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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 10 décembre 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 204) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre :

« Des notaires de l'arrondissement de Courtrai demandent la révision de la loi sur le notariat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai été chargé de déposer cette pétition sur le bureau.

Les pétitionnaires demandent qu'on modifie la loi sur le notariat. Ils entrent dans de grands détails pour établir la nécessité de cette modification.

De nombreuses requêtes ont déjà été adressées à la Chambre dans le même but.

Je demande que la commission des pétitions veuille bien faire un prompt rapport à la Chambre.

- Cette proposition est adoptée.

« Le sieur Cardinael réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le remboursement des sommes qu'il a payées du chef de travaux publics. »

- Mêmes dispositions.


« Des blessés de septembre, décorés de la croix de fer, demandent que la pension de 100 francs qui leur est allouée, soit portée à 250 francs. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Bruges

M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre le procès-verbal de l'élection d'un représentant qui a eu lieu à Bruges.

Il est procédé au tirage au sort de la commission qui sera chargée de vérifier cette élection.

La commission est composée de : MM. Malou, de Portemont, Clep, Lesoinne, Orban, de Man d'Attenrode et Dequesne.

Projet de loi réunissant certains additionnels à la base du droit d'accise sur la bière, les vins et les vinaigres

Rapport de la section centrale

M. Allard. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur les deux projets de loi portant suppression des centimes additionnels et du timbre collectif dont est passible l'accise sur les bières et vinaigres et sur les vins, et réunion de ces taxes au principal.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke) (pour une motion d’ordre) - Messieurs, dans la séance d'hier, la chambre s'est occupée de régler son ordre du jour. Je regrette de ne m'être pas trouvé dans ce moment à la chambre pour lui fournir les explications que je vais avoir l'honneur de lui soumettre.

Si la marche qui a été indiquée pour la discussion du budget des travaux publics devait avoir pour effet de scinder le vote de ce budget, d'en faire en quelque sorte deux budgets, je me serais opposé à cette marche, à cette innovation que je considérerais comme contraire à l'esprit de nos lois financières et de nos lois de comptabilité, comme contraire même, à certains égards, à la prérogative de la chambre. Lorsque la section centrale m'a fait l'honneur de m'appeler dans son sein, c'est cette préoccupation qui m'a déterminé à repousser en principe la proposition de disjonction qui avait été faite.

Mais l'honorable rapporteur de la section centrale, ayant pris l'engagement et se trouvant en mesure de le remplir, d'après la déclaration qu'il m'a faite, de déposer soit lundi, soit mardi, le rapport, pour ce qui concerne d'abord le chemin de fer, puis la reprise des cours d'eau navigables et flottables sur lesquelles j'ai eu l'honneur de présenter un rapport spécial à la législature, je crois que la Chambre pourrait sans inconvénient aborder dans la séance de lundi ou de mardi ce qui se rapporte aux chapitres 2 et 3 du budget des travaux publics.

La Chambre sait par les précédents que les articles qui se rapportent à ces chapitres donnent lieu à des discussions extrêmement longues.

Comme M. le rapporteur déposera le complément de son rapport au plus tard à la séance de mardi, on aura le temps de le faire imprimer et distribuer de manière à pouvoir passer sans interruption à la discussion du chapitre des chemins de fer comme les autres années.

Je propose donc de commencer la discussion du budget des travaux publics lundi.

M. le président. - Nous aurons probablement terminé lundi les brevets d'invention et le Code forestier, dont il ne reste que deux articles à voter ; le budget des travaux publics viendrait mardi, après les deux objets que je viens d'indiquer.

M. Rodenbach. - Puisque le rapport sur le budget de l'intérieur a été distribué, il me semble qu'il conviendrait de nous occuper de ce budget. D'ailleurs, comme on vient de le dire, il y a plusieurs chapitres du budget des travaux publics sur lesquels les rapports ne sont pas faits ; outre les chemins de fer, il y a encore les postes et les télégraphes sur lesquels le rapport est à faire.

Puisque le budget de l'intérieur est distribué, on a même déjà eu le temps de le lire, il n'est pas long, je propose de lui donner la priorité ; il est rationnel de mettre en discussion un rapport déjà distribué avant un rapport qui n'est pas encore fait.

M. de Haerne. - Il avait été convenu, ce me semble, qu'on s'occuperait d'abord du budget des travaux publics et ensuite du budget de la guerre.

M. le président. - Rien n'a été décidé.

M. de Haerne. - Cela m'avait paru entendu, sinon décide, sur la proposition de M. Osy.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le rapport sur le budget de l'intérieur n'a été distribué qu'aujourd'hui, il serait impossible d'en aborder la discussion lundi et même mardi.

- La Chambre décide que le budget des travaux publics viendra à la suite des objets qui y sont déjà.

Projet de loi sur les brevets d’invention

Discussion des articles

Rapport de la section centrale (articles 10 et 11)

M. Vermeire, rapporteur. - Messieurs, la section centrale s'est occupée de l'examen des articles 10 et 11 et des amendements qui s'y rapportent.

Par suite des résolutions qu'elle a prises, le paragraphe a de l'article 10 est modifié et transféré à l'article 11.

L'article 10 sera rédige comme suit :

« Art. 10. Le brevet sera nul de plein droit, en cas de non-acquittement, dans le mois de l'échéance, de la taxe fixée à l'article 3. »

On ajoutera à l'article 11 le paragraphe suivant :

« Litt... Lorsque, dans l'espace des trois années, à partir de la date du brevet, le titulaire n'aura pas exploité son invention, ou s'il a cessé pendant le même terme l'exploitation commencée.

« Toutefois, les tribunaux pourront ne pas déclarer la nullité du brevet, s'ils croient que l'exploitation a été retardée ou interrompue par des causes indépendantes de la volonté du breveté. »

Ces modifications, adoptées par la majorité de la section centrale, ont paru de nature à satisfaire les auteurs des amendements auxquels il est fait, en partie, droit.

La déchéance pour non-exploitalion du brevet dans le délai prescrit n'aura plus lieu de plein droit. Le terme de 2 ans ayant été porté à 3, et les tribunaux pouvant apprécier les circonstances du retard, les inventeurs sérieux trouveront dans ces modifications des garanties suffisantes compatibles avec l'intérêt général.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. E. Vandenpeereboom. - J'avais cherché, par mon amendement, à adoucir quelques dispositions que je trouvais trop rigoureuses à l'égard des inventeurs.

Les nouvelles propositions de la section centrale me paraissent avoir atteint ce but. C'est pourquoi, je m'y rallie.

M. Roussel. - J'ai demandé la parole pour faire la même déclaration que l'honorable préopinant, que déjà j'avais faite au sein de la section centrale.

M. Deliége. - L'article 10 de la section centrale fait droit à la première partie de mon amendement, la seconde a été transférée à l'article 11.

M. de Steenhault. - La section centrale ayant fait droit à mon amendement, je le retire.

M. Van Overloop. - Je déclare retirer l'amendement que j'avais, présenté au paragraphe 2 de l'article 10.

Article 4

M. le président. - Nous reprenons la discussion de l'article 4. Vous savez que la section centrale a distrait de cet article l'avant-dernier paragraphe et l'a remplacé par diverses dispositions relatives à la saisie et aux garanties dont elle devra être entourée.

MM. Orban, Tesch et de Muelenaere viennent de déposer deux amendements. Le premier tend à modifier le littera b de l'article 4 de la manière suivante :

« Litt. b. De poursuivre devant les tribunaux ceux qui porteraient atteinte au privilège qui leur est accordé, soit en fabriquant, soit en (page 205) recelant, soit en rendant ou en exposant en vente ou en introduisant sur le sol belge un ou plusieurs objets, sachant qu'ils sont contrefaits, et de procéder contre eux à l'effet d'obtenir :

1° La confiscation à leur profit des machines et appareils contrefaits et des objets confectionnés en contravention au brevet, qui seront trouvés chez le fabricant ou l'une des personnes mentionnées au paragraphe précédent ;

2° Comme au projet ;

3° Comme au projet.

Le second amendement tend à modifier l'article 3 nouveau, proposé par la section centrale, de la manière suivante :

« Les possesseurs de brevets ou leurs ayants droit pourront, avec l'autorisation du président du tribunal de première instance, faire procéder, par huissier à ce commis, à la saisie des appareils, machines et objets contrefaits, dans tous les cas où la loi en autorise la confiscation. »

La discussion est ouverte sur l'article 4 et sur les articles nouveaux qui remplacent l'avant-dernier paragraphe.

M. Orban. - Messieurs, dans la dernière séance, j'avais signalé à l'attention de la Chambre les conséquences de cette disposition en ce qui concerne le droit donné au breveté de poursuivre la saisie et la confiscation des objets contrefaits dans les mains d'une personne autre que celle qui en ferait usage à titre personnel.

J'ai adressé à ce sujet à M. le ministre la question de savoir ce qu'on entendait par objets contrefaits et si l'on entendait par là les objets confectionnés au moyen des appareils, des procédés ou des machines brevetés. Quoiqu'il ne m'ait pas été répondu à cet égard, cependant aucun doute ne pouvait exister à ce sujet. Par objets contrefaits, on devait nécessairement entendre tous produits fabriqués comme il vient d'être dit. Or, la disposition ainsi entendue était évidemment exorbitante et inadmissible.

Il était impossible de songer à la saisie et à la confiscation d'objets semblables se trouvant dans les mains de détenteurs de bonne foi et qui cependant ne s'en servent pas à usage personnel, mais qui les possèdent pour les livrer au commerce, sans savoir qu'ils sont le produit d'une contrefaçon.

Dans le but de modifier cette disposition exorbitante, nous avons pensé avec nos honorables collègues MM. de Muelenaere et Tesch, à rédiger l'amendement dont il vient de vous être donné lecture et qui borne la saisie et la confiscation des objets contrefaits aux produits qui se trouvent chez le fabricant lui-même ou chez un tiers sachant qu'ils ont été contrefaits. De cette manière vous ne punissez que celui qui esi véritablement coupable, et vous laissez en dehors de la possibilité de saisie et de confiscation la classe extrêmement nombreuse des personnes qui peuvent avoir de ces objets par devers eux sans savoir qu'ils ont été contrefaits.

En nous livrant à une lecture attentive de ce paragraphe, nous avons remarqué que pendant que l'on atteignait de la saisie et de la confiscation des objets confectionnés en vertu de procédés brevetés, on ne s'occupait pas d'une question infiniment plus importante, à savoir la saisie, et la confiscation des machines et appareils brevetés eux-mêmes. Or, il est évident que du moment où l'on pense à punir de la confiscation les objets confectionnés, à plus forte raison doit-on saisir les appareils et machines qui ont servi à la contrefaçon.

A la vérité, on a prétendu que par les expressions « objets contrefaits », on entendait aussi les machines qui avaient servi à leur confection. Mais il est évident que les machines et les appareils brevetés sont une chose toute différente des produits confectionnés au moyen de ces appareils et de ces machines, et dès lors il faut des expressions différentes pour ces deux objets. C'est pourquoi nous avons pensé qu'il était nécessaire d'indiquer, dans l'article, parmi les objets qui peuvent être saisis et confisqués, les appareils et machines brevetées dont il est fait usage par une personne non autorisée.

Tel est le but de l'amendement proposé au littera b de l'article 4.

Messieurs, de cette modification introduite par nous à l'article 4 en résultait une seconde, indispensable à l'article 5 nouveau proposé par la section centrale.

Cet article 5 est relatif à la saisie à opérer des objets frappés de confiscation. D'après l'article 5, on pouvait saisir tous les objets contrefaits, qui se trouvaient dans les mains de toute personne autre que celle qui en faisait un usage personnel.

Comme je l'ai dit, on ne pouvait maintenir une telle étendue donnée au droit de saisie, du moment où nous restreignons la confiscation aux objets qui se trouvent chez le fabricant ou chez un tiers devenu son complice. Nous avons donc rédigé l'article 5 de manière à reproduire cette idée et nous avons proposé un amendement ainsi conçu : « Faire procéder à la saisie des appareils, machines et objets contrefaits, dans tous les cas où la loi en autorise la confiscation. »

Ainsi nous excluons la saisie opérée chez des personnes autres que les détenteurs à usage personnel et nous nous servons d'une expression qui met en rapport la saisie avec la confiscation. On ne peut saisir que les objets qui peuvent être confisqués et les objets qui peuvent être confisqués sont déterminés par la première partie de l'article 4.

M. le président. - Le dernier amendement que vient de développer M. Orban, est conforme à la pensée de la section centrale. On trouve à la fin d'u rapport une observation dans le sens de cet amendement.

M. de Muelenaere. - Messieurs, je crois que nous sommes à peu près tous d'accord que la rédaction primitive ne saurait être admise. En effet, l'honorable M. Orban vient de vous expliquer combien la disposition proposée est non seulement exorbitante, mais combien aussi, dans l'exécution, elle serait injuste et arbitraire. On pourrait, jusqu'à un certain point, justifier une semblable disposition, si, dans dans toutes les hypothèses, il s'agissait d'une fabrication entièrement nouvelle, ayant un caractère spécial et n'ayant point de similaire dans le pays. Mais ce ne sera pas là régulièrement le cas : le plus souvent de quoi s'agira-t-il ? De marchandises confectionnées à l'aide d'une machine ayant uniquement pour but de produire mieux peut-être, mais surtout de produire d'une manière plus économique des marchandises d'un usage journalier et que le détaillant même ne pourra pas distinguer.

Dès lors, messieurs, il devenait, je dois le dire, presque absurde de permettre à l'inventeur de saisir ces marchandises partout où il les trouverait, à moins que ces marchandises ne fussent à usage purement personnel.

Au surplus, messieurs, une autre considération qui m'eût empêché de donner mon assentiment à cet article c'est que, en faveur de l'inventeur on faisait une dérogation aux principes généraux du droit, c'est que, dans une loi spéciale, on s'écartait de la loi générale, c'est-à-dire des principes établis par le code civil.

Je suis d'avis, messieurs, qu'il faut faire en faveur de l'inventeur tout ce qu'il est possible de faire sans porter préjudice aux droits des tiers.

Mais l'inventeur n'est pas dans une position telle, qu'il faille faire pour lui une législation entièrement exceptionnelle.

Vous savez qu'il est de principe qu'en fait de meubles, la possession vaut titre. Je sais qu'on peut admettre certaines dérogations à ce principe, mais je ne connais pas de possesseur plus légitime que celui qui est devenu acquéreur d'un objet mobilier, à titre onéreux, qui a acheté cet objet, et qui en a payé le prix ; or, si le propriétaire d'un semblable objet mobilier l'a perdu ou plutôt, pour rendre l'observation plus saillante, si cet objet a été frauduleusement soustrait au propriétaire, il est encore des cas ou celui-ci ne peut se le faire restituer, sans rembourser au possesseur nouveau le prix qu'il en a payé. Voici, messieurs, ce que porte l'article 2280 du Code civil :

« Si le possesseur actuel de la chose volée... l'a achetée dans une foire ou un marché, ou dans une vente publique ou d'un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté. »

Vous voyez, messieurs, que lorsqu'un objet mobilier a été frauduleusement soustrait à son propriétaire légitime, mais que le possesseur actuel en ait fait l'acquisition dans un magasin d'un individu vendant habituellement des choses pareilles, le propriétaire ne peut se faire restituer cet objet volé qu'à la condition de rembourser au possesseur actuel le prix de la chose.

Eh bien, messieurs, s'il en est ainsi du propriétaire d'un objet mobilier lorsque cet objet a été voté, évidemment nous ne pouvons pas traiter d'une manière plus favorable le titulaire d'un brevet dont tout le droit ne repose que sur la contrefaçon d'une machine, et dès lors il ne doit pas être autorisé à saisir et à confisquer l'objet qui a été confectionné en contravention à son brevet lorsque cet objet a été acquis de bonne foi par un détaillant, un marchand ou toute autre personne, non complice de la fraude. Que chacun soit propriétaire et responsable de ses œuvres ; que la loi vienne en aide au titulaire d'un brevet, pour qu'il puisse tire de son invention le plus d'avantage possible, rien de plus juste, rien de plus légitime ; mais d'un autre côté, ne permettons pas que, sous des prétextes futiles, l'inventeur puisse troubler le commerce régulier et opérer des saisies chez un détaillant de bonne foi.

C'est, messieurs, pour remédier à ces inconvénients graves que, d'accord avec deux de mes honorables collègues, j'ai proposé un amendement dans lequel nous avons cherché à sauvegarder les droits de l'inventeur, tout en respectant convenablement les droits des détaillants, des marchands, des détenteurs des objets fabriqués, lorsque ceux-ci auront été de bonne foi, lorsqu'ils n'auront pas été complices, lorsqu'on ne pourra leur reprocher aucune faute.

Ce sont les seules observations que je veux vous présenter. Je pense que la chambre tout entière accueillera la proposition que nous avons faite.

M. le président. - La discussion sur l'article 4 et les amendements y relatifs est close. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 4. Les brevets confèrent à leurs possesseurs ou ayants droit le droit exclusif :

« a. D'exploiter à leur profit l'objet breveté ou de le faire exploiter par ceux qu'ils y autoriseraient ;

« b. De poursuivre devant les tribunaux ceux qui porteraient atteinte au privilège qui leur est accordé, soit en fabriquant, soit en recelant, en vendant, en exposant en vente ou en introduisant sur le sol belge un ou plusieurs objets contrefaits ; et de procéder contre eux, à l'effet d'obtenir :

« 1° La confiscation à leur profit des objets confectionnes en contravention du brevet et non encore vendus ;

« 2° Une somme égale au prix des objets qui seraient déjà vendus.

« Et 3° des dommages-intérêts, s'il y a lieu.

« Les possesseurs des brevets, ou leurs ayants droit, pourront faire (page 206) opérer la saisie de l'objet contrefait partout où il se trouvera, à moins qu'il ne soit à usage purement personnel.

« Les tribunaux connaîtront des affaires relatives aux brevets comme d'affaires sommaires et urgentes. »

- Les deux premiers paragraphes de l'article 4 sont mis aux voix et adoptés.

M. le président. - MM. de Mueleuaerc, Orban et Tesch ont propose de modifier le paragraphe littéra b de la manière suivante :

« Litt. b. De poursuivre devant les tribunaux ceux qui porteraient atteinte au privilège qui leur est accrdé, soit en fabriquant, soit en recelant, soit en vendant ou en exposant en vente, ou en introduisant sur le sol belge un ou plusieurs objets, sachant qu'ils sont contrefaits, et de procéder contre eux à l'effet d'obtenir, etc. »

- Le paragraphe littéra b, ainsi modifié, est adopté.

M. le président. - MM. de Muelenaere, Orban et Tesch ont proposé de modifier, ainsi qu'il suit, le paragraphe n°1° :

« 1° La confiscation à leur profit des machines et appareils contrefaits et des objets confectionnés en contravention au brevet, qui seront trouvés chez le fabricant ou l'une des personnes mentionnées au paragraphe précédent. »

- Le paragraphe n°1°, ainsi modifié, est adopté.

Les paragraphes 2° et 3° sont mis aux voix et adoptés.

M. le président. - De commun accord avec M. le ministre de l'intérieur, la section centrale propose de remplacer l’avant-dernier paragraphe de l'article 4 par des dispositions spéciales, lesquelles, dans le projet de loi, feront des articles séparés.

- Le dernier paragraphe de l'art. 4 est mis aux voix et adopté. La Chambre décide qu'il sera placé à la suite de l'article 11 nouveau proposé par la section centrale.

Article 5 (nouveau)

« Art. 5 (nouveau, proposé par la section centrale). Les possesseurs de brevets ou leurs ayants droit pourront, avec l'autorisation du président du tribunal de première instance, faire procéder, par huissier à ce commis, à la saisie des objets prétendument contrefaits, à moins qu'ils ne soient à usage purement personnel. »

M. le président. - M. de Muelenaere, Orban et Tesch ont présenté l'amendement suivant à l'article 5 nouveau :

« Les possesseurs de brevets ou leurs ayants droit pourront, avec l'autorisation du président du tribunal de première instance, faire procéder, par huissier à ce commis, à la saisie des appareils, machines et objets contrefaits, dans tous les cas où la loi en autorise la confiscation. »

M. le président. - Cet amendement est conforme à l'opinion de la section centrale, exprimée dans son rapport.

- L'article 5 (nouveau), ainsi amendé, est adopté.

Articles 6 à 11 (nouveaux)

« Art. 6 (nouveau, proposé par la section centrale). L'autorisation, s'il y a lieu, sera donnée sur simple requête et sur l'exhibition du brevet. Elle contiendra, au besoin, la nomination d'un expert pour la description des objets saisis. »

- Adopté.


« Art. 7 (nouveau, proposé par la section centrale). En autorisant la saisie, le président pourra imposer au breveté un cautionnement que celui-ci sera tenu de consigner avant de passer outre. Le cautionnement sera toujours imposé à l'étranger. »

- Adopté.


« Art. 8 (nouveau, proposé par la section centrale). Le breveté pourra être présent à la saisie, s'il y est spécialement autorisé par le président du tribunal. »

- Adopté.


« Art. 9 (nouveau, proposé par la section centrale). La saisie pourra toujours être convertie, par le saisissant, en une simple description. »

- Adopté.


« Art. 10 (nouveau, proposé par la section centrale). Copie de l'ordonnance du président et de l'acte constatant le dépôt du cautionnement, s'il y a lieu, sera laissée au détenteur des objets saisis ou décrits. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je demande qu'avant les mots « s'il y a lieu », on mette ceux-ci : « ainsi que du procès-verbal de saisie ou de description ».

- L'article 10 nouveau, ainsi modifié, est adopté.


« Art. 11 (nouveau, proposé par la section centrale). La saisie ou la description sera nulle de plein droit, si elle n'est suivie, dans la huitaine, d'une assignation devant le tribunal, sans préjudice de tous dommages et intérêts. »

- Adopté.


M. le président. - A la suite de l'article 11 doit, d'après une décision de la Chambre, figurer le dernier paragraphe de l'article 4 qui a été adopté tout à l'heure.

Article 10

M. le président. - La Chambre reprend l'article 10 du projet primitif qui a été renvoyé à la section centrale avec les divers amendements qui y ont été proposés.

La section centrale a formulé une combinaison par suite de laquelle les auteurs des divers amendements ont déclaré les retirer.

L'article 10, tel que le propose la section centrale, se borne au cas de déehéance ; il est ainsi conçu :

« Le brevet sera nul de plein droit en cas de non-acquittement, dans le mois de l'échéance, de la taxe fixée à l'article 3. »

Le reste de l'article serait ajouté à l'article 11.

- L'article 10 nouveau proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article 11

« Art. 11. Un brevet sera déclaré nul pour les causes suivantes :

« a. Lorsqu'il sera prouvé que l'objet breveté a été employé, mis en œuvre ou exploité par un tiers, dans le royaume, dans un but commercial, avant la date légale de l'invention.

« b. Lorsque le breveté, dans la description jointe à sa demande, aura, avec intention, omis de faire mention d'une partie de son secret ou l'aura indiqué d'une manière inexacte ;

« c. Lorsqu'il sera prouvé que la spécification complète et les dessins exacts de l'objet breveté, ont été produits antérieurement à la date du dépôt, dans un ouvrage ou recueil imprimé et publié, à moins que pour ce qui concerne les brevets d'importation, cette publication ne soit exclusivement le fait d'une prescription légale ;

« d. Lorsque le breveté aura introduit en Belgique des objet*sfabriqués à l'étranger et semblables à ceux qui sont garantis par le brevet, sauf dans le cas où il s'agirait de modèles dont l'importation aurait été autorisée parle gouvernement. »

La section centrale propose d'ajouter à l'article les paragraphes suivants :

« Lilt. ... Lorsque, dans l'espace de trois années, à partir de la date du brevet, le titulaire n'aura pas exploité son invention, ou s'il a cessé pendant le même terme l'exploitation commencée.

« Toutefois les tribunaux pourront ne pas déclarer la nullité du brevet, s'ils croient que l'exploitation a été retardée ou interrompue par des causes indépendantes de la volonté du breveté. »

M. T'Kint de Naeyer. - M. le ministre de l’ntérieur a développé dans la discussion générale les principes qui ont guidé le gouvernement dans les propositions soumises à la chambre ; elles concilient les droits des inventeurs et l'intérêt du travail national à faire usage des découvertes publiées, par conséquent tombées dans le domaine public.

On a voulu récompenser le mérite de la découverte mais non le travail de puiser à des sources déjà connues.

C'est à ce titre qu'à l'avenir les brevets d'importation ne seront plus délivrés qu'à l'inventeur ou à ses ayants droit. Cela posé, la section centrale admet la déchéance, quand il sera prouvé que la spécification complète et les dessins exacts de l'objet breveté ont été produits antérieurement à la date du dépôt dans un ouvrage ou recueil imprimé, publié en Belgique, mais elle établit une exception lorsque la publication n'a eu lieu qu'à l'étranger.

J'avoue que je ne comprends pas la distinction qu'on peut faire entre un ouvrage imprimé et publié à Mons et un ouvrage imprimé et publié à Blanc-Misseron, enlre un ouvrage imprimé et publié à Ostende et un ouvrage imprimé et publié à Douvres.

Je demanderai ensuite à la section centrale ce qu'elle entend par le mot « publié ». Comment sera-t-il possible de vérifier si un ouvrage a été publié en Belgique, car je suppose que publié veut dire vendu. Si je suis abonné à un recueil scientifique étranger qui m'est envoyé par la poste, déciderez-vous que la présence de ce recueil étranger suffit pour entraîner la déchéance ?

En fait, un livre est le moyen le plus direct, le plus vrai pour mettre à la disposition du public une idée, un procédé qui dès lors n'est plus le secret d'un seul, et dont on abandonne en réalité la propriété ; c'est une source d'instruction où nous devons tous pouvoir aller puiser librement.

On a vu des industriels qui, après avoir fait un voyage à l'étranger, ont introduit des améliorations importantes dans leurs fabriques, mais qui n'ont pas songé à courir après un monopole.

Voulez-vous qu'un frelon industriel, car je ne pourrais pas le qualifier autrement, vienne se déclarer inventeur en Belgique de procédés trouvés peut-être dans quelque journal étranger qui n'aurait pas d'abonnés chez nous ? Trouvez-vous qu'il soit juste de faire spéculation ici d'une invention qui sera à la disposition de tout le monde ailleurs et dont nos industriels, instruits par leurs correspondants, auraient à leur tour pu librement disposer ? Mais vous replaceriez sous le régime un privilège ce qui est dans le domaine public.

Aujourd'hui que les communications de peuple à peuple sont devenues si rapides et si fréquentes, il n'y a plus autant de mérite qu'autrefois à importer une invention déjà divulguée dans un autre pays. La loi française et la loi prussienne proclament également le système que nous soutenons. Je crois que la nouvelle loi anglaise l'admet aussi, car j'ai trouvé dans le recueil du Musée de l'industrie une analyse du dernier bill, d'après laquelle les principales causes de nullité des patentes sont :

1° Si les taxes ne sont pas acquittées en temps utile ;

2° Si l'invention a été brevetée par fraude au préjudice d'une patente antérieurement accordée ;

3° Si l'invention a été publiée ou exploitée à l'étranger antérieurement à la demande de la patente dans le Royaume-Uni.

Admettons, messieurs, qu'un procédé sera réputé nouveau aussi longtemps que personne n'administrera la preuve que les documents livrés au public exposaient complètement ses moyens d'exécution, mais n'allons pas au-delà. Nous n'avons pas le droit de faire payer au public comme une acquisition nouvelle, l'industrie dont le public se trouve déjà en possession.

(page 207) Il est un autre point sur lequel je ne suis pas d'accord avec la section centrale. Elle propose la suppression de la déchéance indiquée au paragraphe d, ainsi conçu :

« Lorsque le breveté aura introduit en Belgique des objets fabriqués à l'étranger et semblables à ceux qui sont garantis par le brevet, sauf dans le cas où il s'agirait de modèles dont l'importation aurait été autorisée par le gouvernement. »

Messieurs, l'introduction par le breveté d'objets fabriqués à l'étranger et semblables à ceux dont la fabrication exclusive lui est assurée par le brevet, ne viole pas les droits qu'il tient de son privilège, mais viole évidemment le contrat moyennant lequel la nation belge le lui accorde. C'est donc une cause très légitime de déchéance.

Une disposition analogue a été consacrée depuis longtemps par la loi française. Elle est destinée à prévenir des abus que la pratique avait révélés.

« La loi ne peut permettre, disait l'exposé des motifs à la Chambre des pairs, que le brevet ne serve qu'à créer à l'inventeur un monopole à l'aide duquel il puisse, sans concurrence et au préjudice du travail national, introduire et débiter en France des produits fabriqués à l'étranger.

« L'intérêt du pays, dit l'exposé des motifs à la Chambre, veut qu'en échange du monopole qui lui est conféré, le breveté fasse profiter le travail national de la main-d'œuvre résultant de l'exploitation de son industrie ; s'il en était autrement, le brevet ne serait qu'une prime accordée à l'industrie étrangère. »

Nous pouvons ici, messieurs, invoquer à bon droit la protection due au travail national ; il s'agit d'empêcher qu'un privilège de fabrication intérieure ne devienne un privilège de commerce extérieur.

M. Vermeire, rapporteur. - L'honorable M. T'Kint de Naeyer propose de ne pas adopter l'amendement que la section centrale a faite au projet du gouvernement. Il voudrait qu'on déclarât frappées de déchéance toutes les inventions publiées dans un ouvrage quelconque, quoiqu'il n'ait pas été publié en Belgique. Il pense que cette publication dans un ouvrage imprimé est déclarée une cause de nullité dans la loi anglaise.

Lorsque la section centrale a présenté son premier rapport, la loi anglaise n'avait pas encore indiqué comme cause de déchéance la publication dans un recueil imprimé. Ce n'est que par la dernière loi mise en vigueur au mois d'octobre de l'an dernier que cette innovation a eu lieu. Mais la loi anglaise ne punit pas de déchéance ce qui a été publié dans une langue autre que la langue anglaise.

En généralisant le système de l'honorable M. T'Kint de Naeyer, toutes les inventions imprimées dans un livre ou dans une langue quelconque, pourraient ne pas donner lieu à brevet d'invention. La section centrale, quand elle a examiné le projet de loi, s'est placée à ce point de vue qu'il était utile d'attirer en Belgique le plus d'industries possible. En effet, ce n'est que lorsque vous accordez un avantage à une industrie nouvelle que vous attirez vers le pays un grand nombre d'industries utiles. Il est bien des inventions qui ne verraient jamais le jour si tout le monde pouvait s'en emparer à leur naissance ; car ce qui est censé appartenir à tout le monde, personne n'en veut, parce que la part individuelle est trop petite.

Je crois donc que nous devons nous borner à indiquer comme cause de déchéance l'impression dans un ouvrage publié en Belgique.

En ce qui concerne la manière dont aura lieu la constatation de la publication, c'est une question de fait qu'il faut laisser à l'appréciatiou du juge. Je crois que la preuve pourra être, faite soit par les catalogues de libraires, soit de toute autre manière qui pourra être indiquée ultérieurement.

M. de Theux. - Je demanderai à l'honorable rapporteur s'il faut que l'ouvrage ait été imprimé en Belgique. (M. Vermeire fait un signe négatif.)

Ainsi, quel que soif le lieu où l'ouvrage ait été imprimé, il suffira qu'il ait été publié en Belgique.

M. le président. - C'est à dessein que la section centrale a supprimé la conjonction « et ».

M. de Theux. - Ainsi il suffira qui l'ouvrage ait été mis en vente dans une librairie eu Belgique.

M. le président. - Oui.

M. Vermeire, rapporteur. - J'avais demandé la parole seulement pour présenter l'observation que vient de faire M. le président. Il suffira que l'ouvrage ait été publié en Belgique. Il peut avoir été imprimé ailleurs. C'est pour cela que nous avons supprimé le mot « et ».

M. Tesch. - Qui est-ce qui constatera la publication ?

M. Lesoinne. - C'est une disposition qui, dans la loi de 1817 a donné lieu à beaucoup d'embarras et de difficultés pour les inventeurs.

En définitive, quel mal peut-il résulter de ce qu'un individu serait allé prendre dans un vieux livre un procédé qui n'aurait pas été mis en usage, et qu'après s'être donné la peine de faire les expériences qui sont indispensables pour mettre en pratique tout procédé nouveau, il ait obtenu un brevet ? Quel mal cela fait-il qu'il ait pris son invention dans un vieux livre, ou qu'il l'ait prise dans son imagination ? Il n'en a pas moins dolé son pays d'une industrie nouvelle.

L'honorable M. T'Kint de Naeyer a parlé tantôt de frelons. C'est sous ce nom qu'il désigne ceux qui sont ailés chercher une invention dans une publication ancienne. Mais comment appellera-t-il l'industriel qui attend qu'un autre ait fait les expériences et les frais indispensables pour mettre en pratique tout procédé nouveau, et qui viendra lui prendre son procédé, sans avoir fait aucuns frais ? Je crois que celui-ci sera an moins aussi frelon que l'autre.

Cela avait déjà été signalé dans la discussion de la loi française.

M. Schneider s'exprimait en ces termes : « Il y a encore autre chose à examiner dans la loi, c'est que cette loi de 1844, bonne et excellente comparativement à ce qui existe dans les autres pays, présente pourtant un côté qui, dans la pratique, laisse beaucoup à désirer, c'est l'article qui permet de prononcer la déchéance. (Marques nombreuses d'assentiment.) Cet article est beaucoup trop élastique. Il suffit que quelqu'un vienne opposer au breveté une invention, une publication, une déclaration, chose qui peut-être n'a jamais été connue de l'inventeur, comme ayant préexisté, pour que l'inventeur soif privé d'une invention qui était perdue dans quelque arsenal, entièrement cachée, mais qui a été exhumée pour les besoins d'un procès. »

Eh bien, c'est ce qui a presque toujours eu lieu. Je sais bien que le gouvernement exige la description complète et les dessins exacts. Ce cas est prévu dans le paragraphe premier « lorsqu'il sera prouvé que l'objet breveté a été employé, mis eu œuvre ou exploité par un tiers, dans le royaume, dans un but commercial, avant la date légale de l'invention. »

Un objet qui a déjà été breveté ne peut plus l'être ; la description complète et les dessins exacts ne peuvent s'appliquer qu'à un brevet.

La disposition est donc inutile.

Si c'est un procédé que l'on prend dans une publication antérieure, mais on n'aura qu'à y introduire un changement insignifiant, la description ne sera plus complète, les dessins ne seront plus exacts et l'individu restera tranquille possesseur de son brevet.

La disposition est donc inutile dans l'un et l'aufte cas, et dans le but de simplifier la loi, il vaudrait mieux supprimer ce cas de déchéance.

M. T'Kint de Naeyer. - J'ai quelques mots à répondre à l'honorable M. Lcsoinne.

Je ne comprends pas que la section centrale repousse d'une part le brevet d'importation lorsqu'il n'est pas accordé à l'inventeur, et que de l'autre elle veuille établir une distinction entre les ouvrages qui ont été publiés en Belgique et ceux qui auront été publiés à l'étranger. Une condition essentielle de la légitimité d'un brevet, c'est qu'il y ait invention, c'est-à-dire nouveauté. Or ce qui a été publié appartient à tout le monde. C'est un bénéfice acquis.

D'autre part, la disposition est loin d'être draconienne, et l'honorable M. Lesoinne lui-même s'est chargé de le démontrer. Si une simple mention daus un ouvrage imprimé suffisait pour encourir la déchéance, je concevrais qu'on eût des craintes, des scrupules ; mais la loi dit expressément : « Lorsqu'il sera prouvé que la spécification complète et les dessins exacts de l'objet breveté ont été produits antérieurement à la date du dépôt, dans un ouvrage ou recueil imprimé, etc. »

Vous voyez, messieurs, que l'on a pris toutes les précautions imaginables et que l'absence de nouveauté par le fait de publication dans un ouvrage imprimé antérieurement an brevet, sera établie de manière à rendre toute contestation impossible.

Si la description est insuffisante ou obscure, il va de soi que l'invention n'est pas conuue ; elle pourra, dans ce cas rester l'objet d'un contrat utile à la société.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, trois changements sont exprimés à cet article 11.

Le premier a pour effet de transporter à l'article 11 le paragraphe « a » de l'article 10, c'est-à-dire de faire juger par les tribunaux le cas de nullité, lorsqu'il s'agit de la non-exploitation dans le délai que vous fixerez.

Le gouvernement, au contraire, propose de faire déclarer administrativement le fait de la non-exploilation auquel la peine de déchéance est attachée.

Au premier abord on serait tenté de trouver dans les tribunaux plus de garanties pour décider cette question, que dans le pouvoir administratif. Cependant il faut observer que lorsqu'il s'agit d'un point de fait à établir, le gouvernement est mieux placé que les tribunaux pour en recueillir les éléments. Les autorités locales, les chambres de commerce pourront mieux vérifier si le breveté s'est mis à l'œuvre pour exploiter, que le tribunal qui sera obligé de recourir à des témoins ou experts.

Un procès sur une question pareille peut durer fort longtemps ; et pendant qu'il se plaide, l'invention reste inexploitée au préjudice de l'intérêt général. C'est pour éviter ces lenteurs que le projet déclare la nullité de plein droit. C'est ainsi que les choses se passent sous la loi actuelle, et il n'en est résulté ni plainte, ni arbitraire.

Quoi qu'il en soit, si la Chambre inclinait pour conférer aux tribunaux le droit de constater le cas de déchéance dont il s'agit, il importerait davantage encore de limiter le délai à 2 ans. Nous serons plus larges, en ce point, que les autres législations, car le délai de tolérance est en général d'un an. En France il est de deux ans, et personne ne l'a trouvé trop court.

Une seconde modification proposée par la section centrale à l'article 11 concerne le paragraphe « c ».

Le paragraphe « c » porte :

« Lorsqu'il sera prouvé que la spécification complète et les dessins exacts de l'objet breveté ont été produits antérieurement à la date (page 208) du dépôt, dans un ouvrage ou recueil imprimé et publié, à moins que, pour ce qui concerne les brevets d'importation, cette publication ne soit exclusivement le fait d'une prescription légale. »

On demande aujourd'hui que l'on borne la déchéauce au cas où l'ouvrage aurait été publié en Belgique. On oublie, en demandant cette restriction, le principe sur lequel repose la loi des brevets. La loi est fondée sur le principe de l'invention, de la nouveauté ; et puisqu'il serait absurde de breveter des choses qui sont dans le domaine public, qui ont été publiées dans le monde entier, il est évident que vous ne pouvez restreindre le cas de déchéance à la circonstance où une découverte, portée à la connaissance de tous par des publications faites à l'étranger, n'aurait fait l'objet d'aucune publication en Belgique.

Je le demande, un ouvrage est publié en France, en Angleterre, en Allemagne, la découverte est dans le domaine universel, sauf la Belgique où elle peut arriver tous les jours librement ; et vous accorderiez encore un brevet pour cette prétendue invention ? Mais ce serait d'abord méconnaître le principe sur lequel la loi est fondée ; et en second lieu, c'est méconnaître cet autre principe qu'on n'accorde pas d'une manière générale des brevets d'importation ; que l'on n'accorde des brevets d'importation qu’à l'inventeur, parce que celui-là seul a droit à la gratitude du pays où l'invention arrive. Il doit en être de même dans tous les cas où la découverte brevetée aurait été portée à la connaissance du public dans les pays voisins. Il me semble donc que la déchéance ne peut être restreinte au seul cas où l'ouvrage aurait été publié en Belgique.

Et puis voyez quelles seraient les conséquences. On publie très peu d’ouvrages scientifiques en Belgique ; c'est en Angleterre, c'est en France, que ces ouvrages sont les plus abondants ; et lorsque la publicité universelle résulterait de la publication faite dans ces pays, vous accorderiez un brevet, ou plutôt vous maintiendriez un brevet accordé. Ce serait violer tous les principes qui doivent protéger les inventions nouvelles, et ce serait accorder une rémunération complètement inutile à ceux qui n'ont rien fait pour mériter un cadeau de cette nature.

Enfin, on demande une modification au paragraphe « d ». Le gouvernement vous propose d'appliquer la nullité du brevet au cas où le breveté introduirait en Belgique des objets fabriqués à l'étranger, semblables à ceux qui sont garantis par le brevet.

Messieurs, on s'occupe, en général, beaucoup trop des inventeurs dans celle discussion. Nous sommes très libéraux pour eux. Mais il me semble que nous oublions un peu les intérêts des consommateurs, les intérêts du travail industriel. Pourquoi donc cette disposition a-t-elle été proposée par le gouvernement ? Pour qu'on ne se fasse pas un jeu des brevets accordés pour la Belgique spécialement, pour qu'on n'aille pas fabriquer à l'étranger les objets qui devraient être fabriqués par le travail national.

Eh bien, messieurs, toutes les considérations qu'on fait valoir pour obtenir la suppression de cet article vont directement à rencontre du but pour lequel les brevets sont accordés, à savoir la nécessité de protéger le travail intérieur. Je pense que la chambre ferait bien de songer un peu plus aux consommateurs belges, à l'industrie nationale, et de se borner à laisser le breveté en possession des avantages déjà considérables que lui accordait le projet du gouvernement.

M. de Theux. - Messieurs, deux points sont contestés dans cette discussion ; le premier est celui que M. le ministre de l'intérieur vient de signaler, et qui consiste à transporter dans la compétence des tribunaux ce qui était dans la compétence administrative. Je comprends très bien, messieurs, qu'il y aurait peut-être quelque chose de trop fort à laisser déposséder un breveté qui aurait réellement mis l'objet de son brevet en exploitation dans le délai voulu par la loi, à le laisser déposséder par un arrêté ministériel ou par un arrêté royal, qui pourrait être basé sur une erreur ; je comprends qu'il y aurait à cela quelque chosi de trop fort, s'il n'y avait pas de recours possible de la part du breveté.

J'admets donc très volontiers que le breveté puisse avoir son recours devant les tribunaux contre la décision administrative le frappant de déchéance parce qu'il n'aurait pas exploité son brevet ; j'admets qu'il soit admis à faire la preuve juridique qu'il a mis l'objet de son brevet à exécution dans le délai voulu par la loi. Mais si nous admettions purement et simplement la rédaction de la section centrale, qu'arriverait-il ? Le brevet n'est pas mis en exploitation dans le délai de 2 ou de 3 ans (suivant que l'un ou l'autre de ces chiffres sera admis par la Chambre). Eh bien, une autre personne désire utiliser l'invention ; comment va-t-elle s'y prendre ?

Comment ponrra-t-elle procéder avec sécurité lorsqu'elle ignore si elle n'aura pas un procès à soutenir contre le breveté ? Lorsque le gouvernement a pris sa décision s'il n'y a pas eu recours devant les tribunaux de la part du breveté dans le délai fixé, le public est parfaitement rassuré, et chacun peut mettre l'invention en exploitation.

Si l'on exige que la déchéance soit toujours prononcée par les tribunaux, il faudrait alors que le gouvernement, à l'expiration du terme fixé pour la mise à exécution, intentât une action au breveté pour faire prononcer la déchéance afin que le public pût profiter de l'invention.

Je crois, messieurs, que toutes les conséquences nouvelles de la proposition de la section centrale n'ont pas été suffisamment méditées, et ïl est regrettable qu'une proposition aussi grave surgisse ainsi dans la discussion sans qu'elle soit imprimée, qu'on puisse en prendre connaissance et en apprécier toute la portée. Pour moi, j'aurais préféré ce système-ci : laisser au gouvernement le droit de prononcer la déchéance, mais donner au breveté un terme dans lequel il puisse se pourvoir devant les tribunaux contre la décision administrative. De cette manière il me semble que tous les intérêts auraient été sauvegardés, ceux du public et ceux du breveté, tandis que dans le système de la section centrale il y aura pour le public de très grands embarras et pour le gouvernement nécessité d'introduire pour ainsi dire toujours la cause devant les tribunaux, à l'effet de faire prononcer la déchéance.

Maintenant, messieurs, j'ai une observation à présenter sur le littéra « a », qui est en rapport avec l'article 5 déjà voté. M. T'Kint et M. le ministre de l'intérieur ont fait très bien ressortir la contradiction qu'il y a entre ces deux dispositions. D'après l'article 5, vous n'accordez de brevet d'importation qu'à l'inventeur, et d'après l'article 11 littera « c », le brevet d'importation peut s'accorder à celui qui n'est pas inventeur pourvu que l'invention n'ait pas été publiée en Belgique. Il y a là deux dispositions qui sont en opposition.

Je suppose que quelqu'un ait obtenu à l'étranger un brevet d'invention, que ce brevet soit exploité à l'étranger, eh bien, un tiers gagnant l'inventeur de vitesse demande un brevet d'invention au gouvernement belge, se fondant sur ce que l'invention brevetée à l'étranger, n'a pas encore été publiée en Belgique ; de cette manière on dépossède l'inventeur du droit d'obtenir un brevet d'importation conformément à l'article 5. Je ne pense pas que la Chambre puisse consacrer cette disposition, qui, à mon avis, constitue positivement une antinomie.

M. Roussel. - Messieurs, la section centrale s'est trouvée en présence de deux systèmes complètement opposés : d'après l'un, le littera « a » de l'article 10 devait disparaître complètement et le breveté devait avoir la liberté la plus entière de ne pas exploiter ; l'autre système consistait dans la déchéance de plein droit du breveté si l'exploitation n'a pas lieu dans les deux ans.

Une transaction est intervenue, par quel moyen ? En fournissant aux partisans du premier système toutes les garanties raisonnables de ce qu'il ne résulterait point d'inconvénient pour l'inventeur du système de déchéance qu'on allait proclamer.

A cet effet on a décidé que la question de savoir si l'exploitation ; la mise en œuvre a eu lieu dans le délai ultérieurement déterminé par la Chambre, que cette question de fait pourrait être soumise aux tribunaux. Sur ce point deux objections se présentent : la première est celle de M. le ministre de l'intérieur qui attribue au point de fait de savoir si l'exploitation a eu lieu une nature administrative et non une nature juridictionnelle, si je puis m'exprimer ainsi.

En conséquence M. le ministre prétend qu'il vaudrait mieux maintenir l'intervention exclusive du gouvernement, qui était admise dans la loi de 1817. Le gouvernement prononcerait donc après avoir vérifié le fait de la non-exploitation durant les deux ou les trois années.

L'autre objection émane de l'honorable M. de Theux, qui appellerait le gouvernement à prononcer la déchéance, sauf le recours de l'inventeur aux tribunaux pour faire annuler la décision administrative et déclarer judiciairement que la déchéance ne doit pas être prononcée.

Voilà, messieurs, les deux objections qui ont été présentées quant au premier élément de la transaction intervenue an sein de la section centrale.

Je n'insisterai pas longtemps sur l'objection soulevée par l'honorable ministre de l'intérieur, car il saute aux yeux que cette question de fait qui se rattache en définitive à un droit de propriété est beaucoup plus juridictionnelle, puisque je me suis déjà servi de cette expression, qu'administrative.

Pour démontrer le contraire, M. le ministre de l'intérieur allègue que les chambres de commerce peuvent donner et donnent dès à présent des certificats sur de semblables questions de fait, mais il perd de vue que les chambres de commerce rempliraient un rôle qui est bien plutôt celui d'un témoin qui fournit des renseignements dans une enquête que celui d'une autorité consultée. Les chambres de commerce ont pour attribution de donner des avis, mais non de certifier des faits individuels.

Il me semble donc, messieurs, que nous pouvons conserver les propositions de la section, beaucoup plus garantissantes que celles du gouvernement pour les inventeurs brevetés et pour les consommateurs eux-mêmes. Les tribunaux sont seuls aptes à connaître de la déchéance d'un véritable droit civil.

L'objection de l'honorable comte de Theux ne me semble guère plus admissible.

N'oublions pas que le gouvernement n'intervient en rien dans l’octroi des brevets. C’est sans examen préalable du gouvernement que les brevets sont accordés. Les contestations ne pourront surgir qu’entre des tiers intéressés à exploiter une industrie qu’un prétendu inventeur prétend être sienne et que d’autres prétendent avoir le droit d’exploiter à son détriment. Ces contestations doivent être portées devant les tribunaux, et le gouvernement ne peut y être partie. Mais si l’opinion de l'honorable M. de Theux venait à passer dans la loi, il arriverait que le gouvernement pourrait avoir à soutenir un procès chaque fois qu’il aurait (page 209) prononcé une déchéance. Alors les tribunaux prononceraient un appel sur une décision administrative ! Il y aurait confusion de pouvoir et violation des règles les plus vulgaires d'organisation judiciaire et de com pétence.

Je pense donc que la proposition de la section centrale qui forme la première partie de la transaction, doit être maintenue.

J'arrive à la deuxième question qui forme une autre branche de la transaction.

La section centrale propose de fixer le délai à 3 ans, au lieu de 2 années que détermine le projet. M. le ministre de l’intérieur, qui s'efforce de maintenir le délai de 2 ans. A-t-l-il donc oublié les observations concluantes présentées hier contre ce bref délai ? A-t-il oublié que la plupart des inventions nouvelles exigent un temps considérable pour la mise en exploitation ? Plus les inventions sont grandes d'avenir et de résultat, plus elles tendent à changer la face de l'industrie, et plus elles exigent de temps et de capitaux pour être mises en œuvre. Le terme de 3 ans n'est évidemment pas trop long pour pourvoir à l'exploitation définitive d'une invention ordinaire.

Peut-il être encore abrégé pour les découvertes qui font époque et dont l'exploitation est parfois une œuvre de patience admirable ?

Permettez-moi de le dire, messieurs, la sollicitude du législateur doit s'attacher à ces grands inventeurs, hommes de génie souvent malheureux parce qu'ils ne peuvent trouver la mise en œuvre de leur idée, autant et plus qu'aux auteurs de perfectionnements accessoires ou de découvertes sans portée.

Le terme de 3 ans n'est pas trop long, puisqu'il est en rapport avec les besoins normaux de la matière.

Ne nous méprenons pas sur l'action des tribunaux en ce point. Les tribunaux sont autorisés à déclarer, s'il y a lieu, que c'est indépendamment de la volonté de l'inventeur que la mise en exploitation n'a pas eu lieu dans le terme voulu ; mais je voudrais quelque chose de plus ; c"est que le terme fut assez long, pour que l'inventeur pût normalement exploiter. Sans cela, l'exception deviendrait la règle. Il ne faut pas que l'inventeur soit pressé par le temps au point de nuire à son idée par l'exploitation trop hâtive et de compromettre une belle et fructueuse invention pour n'avoir pas eu le temps d'obtenir la confiance publique ou d'adapter la mise en œuvre à l'idée qu'elle doit réaliser !

M. le président. - M. David a déposé sur le bureau un amendement ainsi conçu :

« d. Lorsque, dans l'année de la mise en exploitation à l'étranger de l'objet du brevet, le titulaire ne l'a pas également mis en explotation en Belgique. »

M. David. - Messieurs, l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter tend à poser des entraves aux demandes de brevets qui non seulemcnt ne doivent pas être exploités en Belgique, mais qui encore et surtout doivent mettre obstacle à toute fabrication similaire en Belgique.

Lorsqu'il s'agit d'étoffes de mode, vous pensez bien qu'un industriel fiançais, par exemple, ne comptant pas exploiter son industrie en Belgique, demandera un brevet dans notre pays, tout exprès pour que la Belgique ne puisse pas fabriquer ces étoffes, afin d'en faire commerce.

J'ai toujours eu l'opinion qui est exprimée dans mon amendement. J'ai tâché de la faire prévaloir dans le sein de la section centrale. Mais depuis ce matin surtout je dois insister pour l'adoption de mon amendement. Des industriels sont venus prendre des informations auprès d'un de mes collègues pour connaître exactement le mécanisme de la loi que nous discutons, surtout au point de vue du délai endéans lequel on ne pourrait pas exploiter le brevet en Belgique ; ce sont des industriels qui veulent exploiter la fabrication de certains objets de mode ; vous sentez que si on autorise ces industriels à n'exploiter leur industrie en Belgique qu'au bout de trois ans, la mode sera passée, et la Belgique ne pourrait plus utilement se livrer à cette fabrication.

D'un autre coté on ne pourra pas objecter que le payement de 10 fr. la première année, de 20 fr. la deuxième année, de 30 fr. la troisième année sera une considération assez puissante pour qu'un industriel qui a demandé un brevet, vienne l'exploiter en Belgique. Il y a donc, nécessité de stipuler qu'il y aura déchéance dans le cas où l'on n'aura pas exploité en Belgique un brevet dans l'année où il aura été mis en exploitation à l'étranger.

- L'amendement de M. David est appuyé.

M. de Theux. - Messieurs, il me paraît que dans cette question, quelques membres s'occupent exclusivement des intérêts des brevetés, et ne s'occupent en aucune manière des intérêts de la généralité des habitants du pays.

S il est bon de ne pas dépouiller trop vite le breveté de son droit, s'il est bon de lui laisser un temps moral pour mettre son brevet à exécution, d'autre part, il ne faut pas que l'incertitude plane toujours sur la conservation de son droit.

Il faut que le public sache si, oui ou non, le brevet est encore en vigueur.

Quelle ressource offre-t-on à l'industriel qui veut profiter d'une invention nouvelle, invention qui a été brevetée, qui n'a pas été mise à exécution ou qui ne l'a été que d'une manière incomplète ? On lui offre la ressource d'intenter un procès au breveté, afin de faire prononcer sa déchéance.

C’est là une position fâcheuse qui très souvent arrêtera l'introduction d'une industrie nouvelle ou d'un perfectionnement utile à une industrie existante.

Pour moi, je voudrais que, par un moyen quelconque, le public pût être rassuré sur la faculté d'user d'un procédé nouveau ou sur la durée de l'interdiction d'en user. Par exemple, si l'on obligeait le breveté d'annoncer dans le Moniteur ou dans un journal de province que dans tel lieu on a mis son brevet à exécution, que les produits en sont à l'inspection des intéressés, alors au moins il y aurait là un moyen de vérification ; mais ici tout reslepour le public dans l'obscurité. Si un industriel désire introduire un procédé nouveau breveté au profit d'un autre, il ne saura comment s'y prendre. Je crois qu'on ne fait pas à l'industrie une position très favorable par cette disposition de la loi.

M. Rogier. - Il est indispensable d'imprimer les amendements de la section centrale. La question est très délicate ; quand on n'a pas les textes sous les yeux, on ne peut pas bien saisir le point de la discussion.

Si je comprends bien l'amendement proposé, il s'agit de substituer l'action des tribunaux à l'action de l'administration dans une question purement administrative.

Nous voulons favoriser les inventeurs, mais nous devons vouloir aussi stimuler l'exploitation des inventions.

Parce qu'une idée aura germé dans la tête d'un individu, il ne faut pas qu'elle soit perdue pour le public par suite de l'inertie de celui qui l'a conçue ; une idée semblable peut naître dans la tête d'un autre, il faut qu'il puisse si, dans un temps donné, le premier ne le fait pas, mettre la société en possession du procédé nouveau. En protégeant le droit de l'inventeur, il faut songer à la société qui a intérêt à user des innovations.

En substituant l'action des tribunaux à l'action administrative, l'inventeur n'aura pas seulement un délai de trois années, mais un délai indéfini.

Quelle sera, en effet, la position des tiers intéressés, si l'inventeur, par différents motifs, n'exploite pas dans le délai fixé ?

Je suppose le cas suivant qui peut se présenter souvent ; un industriel est breveté en France, il a obtenu ici un brevet d'importation, il n'a pas intérêt à l'exploiter, il peut fabriquer en France et vendre en Belgique, en vertu de son privilège ; il ne se hâtera pas d'exploiter en Belgique. Un tiers voudra faire jouir la Belgique de cette fabrication, à qui s'adressera-t-il ? Dans le système actuel, l'intéressé qui voudra se substituer à l'inventeur s'adressera à l'administration pour savoir si elle frappera de déchéance le breveté, il agira avec sécurité ; si ce sont les tribunaux qui doivent prononcer ira-t-il s'adresser aux juges pour savoir quand et comment ils décideront ?

Vous paralysez l'action des intéressés à l'exploitation d'un brevet qu'il plairait au breveté de ne pas exploiter. Un procès sur ce terrain peut durer fort longtemps.

En remettant aux tribunaux le droit de décider s'il y a lieu de frapper de déchéance un brevet, ce n'est pas un délai de trois années, mais un délai indéfini que vous accordez au breveté, car vous ne trouverez pas un individu qui mette en exploitation un procédé nouveau sous le coup qu'il sera d'un procès dont il ne peut connaître la durée ni l'issue.

Je demande l'impression des amendements. Je combattrai le principe qui substituerait à l'action administrative, qui n'a jusqu'ici donné lieu à aucun inconvénient, l'action judiciaire qui peut en présenter beaucoup au point de vue industriel.

M. Lesoinne. - On continue à partir de ce point que l'inventeur n'est pas intéressé à mettre son procédé en oeuvre, qu'une foule d'autres personnes seraient prêtes à se servir de son procédé et à en faire jouir le public.

Si cet inventeur avait conservé son procédé, s'il ne l'avait pas fait connaître en demandant son brevet, ce serait une chose non advenue. Quand il a décrit sa découverte en demandant son brevet, il l'a fait avec l'intention de l'exploiter.

Je ne comprends pas l'amendement de M. David qui suppose qu'on prendrait un brevet d'importation pour ne pas fabriquer. Si le possesseur du brevet fabrique avec avantage en France, il a un intérêt plus grand encore à fabriquer aussi en Belgique où les conditions de production sont plus favorables qu'en France.

Si le public, d'un autre côté, a intérêt à ce qu'une industrie s'établisse en Belgique, c'est une heureuse chance dont le possesseur du brevet cherchera à profiter le plus tôt possible, car c'est une preuve que les consommateurs ont besoin de ses produits et sont pressés de les lui acheter.

Je ferai observer que jamais cette cause de déchéance ne pourra être appliquée, car il y a une foule d'industries dont il sera difficile de constater la mise en exploitation. Du reste, si les brevets se multiplient, ce que je pense, si la loi offre des garanties aux inventeurs, si l'on en demande beaucoup qui ne seront pas exploités, du moius on en payera la taxe ou bien ils tomberont dans le domaine public et l'on verra alors si le public en retirera beaucoup de profit.

Le public, selon moi, n'est pas aussi intéressé à voir tomber les inventions dans son domaine qu'à en voir surgir le plus grand nombre possible, car plus il y en aura, plus il y aura de chances pour les industries nouvelles d'être exploitées fructueusement.

Je reviens à l'amendement de M. David ; il demande que le possesseur d'un brevet d'importation soit tenu d'exploiter son brevet dans le délai d'une année.

Il sera facile d'éluder cette disposition, l'inventeur demandera un brevet d'invention en Belgique et un brevet d'importation chez lui, il (page 210) aura de cette manière trois années au lieu d'une pour le mettre en exploitation.

Je persiste dans l'opinion que j'ai émise hier que le gouvernement s’épargnerait beaucoup de peines et d'embaras s'il renonçait à cette cause de déchéance.

M. le président. - M. Rogier propose l'impression de tous les amendements.

M. Pierre vient de déposer un amendement ainsi conçu :

« Nul ne pourra exercer le commerce que sous son nom ou sous un nom privé ou social, qu'il est légalement autorisé à prendre. Quiconque débite sans les revêtir de son nom ou du nom du producteur des marchandises imitées de productions étrangères, connues sous le nom du fabricant étranger, devra mentionner sur ses factures, étiquettes ou marques de fabrique, qu'elles sont produites à l'instar de la fabrication de l'étranger, dont. le producteur ou le débitant en Belgique donne le nom à la marchandise ; le tout à peine de confiscation et de dommages-intérêts. »

M. Roussel. - J'avais demandé la parole avant qu'il fût question du renvoi à la section centrale, pour faire une simple observation.

Tout ce qui a été dit par l'honorable M. Rogier sur la nécessité d'une décision administrative s'applique non seulement au littéra «a » de l'article 10 du projet du gouvernement, mais encore aux littéras « a, b, c et d de l'article 11 du même projet.

Si l'on examine à fond la question, l'on se convaincra que s'il est juste de faire prononcer par l'administration la déchéance d'un brevet, pour que tout le monde en ait connaissance, dans le cas dont nous nous occupons, il est également juste de le faire dans les autres cas.

Comme la loi de 1817 a été portée sous un régime constitutionnel différent de celui sous lequel nous avons le bonheur de vivre, les précédents ont influé sur l'opinion de l'honorable M. Rogier qui croit les tribunaux civils incompétents.

Quant à moi, je soutrens leur compétence, et je suis convaincu qu'elle sortira de nos discussions.

M. le président. - M. Van Overloop vient de déposer l’amendement suivant :

« Toutefois, le gouvernement pourra, par un arrêté motivé inséré dans le Moniteur trois mois avant l'expiration de la troisième année, accorder un nouveau délai, qui ne pourra excéder un terme de... »

M. Van Overloop. - Je crois que cet amendement rentre entièrement dans la pensée qu'a exprimée l'honorable M. Rogier, et fait cesser les objections très graves, qu'a soulevées l'honorable M. de Theux.

Qu'arrivera-t-il ? Un brevet n'est pas exploité dans le délai de trois ans (je suppose ce terme admis). Quatre ou cinq mois avant l'expiration de la troisième année, le breveté saura qu'il ne pourra mettre son brevet en exploitation dans le délai fixé ; il fera connaître au gouvernement les motifs qui l'en ont empêché. Si le gouvernement trouve les motifs bons, il accordera, par un arrêté motivé, un délai nouveau dont la Chambre fixera la durée dans la loi que nous discutons.

De cette manière on saura que de plein droit au bout de la troisième année, l'idée brevetée tombe dans le domaine public, si le gouvernement n'a pas, par un arrêté motive inséré au Moniteur, averti d'avance le public qu'il a accordé un nouveau délai.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution des amendements, et renvoie la suite de la discussion à lundi.

Projet de loi, amendé par le sénat, de code forestier

Rapport de la section centrale

M. Orts, au nom de la commission qui a examiné le projet de Code forestier, dépose le rapport sur l'article 166 de ce projet.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et fixe la discussion à lundi.

La séance est levée à 3 1/2 heures.