Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 janvier 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 433) M. Dumon procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Les sieurs Claeys-Waterloos, de Beer Galens et autres membres de la commission administrative de la corporation des distillateurs présentent des observations contre le projet de loi sur les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Quelques pharmaciens à Gosselies demandent que le projet de loi sur l'enseignement agricole contienne une disposition portant que la pharmacie vétérinaire sera enseignée par un pharmacien diplômé. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Fafchamps, ingénieur civil, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une prolongation de la durée du brevet qu'il a obtenu, le 11 octobre 1833, ou une indemnité pour les services que son invention a rendus à la société. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur de Geest prie la chambre d'examiner si les impôts ou cotisations forcées ne devraient pas être établis sur des bases fixes et déterminées, s'il n'y aurait pas lieu de déclarer que les bourgmestre et échevins ne peuvent être parents ni alliés entre eux jusqu'au quatrième degré inclusivement, et s'il ne serait pas nécessaire de décider que l'individu âgé de 75 ans ne peut être appelé aux fonctions de bourgmestre, au moins dans les communes de plus de 10,000 âmes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Pire, juge de paix du canton de Couvin, soumet à la Chambre un projet de loi relatif à l'institution et à la compétence d'officiers du ministère public près les tribunaux de simple police. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lambert-Herman Ulrich, garde champêtre des communes de Brouckom, Voordt-Hendricken, Gossoncourt, Mettecoven et Gothem, né à Ranraede, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Les sieurs Palmers et Pieters, président et secrétaire de la commission administrative du comité central flamand, demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole et dans le projet de loi qui doit être présenté sur l'organisation des cours d'assises. »

« Des habitants de Meerhout déclarent adhérer à cette pétition. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.

M. de T'Serclaes. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

M. Lelièvre. - Je demande que la commission veuille examiner avec soin la pétition dont il s'agit et faire un rapport spécial sur la question énoncée en cette pétition, le plus tôt qu'il sera possible.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Thielemans demande que les miliciens de la levée de 1843 et de 1844 reçoivent leur congé définitif, leurs décomptes et objets d'équipement ou la valeur de ces objets. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les bourgmestres, échevins, conseillers communaux et autres habitants de Ligny, Sombreffe, Tongrine et Saint-Amand présentent des observations contre le système d'accorder des concessions de mines de fer. »

- Même renvoi.


« M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 108 exemplaires d'une brochure présentant la situation des ateliers d'apprentissage et de perfectionnement de la Flandre occidentale. »

- Distribution aux membres.

Projet de loi sur le tarif du transport des voyageurs par les convois exprès

Rapport de la section centrale

M. Mercier. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif au tarif du transport des voyageurs par les convois exprès.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre de jour.

Projet de loi maintenant provisoirement les dispositions du traité conclu avec le Zollverein

Communication du gouvernement

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, dans la séance du 17 de ce mois le gouvernement a soumis à la Chambre un projet de loi ayant pour but de l'autoriser à maintenir provisoirement en vigueur les dispositions du traité du ler septembre 1844 et de la convention additionnelle du 18 février 1852, relatives au transit de marchandises venant du Zollverein ou y allant.

Ce projet de loi rendra quelques explications nécessaires ; il serait peut-être difficile aux sections de l'examiner sans avoir reçu ces explications.

Je pense aller au-devant des vœux de la Chambre en lui offrant les détails les plus complets et les plus circonstanciés sur les négociations qui ont été suivies dans ces derniers temps avec le ZoIIverein, sur le résultat de ces négociations et sur notre situation commerciale actuelle vis-à-vis du ZoIllverein. Mais la Chambre comprend que je ne puis lui donner des explications complètes sur un objet de cette nature, que dans un comité secret. Je déclare me mettre aux ordres de la Chambre pour lui présenter ces explications le jour qu'elle jugera convenable de fixer. Je suis prêt dès aujourd'hui.

M. Osy. - Avant d'examiner le projet de loi dont la chambre est saisie, il est nécessaire que nous entendions les explications que nous annonce M. le ministre des affaires étrangères. Comme il convient que tout le monde soit prévenu, je demande s'il ne conviendrait pas de fixer le jour de demain pour entendre les explications de M. le ministre des affaires étrangères.

- La Chambre décide qu'elle entendra demain vendredi les explications annoncées par M. le ministre des affaires étrangères.

M. Osy. - Par suite de la décision qui vient d'être prise je proposerai de fixer la séance à 2 heures ; les sections étant convoquées pour l'examen d'une loi très importante, celle qui concerne les distilleries, elles n'auraient pas le temps d'examiner convenablement ce projet si la séance n'était pas fixée à 2 heures.

M. Rousselle. - M. le président, je dois faire remarquer qu'hier les présidents des sections se sont réunis sous votre présidence, et qu'il a été décidé que les sections se réuniraient deux heures avant la séance. C'est à la Chambre à voir si elle veut modifier cette décision.

M. Osy. - Eh bien, les sections se réuniront à midi et la chambre à 2 heures.

M. le président. - On paraît d'accord de fixer à 2 heures la séance de demain. Le premier objet à l'ordre du jour sera la communication du gouvernement.

Projet de loi de naturalisation

M. de Perceval. - J'ai l'honneur de déposer, au nom de la commission des naturalisations, un projet de loi accordant la grande naturalisation à M. Fuchs, ancien président de la chambre de commerce d'Anvers.

- Ce projet sera imprimé et distribué. Il figurera à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi dégrevant de droits à l’entrée plusieurs matières premières nécessaires à l’industrie

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi portant dégrèvements à l'entrée de plusieurs matières premières nécessaires à l'industrie.

Pour que le trésor public n'ait rien à souffrir de ces dégrèvements, j'ai été obligé de joindre à ce projet quelques mesures qui tendent à fournir au trésor des revenus équivalents à la perte qu'il éprouvera. Ces compensations sont également puisées dans le tarif des douanes.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué. La Chambre le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi établissant une taxe sur le sel employé dans la fabrication du sulfate de soude

Second vote de l'article unique

M. le président. - Par suite de l'amendement adopté au premier vote, qui a substitué le droit uniforme de 40 c. par 100 kilog. au droit proportionnel proposé par le gouvernement, M. Veydt a déposé deux amendements ainsi conçus :

« Substituer 35 c. à 40 c. »

« Art. 2. Les fabriques de sulfate de soude, qui s'établiront après la mise en vigueur de la présente loi, payeront une taxe égale au montant des frais que leur surveillance occasionnera. »

La parole est à M. Veydt pour développer ses amendements.

M. Veydt.- Messieurs, avant de développer mes amendements, je dois rencontrer d'une manière aussi succincte que possible les arguments qui me semblent vous avoir principalementf rappés, lorsque vous avez, à une majorité très faible, suivant moi, donné raison à la majorité de la section centrale.

L'honorable ministre des finances vous faisait remarquer avant-hier (page 434) qu'il s'agissait pour le trésor d'une perception en moins de 2 millions. Mais, messieurs, si l'exemption exceptionnelle de l'impôt, en faveur du sel employé dans les fabriques de sulfate de soude, n'était pas décrétée par la loi, cette perception de 2 millions ne se ferait pas ; car, dans de pareilles conditions, ces fabriques ne pourraient exister. L'honorable ministre l'a reconnu lui-même, puisqu'il vous a dit presque en même temps que si le premier vote de la loi de 1844 qui rejetait toutes les exemptions avait été maintenu, on aurait vu se fermer toutes les fabriques de sulfate de soude de la Belgique.

Le trésor ne fait donc pas, je le répète, une perte, ni un sacrifice, de 2 millions ; il y aurait une importation de onze millions de kilog. de sel de moins, en l'absence de fabriques pour les convertir en sulfate. Il me suffit de citer quelques chiffres pour le démontrer.

Pour faire du sulfate de soude, on emploie une quantité égale de sel commun : ainsi, par exemple, pour fabriquer 100 kilog. de sulfate, on a besoin de 100 kilog. de sel. Or, que se vend ce produit ? Il se vend à un prix inférieur au montant de l'accise dont est frappé le sel destiné à la consommation alimentaire ; le prix est en ce moment de 16 à 17 francs par 100 kilog., tandis que le droit d'accise sur le sel est de 18 francs pour la même quantité

L'honorable M. Mercier vous a dit que si vous adoptiez le projet du gouvernement tel qu'il l'a conçu, vous poseriez un acte contraire à la Constitution.

Mais il existe d'autres exemples de mesures et de modes de recouvrement analogues. Suivant l'honorable membre, c'est un impôt qu'il faudrait établir et pas autre chose ; sinon votre loi sera inconstitutionnelle.

Que n'avons-nous pas vu en maintes circonstances ? Qu'est-il encore arrivé ces jours derniers ?

Si nous ouvrons le Moniteur d'avant-hier, nous y trouvons un arrêté qui, se conformant à un principe que l'honorable M. Osy a concouru à introduire, décide que des concessionnaires de chemins de fer indemniseront le gouvernement des frais de la surveillance qu'il fera exercer par les fonctionnaires de l'Etat, en versant au trésor une somme de trois mille francs, et cette somme est réglée sur la dépense présumée de cette surveillance et sans prendre pour base les capitaux consacrés à l'entreprise.

Il ne s'agit pas là d'un impôt, il s'agit de la restitution d'un surcroît de dépenses que le gouvernement est obligé de faire pour assurer la bonne exécution des travaux concédés. Dans le projet que nous discutons, c'est également une garantie que l'on a en vue.

L'honorable M. Mercier s'est ensuite appuyé sur tette considération que successivement oh avait supprimé ces sortes de perceptions. Je viens de fournir un exemple du contraire. J'ajouterai que l'assimilation avec ce qu'on appelait leges sous le gouvernement des Pays-Bas n'esl rien moins qu'exacte, car leur produit n'entrait pas dans la caisse du trésor.

De tout quoi il résulte à l'évidence, suivant moi, qu'il n'y a pas d'inconstitutionnalité dans la mesure que je défends avec le gouvernement ; et dès lors l'argument qu'on a fait valoir à cet égard ne mérite pas de faire impression sur la chambre.

En quatrième lieu, l'honorable rapporteur, M. Moreau, a insisté en prenant une seconde fois la parole, sur les divers avantages qu'auraient désormais les fabriques de sulfate de soude, en n'ayant plus à faire les frais de mélange du sel avec du goudron et du noir de fumée.

Ici quelques explications sont nécessaires. Il y a eu deux régimes différents relativement à la manière de dénaturer le sel. Peu après la loi de 1844, le gouvernement a pris des mesures qui ont été en vigueur pendant un grand nombre d'années, depuis 1844 jusqu'au mois d'avril 1852.

Je puis prouver par des dates que ce n'est que depuis le mois d'avril de l'année dernière que le mode de dénaturer le sel avec le goudrou, mode fâcheux pour l'industrie et illusoire pour la garantie des intérêts du trésor, a été introduit ; par conséquent, ce n'a été que pendant quelques mois que les établissements ont eu à supporter des frais bien plus élevés sans doute que pendant les huit années précédentes, mais inférieurs, sans nul doute aussi, dans leur ensemble à la taxe proposée par la section centrale.

De 1844 à 1853, jusqu'au 8 avril, c'était, messieurs, un mélange de 10 kilog. de sulfate de soude avec 100 kilog. de sel, qui était prescrit par le gouvernement. Quels étaient les frais que les établissements supportaient de ce chef ? Ils étaient bien minimes, car il suffisait d'avoir une réserve d'une certaine quantité de sulfate de soude, pour satisfaire aux mesures de précaution que le gouvernement avait mises en vigueur. Ainsi pour un établissement important il suffisait de consacrer un capital que, par exagération, je porte à 40,000 fr., pour avoir de quoi faire les mélanges de toute une année ; si je porte en compte l’intérêt de ce capital stérile à 5 p. c., je ne trouve qu'une charge annuelle de 2,000 fr.

Le 8 avril 1853 M. le ministre des finances, se plaçant au point de vue du trésor et sachant que les mesures prises n'offraient pas une garantie suffisante, remplaça les 10 p. c. de sulfate de soude, par 100 grammes de noir de fumée, et 1,500 grammes de goudron.

Cette mesure n'a été en vigueur que jusqu'au 10 mai suivant, c'est-à-dire pendant moins d'un mois. M. le ministre avait reconnu que ce mélange n'était pas tolérable, et il en changea promptement les proportions ; au lieu de 100 grammes de noir de fumée et 1,500 grammes de goudron, il prescrivit 50 grammes de noir de fumée et 600 grammes de goudron. Ce nouveau mélange donna encore lieu à tant de plaintes qu'il fut de nouveau modifié par une circulaire ministérielle du 5 juillet 1853 qui réduisit à 300 grammes les 600 grammes de goudron prescrits en dernier lieu ; la quantité de noir de fumée resta la même.

C'est dans cet état de choses qu'intervint l'arrêté du 7 novembre, imprimé à la suite du projet de loi.

Vous voyez par tous ces détails, messieurs, que c'est pendant un temps très court que les fabriques de sulfate de soude ont eu à subir un surcroît de dépenses, qu'on invoque contre elles aujourd'hui, et dès lors vient à tomber cet argument de l’honorable rapporteur qui aurait pu faire impression sur vos esprits, à savoir que l'état nouveau, c'est-à-dire la taxe fixe de 40 centimes, sera moins onéreux pour les établissements que la situation précédente. Mais cette situation a été de courte durée et purement transitoire.

Je nie plais à croire que toutes ces considérations ont été appréciées par le département des finances, quand il s'est occupé de la rédaction du projet de loi et qu'il y a puisé les motifs qui l'ont déterminé à ménager la transition et à avoir égard aux petites fabriques sans frapper démesurément les grandes.

Si, contre mon attente, ces considérations n'étaient pas appréciées par la Chambre, alors je lui demande d'adopter les deux amendements que j'ai eu l'honneur de présenter.

L'un de ces amendements, toujours dans l'hypothèse d'une taxe uniforme par 100 kilog., consiste à réduire cette taxe à 35 centimes.

Cette réduction est sans réplique. Le gouvernement a fait ses calculs à raison des cinq employés dont il avait besoin dans chaque établissement ; il en résultera pour lui une dépense de 38,000 fr. Eh bien, en établissant une taxe de 35 c. seulement, j'arrive à 38,500 fr., c'est-à-dire à une somme excédant de 500 fr., celle qui est demandée par le gouvernement. La plus petite usine payera 787 fr. 50 c, la plus grande 11,375 fr. Evidemment, puisqu'il ne s'agit pas d'un impôt, dont le trésor doive profiter ; puisqu'il ne s'agit que de rendre l'Etat indemne des frais qu'il est tenu de faire pour une surveillance exercée dans l'intérêt du trésor, il ne faut pas excéder le montant de la dépense effective. Ce but est atteint et même un peu dépassé par le chiffre de mon amendement.

Il a été dit en section centrale qu'il fallait une marge plus grande de 5,000 à 6,000 fr. pour pourvoir aux pensions des employés chargés de la surveillance des fabriques.

Or, il arriverait que ce seraient encore une fois les établissements les plus importants qui auraient à supporter toute la charge pour les pensions futures des employés qui n'auraient jamais été en service auprès d'eux. Cela n'est pas admissible.

Remarquez-le, il s'agit de la production d'une matière première qui est nécessaire à un grand nombre de nos industries et que nous devons maintenir dans le pays ; à tel point que nous aurons à examiner ultérieurement si les fabriques qui la produisent peuvent continuer à exister sous une autre législation, en présence de la concurrence étrangère ; si cela n'est pas possible, un droit protecteur devra nécessairement être maintenu.

Le second amendement est motivé sur les considérations suivantes :

S'il n'avait pas existé en Belgique des fabriques de sulfate de soude, qu'eût fait le gouvernement ? Il vous aurait probablement demandé l'autorisation de faire rembourser par ces établissements ce que la surveillance des fabriques à ériger devait lui coûter ; chacune d'elles aurait payé au prorata des déboursés effectifs, c'est-à-dire moins pour une petite, s'il eût été possible de la surveiller à moins de frais ; plus pour une grande pour des frais d'une surveillance plus étendue.

Je vous propose, messieurs, que ce qui n'a pas pu se faire en considération de l'état préexistant des choses se fasse au moins pour l'avenir.

En vérité, c'est par suite de grands et de justes égards pour la situation du trésor, c'est parce que chacun de nous doit se mettre en garde, se faire violence en quelque sorte, toutes les fois qu'il s'agit de lui imposer une nouvelle charge, ou de le priver d'une source de revenus, que le projet de loi en discussion n'a pas rencontré plus de contradicteurs.

En jetant, ce matin, les yeux sur le produit de l'accise du sel, j'aj trouvé que ce produit avait dépassé les prévisions du budget de 1853 d'environ 100,000 fr. L'estimation était de 4,350,000 fr. ; le produit a été de 4,439,000 fr., comme l’indique le tableau inséré, ces jours-ci, au Moniteur.

Dans des circonstances meilleures que celles où nous nous trouvons, le gouvernement, ou bien certainement des membres de la chambre se seraient arrêtés à l'idée de prélever sur cet excédanl cette minime somme de 38,000 francs, en faveur d'une matière si nécessaire au développement de notre industrie. Cela ne pouvant pas se faire, attachons-nous au moins à renfermer la restitution dans ses strictes limites ; attachons-nous à en faire le recouvrement sur le pied qui est démontré être (page 435) le plus approchant de l'équité, c'est-à-dire en conformité du projet présenté par le gouvernement.

M. Osy. - Je n'ai pas pris la parole dans la première discussion, parce que MM. Mercier et Moreau avaient parfaitement expliqué les propositions de la section centrale et que je croyais que la chambre les trouvait tellement équitables qu'on ne les remettrait plus en question au second vote. Je regrette que la discussion se soit de nouveau ouverte ; comme membre de la section centrale, cela me met dans la nécessité de prendre la parole pour défendre ses résolutions.

Pour moi je ne trouvais pas la proposition du gouvernement inconstitutionnelle mais injuste, parce qu'il n'est pas juste que de petits établissements qui n'emploient que 500,000 kil. de sel payent un droit de 75 c. par 100 kil., tandis que les grands établissements qui emploient 3 millions de kilog. ne payeraient pour le surplus des 500 mille kilog. que 15 centimes. Sous ce rapport j'ai trouvé la proposition injuste, et je l'ai combattue en section centrale.

Aujourd'hui on revient sur le principe adopté au premier vote et qu'avait proposé la section centrale. Je crois que ce principe a été si bien motivé qu'il me semblait inutile d'y revenir.

On dit que la surveillance ne doit pas coûter à l'industrie plus que le gouvernement ne débourse et que la taxe ne devrait être que de 53 centimes au lieu de 40, et le produit de 38 mille fr. au lieu de 44. La section centrale a proposé d'augmenter le chiffre moyen, parce que nous avons trouvé que, créant de nouveaux fonctionnaires, il y aurait des pensions à payer dans l'avenir. Je pense qu'on a très bien fait de prévoir le moment où ces pensions devront être mises à la charge du trésor.

Et nous ferons chose sage en maintenant le vote que nous avons émis avant-hier, en maintenant la taxe à 40 centimes, car de cette manière nous n'aurons pas de déficit à craindre.

Quant au système qui a été adopté, je le trouve plus juste et plus rationnel que celui qui avait été proposé par le gouvernement.

J'avoue que je ne conçois pas que les petits établissements n'employant que 200 mille kil., payent un droit de surveillance de 1,500 fr., tandis qu'un établissement consommant au-delà de trois millions de kil., n'aurait à payer que 13 mille francs.

Vous savez que plus un établissement est étendu, plus les frais généraux diminuent, tandis que ces frais sont considérables pour les petits établissements.

Je pense que la petite surcharge qu'on impose aux grands établissements est équitable et doit être maintenue.

On dit que les grandes sociétés ont près d'elles des commissaires du gouvernement payés par les sociétés elles-mêmes. Cela est vrai ; c'est un système qui a été avec raison adopté par le gouvernement. En effet pour les établissements exploités par des sociétés, il est nécessaire que le gouvernement y exerce une surveillance ; mais cette surveillance ne doit pas être une charge pour l'Etat ; c'est pourquoi ou a stipulé que les commissaires chargés d'exercer cette surveillance seraient payés par les sociétés. C'est le système que nous appliquons aujourd'hui de faire supporter les frais de surveillance par ceux qui doivent être surveillés. Pour les autres établissements tels que les distilleries, les brasseries qui ne payent pas la surveillance, c'est une autre question ; ils n'emploient pas une matière première sujette à un très haut droit d'accise.

Le sel employé à la fabrication du sulfate de soude paye un droit d'accise de 18 fr. quand il reçoit un tout autre emploi. Le gouvernement doit avoir l'assurance que le sel indemne de droit ne passe pas dans l'alimentation du peuple. Il est naturel, de plus, que le gouvernement fasse payer par les industriels la surveillance à exercer. J'espère que la Chambre maintiendra son premier vote.

M. Moreau, rapporteur. - Messieurs, je crois qu'il est inutile de vous présenter de nouveau les nombreuses considérations qui ont déterminé la section centrale à préférer une taxe uniforme par quintal de sel employé à la taxe graduée du projet de loi.

Toutefois, je tiens à établir que ce n'est pas sans raison que j'ai prétendu que chaque fabrique retirerait du nouveau mode de surveillance des avantages plus grands que la taxe à laquelle elle serait assujettie et ce en raison de la quantité de sel commun que chacune d'elles employait.

En effet, sous le régime de 1844 le fabricant devait mélanger 1,000 kil. avec 1/2 kilog. de noir animal et 6 kilog. de goudron.

L'honorable ministre des finances vous a dit que le goudron mélangé avec le sel nécessitait l'emploi de 12 à 14 p. c. de plus d'acide sulfurique.

Or, messieurs, pour décomposer 100 kil. de sel, on doit se servir de 100 à 124 kil. d'acide sulfurique, suivant qu'il a 60 ou 80 degrés de l'aréomètre.

L'emploi du goudron exige donc une dose d'acide en plus de 13 à 16 kil. par quintal de sel.

Le kil. d'acide vaut 16 cent. : voilà donc une économie de 2,08 à 2,56 que le fabricant va faire par 100 kil. de sel par l'établissement du nouveau mode de surveillance et nous ne lui demandons en compensation qu'une taxe de 10 centimes.

Ce seul fait, messieurs, vous démontre donc combien serait peu juste une taxe qui ne serait pas répartie uniformément sur chaque kil. de sel employé et que certes, les grandes fabriques ont bien tort de se plaindre du régime qu'on veut leur faire.

Je n'ajouterai rien à ce que vient de dire l’honorable M. Osy sur le premier amendement de l'honorable M. Veydt qui propose d'établir une taxe uniforme de 35 centimes ; il a parfaitement expliqué pourquoi fa section centrale a proposé 40 centimes ; en effet pour que le trésor soit entièrement indemne, il est évident qu'il faut qu'il ait de quoi payer éventuellement les pensions des 40 employés qu'il s'agit de nommer.

Je ne puis également adopter le second amendement de l'honorable M. Veydt, qui consiste à faire payer aux fabriques de soude qui s'établiront après la mise en vigueur de la loi, une taxe d au moins 4,750 fr. quelle que soit la quantité de sel qu'elles emploieront.

D'abord vous comprendrez facilement que ce serait crée un véritable privilège en faveur des huit fabriques qui existent aujoud'hui, leur assurer une espèce de monopole, restreindre les progrès de cette industrie, et porter une atteinte sérieuse à sa liberté ; jamais semblable disposition n'a été introduite dans aucune de nos lois.

L'honorable M. Veydt craint que si vous n'adoptez pas son amendement et qu'il s'établisse de petites fabriques après la mise en vigueur de la loi, la position des grandes fabriques ne soit aggravée, et que les dépenses mises à leur charge n'augmentent nécessairement.

Si, messieurs, cette chose arrive, le même inconvénient se produira soit que vous adoptiez le système de la section centrale, soit que vous votiez le projet du gouvernement.

Dans l'un comme dans l'autre cas de nouvelles fabriques qui ne payeront pas une taxe égale aux traitements des employés feront subir une perte au trésor ou accroîtront les charges non seulement des grandes fabriques, mais encore de tous les établissements grands ou petits.

Mais en fait l'inconvénient signalé par l'honorable M. Veydt est-il à craindre ?

Pour moi, je ne pense pas qu'il se produira. En effet, nous voyons d'après les documents que déjà en 1844 il existait six fabriques de sulfate de soude ; ainsi en dix ans deux établissements nouveaux seulement ont été créés et je ne pense pas que ce soient les moins importants.

D'un autre côté si l'on prétend qu'il s'établira de nouvelles fabriques de ce produit chimique, c'est que l'on reconnaît que cette industrie prospère, qu'elle fait de grands progrès, et en ce cas il est certain que les fabriques les plus grandes, celles qui peuvent produire à meilleur marché prendront de l'extension, consommeront donc plus de sel, et ainsi payeront une taxe plus forte annuellement et qui équivaudra aux nouvelles dépenses occasionnées par les établissements nouveaux qui seraient créés.

Et, messieurs, ce ne sont pas de simples conjectures que j'avance ; en 1844 les six fabriques de soude ne faisaient usage que de 3,365,000 k. de sel et en 1852 les huit fabriques ont consommé la quantité énorme de 11 millions de kil.

Ainsi c'est avec raison que nous pouvons prétendre que si par exemple le nombre des usines était encore augmenté de deux, dans quelques années, ce ne serait plus 11 millions de kil. de sel que l’on convertirait par année en sulfate de sonde, mais peut-être 20 millions et davantage ; car ce qui s'est passé depuis 1844 nous autorise à croire qu'il en serait ainsi.

Vous voyez donc, messieurs, qu'il n'est guère probable que les prévisions de l'honorable M. Veydt se réalisent, et que les grandes fabriques auront à souffrir de l’établissement de petites usines nouvelles peu importantes.

M. Lebeau. - Avant de voter sur la proposition dont il s'agit, j'aurais besoin de quelques explications à donner par le gouvernement. L'amendement de l’honorable M. Mercier, et surtout celui de la section centrale ont complètement changé le caractère du projet de loi ; c’est à tel point que j'ai été quelque peu étonné de l'espèce de passivité avec laquelle M. le ministre des finances a accepté cette transformation.

Certainement l'industrie n'avait pas trop à s'émouvoir du projet du gouvernement, elle devait reconnaître même qu'il a été conçu dans une pensée bienveillante ; je crois que, même transformé comme il est par l'amendement de M. Mercier, combiné avec celui de la section centrale, il n'est pas encore désastreux pour les industries dont le sulfate de soude est la matière première ; à cet égard, je ne partage pas complètement les appréhensions dont ce projet a été l'objet.

Je crois cependant devoir rendre la Chambre attentive à la transformation que le projet a subie. Les industriels qui se trouvaient devant un fait précis et limité avec le projet du gouvernement, sont relancés dans l'inconnu par l'amendement de M. Mercier, combiné avec la proposition de la section centrale.

Il s'agit maintenant d'un impôt qui n'aura plus d'autre limite que la progression de l'industrie elle-même à laquelle le projet de loi s'applique, tandis que le gouvernement disait aux industriels : Voilà le sacrifice que je vous demande ; après cela je n'ai plus rien à exiger de vous, quels que soient les développements des établissements actuellement ouverts.

Je rends la Chambre attentive à cette transformation, qui, je le répète, est complète, et il y a là, on l'a déjà dit, quelque chose d'assez bizarre, c'est que le moment même où nous prenons cette mesure coïncide avec la présentation d'un projet de loi qui a pour but de réduire, dans l'intérêt de nos industries, les droits sur les matières premières. Il y a là une anomalie que je ne me charge pas d'expliquer.

Je voudrais au moins savoir du gouvernement si l'appétit ne lui est pas venu en mangeant, comme on dit, et si au lieu de se borner à 38,000 fr., il ne sera pas charmé de recevoir, à l'aide de l'amendement de la section centrale et celui de M. Mercier, à raison du développement que peuvent prendre encore les fabriques actuellement en exercice, une somme (page 436) beaucoup plus considérable que les 38,000 fr. demandés, une somme dont le chiffre ne pourrait s'arrêter qu'à la limite de la progression même des établissements existants. Je demande donc si, le nombre des fabriques restant le même, la charge n'ira pas au-delà de 38,000 fr., au-delà du remboursement des frais de surveillance. Je désirerais avoir du gouvernement une explication sur ce point ; car du connu, précisé dans le projet primitif, nous sommes lancés dans l'inconnu par l'adoption du projet de la section centrale.

M. Deliége. - Membre de la section centrale qui a examiné le projet de loi en discussion, j'ai fait partie de la minorité ; j'ai combattu l'amendement de la section centrale ; j'ai appuyé le projet du gouvernement. Je dois donc motiver mon vote en quelques mots.

D'abord j’ai signalé à la section centrale cette bizarrerie que l'honorable M. Lebeau vient de vous signaler. Il y en a d'autres dans le projet amendé. L'honorable M. Osy vient de dire que l'amendement de la section centrale était juste, que le système proposé par le gouvernement était injuste.

Quant à moi je trouve l'amendement de la section centrale injuste et très injuste. En effet, il faut, dans cette discussion, se rappeler le point de départ. Le gouvernement n'a pas voulu créer un nouvel impôt, surtout sur une matière première nécessaire à une industrie qui ne date que de quelques années, et qui a déjà fait tant de progrès. Je veux parler de l'industrie de la gobeleterie, des glaces et des verres à vitres.

Il est évident qu'en ce moment vous ne voudrez pas frapper cette industrie d'un impôt. Or, sous la forme proposée parla section centrale, c'est évidemment un impôt. Je dis que cet impôt est injuste : car que dites-vous aux fabricants de sulfate de soude ? Vous leur dites : Je veux vous empêcher de frauder, je vous mets en suspicion, et vous aurez chez vous, comme on l'a dit dans la séance d'avant-hier, une garnison de cinq hommes qui vous empêchera de frauder.

Eh bien, comme l'on dit, plusieurs honorables membres, c'est un mauvais système.

C'est un système qui ne peut se justifier que par la situation actuelle du trésor. Mais la section centrale va plus loin, elle dit à ceux qui produisent le sulfate de soude : Non seulement vous payerez cette garnison, mais vous payerez la garnison de vos voisins de droite et de gauche qui fabriquent moins que vous.

Remarquez-le bien, d'après la proposition de la section centrale, certains industriels payeraient et payeront beaucoup pour d'autres qui leur feront concurrence. Je vous demande si c'est bien juste. Ce serait un singulier privilège qu'on donnerait à ceux qui font progresser notre industrie. C'est-à-dire que quand il s'agirait de la surveillance de ces établissements, celui qui aurait été assez heureux, assez intelligent pour faire progresser son industrie payerait pour ceux qui n'ont pas su faire progresser leur industrie.

J'ai une autre objection contre le projet de la section centrale ; je le trouve impraticable ; car on vient de dire qu'il était à présumer que d'autres fabriques de sulfate de soude ne s'établiraient pas.

Dans la situation actuelle si prospère de l'industrie de la gobelelerie et des verres à vitre, il est évident qu'il s'établira encore des fabriques de sulfate de soude. Vous devrez répartir sur les autres une partie des nouveaux frais de surveillance ; vous devrez élever la taxe de 40 cent. à 50 c. et même 60 c. Je trouve que c'est injuste. Je voterai donc pour le projet du gouvernement, et je repousse de toutes mes forces l’amendement de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne crois pas avoir mérité le reproche d'indifférence que vient de m'adresser l'honorable M. Lcbeau, attendu que dans la première séance tout mon discours avait pour but de faire voir à la Chambre que le projet du gouvernement est plus équitable que le projet de la section centrale, en même temps qu'il sauvegarde les intérêts du trésor, que par conséquent il mérite la préférence. La différence entre les deux projets, c'est la nature de la taxe à payer. On est d'accord sur un point, c'est qu'il ne faut pas que la surveillance des établissements soit une charge pour le trésor public.

Partant de là, je croyais qu'on pourrait par analogie appliquer à ces établissements la disposition de la loi générale des douanes de 1822 qui établit, dans certains cas, une rétribution en faveur des employés qui convoient et surveillent les marchandises sujettes à accise. J'étais tellement convaincu que ce n'était pas un impôt, que je me suis demandé s'il n'était pas possible d'appliquer à ce cas les dispositions de l'article 154 de la loi générale, de sorte que les industriels eussent payé directement aux employés le prix de leur surveillance. Je me suis aperçu que c'était détruire la subordination hiérarchique des employés qui se croiraient au service, non plus du gouvernement, mais des industriels ; et que par suite il n'y aurait plus aucune garantie pour le trésor.

Force donc m'a été d'exiger que les frais de surveillance fussent, versés au trésor, sauf à mandater en faveur des employés. Mais, en vérité, si l'on pouvait mettre de côté cette considération,'il serait plus simple que le payement se fît directement.

La section centrale ne s'est pas aperçue qu'en votant une espèce d'impôt, au lieu d'une espèce d'indemnité de surveillance, elle se mettait en contradiction avec le principe qui est son point de départ. Elle veut que, dans aucune hypothèse, la surveillance ne constitue une charge pour le trésor public Nous sommes bien d'accord sur ce point, la section centrale et le gouvernement. Eh bien, peu de mots suffiront, pour faire voir, que dans le système qui a prévalu au premier vote, cette surveillance peut devenir une charge pour le trésor public.

En effet, il existe en ce moment huit établissements qui sont d'une importance bien différence. Les uns emploient trois millions de kilogrammes de sel, tandis que d'autres n'en emploient que 200,000 ; je suppose que dans un bref avenir, il s'établisse deux ou trois industries nouvelles, ce qui est très possible, puisque le nombre est allé assez lentement, il est vrai, en augmentant. Il est très probable que si des établissements nouveaux se forment, ce seront de petits établissements plutôt que des grands. Il existe un seul grand établissement dans le pays, c'est celui d'Oignies. Probablement donc, s'il s'établit de nouvelles industries de sulfate de soude, elles seront d'une importance secondaire. Je suppose que l'on en crée deux. Quelle sera la dépense que le trésor public aura à faire ? Pour un petit comme pour un grand établissement, il faut une station de cinq hommes. Ces deux stations coûteraient 9,500 fr. Or, en supposant que les deux établissements nouveaux auraient la même importance que les deux plus petits établissements qui existent aujourd'hui, la recette ne s'élèverait, à raison de 40 c. par 100 kilog. qu'à 3,300 fr. Il y aurait donc perte pour le trésor de 7,200 fr.

Ainsi, messieurs, si la loi est votée telle qu'elle est sortie du premier vote et que deux petits établissements nouveaux se forment dans le pays, la loi ne sera plus une vérité en ce sens qu'elle veut que ces établissements ne deviennent pas une charge pour le trésor, tandis qu'en réalité il en résultera une charge nouvelle de 7,200 fr., cela est clair comme le jour : cela est irréfutable.

Messieurs, ce que je viens de dire répond en même temps à la question que m'a fait l'honneur de m'adresser l'honorable M. Lebeau, à savoir si la charge n'ira jamais au-delà des frais de surveillance.

Sans doute, dans l'intention du gouvernement, jamais ces frais ne devaient surpasser les frais de surveillance. Il en sera encore de même dans l'avenir.

Seulement s'il arrive un jour que de petits établissements nouveaux se forment, il faudra faire une dépense supérieure à la recette nouvelle et il faudra bien que mon successeur vienne ici réclamer une modification à la loi, s'il veut rester fidèle au principe que la surveillance de ce privilège ne doit pas être une charge pour les contribuables.

Et puisque j'ai prononcé le mot privilège, je tiens à revenir sur ce point, parce que l'honorable M. Veydt, à mon avis, a eu tort de dire que la chambre ne doit pas se préoccuper de ce que j'ai nommé une perception en moins de 2 millions. A coup sûr, si l'on frappait les établissements de sulfate de soude d'un impôt de 18 fr. par 100 kil. de sel qu'ils emploient, il n'y aurait pas d'établissement possible dans le pays. Aussi je n'ai pas voulu dire que ces établissements enlevaient au trésor public un impôt de deux millions.

J'ai dit et je répète, que ces établissements jouissent, dans leur intérêt privé, d'une exemption, d'un privilège qui a une valeur de 2 millions de francs pour le trésor ; il y a donc là 2 millions à surveiller dans l'intérêt du trésor ; en d'autres termes si le sel employé par cette industrie pouvait, au moyen de la carbonisation, recevoir la qualité du sel comestible et être livré en totalité à la consommation, ce que je reconnais être impossible, on enlèverait au trésor une recette de 2 millions.

Il y a donc grandement lieu de s'occuper de cette question ; il faut que le gouvernement établisse une surveillance quelconque, si l'on veut satisfaire au vœu des industriels qui ont demandé que ce malencontreux mélange, qui abîmait leurs produits et les obligeait à des dépenses plus fortes que leurs concurrents étrangers, vînt à cesser et fût remplacé par d'autres mesures gouvernementales.

Messieurs, si, malgré les raisons que je viens d'ajouter à celles que j'ai données avant-hier, la Chambre persistait dans son premier vote, il faudrait évidemment changer le texte de l'article en discussion.

En effet, cet article, modifié comme il l'a été, devient un non-sens.

Le paragraphe premier porte que le gouvernement pourra accorder l'exemption sur le sel brut dont l'emploi à la fabrication du sulfate de soude aura été dûment constaté ; et après avoir dit dans le paragraphe premier que ce sel est exempt de tout droit, on dit, dans le deuxième, qu'il paye une accise de 40 c. par 100 kil. Il y a là contradiction.

Si donc on persiste dans l'opinion d'appeler accise cette rétribution réclamée par le gouvernement, il faudra rédiger la disposition de la manière suivante :

« Le gouvernement pourra accorder remise partielle de l'accise sur le sel brut, dont l'emploi à la fabrication du sulfate de soude aura été dûment constaté.

« Dans ce cas l'accise est fixée à 40 centimes par 100 kilogramme de sel. Ce droit sera payé lors de l'enlèvement du sel du magasin de crédit permanent concédé conformément à l'article 24. »

Une antre observation, messieurs, c'est que de la manière dont le projet a été formulé, il a pour but, non pas de faire une loi en quelque sorte distincte, mais de substituer une rédaction nouvelle à un article qui est maintenu. En effet, l'article unique du projet commence par ces-mots : « Le paragraphe 2 de l'article 4 de la loi du 5 janvier 1844, Bulletin officiel, n°5, est remplacé par les dispositions suivantes : » Il résulte de là, messieurs, que pour que la nomenclature des articles ne soit pas changée,,il ne conviendrait pas de faire un article 2, comme le propose l'honorable M. Veydt, qu'il y aurait lieu seulement d'en faire un paragraphe, et pour l'éventualité peu probable du reste où cet article additionnel serait adopté, il est évident que sa rédaction ne pourrait pas non plus être maintenue. « Les fabriques de sulfate de soude, dit cet amendement, qui s'établiront après la mise en vigueur de la présente loi (page 437) payeront une taxe égale au montant des frais que leur surveillance occasionnera.

On se demanderait, si cette rédaction était adoptée, quand la taxe serait due, si c'est, par exemple, par douzième, ou si un établissement, qui ne travaille qu'une partie de l'année, payerait la somme pour toute l'année, et ainsi de suite. Il faudrait donc fixer la somme dans l'article et dire que les fabriques de sulfate de soude qui s'établiront après la mise en vigueur de la présente loi, payeront une taxe de 4,000 francs par année.

Mais je dis que je crois peu à l'adoption de cette disposition. L'honorable M. Moreau vous a déjà fait voir combien il serait désastreux pour les nouvelles industries qui voudraient s'ériger. Si c'étaient de petits établissements, ils payeraient d'autant plus par 100 kil. que leur industrie aurait moins d'importance ; c'est-à-dire que cet article aurait pour résultat de les accabler d'autant plus qu'ils auraient moins d'importance et qu'ils utiliseraient moins de produits ; tandis que le projet, tant celui du gouvernement que celui de la section centrale, a, au moins, ce bon côté de ménager un peu les petites industries au détriment, je l'avoue, des grandes industries. Mais du moins on ne rend pas impossible toute concurrence de la part de ces petites industries.

Du reste, messieurs, je persiste à croire que le premier vote a donné dans un excès contraire à une taxe fixe. La taxe fixe a cela de bon qu'elle fait payer par chaque industriel, quelle que soit sont importance, les frais de surveillance qu'il coûte, mais elle a pour résultat de rendre impossible la concurrence des petits contre les grands. Le système de la section centrale tombe dans un excès contraire ; il frappe trop fortement les grands établissements. Le gouvernement a proposé un terme moyen, qu'il croit plus équitable, et que je persiste à soutenir. Au point de vue du trésor, je suis parfaitement désintéressé ; les deux systèmes, celui du gouvernement comme celui de la section centrale, indemnisent le trésor des frais dont il s'agit.

M. Mercier. - Messieurs, l'équilibre qui existe, dans l'ordre naturel des choses, entre les industriels d'une même catégorie, ne doit pas être troublé par le fait du gouvernement. Si le gouvernement peut troubler cet équilibre aujourd'hui, dans une proportion assez faible, il pourra le faire en d'autres circonstances dans des proportions plus larges, Or, c'est là ce que faisait le projet du gouvernement. Les industriels qui sont frappés d'une taxe quelconque ne sont que les intermédiaires entre les consommateurs et le trésor. Ce ne sont pas ceux qui acquittent l'impôt qui, en définitive, le supportent ; ils le recouvrent sur la consommation, et ils le recouvrent dans la proportion dans laquelle ils l'ont payé ; comme ils sont tous imposés d'une manière uniforme, le recouvrement se fait sur le même pied ; leurs conditions relatives d'existence ne sont pas altérées par le fait du gouvernement.

Il en est ainsi pour les brasseries, pour les distilleries, pour les fabriques de sucre indigène, en un mot, pour tous les industriels ou négociants qui acquittent des droits d'accises ou de douane. Pourquoi, messieurs, en agirions-nous autrement pour les fabriques de sulfate de soude ? Pourquoi troubler l'équilibre qui existe entre elles, et pourquoi le troubler, dans ce sens que ce sont précisément les plus petites fabriques qui payeraient le plus et les plus grandes qui proportionnellement supporteraient la moindre charge ?

Il résulterait de là que le petit fabricant, pour se rembourser de l'impôt ou du prélèvement exigé par l'Etat, devrait demander au consommateur 75 centimes par 100 kilog., taudis que le grand serait dédommagé moyennant 20 centimes par 100 kil. Est-ce là de la justice ? Evidemment non, et je suis persuadé que la Chambre n'adoptera pas une mesure qui entraînerait de telles conséquences.

Où conduit, d'ailleurs, ce système ? C'est un impôt progressif, non pas en ce sens qu'il fait payer dans une proportion plus forte ceux qui possèdent beaucoup, ceux qui ont de vastes établissements, ce qui est justement réprouvé et subversif de l'ordre social, mais en ce sens qu'il frappe d'une charge relativement plus élevée celui qui possède moins, celui dont l’industrie est moins considérable, ce qui est mille fois plus odieux encore.

Je ne conçois vraiment pas qu'on puisse soutenir dans cette enceinte que îe système de la minorité de la section centrale est le plus équitable ; un système qui frappe davantage les petits et qui ménage les grands, ne me semble réellement pas soutenable.

On nous effraye, messieurs, par cet argument que, dans certaine éventualité, il serait possible que_ la recette opérée par le trésor ne suffît point pour couvrir toute la dépense ; cet argument n'est pas sérieux ; il s'appliquerait d'ailleurs, dans certains cas, au système du gouvernement aussi bien qu'à celui de la section centrale. La différence, au surplus, ne peut jamais être que très minime. Je conteste qu'il est probable que les établissements qui pourraient se former à l'avenir, seront de faible importance ; l'industrie dont il s'agit ne peut plus s'exercer qu'en grand, et quand ou voudra créer de nouveaux établissements, ce sera vraisemblablement au moyen de sociétés puissantes, possédant des capitaux considérables, qui, pour soutenir la concurrence, travailleront sur une grande échelle.

Les deux seuls établissements d'une importance secondaire qui existent aujourd'hui sont anciens : ceux que l'on voudrait fonder aujourd'hui ne peuvent prospérer qu'à la condition d'être considérables.

Je ne puis pas admettre le deuxième amendement de l'honorable M. Veydt, qui retombe tout à fait dans le système du projet du gouvernement ; du moment que ce projet n'est pas admis, l'amendement de M. Veydt doit également être écarté ; il deviendrait, au contraire, inutile si ce projet était adopté. Ménager les grands établissements et frapper davantage les petits, ce serait entraver l'industrie, ce serait même conduire au monopole, puisque ce serait porter obstacle à la création de toute fabrique qui ne travaillerait pas sur le plus grand pied.

Quant à la rédaction proposée par M. le ministre des finances, je ne la combattrai pas, mais je ferai remarquer que l'anomalie qu'il a relevée, existe également dans son projet, car, en définitive, il impose certaines usines à raison de 75 c., et certaines autres à raison de 15 c ; ces 75 ou ces 15 c. seraient toujours perçus, n'importe quelle dénomination on donne à ce prélèvement ; les mots ne changent rien au fond, et la contradiction n'en existe pas moins avec le paragraphe que M. le ministre des finances propose maintenant de supprimer.

M. Rousselle. - Il me semble que la dissidence qui se manifeste au sujet de ce projet de loi provient de ce que l'on ne s'entend pas sur la nature de la redevance qu'il s'agit d'établir. L honorable M. Mercier veut absolument y voir un impôt, je ne puis partager cette opinion ; je ne puis voir un impôt dans la rétribution que le gouvernement propose d'exiger des fabriques de sulfate de soude : quel est, messieurs, le droit commun, quant à l'accise sur le sel ? C'est que cette accise est due, à moins que le sel, employé à un usage industriel, ne soit dénaturé de manière à donnera l'Etat toute garantie contre la fraude.

Ce moyen adopté de dénaturer le sel ne convient pas aux fabricants de sulfate de soude ; et l'on propose d'y suppléer par un mode spécial de surveillance ; le gouvernement dit : Je consens à ne pas suivre à votre égard le droit commun quant à l'affranchissement de l'accise sur le sel, mais vous payerez les frais de la surveillance que je suis tenu d'organiser dans votre intérêt privé, et voici la rétribution que je vous demande.

Pourquoi la Chambre ne ratifierait-elle pas purement et simplement un pareil arrangement ? Pourquoi voudrait-on voir un impôt dans la redevance que cet arrangement demande aux fabricants ?

Ces quelques mots, auxquels je me bornerai, vous prouvent assez, messieurs, que je me rallie au système du gouvernement et non pas à celui de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, l'honorable M. Mercier aurait parfaitement raison et tout ce qu'il a dit serait à l'abri de toute critique s'il était bien prouvé que ce qu'il nomme un impôt est un impôt ; mais c'est précisément dans un cercle vicieux qu'il tourne et il considère toujours comme démontré ce qui est en question. Je persiste à croire que ce n'est pas un véritable impôt. Les employés ne sont pas là pour surveiller la perception d'une recette, mais pour surveiller et justifier l'exemption d'un impôt.

Le gouvernement a si peu l'intention d'en faire l'objet d'un impôt que si, plus tard et quel que soit le système, cette somme était d'un produit beaucoup supérieur aux frais de surveillance, il serait le premier à venir déclarer qu'on peut diminuer la somme perçue, afin de permettre à ces établissements de lutter avec avantage contre les produits similaires sur les marchés étrangers.

L'honorable M. Mercier, lorsqu'il était ministre des finances et qu’il avait trois commis préposés à la surveillance d'un navire renfermant 100 ou 200 pièces de vin, a-t-il considéré comme un impôt la somme, toujours la même, qu'il faisait payer par ceux qui donnaient lieu à cette surveillance ?

Il en est de même ici. Ce n'est que la restitution des frais d'une surveillance que le gouvernement s'impose pour affranchir les établissements d'un mélange contre lequel ils ont tant réclamé. (Aux voix ! aus voix !)

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, la clôture étant réclamée, je me bornerai à faire remarquer que la question de savoir si la taxe dont il s'agit sera un impôt ou une restitution n'a aucune importance. En fait, quel que soit le système auquel la Chambre se rallie, celui du gouvernement ou celui de la section centrale, vous n'arriverez que d'une manière approximative à couvrir les frais de surveillance. Dans toutes les hypothèses prévues, il est impossible de garantir un déficit ou un excédant.

Le but que nous poursuivons est évidemment que le trésor reste indemne. Mais à moins de faire payer les frais de surveillance directement par les fabricants, ce qui est impraticable, le recouvrement ne peut s'opérer qu’approximativement.

Les calculs de la section centrale vont au-delà des prévisions du gouvernement. La Chambre ne doit donc se préoccuper que de la question d'équité dans la répartition de l'impôt.

Je ne veux pas faire la guerre aux grands établissements, mais je crois que, par la force des choses, ils ont des avantages assez considérables pour que l'on évite de leur accorder, par la loi, une véritable prime ; or c'est ce que le nouveau système que l'en voudrait inaugurer établirait évidemment.

La taxe uniforme proposée par la section centrale est juste, puisqu'elle est basée sur la quantité de sel mise en œuvre dans la fabrication du sulfate de soude.

Si la Chambre adoptait le droit différentiel, elle ménagerait les grands établissements qui travaillent déjà à meilleur compte au détriment da quelques petites fabriques qui soutiennent difficilement la lutte ; car (page 438) vous savez que l'industrie des produits chimiques réclame des capitaux très considérables.

Je bornerai là mes observations.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Veydt, tendant à substituer 35 centimes à 40 centimes, pour le cas où le premier vote serait maintenu, est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'amendement adopté au premier vote est mis aux voix avec la nouvelle rédaction proposée par le gouvernement ; il est définitivement adopté, ainsi modifié.

L'article 2, proposé par M. Veydt, et portant : « Les fabriques de sulfate de soude, qui s'établiront après la mise en vigueur de la présente loi, payeront une taxe égale au montant des frais que leur surveillance occasionnera, » est mis aux voix et n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble du projet

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'article unique du projet de loi.

80 membres y prennent part.

70 répondent oui.

9 répondent non.

1 (M. Coomans) s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes. Devaux, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jansseus, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, Lesoinne, Maertens, Maghernian, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (C), Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Allard, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coppieters, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckarl, de Brouwer de Hogendorp, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo et Delfosse.

Ont répondu non : MM. De Pitteurs, Lebeau, Lelièvre, Loos, Moncheur, Moxhon, Veydt, Ansiau et Deliége.

M. le président. - M. Coomans qni s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Coomans. - Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire à la Chambre avant-hier, le traitement douanier des sels de soude belges me paraît dépendre de la question de savoir si les sels de soude étrangers seront admis librement, ou non, en Belgique. J'aurais voté l'impôt demandé par M. le ministre des finances dans le cas où les huit fabriques belges auraient continué à jouir du monopole. Mais M. le ministre nous ayant donné l'espoir que la soude étrangère serait admise franche de droits en Belgique, je n'ai pas cru pouvoir aggraver la situation de notre industrie vis-à-vis du trésor. En attendant qu'une solution intervienne, je me suis abstenu.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances

Discussion générale

« Article unique. Le crédit de 1,160,000 francs figurant à l'article 15, chapitre III, du budget du ministère des finances, fixé, pour l'exercice 1854, par la loi du 12 avril 1853, Moniteur, n°105, est porté à un million cent quatre-vingt-dix-huit mille francs (fr. 1,198,000), et, par suite, le même budget est fixé à la somme totale de dix millions huit cent cinquante-neuf mille cinq cent soixante-cinq francs (fr. 10,859,565). »

M. David. - Messieurs, déjà dans la section centrale, à laquelle j'appartiens, j'avais soulevé la question de savoir s'il ne serait pas possible de former le personnel nouveau nécessaire pour la surveillance spéciale qu'il s'agit d’exercer, au moyen des préposés de la douane. Je persiste à croire, malgré les explications données en section centrale par M. le ministre des finances, que cette possibilité existe. Je désirerais donc qu'on ajournât la discussion du projet présenté, afin de donner le temps à M. le ministre d'examiner sérieusement si, au lieu de payer 38 ou 40 mille francs à de nouveaux employés, on ne pourrait pas faire faire le service par le personnel de la douane, ce qui permettrait de faire profiter le trésor de la somme payée par l'industrie surveillée.

Voici les considérations sur lesquelles je me suis appuyé et dans ma section et dans la section centrale. Lorsque la convention avec le Zollverein a été mise en vigueur, on a augmenté le personnel de notre douane sur la frontière prussienne ; nous y avons trois lignes très compactes au point que chaque hameau contient une brigade ; l'administration prussienne a retiré ses agents parce que nous faisons le service pour la Prusse et pour la Belgique. Aujourd'hui cette convention étant venue à cesser avec le traité, la Prusse rétablira son cordon tel qu'il était précédemment ; nous pourrons alors diminuer le nombre des employés que nous avons sur ce point.

Notre système tend de plus en plus à devenir libéral ; partout où l'on s'occupe de réformes, les chances de fraude diminuent, la surveillance des fraudeurs n'a plus besoin d'être aussi grande ; quand vous diminuez les droits d'entrée, le fraudeur n'a plus intérêt à frauder ; par conséquent, là où vous aviez besoin de six douaniers, avec deux vous pouvez faire la même besogne. C'est une seconde considération que j'avais fait valoir.

D'après le budget des finances pour l'exercice 1854, le personnel de la douane compte 4,499 hommes, soit 4,500 hommes en chiffres ronds.

Croyez-vous qu'en retirant moins d'un pour cent de ce personnel, vous diminuerez tellement la densité de la ligne et la surveillance que les chances de fraude augmenteront ?

Prendre 40 hommes sur 4,500, ce n'est pas diminuer l'efficacité de la surveillance contre la fraude.

J'appelle l'attention de M. le ministre sur ces observations, pour qu'il examine s'il n'y a pas moyen de trouver le personnel nouveau dont il a besoin dans les brigades disséminées sur nos frontières. Ce sera une petite ressource, sans doute ; mais en finances il ne faut rien dédaigner.

Je demande l'ajournement pour que M. le ministre ait le temps de donner une réponse. Il est absent pour le moment ; s'il était présent, il pourrait peut-être la donner dès à présent, mais le projet n'est pas tellement urgent que nous devions le voter aujourd'hui.

M. le président. - J'avais annoncé hier que ce projet qui est le corrélatif de celui qui vient d'être voté serait aussi mis à l'ordre du jour, mais M. le ministre vient de sortir ; la Chambre veut-elle ajourner ce projet à demain ou à après-demain ?

- La Chambre ajourne la discussion de ce projet à après-demain.

Projet de loi sur les brevets d’invention

Discussion des articles

Article 20 (nouveau)

M. le président. - A la suite du vote de quelques questions de principes résolues par la Chambre, la section centrale a été chargée de formuler un article nouveau qui prendrait la place du littéra « a » de l'article 20.

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Le possesseur d'un brevet devra exploiter ou faire exploiter en Belgique l'objet breveté, dans l'année à dater de la mise en exploitation à l'étranger.

« Toutefois, le gouvernement pourra, par un arrêté motivé, inséré au Moniteur, avant l'expiration de l'année, accorder une prorogation d'une année au plus.

« A l'expiration de la première, ou s'il y a eu prorogation, de la deuxième année, le gouvernement annulera le brevet. »

La discussion est ouverte sur cet article, mais elle ne peut porter en ce moment que sur la manière dont la section centrale a formulé les résolutions de la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je n'ai qu'une seule observation à faire, sur la rédaction de l'article 20, c'est qu'elle contient une légère erreur, dont je demande la rectification. Elle porte : « A l'expiration de la première, ou s'il y a prorogation, de la deuxième année, le gouvernement annulera le brevet. » Or il peut arriver que le gouvernement accorde la prorogation non d'une année, mais d'un ou de trois mois. Il faudrait donc dire : « A l'expiration de la première année, ou, s'il y a prorogation, à l'expiration du délai qui aura été accordé, le gouvernement annulera le brevet. »

- L'article 20 est adopté avec cette rédaction.

Article 21

M. le président. - La Chambre passe à la discussion sur l'article 11 qui devient l'article 21, et que la section centrale propose de modifier comme suit :

« Art. 21. Le brevet sera déclaré nul par les tribunaux, etc. »

M. Lelièvre. - Je ne puis partager l'opinion de la section centrale qui propose de décréter la compétence exclusive des tribunaux dans le cas des articles 21 et 22 (anciens articles 11 et 12). Je conçois très bien cette intervention des tribunaux à l'occasion de contestations soulevées entre particuliers sur la valeur du brevet. Mais dans l'hypothèse même des articles en question, pourquoi le gouvernement ne pourrait-il pas prononcer la déchéance du brevet ; par exemple, si l'on découvrait que le breveté dans la description jointe à sa demande a, avec intention, omis de faire mention d'une partie de son secret ou l'a indiqué d'une manière inexacte ? Le gouvernement devrait-il attendre qu'une discussion s'élevât entre particuliers devant les tribunaux ? Il me semble que l'autorité qui a accordé le brevet doit pouvoir reconnaître la nullité ou la déchéance. L'intérêt public exige, du reste, que le sort d'un brevet soit fixé irrévocablement et sans retard.

Les tribunaux ne statuant qu'entre particuliers, il est évident qu'il n'interviendra de décision de leur part qu'en cas de litige soulevé entre personnes privées.

Cependant, il importe à l'intérêt général que le décrètement de la nullité ou de la déchéance d'un brevet ne soit p s subordonné à une contestation qui s'élève entre le breveté et d'autres. Ce serait priver le gouvernement de disposer d'un brevet nul ou dont le possesseur serait légalement déchu.

Je pense donc que dans le cas même des articles 21 et 22 le gouvernement doit pouvoir prononcer la nullité ou la déchéance du brevet, alors même que les tribunaux n'auraient été saisis d'aucun débat à cet égard.

Subsidiairement, si l'on croyait devoir maintenir la compétence exclusive des tribunaux, dans le cas des articles 20 et 21, je demande qu'il soit bien entendu que le gouvernement pourra se pourvoir devant les tribunaux pour faire prononcer la nullité ou la déchéance du (page 439) brevet, dans les hypothèses dont il s'agit. Il n'est pas possible, en effet, que l'action du gouvernement soit enrayée et que le public reste incertain sur la valeur du brevet. Il est essentiel que M. le ministre nous donne des explications sur ces divers points.

M. le président. - C'est à tort que M. Lelièvre suppose que la section centrale est seule à demander que le brevet soit déclaré nul par les tribunaux. Sur ce point, le gouvernement et la section centrale sont d'accord.

M. Roussel. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour présenter l'observation que vient de faire M. le président. Le projet de loi primitif, comme le projet de la section, attribuait les déchéances dont il s'agit aux tribunaux ; il n'était entré dans la pensée de personne de confier ces décisions à l'action moins garantissante du gouvernement.

En vain l'honorable M. Lelièvre prétend-il que l'autorité qui a concédé le brevet devait être appelée à l'annuler. Sans contester la vérité du principe invoqué, nous pouvons dire qu'il ne s'applique point aux espèces dont il s'agit.

Qu'est-ce que fait le gouvernement en octroyant un brevet d'après la loi nouvelle ? Il ne fait autre chose que constater le dépôt de la spécification et les droits qui en dérivent s'il y a réellement invention. Le gouvernement enregistre et il accorde un droit révocable ; voilà tout.

Mais par qui ce droit pourra-t-il être révoqué ou du moins à la requête de qui ? Evidemment par ceux qui prétendent à la priorité ou à la non-réalité de l'invention, c'est-à-dire, par des concurrents du prétendu inventeur. Il s'ensuit que le gouvernement n'aurait pas qualité pour requérir l'annulation du brevet par les tribunaux, car outre qu'il n'a pas d'intérêt, il n'a pas dû s'occuper de l'invention en elle-même quand il a octroyé le brevet.

Le pouvoir exécutif ne pourrait pas non plus prononcer sur une contestation devenue un véritable litige entre des prétendants droit à un même brevet. L'industriel assigné comme contrefacteur par un breveté pourra faire valoir la déchéance comme fin de non-recevoir ou bien assigner lui-même le breveté en déchéance, mais l'intervention du gouvernement n'aurait ni but ni sens. Aussi n'existe-t-elle nulle part pour les cas en discussion et n'était-elle pas admise pour ces mêmes cas par la loi en vigueur.

Messieurs, un examen même superficiel des littera de l'article ne peut laisser de doute sur la question. Le seul point douteux était le principe de l'intervention ministérielle, dans le cas de non-exploitation, et ce principe, la Chambre l'a repoussé, avec raison selon moi. Il ne reste plus maintenant qu'à consacrer des déchéances qui de l'aveu de tout le monde, doivent être réservées à l'action du pouvoir judiciaire.

M. Lelièvre. - Mon but est de déterminer d'une manière claire et précise le sens de l'article en discussion. Je demande donc si le gouvernement, avant de proclamer la nullité ou la déchéance du brevet, aura le droit de se pourvoir devant les tribunaux pour faire décréter la nullité ou la déchéance du brevet ou s'il devra attendre, pour user de la faculté qui sera énoncée à l'article 23, que les tribunaux aient statué entre le breveté et des tiers.

Je persiste, du reste, en mes observations et à penser que le système de la section centrale présente des inconvénients que j'aurais voulu prévenir.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La réponse se trouve dans l’article 23 ainsi conçu :

« Lorsque la nullité ou la déchéance d'un brevet aura été prononcée, soit par voie administrative, aux termes des articles 19 et 20, soit par jugement ou arrêt ayant acquis force de chose jugée aux termes des articles 21 et 22, l'annulation du brevet sera proclamée par un arrêté royal inséré au Moniteur. »

En effet, que la Chambre veuille bien se rappeler que l'article en discussion est une transaction entre ceux qui voulaient que, dans tous les cas, la nullité ou la déchéance fût prononcée par les tribunaux, et ceux qui voulaient qu'elle fût prononcée par le gouvernement. Dans deux cas et notamment dans le cas du non-acquittement de la taxe, la nullité sera prononcée par le gouvernement. Dans les autres cas, il peut y avoir des vérifications à faire, des expertises à ordonner. Les tribunaux interviendront plus utilement.

Pour concilier l'idée de l'honorable M. Lelièvre avec le principe de la loi, nous avons fait une addition à l'article 23, afin que tout le monde fût averti le plus tôt possible d'une déclaration d'annulation ; et on a décidé que le Moniteur publierait les arrêtés.

L'honorable M. Lelièvre pense qu'il y a un grand inconvénient attaché à cette circonstance, de faire déclarer les cas de nullité par l'autorité judiciaire. Mais le projet de loi, dans l'un des articles déjà votés, a prévenu cette difficulté en décidant que les affaires de cette nature seraient portées devant les tribunaux comme affaires urgentes, et traitées sans aucune forme de procédure. Par conséquent il ne peut s'écouler un temps bien long entre l'instant où un brevet sera attaqué devant les tribunaux, et celui où un arrêt d'annulation interviendra.

Enfin on demande s'il est bien entendu que le gouvernement pourra lui-même intervenir pour faire prononcer par les tribunaux l'annulation d'un brevet. Messieurs, cette faculté qu'on veut accorder au gouvernement et qui a été exercée en France, a fait l'objet d'un examen, et l'on a reconnu qu'elle donnerait lieu à de grands inconvénients. Ainsi dans le cas où il s'agirait de poursuivre d'office l'annulation d'un brevet et où le gouvernement échouerait dans ses démarches, on s'est demandé qui payerait les frais de procédure ? Oa a donc cru devoir abandonner cette voie et laisser aux véritables intéressés dans la question le soin de débattre leurs intérêts devant les tribunaux comme ils l'entendraient.

- La discussion est close.

Le paragraphe premier est adopté avec la rédaction proposée par la section centrale et à laquelle le gouvernement s'est rallié.

Les littera « a » et « b » sont également adoptés.

M. le président. - Au littéra « c », au lieu de : « dans un ouvrage ou recueil imprimé et publié », la section centrale propose de dire : « dans un ouvrage ou recueil imprimé, publié en Belgique. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il n'y a d'autre dissentiment entre la section centrale et le gouvernement sur ce littera « c », que la question de savoir s'il suffit, comme le propose le gouvernement, qu'une invention brevetée ait été imprimée et publiée dans un pays quelconque, pour qu'il y ait nullité du brevet ; ou s'il faut aller, ainsi que le veut la section centrale, jusqu'à exiger que l'ouvrage ou le recueil qui rend compte de l'invention, ait été impiimé et publié en Belgique. Le gouvernement pense qu'il y a lieu de maintenir la première rédaction.

M. le président. - La section centrale n'exige pas que l'impression ait eu lieu en Belgique. La publication sufflit.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La section centrale, je pense, dit : « imprimé et publié en Belgique ».

M. le président. - Non, elle dit : imprimé, publié en Belgique.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Soit ! Le gouvernement pense au contraire qu'il doit suffire que le recueil ou l'ouvrage qui fait connaître l'objet breveté ait été imprimé et publié, n'importe où, pour qu'il en résulte une cause d'annulation.

En effet, messieurs, remarquez bien, je vous prie, que tout le système de la loi repose, quant aux brevets d'invention, sur le fait de la nouveauté de la découverte ; et que dès l'instant où la découverte que l'on demande à faire breveter a été imprimée et publiée, a été par conséquent portée à la connaissance de tout le monde, cetye découverte prétendue manque de ce caractère primitif sans lequel il n'est pas possible que l'on accorde raisonnablement un brevet. Ainsi n'importe dans quel lieu l'objet breveté a été imprimé et publié, il est certain que dès l'instant que cette impression et cette publication ont eu lieu, le fait est tombé dans le domaine public, qu'il est porté à la connaissance de tous, et que dès lors il n'y a plus lieu à maintenir le brevet.

Pour combattre la rédaction du gouvernement, on a posé quelques hypothèses, et l'on a dit, par exemple, dans la section centrale, qu'il serait injuste de priver d'un brevet d'invention celui qui aurait fait un voyage dans des contrées lointaines, en Chine ou au Japon, pour étudier la fabrication de la porcelaine telle qu'elle se fait dans ces pays, et doter la Belgique de cette industrie nouvelle. Pourquoi, a-t-on dit, vouloir, dans ce cas, priver celui qui aurait apporté cette industrie en Belgique, du bénéfice d'un brevet, sous prétexte que dans un ouvrage publié dans ces pays lointains, le fait à raison duquel le brevet serait obtenu, aurait été porté à la connaissance du public ?

D'abord, messieurs, les cas les plus généraux sont ceux qu'il faut rencontrer dans toute discussion.

En présence de quels faits de publication faut-il se placer pour apprécier la proposition du gouvernement ?

Il faut se placer en face des faits qui se passent tous les jours autour de nous, c'est-à-dire en face des publications qui se font en Allemagne, en France, en Angleterre, dans tous les pays d'Europe où des découvertes importantes arrivent tous les jours à la connaissance du public.

Or, ne serait-il pas absurde que l'on brevetât en Belgique des découvertes à l'égard desquelles des ouvrages auraient été publiés depuis longtemps, et qui seraient ainsi connus de toute l'Europe ?

Faut-il maintenant, messieurs, s'arrêter à un cas aussi exceptionnel, d'une prétendue découverte faite en Chine ou au Japon pour la fabrication de la porcelaine ?

Je dis d'abord qu'il nous vient très peu d'inventions de ces pays, mais si le cas se présentait d'une découverte publiée en Chine, il y aurait lieu d'appliquer la mesure générale.

En un mot : Il y a nouveauté, ou il n'y a pas nouveauté ; or, on ne brevète pas des faits qui sont connus de tout le monde ; et la publication dans un pays quelconque suffit pour appliquer la peine de nullité au brevet.

La section centrale, à la vérité, par le sens qu'elle attache aux mots « imprimé, publié », ne veut pas dire que l'ouvrage aura dû être imprimé en Belgique. Il suffit, dit la section centrale, que le secret y soit parvenu à l'aide d'un cahier, d'une livraison, d'un ouvrage scientifique quelconque. Mais je demande comment on pourra constater le fait d'une publication de cette nature ? Vous recevrez, vous abonné à un ouvrage scientifique étranger, une livraison qui rendra compte d'une découverte ; sera-ce un fait de publication en Belgique ? Comment voulez-vous que le gouvernement découvre s'il existe, dans une bibliothèque quelconque, un ouvrage scientifique qui s'occupe de telle ou telle découverte ? C'est impossible. Il faut, pour que le gouvernement puisse savoir s'il y a réellement publication en Belgique, que cette publication résulte d'une impression faite dans le pays même. Et c'est en général le sens qu'on attache au mot « publication ». Parce qu'une livraison d'un ouvrage étranger sera arrivée en Belgique, on ne dira pas que cet ouvrage a paru dans le pays. On dit qu'un ouvrage a paru en France, en Angleterre, en Allemagne lorsqu'il a été imprimé et publié dans ces pays.

(page 440) Il ne me paraît donc pas possible que l'on exige, pour prononcer la nullité d'un brevet, que la publication en ait été faite en Belgique. Les raisons que je viens de donner et qui se rattachent tout à fait au principe même de la loi, c'est-à-dire, à la nouveauté, doit, ce me semble, convaincre la chambre qu'il suffit de se renfermer dans les termes généraux, à savoir ceux où la découverte aurait été l'objet d'une publication faite, n'importe dans quelle contrée.

M. Vermeire, rapporteur. - Messieurs, la thèse que vient de soutenir M. le ministre de l'intérieur, en faveur de la publication, a été déjà défendue, dans la séance du 12 décembre, par l'honorable comte de Theux et par l'honorable M. T'Kint de Naeyer.

M. le comte de Theux croyait voir une contradiction entre l'article dont il s'agit et l’article 5 déjà voté ; voici ce que disait l'honorable membre :

« J'ai une observation à présenter au liltéra a qui est en rapport avec l'article 5 déjà voté.

« M. T'Kint et M. le ministre de l'intérieur ont fait très bien ressortir la contradiction qu'il y a entre ces deux dispositions.

« D'après l'article 5 vous n'accordez de brevet d'importation qu'à l'inventeur et d'après l'article 11, littera c, le brevet d'importation peut s'accorder à celui qui n'est pas inventeur pourvu que l'invention n'ait pas été publiée en Belgique.

« Il y a là deux dispositions qui sont en opposition. »

Messieurs, nous avons voulu, au contraire, que la loi restât logique et c'est précisément pour ce motif que nous avons cru que la publication devait être faite en Belgique. En effet, on peut obtenir des brevets d'invention en Belgique pour des industries qui existent dans les pays étrangers, pourvu que ces industries ne soient pas publiées dans des livres ou n'aient pas été brevetées. Ainsi, messieurs, s'il faut la nouveauté pour que vous puissiez obtenir un brevet d'invention, il est certain que cette nouveauté doit être prouvée et alors vous rentrez complètement dans le système de l'examen préalable. Je me répète : si vous admettez qu'on peut accorder des brevets pour des industries qui existent dans d'autres pays, vous devez également admettre qu'on peut accorder des brevets pour des industries qui y sont seulement publiées dans des livres. En fût-il autrement, il y aurait, d'après moi, contradiction, inconséquence flagrante. Aussi est-ce pour ce motif que la section centrale a désiré que la publication, avant de conduire à l'échéance, eût lieu dans le pays même.

Des membres de cette section voulaient aller plus loin en demandant l'impression même dans le pays ; mais, par esprit de conciliation, la majorité de la section centrale a cru devoir se borner à adopter la publication.

M. le ministre de l'intérieur a demandé comment on justifierait de la publication, mais je demanderai comment on justifierait de la publication quand la mesure s'étendrait à tout l'univers ? Je pense que la preuve doit être administrée de la même manière dans les deux cas. Je ne suis pas avocat, je ne sais pas comment on procède en pareille matière, mais je pense que c'est une question de fait que l'on sera admis y prouver par tous les moyens légaux.

On dit ensuite qu'il faut prouver la nouveauté, mais je demande comment on pourra le faire ? Du reste, cela est impossible, car qu'y a-t-il encore de nouveau sous le soleil ? Messieurs, s'il fallait procéder de la sorte pour délivrer un brevet, s'il fallait prouver la nouveauté, l'obtention des brevets deviendrait impossible. En Angleterre on l'a parfaitement compris car le brevet n'y déchoit que pour autant que la publication ait eu lieu en langue anglaise.

Je crois, messieurs, pouvoir borner ici mes observations, pour le moment.

M. de La Coste. - Je ne veux pas, messieurs, entrer dans le fond de la question, qui a déjà été suffisamment discuté ; je ne permettrai seulement de soumettre à M. le rapporteur de la section centrale une question : je voudrais savoir ce que c'est que la publicité séparée de l'impression, et je vais m'expliqucr : je comprends la publication séparée de l'impression dans deux cas : pour les lois il y a certaines formalités qui sont exigées pour une publication légale, là je conçois la publication séparée de l'impression ; je conçois encore la publication séparée de l'impression pour un ouvrage que l'auteur fait imprimer dans le seul bul de le distribuer à ses amis ; alors il y a impression sans publication.

Mais, ici, messieurs, je ne comprends pas ce que c'est que la publication séparée de l'impression et je pense qu'alors il faudrait au moins que la loi le déterminât.

Quaul au fait en lui-même, il est certain que pour les hommes instruits et pour tous ceux qui s'occupent d'affaires, il y a infiniment peu de différence entre une publication qui se fait en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Espagne ou en France et une publication qui se fait en Belgique ; lous les hommes qui s'occupent d'affaires comme tous ceux qui s'occupent de littérature ou de sciences sont à peu près aussi bien au fait de ce qui s'imprime dans les pays étrangers que de ce qui s'imprime en Belgique. Je pense donc que si l'on veut une différence, il faut rendre la chose tellement claire qu'il ne puisse jamais s'élever le moindre doute. Je sais bien qu'on a toujours la ressource des procès, mais je pense qu'il ne faut pas les multiplier.

M. Vermeire, rapporteur. - Messieurs, dans la section centrale, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, nous avons agité la même question, et des membres auraient voulu que non seulement la publication, mais même l'impression se fît en Belgique : l'opinion contraire avait soutenu que les œuvres scientifiques qui coûtent beaucoup et dont le débit est limité au besoin, se publient généralement dans les pays où elles trouvent le plus facile placement ; cette opinion soutenait encore que la Belgique étant un petit pays les œuvres scientifiques s'y impriment rarement, mais que cependant elles s'y publient par l'intervention des libraires qui les annoncent dans leurs catalogues ou emploient d'autres moyens de publication pour assurer mieux leur placement.

La section centrale a donc admis que l’impression, alors même qu'elle aurait lieu à l'étranger pourvu que la publication fût faite en Belgique, serait un motif de déchéance du brevet. Voilà la différence qu'il y a entre la publication et l'impression, c'est-à-dire que l'une, l'impression, peut avoir lieu dans un autre pays et que l'autre, la publication, est obligatoire en Belgique.

M. Lesoinne. - Messieurs, la clause qui fait l'objet de la discussion actuelle a été admise en Angleterre, et l'on a décidé que le brevet serait nul lorsque l'invention aurait été imprimée et publiée eu Angleterre. La section centrale a fait une distinction : elle a décidé qu'il suffisait que la description complète et le dessin exact de l'objet breveté eussent été publiés en Belgique, sans exiger qu'ils y aient été imprimés.

M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il ne faut pas s'attacher à des cas particuliers qui ne se présenteront peut-être jamais et qu'il faut s'en tenir à ce qui est pratiqué d'ordinaire.

Eh bien, examinons quels seraient les résultats, si la clause dont il s'agit n'existait pas.

On semble se préoccuper toujours de l'idée qu'une industrie nouvelle qui n'est pas dans le domaine public, est un malheur pour le pays.

D'après la loi qui est en discussion, on a décidé qu'un objet qui a été breveté ne peut plus l'être. Et selon moi, le paragraphe « « d fera double emploi avec cette clause, car je pense que l'on ne trouvera de description complète et de dessins exacts que dans les demandes de brevets. Mais je suppose que, dans un livre imprimé depuis 30 ou 40 ans, un individu trouve la description d'un procédé susceptible d'être exploité, pouvant faire l'objet d'une industrie nouvelle dans le pays ; que cet individu dise : « Je puis mettre ce procédé en pratique ; mais cela m'occasionnera des frais d'expérience ; or, plutôt que de risquer de me constituer en perte, je n'exploiterai pas cette industrie. »

Il est certain que dans ce cas le pays n'en profitera pas, mais s'il était permis à cet individu d'obtenir un brevet, peut-être chercherait-il le moyen de doter son pays d'une industrie qui n'y existerait pas, s'il était assuré qu'après qu'il aura fait tous les frais pour mettre son procédé en exploitation d'autres ne viendront pas en profiter.

Selon moi, la question se réduit à ces termes : y a-y--il intérêt pour le pays à voir mettre en pratique le plus grand nombre possible d'industries nouvelles ? Oui, sans doute : eh bien, si l'on veut qu'il y ait un grand nombre d'industries nouvelles, le moyen d'obtenir ce résultat, est d'assurer aux demandeurs de brevets la paisible possession de leurs inventions.

Il peut arriver aussi que des inventeurs trouvent de bonne foi quelque chose qui a déjà été décrit, mais dont ils n'ont pas connaissance.

Eh bien, après avoir fait tous les frais de la mise en exploitation d'une industrie, on pourra, après quelques années, leur voir intenter un procès, et nous devons chercher, selon moi, à éviter les contestations et les procès aux inventeurs. On ne leur eu a que trop suscité sous l'ancienne loi.

Si l'on a intérêt à voir des industries nouvelles se produire dans le pays, qu'on assure, je le répète, la paissible possession des brevets à ceux qui les ont obtenus.

D'ailleurs, ces industries tomberont dans le domaine public, au bout d'un certain temps. Que ceux qui sont pressés de se livrer à la même exploitation attendent jusqu'à l'expiration du brevet ou qu'ils cherchent eux-mêmes une industrie nouvelle, mais qu'ils n'attendent pas qu'un individu ait fait tous les sacrifices qu'il faut s'imposer quand on veut mettre une industrie nouvelle en pratique, qu'ils n'attendent pas ce moment pour venir profiter des efforts et des sacrifices faits par un autre.

Je persiste à croire que ce cas de nullité fait double emploi. Une industrie qui a été brevetée ne peut plus l'être. Cela suffit pour rassurer ceux qui craindraient qu'on ne vînt demander des brevets pour des industries déjà connues.

M. de Theux. - Messieurs, la question qui s'agite ne semble pas avoir une grande portée ; mais c'est en réalité la question du monopole ou de la libre industrie. Si l'on admet le système de la section centrale, il suffira à quelqu'un d'établir des relations sur une assez grande échelle avec l'étranger, pour avoir immédiatement connaissance des publications qui s'y font, relativement à des industries nouvelles, et pour demander des brevets d'importation, avant que ces publications ne soient livrées au commerce en Belgique ; eh bien, cet individu, en vertu de la loi, aura le privilège d'exercer seul ou de faire exercer à son profit exclusif l'industrie pour laquelle il est breveté, quoiqu'il n'ait réellement inventé quoi que ce soit : il n'aura fait autre chose, si ce n'est d'établir un système de relations, pour se faire renseigner, le plus tôt possible, sur les publications faites à l'étranger et dont l'objet est susceptible d'être breveté en Belgique.

(page 441) La loi actuellement en vigueur sur les brevets consacre une distinction entre les brevets d'invention et les brevets d'importation ; elle permet au gouvernement d'accorder des brevets d'importation, mais il ne les accorde que lorsqu'il juge qu'il s'agit d'une industrie qui ne peut être pratiquée qu'avec beaucoup de difficultés, et pour laquelle il convient d'octroyer un privilège à celui qui va chercher des renseignements à l'étranger.

Mais en vertu des dispositions du nouveau projet de loi, le gouvernement n'ayant plus rien à faire que de constater la demande et étant obligé d'accorder l'octroi du brevet, le gouvernement ne pouvant, dans aucun cas, discuter et refuser la demande, vous aller créer un véritable commerce de brevets d'importation, et vous vous écartez considérablement, en ce point, du but principal de toutes les lois sur les brevets d'invention, qui est de récompenser le travail de l'inventeur. Ici, ce sera du commerce, le commerce de celui qui demandera un brevet d'importation et qui l'obtiendra par ce seul fait, que le livre publié à l'étranger n'a pas encore été mis en vente dans notre pays

La question que nous discutons a donc uue grande importance : elle se résume en celle-ci : Est-il avantageux pour le pays qu'une industrie soit exercée au profit d'un seul ou de ses ayants droit ? Ou bien, le pays a-t-il intérêt à ce que chacun puisse profiter des inventions qui se font à l'étranger ?

Je sais qu'on peut donner de bonnes raisons à l'appui de l'un et de l'autre système ; mais il importe que la Chambre se rende bien compte de la portée du vote qu'elle est appelée à émettre. C'est pour cela que j'ai pris la parole. Je maintiens, comme je l'ai établi dans la première discussion, qu'il y a ici un véritable renversement du principe de toute loi sur les brevets d'invention, qui est de récompenser les inventeurs, tandis qu'on demande de récompenser les commerçants de brevets.

M. Vermeire, rapporteur. - Je répondrai quelques mots à l'honorable préopinant.

Je crois que l'honorable comte de Theux s'exagère la portée du paragraphe de l'article 11 qui est en discussion. Il faut, pour que le brevet soit frappé de déchéance ou de nullité pour cause de publication dans un recueil ou un ouvrage imprimé, que celui-ci renferme les dessins exacts et la spécification complète de l'objet breveté, de manière que moyennant le moindre changement soit au dessin soit à la spécification on peut éluder la disposition de ce paragraphe.

Donc, dans les deux cas, qu'on accepte le système de la section centrale ou qu'on donne la préférence à celui du gouvernement, ce paragraphe devient illusoire.

Il s'agit, dit l'honorable comte de Theux, de consacrer le monopole au détriment de la libre industrie.

Je crois qu'ici encore il y a exagération.

En effet, voici comment généralement s'obtiennent les brevets : on dépose la demande, non pas dans un seul pays, mais simultanément dans tous les pays où l'on veut se faire breveter. Comme en Angleterre et en France, surtout, les brevets sont frappés de nullité quand les objets ont déjà été décrits dans des ouvrages qui y sont publiés et qu'en Belgique ils sont frappés de nullité quand ils le sont à l'étranger, il est évident qu'on s'exagère cette portée du paragraphe.

Je crois que la plupart des œuvres scientifiques sont publiées en Belgique, parce que l'industrie y faisant tous les jours des progrès, les libraires en trouvent un placement qui s'accroît constamment. Seulement le débit n'en est pas encore assez important pour que l'on puisse y faire les frais d'impression.

Ainsi en Belgique la publication de ces ouvrages est la règle générale ; la non-publication devient l'exception.

L'honorable comte de Theux dit encore que l'ancienne loi, sous ce rapport, était meilleure que la loi actuelle ; c'est encore une erreur, car c'est précisément cet article de l'ancienne loi qui a donné lieu à des contestations innombrables en matière de brevet. En effet, il suffisait, pour que le brevet fût annulé, que l'idée générale qui en faisait l'objet fût décrite.

Or, comment constater la description d'une idée générale ? Aussi est-ce contre cet article que les brevetés, avec raison, d'après moi, se sont toujours le plus vivement élevés. Je persiste donc à croire que de ce que vous permettez de breveter en Belgique des inventions exploitées à l'étranger, vous devez aussi breveter celles qui y sont décrites dans des livres ou recueils imprimés non publiés en Belgique.

C'est à mes yeux, comme à ceux de la section centrale, le seul système logique et conséquent.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, lors de la première discussion j'ai combattu le système de la section centrale. Je crois inutile de reproduire les considérations que j'ai présentées à l'appui de mon opinion. Je rappellerai seulement que j'ai posé alors une question qui vient d'être renouvelée par l'honorable M. de La Coste et à laquelle on n'a pas encore répondu. Qu'entend-on par le mot « publié » ? Comment pourra-t-on savoir si un procédé a été publié en Belgique ? Le mot « publié » veut-il dire vente ? Comment constater qu'un ouvrage a été publié en Belgique ?

Si je reçois par la poste un recueil périodique contenant la description d'un procédé nouveau, y a-t-il publicité ?

En résumé le brevet d'invention est un titre qui constate et garantit le droit privatif réservé à un inventeur sur l'exploitation des moyens d'industrie dont il a fait ia découverte ; ia dénomination que ce titre a reçue ne s'y applique, dans le sens précis de son acception, qu'autant les moyens découverts sont nouveaux complètement et dans toutes leurs parties.

Il y a deux autres sortes de brevets dont la nature et l'espèce sont indiquées par leurs dénominations respectives : celui de perfectionnement et celui d'importation. Vous avez supprimé le brevet d'importation ; si vous adoptez l'amendement de la section centrale, vous le rétablissez. L'honorable M. de Theux vient de le démontrer de la manière la plus péremptoirc.

M. David. - Je me permettrai d'adresser une question à l'honorable rapporteur ; je lui demanderai quelle différence il y a entre un industriel qui a vu fonctionner un procédé nouveau à l'étranger et celui qui en a lu la description dans un livre étranger.

Il s'agit d'établir en Belgique une mécanique qui n'y existe pas ; moi qui aurai vu fonctionner la mécanique à l'étranger, je pourrai me faire breveter. Mais si j'en ai lu la description dans un ouvrage, je ne le pourrai pas. Je demande si ce n'est pas la même chose d'avoir vu une mécanique ou d'en avoir lu la description. Je propose la suppression des mots : « en Belgique ». La loi doit prononcer la nullité du brevet quand l'objet a été décrit dans un ouvrage publié dans quelque pays que ce soit.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est pour faire cesser les abus auxquels donne lieu la loi actuellement en vigueur, que le projet de loi qui vous occupe vous a été soumis dans les termes de l'article 21. En effet, si vous permettez d'accorder un brevet pour un objet décrit dans une publication faite à l'étranger, vous autorisez à aller faire à l'étranger des collections de découvertes prétenduement nouvelles avec lesquelles on arrivera en Belgique où l'on se fera accorder un brevet. Ce serait un véritable commerce de brevets. Ce serait ressusciter les abus des brevets d'importation que vous avez voulu proscrire. On demande où sera la preuve de la publication ? Il faudra la chercher en Angleterre ou en France. Rien de plus facile. Dans ces pays les ouvrages scientifiques abondent. Mais ces mêmes ouvrages sont rarement imprimés en Belgique, parce que le débit n'y serait pas assez considérable, ce qui n'empêche pas nos industriels, nos fabricants d'être parfaitement au courant, par leurs correspondants ou par les ouvrages qu'ils reçoivent de l'étranger, de tout ce qui se publie d'utile dans le domaine des Etats industriels.

Ainsi la conséquence du système de la section centrale serait que, tandis qu'un objet quelconque serait connu du monde entier, nous serions assez simples en Belgique pour le considérer comme une découverte et pour le breveter ! Telle n'a pu être la pensée de la section centrale. Telle ne peut être la décision de la chambre !

M. Lesoinne. - L'honorable ministre de l'intérieur vient de dire qu'il ne faut pas comparer la Belgique à l'Angleterre, parce que dans ce dernier pays les publications scientifiques y sont bien plus nombreuses. Mais en Angleterre, on n'imprime pas non plus d'ouvrages allemands, ou d'autres pays étrangers. La question n'est pas là.

L'honorable M. de Theux dit qu'il y a des gens qui feront collection de publications, qui accapareront les publications scientifiques de tous les pays. Ils feront là une très mauvaise affaire, si c'est pour prendre des brevets. Tout ce qui est susceptible de faire l'objet d'une exploitation lucrative sera breveté. On ne publiera dans les recueils scientifiques que ce qui aura fait l'objet de brevets.

Voilà, selon moi, la question : une personne qui aura obtenu un brevet pourra-t-elle, après en avoir joui pendant plusieurs années, être inquiétée par un individu qui aura fouillé dans une bibliothèque et qui y aura trouvé par hasard un procédé analogue à celui qui fait l'objet du brevet accordé ? Voilà toute la question. Mais quant à ceux qui feraient la spéculation dont a parlé l'honorable M. de Theux, je les plains à cause de la malheureuse issue qui les attend, quand ils feront leur compte au bout de l'année.

- L'amendement de la section centrale consistant à ajouter les mots « en Belgique » après les mots : « imprimés et publiés » est mis aux voix ; il n'est pas adopté. Le littera « c » proposé par le gouvernement est adopté.

M. le président. - « Littera d. Lorsque le breveté aura introduit en Belgique des objets fabriqués à l'étranger, et semblables à ceux qui sont garantis par le brevet, sauf dans le cas où il s'agirait de modèles dont l'importation aurait été autorisée par le gouvernement. »

La section centrale propose la suppression de ce littera.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ce littera avait de l'importance avant l'adoption de l'article 20, par lequel on exige que la découverte soit mise en exploitation dans le courant de l'année en Belgique. Or, l'intérêt du travail national qui a exigé cette disposition me semble assez garanti par l'article 20, puisque dans le délai d'une année toute découverte brevetée à l'étranger devra être exploitée en Belgique. Je n'insiste donc pas pour l'adoption du littera « d ».

- La suppression du littera d est prononcée.

L'ensemble de l'article 11, qui devient l'article 21, est adopté.

Articles 22 et 23

L'article 12 qui devient l'article 22 est modifié par l'addition des mots : « par les tribunaux. »


« Art. 23. Lorsque la nullité ou la déchéance d'un brevet aura été prononcée soit par voie administrative, aux termes des articles 19 et 20, soit par jugement ou arrêt ayant acquis force de chose jugée aux termes des articles 21 et 22, l'annulation du orevet sera proclamée par un arrêté royal inséré au Moniteur. »

- Adopté.

Article additionnel

(page 442) M. le président. Disposition proposée par M. Pierre :

« Nul ne pourra exercer le commerce que sous son nom ou sous un nom privé ou social, qu'il est également autorisé à prendre. Quiconque débite sans les revêtir de son nom ou du nom du producteur des marchandises imitées de productions étrangères, connues sous le nom du fabricant étranger, devra mentionner sur ses factures, étiquettes ou marques de fabrique, qu'elles sont produites à l'instar de la fabrication de l'étranger, dont le producteur ou le débitant en Belgique donne le nom à la marchandise ; le tout à peine de confiscation et de dommages-intérêts. »

- Cette proposition est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

M. Lelièvre. - Je désirerais soumettre à M. le ministre de l'intérieur une question que je le prie d'examiner, avec invitation de bien vouloir la résoudre lors du second vote. D'après les dispositions adoptées, ne pourra être poursuivi celui qui de bonne foi aura acheté des objets contrefaits. Cette disposition, à mon avis, ne peut s'appliquer à un objet qui devrait être considéré comme un agent de production, par exemple à une machine, dans le but d'en faire un usage commercial. En France, messieurs, la jurisprudence décide unanimement que l'individu qui, même de bonne foi, achète une machine contrefaite dans le but d’en faire un usage commercial et d'établir avec ses produits une concurrence nuisible au breveté doit être considéré comme contrefacteur. Voici comment a statué la cour de cassation :

« Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles premier et 40 de la loi que le droit exclusif conféré à l'auteur de toute découverte ou invention, dans tous les genres d'industrie, d'exploiter ladite découverte ou invention, comprend non seulement la confection ou vente de l'objet breveté, mais encore la fabrication des produits, et que toute atteinte portée à ce droit est une contrefaçon.

« Attendu, dès lors, que le négociant ou le fabricant qui achète une machine contrefaite pour en faire un usage commercial et établir ainsi une concurrence préjudiciable au breveté et qui a à s'imputer d'avoir négligé de recourir au moyen que la loi offrait pour reconnaître si les procédés employés n'étaient pas brevetés, doit être considéré comme contrefacteur et encourt les peines prononcées par la loi à raison de ce délit ; mais que la rigueur de ce principe ne saurait s'appliquer à celui qui n'achète un objet contrefait que pour son usage personnel et sans intention de spéculations commerciales. »

Je demande si ces principes si conformes à la nature des choses sont ceux du projet, et, afin qu'il ne puisse s'élever aucun doute dans l’exécution de la loi, je demande que M. le ministre de l'intérieur nous donne à cet égard des explications satisfaisantes.

M. le président. - Nous sommes arrivés à la fin du projet de loi sur les brevets d'invention. Je propose de fixer le second vote après la discussion du budget de l'intérieur.

- Cette proposition est adoptée.

La chambre fixe à lundi la discussion sur le budget de l'intérieur.

La séance est levée à 4 heures.