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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 février 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 619) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure ; il lit le procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Clermont demande un droit de sortie de 2 fr. 50 c. par 1,000 kilogrammes sur les houilles, et un droit proportionnellement plus élevé à l'exportation du coke. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Les sieurs Tack, de Smet et autres membres de la société dite « de groote Vinkeniers, à Oostroosebeke, demandent que l'usage de la langue flamande soit obligatoire dans la correspondance administrative, dans les cours et tribunaux et dans l'enseignement agricole des provinces flamandes. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Les sieurs Catlelin, de Loddes et autres membres de la société dite « de Veldbloem », à Bruxelles, demandent que la langue flamande ait sa part dans l’enseignement agricole et dans le projet de loi sur l'organisation des cours d'assises. »

« Même demande des sieurs Caillioux, Maes et autres membres de l'administration de la Société dite « de Eendragt » à Tirlemont. »

- Même disposition.


« Le conseil communal de Sichen-Sussen-et-Bolré demande que les houilles, les fontes et le fer soient soumis à un simple droit fiscal qui n'excède pas 10 p. c. de la valeur. »

« Même demande de quelques membres de l'administration communale et d’abitants de Pellaines. »

« Même demande du conseil communal de Longueville. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Les sieurs de Gosier, Maes et autres membres de la commission exécutive des sociétés flamandes réunies de Bruxelles et des communes environnantes demandent que toutes les publications administratives soient faites dans les langues française et flamande et que, dans les écoles communales, on crée des sections spéciales où le premier enseignement soit donné en flamand. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants du Zeveneecken, Saffelaere et Exaerde, demandent que le sieur de Breyne puisse continuer d'exercer la médecine vétérinaire ou bien que le délai fixé par l'article 48 de la loi du 11 juin 1850 soit prolongé de quatre années. »

- Même disposition.


« Le sieur Lambert Vander Elst, qui a servi en qualité de milicien de la levée de 1845, demande que son frère unique soit libéré du service militaire »

- Même disposition.


« Le sieur Jamart, ancien militaire, réclame l'intervention de la Chambre, pour obtenir une pension ou une gratification. »

- Même disposition.


« Les sieurs Vandevelde, Celis et autres membres de l'administration de la société dite « voor Tael en Kunst », à Anvers, déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

« Même déclaration des habitants de Tamise. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l’enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Les sieurs Devos, Versluys et autres membres de la Société Willems, à Gand, demandent que l'enseignement agricole soit donné en flamand comme en français. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole.


« M. le ministre de l’intérieur adresse à la Chambre 110 exemplaires du rapport général sur les archives de l’Etat dans les provinces.

M. le président. - M. le greffier étant absent par suite de la maladie de sa femme, M. Maertens, secrétaire, remplira momentanément les fonctions de greffier.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIII. Industrie

Article 63

M. le président. - La discussion continue sur l'article 63 (traitement du personnel du Musée de l'industrie).

La section centrale propose de réduire le chiffre de 2,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la somme de 2 000 fr. est destinée à créer un cours de chimie pratique au musée de Bruxelles. Un honorable membre a émis hier l'avis que ce Musée doit être payé par la ville de Bruxelles, à l'instar de ce qui se passe à Gand, à Liège et à Anvers.

Il y a ici une confusion que je dois faire cesser par une explication.

Le Musée de Bruxelles a des cours destinés à l'enseignement professionnel des artisans de cette ville. Ces cours sont rétribués de compte à demi par le gouvernement et par la ville. En outre, il y a un enseignement supérieur qui se compose d'un cours de dessin appliqué à l'industrie et d'un cours de chimie qui n'a pu se donner qu'imparfaitement. Les frais de ces derniers cours sont à la charge de l'Etat. cette situation remonte à l'année 1845. Le musée de l'industrie n'a pas été créé à cette époque, mais il a été réorganisé ; car le Musée lui-même a été créé avant la révolution ; en 1845, on y a attaché un cours de chimie moins complet que celui pour lequel nous demandons une augmentation de 2,000 fr. Ce cours, depuis le décès du titulaire, M. Louyet, n'a plus été donné, et le gouvernement a pensé que le moment était venu d'attacher au Musée un laboratoire et un cours de manipulations, dans l'intérêt de l'industrie.

Non seulement la commission du Musée, dans un rapport fort concluant, démontre la haute utilité de ce cours, mais les industriels ont insisté à différentes reprises pour que le cours fut donné dans des proportions telles qu'on pût en retirer quelque fruit.

Messieurs, on s'est demandé pourquoi on ne ferait pas à Bruxelles ce qu'on fait dans d'autres villes où des cours professionnels destinés à l'industrie se payent généralement par la caisse communale.

On a cité notamment la ville de Gand. Pour être exact, il aurait fallu faire connaître à la Chambre que dans les villes dont on a fait mention, le gouvernement intervient par des subsides considérables, et notamment à Gand par un subside de 10,000 fr. pour donner aux cours de l'école industrielle une existence profitable à l’industrie ; des cours semblables existent à Anvers, à Gand, à Liège et dans la plupart des grandes villes du pays ; de sorte qu'on n'accorde aucune espèce de privilège à la ville de Bruxelles, en demandant les moyens de compléter, non un établissement communal, mais un établissement de l'Etat, en y organisant le cours de chimie dont j'ai indiqué le caractère.

C'est pour arriver à ce résultat que j'ai demandé une somme de 2,000 francs. Il est impossible de contester l’utilité de ce cours de chimie spécial, car l'enseignement qui se donne dans les universités est purement scientifique.

En admettant ma proposition, l'école industrielle du Musée aura donc le complément que l’industrie réclame. A ce titre il est impossible que la Chambre ne s'associe pas au gouvernement, car l'industrie ne peut pas se passer du secours de manipulations chimiques.

Ces courtes observations suffisent pour rectifier les faits avancés erronément et justifier la demande de crédit que j'ai faite à la Chambre.

M. Osy. - Le gouvernement ne devrait pas proposer des dépenses qu'on pourrait très bien se dispenser de faire. Dans le rapport de la section centrale vous avez vu qu'à l'unanimité la section centrale avait été d'avis de ne pas allouer les deux mille francs d'augmentation demandés à cet article par le gouvernement, parce que vous avez des cours de chimie et dans les quatre universités et à l'école vétérinaire, à l'école militaire, et dans les écoles agricoles, enfin à l'école des mines. Il me paraît que c'est bien suffisant pour apprendre la chimie. Si, après avoir fini son éducation, on doit encore avoir des cours, je ne sais pas où on s'arrêtera. Je pense qu'on peut se dispenser d'allouer ces deux mille francs sans nuire à l'industrie et à la science. J’appuie donc la proposition de la section centrale de ne pas accorder l'augmentation demandée.

- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le chiffre de 17,748 fr. proposé par la section centrale est ensuite adopté.

Article 64

« Art. 64. Matériel, frais divers. »

Le gouvernement demande 20,252 fr. La section centrale propose le chiffre de l'année dernière, 10,252.

(page 620) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Nous avons un musée dans lequel se trouvent déposés des modèles de machines destinés à favoriser l'enseignement professionnel, mais il faut que la Chambre connaisse l'état de ce dépôt, qui, par suite de l'insuflisance du crédit depuis 1848, se trouve être devenu un véritable musée d'« antiques » qui n'est plus à la hauteur des besoins de l'enseignement industriel.

Dans l'état où il est, il ne ressemble plus absolument à rien ; en 1848, à raison des circonstances, la Chambre a diminué de 10,000 fr. le crédit ancien qui était de 40,000 fr.

J'ai cru qu'il était temps de revenir aux anciens errements et de donner au gouvernement les moyens de mettre ce dépôt, si utile pour l'industrie et les arts mécaniques, à la hauteur de la science et des inventions les plus récentes.

C'est par ce motif qu'une majoration de dix mille francs à été demandée. Dans la séance d'hier l'honorable M. Veydt a exprimé l'avis qu'il serait convenable d'ajourner d'un an la proposition de ce crédit à raison de la situation du trésor.

Si cette opinion prévaut dans la Chambre, je dois au moins la rendre attentive à la nécessité de pourvoir, dans un bref délai, au complément du matériel dont il s'agit à cet article, et je dois informer la Chambre, pour m'acqutlter complètement de mon devoir, qu'au budget de 1855, le gouvernement devra nécessairement reproduire la demande de majoration dont il est ici question.

Sous le bénéfice de cette déclaration, j'entre volontiers pour un an dans le système indiqué par l'honorable M. Veydt. Ce sera un ajournement fâcheux, mais enfin ce sera un ajournement qu'on expliquera par la nécessité des circonstances.

- L'article 64 est adopté avec le chiffre de 10,252 fr., proposé par la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La section centrale a demandé aussi la suppression des mots « laboratoire de chimie ». Ce ne peut être qu'une erreur ; il est impossible qu'on supprime ces mots.

M. le président. - La Chambre ne vote pas sur les développements ; elle ne vote que sur le texte du budget ; ces mots ne s'y trouvent pas.

M. le rapporteur insiste-t-il ?

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Je n'insiste pas.

Chapitre XIV. Poids et mesures

Article 65

« Art. 65. Traitement des vérificateurs et d'un aspirant vérificateur des poids et mesures : fr. 53,400. »

M. Vilain XIIII. - M. le ministre de l'intérieur se rappellera que, l'année passée, il y a eu une conversation entre lui et moi relativement à l'exécution de la loi sur les poids et mesures. Je ne renouvellerai pas mes observations de l'année dernière ; mais M. le ministre de l'intérieur avait bien voulu me promettre qu'il s'occuperait de l'exécution de cette loi et qu'il ferait quelque chose. Il a exprimé la difficulté de faire entrer immédiatement dans les mœurs des populations l'exécution de la loi. J'ai reconnu cette difficulté ; mais il me semble qu'il y a un commencement à tout et que l'on pourrait faire quelque chose. Depuis l'année dernière, j'avoue que je n'ai vu aucune espèce de changement. Sous ce rapport, la première ville commerciale du royaume, la ville d'Anvers, est certainement la plus arriérée du pays. Les journaux d'Anvers nous apportent encore les mercuriales en florins courants, en poids de toutes espèces, en livres qu'on ne connaît nulle part, et ces mercuriales sont signées par des courtiers qui obtiennent leur nomination du gouvernement.

Je demande à M. le ministre de l'intérieur s'il a pris quelque mesure, s'il a fait quelque chose.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Un projet a été préparé par les soins d'une commission spéciale nommé par le gouvernement. Ce projet est destiné d'abord à faire cesser la confusion qui existe entre toutes les lois et les arrêtés relatifs à la matière et portés depuis une trentaine d'années ; en second lieu, à faire cesser un grand nombre de plaintes qui se sont produites dans l'exécution de la loi.

Ce projet est soumis en ce moment à l'examen de Sa Majesté avec la demande d'autorisation de le présenter à la Chambre. D'ici à quelques jours ce projet pourra être présenté à vos délibérations.

M. Rodenbach. - Je voulais aussi demander à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir nous présenter le projet dont il vient de nous parler. Je tiens à ce que ce projet nous soit présenté sans le moindre délai ; depuis longtemps la nécessité en est reconnue et le vœu du pays le réclame vivement.

J'ajouterai à ce qu'a dit l'honorable comte Vilain XIIII, que ce n'est pas la ville d'Anvers seule qui se montre arriérée sous le rapport des poids et mesures ; la ville de Bruxelles, la capitale du pays, ne lui cède rien sous ce rapport. Le prix courant des céréales y est toujours coté en florins et sous. La capitale, qui devrait montrer l'exemple lorsqu'il s'agit de progrès, a donc aussi beaucoup à faire à cet égard.

Il en est de même de plusieurs autres villes telles que Lokeren, Eccloo et autres, où le prix des céréales, des huiles, etc., est encore coté en anciennes monnaies. Il faut réellement être marchand pour comprendre ces mercuriales.

J'espère que dans la loi nouvelle on pourvoira à cet état de choses. Il est vraiment pitoyable que la capitale commerciale du pays, Anvers, et la capitale de la Belgique, Bruxelles, se montrent encore plus arriérées que certaines petites villes qui cotent par francs et par hectolitres.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 66 et 67

« Art. 66. Frais de bureau et de tournées : fr. 18,000 fr.

- Adopté.


« Art. 67. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.

Chapitre XV. Enseignement supérieur

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur ce chapitre.

M. Van Grootven. - Messieurs, vous aurez remarqué dans le rapport de la section centrale que deux membres ont appelé l'attention du gouvernement sur ceux de nos agrégés qui donnent des cours obligatoires dans les universités de l'Etat, et ont exprimé le désir que l'on fît quelque chose pour cette catégorie d'agrégés.

Je partage entièrement l'opinion de ces honorables membres. Je vais plus loin, messieurs, et je dis qu'il serait peu convenable, qu'il y aurait de l'ingratitude de la part du gouvernement, s'il laissait plus longtemps ces agrégés dans la position équivoque où quelques-uns d'entre eux se trouvent.

La mission des agrégés est sérieuse, ou elle ne l'est pas ; si elle n'est pas sérieuse, si elle est sans avenir, que le gouvernement les remercie et les supprime le plus tôt possible dans leur propre intérêt. Si au contraire cette mission est sérieuse et honorable, et quant à moi je l'envisage comme telle, l'Etat doit les encourager, doit mieux rémunérer les services qu'il réclame d'eux et que les agrégés rendent avec un zèle et un dévouement dignes d'éloge. Croyez-moi, messieurs, il est temps qu'on améliore un état de choses tout à la fois indigne du gouvernement et de la position que plusieurs d'entre eux occupent dans le monde scientifique. Ne décourageons pas des hommes capables et dévoués, des hommes qui dans l'avenir sont destinés à rendre des services signales au pays. C est afin de mettre le gouvernement à même d'appeler quelques-uns de nos agrégés au professorat, et il faut espérer qu'il saura choisir les plus méritants, les plus instruits, que je vous ai proposé une augmentation de crédit, à laquelle M. le ministre de l’intérieur, j'espère, se ralliera, et sans laquelle il ne fera rien et ne saurait rien faire pour les agrégés, dont il reconnaît les mérites et apprécie les services.

Dans le crédit de 20,000 fr. réclamé dans le budget, 10,900 sont destinés au payement de l'augmentation de traitement auquel des professeurs ordinaires ont droit en vertu du paragraphe 3 du l'article 9 de la loi du 15 juillet 1849. Quant aux 9,100 restant disponibles M. le ministre croyant le moment venu de récompenser d'anciens et honorables services rendus à l'enseignement par des professeurs extraordinaires, se propose de les nommer professeurs ordinaires. Vous le voyez, messieurs, ce qui peut rester disponible sur ce crédit sera évidemment insuffisant pour remplir les vacatures que vous savez exister dans le corps enseignant des universités de l'Etat. Ce n'est pas avec une ressource aussi restreinte que le gouvernement, dont je reconnais du reste les bonnes intentions à l'égard de MM. les agrégés, pourra faire quelque chose de sérieux pour eux.

Si la Chambre, comme je l'espère, admet l'augmentation de 8,000 fr. que j'ai l'honneur de lui proposer, alors seulement M. le ministre de l'intérieur pourra nommer quelques agrégés professeurs extraordinaires.

Je sais, messieurs, qu'en présence de la situation du trésor, on a mauvaise grâce à demander une augmentation de dépense ; mais vous devez convenir avec moi que le motif qui m'y engage est juste et que la somme que je réclame est minime et ne saurait être un motif sérieux de refus de votre part.

Vous n'ignorez pas que parmi ceux en faveur desquels je demande une amélioration de position, il s'en trouve qui ont accepté les fonctions sous la foi de promesses, qui la plupart rendent depuis des années des services signalés à l’enseignement ; qu'il est temps enfin qu'on récompense les uns et qu'on encourage les autres, en leur laissant entrevoir un avenir meilleur, dont ils commencent à désespérer aujourd'hui et non sans motif.

(page 621) M. Delehaye. - Messieurs, le rapport de la section centrale contient, en ce qui concerne l'article 69, le passage suivant :

« Des renseignements officiels produits en section centrale constatent qu'il existe des professeurs des universités de l'Etat qui ne donnent pas leurs cours ou qui ne les donnent que d'une manière incomplète.

« Que ce fait nécessite l'emploi de professeurs agrégés pour les remplacer, et exige un surcroît de dépense. »

Ce passage a produit à l'université de Gand une très pénible impression. Comme cet établissement est, sous le rapport du nombre des professeurs et du chiffre des traitements, dans une position beaucoup moins favorable que l'université de Liège, on y a cru que c'était à l'université de Gand qu'on avait voulu faire allusion dans le rapport de la section centrale.

Je tiens à faire comprendre à la Chambre qu'à l'université de Gand il n'est pas un seul professeur qui ne remplisse complètement ses devoirs, et que si deux professeurs ne donnent pas momentanément leurs cours, c'est qu'une indisposition les éloigne de leur chaire ; ce qui aggrave leur position, c'est le regret de ne pouvoir remplir leurs devoirs.

Je me plais à rendre ici un témoignage de reconnaissance pour les efforts qu'ils déploient dans l'exercice de leurs fonctions. Il existe cependant une lacune à l'université de Gand. Je me hâte de le dire immédiatement, cette lacune est le fait, non pas des professeurs, mais du gouvernement lui-même.

Vous savez que parmi les matières d'enseignement attribuées par l'article 3 de la loi à la faculté de philosophie et lettres dans les universités de l'Etat, figure un cours de littérature flamande. Eh bien, chose étrange ! cette chaire de littérature flamande créée par la loi sur l'enseignement supérieur, est organisée à l'université de Liège, mais elle n'existe pas à l'université de Gand ; ainsi pas de chaire flamande de littérature au centre des populations flamandes, et pourquoi ? Parce que le gouvernement n'a pas nommé de professeur titulaire pour cette chaire.

Je désire donc que le gouvernement comble le plus tôt possible cette lacune, pour répondre au vœu généralement exprimé par les élèves de l'université de Gand. Il répondra par là aux vœux unanimes de nos populations.

Maintenant je dois appeler l'attention de la Chambre sur le nombre actuel des professeurs de cette université.

La faculté de philosophie et lettres possède 5 professeurs titulaires, tandis qu'aux termes de la loi, il en faut 8 ; il y a donc trois nominations à faire : si je prends la généralité des professeurs dans les deux universités de l'Etat, je trouve qu'à Gand, il y a 33 professeurs ordinaires ou extraordinaires, tandis qu'à l'université de Liège, il y a 37 professeurs ordinaires ou extraordinaires.

Si vous poussez vos investigations plus loin, vous reconnaîtrez que sur tous les points l'université de Gand est moins bien traitée que celle de Liège, sous le rapport du nombre des professeurs.

Messieurs, en énonçant ce fait, je ne veux pas engager le gouvernement à retirer à l'université de Liège les avantages dont elle jouit ; j'ai pu apprécier de trop près les immenses sacrifices que les professeurs doivent s'imposer, les études incessantes auxquelles ils doivent se livrer, pour ne pas les laisser en jouissance des avantages qui leur ont été accordés ; mais je veux que les avantages qu'on accorde aux professeurs de l'université de Liège ne soient pas refusés à ceux de l'université de Gand.

Or, non seulement le gouvernement n'a pas donné à l'université de Gand les avantages qu'on a accordés à celle de Liège ; mais je vois que dans la plupart des facultés de Gand, beaucoup de cours ont été confiés à des agrégés.

Tels sont : dans la faculté de philosophie, les cours d'exercices littéraires sur la langue latine, de logique, d'anthropologie, de philosophie morale, de métaphysique générale et spéciale, d'histoire de la philosophie ancienne ; dans la faculté de droit, le cours de droit naturel ; à l'école du génie civil, le cours de littérature française et celui d'histoire nationale ; dans la faculté de médecine, le cours d'analomie descriptive, les démonstrations anatomiques, l'hygiène publique et privée, le cours de bandages et appareils. En outre, il y a encore deux agrégés qui, par arrêté ministériel, sont chargés de suppléer, l'un, le titulaire de la chaire de littérature française dans la faculté de philosophie ; l'autre le titulaire de la chaire de thérapeutique générale dans la faculté de médecine.

Vous voyez qu'à Gand un grand nombre de cours sont confiés à des agrégés, tandis qu'à Liège les titulaires de la plupart de ces cours sont des professeurs effectifs.

L'agrégat, organisé en 1845 par M. Van de Weyer, doit avoir nécessairement ses limites. Quel a été le but de cette institution ? On a voulu donner à des jeunes gens qui se destinent à la carrière professorale, la faculté de faire un stage ; c'est une espèce de noviciat dans lequel les aspirants professeurs sont appelés à faire leurs preuves d'aptitude ; eh bien, quand ces stagiaires ont fait leurs preuves, il est du devoir du gouvernement de les nommer aux places qui deviennent vacantes. Or, il y a des agrégés qui, depuis un certain nombre d'années, ont donné des cours obligatoires et y ont fait preuve d'aptitude. Pourquoi ne les nomme-t-on pas professeurs ?

Le gouvernement nous demande 20,000 fr. pour améliorer la position de quelques professeurs ordinaires ; je ne m'oppose pas à cette proposition, j'y applaudis même : mais ne conviendrait-il pas en même temps qu'on améliorât la position de plusieurs agrégés par une nomination ds professeur extraordinaire ?

Je voudrais donc que le gouvernement se ralliât à la proposition de mon honorable ami M. Van Grootven. Cet honorable membre, par sa proposition, est loin de faire droit à toutes les réclamations. Ainsi que je le disais tout à l'heure, il y a à nommer trois professeurs extraordinaires dans la faculté de philosophie ; or, pour ces trois professeurs seuls, il faut une somme supérieure à celle que réclame mon honorable ami. Or, je ne sache pas que jamais la Chambre se soit refusée à doiuer au gouvernement le moyen d'exécuter la loi

En résumé, je demande que le gouvernement exécute la loi sur l’enseignement supérieur en ce qui concerne le cours de littérature flamande ; je demande, en outre, que l'université de Gand soit placée dans les mêmes conditions que celle de Liège, sous le rapport du nombre des professeurs, surtout dans les facultés où la loi prescrit impérieusement un nombre déterminé de professeurs.

Je suis convaincu que la sollicitude de M. le ministre de l'intérieur pour les universités de l'Etat ne fera pas défaut en cette circonstance à l'université de Gand ; je suis convaincu aussi que la Chambre mettra le gouvernement à même de remplir un devoir de justice.

M. Osy. - J'ai demandé la parole, mais c'est pour parler sur l'article 71 ; je prierai M. le président de vouloir bien m'inscrire sur l'article 71.

M. de Perceval.- Messieurs, j'adresse à M. le ministre de l'intérieur la même interpellation qui vient de lui être faite par l'honorable M. Delehaye. Je demande également que dans le plus bref délai le gouvernement organise à l'université de Gand le cours de littérature flamande.

L'article 3 de la loi organique de l'enseignement supérieur lui en fait, du reste, un devoir, auquel il ne peut se soustraire sans violer la loi. Les termes de cet article 3 sont formels : « L'enseignement supérieur comprend dans la faculté de philosophie et lettres les littératures française et flamande... »

Chose étrange ! à l'université de Liège, le cours et le titulaire qui doit le donner, existent, et dans la capitale des Flandres, à Gand, dans une université assise au milieu de nos populations flamandes, notre langue maternelle n'est pas enseignée, elle n'y a pas son organe officiel.

Cet état de choses doit cesser. La loi prescrit un cours de langue flamande aux universités de l'Etat. Je désire que M. le ministre prenne les mesures nécessaires pour que la lacune que j'ai signalée soit comblée sans retard, et que la langue, la littérature flamande ait à Gand sa chaire légale.

M. Magherman. - Je me permettrai d'appeler un instant l'attention du gouvernement et de la Chambre sur les universités de l'Etat.

Il y a dans notre royaume quatre universités : deux universités de l'Etat, deux universités libres.

Elles ont été fréquentées pendant la période de 1835-I86 à 1840-1850 par 25,618 élèves, dont 4,951 ont fréquenté l'université de Gand ; 6,292 celle de Liège ; 4,525 celle de Bruxelles, et 9,850 celle de Louvain.

Les universités de l'Etat ont été suivies par 11,245 élèves ; les cours des universités libres ont été fréquentés par 14,375 élèves.

Il y a un avantage numérique assez marquant en faveur des universités libres. Je ne veux rien en inférer contre l’enseignement des universités de l'Etat. Je me borne à constater qu'il y a en Belgique une préférence assez marquée en faveur des universités libres.

Messieurs, quatre universités c'est beaucoup pour la Belgique : trois serait amplemeut suffisant ; c'est le nombre d'universités que possédaient les provinces méridionales, la Belgique actuelle, moins la moitié du Limbourg et du Luxembourg, sous l'ancien royaume des Pays-Bas.

Si les deux universités de l'Etat étaient réduites en une seule, tout en réalisant une économie notable, ce que je considère toutefois comme secondaire, je crois que l'enseignement y gagnerait. Le nombre des élèves des deux universités de l'Etat n'est pas trop considérable pour les réunir eu une seule université. La présence d'un certain nombre d'élèves qui suivent le même cours entretient mieux l'émulation ; et le gouvernement ayant besoin d'un personnel moindre pour les professeurs, pourrait s'attacher à faire les meilleurs choix. Sans augmenter le traitement des professeurs, ceux-ci verraient sensiblement s'améliorer leur position par suite de l'augmentation de leur minerval ; ce qui serait la conséquence de la fréquentation de leurs cours par un plus grand nombre d'élèves. Il y aurait donc là un attrait nouveau pour faire rechercher les chaires de professeur de l'université de l'Etat par des hommes savants et érudits, par les premiers talents du pays et même de l'élranger.

En faisant entre les deux villes, qui sont les sièges des universités de l'Etat, une répartition convenable des facultés, ces villes n'y perdraient rien non plus ; elles conserveraient le même nombre d'élèves et même par suite des améliorations que je viens d'indiquer, elles verraient ce nombre d'élèves peut-être s'accroître sensiblement.

Ainsi Liége qui réunit un plus grand nombre d'élèves en droit, pourrait conserver les cours de philosophie et lettres, de droit et de notariat.

(page 622) Gand aurait les cours de philosophie et sciences, la médecine et le génie civil.

L'étendue du royaume n'en exige pas davantage. Avec nos chemins de fer qui transportent rapidement et à bon marché, Gand et Liège sont à portée de tous les habitants du pays. Il résulterait de cette combinaison, dans un avenir plus ou moins éloigné, lorsque les traitements d'attente, résultant des suppressions, ne devraient plus se payer, une économie qui s'élèverait à 275,000 fr. par année.

Quand on peut se procurer une pareille économie, non seulement sans nuire à l'enseignement mais en l'améliorant, il me semble qu'il importe d'y réfléchir sérieusement.

Puisque j'en suis aux universités de l'Etat, je demanderais à M. le ministre de l'intérieur, pourquoi, en exécution de la loi du 15 juillet 1849, le cours de littérature flamande ne se donne pas à l'université de Gand ? J'ai parcouru soigneusement le programme des cours de cette université pour l'exercice courant, et l'enseignement de la littérature flamande ne s'y trouve pas indiqué. Vainement objecterait-on que la fréquentation de ce cours étant facultative, il serait peu suivi. Il n'en est rien : depuis plusieurs années déjà la littérature flamande est cultivée avec succès, nous pouvons être fiers de ses productions remarquables.

Aussi inspire-t-elle beaucoup d'intérêt à un grand nombre de nos compatriotes ; les élèves de l'université de Gand doivent même, si je ne me trompe, avoir pétitionné auprès de M. le ministre de l'intérieur pour obtenir l'exécution du programme de l'enseignement décrété par la loi, en ce qui concerne la langue flamande. C'est une nouvelle preuve de la sympathie qu'inspire cette langue.

Il n'est que trop vrai que le gouvernement n'encourage pas assez la culture de cette langue, qu'il la laisse en quelque sorte dans un état d'abandon.

J'en ai déjà cité une preuve dans l'inexécution de la loi sur l'enseignement supérieur. Les pétitions qui arrivent tous les jours à la Chambre en faveur de la langue flamande, nous citent beaucoup d'autres preuves.

Déjà dans la précédente session, j'ai sigralé à la Chambre tout ce qu'il y avait d'absurde dans la disposition qui prescrit que l'examen pour obtenir le diplôme de capacité pour diriger les opérations du drainage, se fasse en français.

Je ne sache pas que cet arrêté ait été révoqué, mais je crois qu'il a subi une modification dans son application.

Je pourrais multiplier les citations, mais je me bornerai à faire remarquer à la Chambre, avec le comité central flamand dans une pétition récente que la Chambre a renvoyée au gouvernement, et sur laquelle j'appelle toute l'attention de celui-ci ; je me bornerai à faire remarquer, dis-je, que le Flamand ne peut pas même se servir de sa langue pour correspondre par le télégraphe électrique, tandis que l'Allemand et l'Anglais jouissent de cet avantage. Cela n'est-il pas d'une injustice choquante !

Il est du devoir du gouvernement de faire cesser cet état de choses ; bien plus, il devrait encourager l'étude de la langue flamande, surtout dans les provinces wallonnes.

La langue flamande est une des principales garanties de notre nationalité. Je ne voudrais pas que le gouvernement imposât l'usage de cette langue aux provinces wallonnes ; mais il devrait faire comprendre aux habitants de ces provinces tout l'avantage qu'il y a pour eux à s'initier à cette langue. En effet, la statistique de 1846 constate que sur une population de 4,337,196 habitants, seulement 1,827,141 parlent le français ou le wallon, tandis que 2,471,248 habitants parlent le flamand.

Il résulte nécessairement de là que les habitants des provinces flamandes qui ont reçu quelque degré d'instruction, et ceux-ci parlent le français, sont aptes à remplir des fonctions dans tout le royaume ; tandis que les habitants des provinces wallonnes auxquels il semble répugner d'apprendre la langue flamande, ne sont propres à remplir des fonctions publiques que dans les 3/7 du royaume.

Ces populations (je veux parler de celles des provinces wallonnes) devraient aussi se pénétrer de l'immense avantage qu'il y a pour le commerçant de pouvoir parler la langue des 4/7 du royaume, et de la grande facilité que donne la connaissance du flamand pour apprendre les langues d'origine germanique et principalement langlais et l'allemand dont la connaissance est en quelque sorte aujourd'hui le complément indispensable de l'éducation industrielle et commerciale.

Je me bornerai à ce peu de mots.

M. Vander Donckt. - Messieurs, l'organisation de nos universités ne date pas de notre époque ; elles ont pris naissance sous le gouvernement précédent. En Hollande il se trouvait établi d'ancienne date trois universités ; pour rendre quelque justice aux Belges qui étaient réunis sous le même sceptre que les Hollandais, on organisa deux universités dans notre Belgique. A cette époque on disait franchement que c'était déjà trop, mais vu la plus ou moins grande rivalité qui existait toujours entre la partie hollandaise et la partie belge des Pays-Bas, on les adopta.

Depuis ce temps-là les circonstances ont beaucoup changé ; au lieu de deux universités dans notre Belgique, il y en a maintenant quatre.

M. Delehaye. - Il y en avait trois.

M. Vander Donckt. - Soit ; mais il y en a aujourd'hui quatre. Je vous demande si pour quatre millions d'habitants ce n'est pas là un excès de dépenses que rien ne justifie.

Il est vrai qu'on est toujours mal reçu quand on parle contre des établissements d'instruction ; on est présenté comme un ennemi des lumières, on est taxé d'obscurantisme, etc. ; je ne sais quels noms on nous donne.

Malgré cela, messieurs, j'aurai le courage de dire qu'il y a réellement excès d'instruction supérieure et que le pays ne supporte pas facilement des dépenses semblables pour lesquelles on vient tous les ans demander de nouvelles allocations, de nouvelles charges à notre budget.

Je ne viens pas attaquer l'existence des universités, pas plus de l'université de Liège que de l'université de Gand ; mais je dis qu'il y a quelque chose à faire, et j'engage le gouvernement à aviser aux moyens de simplifier l'instruction supérieure, parce que c'est réellement un excès, et tôt ou tard nous verrons prévaloir cette idée qui a déjà germé dans l'esprit de nos populations, qui raisonnent sur nos dépenses et sur l'instruction, et si le gouvernement ne prend pas l'initiative, il sera forcément amené à prendre des mesures pour restreindre ces grandes dépenses de l'instruction supérieure.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je répondrai à deux observations qui viennent d'être produites dans la discussion générale, me réservant de répondre à l'honorable M. Van Grootven quand nous serons parvenus à l'article 69 du budget.

Trois honorables membres viennent d'exprimer des regrets au sujet du nombre des universités, qui serait trop considérable en Belgique.

Il n'est pas de session dans laquelle on n'ait fait entendre quelques regrets de cette nature. Mais la grande majorité de cette Chambre a repoussé constamment toute tentative pour réduire le nombre des universités, en se fondant sur les résultats qu'elles ont produits au point de vue des études supérieures et des progrès que ces études ont faits, depuis que nous possédons les universités de l'Etat.

On a repoussé ces tentatives de réduction ensuite par les motifs que les universités constituent des droits acquis pour les villes qui les possèdent et qui ont fait d'immenses sacrifices pour les établir ; car vous savez que ce n'est pas l'Etat, que ce sont les villes qui pourvoient aux frais d'établissement des universités, en ce qui concerne tous les immeubles destinés à l'usage de l'enseignement.

Il est donc superflu et même injuste d'exprimer continuellement des regrets de cette nature. J'imiterai la sage réserve de la Chambre, et je n'insisterai pas davantage sur ce point.

D'autres membres ont exprimé des plaintes au sujet de ce que certaines parties de l'enseignement étaient négligées, notamment à l'université de Gand. On a demandé pourquoi l'on n'avait pas institué à cette université un cours de littérature flamande. Vous allez la comprendre. On a dit d'abord que ce cours était organisé à Liège, tandis qu'il ne l'était pas à Gand ; à Liège, il est vrai, un cours de littérature flamande figure au programme.

M. Verhaegen. - Quant à moi, messieurs, je désire que les universités de l'Etat vivent, et qu'elles vivent grandement. Aussi, j'ai regretté qu'une proposition, peut-être intempestive, qui a été faite pour obtenir une augmentation de crédit ait amené quelques observations critiques de la part des honorables MM. Magherman et Vandcr Donckt, quant à l'existence même des universités de l’Etat.

J'ai toujours pensé que la concurrence en toutes choses amène de bons, de féconds résultats, et spécialement que la concurrence entre les deux universités de l'Etat doit être utile comme la concurrence entre les deux universités libres doit l’être également aussi. Chaque fois qu'il s'agira de venir en aide aux universités de l'Etat, mon vote, je le déclare d'avance, leur est acquis.

Mais, qu'il me soit permis de le dire, les partisans des universités de l'Etat vont à l'encontre du but qu'ils se proposent. Ils ont tort d'apporter de l'exagération dans certaines propositions et surtout de se mettre au-dessus de la loi. La loi doit protéger les universités de l'Etat, et c'est à la loi que les partisans des universités de l'Etat doivent se tenir strictement et scrupuleusement.

Messieurs, j'ai été étonné de voir surgir par amendement une proposition ayant pour but de majorer les trailemeuls de certains agrégés près les universités de l'Etat. La lo le défend dans les termes les plus formels, et il y a dans le budget, de la part du gouvernement, infraction à la loi.

Il n'est pas permis de donner des traitements aux agrégés. La loi de 1835 est conçue, à cet égard, en termes prohibitifs ; l'article 14 porte en effet :

« Des agrégés peuvent être attachés aux universités. Ils sont nommés par le Roi. Les agrégés peuvent, selon l'autorisation du gouvernement, donner soit des répétitions, soit des cours nouveaux, soit des leçons sur des matières déjà enseignées.

« Ils ne jouissent d'aucun traitement ; leurs cours sont rétribués comme ceux des professeurs. »

Le corps des agrégés est la pépinière du corps professoral. Ceux qui se montrent dignes, dans les cours qu'ils donnent comme agrégés, doivent être distingués par le gouvernement et promus aux fonctions de professeurs ordinaires ou extraordinaires. Qu'en ce sens on demande une augmentation de crédit, je n'y vois aucun inconvénient. J'appuierai même de mon vote une pareille proposition car je tiens, je le répète, à ce que les universités de l'Etat vivent, et vivent bien.

Mais, encore une fois, il faut rester dans les termes de la loi, et à ce sujet, je me permettrai de faire une observation à M. le ministre de l'intérieur.

(page 623) Je vois dans le tableau annexé au budget, à la page 80 du rapport de la section centrale, pour l'université de Gand, tableau du personnel avec indications des traitements :

« 1 professeur chargé des fonctions d'administraleur-inspecteur à 8,000, soit 8,000 fr.

« 1 professeur ordinaire à 9,000, soit 9,000 fr.

« 1 professeur ordinaire à 8,000, soit 8,000 fr.

« 1 professeur ordinaire à 7,500, soit 7,500 fr.

« 19 professeurs ordinaires à 6,000, soit 114,00 fr.

« 10 professeurs extraordinaires à 4,000, soit 40,000 fr.

« 3 agrégés (chargés de cours), à 1,500, soit 4,500 fr. »

Il en est de même pour l'université de Liège qui compte six agrégés avec traitement.

Que l'on augmente la somme nécessaire pour subvenir aux besoins de l'université de Gand, je n'y vois pas d'obstacle ; mais que l'on donne des traitements à des agrégés, contrairement à la loi de 1835, c'est ce qui ne peut pas être. J'engage donc mon honorable ami M. Van Grootven à mobilier sa proposition en ce sens et qu'il ne demande pas une augmentation de 8,000 fr. pour payer un traitement à des agrégés.

M. Van Grootven. - Vous n'avez pas compris ma proposition-J'ai demandé une somme de 8,000 fr. pour qu'on puisse nommer des agrégés professeurs extraordinaires.

M. Verhaegen. - J'avais compris que l'honorable membre proposait de donner un traitement à des agrégés. L'explication qu'il vient de me donner suffit ; mais je demande alors à M. le ministre de l'intérieur ce qu'il fait des traitements de trois agrégés près de I'université de Gand.

- Un membre. - Il y en a six à Liège.

M. Verhaegen. - Eh bien ! il faut que cet abus disparaisse à Liège comme à Gand.

- Un membre. - Faites-en proposition.

M. Verhaegen. - Je n'ai pas de proposition à faire, mais je déclare de nouveau que toute proposition qui aura pour objet d'améliorer la position des universités de l'Etat, de fortifier leur enseignement, recevra mon assentiment. Mais je ne puis permettre qu'on porte au budget certains traitements que la loi défend d'y porter.

Je demande donc que M. le ministre s'explique d'une manière catégorique sur les traitements portés au budget en faveur des agrégés près les universités de Gand et de Liège. Si l'on ne demande pas pour ces agrégés une position meilleure, si l'on ne veut pas les nommer professeurs ordinaires ou professeurs extraordinaires, il faut qu'ils se contentent de partager les minervales, aux termes des dispositions de la loi.

Que si, au contraire, on croit que ces agrégés ont bien mérité de l'instruction supérieure, il faut pour eux une promotion au professorat, et c'est dans ce sens qu'on peut demander une augmentation d'allocation.

Messieurs, il me reste à dire un mot sur la question de la littérature flamande.

La réponse de M. le ministre de l'intérieur m'a singulièrement étonné : il n'y a pas de professeur de littérature flaniandc à l'université de Gand, mais il y a un professeur de littérature flamande à l'université de Liège ; et, si mes renseignements sont exacts, à Liège le cours ne se donne pas et à Gand, où le cours pourrait se donner, il n'y a pas de professeur.

Mais, dit M. le ministre de l'intérieur, c'est tout simple, il faut un cours de littérature flamande à Liège, parce que là il faut apprendre la langue flamande aux nombreuses populations qui ne la connaissent pas ; mais il ne faut pas de pareil cours à Gand, parce que la langue flamande y est suffisamment connue.

Messieurs, cela se réduirait à soutenir qu'il faut des professeurs de langue flamande à Liége, dans l'enseignement primaire, dans l'enseignement moyen pour apprendre la langue aux élèves, et quand ils connaîtront la langue, vous leur donnerez un professeur de littérature. Car pour étudier la littérature flamande, il faut d'abord connaître la langue. Je comprends donc parfaitement qu'à Liège, où l'on ne connaît pas la langue flamande, on doive avoir des professeurs pour l'enseigner et que plus tard, lorsque la langue sera connue, on ait un professeur de littérature flamande.

Mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'à Gand où tout le monde connaît le flamand, où le flamand s'enseigne dans toutes les écoles, on n'ait pas de professeur de littérature flamande.

Messieurs, ce cours de littérature est le complément obligé de la connaissance de la langue flamande, que nous devons tous honorer ; car, en définitive, pour plusieurs de nous la langue flamande est la langue maternelle ; pour moi, je me fais honneur de la revendiquer.

M. de Decker. -J'ai demandé la parole pour défendre, à mon tour, les droits de la littérature flamande, droits qui sont singulièrement méconnus ; je me propose même, à propos de cette discussion générale, d'étendre un peu le débat et de vous prouver que ce n'est pas seulement en matière d'enseignement supérieur, mais que c'est à tous les degrés de l'enseignement que les intérêts de la langue flamande sont sacrifiés.

Messieurs, dans l'enseignement primaire, l'une des divisions essentielles que l'on se propose de créer, c'est l'enseignement agricole, si utile, si nécessaire même à nos populations flamandes.

Or, qu'avons-nous vu ? Nous avons vu que dans le projet qui nous a été présenté par le gouvernement, pas un mot n'est dit de la langue et de la littérature flamande. Ces écoles semblent destinées à assurer les progrès des connaissances agricoles ; par conséquent elles semblent destinées à devoir fleurir surtout dans les provinces où se parle la langue flamande ; et pas un mot n'y est dit de cette langue.

Parmi les conditions requises pour être admis à ces écoles agricoles figure la connaissance de la langue française, et il n'est nullement question de la connaissance de la langue flamande. L'enseignement, d'ailleurs, s'y donne presque exclusivement en français.

Messieurs, j'arrive à l’enseignement moyen. Ici encore nous voyons méconnus les droits de la langue flamande, c'est-à-dire de la langue de la majorité de nos concitoyens, et cela au mépris de la loi.

Lorsqu'on a rédigé la loi organique de l'enseignement moyen, d'après le projet du gouvernement, il n'était pas fait à l'enseignement de la langue flamande une position suflisamment digne. En ma qualité de membre de la section centrale, j'ai fait introduire par la section centrale et plus tard la Chambre a voté des modifications aux dispositions du projet de loi, et il résultait précisément de ces modifications que l'on entendait faire une position convenable à l'enseignement de la langue et de la littérature flamande.

D'après le projet du gouvernement, on se proposait d'enseigner la langue flamande sur le même pied que les langues étrangères, comme on enseigne l'anglais et l'allemand. Nous avons demandé que la langue flamande fût enseignée dans les provinces flamandes comme langue nationale, c'est-à-dire sur le même pied que le français.

A-t-on été, dans l'exécution de la loi, fidèle à la pensée de la législature ? Non, messieurs. Que voyons-nous dans tous nos athénées des provinces flamandes ? On voit la langue et la littérature française enseignées par trois ou quatre professeurs dans chaque athénée ; d'autre part nous voyons les langues anglaise et allemande enseignées par un seul professeur qui est chargé à lui seul de six ou sept classes.

Auquel de ces deux régimes croyez-vous qu'on ait mis l'enseignement de la langue flamande ? Au régime adopté pour la langue française, c'est-à-dire que les cours sont donnés par plusieurs professeurs, de manière à être donnés d'une manière sérieuse et complète ? Pas du tout ; on adopte le régime admis pour l'enseignement des langues anglaise et allemande, c'est-à-dire qu'il n'y a dans chaque athénée qu'un seul professeur qui est chargé de six à sept classes, dans chacune desquelles il ne peut donner, en dépit de tout son zèle et de tout son talent, qu'un enseignement insuffisant, de manière qu'arrivés au bout de leurs humanités, les élèves ne connaissent pas convenablement la langue de leurs pères.

Un pareil état de choses n'est pas tolérable. Il faut qu'on arrive à l'exécution sincère de la loi ; il faut que la langue flamande rentre dans ses droits, qu'elle soit enseignée comme langue nationale, de la même manière que sont enseignées la langue et la littérature française.

Voici un autre grief encore, messieurs. Lorsqu'on a créé l'inspection de l'enseignement moyen, on a entendu, je suppose, faire une chose sérieuse, faire vérifier d'une manière convenable, si l'enseignement est donné comme il doit l'être dans toutes ses parties. Eh bien, messieurs, qu'avons-nous vu ? Nous avons vu nommer comme inspecteur général, un étranger naturalisé, qui ne sait pas un mot de flamand et qui, par conséquent, n'était pas capable de vérifier si l'enseignement de la langue flamande se donne convenablement. Quant à moi, messieurs, je m'honore de me faire ici l'organe de ce grief national, et j'aime à croire que bientôt on le redressera. Sous peu il doit être nommé un inspecteur de l'enseignement moyen ; j'espère que dans cette circonstance M. le ministre de l'intérieur aura égard aux réclamations des populations flamandes et qu'il ne nommera plus un inspecteur étranger à l'une des langues du pays.

Du reste, messieurs, le gouvernement, en dehors de ce qu'il est strictement obligé de faire en vertu de la loi, le gouvernement encourage si peu la langue flamande, que des sociétés particulières ont été obligées d'intervenir.

Une association littéraire de Gand a été obligée, pour ne pas laisser déchoir l'enseignement de la langue flamande sous l'apathie du gouvernement, d'accorder, chaque année, des prix spéciaux aux élèves des collèges, qui se sont distingués dans l'étude de la langue flamande. A Bruxelles, une autre société a dû ouvrir des concours généraux pour stimuler l'enseignement de la langue flamande dans la plupart de nos provinces.

Cela fait honneur à ces sociétés, mais cela ne fait pas honneur au gouvernement. Longtemps, messieurs, le cours de littérature flamande a été écarté des concours publics ; ce n'est que depuis un ou deux ans, qu'à force de réclamations on a obtenu que la littérature flamande y eût aussi sa part et que les jeunes gens qui s'y appliquent ne fussent pas dans l'impossibilité de recevoir une distinction à la face du pays.

J'arrive, messieurs, à l'enseignement supérieur.

Les honorables préopinants ont insisté à bon droit, avec énergie sur la nécessité de donner à l'université de Gand un cours de littérature flamande ; ils ont fait ressortir avec raison la bizarrerie qu'il y a à voir donner un cours de littérature flamande à Liège, et à ne pas voir donner un semblable cours à Gand. Je m'étonne, comme l'honorable M. Verhaegen, d'entendre M. le ministre de l'intérieur donner une si singulière, une si inconcevable explication de ce fait étrange, en réponse aux observations de quelques honorables préopinants.

A Liège, dit M. le ministre, il fallait donner des leçons de littérature (page 624) flamande, parce que cette littérature n'y est pas connue ; mais à Gand, il n'y a pas la même nécessité de le faire. C'est-à-dire qu'il faut donner un cours de littérature là où cette littérature n'est pas cultivée ; singulière manière de servir l'intérêt d'une littérature ! Si le système de M. fl ministre était vrai, il ne faudrait pas donner de cours de littérature française à Liège, car je pense que la langue française est suffisamment connue à Liège.

Messieurs, lorsque M. le ministre parle de ses sympathies pour la langue flamande, je veux croire qu'il est sincère ; mais qu'il me permette de réclamer une sympathie un peu plus positive, un peu plus active, un peu plus pratique. Cette sympathie, telle qu'elle s'est manifestée jusqu'à ce jour, ne nous suffit pas.

M. le ministre croit avoir satisfait aux exigences justes et légitimes des partisans de la langue flamande, en disant qu'il vient de donner l'autorisation de faire, dans une des salles de l'université de Gand, un cours privé de littérature flamande. Ce n'est pas là, messieurs, ce que nous demandons, c'est dans le cadre officiel que nous entendons faire entrer l'enseignement de la littérature flamande.

Mais, dit M. le ministre, un essai a été fait et le cours a dû cesser faute d'auditeurs. Je dirai d'abord à M. le ministre que je n'aime pas, dans une matière si grave, de pareilles plaisanteries : le cours n'a pas cessé faute d'auditeurs ; il a cessé parce que le professeur n'obtenait dn gouvernement aucune espèce d'encouragement. Et qu'y a-t-il là d'étonnant, messieurs ? On ne trouve pas toujours sous la main des hommes versés dans la connaissance de notre littérature, qui puissent donner l'enseignement en amateurs, qui ne doivent pas en faire un moyen d'existence pour leurs familles. Le cours dont il s'agit a été donné par un homme très capable et qui avait publié sur la matière un livre très remarquable traduit dans plusieurs langues.

L'enseignement que M. le ministre a permis de donner dans une des salles de l'université de Gand, ne sera donc encore qu'une espèce d'essai et M. le ministre verra s'il y a des auditeurs. Messieurs, je ne sache pas que ce soit le nombre des auditeurs qui décide de l'importance et de la nécessité d'un enseignement quelconque. Si l'on devait n'enseigner dans les universités que les sciences dont l'enseignement réunit beaucoup d'auditeurs, il faudrait supprimer la moitié des cours. La moitié de nos professeurs, c'est une chose triste à dire, mais que je me charge d'expliquer tout à l'heure, la moitié de nos professeurs enseignent devant des bancs à peu près déserts. D'où cela provient-il ?

Lorsque la mémoire des élèves est déjà accablée par le grand nombre de matières qui font partie des examens, ils ne peuvent pas consacrer encore de longs loisirs à écouter un enseignement qui ne leur est pas imposé par la loi. Vouloir donc que le cours de littérature flamande, ne puisse se donner qu'autant qu'il réunisse un grand nombre d'élèves, c'est vouloir positivement qu'il ne se donne pas. D'ailleurs, combien faudrait-il d'auditeurs pour former un public suffisant ?

Le cours de littérature qu'il s'agit de donner ne sera pas rétribué, dit M. le ministre. C'est vouloir encore qu'il ne se donne point. Les hommes auxquels on pourrait le confier sont des savants, des littérateurs ayant leurs occupations qui ne leur permettent pas de donner ce cours avec une assiduité complète, s'ils doivent le donner gratuitement, en amateurs ; mais si vous voulez faire de l’enseignement de ce cours une position honorable, vous trouverez pour ce cours des professeurs distingués.

Du reste, messieurs, il est maintenant certain qu'il y aura des auditeurs. L'objection qu'on a faite depuis deux ans contre l’établissement d'un cours officiel de littérature flamande à Gand, c'est que les élèves paraissaient ne pas se préoccuper de cet enseignement ; cet argument vient à tomber. Une trentaine d'élèves ont demandé positivement à M. le ministre l'établissement d'un cours de littérature flamande à Gand. Et ceci, messieurs, n'est pas une demande en l'air ; c'est une demande fondée sur le véritable désir de ces élèves de cultiver la littérature de leur pays.

Ces jeunes gens qui déjà se sont pour la plupart distingués dans la culture de la littérature flamande ont même constitué récemment, à Gand, une société littéraire ; ils ont déjà publié un recueil de leurs premiers essais littéraires, en prose et en vers. Ce sont des jeunes gens qui, dans des vues nationales que le gouvernement devrait se faire un devoir de seconder, veulent sérieusement cultiver la langue de leurs pères.

Il serait vraiment incroyable que le gouvernement résistât à ce vœu si légitime de l'élite de notre jeunesse studieuse.

Après tout, les termes de la loi sont positifs ; ils ont été rappelés par d'honorables préopiuants.

Je demande donc, avec mes honorables collègues, que M. le ministre de l'intérieur soit obligé d'exécuter cette partie de la loi et de rétribuer le cours de littérature flamande comme les autres cours institués par la loi.

Un dernier mot, messieurs. Depuis quelques jours, de tous les points des provinces flamandes, il nous arrive des pétitions qui nous signalent l'oubli dans lequel le gouvernement laisse les intérêts de la langue et de littérature flamandes. Ces pétitions attestent un mouvement sérieux dans l'esprit public ; et, dans les circonstances actuelles, il n'est pas bon que le gouvernement sème la désaffection dans les provinces qui devront peut-être servir quelque jour de boulevard à notre nationalité.

Il suffira sans doute d'appeler l'attention du gouvernemcnt, d'une part, sur le danger qu'il y aurait à laisser plus longtemps se perpétuer ce déni de justice ; d'autre part, sur le droit positif des populations flamandes d'avoir un enseignement supérieur officiel de la langue flamande ; il suffira, dis-je, d'appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ces deux points, pour qu'il fasse droit à nos réclamations.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, la langue flamande a rencontré sur tous les bancs de la Chambre des défenseurs si éloquents que je croyais pouvoir renoncer à la parole ; mais d'après les explications que M. le ministre de l'intérieur vient de donner, j'insiste pour qu'il veuille répondre plus catégoriquement à l'interpellation qui lui a été adressée tout à l'heure par l'honorable M. de Decker.

Je pense qu'il ne suffit pas d'ouvrir à l'université de Gand un cours de littérature flamande, à titre d'essai ; ce serait peut-être le meilleur moyen, de le faire tomber dès le début.

Lorsqu'un cours ne figure pas parmi les cours officiellement donnés, il est rare que les élèves se décident à le suivre pendant longtemps.

Je demande donc que M. le ministre de l'intérieur pose un acte de sympathie réel en faveur de la littérature flamande, ainsi qu'il l'a dit tout à l'heure, en instituant à l'université de Gand une chaire de littérature flamande.

Pour cela il convient d'y appeler un professeur effectif convenablement rétribué. Ce sera une preuve de respect pour une disposition formelle de la loi ; car, comme on me le fait observer avec raison à mes côtés, il s'agit de l'exécution de l'article 3 de la loi sur l'enseignement supérieur qui porte ce qui suit :

« L'enseignement supérieur comprend : ... la littérature orientale, la littérature grecque, latine, française et flamande. » Il n'y a pas d'équivoque possible, et l'on ne saurait nous opposer aucune fin de non-recevoir.

Messieurs, j'avais demandé la parole, lorsque j'ai entendu les honorables MM. Magherman et Vander Donckt demandent d'une manière incidente, il est vrai, la diminution du nombre des universités de l'Etat.

Cette question, soulevée à diverses reprises dans cette enceinte, a été écartée par la majorité lors de la discussion de la loi du 27 septembre 1835.

En 1849 il y a eu un débat, mais sans importance réelle. Je ne pense pas qu'il soit dans les intentions de la Chambre de discuter de nouveau une question qui me paraît irrévocablement tranchée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - (page 629) Messieurs, il faut que j'aie été bien mal compris tout à l'heure, puisqu'on me fait dire précisément le contraire de ce que je croyais avoir dit à la chambre.

Je n'ai pas dit que l’enseignement de la langue flamande n'est pas nécessaire à Gand, parce qu'il existait à l'université de Liège ; j'ai fait connaître, au contraire, que le gouvernement était parfaitement disposé à donner au cours de littérature flamande à Gand une existence réelle et solide.

Le gouvernement a accepté l'offre de deux professeurs éminents qui sont venus lui proposer de commencer un cours qui doit produire, selon eux, des résultais positifs.

Ces professeurs ont pris beaucoup plus au sérieux la déclaration du gouvernement que ne l'ont fait les honorables membres auxquels je viens de répondre. Ils ont été convaincus que le gouvernement était décidé à organiser l'enseignement de la littérature flamande à Gand ; et que s'il ne l'avait pas fait jusqu'à présent, c’était par des causes indépendantes de sa volonté.

Messieurs, j'ai exprimé ici une opinion sincère ; il ne dépendra pas de moi que le vœu qu'on a formulé ne se réalise bientôt ; les sympathies qu'on a témoignées pour la langue flamande sont les miennes.

Si la Chambre m'accorde les fonds nécessaires, d'ici avant la fin de l'année scolaire, la position du professeur de langue flamande à l'université de Gand sera régularisée ; un traitement convenable sera attribué à cette chaire. Le cours sera organisé de telle façon que les amis de la littérature flamande ne pourront que s'en applaudir.

Depuis que j'ai l'honneur de diriger le département de l'intérieur, j'ai posé beaucoup d'actes destinés à encourager la littérature flamande. Personne, dans les villes où l'on cultive cette littérature, ne peut révoquer cela en doute.

Quant à l'université de Liège, faut-il le répéter ? le cours de langue flamande y est obligatoire comme les autres cours ; mais il n'est pas donné d'une manière régulière, faute d'élèves ; au reste, cette chaire était confiée à un professeur qui avait d'autres cours encore.

Enfin, le résultat négatif obtenu à Liège ne nous empêchera pas d'organiser à l'université de Gand l'enseignement de la langue flamande d'une manière complète et appropriée aux convenances de la population éclairée de la ville de Gand et des Flandres.

Quand nous en serons à l’art. 69, je me réserve de répondre aux observations faites par l’honorable M. Verhaegen, au sujet des agrégés.

M. Dedecker. - Entre-t-il dans les intentions du gouvernement de rétribuer un cours officiel de langue flamande ?

(page 630) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable M. de Decker veut bien me demander si le cours de langue flamande sera rétribué. Je réponds que le cours sera rétribué, dès que j'aurai des fonds pour le rétribuer. (Interruption.)

Mais ce cours, attribué à un professeur qui est chargé encore d'un autre enseignement, n'est pas donné.

Je reconnais, au surplus, que si ce cours peut être utile à Liège, il l'est bien davantage à Gand, où le gouvernement n'a pas négligé l'occasion de l'introduire à l'université.

Un premier essai n'a pas réussi, parce que le professeur chargé de ce cours de littérature flamande n'avait pu réunir un nombre suffisant d'auditeurs. (Interruption.)

Le gouvernement peut très bien faire donner des cours ; mais il ne dépend pas de lui de forcer les étudiants à les suivre.

Depuis l'époque à laquelle je viens de faire allusion, d'autres faits se sont passés : des élèves de l'université de Gand ont demandé qu'un professeur fût chargé de donner un cours de littérature flamande.

On s'est adressé au gouvernement, et des instructions ont été transmises à Gand pour faire droit à cette réclamation dans le plus court délai possible.

Je puis donner l'assurance à la Chambre que rien ne sera négligé pour atteindre ce but.

Déjà des arrangements sont pris pour que le cours dont il s'agit puisse bientôt commencer, et dès que les ressources du budget le permettront, le gouvernement régularisera cette partie de l'enseignement à la satisfaction des véritables amis de la littérature flamande.

Vous voyez donc, messieurs, que cette littérature n'est pas restée dans un dédaigneux oubli, et je répète que le gouvernement, usant de son influence, fera tout ce qui dépendra de lui pour que cette partie du programme de l’enseignement supérieur ne reste pas une lettre morte.

Voilà ce que j'avais à dire sur ces observations.

Je répondrai-à ce qui concerne les agrégés, quand nous en serons à l'article 69.

Au budget que vous discutez et que vous allez voter se trouvent des propositions tendant au but que vous voulez atteindre. Si la Chambre adopte les propositions qui sont faites, j'aurai des fonds suffisants pour faire droit, non seulement à l'intérêt dont vous vous occupez, mais à beaucoup d'autres qui sont aujourd'hui en souffrance.

(page 624) M. Julliot. - Messieurs, dans les universités de l'Etat, des agrégés donnent des cours que devraient donner les professeurs.

Mais pourquoi ces agrégés donnent-ils ces cours ?

Parce que les professeurs titulaires ne les donnent pas eux-mêmes et nous pouvons attester que le fait est vrai.

Messieurs, on doit appliquer aux fonctionnaires de l'Etat qui sont professeurs ce qu'on applique, en règle générale, à tous les fonctionnaires, et voici la règle :

Quand dans une administration un fonctionnaire est empêché de remplir ses fonctions, il est temporairement remplacé par un surnuméraire, et si cet intérim dure plus d'un mois, le surnuméraire touche le traitement du titulaire.

Si le titulaire reste hors d'état de remplir ses fonctions, il demande sa pension.

Pourquoi l'agrégé, qui est le surnuméraire dans l'université, ne jouit-il pas des avantages qu'accorde la règle générale à tous les autres surnuméraires ?

Il serait difficile de donner une solution satisfaisante à cette anomalie. Je demande donc que M. le ministre traite MM. les professeurs comme sont traités les fonctionnaires en général et pas autrement ; il ne faut de privilège pour personne, même pas pour le plus docte des professeurs.

Quand on appliquera cette règle aux universités, les agrégés n'auront plus à se plaindre, justice leur sera rendue et ils pourront se dispenser d'attaquer à leur tour le trésor de l'Etat qui ne l'est déjà que trop. Il me serait extrêmement agréable de savoir ce que l’honorable ministre pense de ma conclusion, mais je ne suis pas sûr d'obtenir cette satisfaction.

M. Van Grootven. - Je dois un mot de réponse à mon honorable ami M. Verhaegen, qui a très mal compris l'amendement que j'ai eu l'honneur de développer. L'honorable membre a dit que ma proposition est pour le moins intempestive. En effet, si elle était telle qu'il l'a comprise, elle serait non seulement intempestive, mais elle serait contraire à la loi pour laquelle je professe autant de respect que qui que ce soit ; je n'ai pas proposé une augmentation au chiffre de 550 mille francs pétitionné par le gouvernement avec la pensée d'affecter cette augmentation aux agrégés.

J'ai été étonné d'entendre l'honorable membre me prêter cette idée. S'il avait écouté mes développements, il saurait que j'ai proposé tout le contraire.

Voici les paroles que j'ai prononcées : « C'est afin de mettre le gouvernement à même d'appeler quelques-uns de nos agrégés au professorat, » etc., je persiste à croire que sans mon amendement, il ne peut faire quelque chose de sérieux pour les agrégés. J'ai demandé que ceux qui ont fait preuve de talent soient nommés professeurs extraordinaires. Je sais qu'en leur qualité d'agrégés, ils n'ont droit à aucun traitement. J'ai voté avec vous la loi de 1849, qui est formelle à cet égard.

(page 625) Quand j'ai réclamé qu'on fît quelque chose en leur faveur, c'est en ce sens qu'on les nommât professeurs extraordinaires et non pas qu'on les indemnisa.

J'ai voulu régulariser la position autant que possible. C'est pour ce motif que je n'ai réclamé qu'une augmentation de 8,000 fr. sur le chiffre pétitionné par le gouvernement ; j'ai dit que sans ces 8 mille francs il serait difficile de procéder à ces nominations. Je n'ai donc pas demandé qu'on donnât des traitements ou des indemnités aux agrégés.

L'honorable M. Verhaegen dit qu'il veut l'exécution de la loi de 1849. Messieurs, le motif pour lequel je n'ai pas voulu demander l'exécution complète de la loi, c'est que notre situation financière ne le permet pas. En effet, si on veut l'exécuter, il faudrait dix nominations de professeurs extraordinaires.

Je ne sais si M. Verhaegen est disposé à voter les fonds nécessaires pour ces nominations ; quant à moi, je recule devant une si forte dépense dans les circonstances où nous nous trouvons ; je me suis donc borné à proposer une première augmentation de 8 mille francs avec la destination que j'ai indiquée.

Je crois que si la Chambre adopte mon amendement, M. le ministre qui a déjà un excédant sur les 9,100 francs trouvera avec l'augmentation que je propose le moyen de faire droit à la demande si favorablement accueillie par la Chambre de créer une chaire de littérature flamande à l'université de Gand. Je ne demande pas la suppression du cours flamand à l'université de Liège, que je crois assez peu fréquenté, mais ce que je désire avec mes honorables collègues, MM. Delehaye et de Perceval, c'est que le gouvernement subsidie une chaire de littérature flamande à Gand. Il pourra faire choix parmi des littérateurs distingués qui ont une réputation établie et qui ne manqueraient pas d'attirer des auditeurs. Ce qu'il faut à Gand, c'est un cours de haute littérature qui est vivement réclamé par notre jeunesse universitaire.

Je crois avoir rectifié l'appréciation erronée donnée à mes paroles par l'honorable M. Verhaegen et développé suffisamment les motifs qui militent en faveur de ma proposition.

M. Delehaye. - Il doit être bien compris qu'il n'entre ni dans la pensée de M. Van Grootven, ni dans la mienne, d'indiquer des personnes ; notre rôle à nous est de réclamer l'exécution de la loi, mais non d'indiquer des nominations de professeurs ; cela appartient au gouvernement. Ce qu'il nous appartient de faire, c'est de mettre le gouvernement à même d'exécuter la loi ; j'aurais voulu que le gouvernement vînt nous faire connaître les besoins du service.

L'honorable M. Verhaegen a dit que les agrégés n'avaient droit à aucun traitement.

Mais nous ne demandons pas qu'on leur en donne, nous demandons que les places vacantes soient remplies, que ceux qui ont consacré leur temps à faire les études nécessaires pour bien remplir ces places et ont prouvé leur capacité, soient promus aux grades auxquels ils ont droit de prétendre ; nous demandons que le gouvernement nous fasse connaître quelles sont les exigences de l'enseignement et réclame les sommes nécessaires pour y faire face.

Je ferai remarquer que si l'allocation est répartie entre plusieurs litteras, cette division ne lie pas le gouvernement. M. le ministre a présenté cette division pour indiquer les besoins auxquels il a à faire face, mais nous ne votons pas sur ces divisions, nous votons l'ensemble de l'allocation. Nous proposons une augmentation de 8,000 francs, parce que nous pensons que la somme demandée par le gouvernement, plus cette augmentation, suffira aux besoins.

- La discussion est close.

Article 68

L'article 68 est mis aux voix et adopté.

Article 69

« Art. 69. Traitement des fonctionnaires et employés des deux universités de l'Etat : fr. 550,165. »

M. le président. - Ce chiffre présente sur le crédit de 1853 une augmentation de 20,000 fr.

La section centrale propose d'accorder sur ces 20,000 fr. 9,100 fr. ; elle ne se prononce pas sur les 10,900 fr. restant.

M. Van Grootven propose d'augmenter de 8,000 francs le chiffre de 550,165 fr. demandé par le gouvernement.

(page 630) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On a beaucoup parlé des agrégés. Je dois à mon tour donner des explications sur la position des professeurs en général ; position qui est telle que le gouvernement a dû faire une proposition supplémentaire de 20,000 francs pour accomplir envers plusieurs d'entre eux les prescriptions de la loi.

Le personnel enseignant de nos deux universités est composé d'après la loi dans les proportions suivantes : il peut y avoir pour les deux universités 80 professeurs ordinaires ou extraordinaires. Le gouvernement a donc la faculté de porter à ce chiffre le personnel enseignant. Or voici la situation réelle : il y a aujourd'hui 70 professeurs en activité de service ; 37 à Liège ; 33 à Gand.

Vous voyez que ces chiffres concordent à peu près, quoiqu'un honorable membre ait prétendu qu'il y avait une très grande disproportion entre les deux universités.

Ce nombre de 70 professeurs, tant ordinaires qu'extraordinaires, est depuis longtemps insuffisant pour pourvoir à tous les besoins universitaires. Pour suppléer à cette insuffisance, on a eu recours à l'institution des agrégés, dont un certain nombre ont été chargés de donner des cours.

Ici je dois faire une observation sur la prétendue illégalité qu'il y aurait à donner des indemnités aux agrégés en exercice. D'après la loi sur renseignement supérieur, les agrégés ne peuvent jouir d'aucun traitement, ce qui signifie uniquement que les agrégés ne jouissent, en vertu de leur nomination, d'aucun avantage pécuniaire ; mais cela ne veut pas dire que lorsque les agrégés sont appelés à donner un cours au lieu d'un professeur qui n'existe pas, il n'a droit à aucune indemnité. L'article 15 de la loi porte : « Les agrégés peuvent remplacer les professeurs en cas d'empêchement légitime. Ce remplacement ne peut durer plus de 15 jours sans autorisation du gouvernement. Le suppléant jouit des trois quarts des rétributions payées par les élèves, proportionnellement au temps pendant lequel il aura enseigné. » Dans ce cas, comme dans celui où l'agrégé donne un cours libre, il ne jouit d'aucun traitement.

Mais il ne s'agit pas d'agrégés de cette nature, que le gouvernement a chargés de cours et auxquels il donne une indemnité. Il s'agit d'agrégés qu'il a institués pour remplir les cadres dans lesquels il y avait des lacunes par suite de l'insuffisance du crédit ordinaire affecté aux universités.

Ainsi le gouvernement a été obligé d'ajouter un certain nombre d'agrégés capables, pour venir en aide à l'exécution du programme sur l'enseignement supérieur. Il a dû procéder ainsi, parce que le crédit était insuffisant pour nommer des professeurs ordinaires ou extraordinaires en nombre tel, que tous les cours pussent être donnés, et toutefois sans excéder le nombre de 80 titulaires fixé par la loi.

A cette catégorie ne peut donc pas s'appliquer la prohibition de traitement faite en vue du remplacement momentané de professeurs légitimement empêchés, ou de ceux qui n'ont que le titre d'agrégés sans remplir aucune fonction ou qui donnent des cours libres.

Les agrégés, comme ceux dont je parle, seul de véritables professeurs que le gouvernement a dû employer pour donner des cours obligatoires. Les indemnités qui leur sont allouées à ce titre (car ce ne sont pas des traitements) ne sont pas des indemnités illégales ; elles sont justifiées par des considérations de nécessité absolue ; car en définitive on ne charge pas un homme de donner un cours obligatoire, sans lui allouer une indemnité.

Ceci répond au reproche d’illégalité dont ce service serait entaché.

J'ai à expliquer le système du gouvernement, quand il demande 20,000 fr. destinés à des suppléments de traitement autorisés par la loi : nous avons dans le corps professoral des professeurs en service ordinaire ou extraordinaire depuis fort longtemps, depuis l'établissement des universités. D'après l'article 9 de la loi sur l'enseignement supérieur « le gouvernement peut augmenter le traitement des professeurs ordinaires de 1,000 à 3,000 fr., lorsque la nécessité en sera reconnue, et sans que l'augmentation totale de dépense résultant de ce chef puisse en aucun cas, excéder la somme de 10,000 francs pour chaque université. » Eh bien, depuis 20 ans que les universités sont réorganisées, le gouvernement n'a fait usage que dans des limites extrêmement restreintes, de la faculté accordée par la loi.

Ce n'est pas qu'il manque dans le corps professoral des hommes d'un mérite éminent qui aient droit à ce supplément de traitement, mais c'est parce que l'insuffisance du crédit empêchait le gouvernement de faire ce que j'appellerai des actes de justice.

Le gouvernement n'ayant pas à sa disposition le crédit spécial dont il est question dans cet article de la loi, a emprunté successivement au crédit ordinaire quelques sommes destinées à majorer le traitement de certains professeurs ordinaires. Il y en a sept qui ont reçu des augmentations de cette nature. Un seul a reçu le maximum, les autres ont reçu des suppléments de traitement qui ont varié de 500 à 1,500 fr.

Cependant le temps est venu de faire plus complètement justice à ces honorables vétérans de l'enseignement supérieur en portant le traitement de certains professeurs ordinaires à un taux supérieur à 6,000 fr. en raison soit du talent de ces professeurs soit du nombre d'années de service qu'ils ont accomplies. Le gouvernement a pensé qu'il ne pouvait plus différer d'user de la faculté que la loi lui accorde. C'est pour cela qu'on demande une augmentation de 20,000 fr. qui permettra au gouvernement de restituer au crédit ordinaire une somme de 10,900 francs qui a été indûment distraite de ce crédit pour des majorations de traitement accordes en vertu de l'article 9 de la loi. Quant aux agrégés en exercice, leur position pourra être améliorée, ainsi que celle des professeurs extraordinaires ; ceux-ci, en les appelant à l'ordinariat, ce qui permettra aussi de faire passer successivement quelques agrégés au rang de professeur extraordinaire.

C'est le régime légal sous lequel le gouvernement se propose de faire passer successivement tous ceux qu'il trouvera dignes d'une promotion, et c'est le régime qu'il n'a pu encore appliquer par la raison que les fonds libres ne lui en ont pas donné la possibilité.

Pour l'avenir maintenant, le projet du gouvernement est celui-ci : faire d'abord autant que possible justice à ceux des professeurs ordinaires qui y ont des titres incontestés ; en second lieu, faire des promotions dans le corps des professeurs extraordinaires dont quelques-uns attendent depuis vingt ans, d'autres depuis 18, 17 et 16 ans, la faveur qui ne devrait jamais, selon moi, se faire désirer aussi longtemps, quand on veut protéger un véritable enseignement national et créer des hommes capables de l'élever à la hauteur d'où il ne doit jamais descendre.

En troisième lieu, le gouvernement se propose d'utiliser, dans le corps des agrégés, ceux de ces professeurs qui ont le mieux mérité de l'enseignement supérieur par les épreuves auxquelles ils viennent d'être soumis.

Voilà de quelle manière on doit procéder, selon moi, pour arriver à une répartition équitable des faveurs de l'Etat, et pour encourager, à tous les degrés, les professeurs qui s'occupent de l'enseignement universitaire.

Ainsi, récompenser ceux qui ont vieilli dans l'enseignement et y ont eu d'éclatants succès, les professeurs ordinaires. Récompenser, parmi les professeurs extraordinaires, ceux qui ont des titres incontestables à une promotion, à l'ordinariat. En troisième lieu, faire arriver aur professorat les agrégés qui se sont montrés dignes de cette distinction.

Parviendrai-je à réaliser ce triple but avec l'augmentation réelle de crédit de 9,100 fr. qui sera la conséquence du vote de 20,000 fr. ? Evidemment non. Le crédit de 20,000 fr. sera exclusivement affeeté aux majorations de traitement méritées par les professeurs ordinaires. Mais une somme de 9,100 fr. restera libre, et les professeurs extraordinaires et les agrégés auront une part dans cette somme. Cela ne suffira (page 631) pas pour compléter l'ensemble du personnel de telle manière que tous les services soient légitimement récompensés, et je déclare, dès à présent, que lorsque j'aurai pu m'assurer de l'influence que la mesure que vous allez, j'espère, prendre aujourd'hui, aura sur le personnel en général, d'ici à l'époque où le budget de 1855 sera présenté, je pourrai compléter ma proposition en demandant une majoration de crédit, de telle manière que tous les titulaires de l’enseignement supérieur puissent être convenablement rétribués, sans l'être dans des proportions exorbitantes ; car en Belgique il en est de l'enseignement supérieur comme de toutes les fonctions publiques ; la situation des fonctionnaires est établie sur les bases les plus modestes.

Voilà ce que j'avais à dire pour vous expliquer le cadre des propositions qui vous sont faites ; la destination du crédit qui est demandé, les moyens que je compte employer pour donner à chacun des professeurs des universités une juste part dans la distribution de ee crédit.

Puisque j'ai la parole, je dirai quelques mots sur les observations critiques qui ont passé dans le rapport de la section centrale.

Je lis notamment dans ce rapport, que s'il y a quelque chose à faire en faveur des agrégés dont on ne méconnaît pas les titres à une indemnité, cela provient en grande partie de la manière incomplète dont certains professeurs remplissent leurs devoirs, ce qui oblige les agrégés à venir les suppléer dans un service pour lequel les premiers seuls sont payés.

M. de Man d'Attenrode. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Voici les termes du rapport de l’honorable membre qui demande en ce moment la parole : « des renseignements officiels produits en section centrale constatent qu’il existe des professeurs des universités de l’Etat qui ne donnent pas leurs cours ou qui ne les donnent que d’une manière incomplète ; que ce fait nécessite l’emploi de professeurs agrégés pour les remplacer, et exige un surcroît de dépense. »

Et plus loin :

« Les professeurs des universités de l'Etat sont des fonctionnaires rétribués ; ils doivent, eu échange des traitements dont ils jouissent, leurs services au pays.

« Aussi la section centrale engage-t-elle le gouvernement à veiller avec fermeté à ce que les professeurs s'acquittent de leurs devoirs, et à user au besoin de mesures sévères contre ceux qui ne se conformeraient pas aux avertissements qui leur seraient donnés. »

Ne semblerait-il pas, messieurs, en lisant cette mercuriale sévère publiée par la section centrale, que nous sommes en présence d'un personnel enseignant oublieux de tous ses devoirs et qui ne sait répondre aux faveurs que l'Etat lui prodigue que par un dévouement problématique et en abandonnant à d'autres le soin de renseignement qui leur est confié ?

Messieurs, je m'honore de pouvoir protester en connaissance de cause contre les inductions qu'on serait tenté de tirer de ces paroles. Non, messieurs, il n'est pas exact que les professeurs de nos universités soient oublieux de leurs devoirs. Non, il n'est pas exact que ces professeurs laissent à d'autres le soin de remplir les devoirs qui leur sont imposés.

Ces professeurs sont à la hauteur de leur tâche, et il faut, ou ne pas connaître nos universités, ou ne pas connaître la manière d'enseigner de ces honorables professeurs, pour oser dire que c'est à l’insouciance que nous devons l'affligeant spectacle de voir des agrégés sans traitement ou avec des indemnités insuffisantes, venir en quelque sorte offrir, gratuitement, un service que l'Etat ne peut leur demander sans leur accorder un salaire honorable. Non, cela n'est pas exact.

Les professeurs des universités de l'Etat sont, je le répète, des hommes qui sont non seulement, par leurs talents, à la hauteur de leurs fonctions, mais qui, avec un dévouement de tous les jours, remplissent convenablement leurs devoirs, et personne n'a, sous ce rapport, avec une apparence de fondement, l'ombre d'un reproche à adresser au corps enseignant.

Voilà ce qu'on sait, quand on entre dans la connaissance des faits, quaud on connaît l'enseignement supérieur. Je suis dans cette position, messieurs, et je répète avec assurance, que tous les professeurs remplissent leurs devoirs, que pas un d'eux n'a mérité les reproches qui leur ont été adressés par M. le rapporteur, au nom de la section centrale.

Maintenant ai-je besoin de dire qu'il n'y a aucune espèce d'avertissement à leur donner ? Ai-je besoin de dire que le gouvernement n'a pas besoin de s'armer contre eux de mesures sévères ? A quoi a-t-on donc fait allusion quand on s'est permis ces critiques amères ? Est-ce, par hasard, parce qu'il y a dans certains de nos établissements des professeurs que l'âge et les de fatigues tous les jours ont accablés et qui sont obligés momentanément de s'abstenir, ou de modifier leur enseignement ? Est-ce parce que dans un de nos établissements, par suite de son dévouement à remplir ses pénibles fonctions, a eu le malheur de perdre la vue, ce qui ne l'empêche pas de donner encore des leçons à ses élèves ? Est-ce parce qu'un professeur a été réduit, par suite d'un travail exagéré, à un état de maladie qui le retient chez lui ?

Messieurs, il n'est pas possible que sérieusement et équitablemenl surtout, on fasse peser sur le corps enseignant, des reproches aussi peu mérités.

Le corps enseignant a fait ses preuves ; il a réduit et produit tous les jours encore, des hommes qui honorent leur pays, et qui continueront à l'honorer. Aussi ces universités de l'Etat, à l'égard desquelles on se montre si sévère ici, sont appréciées à l'étranger font autrement qu'en Belgique. Je le répète, je n'ai rien à reprendre dans la manière dont ces honorables fonctionnaires remplissent leurs devoirs, et je continuerai, toutes les fois que l'occasion m'en sera donnée, à protester contre des assertions comme celles qui ont passé dans le rapport de la section centrale.

(page 625) M. T'Kint de Naeyer. - M. le ministre de l'intérieur vient de déclarer que tous les intérêts de l'enseignement supérieur devaient être sauvegardés, que tous les services devaient être convenablement rétribués. Je me demande, messieurs, comment il sera possible d'obtenir ce résultat avec la somme modique de 9,100 fr. qui restera disponible sur le crédit pétitionné par le gouvernement !

En effet, à quoi cette somme est-elle destinée ? M. le ministre de l'intérieur vient de vous le dire : d'abord à rendre justice aux professeurs ordinaires, ensuite, à récompenser les professeurs extraordinaires, et, enfin, à améliorer la position des agrégés. Il est évident, messieurs, qu'avec la somme de 9,100 fr., même en y ajoutant les 8,000 fr. proposés par mon honorable ami M. Van Grootven, il est impossible de réaliser des améliorations sérieuses.

Pour ma part, je regrette que le gouvernement n'ait pas demandé franchement à la Chambre les sommes nécessaires pour mettre l'enseignement supérieur sur un pied convenable, et je l'engage beaucoup à faire droit à de légitimes exigences, soit par amendement au budget, soit par un projet de loi spécial.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'ai eu l'honneur de dire que la somme demandée est insuffisante pour améliorer la position des professeurs extraordinaires et des agrégés, mais qu'au budget de 1855, renseigné complètement par les explications demandées aux deux universités, le gouvernement présentera à la Chambre un crédit définitif qui satisfasse à toutes les exigences légitimes.

M. T'Kint de Naeyer. - En attendant le gouvernement admet-il l'amendement de M. Van Grootven ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non.

M. T'Kint de Naeyer. - Si le gouvernement s'engage à faire mieux, nous y applaudirons ; mais il importe que la question reçoive une prompte solution. Il y a des positions qui doivent être régularisées. Quelques agrégés ont été chargés, depuis plusieurs années, de donner des cours importants ; le gouvernement est à même de se prononcer sur le mérite de chacun d'eux, Je comprendrais, à la rigueur, que l'on remerciât les agrégés inutiles, mais ceux qui sont titulaires de fait, et seuls responsables de leurs cours, ont des droits acquis qu'il est impossible de méconnaître. Le gouvernement qui a accepté leurs services doit les récompenser selon leur mérite.

M. Rogier. - Messieurs, si l'allocation de 20,000 fr. est destinée à accorder des augmentations de traitement aux professeurs ordinaires, des augmentations de traitement aux professeurs extraordinaires, des augmentations de traitement aux agrégés, elle sera de beaucoup insuffisante. Elle sera même insuffisante si on s'arrête aux professeurs ordinaires et aux professeurs extraordinaires, et si l'on comprend tous les professeurs extraordinaires dans ces augmentations de traitement.

Messieurs, je donnerai volontiers les mains aux avantages qui seront accordés aux professeurs de nos universités qui méritent un avancement quelconque, mais je crois qu'il y aurait aussi, en bonne justice, quelque chose à faire pour les agrégés, au moins pour ceux des agrégés qui, depuis un certain nombre d'années, donnent des cours, non pas comme surnuméraires et en remplacement de professeurs qui ne donneraient pas leurs leçons, mais qui donnent des cours spéciaux, qui exercent, en réalité, des fonctions professorales. Ils reçoivent de ce chef des indemnités qui n'ont jamais été attaquées comme illégales. Je voudrais, pour ma part, que dès cette année on fît quelque chose pour ces agrégés, si l'on fait quelque chose pour les professeurs ordinaires et pour les professeurs extraordinaires.

Il est bien entendu, messieurs, que je parle seulement ici des agrégés qui ont fait preuve de dévouement et de capacité dans l'exercice de leurs fonctions. Il ne faut pas d'ailleurs représenter la situation de tous les agrégés comme étant excessivement pénible ; il paraîtrait, d'après ce qui vient d'être dit, que le gouvernement leur aurait imposé des charges qui leur pèsent, mais les agrégés ont accepté cette position et le gouvernement a eu raison, selon moi, de ne pas nommer tout d'un coup aux fonctions de professeurs, des jeunes gens au début de la carrière ; il a fait sagement de les prendre en quelque sorte à l'essai, de les éprouver et d'attendre, pour les nommer définitivement, qu'ils eussent fait leurs preuves.

M. T'Kint de Naeyer. - Il y en a qui en sont à leur quatrième année.

M. Rogier. - Sans doute, il y en a même qui sont à leur 10ème, à leur 12ème année, et ce sont précisément ceux-là que je recommande à M. le ministre de l'intérieur. Pour ma part, j'aimerais mieux voir récompenser des agrégés qui, depuis un grand nombre d'années, font prouve de dévouement et de science, que de voir élever au rang de professeurs ordinaires des professeurs extraordinaires qui n'auraient pas le même mérite.

Du reste, messieurs, ceci est une question d'adminislralion que j'abandonne à M. le ministre de l'intérieur et qu'il saura parfaitement résoudre, j'en ai la conviction. Je le remercie des paroles généreuses qu'il vient de faire entendre en prenant la défense du corps professoral qui n'a pas plus échappé que tous les fonctionnaires du département de l'intérieur, aux attaques de la section centrale.

Messieurs, puisque le gouvernement nous promet, pour le prochain budget, une régularisation générale, je crois qu'il n'y a pas lieu d'insister, en ce moment, pour obtenir autre chose que ce que demande M. le ministre. Il se borne à demander 20,000 fr., accordons 20,000 fr. et attendons avec confiance ses propositions ultérieures.

(page 631) M. Verhaegen. - Je ne pense pas que M. le ministre de l'inférieur ait rencontrer les observations que j'ai eu l'honneur de faire à l'égard des agrégés et sur lesquelles tout le monde paraissait d'accord à ma droite et à ma gauche.

Messieurs, le gouvernement doit avoir son enseignement à tous les degrés, et je tiens à ce qu'il l'ait solide ; mais c'est précisément pour arriver à ce résultat qu'il faut rester dans les dispositions de la loi, car l'enseignement de l'Etat est organisé par la loi. D'après un tableau annexé au rapport de la section centrale, il y a des agrégés qui reçoivent, un traitement. Cela peut-il être ? Tout le monde dit non, excepté M. le ministre de l'intérieur. Le ministre a-t-il raison ? Voyons comment il cherche à échapper aux prescriptions formelles des articles 14 et 15 de la loi.

Il ne s'agit pas, dans l'article 14, dit M. le ministre de l'intérieur, d'agrégés remplaçant temporairement des professeurs malades. C'est une erreur ; il n'appartient pas au gouvernement de substituer sa volonté à celle du législateur ; il n'appartient pas au gouvernement de dire : « Aux termes de la loi, le gouvernement pourrait demander à la législature des allocations pour tel nombre de professeurs ; mais je m'en abstiens ; je vais faire autre chose ; je vais utiliser une certaine catégorie d'employés auxquels je donnerai le nom d'agrégés et que je rétribuerai moins que les professeurs effectifs. » La loi n'autorise pas le gouvernement à agir ainsi. Elle dit, dans un des articles, qu'il y aura des professeurs ordinaires et des professeurs extraordinaires ; elle a réglé ensuite le mode de leur nomination et fixé leurs traitements ; elle s'est occupée aussi des agrégés ; mais elle s'en est occupée exclusivement dans les articles 14 et 15 ; en dehors de ces articles, il n'y a dans la loi aucune disposition relative aux agrégés sui generi, de la nature de ceux qu'a créés M. le ministre de l'intérieur.

L'article 14 de la loi porte :

« Des agrégés peuvent être attachés aux universités. Ils sont nommés par le Roi.

« Les agrégés peuvent, selon l'autorisation du gouvernement, donner, soit des répétitions, soit des cours nouveaux, soit des leçons sur des matières déjà enseignées.

« Ils ne jouissent d'aucun traitement ; leurs cours sont rétribués comme ceux des professeurs. »

Voilà le principe. Il y aura des agrégés auprès des universités de l'Etat ; ils ne reçoivent pas de traitement ; ils ont droit au minerval comme les autres professeurs, et voilà tout.

Maintenant que porte l'article 15 :

« Les agrégés peuvent remplacer les professeurs en cas d'empêchement légitime.

« Ce remplacement ne peut durer plus de quinze jours sans autorisation du gouvernement.

« Le suppléant jouit des trois quarts des rétributions payées par les élèves, proportionnellement au temps pendant lequel il aura enseigné. »

Ainsi, d'après cet article, quand un agrégé remplace un professeur titulaire, il jouit du minerval ; mais il ne peut jouir, dans aucun cas, d'un traitement.

Où M. le ministre de l'intérieur a-t-il trouvé ces agrégés particuliers qu'il a créés pour sortir d'une situation qu'il pouvait faire cesser autrement ?

M. le ministre de l'intérieur dit : « Le gouvernement n'a pas les fonds nécessaires pour nommer des professeurs effectifs en assez grand nombre ; il a bien fallu recourir à ces agrégés. »

Je n'admets pas du tout cet argument. Quand on a sous sa direetioar une institution quelconque, il faut la maintenir à la hauteur convenable si vous ne donnez pas aux universités de l’Etat le nombre de professeurs nécessaire à un bon enseignement, elles languiront et finiront par tomber : c'est ce que nous ne voulons pas. Si le législateur a voulu qu'il y eût dans les universités un nombre déterminé de professeurs ayant les qualités prescrites, il faut avoir le courage de demander aux Chambres les fonds nécessaires pour les nommer et les payer. Mais il ne faut pas une demi-mesure, il ne suffit pas d'un demi-professeur, il faîit un professeur tout entier, un professeur convenable.

Messieurs, je m'arrêterai là. C'est exclusivement dans l'intérêt des universités de l'Etat que j'ai présenté ces observations. Je crois qu'il faut en revenir au système de la loi du 27 septembre 1835, c'est-à-dire ne plus recourir aux agrégés hors des cas prévus par les articles 14 et 15 de la loi et pourvoir aux places vacantes d'une manière convenable, en demandant à cet effet, aux, Chambres les fonds nécessaires.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, je pense que l'interprétation à laquelle vient de se livrer l'honorable M. Verhaegen n'est pas exacte, et je demande à la Chambre la permission de lui communiquer quelques réflexions sur les articles 14 et 15 de la loi organique de l'enseignement supérieur.

Je m'étais déjà préoccupé de la position des agrégés des universités de l'Etat, lorsque j'ai eu l'honneur de siéger avec eux dans les jurys des examens universitaires, et je m'étais demandé quelle était la position qu'ils occupaient à l'université, quelles étaient les indemnités pécuniaires dont ils jouissaient en dédommagement des cours qu'ils donnaient.

Voici quelle était la position de ceux que j'ai eu l'honneur de connaître ; ils ne suppléaient pas des professeurs existants ; ils donnaient des cours qui n'étaient pas donnés par des professeurs effectifs ; ils remplissaient donc, en vertu d'une délégation spéciale du gouvernement, les fonctions de professeurs, à la place de professeurs ordinaires ou extraordinaires qui n'existaient pas ou dont l'aptitude spéciale n'était pas suffisamment reconnue, pour qu'on leur confiât les premiers grades dans la hiérarchie de l’enseignement supérieur.

(page 626) Maintenant, il y a, en vertu de l'article 14, des agrégés, attachés aux universités et nommés par le Roi ; c'est un titre honorifique.

Ces agrégés n'ont pas de traitement, mais ils jouissent de l'avantage de pouvoir, soit donner des répétitions rétribuées qui, en vertu de l'article 12, sont interdites aux professeurs ordinaires et extraordinaires, soit donner des cours nouveaux, c'est-à-dire des cours qui ne sont pas compris dans le programme légal, comme, par exemple, un cours de littérature anglaise, ou un cours de législation comparée ; soit donner des leçons sur des matières déjà enseignées, c'est-à-dire élever une chaire libre à côté d'une chaire officielle en quelque sorte occupée par un professeur que l'Etat rétribue. Voilà les avantages dont jouissent les agrégés, aux termes de l'article 14, avantages qui consistent à pouvoir donner des cours nouveaux et des répétitions salariées, ou à compléter en quelque sorte un cours déjà donné dans le sein d'une faculté.

Mais, messieurs, lorsque l'agrégé se borne à user de ce droit que lui donne l'article 14, pour l'exercice duquel il n'a pas besoin d'autorisation spéciale, puisque sa nomination par le Roi lui en donne le droit, indépendamment de ces avantages privés, il a une mission spéciale, une quatrième mission, aux termes de l'article 15, celle de pouvoir remplacer les professeurs en cas d'empêchement légitime.

Il peut les remplacer pendant 15 jours sans autorisation et pendant plus de 15 jours avec autorisation. Indépendamment de cela, le professeur agrégé peut recevoir, il a toujours reçu la mission de faire des cours obligatoires en l'absence de professeurs extraordinaires ou ordinaires chargés de ces cours.

C'est le cas des agrégés qui sont en exercice et qui reçoivent soit une indemnité, soit un traitement, mais qui reçoivent de 1,500 à 2,000 fr., pour se charger d'un cours régulier, non pas pour exercer le droit en quelque sorte privé qui leur est conféré par l'article 14, mais pour s'acquitter de l'obligation de donner un cours du programme qui n'est donné ni par un professeur ordinaire, ni par un professeur extraordinaire.

Dans ces termes, je crois qu'il n'y a rien d'illégal dans la manière dont on a traité les agrégés ; elle a d'ailleurs été ratifiée par le vote de plusieurs budgets ; de sorte qu'on peut dire que ce procédé est à l'abri de toute espèce de reproche.

Voilà pour l'interprétation des articles 14 et 15, et la définition de la position des agrégés dans les universités de l'Etat. Après cela, je suis d'accord avec l'honorable M. Verhaegen pour désirer que la libéralité de la Chambre mette le gouvernement en position de rétribuer toutes les chaires de professeurs ordinaires et extraordinaires ; cela donnerait plus de solidité à l'enseignement.

Indépendamment de cela, il faut posséder un autre élément ; je veux parler du personnel, c'est-à-dire des hommes suffisamment instruits et présentant assez de garantie de connaissances et de science pour occuper une place de professeur ordinaire ou extraordinaire.

Un agrégé peut être mis à l'essai et abandonné s'il ne répond pas à l'attente du gouvernement ; mais un professeur qui a reçu une nomination est plus difficile à mettre de côté. Indépendamment de l'argent, il faut donc des hommes, et c'est pour former des hommes que le gouvernement est entré dans la voie où il est engagé, en confiant à des agrégés les chaires pour lesquelles il n'y a ni professeur ordinaire, ni professeur extraordinaire. La position est régulière.

J'avais examiné la question parce que j'avais cru que, dans tous les cas, les agrégés étaient obligés de prêter leur concours gratuitement à l'Etat ; mais j'ai pu me convaincre que quand l'Etat réclame d'eux une coopération qui prend le caractère d'une obligation vis-à-vis du gouvernement, l'agrégé devait recevoir une indemnité.

M. Delehaye. - Quelque favorable qu'elle soit aux agrigés, je ne puis admettre l'interprétation que M. le ministre vient de donner des articles 14 et 15 ; elle semble s'appuyer sur ce qui se pratique, mais M. le ministre a mal apprécié les faits auxquels il a fait illusion ; ainsi à Gand un agrégé reçoit une indemnité, mais ce n'est pas à titre d'agrégé, c'est pour des services spéciaux qu'il rend.

C'est un agrégé qui est chargé de la préparation des matières médicales, il reçoit pour cela une indemnité, mais ce n'est pas à titre d'agrégé, c'est parce qu'il remplit les fonctions de préparateur.

Il n'y a pas de quoi s'effrayer, du reste, à cet égard, car je ne sache pas qu'il y ait plus de trois agrégés à Gand recevant une indemnité ; encore est-il bon de remarquer que ce n'est pas à titre d'agrégé professeur, mais de préparateur. Partant de là, je n'ai plus qu'une observation à faire.

Je demanderai à M. le ministre si la somme qu'il demande est destinée à compléter le personnel des universités ou à augmenter le traitement des professeurs ordinaires. Dans mon opinion, on devrait pourvoir à toutes les places vacantes avant de songer à améliorer la position des professeurs actuels.

Une proposition de cette nature aurait mon assentiment. Mais notez bien que M. le ministre a annoncé que pour le budget prochain il examinera la position de tous les professeurs ; je pense qu'avant de songer à ce que la loi permet de faire, il devrait s'occuper de ce qu'elle lui impose l'obligation de faire.

Je pense que M. le ministre devrait suspendre toute idée d'augmentation de traitement, tant qu'il y aura de nouvelles places à créer.

Je conçois que M. Van Grootven retire sa proposition, en présence de la promesse de M. le ministre, sauf à la renouveler au budget prochain, s'il y a lieu.

Je crois que le gouvernement, avant d'être juste vis-à-vis de quelques-uns, doit commencer par nommer les professeurs dont la loi exige la nomination.

M. de Theux. - Messieurs, quelques membres ont reproché au gouvernement de ne pas exécuter la loi en ne nommant pas les professeurs qu'elle lui prescrit de nommer et de n'être pas assez généreux pour les universités.

Dans l'intérêt du trésor et de la dignité du gouvernement, je dois réfuter ces deux objections Quant à la première, que le gouvernement n'a pas pourvu suffisamment les universités de professeurs, c'est une erreur complète. Voici l'article 10 de la loi. Il porte : « Pour donner les cours prescrits par les articles 3 et 4, il y a dans chaque université 9 professeurs en sciences, 8 en philosophie, 8 en médecine et 7 en droit. (Voilà 64 professeurs pour les deux universités.)

« En cas de nécessité, un ou deux professeurs de plus peuvent être nommés dans chacune de ces facultés. »

L'article 9 divise les professeurs en deux catégories, les professeurs ordinaires et les professeurs extraordinaires.

Il existe dans nos universités 64 professeurs, c'est le nombre légal, les trois quarts de professeurs ordinaires et un quart de professeurs extraordinaires.

Je crois donc que le gouvernement a largement satisfait au vœu de la loi, puisque parmi les 64 professeurs, les trois quarts sont professeurs ordinaires.

Il est vrai que la loi permet de porter le nombre des professeurs à 80 ; mais il y a une condition indiquée dans la loi pour pouvoir atteindre ce chiffre, c'est en cas de nécessité qu'un ou deux professeurs de plus peuvent être nommés dans chacune des facultés. Il faut donc quil y ait nécessité ; de sorte que pour porter le nombre des professeurs à 80, il faudrait se trouver dans les conditions de la loi.

Il y a une autre disposition qui permet de majorer le traitement de 6,000 fr. dans des circonstances extraordinaires, et pour cela la loi permet d'augmenter la dépense de 10,000 fr. pour chaque université ; de ce chef le gouvernement a déjà fait une dépense de 10,900 fr.

Le ministre, pour atteindre le maximum de la limite fixée par la loi, peut réclamer 9,100 fr. C'est ce que la section centrale accorde. Il reste donc au-delà de la limite de la loi 10.900 fr. qui resteraient à la disposition du gouvernement pour nommer quelques professeurs extraordinaires parmi les agrégés.

On a beaucoup parlé d'agrégés. Mais je pense que l'on a perdu un peu de vue le but de l'institution. Comment les agrégés ont-ils été institués ? C'est le système allemand qui a prévalu. Or, dans ce système les agrégés donnent des cours en concurrence avec les professeurs titulaires.

On a cru que cette institution allemande aurait pu être introduit ; en Belgique avec succès. Mais l'expérience a démontré que ce n'était pas praticable, que les universités n'avaient pas chez nous assez d'élevés pour qu'ils pussent être partagés entre les professeurs titulaires et les agrégés. Ainsi cet essai a complètement échoué.

Qu'a fait alors le gouvernement ? Il y avait des agrégés qui avaient été nommés pour donner des cours en concurrence avec les professeurs, on en a employé à donner des cours qui légalement étaient attribués à des professeurs.

Mais y a-t-il eu quelque chose d'illégal dans cette manière de procéder ? Je ne le pense pas. La loi porte que le nombre des professeurs est de 64, et qu il peut être augmenté de 16 en cas de nécessité. Le gouvernement a chargé des agrégés de faire des cours, les uns à titre d'essai, les autres parce qu'ils n'avaient pas à enseigner assez de matières pour être nommé professeurs. Voilà la réalité des faits.

Il alloue à ces agrégés des indemnités s'élevant à 13,700 francs.

Si le chiffre de 20,000 francs est adopté, il restera au gouvernement, 10,900.

Total, 24,000 francs.

Somme qui pourra être consacrée à convertir la position de plusieurs agrégés en celle de professeurs extraordinaires.

Vous voyez donc que les vues du gouvernement, loin d'être trop restreintes, sont très larges : d'une part, le nombre des professeurs ordinaires est des trois quarts ; un quart seulement est composé de professeurs extraordinaires. Le gouvernement demande 20,000 francs pour atteindre le maximum de traitements que la loi autorise, et il demande 24,000 fr. pour augmenter le nombre légal des professeurs.

Je pense donc qu'il n'y a aucun motif pour adopter l'amendement de l'honorable M. Van Grootven.

Je pense que l'on doit abandonner le système des agrégés donnant des cours en concurrence avec les professeurs ; ce système n'a servi qu'à créer des espérances que l'on invoque pour être nommé à de nouvelles places de professeurs qui ne sont pas nécessaires ; car à l'université de Louvain, où il y a un personnel suffisant, il n'y a que 32 professeurs. Le nombre de 80 est un nombre extraordinaire dont la nécessité devrait être justifiée, pour que nous pussions l'admettre.

Je n'en dirai pas davantage. Je pense que le gouvernement n'a pas été au-delà de son droit, en attribuant des indemnités à des agrégés, puisqu'il aurait pu les nommer professeurs. La loi, du reste, ne l’y obligeait pas, puisqu'elle n'admet une augmentation du nombre des professeurs que s'il y a nécessilé. Si le gouvernement n'a pas cru que cette (page 627) nécessité existât, il a pu satisfaire aux besoins du service en accordant des indemnités aux agrégés qui donnent des cours spéciaux et qui ne remplissent pas les conditions pour être nommés professeurs.

Je crois donc que l'on a amplement satisfait aux prescriptions de la loi.

M. Van Grootven. - L'honorable ministre de l’intérieur nous a déclaré tantôt que si la Chambre adoptait le chiifre de 20,000 fr. il lui serait possible de faire, dans le courant de cette année, quelque chose pour les agrégés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je maintiens cette déclaration.

M. Van Grootven. - En présence de cette déclaration et de l'engagement que vient de prendre M. le ministre, de donner une solution à la question pour le budget de 1855, qui ne peut tarder à être présenté, je crois pouvoir, sans aucun inconvénient, retirer mon amendement.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, c'est une chose pénible, et je dis même très pénible que d'être obligé de donner un démenti à un ministre du Roi dans cette enceinte. Mais j'ai des devoirs à remplir à l'égard de la section centrale qui m'a chargé de rédiger son rapport. J'ai à défendre ici son honneur et le mien. Que lisons-nous dans le rapport de la section centrale ? Quel est le paragraphe qui a soulevé le mécontentement de M. le ministre de l'intérieur et les reproches tout personnels qu'il m'a adressés ? Le voici :

« Des renseignements officiels produits en section centrale constatent qu'il existe des professeurs des universités de l'Etat qui ne donnent pas leurs cours, ou qui ne les donnent que d'une manière incomplète. »

C'est à propos de cette note que l'honorable M. Piercot, ministre de l'intérieur, est venu protester contre les insinuations du rapporteur ; car, remarquez-le, messieurs, l'on a toujours soin de séparer le rapporteur d'avec ses collègues de la section centrale. S'il faut en croire M. le ministre, ces renseignements sont inexacts. Le corps professoral n'a pas mérité ces reproches, il n'a pas plus échappé que les autres fonctionnaires aux critiques de la section centrale.

Or, voici ce qui est arrivé (je tâcherai de m'expliquer de la manière la plus simple et avec toute la modération dont je suis capable, quoiqu'il soit bien difficile de rester de sang-froid en présence des injustes récriminations dont je suis l'objet). Le paragraphe du rapport dont je viens de vous donner lecture, et qui me vaut ces attaques, avait été rédigé d'abord dans les termes suivants :

« M. le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il existe des professeurs des universités de l'Etat qui ne donnent pas leurs cours, ou qui ne les donnent que d'une manière incomplète. »

Lors de la lecture du rapport, aucun de mes collègues de la section centrale ne protesta contre cette rédaction, personne n'en contesta l'exactitude. Seulement, l'on me fit observer qu'il vaudrait peut-être mieux de ne pas désigner M. le ministre de l'intérieur comme ayant donné ces renseignements à la section centrale, que nous lui devions des égards, qu'il fallait le consulter. C'est ce qui fut fait, et je substituai, d'accord avec mes collègues aux mots : « M. le ministre de l'intérieur a déclaré, etc., » les mots suivants tels qu'ils sont consignés au rapport :

« Des renseignements officiels produits en section centrale constatent qu'il, etc. »

La section centrale adopta le paragraphe ainsi conçu sans opposition ; son insertion avait été envisagée dans le principe par M. le ministre lui-même comme devant accroître son autorité sur le corps professoral.

Voilà ce qui s'est passé, j'en appelle à tous mes collègues de la section centrale et à son honorable président, qui nous préside dans ce moment ; si je me trompe, je les prie de rectifier mes paroles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'expliquerai cela tout à l'heure.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Il y a plus, c'est que M. le ministre de l'intérieur s'est fondé sur ces renseignements pour demander les 20,000 francs d'augmentation que nous discutons. Pourquoi les demande-t-il ? C'est parce que, comme il l'a déclaré, il y a des professeurs qui ne donnent pas leurs cours ou qui ne les donnent que d'une manière incomplète, et qu'il est nécessaire par conséquent de les remplacer par des agrégés dont la position doit être améliorée. Cela ne peut pas être contesté : le tableau qui est joint au rapport de la section centrale établit qu'il y a neuf cours obligatoires qui sont donnés par des agrégés.

Pour deux d'entre eux, M. le ministre a donné des explications qui établissent suffisamment la nécessité de les remplacer.

Quant aux sept autres, nous ignorons les motifs pour lesquels ils se dispensent de donner leurs cours. C'est donc le gouvernement lui-même qui a informé la section centrale, qu'il y avait des professeurs qui négligeaient de donner leurs cours. Et cette déclaration a été faite pour la déterminer à adopter l'augmentation de 20,000 fr.

Quel était le droit de la section centrale après avoir entendu cette déclaration ? Devait-elle se borner à voter 20,000 fr. ? Mais c'eût été encourager un état de choses auquel il faut porter remède. La section centrale crut donc que le moyen d'y remédier était d'inscrire dans son rapport le paragraphe que l'on peut lire à la page 40 du rapport : il est ainsi conçu :

« Aussi, la section centrale engage-t-elle le gouvernement à veiller avec fermeté à ce que les professeurs s'acquittent de leurs devoirs et à user au besoin de mesures sévères contre ceux qui ne se conformeraient pas aux avertissements qui leur seraient donnés »

Vous trouverez sans doute, messieurs, que cette phrase est très convcnable ; ce langage est celui que devait tenir, en cette circonstance, une section centrale, qui est l'organe et la représentation du pays, et je ne pense pas que le corps professoral ait le droit de s'en offenser. C’était un devoir pour nous que de parler ainsi.

Je pourrais en dire davantage si je voulais récriminer ; mais je veux éviter ce terrain : je m'arrête donc ici.

Maintenant, messieurs, je désire dire quelques mots du côté sérieux de cette discussion. Que propose la section centrale ? Le gouvernement vous demande une augmentation de 20,000 fr. Or, notez que la dotation du personnel de l'enseignement supérieur (il est bon que le pays ne l'oublie pas), s'élève à 550,165 fr. Cela ne suffit pas encore, et M. le ministre, usant du droit que lui donne l'article 9, paragraphe 3, de la loi du 15 juillet 1849, a mis la Chambre en demeure de lui accorder une augmentation de 20,000 fr.

Qu'a fait la section centrale ? Elle ne pouvait se refuser à allouer un crédit que l'article 9 accorde à l’enseignement supérieur. Car il est évident que l'administration a le droit de réclamer une somme de 20,000 francs destinée à augmenter les traitements des professeurs qui ont 6,000 fr., de manière à porter ces traitements soit à 7,000, soit même à 9,000 fr. Mais qu'a fait la section centrale ? Elle a demandé un état des professeurs.

Cet état se trouve annexé au rapport. Et que voit-on ? C'est que le gouvernement a déjà usé de la faculté que lui donne l'article 9 à concurrence d'une somme de 10,900 fr. Il y a donc dans les deux universités de l'Etat des professeurs ordinaires en faveur de qui le traitement normal a été dépassé de manière à constituer une dépense de 10,900 fr.

Si vous déduisez le chiffre de 10,900 fr. de 20,000 fr., le gouvernement, vous devez le reconnaître, n'est plus fondé qu à demander une somme de 9,100 fr., pour que nous soyons dans les termes de l'article 6 de la loi. Or la section centrale, surtout dans les circonstances actuelles, et vous avez encore entendu hier l'honorable ministre des finances vous accuser un découvert de 33 millions ; la section centrale, dis-je, a voulu donner ce que prescrit la loi, mais elle n'a pas voulu aller au-delà. J'espère, messieurs, que vous ratifierez les conclusions qu'elle vous propose.

La section centrale a ensuite demandé des renseignements au gouvernement afin de le prier de s'expliquer sur ce qu'il voulait faire de la somme excédant les 9,100 fr. que la section centrale ne fait pas difficulté d'allouer.

M. le ministre a répondu, comme le constate le rapport, qu'il ignorait ce qu'il en ferait, et il se fonde sur cette circonstance que les dépenses ne sont pas encore créées ; comme si pour savoir ce qu'on veut faire d'un crédit, il fallait que la dépense fût accomplie.

Or, je prétends que si la dépense avait été créée avant la demande de crédit, elle l'eût été d'une manière illégale.

Car on ne crée pas de dépenses avant qu'elles n'aient été votées par la législature.

M. le ministre déclare de la manière la plus naïve qu'il ne sait pas ce qu'il veut faire de la somme de 10,900 francs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je l'ai expliqué aujourd'hui.

M. de Man d'Attenrode. - Je vais vous lire la réponse qui vous avez faite à la section centrale, puisque vous m'interrompez.

« On ne pourrait faire connaître, dès à présent, les dépenses du service ordinaire auxquelles on appliquera la somme qui deviendra disponible par suite de l'allocation de 20,000 francs. Les dépenses ne sont pas encore créées, et elles ne pourront l'être que lorsque l'administration aura les fonds nécessaires pour y faire face »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ayez la bonté d'achever.

M. de Man d'Attenrode. - Je le veux bien :

« Il suffira, au reste, de jeter un coup d'œil sur le tableau du personnel universitaire, fourni tout récemment à la section centrale, pour se convaincre que beaucoup de professeurs extraordinaires attendent depuis fort longtemps, depuis trop longtemps même, une promotion à laquelle ils ont les titres les mieux fondés. »

Messieurs, ce qu'il y a de bizarre, c'est qu'on invoque l'article 9, pour motiver l'augmentation de 20,000 fr. Or que veut l'article 9 ? C'est que nous accordions une somme de 20,000 fr., en sus du chiffre des traitements normaux, pour être distribuée à des professeurs ordinaires, et voilà maintenant que M. le ministre veut faire de cette somme un usage que la loi n'indique pas, et l'employer à payer des professeurs extraordinaires. Vraiment on n'y comprend plus rien.

Messieurs, je désire, comme l'honorable M. Verhaegen, que les universités vivent grandement ; je ne demande pas mieux. Mais je voudrais qu'elles vécussent avec plus d'économie. Cela ne nuirait pas à l'éclat de la science qu'elles sont appelées à répandre sur le pays.

D'ailleurs, messieurs, si la dotation si considérable de 550,165 francs ne suffit pas encore pour satisfaire le personnel et si l'on cherche encore à l'augmenter, savez-vous bien ce qui arrivera ? C'est que l'opinion exprimée déjà par deux sections de la Chambre et qui demande qu'il n'y ait plus qu'une université, opinion qui se développe et qui se (page 328) développe d'une manière notable, non seulement dans cette enceinte, mais dans le pays, grandira de plus en plus. Et, à cette occasion, je le déclare, l'honorable M. Magherman a donné des motifs excellents pour que l'Etat n'ait plus qu'une université. Il est positif que trois universités suffiraient dans un pays de 4,000,000 d'habitants.

Si le gouvernement pouvait concentrer tous ses efforts et les crédits que nous lui allouons dans un seul établissement, il est évident que son corps professoral pourrait être mieux rétribué, que l’on pourrait faire de meilleurs choix, que le nombre des élèves serait plus grand, qu'il y aurait plus d'émulation.

Je sais très bien qu'il y a là une question d'intérêt local et que ces questions sont puissantes dans un petit pays comme le nôtre. Je sais très bien que l'intérêt de la commune de Gand et de la commune de Liège exerce une grande influence. Mais enfin, il me semble que l'intérêt général devrait prévaloir sur un intérêt local et que les hommes qui dirigent les affaires devraient se mettre au-dessus de semblables considérations.

D'ailleurs il serait possible de résoudre la question de manière à satisfaire ce qu'il est convenu d'appeler les droits acquis de la ville de. Gand et de la ville de Liège. L'honorable M. Maghermab l'a parfaitement indiqué. Nous avons maintenant des cours qui se donnent trois et quatre fois, des cours qui se donnent à l'école du génie civil à Gand, à l'école des mines à Liège, à l'école militaire à Bruxelles, etc., etc., et que sais-je ! ailleurs encore peut-être.

Si l'on concentrait les facultés de droit, des lettres et de médecine à Gaud, et si Liège réunissait les écoles militaire, du génie civil, des mines, les cours de sciences exactes en un mot, le pays serait dispensé de faire de notables dépenses et l'instruction n'y perdrait rien.

Pour en revenir à l'objet pratique de cette discussion, je vous demande, messieurs, au nom de la section centrale, de vous borner à allouer le crédit que la loi vous oblige d'accorder. N'allez pas au-delà, je vous en prie, les circonstances ne le permettent pas ; nos ressources diminuent, nos dépenses obligatoires augmentent, ce n'est pas dans une situation semblable qu'il convient d'élever la dotation du personnel de l’enseignement supérieur. Un crédit de 550,000 francs paraît devoir suffire, s'il est bien réparti, et je termine.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, l'honorable M. de Man, qui parle sans cesse de sa modération, a une étrange manière de discuter. Sur ses lèvres comme sous sa plume toutes les questions prennent un caractère personnel. C'est tantôt l'ancien ministère, tantôt tous les fonctionnaires d'un département ministériel, qui sont l'objet de ses attaques.

Aujourd'hui c'est le personnel enseignant de nos universités, et après lui avoir adressé une mercuriale imméritée, c'est le ministre en fonction qu'il prend, en quelque sorte, corps à corps, et à qui il adresse des expressions d'un caractère extra-parlementaire que l'on ne devrait pas faire entendre ici.

Messieurs, je ne comprends pas qu'on se serve d'un langage aussi peu mesuré que celui dont vient de faire usage l'honorable rapporteur de la section centrale ; cela n'est permis nulle part. Dans le parlement surtout on devrait être plus sobre. Je ne m'attendais pas à trouver ici des exemples de cette nature.

Maintenant, je vais m'expliquer sur les faits.

Il ne faut pas que l'honorable M. de Man s'imagine que les faits qu'il vient d'exposer soient parfaitement conformes à ce qui s'est passé. L'honorable membre a fait allusion à des explications données sur le personnel, sur la manière dont quelques professeurs remplissent leurs fonctions.

Interpellé sur des faits particuliers, j'ai fait connaître à l'honorable rapporteur et à la section centrale qu'il y avait, en effet, certains professeurs qui se trouvaient momentanément dans l’impossibilité de remplir leurs fonctions ; et, messieurs, après les explications que j'ai données dans le cours de la discussion, cela paraît-il étrange le moins du monde ? N'ai-je pas dit qu'il y a des professeurs que l'âge, la maladie ou des causes passagères avaient placés dans l'impossibilité de donner leurs cours, et qu'il a fallu faire appel au dévouement d'agrégés ? Et voilà quelques faits isolés, comme il s'en rencontre dans tous les corps nombreux, que l'honorable M. de Man généralise, et auxquels il donne un caractère qui n'a jamais été dans ma pensée ni dans mes expressions. Le moins qu'on puisse faire quand on s'érige en censeur, et qu'on distribue le blâme d'une manière si générale à tous les fonctionnaires d'un département ministériel, c'est d'avoir de la mémoire et de ne pas perdre de vue la pensée de celui à qui on a demandé et dont on a obtenu des renseignements.

Quand l'honorable M. de Man, venant un jour dans mon cabinet, m'a cité un fait particulier, relativement à un professeur qui se trouvait dans un état de santé de nature à inspirer bien plutôt des égards que du blâme, quand il m'a demandé ce que je comptais faire, je lui ai répondu que ce professeur se trouvait dans un état de quasi-disponibilité, et que quand le moment serait venu j'aviserais à un moyen équitable. Quelques jours plus tard, l’honorable M. de Man m'a demandé s'il convenait de mentionner ces faits dans le rapport de la section centrale ; je lui ai répondu que tout ce qui avait un caractère personnel n'était pas de nature à passer dans un document officiel, et je le priai de s'en abstenir.

Je vous le demande, messieurs, y a-t-il la moindre analogie entre les faits particuliers que je viens de rappeler et le blâme sévère infligé d'une manière générale au corps enseignant ? J'affirme, à mon tour, que dans la manière dont l’honorable M. de Man s'explique au sujet des renseignements que j'ai donnés en section centrale, et de son entretien avec moi, il a très mal saisi la portée de mes paroles et il leur a donné une extension qu'elles n'ont jamais eue dans ma pensée.

Je dis à mon tour que quand on se montre si sévère envers les autres, il importe d'être, beaucoup plus exact dans ses souvenirs que l'honorable rapporteur de la section centrale.

Je ne relèverai pas, dans cette enceinte, l’expression extra-parlementaire que l'honorable M. de Man s'est permise au début de son discours. Je respecte trop la Chambre pour lui donner à mon tour l'exemple de cet oubli de la modération dont M. le rapporteur vient de nous offrir l'affligeant spectacle.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Il est évident, messieurs, que l'honorable ministre de l'intérieur manque de mémoire ; cela mérite beaucoup d'indulgence. Car à la manière dont M. le ministre de l'intérieur m'a répondu, il est évident qu'il ne m'a pas compris ; je vais le prouver.

M. le ministre fait allusion à une conversation que j'aurais eue avec lui dans son cabinet. Je n'ai pas conservé le souvenir de cette conversation, à moins que ce ne soit la visite que je lui ai faite pour lui demander s'il consentait à ce que le paragraphe qui fait le sujet de cet incident fût porté dans le rapport comme émanant de lui.

Or, il ne s'agit pas ici de conversation particulière, il s'agit d'une déclaration faite en pleine section centrale, et j'en appelle au témoignage de tous mes collègues ici présents. M. le ministre de l'intérieur a déclaré que des professeurs des universités de l'Etal ne donnent pas leurs cours ou les donnent d'une manière incomplète.

L'on me reproche ma manière de discuter, elle a un caractère personnel, dit-on ; c'est bien à l'honorable M. Piercot qu'il appartient de me donner des leçons à cet égard, lui qui cherche à m'isoler sans cesse de la section centrale !

D'ailleurs, qui est-ce qui a pris l'initiative de cet incident ? N'est-ce pas M. le ministre de l'intérieur lui-même ? Et cela à propos d'un paragraphe qu'il a eu quelque sorte dicté lui-même à la section centrale, dont je ne suis que l'organe.

L'honorable M. Piercot oublie trop souvent, il oublie que la section centrale elle-même n'est, après tout, que l'expression de la Chambre et qu'il devrait respecter davantage ses observations et ses avis. Il est ici pour se défendre, comme on le lui a dit l'autre jour, et non pas pour prendre une position agressive. Combien de fois n'ai-je pas entendu tenir ce langage sur les bancs de la gauche, quand elle était minorité ! Et à cette époque il y avait cette différence, c'est que ceux qui occupaient les bancs des ministres étaient les représentants du pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je ne sais pas s'il faut encore une fois repousser des paroles blessantes dont je croyais avoir fait justice il y a peu de jours. L'honorable membre en reproduisant ses attaques contre un ministère choisi en dehors du parlement, me semble oublier que la Couronne choisit constitutionnellement ses ministres comme elle l'entend.

J'ajouterai qu'un ministère que les circonstances ont fait constituer en dehors des Chambres comprend tout aussi bien la dignité de la législature que celle du gouvernement. Il respecte les prérogatives de la Chambre, et il s'efforce de maintenir la dignité du gouvernement.

En ce qui concerne son indépendance, je crois pouvoir affirmer qu'elle est complète, et qu'elle ne le cède en rien à celle de l'honorable membre auquel je réponds. Contrairement aux insinuations que je combats, nous sommes entièrement indépendants de toute influence locale. Libres dans nos appréciations comme dans les propositions que nous soumettons aux Chambres, nous ne consultons que l'intérêt du pays, et je ne pense pas qu'il faille avoir vieilli sur ces bancs, comme quelques paroles imprudentes viennent de le faire entendre, pour savoir ce que l'on doit à son pays, et ce que l'on se doit à soi-même.

Je prie l'honorable membre de cesser des récriminations du genre de celles qu'il vient de se permettre. Elles n'ont d'autre résultat que de jeter de l'irritation dans une discussion qui ne s'est déjà que trop prolongée, et elles ne peuvent que nuire aux intérêts que nous avons tous mission de protéger.

M. Dumortier. - Il y a vraiment quelque chose de déplorable dans la manière de discuter de M. le ministre de l'intérieur ; dans son système constant de généraliser des faits spéciaux et d'attaquer comme il le fait l’honorable rapporteur de la section centrale. (Interruption.) Vous l'avez attaqué dans les termes les plus durs et les plus offensants, et vous avez généralisé des faits particuliers, je vais le démontrer.

Que porte le rapport ? Que quelques professeurs des universités ne donnent pas leurs cours. Eh bien, messieurs, veuillez-le remarquer, toute l'agression de M. le ministre reposait sur cette supposition qui n'est point vraie, que l'honorable M. de Man aurait attaqué tous les professeurs. Est-ce ainsi que les choses doivent se passer dans un parlement ?

M. le ministre de l'intérieur, débarqué d'hier dans cette enceinte, se plaît à donner à la Chambre des leçons sur la manière dont il faut se (page 629) conduire dans les discussions parlementaires, généraliser des faits qui sont particuliers ; mais il devrait savoir que généraliser un fait particulier, c'est sortir de l'exacte et sincère vérité.

Maintenant, le fait, quel est-il ? Quelques professeurs dans les universités de l'Etat ne donnent pas leurs cours ; or, il est positif que ceci a été déclaré eu termes exprès par M. le ministre de l'intérieur dans le sein de la section centrale à laquelle j'avais l’honneur d'appartenir ; il ne nous a pas donné alors les explications dans lesquelles il est entré aujourd'hui ; il s'est borné à dire qu'il y avait des professeurs qui ne donnaient pas leurs cours. M. le ministre nous dit aujourd'hui pourquoi ces professeurs ne donnent pas leurs cours ; ces motifs peuvent être vrais, je ne veux pas en contester l'exactitude ; mais il est de fait que dans le sein de la section centrale, M. le ministre de l'intérieur, pour appuyer sa demande d'augmentation de crédit, a fait valoir ce motif, que plusieurs professeurs ne donnaient pas leurs cours.

En présence de cette déclaration, quel était le devoir de la section centrale ? C'était de signaler cet abus à la législature. Si la section centrale, ayant connaissance de l'abus signalé par M. le ministre lui-même, l'avait dissimulé à l'assemblée, elle aurait manqué au plus sacré de ses devoirs.

Nous membres de la section centrale, nous avons été chargés par vous dans les sections de nous enquérir de la vérité des faits devons signaler les abus. Une section centrale qui n'agirait pas de la sorte, faillirait, je le répète, au plus impérieux de ses devoirs. C'est ainsi que depuis vingt ans le parlement l'a toujours entendu.

Nous sommes chargés de signaler à la Chambre ce que nous croyons des abus.

Si la Chambre trouve que les abus qu'on lui dénonce sont réels et qu'il y a lieu de les réformer, elle les réforme ; si l'abus dénoncé n'existe pas, elle s'abstient. Mais le devoir d'une section centrale et de son rapporteur, c'est de ne pas hésiter à faire connaître un abus. Or, qui peut contester que ce ne soit un véritable abus de voir des personnes payées pour remplir une fonction, s'abstenir de la remplir ? Mais, si un juge, nommé à une fonction déterminée, ne remplissait pas cette fonction, n'y aurait-il pas là un véritable abus ? Si un gouverneur, nommé à une, fonction déterminée, ne remplissait pas cette fonction, encore une fois n'y aurait-il pas là un véritable abus ?

Maintenant, que dans le corps professoral des universités de l'Etat il se passe quelques abus, peut-on en douter ? M. le ministre de l'intérieur l'a dit lui-même dans le sein de la section centrale ; pourquoi donc se récrie-t-il aujourd'hui si vivement contre l'honorable rapporteur qui n'a fait que reproduire dans son rapport ce que le ministre avait dit ?

Je déclare moi, que s'il y a des professeurs incapables d'exercer leurs fonctions, le gouvernement a un devoir à remplir : c'est d'user, à l'égard de ces professeurs, de la loi sur les pensions. Puisqu'ils ne sont plus capables de remplir leurs fonctions, ils ne doivent plus rester dans les rangs du corps professoral. C'est ainsi qu'on procède au département de la guerre ; lorsqu'un officier ne peut plus remplir ses fonctions, on lui dit : Vous ne pouvez plus rester dans les rangs de l'armée.

- La discussion sur l'incident est close.

La suite de la discussion sur l'article 69 est remise à demain.

La séance est levée à 4 heures 1/2.