Stavelot et à toute une contrée ardennaise mal partagée sous le rapport des moyens de transport à bon marché.

Voilà les développements que j'avais à donner à l'appui de mon amendement, ils vous prouveront combien ma proposition est digne de la sérieuse attention de la chambre, je n'ajouterai plus qu'un mot. Si la somme que j'ai l'honneur de demander cette année est accordée, ce ne sera qu'un premier à-compte. Car vous comprendrez que pour l'exécution des travaux de la nature de ceux que j'indique, il sera nécessaire de porter pendant quelques années encore des allocations au budget.

- L'amendement de M. David est appuyé et renvoyé à l'examen de la section centrale.

M. Dumortier. - Messieurs, je dois remercier mon honorable collègue M. Delehaye des paroles bienveillantes qu'il a prononcées tout à l'heure au sujet des observations que j'ai eu l'honneur de vous présenter hier. Nous sommes parfaitement d'accord sur ce point, qu'il est indispensable d'apporter un remède aux inondations de l'Escaut, d'autant plus, comme j'ai eu l'honneur de le prouver hier, que ces inondations sont le fait du gouvernement, sont le fait de la chambre qui a voté les fonds nécessaires pour l'élargissement de l'écluse d'Antoing. Puisque les désastres dont on se plaint avec tant de raison sont le fait des trois branches du pouvoir législatif, il est juste que les trois branches du pouvoir législatif y portent un remède.

C'est d'ailleurs, messieurs, ce qu'on a fait, en principe, dans la loi par laquelle a été voté un million et demi pour les travaux d'amélioration sur l'Escaut.

Encore une fois, messieurs, et je ne cesserai de le répéter, nous ne demandons rien qui puisse nuire aux autres. Mais nous demandons que les dommages que nous éprouvons viennent enfin à disparaître. Voilà dix ans que cette magnifique vallée de l'Escaut, qui a, en y comprenant les circuits, 25 à 30 lieues d'étendue sur une demi-lieue de largeur, est exposée chaque année à d'immenses débordements, est exposée à voir ses prairies perdues. Il faut que de pareils désastres, qui sont le fait du gouvernement, viennent enfin à disparaître. Cela est d'autant plus à désirer que la somme votée par la chambre dans la loi de décembre 1850 est bien plus que suffisante pour faire face aux nécessités. Il y a ici un chiffre voté.

Mon honorable collègue M. Magherman et moi n'avons fait qu'une seule chose, c'est de demander l'exécution de cette partie de la loi.

Sous ce rapport donc, nous sommes parfaitement d'accord avec mon honorable collègue et ami M. Delehaye. Mais il est un point sur lequel il m'est impossible d'être d'accord avec lui, c'est sur le point qui consiste à dire : laissez terminer les travaux du canal de Schipdonck et après cela nous nous occuperons de vous. Il est impossible que les riverains du haut Escaut acceptent cette proposition, et pour deux motifs.

Le premier, c'est que les fonds ont été votés par la chambre pour l'amélioration du cours de l'Escaut et qu'il n'est pas possible de remettre ces travaux ; que ce serait nous renvoyer en quelque sorte, je vous demande pardon de la comparaison, aux calendes grecques, que ce serait revenir sur un vote émis par la chambre et sur un vote auquel les honorables députés de Gand ont eux-mêmes donné leur sanction.

Il n'est pas possible, à moins qu'on ne nous propose de revenir sur le vote de la chambre et de retirer l'article, d'ajourner cette demande. J'ajouterai que cette demande est tout aussi sacrée que toutes les demandes que l'on peut faire en matière d'améliorations pour les voies navigables ; qu'elle est même beaucoup plus sacrée, puisque le mal est ici le fait du gouvernement, tandis qu'ailleurs le mal n'est pas le fait du gouvernement.

Si donc il est une dépense qui doit être effectuée la première, c'est celle qui est occasionnée par le fait du pouvoir, par le fait de nous-mêmes. Avant de songer à porter remède à des infortunes qui sont le fait de la nature, nous devons songer à soulager des infortunes qui sont le fait du gouvernement, le fait de la législature.

Mais, vous dit-on, les inondations de l'Escaut proviennent de ce que la Lys vient barrer l'Escaut. C'est là, messieurs, une complète inexactitude. Je sais que cela s'est souvent répété dans cette enceinte. Mais je demanderai de bonne foi à ceux qui partagent cette opinion de venir jeter les yeux sur la carte, publiée par le gouvernement, du cours des deux fleuves dans la ville de Gand. Tout homme qui jettera les yeux sur cette carte verra immédiatement que c'est là un argument qui ne mérite pas de réfutation sérieuse, qui ne devrait pas être présenté dans cette enceinte.

Messieurs, l'Escaut, à son entrée dans la ville de Gand, se divise en trois bras. De ces trois bras, un seul est en contact avec la Lys ; c'est celui qui passe à côté de la station du chemin de fer, à gauche, quand on etlre dans la ville. Celui-là seul se trouve en rapport avec la Lys à l'endroit du pont Madou.

Quant aux deux autres bras, ils vont du haut Escaut au bas Escaut sans aucune espèce de communication avec les eaux de la Lys ; leurs eaux ne se mêlent nullement à celles de la Lys.

Ainsi donc, dès maintenant il est démontré que si les eaux de la Lys peuvent occasionner préjudice, ce n'est qu'à un des bras de l'Escaut ; les deux autres conservent leur écoulement tout entier.

Je viens, messieurs, de vous parler du bras méridional de l'Escaut, de celui qui se dirige dans le voisinage de l'église Saint-Pierre, qui est à gauche de la station. Mais à droite de la station, vous avez deux autres bras. De ces deux bras, le plus extérieur est celui qui coule dans les anciennes fortifications de la ville de Gand. C'est celui dont nous (page 661) demandons l'élargissement, parce qu'il ne résultera de ce travail aucun préjudice pour personne, et que l'exécution en est excessivement facile.

Puis vient un autre bras intermédiaire aux deux autres, c'est le vieil Escaut, celui qui très anciennement était l'Escaut primitif, l'Escaut navigable. Ce bras est aujourd'hui réduit à l'état d'un petit ruisseau qui passe, au moyen d'un siphon, sous le chemin de fer. Il est remplacé, je le reconnais, par le bras qui passe dans les anciennes fortifications et dont je ne connais pas le nom. Mais j'ai plusieurs fois, et l'été dernier encore, parcouru, la carte en main, toutes les parties de l'Escaut et de la Lys dans la ville de Gand, pour pouvoir vérifier ce qui se passait. Eh bien, des trois bras de l'Escaut, je le répète, un seul est en contact avec les eaux de la Lys ; les deux autres n'ont aucun rapport avec cette rivière.

Ceci seul vous démontre combien il est inexact de dire que le canal de Schipdonck, qui coûtera 6 à 8 millions, apportera le moindre soulagement à l'Escaut. C'est abuser de la puissance de la parole que de soutenir une pareille thèse, et si vous vous souvenez de la pétition de la ville de Tournai, vous devez vous rappeler qu'elle a déclaré que c'était une dérision.

Maintenant, messieurs, il y a là un malaise ; voyons d'où il provient.

Il faut d'abord savoir que le niveau de la Lys est infiniment plus élevé que le niveau de l'Escaut et que son cours est beaucourp plus rapide. De Tournai à Gand l'Escaut a environ 25 lieues de parcours, et si ma mémoire n'est pas infidèle, il ne doit avoir que 25 pieds de pente ; c'est-à-dire que la pente est d'environ un pied par lieue.

Au-dessus de Tournai, au contraire, la pente est extrêmement rapide. Ainsi, de Tournai à Antoing, il n'y a qu'une distance d'une lieue et demie, et la pente y est égale à la moitié de toute celle qui existe entre Tournai et Gand. Quant à la Lys, son cours est infiniment plus rapide, et il va de soi que si l'on permet à la Lys de venir se déverser en ligne droite, non pas dans l'Escaut, mais dans un des bras de l'Escaut, on entravera la navigation. Pour obvier à cela, qu'avait-on fait anciennement ? (Interruption.) Les eaux ne se confondent nullement, et si vous voulez vous en convaincre, voici la carte, dressée par M. Wolters, où les eaux sont peintes de couleurs différentes. Elles ne se confondent en aucune manière.

Eh bien, messieurs, il y avait autrefois au pont Madou des écluses dont on se servait dans les grandes eaux pour empêcher l'écoulement de la Lys dans ce bras de l'Escaut. Qu'a-t-on fait de cette écluse ? On l'a enlevée. (Interruption.) Si elle existe, c'est qu'on l'a rétablie depuis très peu de temps.

Maintenant, messieurs, il demeure constant qu'il a là un abus, en ce qui concerne les vannes qui empêchaient la navigation de ce bras de l'Escaut ; mais encore une fois, les deux autres bras, c’est-à-dire le vieil Escaut et la partie de l’Escaut qui circule dans les fortifications, n’ont rien de commun avec les eaux de la Lys. Il y a sans doute un point de jonction générale, mais à l’intérieur de la ville de Gand, il n’y a pas d’autre point de jonction que celui dont je viens de parler, celui d’un pont Madou.

Mais, messieurs, ce bras méridional lui-même n'est pas navigable : on y a établi des moulins qui arrêtent l'eau et qui empêchent la navigation, de manière que les bateaux qui viennent dans l'Escaut doivent faire tout le parcours de la Lys.

Quant à la question des prairies, elle n'a aucune espèce de rapport avec celle dont il s'agit en ce moment, car vous auriez déversé la Lys tout entière dans la mer à Heyst, que vous n'auriez procuré aucun soulagement à l'Escaut lui-même ; vous n'auriez pas empêché que le travail intérieur à Gand ne suffit pas à l'écoulement des eaux, vous n'auriez pas empêché les écluses et les moulins, vous n'auriez pas empêché les 14 usines qui existent dans la ville le Gand, d'enlraver le cours du fleuve et la navigation.

Je ne demande pas qu'on détruise ces 14 usines, mais puisque vous voulez maintenir des moulins, qui sont des barrages, pourquoi donc vouloir ajourner indéfiniment des travaux destinés à remédier à l'état actuel des choses ?

On nous dit : quand le canal de Schipdonck sera terminé, nous penserons à vous. Mais quand donc le canal de Schipdonck sera-t-il terminé ? Les fonds ne sont pas votés pour le faire. Vous avez voté déjà 5 millions, mais il faut encore 2 millions et demi ou trois millions. Ainsi vous voulez ajourner une dépense votée par la chambre, vous voulez suspendre l'exécution d'un article d'une loi faite pour sauvegarder les intérêts de l'Escaut, jusqu'à ce que la chambre ait consenti à voter un nouveau crédit de 3 millions dans l'intérêt de la ville de Gand.

Oh ! si c'est ainsi qu'on l'entend, je n'ai pas assez de voix pour combattre un pareil système. C'est dire qu'avant de nous débarrasser des inondations que nous subissons par le fait du gouvernement, on voudrait nous forcer à voter encore trois millions alors que la dépense que nous demandons s'élève à peine à une couple de cent mille francs.

Je déclare pour mon compte qu'il n'est pas possible que M. le ministre des travaux publics prête l'oreille à ces paroles.

Le canal de Schipdonck se compose de 3 sections ; la première a été votée il y a quelques années ; elle est exécutée. La deuxième section, dont la dépense s'élève à 2 millions et demi a été votée par la loi de 1850. Quant à la troisième section le gouvernement n'a pas même encore présenté un projet de loi. Or, messieurs, venir empêcher l'exécution d'une loi, en attendant un projet de loi qui n'est pas encore présenté et qui peut même ne pas être adopté par la chambre, permettez-moi, messieurs, de le dire, cela n'est pas conforme à la justice. Des fonds sont alloués par la loi, affectation en a été faite à l'Escaut ; il n'appartient à personne d'arrêter l'exécution de la loi, on ne pourrait le faire que par un seul et unique moyen, ce serait de proposer le retrait du crédit alloué par la loi de 1850. Nous ne constituons pas à nous seuls le pouvoir législatif ; le pouvoir législatif s'exerce collectivement par la chambre des représentants, le sénat et le pouvoir royal ; la loi est l'œuvre de ces trois pouvoirs et il n'appartient pas à l'une des chambres d'en arrêter l'exécution.

De même que l'honorable député de Gand, je désire qu'on fasse emploi du crédit voté en 1850, je le désire comme tous les députés de la vallée de l'Escaut, bien que je sois aujourdhui député de Roulers, ce dont je suis très fier, je le désire comme habitant de Tournai et je soutiens que le gouvernement doit faire les travaux de l'Escaut tout aussi promptement que ceux du canal de Schipdonck.

J'ajouterai d'ailleurs que quand la ville de Gand se trouvera débarrassée des eaux de l'Escaut, elle aura d'autant plus de facilité pour écouler les eaux de la Lys.

Quant à ce qui concerne le canal de Schipdonck, je ne crois pas devoir m'arrêter ici à une observation qui a été faite, à savoir que ce canal sera utile à l'Escaut. Cela passe par trop les limites de ce qui est sensé. Je croirais abuser des moments de la chambre, en prétendant que pour prévenir, par exemple, les inondations de la Senne à Bruxelles, il faut dériver la Nèthe. L'argument tiré du canal de Schipdonck a absolument la même valeur. C'est dire qu'il n'y a là rien qui ressemble à la vérité, à quelque chose de sérieux.

J'engage la chambre à se défier des arguments de ce genre qu'on vient produire devant elle.

Je demanderai à l'honorable M. Verhaegen qui soutient avec raison ; la question de l'intervention de l'Etat dans l'administration de la Senne, s'il se déclarait bien satisfait, si on venait lui dire : « Vous vous débarrasserez des inondations de la Senne, en dérivant une partie des eaux du Demer. »

L'argument lui paraîtrait sans doute une dérision. Eh bien, c'est le même argument qu'on fait valoir, quand on nous parle du canal de Schipdonck pour soulager les inondations du haut Escaut.

Qu'on fasse cette dépense dans l'intérêt de la Lys, dans l'intérêt de la ville de Gand, je le conçois ; mais qu'on ne dise pas que cette dépense doit profiter à l'Escaut dont les douleurs sont si grandes. C'est insulter aux malheurs de l'Escaut.

Messieurs, laissons à chaque fleuve et à chaque rivière le soin de s'améliorer au moyen des fonds qui ont été votés ; mais, pour Dieu, ne détournons pas du cours de l'Escaut les sommes que la loi a également affectées à ce service.

On a voté un million et demi pour les inondations de l'Escaut ; je maintiens que les deux tiers de cette somme seront inutiles, si on fait un bon emploi du crédit ; si les fonds sont bien employés, non seulement les deux tiers en seront rendus inutiles, mais il y aura une amélioration considérable pour la ville de Gand et il n'y aura aucune espèce de préjudice pour le bas Escaut.

Je le répète, nous ne voulons pas qu'on enlève l'irrigation naturelle du fleuve à l'époque où cela pourrait être dangereux pour le bas Escaut ; ce que nous demandons seulement, c'est que vers la mi-avril, les eaux du haut Escaut puissent s'écouler ; alors, comme M. Wolters l'a établi, il y a dans le bas Escaut un vide de 1,200,000 mètres cubes ; nous demandons une petite place dans cet immense vide ; au moyen d'une dépense peu considérable, vous réparerez le grave préjudice que vous aves causé à de magnifiques prairies qui s'étendent sur un espace de 30 lieues.

M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, je n'entreprendrai pas une nouvelle réfutation du discours de l'honorable M. Dumortier. Cette réfutation a été faite de la manière la plus péremptoire en 1838, en 1846, en 1851 et dans nos précédentes séances.

Mais il y a un fait très essentiel que je tiens à constater, car l'honorable préopinant est tombé à cet égard dans une erreur profonde : lorsque la chambre a voté la grande loi des travaux publics, il a été parfaitement entendu qu'on ne mettrait la main aux travaux du haut Escaut qu'après que le canal de dérivation de la Lys aurait produit son effet sur le bassin de Gand. (Interruption.)

Je vais donner lecture de l'exposé des motifs :

« ... Cette opération préliminaire, c'est-à-dire l'abaissement des eaux d'inondation à Gand, est indispensable avant de toucher à l'Escaut supérieur, car, dans l'état actuel, toute la vallée, depuis la frontière de France jusqu'au-dessous de Wetteren, se trouve, dans les grandes crues de la rivière, dans une situation également calamiteuse : l'inondation exerce partout ses ravages, et l'on ne peut nulle part soulager une localité sans aggraver la position d'une autre. »

Ainsi, l'honerable M. Dumortier a beau nous dire qu'il ne veut pas déplacer la calamité, bon Dieu ! il nous arriverait ce qui est arrivé à Tournai, îpar l'élargissement de l'écluse d'Antoing : Tournai a été inondé.

L'honorable membre veut faire arriver une plus grande quantité d'eau à Audenarde, puis à Gand ; cela fait, il veut que nous déversions le trop plein sur Termonde. Mais vous avez entendu hier les énergiques réclamations de l'honorable M. de Decker, et l'honorable membre a eu raison. Remarquez que déjà le bas Escaut reste engorgé par l'action du flux de la mer, qui a lieu deux fois par jour. C'est précisément au point (page 661) où l’écoulement des eaux est ralenti que l'on songerait à faire arriver les eanx surabondantes du fleuve !

Lé système de l'honorable M. Dumorlier, système qu'il à toujours soutenu, je lui rends volontiers cet hommage, est entièrement opposé à celui dès ingénieurs de toutes les époques.

M. de Decker. - C'est de l'histoire maintenant.

M. T'Kint de Naeyer. - Il y a aux archives de l'Etat un mémoire très curieux, qui porte la date du 25 mai 1788. Ce mémoire est l'œuvre de l'ingénieur du Tournaisis, M. Mahieu. Il en résulte, qu'à cette époque, le bas Escaut était insuffisant pour donner une prompte décharge aux eaux supérieures. On reconnaissait déjà la nécessité de creuser un canal de dérivation.

En 1809, l'ingénieur en chef du département de l'Escaut, M. Bresson, mettait un avis analogue.

Vous voyez, messieurs, que la question n'est pas nouvelle, mais elle a grandi d'une manière effrayante. Les immenses travaux de canalisation et d'assèchement qui ont été effectués en France, l'élargissement de l'écluse d'Àntoing, ont multiplié les désastres.

Le problème à résoudre, c'était de trouver le moyen d'amener la surabondance d'eau, dont nous nous plaignons, depuis la frontière de France jusqu'à la mer, sans qu'aucun point intermédiaire puisse être inondé.

La commission instituée en 1841 pour rechercher les mesures à prendre pour remédier aux inondations de l'Escaut s'est prononcée en faveur du canal de dérivation de la Lys.

Le conseil des ponts et chaussées consulté à son tour émit le 15 janvier 1846 l'avis suivant :

« Le conseil pense qu'il y a lieu de faire droit aux observations consignées dans les 3ème et 6ème paragraphes du résumé de la commission et qu'il ne faut pas pousser plus avant sur l'Escaut et sur la Lys au-dessus de Gand les travaux propres à précipiter la marche des eaux vers cette ville aussi longtemps que l'on n'aura pas pourvu soit au prompt écoulement en aval, soit à leur dérivation en amont. L'évidence et la nécessité de cette mesure est frappante et dispense d'entrer dans aucun développement. »

Messieurs, il me semble que le simple bon sens fait comprendre la question. Comment voulez-vous, je le demande, soulager le haut Escaut sans inonder Gand, si vous n'avez pas créé en aval un débouché nouveau ?

L'honorable M. Dumortier nous dit : « Vous aurez beau débarrasser l'Escaut des eaux de la Lys, cela ne nous fera rien. » Mais, messieurs, remarquez bien que par la construction du canal de dérivation de la Lys vers la mer du Nord, l'affluent que fournit cette rivière à l'Escaut dans la ville de Gand sera diminué des deux tiers, et par suite tout le bas Escaut restera désormais disponible pour recevoir les eaux du haut Escaut.

Le niveau de Gand pourra être tenu assez bas pour conserver en tout temps une grande pente de l'amont. En enlevant à l'Escaut un quart ou un tiers du volume d'eau qu'il doit recevoir actuellement, on y ménage an vide qui augmente considérablement la facilité d'abaisser notre bassin.

Avant de précipiter les eaux vers Gand, donnez-nous les moyens de les diriger vers la mer. Sans cela, il n'y aura, je le répète, qu'un déplacement de calamités. Les inondations augmenteront daus la même proportion qu'on les diminuera pour les prairies de Tournai et d'Audenarde. Dans les temps critiques nous aurons de l'eau jusqu'au premier étage de nos maisons.

Je crains vraiment d'abuser de la patience de la chambre ; s'il vous reste des doutes, messieurs, je vous engage à parcourir les nombreux documents qui ont été publiés sur la question.

Il suffit de jeter les yeux sur les plans qui ont été dressés pour vous convaincre de l'exactitude des faits que j'avance.

Nos honorables collègues du Hainaut ont tous intérêt à se joindre à nous pour réclamer le prompt achèvement du canal de Schipdonck vers Heyst. C'est la base des modifications que l'on pourra utilement entreprendre sur le haut Escaut.

Je me joins à l'honorable M. Dumortier pour demander que les plans soient soumis à un examen approfondi.

Je suis heureux de pouvoir lui dire que la loi du 18 juin 1846 a donné une garantie formelle à cet égard ; le paragraphe 8 de l'article premier porte que le gouvernement ne pourra établir de nouvelles écluses sur l'Escaut qu'après avoir entendu les administrations communales de Tournai et d'Audenarde.

Je crois avoir démontré, messieurs, qu'à moins de plaider contre ses propres intérêts, le Hainaut doit demander avec nous le prompt achèvement du canal de Schipdonck. En faisant droit aux réclamations de trois prorinces importantes, le gouvernement posera un acte de justice, un acte de sage et prévoyante administration. Qu'il ne se retranche pas derrière la question financière, il s'agit d’une dépense une fois faite, d'une dépense qui épargnera au pays et au trésor des pertes annuelles infiniment plus considérables.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Je ne veux pas prolonger la discussion ; je n'ai demande la parole que pour donner une explication en réponse à ce qu'a dit l'honorable M. Loos. Il aurait désiré que la section centrale fît son rapport sur diverses propositions qui ont été présentées à la séance d'hier.

Il lui a été matériellement impossible de faire un rapport dans la séance de ce jour. Elle a entendu plusieurs des auteurs des propositions faites hier, mais elle ne les a pas entendus tous ; elle n'a été à même de délibérer sur aucune de ces propositions. Je pense qu'elle pourra délibérer demain, mais je ne puis prendre l'engagement de présenter un rapport à la séance de demain. J'y mettrai toute l'activité possible ; le rapport ne sera pas long, mais je ne puis pas prendre l'engagement de le présenter demain, car je ne sais pas si la section aura pu terminer sa délibération.

M. Loos. - D'après les explications qm vient de donner l'honorable rapporteur, la chambre ne pense-t-elle pas qu'il serait utile que la section centrale fût autorisée à faire demain un rapport sur les deux questions de la Nèthe et de l'Yser ?

Ces deux questions sont parfaitement étudiées, la section centrale trouverait au département des travaux publics tous les renseignements qu'elle peut désirer ; elle serait parfaitement en mesure de prendre des conclusions et de faire un rapport.

Je demanderai donc que la section centrale soit autorisée à ne pas faire un rapport complet et à borner ce rapport partiel aux questions relatives à la Nèthe et à l'Yser.

M. Coomans. - J'ai fait hier la même proposition que M. Loos. J'ai dit qu'il était convenable, qu'il était raisonnable que h section centrale fût chargée de l'examen des deux points les mieux élucidés. Il me semble qu'outre les observations très justes que vient de présenter M. Loos, M. Lelièvre a beaucoup simplifié la question aujourd'hui.

En effet il a démontré d'une façon qui me semble évidente, et contrairement à l'allégation de l'honorable M. Verhaegen, qu'il y a une distinction fondamentale à établir entre les rivières navigables et flottables et celles qui ne le sont pas. Or, on a élevé des réclamations en faveur d'un grand nombre de cours d'eau depuis hier.

Mais il est un point sur lequel nous sommes d'accord, c'est que deux de ces cours d'eau réunissent les conditions indispensables à l'obtention de la justice que nous réclamons. Je crois qu'il pourrait y avoir doute relativement à quelques cours d'eau de la Flandre orientale, la section centrale examinera et présentera ensuite telle conclusion qu'elle jugera convenable. Pour faciliter le travail de la section centrale, et le simplifier, il faudrait qu'elle s'occupât d'abord des deux rivières dont l'examen officiel est achevé, sauf à présenter ensuite son rapport sur les autres amendements.

M. Verhaegen. - Messieurs, charger la section centrale de ne faire un rapport que sur ces deux objets, c'est préjuger la question ; et pour arriver à cette décision il faut rouvrir le débat. Avant qu'on ne s'occupe de cela, je m'engage à démontrer, contrairement à ce qu'a dit l'honorable M. Lelièvre, qu'il n'y a aucune distinction à faire entre les rivières ; nous parlons de rivières navigables et flottables et de rivières qui ne le sont pas ; mais il y a des rivières navigables et flottables créées par la nature ; il y a des rivières navigables et flottables créées par la main de l'homme.

Il y a des rivières navigables et flottables à la fois ; il y en a qui ne sont que navigables, il y en a qui ne sont que flottables.

Nous allons avoir des discussions à perte de vue, si vous voulez trancher cette question par la motion de l'honorable M. Loos.

Si la chambre veut revenir sur sa décision d'hier, je demande qu'on rouvre le débat. Il serait préférable de maintenir la décision d'hier ; car nous perdons beaucoup de temps avec ces motions d'ordre. Que la section centrale fasse son rapport vingt-quatre heures plus tard, cela ne fera rien à l'affaire ; mais nous aurons une bonne fois une décision.

J'engage mon honorable ami à ne pas persister dans sa motion.

M. Vander Donckt. - Je crois que l'honorable M. Coomans est tombé dans une erreur, car s'il y a une distinction c'est bien entre les rivières navigables et flottables et celles qui ne le sont pas.

Si l'on fait une distinction en faisant un rapport sur ces deux rivières seulement, c'est préjuger la question, comme l'a dit l'honorable M. Verhaegen.

M. de Theux. - Je crois que, d'après les précédents de la chambre, on devrait laisser la section centrale faire ce qu'elle jugera convenable.

M. Loos. - Je retire ma motion.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à quitte heures et trois quarts.