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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 avril 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1121) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Les bourgmestres, échevins et conseillers communaux de Racour, Lincent, Warnant, Iloutain-l'Evéque, Landen et Overwinden déclarent adhérer à la pétition du conseil communal de Jauche, relative à la construction du chemin de fer dit de la Grande-Jonction. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Longueville demande que le chemin de fer dont la société Lebon sollicite la concession soit dirigé de Gembloux à Jodoigne, où il se bifurquerait sur Tirlemont ou sur la station de Landen. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux d'Hougaerde prient la chambre d'accorder à la société Lebon la concession d'un chemin de fer de Jemeppe à Diest, avec embranchement de Gembloux à Fleurus. »

« Même demande du conseil communal d'Incourt. »

« Même demande du conseil communal de Dongelberg. »

« Même demande du conseil communal de Chastre-Villeroux-Blammont. »

« Même demande du conseil communal de Sauvenière. »

« Même demande du sieur Van Swygenhoven. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale et d’autres électeurs à Rocour demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

« Même demande des membres de l'administration communale et d'électeurs à Juprelle. »

« Même demande des membres de l'administration communale et d'électeurs à Houtain Saint-Siméon. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Des électeurs de Hamoir demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton.

« Même demande d'électeurs à Ellemelle. »

« Même demande d'électeurs à Seny. »

« Même demande d'électeurs du canton de Héron. »

« Même demande du sieur Vandermaesen, électeur à Hody. »

« Même demande d'électeurs et d'autres habitants à Chièvres. »

- Même renvoi.


« Le bourgmestre et d'autres habitants d'Asche-en-Refail demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu de canton et que les districts électoraux soient composés de 40,000 âmes nommant chacun un représentant. »

- Même renvoi.


« Le sieur Motte-Scheiris présente des observations relatives à la suppression des tarifs de prohibition et des droits de sortie. »

- Renvoi à la commission permanente d'industrie.

Projet de loi sur les distilleries

Discussion des articles

Article 10 (devenu article 11)

M. le président. - La discussion continue sur l'article 10 (devenu l'article 11) et les amendements y relatifs.

M. Le Hon a modifié ainsi qu'il suit l'amendement qu'il a présenté hier :

« Toutefois, le gouvernement est autorisé à proroger, pour un terme qui ne peut excéder deux années, l'application du premier et du troisième paragraphes de l'article 8, en faveur des villes dont les taxes communales sur la fabrication des eaux-de-vie indigènes dépassaient, au 1er janvier 1853, le maximum établi par le premier paragraphe de l'article précité et qui justifieraient de besoins urgents et de ressources insuffisantes, sans que ces perceptions transitoires puissent excéder le maximum légal de plus de 25 centimes sur la fabrication intérieure et de plus de 1 fr. 50 c. à l'importation. »

M. Le Hon. - Messieurs, j'indiquerai en peu de mots les motifs de ces modifications.

A la troisième ligne, j'ai effacé les mots « et l'importation ». L'article en devient plus précis, et son application à une seule ville plus certaine.

Pour éclairer la chambre sur le résultat du vote qu'elle doit émettre, j'ai posé la limite d'un maximum aux droits qui pourraient être maintenus pendant le terme de deux années ; je l'ai fait en ajoutant à l'amendement les lignes suivantes :

« Sans que ces perceptions puissent excéder le maximum légal de plus de 25 centimes sur la fabrication intérieure et de plus de 1 fr. 50 c. à l'importation. »

Le premier chiffre est le droit actuel :il représente 10 fr. 71 c. à l'hectolitre fabriqué ;

Le second chiffre répond à un droit d'entrée de 13 fr. 21 c. par hectolitre importé ; droit inférieur de 6 fr. 71 c. à ctlui qui est actuellement perçu.

Vous avez paru peu favorables au maintien même très temporaire du droit à l'entrée de 19 fr. 95 c, j'ai modifié mon amendement en ce sens que le droit à l'importation ne pourrait dépasser le maximum légal de plus de 1 fr. 50 c, ce qui réduirait la taxe à 13 21 par hectolitre, il resterait, en conséquence, à la charge de la ville de Tournai une perte d'environ dix mille francs.

Je pense que ce tempérament, qui donne à ma proposition un caractère transitoire plus prononcé, est de nature à réunir vos suffrages, comme il m'a paru obtenir l'adhésion de M. le ministre des finances à qui je l'ai communiqué.

M. Mercier. - Je conviens volontiers que l'amendement de l'honorable comte Le Hon est amélioré et présente beaucoup moins d'inconvénients que celui qui avait été présenté hier. Cependant, il serait de beaucoup préférable de ne faire porter l'exception que sur le premier paragraphe de l'article 8, c'est-à-dire d'accorder à la ville de Tournai un droit de fabrication plus élevé que celui de 75 centimes.

M. le ministre des finances a très bien fait l'exposé du danger d'augmenter d'une manière considérable le droit de fabrication dans les villes, parce que le droit d'octroi combiné avec celui du trésor présenterait un appât trop grand à la fraude.

Cela serait vrai surtout si la mesure était appliquée à la généralité dit pays ; mais ici il ne s'agit que d'une localité. En établissant une surveillance plus rigoureuse, on pourrait faire une exception plus efficace en sa faveur.

Dans cette disposition il n'y aurait absolument rien d’inconstitutionnel. Nous prenons une mesure qui sera conçue d'une manière générale, comme l'a indiqué M. le ministre des finances, mais nous n'augmentons (page 1121) pas le droit protecteur à l'entrée des villes, l'inconvénient est moindre.

Quant aux finances de la ville de Tournai elles y gagneront beaucoup ; d'après les avis qui me sont parvenus, une usine considérable vient de s'élever dans la ville de Tournai, elle n'est pas encore en activité, mais sa fabrication doit être double de la consommation de la ville de Tournai.

Cette consommation est de 250 mille hectolitres, et cette usine pourra en produire plus de 500 mille si mes renseignements sont exacts. Tout ce que nous ferons en augmentant le droit d'octroi sera au profit de cet établissement, non au profit des finances de la ville. Je suis persuadé que l'honorable auteur de l'amendement ignorait cette circonstance ou n'en a pas calculé les conséquences.

Je lui demanderai, eu égard aux observations que je viens de faire, s'il n'est pas préférable de porter même à un franc pour le terme indiqué le droit de fabrication dans la ville de Tournai.

Je n'hésite pas à déclarer que je ne voudrais pas proposer une pareille mesure généiale. Mais puisque l'on est disposé à prendre une disposition exceptionnelle en faveur des finances de la ville de Tournai, il vaudrait mieux la faire porter entièrement sur le paragraphe premier de l'article 8 parce qu'elle tournera entièrement au profit de l'octroi, et ne sera pas un privilège spécial pour une seule usine.

Puisque j'ai la parole, je ferai une observation sur le paragraphe 4 de l'article en discussion. La section centrale a proposé de ne mettre à exécution les deux premiers paragraphes de l'article 8, que le Ier janvier 1854 ; elle a fait cette proposition dans l'intérêt des finances des villes ; mais elle s'est trompée.

Je pense que la plupart des villes n'ont aucun intérêt à ce que l'exécution de la loi soit ajournée pour ces deux paragraphes. Je ne vois aucun inconvénient à ce que la loi soit mise, sous ce rapport, à exécution à partir du 1er juillet 1853, comme l'avait proposé le gouvernement. Je ne pense pas qu'on puise rien objecter à l'adoption de cette date ; car les villes sont ici désintéressées pour la plupart ; je crois même qu'il en est plusieurs qui trouveraient un avantage dans l'augmentation d'octroi accordée par la loi. Je fais donc la proposition de substituer dans le projet de la section centrale la date du 1er juillet 1853 à celle du 1er janvier 1854.

M. le président. - C'est la proposition du gouvernement.

M. Mercier. - Oui ; mais le gouvernement s'était rallié à la proposition de la section centrale.

M. le président. - Ainsi, vous reprenez par amendement la proposition primitive du gouvernement ?

M. Mercier. - Oui, M. le président.

Je propose de réduire l'amendement de M. Le Hon, à porter à 1 fr., au lieu de 75 c., le droit d'octroi à payer par la ville de Tournai.

Je supprime le reste de l'amendement.

M. le président. - La parole est à M. de Theux.

M. de Theux. - J'attendrai les explications de M. le ministre des finances.

M. Deliége, rapporteur. - Je crois que l'honorable M. Mercier se tromper et je crois que les villes ont un grand intérêt à retarder jusqu'au 1er janvier 1854 l'exécution des deux premiers paragraphes de l'article 8.

Je conçois qu'il n'en serait pas ainsi si la section centrale avait agi pour le troisième paragraphe, qui concerne la prime, comme pour les deux premiers paragraphes ; alors les villes n'auraient pas intérêt à retarder l'exécution de la loi. Mais il ne s'agit que de retarder l'exécution des deux premiers paragraphes. Le premier porte :

« Le maximun des taxes communales sur la fabrication des eaux-de-vie est fixé au tiers du montant de l'accise. »

Je prends la ville de Tournai, par exemple. Dans la ville de Tournai, le tiers est dépassé ; je crois que l'on impose la moitié.

Si l'on mettait de suite à exécution le paragraphe premier, il est évident que les finances de la ville de Tournai seraient réduites de la différence qu'il y a entre la moitié et le tiers. Peut-être y a-t-il d'autres villes dans le même cas.

Aucune ville ne pourra augmenter les droits existants, fussent-ils inférieurs au tiers, puisque les budgets sont faits ; aucune ville ne demandera de porter immédiatement au tiers.

il en est de même du paragraphe 2, qui est ainsi conçu :

« Le droit à l'enlrée dans les villes et communes ne peut dépasser ces taxes de plus de 1 fr. par hectolitre d'eau-de-vie à 50° G. L. à la température de 15° centigrades. »

Quant à ce paragiaphe, il est évident que si vous le mettiez de suite à exécution, il affecterait les finances des villes.

Je crois donc que la section centrale a bien fait de proposer de changer, comme il est dit au rapport, l'article en discussion.

M. Mercier. - Messieurs, le droit d'un franc, s'il est perçu dès le premier jour, sera favorable à la ville de Tournai, comme aux autres villes. Car c'est un droit beaucoup plus élevé que celui qui existe aujourd'hui. Le droit de fabrication dans la ville de Tournai n'est en ce moment que de 75 rentimes. Si donc vous le portez à 1 fr., il y a augmentation considérable, et cettle augmentation portera non seulement sur le genièvre fabriqué en viile, mais également sur le genièvre importé du dehors.

La caisse communale perdra dans tous les cas la protection de 9 fr., puisque, pour ce paragraphe, vous n'avez pas ajourné l'exécution de la loi. Donc, la ville a un véritable intérêt, d'après la proposition que je fais, à ce que la loi soit mise à exécution le plus tôt possible.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - J'ai eu l'honneur de faire comprendre à la chambre quels étaient les motifs qui m'engageaient à faire une exception toute transitoire en faveur de la ville de Tournai.

La ville de Tournai se trouve seule dans une position exceptionnelle ; seule elle a aujourd'hui un règlement d'octroi établissant un droit de fabrication par hectolitre de matière macérée qui dépasse 50 centimes, maximum indiqué dans la loi pour l'avenir. Toutes les autres villes n'imposent la fabrication par hectolitre de matières macérées que de 33 à 40 c. La ville de Tournai, au contraire, perçoit à la fabrication 75 centimes par hectolitre.

Ce n'est pas le seul côté exceptionnel de la position de la ville de Tournai. Elle donne à ses distillateurs indigènes une décharge de 14 fr. par hectolitre exporté, alors que réellement ils ne payent à la ville que 10 fr. 71 c. ; de sorte que chaque hectolitre exporté reçoit de la ville une prime de 3 fr. et 29 centimes.

En troisième lieu, elle impose chaque hectolitre venant du dehors dans la ville à raison de 19 fr., c'est-à-dire que le distillateur intra muros, outre la prime dont je viens de vous parler et dont il jouit quand il exporte au-delà des murs, est encore protégé à l'intérieur contre la concurrence du dehors par un droit supérieur de 8 fr. 29 c. à celui qu'il paye lui-même.

Lorsque la première lecture de l'amendement de l'honorable M. Le Hon fût donnée hier, je croyais qu'il avait pour but de maintenir pendant trois ans le statu quo et c'est pour cela que, dans les observations que j'ai eu l'honneur de présenter, je demandais que cet état exorbitant dans lequel se trouvait la ville de tournai ne durât tout au plus qu'une année. J'ajoutais qu'il était déjà très difficile de consacrer par une disposition même légale, pendant une année entière, un état de choses semblable à celui que je viens de vous exposer.

Cependant, la ville de Tournai, comptant sur ses recettes, a entrepris, à l'heure qu'il est, des dépenses de construction d'édifices publics, et ce serait la mettre dans un état de gêne intolérable que de la ramener immédiatement à l'exécution entière de la loi que nous discutons ; car, étant la seule du pays qui devra abaisser son droit de fabrication, ayant en outre cela de commun avec les autres villes qu'elle devra faire cesser toute prime d'exportation et ne fixer, à l'avenir, son octroi qu'avec une difference maximum d'un franc, il est évident qu'en appliquant ce tarif nouveau aux quantités fabriquées et aux quantiiés importées à Tournai, la recette, qui est aujourd'hui de 42,000 fr., serait abaissée à 22,000 fr, de sorte que la loi ferait perdre à la ville de Tournai la somme de 20,000 francs.

Maintenant, l'honorable comte Le Hon propose une espèce de mezzo termine qui n'est ni le statu quo, ni l'exécution rigoureuse de la loi en discussion.

Voici son amendement :

Le droil de fabrication est à Tournai de 75 c. par hectolitre de matières macérées ; ce droit serait maintenu pendant deux ans.

Lorsque les distillateurs intra muros exporteraient, ils n'obtiendraient aucune prime, ils n'obtiendraient que la restitution du droit payé à la fabrication.

Les genièvres fabriqués au-dehors sont frappés actuellement d'un droit differcniel d'environ 9 fr. ; la différence erait réduite à 1 fr. 50 c.

Voilà, en réalité, dans les termes les plus simples, l'amendement de l'honorable M. Le Hon, qui serait transitoire. Il est évident que cela améliore notablement la position des distillateurs, en ce qui concerne la concurrence sur le marché de Tournai.

L'honorable M. Mercier voudrait une modification à cet amendement.

Il voudrait qu'on n'accordât, aussi bien à Tournai qu'aux autres villes, qu'on n'accordât, dis-je, aux distillateurs intra muros qu'une protection de 1 fr. au lieu de 2 fr. 50 c. demandés par l'honorable comte Le Hon ; mais, par compensation il permettrait au gouvernement d'élever le droit à la fabrication à1i fr. par hectolitre de matières macérées.

Forcé, messieurs, de choisir entre deux maux, je vous avoue que j'aime mieux l'amendement de l'honorable M. Le Hon.

L'honorable M. Mercier croit voir une illégalité dans l'amendement de M. Le Hon. Il dit : Vous allez placer la ville dans une position extra-légale en lui permettant, pendant deux ans, de protéger son industrie intra muros d'un droit de faveur de 2 fr. 50 c. alors que la loi ne veut qu'un franc.

M. Mercier. - Alors que la Constitution ne veut rien.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Mais alors, lorsque nous avons voté 1 fr., nous aurions également commis une inconstitutionnalité. (Interruption.)

L'honorable M. Mercier trouve un moyen d'éviter la difficulté, c'est de permettre au gouvernement de porter à 1 fr. le droit sur la fabrication.

Permettez-moi, M. Mercier, de vous faire remarquer que s'il y a inconstitutionnalité ici, il y en a aussi dans une partiec de votre proposition. Car le droit communal ne peut pas dépasser 50 c. par hectolitre de matières macérées et vous voulez qu'a Tournai le gouverneraant autorise le conseil communal à porter ce droit à un franc pendant un an.

L'honorable M. Mercier a bien vu le côté vulnérable de son amendement/ Il dit ; « Le gouvernement, en présence d'un droit de fabrication aussi élevé qu'un franc, pourrait augmenter la surveillance à Tournai, y placer un plus grand nombre d'employés, c'est-à-dire que pour (page 1123) rendre les recettes un peu plus productives pour la caisse communale de la ville de Tournai, le trésor public s'imposerait une dépense plus grande.

Eh bien, puisque la ville de Tournai elle-même, par l'organe du conseil communal, réclame une disposition dans le sens de celle qui a été déposée sur le bureau par l'honorable M. Le Hon, je veux qu'elle assume toute la responsabilité de la mesure ; car j'ai cela de commun avec l'honorable M. Mercier, que je ne suis pas du tout convaincu que la vilie de Tournai et son défenseur, l'honorable M. Le Hon, comprennent très bien leurs intérêts ; ainsi, si le cas que suppose l'honorable M. Mercier se réalisait, la ville de Tournai verrait ses recettes décroître de jour en jour au point qu'elle finirait par ne plus rien percevoir. On parle d'une grande distillerie qui va être montée à Tournai. Ce qui m'étonne beaucoup, c'est que pendant les années que la ville de Tournai a vécu sous le régime actuel, cette éventualité ne se soit pas réalisée.

Cette éventualité, la voici : c'est qu'un distillateur qui comprend son métier, qui a des capitaux, fabriquerait de l'alcool avec 9 francs de protection contre l'importation étrangère, et fournirait à la consommation de toute la ville, de manière qu'on n'y boirait pas un seul petit verre d'alcool venu de l'étranger.

Je ferai remarquer que ce que propose l'honorable M. Le Hon n'est qu'une facullé, et je le déclare tout haut que, si l'éventualité à laquelle je fais allusion venait à se réaliser, je serais le premier à retirer à la ville de Tournai la faculté qu'elle aurait sollicitée.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuierai l'amendement de l'honorable M. Mercier. Je trouve que, dans l'intérêt des villes, on doit accueillir cet amendement. Je vais citer un exemple qui convaincra la chambre que les villes sont intéressées à l'adoption de l'amendement.

On paye à Bruxelles 33 centimes par hectolitre de matière mise en fermentation ; en exportant, le distillateur, grâce à la prime, fait un bénéfice de 3 fr. au détriment de la ville.

Les négociants en spiritueux extra muros font entrer beaucoup de genièvre dans la ville de Bruxelles : les distillateurs intra muros ne fournissent que la moitié de l'eau-de-vie indigène consommée à Bruxelles ; l'autre moitié vient du dehors.

Par conséquent, les négociants en spiritueux qui importent du genièvre en ville, ne doivent payer au comptant que le quart de l'impôt ; or, les négociants en spiritueux s'entendront avec les distillateurs, et vous savez qu'en industrie, quand il s'agit de gagner de l'argent, même au détriment de l'octroi, on s'associe parfaitement bien. En s'associant et par la substitution du liquide, ils peuvent obtenir un drawback d'environ 10 fr. qu'ils se partageront, et avec les 3 fr. que le distillateur a déjà gagnés, cela lui fait 7 à 8 fr. de bénéfice. Le distillateur urbain a donc intérêt à travailler considérablement, surtout lorsqu'au mois d'août le seigle diminue.

Cet exemple prouve que les villes ont le plus grand intérêt à ce que la loi soit exécutée le plus tôt possible.

J'appuie donc l'amendement de l'honorable M. Mercier, tant dans l'intérêt des villes que dans celui de la justice ; car voila peut-être un quart de siècle que les distilleries, hors de l'enceinte des villes, sont fortement froissées dans leurs intérêts.

M. Mercier. - Messieurs, je regrette beaucoup que M. le ministre des finances ne se soit pas rallié à mon amendement ; l'honorable ministre a eu en vue très sérieusement, je pense, la situation financière de la ville de Tournai. Or, le fait que j'ai indiqué étant bien réel, la mesure qui va être prise tournera au profit d'un seul établissement ; il n'y a plus de doute à cet égard.

Cette usine doit s'ouvrir dans très peu de temps : elle produira plus qu'il ne faut pour toute la consommation de la ville de Tournai ; donc la protection nouvelle de 1 fr. 50 que M. le ministre des finances accorde à cette ville sera un leurre. Si l'exception à laquelle il consent en faveur de la ville de Tournai est sérieuse, et je ne n'en doute pas, il doit accepter mon amendement.

Je me suis appuyé sur une raison de constitutionnalité. C'est le même principe que j'ai invoqué dans tous le cours de cette discussion. M. le ministre avait proposé de faire une exception pour cette ville, je n'ai pas cru devoir y faire d'opposition ; cependant, je ne l'aurais pas proposée, si j'avais eu une initiative à exercer comme gouvernement. Si je ne la combats pas, je la veux plus conforme au principe constitutionnel et surtout plus efficace. M. le ministre des finances vient de nous dire que : si les faits que vous annoncez se produisent, il ne donnerait pas suite à la disposition qui aurait été votée ; mais, en ce cas, les finances de la ville en souffriront, et c'est ce qu'on veut éviter.

Puisque nous connaissons ce fait, pourquoi ne pas obvier aux inconvénients qui doivent en résulter.

Je ne comprends pas que les honorables députés de Tournai n'insistent pas pour l'adoption de mon amendement. L'administration communale n'aurait que des remerciements à leur adresser, puisque les faits se passeront comme je viens de l'annoncer. Si la chambre veut faire une exception, il importe, pour la rendre efficace, qu'elle adopte mon amendement qui se borne à augmenter de 25 c. le droit de fabrication.

Si le besoin d'un surcroit de surveillance n'est pas nécessaire avec le droit de 75 c. il n'en sera pas autrement pour 25 c. de plus. La seule objection faite par le ministre tombe donc par cette circonstance qu'il a accepté lui-même une augmentation sur le chiffre du droit d'octroi. Par ces considérations je maintiens mon amendement.

M. de Theux. - Tout ce qui vient de se dire prouve qu'il y a danger à adopter, pour un terme aussi long que celui que propose l'honorable M. Le Hon, l'une ou l'autre proposition. Je demanderai, quelle que soit l'exception qu'on établisse, qu'elle ne puisse s'étendre au-delà du 1er janvier 1855. La régence aura un an et demi pour aviser à de nouvelles taxes et mettre ses recettes en équilibre avec ses dépenses. C'est tout ce qu'il faut pour un conseil de régence aussi zélé et aussi intelligent que celui de la ville de Tournai. Adopter le terme de 2 ans, ce serait ouvrir la porte aux abus signalés par l'honorable M. Mercier.

Pendant ce temps, il peut s'opérer des changements dans la fabrication, soit que les distilleries existantes étendent leur fabrication, soit que de nouveaux établissements se forment. Ce terme ne peut pas être admis. M. le ministre, il est vrai, a dit que si le fait se produisait il révoquerait l'autorisation. Mais il sera dans l'impossibilité de ia retirer quand il le voudra, la régence dira : Nous avions jusqu'au 1er janvier 1856 pour préparer de nouveaux moyens de recettes, vous nous prenez à l'improviste, il y aura déficit dans nos ressources.

Le gouvernement sera arrêté. Si c'est la proposition de M. Mercier qu'on adopte, c'est celle à laquelle je donne mon adhésion comme mesure très temporaire, car il faut reconnaître qu'en matière d'impôt c'est un véritable privilège. Si on est disposé à l'accorder à la situation spéciale de la ville de Tournai, au moins doit-on le restreindre au terme le plus rigoureux, strictement nécessaire. C'est ce qui me détermine à proposer le 1er janvier 1855.

Messieurs, en ce qui concerne la disposition générale, c'est-à-dire la fixation du délai auquel la loi sera généralement obligatoire, je pense que, dans aucun cas, le troisième paragraphe ne devrait être en vigueur au-delà du 1er juillet, ainsi que l'avait proposé le gouvernement, ou trois mois après la promulgation de la loi. Nous ne savons pas si la loi sera promulguée le 1er juillet, c'est pour cela que la section centrale avait proposé de dire : trois mois après la promulgation ele la loi.

Je me rallie à l'observation présentée par M. Mercier qui vous a dit que, dans l'intérêt des finances des villes, il valait mieux que la loi fût obligatoire le plus tôt possible.

M. Le Hon. - Je croyais, par la modification apportée à mon amendement, avoir levé les scrupules que plusieurs membres avaient manifestés dans la séance d'hier.

Il paraît que je me suis trompé. On accepte bien les limites que j'ai posées, les réductions que j'ai faites, mais on ne renonce pas à combattre le terme de deux années.

Je désire que la chambre soit bien convaincue d'une chose. Je ne veux pas plus qu'elle prolonger un régime d'exception. J'ai demandé le terme considéré comme moralement et strictement nécessaire.

La ville de Tournai n'a pas d'autres ressources que son octroi ; il y a trente ans, elle a vendu ses biens pour se libérer de sa dette ancienne. Elle compte dans son sein 12,000 à 14,000 pauvres inscrits sur les listes de l'assistance publique ; un pareil élément, dans une population même de 30,000 âmes aidera assurément fort peu à couvrir le déficit.

L'honorable membre me semble avoir été plus loin que sa pensée en disant que 18 mois suffiront à une ville, pour transformer complètement une partie considérable de cet impôt et pour subvenir par de nouvelles ressources à des dépenses extraordinaires et urgentes.

Je supplie la chambre de prendre en considération la question du terme que j'ai réduit à deux années. Remarquez que c'est une faculté donnée au gouvernement, et qu'il faut qu'il y ailtjustification de besoins urgents et de ressources insuffisantes. Or il est impossible de soumettre à des conditions plus rigoureuses la jouissance d'uue exception si légitime.

Quant à l'amendement de l'honorable M. Mercier, je dois dire qu'il m'embarrasse fort. Loin de menacer ou d'amoindrir le mien, il en améliore le produit net.

Ainsi je demandais 25 c. de plus que le maximum légal. L'honorable M. Mercier m'en donne 50.

Je proposais le chiffre de 13 fr. 21 c. à titre de droit d'entrée, l'honorable membre le porte à 15 fr. 29.

Vous concevez que dans ces conditions je sacrifierais volontiers l'honneur de mon amendement au profit que m'offre celui de M. Mercier.

Mais je suis frappé d'une considération que M. le ministre des finances vous a présentée tout à l'heure. La loi ne permet pas d'imposer plus de 50 cent, sur les distilleries du pays.

Elle va exceptionnellement frapper d'un franc les deux distilleries qui existent à Tournai.

Vous les grèverez donc de 50 c. de plus que toutes les autres. En même temps, vous ne soumettrez les eaux de-vie importées dans la ville qu'au droit maximum d'un franc. Il en résultera que les deux distillateurs de Tournai seront les seuls, dans le pays, atteints d'un droit double parce qu'on sera venu en aide à la situation financière de Tournai.

Je trouve là, je l'avoue, quelque chose qui blesse plus l'équité, qui est plus anormal que le système de mon amendement si vivement attaqué hier.

Il est vrai que l'on nous présente un épouvantail. A l'ouverture de la séance, un avis officieux annonçait qu'il va s'établir à Tournai, à la faveur et sous les auspices de mon amendement, s'il est accepté, une distillerie-monstre, qui va répandre des flots d'eau-de-vie tournaisienne sur le marché belge.

Il est assez étrange qu'aucun renseignement, aucun indice n'ait précédé cette nouvelle. J'ai foi dans la sincérité de mon honorables collègue ; mais comme on peut l'avoir induit en erreur, et que j'ignore complètement ce fait dont, sans doute, j'aurais été informé, si le renseignement (page 1124) était exact, qu'il me permette une grande réserve, et de la défiance même contre ce qui pourrait être un moyen de circonstance.

Car enfin, si pendant trente ans, sous l'empire de droits plus élevés et plus stables que ceux qu'il s'agit de maintenir, il ne s'est pas formé plus de deux usines à Tournai, j'ai peine à comprendre comment un industriel sérieux penserait à exposer des capitaux dans pareille entreprise sous un régime temporaire, soumis au pouvoir presque discrétionnaire du gouvernement.

Si c'est là ce que l'honorable M. de Theux appelle les complications auxquelles peut donner lieu mon amendement, je ne puis en être affecté sérieusement.

Permettez-moi d'insister sur ces considérations. Ce que je crois, c'est que ces faux bruits sont dirigés plutôt contre ma proposition que contre les finances de la ville de Tournai. Je crois que le danger est plutôt pour l'une que pour les autres.

Je compte assez sur l'intérêt qu'inspire à la chambre la situation exceptionnelle de la ville de Tournai.

Le terme de deux ans est rigoureusement nécessaire si l'on veut faire quelque chose d'utile, et pour que la ville de Tournai puisse pourvoir aux dépenses extraordinaires que la force majeure lui a imposées.

Je persiste donc dans mon amendement.

M. Mercier. - J'avais proposé de substituer la date du 1er juillet 1853 à celle du 1er janvier 1854. Il y a toute probabilité que la loi sera promulguée avant le 1er juillet ; mais, ainsi que l'honorable M. de Theux l'a fait observer, elle pourrait éventuellement ne pas l'être à cette date. Je propose donc, au lieu d'une date précise, d'insérer dans la loi :

« Deux mois après la promulgation de la présente loi. »

M. Coomans. - Nous sommes disposes, messieurs, je le suis du moins, à favoriser les finances de la ville de Tournai, de l'ensemble d'une grande famille uibaine. Mais nous ne le sommes pas du tout à faire les affaires de quelques spéculateurs.

Si donc il est acquis au débat que le gouvernement ne concédera pas l'espèce de privilège dont il s'agit, ou qu'il le retirera dans le cas où la fabrication intra muros prendrait des développements un peu notables, je pourrais me rallier à l'amendement. Mais il faut que cette déclaration reste acquise.

M. Le Hon. - M. le ministre l'a nettement faite.

M. Mercier. - A quel amendement vous ralliez-vous ?

M. Coomans. - A l'amendement de l'honorable comte Le Hon, et je laisserai alors à MM. les représentants de Tournai la responsabilité de ce qui pourra subvenir. Car, je leur demanderai si la situation de leur ville sera améliorée dans le cas où le gouvernemeut croirait devoir exécuter la menace qu'il leur fait dès aujourd'hui.

J'avoue qu'à leur point de vue la proposition de l'honorable M. Mercier me sourirait davantage ; mais comme l'honorable M. Mercier n'est pas représentant de la ville de Tournai, j'aime mieux laisser à ces honorables représentants la responsabilité de mon vote.

- La discussion est close.

M. le président. - Nous voterons par paragraphes.

« § 1er. Le taux de la décharge, tel qu'il est établi par l'article premier, s'applique aux droits résultant des ampliations à délivrer à partir du jour où la présente loi devient obligatoire. »

- Adopté.

« § 2. Il en est de même de l'exemption mentionnée à l'article 2. »

- Adopté.

« § 3. Il est accordé aux distillateurs un délai de trois mois, à compter de la mise en vigueur de la présente loi, pour se conformer aux dispositions de l'article 4, premier alinéa, et de l'article 5. »

- Adopté.

« § 4. Les deux premiers paragraphes de l'article 8 ne seront obligatoires qu'à partir du 1er janvier 1854, pour les villes et communes à octroi dans lesquelles il existe des distilleries en activité. Il recevra son exécution dans les autres localités au plus tard trois mois après la mise en activité d'une distillerie. »

M. le président. - Ici vient l'amendement de M. Mercier. M. Mercier propose de substituer aux mots : « qu'à partir du 1er janvier 1854 », ceux-ci : « que deux mois api es la promulgation de la présente loi ».

- Cet amendement est adopté.

Le paragraphe 4, ainsi modifié, est adopté.

M. le président. - La chambre a maintenant à se prononcer sur l'amendement de M. Le Hon et sur les sous-amendements de M. Mercier et de M. de Theux.

L'amendement de M. Le Hon est ainsi conçu :

« Toutefois, le gouvernement est autorisé à proroger, pour un terme qui ne peut excéder deux années, l'application du premier et du troisième paragraphes de l'article 8, en faveur des villes dont les taxes communales sur la fabrication des eaux-de-vie indigènes dépassaient, au 1er janvier 1853, le maximum établi par le premier paragraphe de l'article précité et qui justifieraient de besoins urgents et de ressources insuffisantes, sans que ces perceptions transitoires puissent excéder le maximum légal de plus de 25 centimes sur la fabrication intérieure et de plus de 1 fr. 50 c. à l'importation. »

M. Mercier propose d'effacer les mots : « et du troisième » et de dire : « l’application du premier paragraphe de l'article 8 ». Il propose ensuite de substituer au chiffre de 25 centimes celui de 50 centimes. Enfin il supprime ces derniers mots de l'amendement : « et de plus de 1 fr. 50 c. à l'importation ».

M. de Theux propose de substituer aux mots « deux années », ceux-ci : « qui ne peut aller au-delà du 1er janvier 1855. »

Comme le sous-amendement de M. de Theux s'applique à la fois à l'amendement de M. Le Hon et au sous-amendement de M. Mercier, je le mets le premier aux voix.

- Le sous-amendement de M. de Theux est adopté.

Le sous-amendement de M. Mercier est également adopté.

L'amendement de M. Le Hon ainsi modifié est adopté.

L'ensemble de l'article 10, tel qu'il vient d'être amendé, est adopté.

Article 11 (devenu article 12)

« Art. 11 (devenu art. 12). La loi du 27 juin 1842 {Bulletin officiel n°464), sur les eaux-de-vie indigènes, sera réimprimée et publiée de nouveau avec les modifications résultant des lois du 5 mars 1850 (Moniteur n°67) et du 20 décembre 1851 (Moniteur, n°356), ainsi que de la présenle loi. »

- Adopté.

M. le président. - A quel jour la chambre veut-elle fixer le second vote du projet ?

- Plusieurs membres. - A mardi.

- D’autres membres. - A lundi.

M. de La Coste. - On a fixé à mardi la discussion du projet de loi sur la garde civique.

M. Deliége. - Messieurs, je désire prendre part à la discussion qui aura lieu lors du second vote et il m'est impossible de me trouver ici lundi. Des amendements très importants ont d'ailleurs été introduits dans la loi ; c'est ainsi que vous avez adopté une législation nouvelle sur les distilleries employant la mélasse. Nous devons avoir le temps d'examiner ces amendements. Je crois donc qu'on pourrait fixer le second vote à mardi.

- La chambre consultée fixe le vote définitif à mardi.

Projet de loi autorisant des transferts de credits au sein du budget du ministère de la guerre

Dépôt

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter aux chambres :

Un projet de loi qui autorise des transferts à opérer entre divers articles du budget de la guerre de l'exercice 1852 jusqu'à concurrence d'une somme de 120,196 francs.

Un second projet de loi qui autorise des transferts à opérer entre divers articles du budget de la guerre de l'exercice 1853 jusqu'à concurrence d'une somme de 274,000 francs.

Un troisième projet de loi allouant au département de la justice pour l'exercice 1852 des crédits supplémentaires s'élevant à une somme de 141,839 fr. 60 c.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de loi, la chambre en ordonne l'impression et la distribution et les renvoie à l'examen des sections.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. de Steenhault dépose le rapport sur la demande en naturalisation du sieur Feys, professeur de rhétorique à l'athénée de Bruges.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.

Projet de loi fixant le tarif des marchandises sur le chemin de fer

Motion d"ordre

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur le transport des marchandises par le chemin de fer.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je n'éprouve personnellement ni répugnance ni difficulté à aborder immédiatement l'examen des nombreuses questions qui se rattachent au projet de loi qui est à l'ordre du jour ; mais deux motifs que je vais avoir l'honneur de faire connaître, m'engagent à demander l'ajournement de cette discussion.

La chambre se rappelle que tout récemment une commission centrale des chemins de fer a été instituée au département des travaux publics, et que toutes les questions qui se rattachent à la discussion du budget des travaux publics sont du ressort de cette commission. Un sous-comité a été établi, et il a pour mission spéciale d'examiner tout ce qui concerne les péages sur le chemin de fer. Cette considération seule ne me déterminerait pas à proposer l'ajournement s'il n'en était pas une autre qui, à mes yeux, présente une importance beaucoup plus réelle, et que voici :

Il est évident que si la chambre aborde aujourd'hui l'examen du projet de loi, cet examen prendra plusieurs séances et, la session étant déjà très avancée, il me paraît douteux que le sénat puisse encore se prononcer sur les nombreuses questions qui se rattachent au projet de loi.

Il pourrait donc arriver, malgré le désir sincère qu'a le gouvernement et qu'a la chambre de voir améliorer la situation financière du chemin de fer au point de vue des recettes à provenir du transport des marchandises, il pourra arriver qu'aucune des mesures qu'implique l'adoption du projet de loi ne puisse recevoir son exécution dans le cours de cette année.

C'est là, messieurs, le principal motif qui me fait désirer l'ajournement du projet de loi. Le tarif aujourd'hui en vigueur présente, de (page 1125) l'aveu de tout le monde, des imperfections telles qu'il ne serait pas difficile de tomber immédiatement d'accord sur les mesures à prendre pour améliorer notablement la situation, pour augmenter les recettes avec le tarif proposé d'au moins un million par an.

Oui, je crois pouvoir déclarer de la manière la plus positive : si les mesures comprises dans le projet de loi à l'ordre du jour étaient appliquées immédiatement, il devrait en résulter inévitablement un nouveau million de recettes, et si je devais entrer dans des développements, rien ne serait plus facile que de le justifier. Deux mots me suffiraient pour établir ce point. Il est certain qu'en 1847 on a fait avec les transports à grande vitesse une recette d'un million, qui est aujourd'hui descendue à 600,000 francs. A aucune époque, le gouvernement n'a déguisé la vérité à cet égard ; il a toujours reconnu que cette partie du tarif était défectueuse.

Il est certain qu'en l'améliorant on peut rentrer immédiatement dans la situation de 1847.

Sur les transports à petite vitesse, un déclassement de certains articles peut amener immédiatement une recette nouvelle de 200 à 300 mille francs.

C'est à ce point de vue, messieurs, que je me suis placé pour rédiger le projet de loi, mais si ce projet doit être discuté par la chambre, s'il doit subir une nouvelle discussion au sénat, il est probable que les mesures qu'il renferme ne pourront pas être appliquées cette année.

Voilà, messieurs, ce qui me fait demander l'ajournement du projet. Je désire que le gouvernement après avoir pris l'avis de la commission, puisse décréter, par arrêté royal, les mesures nécessaires pour améliorer l'état des choses.

M. Rodenbach. - Voilà environ un an, messieurs, qu'on vous a soumis le projet de loi sur le transport des marchandises par le chemin de fer. Les sections et la section centrale l'ont examiné très sérieusement ; le rapport est fait, et si je suis bien informé, les changements que la section centrale a introduits dans le projet doivent amener une augmentation de recettes d'un million. Déjà le nouveau tarif des voyageurs nous a donné une amélioration de 700,000 à 800,000 francs ; si le projet à l'ordre du jour procure un million, ce sera 1,800,000 fr. d'augmentation. Eh bien, messieurs, le chemin de fer est en déficit de 2 à 3 millions ; c'est une charge moyenne de 75 centimes par habitant de la Belgique ; il faut donc se hâter d'améliorer la situation. Le chemin de fer doit rapporter 20 millions, au lieu de 17, qu'il rapporte maintenant.

Il est plus que temps de faire produire davantage au chemin de fer, et si M. le ministre peut prendre par arrêté royal des mesures qui fassent obtenir un million de plus sur le transport des marchandises à grande vitesse, ce sera une excellente chose.

La commission que M. le ministre a nommée m'inspire une grande confiance. Très souvent les commissions agissent avec une très granie lenteur, mais ici nous n'avons pas de crainte à cet égard. Il ne faut pas perdre de vue d'ailleurs que c'est une commission consultative et qu'il dépend de M. le ministre d'accélérer les choses.

Nous avons tous intérêt, messieurs, et M. le ministre lui-même a intérêt a faire rapporter davantage au chemin de fer. Si donc M. le ministre persiste à nous donner l'assurance qu'il est à même de prendre immédiatement des mesures qui fassent produire au chemin de fer un million de plus et si la discussion actuelle du projet de loi doit retarder ces mesures, je consens volontiers à l'ajournement, car en définitive, notre but à tous c'est d'améliorer la situation financière du chemin de fer.

M. Vermeire. - Je comptais aussi parler en faveur de l'ajournement, mais comme il n'est pas combattu, je renonce à la parole.

M. le président. - Je demanderai à M. le ministre si c'est l'ajournement à la prochaine session qu'il propose ? Aux termes du règlement, l'ajournement doit être déterminé.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - A trois mois, M. le président.

M. Malou. - Messieurs, la motion d'ordre me paraît motivée sur l'intention du gouvernement de faire immédiatement produire davantage au chemin de fer.

Or, parmi les dispositions du projet de loi, il en était une qui devait produire une augmentation de recette considérable ; je veux parler de l'interdiction de réunir plusieurs colis sous un même emballage.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il ne serait pas nécessaire, pour qu'il pût continuer cette expérience, de se faire donner des pouvoirs plus larges que ceux qui existent aujourd'hui.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je crois que si la chambre adoptait la motion d'ajournement, il serait du devoir du gouvernement de soumettre à l'assemblée, dans la prochaine séance, un projet de loi qui aurait pour objet de lui déléguer les pouvoirs que lui ont successivement délégués les diverses lois de prorogation. Je me croirais autorisé, en vertu de cette loi de prorogation, à prendre toutes les mesures qui intéressent la situation financière du chemin de fer.

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai vu avec beaucoup de peine la motion de M. le ministre des travaux publics. J'aurais compris cette motion, au début de la session ; mais lorsque les sections, avec un grand zèle, je dois le dire, ont examiné toutes les questions qui se rattachent à la tarification des marchandises, lorsque la section centrale a consacrée l'examen de ces questions un très grand nombre de séances ; lorsque l'honorable membre qui a bien voulu se charger des fonctions de rapporteur, s'est donné une peine infinie pour faire un rapport lumineux, lorsque enfin arrive le moment de la discussion, je ne comprends pas qu'un ministre vienne dire à la chambre : « Maintenant que vous avez votre travail prêt, vous allez me le laisser faire à moi tout seul. »

Pour moi, une question des plus vitales pour le pays est d'arriver à ce résultat, de voir les recettes du chemin de fer couvrir leurs dépenses. Eh bien, il est impossible au gouvernement d'y arriver seul.

Je reconnais qu'il y a dans le tarif de M. Frère des abus tellement criants que tout le monde est aujourd'hui d'accord pour les répudier. Eh bien, qu'arrivera-t-il ? C'est que ces abus seront immédiatement rectifiés par la chambre, non pas par un arrêté royal qui peut être modifié le lendemain, mais par une loi à laquelle il ne peut pas être porté atteinte à chaque instant.

Mon honorable ami M. Malou vient de présenter une observation qui prouve l'impuissance où est le gouvernement de prendre une disposition analogue à celui qu'il a rappelée ; il a demandé à M. le ministre de travaux publics : « Etes-vous autorisé à empêcher la réunion des colis ? »

Je réponds : Non, M. le ministre n'y est pas autorisé ; un pareil point ne peut être réglé que par une loi ; des pénalités peuvent être comminées ; or, c'est à la loi seule de régler ce qui concerne les pénalités.

L'ajournement qu'on propose est, en définitive, le retrait du projet de loi ; et tout le travail préparatoire auquel les sections et la section centrale se sont livrées, aura été fait en pure perte.

Je ne crois pas qu'il soit de la dignité de l'assemblée de refuser d'examiner un projet de loi aussi important et si longtemps attendu, alors que ce projet va être livré à la discussion.

Depuis plus de dix ans, nous avons demandé au gouvernement de nous présenter un projet de loi pour la tarification des marchandises ; ce projet, nous avons eu une peine excessive à l'obtenir ; et maintenant qu'il est à l'ordre du jour, voilà le gouvernement qui vient s'opposer à ce qu'on le discute.

Ce serait, de la part de la chambre, un véritable acte d'abdication, qu'elle ne peut pas poser et que je crois qu'elle ne posera pas.

Il est de notre devoir d'examiner enfin cette grande question. Faut-il s'en rapporter exclusivement à la volonté du ministre ? Faut-il continuer l'ancien système qui a été si désastreux pour nos finances ? L'honorable M. Rodenbach a parlé d'un déficit de 2 à 3 millions ; le tableau fourni par la cour des comptes établit à la dernière évidence que le déficit annuel du chemin de fer est de 4 millions et demi de francs.

Je répète, en terminant, que la dignité de la chambre ne lui permet pas de reculer devant la discussion d'un projet de loi qu'elle a si vivement demandé pendant de longues années, et qui est enfin arrivé à la discussion.

M. Vermeire. - Messieurs, je suis un de ceux qui ont insisté autrefois sur la présentation d'un projet de tarification pour le transport des marchandises par le chemin de fer.

J'ai demandé la présentation de ce projet principalement pour que certaines anomalies qui existent dans le tarif actuel pussent disparaître, et que le tarif à intervenir fut plus fructueux pour le trésor.

Dans l'intérêt du trésor, je crois qu'il convient d'ajourner la discussion du projet de loi qui est arrivé à l’ordre du jour, et voici pourquoi : C'est que, comme l'a fort bien dit M. le ministre des travaux publics, le projet de loi actuel ne pourra probablement pas être examiné par le sénat dans la session actuelle, et, partant, le nouveau tarif ne pourrait pas être mis à exécution avant le 1er janvier prochain.

Maintenant reportons-nous aux discussions du dernier budget des travaux publics. Ces discussions ont donné lieu à de vives attaques contre l'administration du chemin de fer, à tel point que la question de la nomination d'une commission d'enquête avait gagné beaucoup de terrain dans cette enceinte. Le gouvernement a promis alors de nommer une commission qui serait chargée d'examiner tous les objets qui concernent l'exploitation du chemin de fer.

C'est en vertu de cet engagement qu'une commission a été nommée. Une sous-commission a été chargée d'examiner de près tout ce qui concerne la tarification. Je crois qu'il n'entre pas dans les intentions du gouvernement d'exploiter avec de nouveaux tarifs avant d'avoir consulte la Commission chargée d'examiner cet objet. Si, par arrêté royal, on pouvait faire disparaître seulement quelques anomalies qui sont dans le tarif actuel et dont la principale vous a été signalée par M. le ministre des travaux publics, vous auriez pour les petites marchandises un accroissement de recettes de 560 à 600 mille francs.

Le tarif actuel pour le transport des marchandises est de 3 et 5 centimes par quintal-lieue. En y ajoutant le chiffre intermédiaire proposé par le gouvernement, vous auriez un nouvel accroissement de recettes de 700 à 800 mille francs. Si on introduisait dans le règlement une clause assurant la remise de la marchandise dans un temps déterminé, vous auriez encore un accroissement assez considérable de recettes. Je crois donc qu'il est de l'intérêt du trésor que la discussion actuelle soit ajournée, jusqu'à ce qu'on ait fait une nouvelle expérience dans le sens que je viens d'indiquer.

- L'ajournement proposé par M. le ministre des travaux publics est mis aux voix et adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. de La Coste (pour une motion d’ordre). - On avait fixé la discussion sur la proposition relative à la garde civique à vendredi. Sur la proposition de M. le ministre des affaires étrangères, on l'a mise à mardi. Maintenant qu'on a donné (page 1126) le jour de mardi à la discussion de la loi sur les distilleries, il faudrait fixer un autre jour pour la garde civique.

M. le président. - Il n'est pas certain que le second vote de la loi sur les distilleries prendra toute la séance de mardi. Cet objet vient en premier lieu ; après viendra la proposition relative à la garde civique, qui reste à l'ordre du jour.

M. de Theux. - La garde civique aura la priorité sur le budget des affaires étrangères.

Le rapport n'est pas fait.

Projet de loi de délimitations de communes de la province de Limbourg

Vote de l’article unique du projet

« Article unique. Les enclaves, circonscrites par des lisérés jaunes sur les plans annexés à la présente loi, sont distraites des communes auxquelles elles appartiennent actuellement et réunies à celles sur le territoire desquelles elles sont situées ; savoir :

« 1° L'enclave indiquée au plan n°1, sous le n° 692, section B, du cadastre, est distraite de la commune de Gruytrode et réunie à celle de Tongerloo ;

« 2° L'enclave indiquée au plan n°2, sous les n°380 et 382, section B, du cadastre, est également distraite de la commune de Gruytrode et réunie à celle de Reppel ;

« 3° Les enclaves indiquées au plan n°3, sous les n°503, 533, 553, section A, 478, section B, et 369, section A, du cadastre, sont distraites des communes de Gruytrode et de Brée et réunies à celle d'Opitter ;

« 4° Les enclaves indiquées au plan n°4, sous les n8' 201, 202, 204, 227, section A, et 632a, sect. B, du cadastre sont distraites des communes de Tongerloo et d'Opoeteren et réunies à celle de Gruytrode ;

« 5° L'enclave indiquée au plan n°5, sous les n°551 et 590b, section A, du cadastre, est distraite de la commune de Pael et réunie à celle de Beeringen ;

« 6° L'enclave indiquée au plan n°6, sous les n°1 et 4, section B, du cadastre, est distraite de la commune de Coursel et réunie à celle de Beeringen, et celles indiquées au même plan, sous les n°734 et 751, section C, du cadastre, sont distraites de la commune de Beeringen et réunies à celle de Coursel ;

« 7° Les enclaves indiquées au plan n°7, sous les n°235, 237, 289 et 310, section A, du cadastre, sont distraites de la commune de Brée et réunies à celle de Beeck ; et celle indiquée au même plan, sous les n°743, 744, 754a, 755, 756, 757, 760a, 762, 763, 764, 768, 772a, 772b, 774, 780, 781, 782c, 7846, 785b, 806, 807 et 809, section. B, du cadastre, est distraite de la commune de Beeck et réunie à celle de Brée ;

« 8° L'enclave indiquée au plan n°8, sous les n°306, 307b, et 312a, section A, du cadastre, est distraite de la commune de Beeck et réunie à celle de Gerdingen. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet est adopté à l'unanimité des 55 membres qui ont répondu à l'appel.

Il sera transmis au sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Chimay, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, de Steenhault, de Theux, Dumon, Domortier, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Orban, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (Ad.), Rousselle (Ch.), Thienpont, Vandenpeereboom (Ernest), Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach et Delfosse.

- La séance est levée.