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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 30 novembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 105) M. Dumon fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens lit le procès-verbal de la séance précédente, la rédaction en est approuvée.

M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Les bateliers des bassins de la Sambre et de la Meuse demandent une diminution des droits de péage et la réduction du droit de leurs patentes au taux uniforme de la deuxième classe. »

M. Lelièvre. - La pétition intéressant vivement l'industrie des provinces de Namur et du Haiuaut, je prie la chambre de la renvoyer à l'examen de la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport. Il s'agit d'un objet qui mérite d'être apprécié le plus tôt possible.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs maîtres boulangers à Bruxelles se plaignent du préjudice que leur cause la manutention établie par l'administration des hospices de la ville de Bruxelles. «

- Même renvoi.


« Les bourgmestres de Lavacherie, Flamierge, Amberloup et d'autres habitants de ces communes, prient la chambre de prendre en considération les demandes qui ont pour objet l'enseignement ambulant agricole par le sieur Gatellier. »

- Même renvoi.


« Le sieur Choppinet et Daminet prient la chambre d'allouer au département des travaux publics un crédit pour le payement d'une créance à charge de l'Etat qui fait partie de la succession de leur père et beau-père, le sieur Nicolas-Joseph-Julien Choppinet, en son vivant notaire à Enghien. »

M. Matthieu. - Messieurs, je viens appuyer la réclamation dont vous venez d'entendre l'analyse.

Au point de vue de l'équité, les droits des pétitionnaires sont positifs et incontestables.

En effet, il s'agit de services rendus à l'Etat par M. Nicolas-Joseph Choppinet, ancien notaire à Enghien, en vertu d'une mission spéciale de M. le ministre de l'intérieur ayant pour objet de vérifier et de recevoir les contrats originaux des ventes de terrains pour l'emplacement du canal de Pommerœul à Antoing.

Ces opérations, commencées en 1831, se sont prolongées jusqu'en 1834 et se sont résumées en 508 dossiers comprenant 1,008 parcelles de terrain.

L'état de ces services ainsi que des déboursements y relatifs n'a jamais été liquidé à cause d'un enchaînement de circonstances tout à fait indépendantes de la volonté des ayants droit.

Au commencement de cette année les réclamants se sont adressés à M. le ministre des travaux publics pour régler enfin cette liquidation.

M. le ministre s'est vu forcé d'opposer aux pétitionnaires une fin de non-recevoir fondée sur la disposition de l'article 34 de la loi du 15 mai 1846, qui frappe leur demande de prescription, non toutefois sans exprimer le regret de n'avoir pu lui faire un accueil plus favorable ; en effet la dépèche de M. le ministre en date du 22 de ce mois s'exprime on ces termes :

« Si vous vous étiez adressé à mon département en temps opportun, nul doute que la créance dont s'agit n'eût été liquidée, car, je dois le reconnaître, M. le notaire Choppinet s'est acquitté de son travail à l'entière satisfaction de l'administration. »

Cette déclaration suffit pour démontrer le bien-fondé de la réclamation au point de vue de l'équité.

Quant à la prescription encourue, il appartient à la législature seule d'apprécier les motifs d'équité et de relever la créance donl s'agil de l'espèce de déchéance qui est venue la frapper.

C'est par ce motif que j'ai l'honneur de proposer à la chambre d'ordonner le dépôt sur le bureau de la réclamation des héritiers Choppinet pendant la discussion du budget des travaux publics auquel elle se rattache par son objet.

- Cette proposition est adoptée.


« Des propriétaires et locataires à Anvers demandent une loi qui déclare non imposables les engrais, et notamment les vidanges. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Bienvenu présente des considérations en faveur de la proposition de loi relative à la pension des veuves. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de cette proposition de loi.


« Le sieur Petersen, ancien sous-officier, blessé de septembre, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Il est fait hommage à la Chambre par M. l'abbé Meynders, de son dernier opuscule, ayant pour titre : « L'Union entre le Lion royal de Belgique et l'Aigle impériale d'Autriche. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Rapport de la section centrale

M. de Man d'Attenrode dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur pour 1854.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport. Le jour de la discussion sera fixé ultérieurement.

Projet de loi sur les denrées alimentaires

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - La discussion continue sur l'article 2 et les amendements qui s'y rapportent.

(page 111) M. Rogier. - J'ai demandé la parole, messieurs, pour m'occuper particulièrement de la question des pommes de terre. (Interruption.) Je viens d'entendre rire à ce mot; la chose, messieurs, est cependant d'une haute importance ; la pomme de terre joue dans l'alimentation du peuple un rôle essentiel, et quand, par malheur, elle vient à manquer, ce n'est pas une chose du tout risible.

Messieurs, j'ai dit dans la discussion générale, que je voterais contre la disposition de la loi qui prohibe les pommes de terre à la sortie ; je tiens à motiver, d'une manière plus ample, mon opposition à l'article 2.

D'après le régime qui existe en Belgique depuis l'année 1847, le consommateur jouit de la liberté d'importation des denrées alimentaires, ou sans droits ou à un droit modéré, et le producteur agricole a joui, sans discontinuer, de la libre disposition de ses produits, aussi bien pour l'extérieur que pour l'intérieur. Depuis l'année 1847 il n'y a pas eu de prohibition à l'entrée, il n'y a pas eu de prohibition à la sortie.

Le pays s'est-il mal trouvé de ce régime ? Je ne le pense pas, messieurs. Personne, n'a réclamé depuis 1847 contre la libre entrée et encore moins contre la libre sortie.

Dans la discussion générale, je me suis permis de dire que ce système était bon, qu'il n'avait donné lieu à aucun inconvénient, qu'il fallait le maintenir, et, pour avoir dit cela, un honorable représentant de Nivelles a bien voulu, avec son obligeance habituelle, me dénoncer comme une espèce d'idéologue, comme un songe-creux qui voulait tout faire fléchir sous ses principes, qui n'entendait rien aux affaires, rien au commerce, rien à l'agriculture. Voilà le résumé, l'analyse du discours obligeant de mon honorable collègue de Nivelles.

Messieurs, j'aime à entendre les opinions exprimées souvent en termes très spirituels, très élégants, par l'honorable député de Nivelles ; mais dans ces sortes de questions, je dois le dire, je crois qu'il ne lui appartient pas de reprocher à ses collègues leur manque d'études, leur manque d'aptitude.

Le discours de l'honorable préopinant a démontré à l'évidence qu'il n'avait pas étudié le premier mot de la question. C'est ce que je lui ferai voir dans le courant de mon discours, que je tâcherai, d'ailleurs, de rendre aussi court que possible.

On dit, messieurs, que les questions d'alimentation populaire ne se résolvent point par des principes, par des règles absolues qui ne doivent recevoir d'exception. Eh, mon Dieu ! je suis entièrement d'accord avec vous.

J'ai un grand respect pour les principes que je crois bons ; mais s'il m'était démontré qu'en faisant une exception à un principe, il dût en résulter un bien immédiat et permanent, je serais le premier à me relâcher de la rigueur du principe, quelque bon qu'il fût en soi, et j'admettrais l'exception. S'il m'était démontré qu'il fût nécessaire de faire au principe de liberté une exception pour le froment et le seigle, je ferais une exception pour le froment et le seigle. S'il m'était démontré qu'il y eût grande utilité à faire une exception pour les pommes de terre, j'abandonnerais la règle, je me résignerais à forcer les cultivateurs à abandonner aux consommateurs une partie de leurs revenus. Cela ne serait pas très-juste: mais je me soumettrais à la loi suprémo que nos adversaires eux-mêmes ont invoquée : Salus populi.

Voyons donc s'il y a lieu de faire au principe de la liberté d'exportation une exception en ce qui concerne les pommes de terre.

Pour quels motifs veut-on empêcher la sortie des pommes de terre ? Examinons.

Est-ce que les pommes de terre manquent dans le pays ? La récolte de 1853, comparée à celle des trois années précédentes, est d'un quart supérieure. Or, vous n'avez pas demandé la prohibition de la sortie des pommes de terre pendant les trois années antérieures.

Autre question : A-t-on exporté en 1853 plus de pommes de terre qu'on n'en a importé ? C'est tout le contraire : l'importation dépasse de beaucoup l'exportation. Veuillez, pour vous en convaincre, consulter les tableaux que vous avez sous les yeux. Donc de ce chef encore, il n'y a aucun motif pour défendre l'exportation des pommes de terre.

Et qu'est-ce que cette exportation? C'est souvent une partie des pommes de terre importées dans le pays et qui ressortent par une autre frontière.

Donc, si on invoque, pour justifier la mesure, un déficit dans notre production, on s'appuie sur une base fausse, puisque la récolte de 1853 est de beaucoup supérieure à la moyenne des trois années antérieures ; si l'on invoque le chiffre exagéré des exportations, on s'appuie encore sur une base fausse, puisque l'importation est de beaucoup supérieure à l'exportation.

On invoque un troisième motif : la pomme de terre n'est pas un objet de commerce ; et M. le ministre de l’intérieur, qui est d'avis que la pomme de terre n'est pas un objet de commerce, nous a appris dans une séance précédente qu'à l'époque où l'on a prohibé la sortie des pommes de terre des marchés considérables avaient eu lieu...

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Pour l'exportation.

M. Rogier. - Mais l'exportation, c'est du commerce, je pense. Ainsi, la pomme de terre n'est pas un objet de commerce, et cependant elle donne lieu à de grandes opérations d'exportation. Qu'est-ce donc qu'un objet de commerce ? Je serais charmé que l'honorable (page 112) M. F. de Mérode, qui m'a reproché de ne pas savoir ce que c'est qu'un objet de commerce, m'apprît ce que c'est...

M. de Mérode. - Je demande la parole.

M. Rogier. - Attendez, vous aurez encore d'autres réponses à me faire.

Je vois que le mouvement du commerce des pommes de terre, tant à l'entrée qu'à la sortie, est de 4 millions de francs par an. C'est, ce me semble, un objet de commerce assez considérable que celui qui donne lieu à un mouvement de 4 millions de francs, tant pour l'entrée que pour la sortie. Ce n'est pas un objet de commerce, dit M. de Mérode, parce que les pommes de terre ne peuvent pas se conserver longtemps en magasin.

Mais il y a d'autres denrées qui sont dans le même cas et qui, cependant, sont un objet de commerce : nos cultivateurs ont exporté pour 2 millions de pommes de terre ; ils ont exporté des fruits pour 4 millions, d'après l'honorable membre ce ne serait pas un objet de commerce, car les fruits se conservent moins encore en magasin que les pommes de terre ; les légumes qu'on a exportés, à concurrence de près d'un million de francs, sont encore un objet de commerce, si je comprends bien ce que c'est qu'une opération commerciale et qui consiste à transporter au-dehors ou à importer chez nous les objets dont les autres pays ou le nôtre ont besoin.

La pomme de terre n'est pas un objet de spéculation ? Mais M. le ministre de l'intérieur nous a dit que le motif principal qui l'avait engagé à prohiber la sortie des pommes de terre, ce n'est pas qu'on en exportât trop, les chiffres auraient contredit son assertion ; il avait appris que des marchés considérables avaient été passés pour l'exportation.

Comment ! on apprend que, sur la foi de notre législation, des spéculateurs, des agriculteurs, des négociants se sont engagés à fournir une certaine quantité de produits, et on vient les arrêter, on leur fait défense d'exporter leurs produits, d'exécuter leurs engagements, en portant atteinte à la loi.

Remarquez la position des exportateurs. En 1850, qu'avait fait le gouvernement ? Il avait repoussé d'une manière formelle la proposition qui lui accordait la faculté de prohiber les denrées alimentaires à la sortie.

Le gouvernement n'a pas voulu de cette disposition, il a dit : Je repousse cette faculté, il faut au commerce et à l'agriculture de la sécurité et de la stabilité ; si le commerce et l'agriculture se trouvent sous le poids d'une telle menace, ils seront arrêtés dans leurs opérations ; il était à craindre, en effet, que le gouvernement, se laissant influencer dans un moment donné, ne fît trop facilement usage de la faculté qu'on voulait lui donner; en la refusant, nous avions voulu, je le répète, donner de la sécurité et de la stabilité à l'agriculture et au commerce.

Les agriculteurs et les spéculateurs ont agi en conséquence; et certes ils ne pouvaient s'attendre à ce qui leur est arrivé.

Si je suis bien informé, des pommes de terre étaient en chargement pour la sortie ;; on a forcé les exportateurs à renoncer à leurs opérations ; la prohibition a frappé l'exportateur du jour au lendemain, il a été forcé de décharger les bateaux qui étaient sur le point de partir. (Interruption.)

Eh bien, messieurs, ou il n'y avait pas de marchés, et alors l'exportation pouvait continuer sur le même pied qu'auparavant, c'est-à-dire dans des proportions à peu près égales aux importations ; ou il y avait des marchés considérables, et alors la mesure aurait eu un caractère d'iniquité plus grande et qui engage, jusqu'à certain point, la responsabilité de l'Etat.

Messieurs, je ne suis pas l'adversaire des exceptions utiles, des exceptions nécessaires. Je ne combats l'exception qu'on a introduite pour les pommes de terre que parce que je ne la crois pas utile et nécessaire, et je continue d'examiner les motifs que l'on invoque pour cette exception.

On dit : Il faut céder au préjugé populaire; le peuple n'aime pas à voir sortir les pommes de terre du pays ; il faut lui donner la satisfaction de ne pas voir sortir les pommes de terre ; il faut craindre les émeutes.

Messieurs, cet argument s'applique tout entier à l'exportation des grains. Ce n'est que depuis la crise alimentaire de 1845, depuis le manque de la récolte des pommes de terre, qu'on a attaché à cet aliment une grande importance. Toujours les émeutes ont eu lieu à l'occasion des grains et non à l'occasion des pommes de terre ; c'élait toujours contre les grains, contre les accapareurs que se faisaient les émeutes.

Vous ne craignez pas les émeutes, puisque, et avec beaucoup de raison, vous maintenez la liberté des grains à la sortie. Vous ne deviez pas les craindre davantage en maintenant la liberté des pommes de terre à la sortie. Les raisons que vous avez données en ce qui concerne les céréales sont tout aussi bonnes , sont meilleures même à invoquer en ce qui concerne les pommes de terre. Vous avez éclairé les populations par un article au Moniteur, vous leur avez expliqué pourquoi vous ne prohibiez pas les céréales ; il fallait aussi insérer au Moniteur un article pour expliquer pour quels motifs on ne prohibait pas les pommes de terre à la sortie. El c'est ce qui avait eu lieu en d'autres circonstances.

Je l'ai dit, en 1848, époque très agitée, on a aussi demandé la prohibition des pommes de terre à la sortie, et le gouvernement s'est constamment refusé à faire cette concession au préjugé populaire, et il n'y a pas eu d'émeute dans le pays, et l'agitation ne s'est pas produite ou elle s'est calmée, et l'on a fini par comprendre que ce n'était pas en prohibant les pommes de terre à la sortie que l'on en abaisserait le prix.

L'honorable M. de Mérode a avancé un autre fait. Je ne sais où il a recueilli ce fait, lui qui paraît avoir longtemps médité sur la question, lui qui n'est pas un homme frivole, qui étudie soigneusement tous les faits. Il vous a dit : Tous les pays prohibent ; pourquoi ne prohibons-nous pas? Nous sommes des idéologues. C'est une erreur de laisser la sortie libre lorsque tous les pays prohibent.

M. de Mérode. - Je n'ai pas dit tous les pays ; j'ai dit certains pays.

M. Rogier. - Comme vous êtes un homme de faits, un homme positif, je tiens à invoquer votre autorité ; vous n'êtes pas un idéologue.

Voici ce que dit l'honorable M. de Mérode : « Messieurs, la généralité des cultivateurs comme des propriétaires approuvent cette défense de sortie. Mais l'honorable M. Rogier la condamne. (D'un côté les propriétaires, de l'autre M. Rogier.) Pourquoi? Parce que l'imagination suffît pour nourrir des rêves, tandis que les cultivateurs et les propriétaires comptent avec la réalité des besoins intérieurs et réservent volontiers les pommes de terre à la consommation du pays, le voisin se réservant à lui-même ses propres denrées. »

Voilà donc, messieurs, les propriétaires et les cultivateurs des autres pays qui conservent, et le voisin en fait autant.

M. de Mérode. - Le grand voisin, la France.

M. Rogier. - Les propriétaires et les cultivateurs de tous les pays de l'Europe, sauf une exception, sont des idéologues, sont des rêveurs ; car aucun d'eux n'a demandé ni soutenu la prohibition des pommes de terre à la sortie. L'honorable ministre des finances vous l'a dit avec beaucoup de raison, pour les céréales tous les pays civilisés ont consacré le principe de la liberté de sortie.

M. Dumortier. - Et la France ?

M. Rogier. - C'est l'expression dont s'est servi M. le ministre des finances. Il a fait principalement allusion à l'Egypte ; il n'a pas voulu comprendre les Etais de Rome parmi les Etats non civilisés.

Mais enfin tous les autres pays ont conservé la libre sortie ; je pourrais même y ajouter l'Egypte, puisqu'elle vient de lever la prohibition.

Mais pour les pommes de terre, tous les gouvernements qui ne sont pas des rêveurs, ont prohib é; c'est l'honorable M. de Mérode qui nous l'assure. Quels gouvernements? Je prie l'honorable M. de Mérode de nous l'apprendre.

M. Dumortier. ;- La France.

M. Rogier. - Pas du tout.

M. de Haerne. - Oui, la France prohibe la sortie.

M. Rogier. - Si les pommes de terre sont prohibées à la sortie en France, elles continuent cependant à entrer dans notre pays.

M. de Haerne. - Pas du tout, elles sont prohibées.

M. Rogier. - Messieurs, voici ce que je vois dans le tableau du mois d'octobre 1853 :

Pommes de terre importées en Belgique :

Du Zollverein, 1,094 hectolitres ;

Des Pays-Bas, 4,171 hectolitres ;;

De France, 4,378 hectolitres.

Voilà de l'officiel : 4,378 hectolitres exportés de France en Belgique durant le mois d'octobre dernier.

Il n'est pas exact, dans tous les cas, d'invoquer les pays voisins et les propriétaires en général, en faveur de la prohibition des pommes de terre à la sortie ; c'est la rare, l'infiniment rare exception.

On a parlé hier, messieurs, d'un système de duperie, un orateur professe l'opinion à laquelle tout le monde, je pense, se rallie, qu'il ne faut pas être dupe ; je suis parfaitement de l'avis de l'honorable M. Verhaegen et ici je n'admets aucune espèce d'exception ; mais la prohibition à la sortie, savez-vous, messieurs, ce que c'est ? C'est le système de la duperie sous tous les rapports, le système de la duperie pour tout le monde, pour le consommateur, pour le producteur, pour l'agriculteur.

Et il faut que l'honorable M. Verhaegen, qui ne veut pas d'un système de duperie et avec grande raison, repousse la proposition qui est faite, de prohiber les pommes de terre à la sortie, car il n'y a que duperie pour tout le monde au fond de cette prohibition. Pour le producteur, on voudra bien admettre que celui qui, sous l'empire d'une loi qui lui assurait la libre disposition de ses produits, qui avait pour lui la garantie du refus formel fait par les auteurs de la loi, d'accepter la faculté de prohiber, que l'agriculteur qui, depuis huit années cultivait avec la perspective de disposer librement de ses produits et qui tout à coup se voit privé d'un débouché important, d'un débouché de deux millions de francs à l'extérieur, que celui-là est la première dupe du système qu'on veut aujourd'hui préconiser. Je crois que cela n’est pas niable.

Pour le spéculateur ? Voici un commerçant, un spéculateur qui, sous la foi d'une législation qui permettait la libre exportation, a fait des entreprises, a fait des marchés, a fait des contrats, et qui, tout à coup, du jour au lendemain, se voit obligé de renoncer à ses commandes, qui ne peut pas tenir son engagement. Depuis huit années l'article des pommes de terre est entré dans la spéculation; voilà ces spéculateurs privés tout à coup de cette branche de revenu. Je crois qu'ici encore s’il y a duperie pour quelqu'un, c'est pour le spéculateur, pour le commerçant qui se voit privé, violemment privé d'une branche de revenu qu'il (page 113) s'était créée. Maintenant pour le consommateur. C'est ici qu'il y a duperie évidente. On dit : « Eh, mon Dieu! Accordons cette satisfaction. Il faut donner satisfaction au peuple. Nous savons fort bien que cela n'y fera rien; nous savons fort bien que cela ne fera pas diminuer le prix des pommes de terre ; mais que voulez-vous ! il faut bien faire quelque chose pour les préjugés populaires, il faut bien leur accorder cette satisfaction. »

Eh bien, messieurs, c'est une duperie pour le consommateur parce qu'on a l'air de lui procurer un remède dont, au fond, on connaît la parfaite inefficacité. N'est-ce pas là une duperie et une haute duperie pour le peuple? N'est-ce pas le tromper que de prendre une mesure qui a l'air d'être favorable à ses intérêts et qui, en réalité, ne produit aucun résultat ?

Et où il y aurait une bien autre duperie encore pour le consommateur, ce serait dans ce fait dont la réalisation n'esl pas impossible, la provocation à d'autres pays d'imiter la Belgique. Messieurs, ce que je dis ici est très grave : en prohibant à la sortie, qui vous dit que vous ne forcerez pas d'autres pays à user de représailles? Qui vous dit que, sans même vouloir user de représailles, on ne suivra pas l'exemple de la Belgique qui passe pour avoir, en matière commerciale, des idées sages et une bonne législation ?

Eh bien, dans quelle position placerez-vous le consommateur belge si, à l'instar de ce qui se passe en Belgique, les pays d'où nous tirons les pommes de terre, le Zollverein, la Hollande venaient à prohiber ces tubercules? Aujourd'hui nous trouvons dans les pays voisins ce qui nous manque encore, puisque nous importons plus de pommes de lerre que nous n'en exportons ; qu'arriverait-il si ces pays venaient à prohiber l'exportation, à l’imitation de la Belgique ou par représailles? Qui serait alors dupe ? Ne serait-ce pas le consommateur, qui serait exposé cette fois à une disette partielle ? On vient de m'assurer que, déjà dans un pays voisin, depuis quelques jours on a défendu l'exportation des pommes de terre. Le grand-duché de Luxembourg vient, m'assure-t-on, de prohiber l'exportation des pommes de terre en Belgique.

Voilà, messieurs, déjà un premier résultat. Que la Hollande en fasse autant, que le Zollverein eu fasse autant, et cet excédant d'importation de pommes de terre, qui venait compenser si largement l'exportation, cet excédant nous fera défaut et il y aura un commencement de disette de pommes de terre.

Voilà, messieurs, de la duperie ! Voilà ce qu'il faut repousser et c'est pour cela, messieurs, que je me suis occupé spécialement de cette partie de la loi. Je crois qu'il faut y attacher plus d'importance qu'on ne l'a fait. Il ne s'agit pas seulement d'un principe, il y a aussi un résultat, un résultat matériel.

Nous ne sommes pas maîtres, messieurs, de régler notre législation comme nous l'entendons, nous devons aussi penser à ce que nos voisins pourraient faire.

L'honorable M. Verhaegen a dit qu'il fallait user de représailles envers les pays qui prohibent les pommes de terre à la sortie ; mais alors, pour être conséquent avec lui-même, l'honorable M. Verhaegen devrait au moins permettre la sortie des pommes de terre vers les pays qui, de leur côté, permettent cette sortie.

Ainsi, en examinant bien la question sous tous les rapports, je ne trouve aucun motif pour admettre l'exception qui vous est proposée. L'exception, appliquée à d'autres produits analogues, a même un caractère ridicule. Ainsi, on prohibe la sortie des fèves (haricots); on n'en exporte pas.

La section centrale a adopté la prohibition de la fécule de pomme de terre. Je ne sais pourquoi l'industriel qui, sous la foi de la législation actuelle, a établi une fabrique de fécules, se verrait forcé, de par la loi nouvelle, de ne pas vendre à l'étranger les fécules pour lesquelles il a peut-être contracté des marchés.

En résumé, nous avions en 1850, fait une loi sage qui, en accordant la liberté pour l'importation des denrées alimentaires, consacrait le même système de liberté à la sortie des mêmes denrées.

Ce système existait déjà en fait depuis 1847 ; depuis cette époque nous avons eu en fait la liberté d'entrée et de sortie. Fallait-il toucher à ce système ? Faut-il y introduire une exception considérable, exception temporaire, je le veux bien, mais que rien ne motive, si ce n'est le désir de donner une vaine satisfaction à un préjugé populaire ? Voilà le seul motif, et celui-là même repose sur une base fausse.

Je crois que nous ne devons pas admettre cette exception. Si, ce qui est probable, elle est admise, j'espère que les ministres feront, le plus tôt possible, usage de la faculté qui leur permet de lever la prohibition à la sortie. N'ayons pas une loi incohérente, inconséquente dans ses dispositions, qui livre, d'une part, le cultivateur belge à la concurrence illimitée de tous les pays étrangers et qui, d'autre part, empêche le cultivateur belge de disposer librement de ses produits. De pareilles dispositions ne peuvent pas exister simultanément.

Ce n'est pas ici de la pure théorie, c'est du simple bon sens, c'est de la simple justice. Nous n'admettons pas un pareil traitement pour l'agriculteur : si nous le livrons à la concurrence étrangère, nous voulons à plus forte raison qu'il puisse disposer de ses produits en toute liberté. Or, le système établi par l'article 2 du projet de loi consacre une injustice manifeste pour l'agriculture ; je ne pourrai pas l'admettre pour ce motif seul, indépendamment de ceux que j'ai fait valoir.

(page 105) >M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, dans une séance précédente, mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, a justifié la mesure que le gouvernement a cru devoir prendre relativement aux pommes de terre ; cette mesure venant d'être attaquée avec une certaine vivacité par l'honorable préopinant, je demanderai la permission d'ajouter quelques observations à celles que M. le ministre de l'intérieur a fait valoir.

Dans les questions de la nature de celles qui s'agitent depuis plusieurs jours devant cette chambre, l'honorable préopinant le sait parfaitement, nous nous rapprochons beaucoup plus de sa manière de voir que de celle de ses adversaires ; mais il y a entre l'honorable M. Rogier et nous cette différence que nous sommes moins absolus dans notre principe qu'il ne l'est lui-même. Nous admettons, nous, que dans des circonstances exceptionnelles, il faut prendre des mesures exceptionnelles. Toute la question est donc de savoir s'il y avait des raisons particulières pour que nous prissions, à l'égard des pommes de terre, la mesure de prohibition que nous ne prenions pas à l'égard des céréales ; et de savoir, en outre, si nous avons pris cette mesure en temps opportun.

Je vais, messieurs, mettre sous les yeux de la Chambre quelques chiffres qui, je le crois, lui donneront, sous ce double rapport, une entière satisfaction.

Du relevé qui a été fait pendant les derniers jours du mois de septembre et pendant la première moitié ou mois d'octobre, des importations et des exportations de pommes de terre, voici ce qui est résulté quant aux exportations :

Du 16 au 20 septembre on a exporté 137,550 kil. de pommes de terre

Du 21 au 30 septembre, 144,340 kil.

Du 1er au 5 octobre, 86,030 kil.

Du 6 au 10 octobre, 149,030 kil.

De 11 au 15 octobre, 980,100 kil.

Et c'est précisément le 15 octobre que le gouvernement a interdit la sortie des pommes de terre.

Remarquez-le, la spéculation étrangère avait attendu, pour faire des commandes considérables, le moment de la récolte ; jusqu'à la mi-octobre, les exportations étaient insignifiantes, elles étaient balancées jusqu'à un certain point par les importations ; la récolte se fait, et en quelques jours les exportations prennent un accroissement considérable.

Nous avions, en outre, des renseignements certains venant de toutes les parties du pays et nous annonçant que des commandes considérables étaient arrivées pour l'achat de pommes de terre, destinées à être exportées.

A cette même époque les pommes de terre avaient subitement éprouvé un renchérissement très notable. Les choses étaient venues à ce point qu'il y avait, je n'hésite pas à le dire, une véritable inquiétude dans le pays. Je suis persuadé que la grande majorité de la chambre affirmera ce que je viens de dire.

Le gouvernement, messieurs, a donc cru devoir interdire la sortie des (page 106) pommes de terre, et nous persistons à penser qu'il a pris cette mesure dans le moment opportun.

Mais, dit-on, à quoi bon interdire la sortie d'une denrée, alors que vous reconnaissez vous-mêmes que le commerce de cette denrée est insignifiant ?

Messieurs, ce n'est pas dans ce sens-là que mon collègue, M. le ministre de l'intérieur, s'est expliqué quand il a dit que le commerce des pommes de terre était insignifiant ; il a voulu parler des échanges du commerce d'importation et d'exportation, il n'a jamais prétendu que les exportations des pommes de terre fussent insignifiantes, puisque nous avions la preuve qu'elles se faisaient sur une grande échelle et qu'elles allaient se faire sur une échelle plus grande encore.

Les importations ont-elles considérablement diminué par suite de la mesure qui a été prise ? Elles ont été du 16 au 20 octobre de 84,140 kilogrammes, c'est le même chiffre que pendant la période du 21 au 25 septembre.

Du 21 au 25 octobre elles ont été de 55,610 kilogrammes, le même chiffre à très peu de chose presque du 6 au 10 octobre.

Vous voyez donc qu'en favorisant par la mesure prise l'ensemble des provinces nous n'avons fait du tort à aucune partie du pays ; que là où les importations pouvaient être d'une certaine utilité elles on continué.

Mais si ce que je viens de dire n'avait pas suffisamment justifié la mesure que l'on vient d'attaquer, je pourrais invoquer un meilleur argument, et cet argument c'est l'approbation du pays. La mesure en effet n'a été blâmée ni au nom de la propriété, ni au nom de l'agriculture, ni au nom du commerce.

Elle a reçu, je puis le dire, une approbation générale, et si quelques critiques, très bienveillantes quant à la forme, ont trouvé place dans certains organes de la presse, ces critiques avaient lieu à l'unique point de vue des principes et nullement au point de vue d'un intérêt quelconque qui eût été lésé.

C'est cependant au nom du commerce et au nom de l'agriculture que l'honorable préopinant vient d'attaquer l'interdiction de la sortie des pommes de terre. Mais il y a dans cette chambre des personnes qui se constituent en toute circonstance ou les représentants particuliers de l'agriculture ou les représentants particuliers du commerce, je n'entends aucun d'eux élever la voix pour tenir le même langage que l'honorable M. Rogier.

C'est qu'en effet, malgré la prohibition de la sortie, les pommes de terre sont encore à un prix très élevé, si élevé que nous qui nous occupons plus particulièremenl de la classe ouvrière, de la classe nécessiteuse, nous verrions avec grand plaisir le prix des pommes de terre baisser encore et nous serions convaincus que l'agriculture trouverait, malgré cette baisse que nous appelons de nos vœux, ce qu'on est convenu d'appeler un prix rémunérateur.

Mais, dit l'honorable membre, votre mesure, injuste quant au fond, a pris un nouveau degré d'injustice dans cette circonstance, que vous avez décidé qu'elle serait exécutée immédiatement. Par là, vous avez pu troubler quelques opérations commerciales.

Messieurs, quand le gouvernement a décrété la libre entrée des céréales, il a également apporté un changement très grand à la législation qui nous régissait.

L'honorable préopinant ne se plaint pas que nous ayons jeté le trouble dans les opérations commerciales dont les céréales pouvaient être l'objet. Pourquoi ? C'est que l'honorable membre approuve toutes les mesures qui se rapprochent de son système, un peu trop absolu selon moi, et qu'il blâme toutes celles qui s'en éloignent.

Pour nous, nous n'avons dans cette matière qu'une seule chose en vue, c'est l'intérêt du pays ; or d'après les chiffres qui sont sous vos yeux l'intérêt du pays exigeait non seulement que la sortie des pommes de terre fût interdite, mais qu'elle le fût immédiatement. Au reste, de ce dernier chef pas plus que de la mesure générale aucune plainte que ce soit n'est venue d'aucune part.

Mais, dit-on, pourquoi interdire la sortie des pommes de terre ? Vous reconnaissez vous-mêmes que la récolte n'en a pas été mauvaise vous avouez qu'elle est même supérieure à celle des trois années précédentes ; il n'y avait pas nécessité de prendre une mesure aussi exorbitante, une mesure qui fait violence à tous les principes, puisque depuis 1847 l'on n'avait rien fait de semblable.

Messieurs, la récolte des pommes de lerre est suffisante jusqu'à certain point, mais elle n'a pas été tellement abondante que nous puissions impunément en laisser sortir une grande quantité. Je n'hésite pas à dire que si la mesure avait été retardée, ne fût-ce que de quinze jours, le prix serait d'un quart en sus de ce qu'il est aujourd'hui sur nos marchés.

On n'a pas pris de pareille mesure depuis 1847, dit-on. Mais depuis lors nous n'avons pas eu une récolte en général aussi peu satisfaisante que cette année ; de ce qu'on n'a pas pris une mesure extraordinaire depuis 1847, ce n'était pas une raison pour que nous n'en prissions pas une aujourd'hui.

Enfin le dernier argument qu'on a fait valoir, c'est celui par lequel on a fait craindre des représailles de la part de quelques autres pays.

D'abord dans les années comme celle-ci on ne prend pas de mesure de représailles ; en fait de denrées alimentaires chaque pays consulte son intérêt ; on n'en verra aucun prendre des mesures par représailles, pour nuire à un pays voisin ; aussi je ne crains aucune mesure qui serait prise daus le but de se venger de ce que nous aurions fait, de nous faire du tort. Là où l'on croira devoir prohiber la sortie des pommes de terre, on la prohibera quoi que nous fassions, et nulle part on ne l'interdira parce que nous l'aurions interdite.

Au surplus, ou interdirait la sortie des pommes de terre dans les pays voisins, que je ne crois pas que la Belgique en souffrirait beaucoup, et à coup sûr cette pensée qui n'existe pas aurait existé que nous n'eussions pas moins agi comme nous l'avons fait.

En définitive, je désire vivement qu'une proposition soit faite, tendant à engager la chambre à ne pas approuver la prohibition de sortie des pommes de terre, parce que j'ai la conviction que cette mesure aura plus d'approbateurs encore que celle par laquelle le gouvernement a décrété la libre entrée des céréales.

M. Dumortier. - Je suis assez embarrassé pour prendre la parole à la suite des deux orateurs que vous venez d'entendre. En effet, tous deux ont parfaitement défendu leur thèse : l'honorable M. Rogier a défendu à la perfection la thèse de ce libre échange impitoyable, qui ne tient compte de rien et, dussent les colonies périr, veut avoir un système fixe. De son côté, l'honorable M. H. de Brouckere a admirablement démontré que, dans des circonstances exceptionnelles, il fallait prendre des mesures exceptionnelles, justifiant en tous points la prohibition de sortie des pommes de terre, arrêtée par le gouvernement.

Eh bien, messieurs, il me semble que tout ce que vient de dire l'honorable ministre des affaires étrangères (et je dois ajouter que j'applaudis sans réserve à ses paroles) prouve jusqu'à la dernière évidence la nécessité de l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer en étendant cette mesure aux céréales.

M. Prévinaire. - Très bien !

M. Dumortier. - En effet, le gouvernement nous dit, par l'organe du chef du cabinet, que dans des circonstances exceptionnelles, il faut des mesures exceptionnelles.

Or, je le demande, est-il possible d'imaginer une circonstance plus exceptionnelle que celle qui amène les céréales sur notre marché alors qu'elles sont arrivées à un prix qui n'a pas son égal, à pareille époque, depuis la grande famine de 1816. Si jamais dans des circonstances exceptionnelles une mesure exceptionnelle doit être prise, c'est bien certainement, lorsque nous arrivons à un chiffre, à celui qu'ont atteint les céréales à l'époque actuelle, prix tellement élevé, tellement exceptionnel qu'il faut remonter à la grande famine de 1816, pour trouver un taux semblable au mois de novembre.

Maintenant, veuillez remarquer que ce système de prohiber les denrées alimentaires à la sortie ne peut en aucune manière nuire aux importations ; car, M. le ministre vient de le dire, on a prohibé les pommes de terre à la sortie, et les importations n'ont pas diminué. Vous avez donc ici la démonstration la plus évidente, la plus claire, la plus mathématique qu'en prohibant les céréales à la sortie les importations ne diminueront pas.

Ce n'est pas tout ; le gouvernement a prohibé la sortie des pommes de terre. Et qu'en est-il résulté ? Le ministre vient de vous l'apprendre. Le prix s'était élevé, mais immédiatement après la proclamation de la prohibition de sortie les prix ont diminué. Ne serait-ce pas un immense bienfait pour la Belgique, si nous pouvions arriver pour les grains au même résultat ;? Le résultat est évident, le gouvernement vient de le déclarer. Ici donc encore l'expérience qui vient d être faite quant aux pommes de terre vous donne, la mesure des résultais bienfaisants que vous avez à attendre parl a prohibition des céréales.

Mais après avoir proclamé ces faits, le ministre ajoute que le meilleur argument à l'appui de la mesure si excellente, je le reconnais, qu'il a prise, c'est qu'elle a eu l'approbation du pays. Or le pays demande la prohibition des céréales à la sortie. Vous êtes sûrs d'avoir l'approbation du pays, et vous la refusez.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je demande la parole.

M. Dumortier. - Le gouvernement ajoute encore avec infiniment de raison (car, je le répète, je me rallie à ce que vient de dire l'honorable M. de Brouckere à l'appui de l'amendement que j'ai déposé sur le bureau) : « Nous verrions avec plaisir que les pommes de terre pussent encore baisser. » Comme conséquence, je dis : Vous avez pris une mesure qui les a fait baisser. Prenez la même mesure pour les céréales.

Je pense, messieurs, qu'il est impossible de défendre l'amendement que j'ai déposé sur le bureau mieux que ne l'a fait l'honorable M. H. de Brouckere. Il a démontré par des données irrécusables, par la marche des faits qui viennent de se passer et leur application aux pommes de terre, le résultat qui infailliblement serait identique si nous l'appliquions à d'autres denrées alimentaires, au froment, au seigle, en un mot aux céréales.

Les céréales, vous a-t-on dit tout à l'heure, ne sont prohibées que dans deux pays : l'Egypte et les Etats-Romains. M. le Minislre des finances, dans le discours qu'il a prononcé l'autre jour, a dit que la sortie des céréales n'est pas prohibée en France. Mais, messieurs, nous sommes ici dans une assemblée sérieuse, dans l'assemblée des députés de la nation, et certes il ne faut pas équivoquer sur les mots.

En fait, les céréales sont-elles, oui ou non, prohibées en France ? Personne ne l'ignore. Je ne sais si la France a changé sa législation de 1819. Mais ce que je sais, c'est que la législation proposée par les 21 était précisément la législation française, d'après laquelle les céréales seraient maintenant frappées d'un droit de 26 fr. l'hectolitre à la sortie. (page 107) Il est évident que c'est la prohibition, et qu'il est impossible de faire sortir de France un grain de seigle ou de froment.

N'équivoquons pas sur les mots : la France a prohibé la sortie des grains, et s'en est bien trouvée.

Toutefois, je suis d'accord avec l'honorable député d'Anvers, qu'il n'est pas juste de livrer le cultivateur aux chances les plus mauvaises, en prohibant les grains à la veille d'une famine. Mais M. le ministre des afl'aires étrangères a prouvé par l'exemple des pommes de terre que la prohibition de sortie n'est pas désavantageuse à l'agriculture. Ce sont les considérations que j'ai fait valoir quand j'ai soutenu qu'il fallait régler les conditions du producteur et du consommaient

Appelez ce système, échelle mobile ou autrement, toujours est-il qu'il faut un maximum où il y a prohibition de sortie et un minimum où il y a libre entrée. Je n'ai jamais varié sur ce point. Je ne suis pas de votre avis, mais chacun peut avoir le sien. Avec ce système, le consommateur est assuré d'avoir toutes les céréales dans les années de disette, et le cultivateur ne se verra pas ruiné dans les années d'abondance.

Voilà ce que j'ai toujours soutenu et ce que je pense encore ; et c'est là qu'il faudra en revenir. Entendue en ce sens, la loi est une application du système qui a été adopté à Paris et à Londres, et dans plusieurs grandes villes de Belgique, alors que l'autorité communale fixait la mercuriale en dessous de la réalité dans les moments de disette, et indemnisait les boulangers en la fixant ensuite à un taux plus élevé.

Eh bien, la loi sur les céréales doit être la même chose appliquée au pays. Elle doit favoriser le producteur quand les prix s'avilissent et favoriser le consommateur quand ils arrivent à menacer de la famine. Dans mon opinion, il faut en revenir à cette mesure ; et vous avez beau dire, si vous ne votez pas maintenant la prohibition des céréales à la sortie, vous la voterez avant la fin de la session.

Messieurs, la proposition sur laquelle vous allez voter tout à l'heure rencontre en ce moment une triple opposition : d'abord le système de l'impitoyable libre échange chez quelques-uns ; le système ultra-mercantile chez quelques autres ; le système ultra-agricole chez d'autres encore. Je sais, messieurs, que ces trois obstacles viennent à rencontre de ma proposition.

Mais si vous votez dans un moment où une légère baisse se fait dans le pays, vous ne devez pas vous faire illusion, cette baisse ne continuera pas, et, je vous le répète, si vous repoussez aujourd'hui la prohibition de sortie des céréales, vous la voterez avant la fin de la session, parce que la loi fatale de la hausse des grains en avril et en mai vous forcera nécessairement à la voter ; et vous la voterez avec cet immense regret d'avoir laissé sortir du pays une notable partie des approvisionnements. (Interruption.)

Ce sont des faits connus de tous, et il est inutile de cacher au pays ce que le pays sait beaucoup mieux que nous.

Messieurs, je me bornerai, pour terminer, à vous faire remarquer les contradictions que j'ai observées dans toute cette discussion.

Il y a, suivant moi, contradiction de dire avec M. le ministre de l'intérieur qu'il y a un manquant considérable et de pousser en outre à la spéculation, comme il le fait.

Il y a contradiction d'annoncer un déficit d'un million et demi à deux millions d'hectolitres et de soutenir, comme il le fait encore, que le meilleur moyen de combler ce déficit est de laisser sortir le grain qui est dans le pays et par conséquent d'augmenter ce déficit.

Il y a, suivant moi, contradiction de dire, avec l'honorable M. Liedts, qu'il manque des moyens de transport pour nos approvisionnements, et de soutenir d'un autre côté que le meilleur moyen d'y pourvoir est de rendre ces moyens de transport pour l'approvisionnement encore moins grands, en favorisant l'exportation du pays, et qui se fera au détriment des moyens de transport pour l'importation.

Il y a, me semble-t-il, contradiction de prétendre avec mon honorable ami M. de Naeyer qu'il faut assurer les approvisionnements du pays et de soutenir avec lui qu'on ne les assurera jamais mieux qu'en les diminuant par l'exportation.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je n'ai pas dit cela.

M. Dumortier. - Laisser sortir les grains, c'est bien diminuer les approvisionnements.

M. de Naeyer, rapporteur. - J'ai démontré que les approvisionnements augmentaient par l'excédant des importations.

M. Dumortier. - Il n'en est pas moins vrai que le déficit que vous voulez combler s'agrandit de tout ce que vous laissez sortir ; là est la contradiction.

Il y a, selon moi, contradiction de dire, avec mon honorable ami M. Coomans, que le libre échange est une calamité et cependant de défendre toutes les mesures que propose le libre échange.

Il y a, me semble-t-il, encore contradiction de prétendre, avec mon honorable ami M. de Decker, que nous qui nous basons sur des faits, nous sommes guidés par des suppositions, et de faire reposer toute son argumentation sur une supposition gratuite, à savoir que le grain ne haussera pas de prix et qu'il ne s'exportera pas.

Voilà cependant sur quels arguments repose l'opposition qu'on nous fait. Je n'en dirai pas davantage à la Chambre. Mais un fait reste pour moi incontestable : c'est que ma proposition a l'approbation publique ; c'est que l'expérience faite pour les pommes de terre démontre à l'évidence la bonté, l'excellence de cette proposition ; en effet si les importations de pommes de terre n'ont pas diminué par la prohibition à la sortie, il est certain que les importations de céréales ne diminueront pas davantage par la prohibition à la sortie, et que la pommes de terre ayant diminué de prix à la suite de la prohibition à la sortie, il y a espoir que le même résultat sera obtenu pour les grains à la suite d'une mesure semblable.

Je pense donc, messieurs que tous les arguments qu'a fait valoir M. le ministre des affaires étrangères à l'appui de la prohibition des pommes de terre à la sortie, arguments que j'approuve dans leur entier et pour les conséquences qu'il en tire et pour les paroles qu'il a prononcées, démontrent à l'évidence l'indispensable nécessité d'en agir de même pour les céréales. Car s'ils sont vrais pour ce tubercule, à plus forte raison le sont-ils pour les céréales qui sont l'objet de la principale nourriture du peuple et dont l'exportation est bien plus facile que celle des pommes de terre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, lorsque l'honorable M. Dumortier, en débutant, vous a dit que j'avais admirablement défendu la thèse que je soutenais, j'étais convaincu que son admiration cachait une arrière-pensée et qu'elle serait un piège. Je ne me suis pas trompé. Il y a une trop grande différence entre les principes de l'honorable M. Dumortier et les miens en matière d'économie politique pour qu'il puisse jamais m'admirer. Mais je lui rends parfaitement la pareille. (Interruption.)

Ce début qui, en effet, ne signifie pas grand-chose, comme me le dit l'honorable M. Dumortier, n'est qu'une entrée en matière.

L'honorable M. Dumortier trouve donc que j'ai bien justifié la mesure qui interdit la sortie des pommes de terre, et il en tire la conséquence que, pour être justes, nous devions interdire aussi la sortie des céréales.

Messieurs, si je n'ai pas expliqué tout à l'heure la différence qui existe entre les pommes de terre et les céréales en ce qui concerne l'interdiction de la sortie, c'est parce qu'un grand nombre d'orateurs ont démontré cette différence à toute évidence.

Est-il vrai ou n'est-il pas vrai que la récolte des pommes de terre est suffisante en Belgique et que la récolte des céréales ne l'est pas ?

M. Dumortier. - Raison de plus pour prohiber la sortie des céréales.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Permettez ! Je ne vous ai pas interrompu, quoique je ne vous aie pas admiré.

Est-il vrai, oui ou non, que nous avons besoin de favoriser les importations de céréales et que nous n'avons pas besoin de favoriser les importations de pommes de terre ?

A-t-il été démontré à satiété que prendre des mesures restrictives quant au commerce des céréales, alors même que ces mesures ne concernent que la sortie, c'est gêner les opérations commerciales, rétrécir, diminuer les importations ?

Cette preuve n'a-t-elle pas été faite à satiété ? Cela n'est pas douteux ; or, c'est parce que je la regarde comme faite à satiété et à toute évidence que je ne me suis pas occupé de cette question. Ce sont, messieurs, deux choses éminemment contradictoires, que de dire : favorisons les importations de blés, mais commençons par conserver ce que nous avons en interdisant la sortie.

M. Dumortier. - C'est du nouveau.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - C'est ce qui vous a été prouvé par tous les orateurs qui ont défendu les saines doctrines.

M. Dumortier. - Je demande la parole. (Interruption.)

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - J'aime mieux vous admirer, s'il faut que je le fasse pour que vous ne m'interrompiez pas.

M. Dumortier. - Je ne demande pas que vous m'admiriez ; mais j'ai le droit de désapprouver de semblables doctrines.

M. le président. - J'invite à ne pas interrompre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Les interruptions de l'honorable M. Dumortier ne nie troublent en aucune manière ; mais elles prolongent la discussion et la Chambre a hâte de voter.

On a cru trouver un argument très sérieux dans ce que j'avais dit relativement aux importations de pommes de terre, savoir que, depuis le 13 octobre, elles n'avaient pas diminué.

Eh bien, en quoi consistent les importations en pommes de terre qui se font en Belgique ? Ce sont quelques cultivateurs qui se trouvent de l'autre côté de la frontière et qui introduisent, par petites quantités, les pommes de terre de ce côté-ci. Il est évident que, quelques mesures que vous preniez, ces importations en petites quantités continueront à se faire. En serait-il de même pour les céréales, qui doivent nous arriver des grands marchés étrangers ? Evidemment non. Il n'y a pas la moindre analogie et on l'a démontré à satiété.

On vous dit encore, messieurs : Le gouvernement se réjouit de voir baisser le prix des pommes de terre et il ne veut pas prendre une mesure qui ferait baisser le prix des céréales. Nous avons constamment nié que la proposition de M. Dumortier, c'est-à-dire la prohibition à la sortie pût faire baisser le prix des céréales d'une manière permanente. Nous avons dit que si même une baisse se manifestait elle serait de courte durée et serait infailliblement suivie d'une hausse beaucoup plus forte que la baisse.

Enfin, messieurs, la prohibition à la sortie des pommes de terre est approuvée, ai-je dit d'une manière générale, dans le pays ; et, abusant de cette assertion qui est exacte, M. Dumortier prétend que le pays demande également la prohibition à la sortie des céréales. Je nie formellement (page 108) ce dernier point. Je nie que le pays désire la prohibition à la sortie des céréales.

Je reconnais qu'un certain nombre des personnes croient à la bonté de cette mesure, mais, en géeéral ce sont des personnes peu instruites, des personnes qui n'ont pas examiné la question et qui ne sont pas à même de la juger ; la grande majorité des hommes capables de comprendre la question se prononcent au contraire pour la liberté, parce que c'est dans la liberté que nous devons trouver l'approvisionnement qui nous manque.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, ce n'est qu'un renseignement que je désire vous donner. Je ferai imprimer les chiffres au Moniteur et je les livre à toutes vos méditations.

Hier, j'ai eu l'honneur de vous dire qu'on s'alarmait à tort du chiffre de l'exportation ; je viens vous apporter une preuve nouvelle de la vérité de cette assertion.

Je disais que si vous décrétiez la prohibition à la sortie, l'exportation ne ferait que changer de nom, qu'elle serait remplacée par le transit ; eh bien ! voilà ce que les tableaux que j'ai en mains prouvent à toute évidence.

Eu effet, depuis le 1er janvier jusqu'au 15 novembre, l'exportation en froment s'élève à 7,900,000 kilogrammes, et je vous laisse deviner, messieurs, pour quelle part entre dans ces 7 millions l'exportation qui a eu lieu des ports de mer, et certainement les grains qui s'expédient d'Anvers vers la France, vers l'Allemagne, etc., sont bien des grains étrangers.

Eh bien, messieurs, dans les 7,900,000 kil. qui forment le total des exportations de la Belgique vers les pays qui nous environnent, les grains exportés directement des ports de mer entrent pour six millions, de telle sorte qu'il n'y a que 1,945,000 kil. qu'on pourrait à la rigueur considérer comme venant de l'intérieur du pays. Cela correspond à 24,000 hectolitres. C'est l'affaire d'un déjeuner pour la nation.

Mais, messieurs, remarquez-le bien, je ne puis pas même admettre que cette quantité de 1,945,000 kilog. ou 24,000 hectolitres provienne tous d'autres points que des ports de mer. Depuis que la libre importation est décrétée, le commerce maritime approvisionne l'intérieur du pays, avec l'idée arrêtée d'avance d'exporter si les prix sont favorables.

Je le répète, messieurs, je ferai imprimer ces tableaux parce qu'ils sont de nature à rassurer le pays.

J'ajoute que la même chose s'observe pour le seigle.

- La clôture est demandée.

M. Verhaegen (sur la clôture). - Messieurs, je ne me suis fail inscrire que pour rectifier une erreur matérielle commise par mon honorable ami M. Tesch. Je demande à être entendu.

- La chambre décide que M. Verhaegen sera entendu.

M. Verhaegen. - Mon honorable ami M. Tesch a prétendu, messieurs, que quant à l'importation et à l'exportation, j'avais pris dans le Moniteur un chiffre qui ne nous avait été indiqué par M. le ministre des finances que comme approximatif. Ensuite M. le ministre des finances, se levant à son tour, nous a dit qu'il n'avait pas en main les documents officiels lorsqu'il nous avait donné ce chiffre et qu'il l'avait rectifié depuis.

J'ai, en effet, trouvé dans le Moniteur, et je tiens à le répéter, que les importations se montaient par semaine, à deux ou trois millions de kil. soit deux millions et demi, et que les importations se montaient à 50,000 ou 600,000 kilog. soit un demi-million, ce qui m'a fait dire, et j'étais dans le vrai, que les importations étaient aux exportations comme 5 est à 1. Cependant on a travesti mes paroles, et des organes de la presse sont allés jusqu'à dire que ce n'était pas comme 5 à 1, mais bien comme 16 à 1.

La deuxième erreur est celle-ci. On a dit que l'honorable M. Tesch allait beaucoup plus loin, qu'il démontrait, lui, d'après les tableaux officiels de l'importation et de l'exportation que l'importation était, depuis le 1er jusqu'au 20 novembre, comme 16 est à 1.

Eh bien, c'est une erreur capitale : l'honorable M. Tesch qu'a-t-il fait pour arriver à ce résultat ? Il a pris le dernier relevé, celui du 16 au 20 novembre et, en effet, en se tenant à cette période, on trouve qu'il y avait, en froment, une importation de 3,538,035 kilog. et qu'il y avait seulement une exportation de 222,749 kilog., ce qui représente bien une proportion de 16 à 1. Mais on aurait dû prendre tout le mois de, novembre, car si, moi, je m'arrêtais à une période de 4 jours je pourrais prendre la dernière qui nous a été donnée au Moniteur d'aujourd'hui et j'en tirerais un bien grand argument pour mon système. En effet, aujourd'hui je trouve que du 21 au 25, l'importation s'élève à 1,808,814 kilog. pour le froment et que l'exportation est de 488,688 kil. voilà donc une proportion non de 16 à 1 mais à peine de 4 à 1. Pour le seigle, les importations ont été aussi, du 21 au 25, de 553,314 kilog. et les exportations de 245,522 kilog., ce qui établit une proportion de 2 à 1 à peu près. Si donc je m'arrêtais à la dernière période, j'y trouverais un argument beaucoup plus favorable à mon système.

Mais je consens, pour rester dans le vrai, à prendre tout le mois de novembre, et à quel résultat est-ce que j'arrive ? J'arrive à ce résultat que pour le mois de novembre, en y ajoutant les quatre derniers jours, les importations se sont élevées en froment à 11,748,748 kil., et les exportations à 3,211,583 kil. ; ce qui établit une proportion non de 16 à 1 mais à peine de 4 à 1, que pour le seigle il y a eu 2,381,649 kil. d'importations et 2,021,588 kil. d'exportations.

Donc, pour le seigle, les exportations balancent en quelque sorte les importations.

Il est donc inexact de dire, comme l'a prétendu l'honorable M. Tesch, que la proportion serait de 1 à 16 ; si je prends l'ensemble du mois de novembre, la proportion est à peine de 1 à 4. Ainsi, tous mes arguments restent debout, bien plus ils sont singulièrement renforcés.

M. Tesch (pour un fait personnel). - Messieurs, l'honorable M. Verhaegen a demandé la parole pour rectifier les chiffres que j'avais donnés ; eh bien, ces chiffres sont parfaitement exacts, si l'on prend l'ensemble des exportations depuis le ler janvier jusqu'au 20 novembre...

M. le président. - Ce n'est pas un fait personnel.

M. Tesch. - Je maintiens les chiffres que j'ai donnés.

- La clôture de la discussion sur l'article 2 et les amendements y relatifs estmise aux voix et prononcée.

M. le président. - Quatre amendements onl été présentés à cet article.

Amendement proposé par M. Boulez :

« 1° Le froment sera prohibé à la sortie, lorsque d'après la mercuriale régulatrice il aura atteint le prix de trente francs par hectolitre.

« 2° Le seigle sera également prohibé à la sortie, lorsque le prix aura atteint vingt francs par hectolitre.

« 3°La loi existante du 22 février 1850 restera en vigueur lorsque le froment se vendra en dessous de 20 francs et le seigle en dessous de 15 francs par hectolitre.

« Cette mesure sera fixe et permanente. »

Amendement présenté par M. Dumortier :

« Je propose à la chambre de décider la prohibition de sortie des céréales en consommation et de leurs farines, en introduisant à l'article 2 du projet de la section centrale ces mots :

« Les céréales et leurs farines. »

Amendement présenté par M. F. de Mérode :

« Je propose d'appliquer l'interdiction de sortie formulée par l'amendement de M. Dumortier aux bureaux limitrophes de la frontière de France, depuis Macon (canton de Chimay) jusqu'au point de jonction des frontières de la Belgique, de la France et du grand-duché de Luxembourg. »

Amendement présenté par M. Verhaegen :

« J'ai l'honneur d'amender le sous-amendement de M. de Mérode de la manière suivante :

« Mettre au lieu de : « depuis Macon, etc.e, ce qui suit : « depuis Adinkerke jusqu'à Aubange. »

- La Chambre décide qu'elle votera successivement sur les divers amendements dans l'ordre indiqué ci-dessus.

L'amendement présenté par M. Boulez est mis aux voix et n'est pas adopté.

M. le président met aux voix l'amendement de M. Dumortier.

Un grand nombre de membres demandent l'appel nominal.

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

95 membres répondent à l'appel nominal.

27 ont répondu oui.

66 ont répondu non.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Boulez, Clep, de Haerne, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Portemont, de Rudderc, Desmaisières, de Wouters, Dumortier, Jacques, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Orban, Rodenbach, Sinave, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Renynghe et Vermeire.

Ont répondu non : MM. Allard, Ansiau, Anspach, Biïxhe, Cans, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, de Decker, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Naeyer, de Pitteurs, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Frère-Orban, Janssens, Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vandenpeereboom (E.), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII et Delfosse.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Verhaegen.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal ;! l'appel nominal !

Il est procédé à cette opération. En voici le résultat :

92 membres répondent à l'appel.

22 membres répondent oui.

65 membres répondent non.

5 membres s'abstiennent.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Clep, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo. de Perceval, de Portemont, de Ruddere, Dumortier, Landeloos, Lelièvre, Magherman, Malou, Mercier, Orban, Rodenbach, Roussel, A. Sinave, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Renynghe et Verhaegen.

(page 109) Ont répondu non : MM. Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Cans, Closset, Coomans, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, de Decker, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Naeyer, de Pitteurs, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Frère-Orban, Janssens, Jouret, Julliot, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Matthieu, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, C. Rousselle, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Veydt, Vilain XIIII et Delfosse.

M. le président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.

M. Boulez. - Je me suis abstenu parce que l'amendement n'atteint pas le but que je m'étais proposé.

M. de Haerne. - L'amendement de l'honorable M. Verhaegen renferme le même principe que l'amendement de l'honorable M. Dumortier, le principe de la protection du travail en général et même du travail agricole rétribué en salaires, principe que je crois bon aussi longtemps que le système du libre échange n'aura pas été sincèrement accepté par les pays qui nous entourent. C'est ce que j'ai soutenu en 1846 avec l'unanimité de la chambre, et en 1850 en appuyant l'amendement de M. Vermeire.

D'un autre côté la proposition de l'honorable M. Verhaegen présente selon moi quelques inconvénients. On pourrait peut-être la considérer comme un acte de représailles envers un pays qui n'a admis la prohibition de sortie que par l'effet d'une loi générale portée depuis longtemps, loi qui s'applique à toutes les frontières. Cette interprétation pourrait être fâcheuse, surtout dans les circonstances actuelles. Enfin la proposition de M. Verhaegen serait éludée, en ce que les céréales pourraient être introduites en France par les ports flamands.

Dans cette alternative, je me suis abstenu.

M. Desmaisières. - En principe, j'étais disposé à voter pour la proposition de l'honorable M. Verhaegen, mais cette proposition frapperait un pays voisin avec lequel nous sommes en négociations commerciales. Je n'ai pas cru devoir voter pour.

M. Jacques. - Je n'ai pas voté contre l'amendement parce que je pense qu'il y a les mêmes motifs pour prohiber la sortie des céréales que la sortie des pommes de terre ; je n'ai pas voté pour l'amendement parce que je n'aime pas les mesures qui ne s'appliquent pas à toutes les frontières.

M. Vermeire. - Je n'ai pas voté pour parce que je croîs qu'une mesure générale est bonne. Je n'ai pas voté contre, parce que j'ai craint que l'on inférât de ce vote que je m'étais ainsi mis en contradiction avec le discours qne j'ai prononcé.

- L'amendement de M. de Mérode est mis aux voix : il n'est pas adopté.

Il est procédé au vote par appel nominal sur la partie de l'article 2 qui est relative à la prohibition de sortie des pommes de terre.

En voici le résultat :

89 membres sont présents.

68 votent pour la disposition.

17 votent contre.

4 s'abstiennent.

En conséquence la disposition est adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. Allard, Boulez, Brixhe, Clep, Dautrebande, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Decker, de Haerne, Delehaye, Deliége, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moxhon, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, A. Roussel, Ch. Rousselle, Sinave, Thibaut, Thienpont, T'Kint de. Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII et Delfosse.

Ont voté le rejet : MM. Ansiau, Anspach, Cans, Closset, David, de Bronckart, C. de Brouckere, de Liedekerke, de Naeyer, de Pitteurs, Frère-Orban, Lesoinne, Mascart, Orts, Prévinaire, Rogier et Thiéfry.

Se sont abstenus ;: MM. Coomans, Loos, Morcau et Tesch.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Coomans. - Je n'ai pu voter la défense d'exporter les pommes de terre parce qu'elle est contraire au principe de justice distributive que j'ai soutenu. Toutefois je n'ai pas cru devoir voter contre, parce que j’admets des exceptions à ce principe dans certaines circonstances, dont le gouvernement est le meilleur juge, parce que le gouvernement proclame cette mesure indispensable, et parce que l'article 3 de la loi l'autorise à en fire cesser les effets avant le 31 juillet. J'espère qu'il usera bientôt de cette faculté.

M. Loos. - Je n'ai pu voter pour la disposition parce que je n’approuve pas les mesures prohibitive. Cependant je n'ai pas voté contre, parce que la mesure existant déjà, son retrait pourrait surexciter les préjugés populaires et amener des résultats fâcheux.

M. Moreau. - Je me suis obtenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Loos.

M. Tesch. - Je n'ai pas voté pour la disposition, parce qu'en général je ne crois pas que les prohibitions soient utiles au pays.

Je n'ai pas voté contre, parce que les choses ne sont plus entières.

- La partie des dispositions de l'article 2 relative à : la fécule, les lentilles, les pois et les fèves (haricots) est mise aux voix et adoptée.

L'ensemble de l'article 2 est adopté.

Articles 3 et 4

« Art. 3. Si les circonstances le permettent, le gouvernement pourra faire cesser, avant le 31 juillet 1851, les effets de l'article 2. »

- Adopté.

« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet

M. le président. - Il y a eu deux amendements à l'article premier ; ces amendements n'ont rencontré aucune objection.

La chambre veut-elle remettre le vote définitif à après-demain ? (Non ! non !)

M. David. - J'aurais un sous-amendement à proposer à l'article premier.

Les pommes de terre sont imposées à 10 centimes à l'entrée. Ce droit me paraît devoir être supprimé. (Interruption.)

M. le président. - Y a-t-il opposition à ce qu'il soit immédiatement procédé au vote définitif ? ‘Non ! non !)

- La Chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.

Les deux amendements apportés à l'article premier sont définitivement adoptés.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet.

87 membres sont présents.

78 votent pour le projet.

9 s'abstiennent.

En conséquence, le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont voté pour le projet : MM. Allard, Anspach, Boulez, Brixhe, Cans, Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Decker, de Haerne, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de Wouters, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de, Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII et Delfosse.

Se sont abstenus : MM. David, de Brouckere, Frère-Orban, Lesoinne, Mascart, Orts, Prévinaire, Rogier et Vander Donckt.

M. David. - Messieurs, je n'ai pas voté pour la loi, parce qu'elle maintient la prohibition à la sortie des pommes de lerre et que je trouve irrationnel de défendre la sortie d'une denrée sur laquelle nous percevons un droit de 2 p. c. à l’entrée dans le pays. D'un autre côté je n'ai pas voté contre la loi, parce que le pays jouira au moins de la libre entrée de certaines subsistances jusqu'au 31 juillet prochain.

M. Ch. de Brouckere. - Je n'ai pas voté contre le projet parce qu'il contient d'excellentes dispositions.

Je n'ai pas voté pour parce que, en ce qui concerne les pommes de terre, le projet du gouvernement :

1° Consacre une injustice à l'égard des producteurs ;

2° Est sans effet pour le consommateur, la pomme de terre sortant sous forme d'eau-de-vie ;

3° Constitue une charge pour le trésor par la prime de deux francs que les pommes de terre, sous forme d'eau-de-vie, reçoivent à la sortie.

M. Lesoinne. - Je n'ai pas voté contre le projet parce qu'il consacre la libre entrée des grains, mais il m'a été impossible de voter pour le projet, à cause de la prohibition à la sortir des pommes de terre qui je considère comme une injustice envers le cultivateur qu'on exproprie sans indemnité.

M. Mascart. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. de Brouckere.

M. Orts. - Je n'ai pas voté contre la loi, parce qu'elle donne des facilités à l'entrée des denrées alimentaires ; je n'ai pas voté pour la loi parce qu'elle maintient une défense d'exportation que je considère, moi, comme une concession fatale à de très mauvais, à de très déplorables préjugés.

M. Prévinaire. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que mes honorables collègues.

M. Rogier. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que les honorables membres qui viennent de parler.

M. Vander Donckt. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que les honorables préopinants.

- La séance est levée à quatre heures et demie.