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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 8 février 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 637) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Maertens lit le procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Canne demande que les houilles, les fontes et les fers soient soumis à un simple droit fiscal qui n'excède pas 10 p. c. de la valeur. »

« Même demande du conseil communal d'Ebcn-Emael. »

« Même demande du conseil communal de Millen. »

« Même demande du conseil communal de Membruggen. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Les sieurs Meynne, Desmit et autres membres de l'administration de la société dite « de Havenzonen » à Nieuport, demandent que la langue flamande ait sa part dans l’enseignement agricole et dans le projet de loi sur l'organisation des cours d'assises.

« Même demande des sieurs Braecke, Van Tomme et autres membres de cette société. »

« Même demande des sieurs de Clercq, Loontjens et autres habitants de Nevele. »

« Même demande des sieurs Hoornaert, Missiaen et autres membres de la société de rhétorique de Waereghem. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.

« Les habitants de Ninove déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

« Même déclaration des sieurs Berlemont, Missiaent et autres membres de la Société du Lion de Flandre à Courtrai. »

« Même déclaration des sieurs Vaudenhoute, Rillaert et autres membres de la société flamande dite « de NoordSter ».

« Même déclaration des sieurs Verbrugge et Delcroix, membres de l'administration de la société dite « de Morgenstar », à Bruxelles. »

« Même déclaration d'autres habitants de Bruxelles. »

« Même déclaration des sieurs Poupaert, Circkem et autres membres de la Société de Rhétorique à Bruges. »

« Même déclaration d'habitants de Nieuport. »

« Même déclaration des sieurs Dekeyser, Florizoone et autres membres de la confrérie des tailleurs à Nieuport. »

« Mêrae déclaration des sieurs Den Deken, Herreman et autres membres de la confrérie des bottiers à Nieuport. »

« Même déclaration des membres de la société dite « de Wyngaerd » à Bruxelles. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Les membres du comité de direction et de surveillance des travaux du chemin de grande communication de Kersbeck-Miscom à Winghe-St-Georges, demandent l'achèvement du pavage de ce chemin. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« Le sieur J.-B. Decat prie la Chambre de lui faire obtenir la pension dont jouissent les blessés de septembre. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lamborelle réclame l'intervention de la Chambre pour rentrer dans l’armée avec son ancienne position de sergent-major, ou obtenir un emploi en rapport avec le grade qu'il a occupé. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Fraire-Fairoul demande la création d’un tribunal de première instance à Philippeville. »

« Même demande du conseil communal de Morialmé. »

« Même demande du conseil communal de Pesche. »

« Même demande du conseil communal de Fontenelle. »

« Même demande du conseil communal et des électeurs de Chastres. »

- Même renvoi.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XV. Enseignement supérieur

Article 69

M. de Man d'Attenrode. - En improvisant une réplique à des paroles prononcées à la fin de la séance d'hier, j'ai laissé échapper un mot qui a blessé M. le ministre de l'intérieur ; cela n'a rien de surprenait, j'étais sous l’impression d'une attaque violente, que rien ne justifiait.

Notre honorable président m'a engagé de retirer ce mot. Il m'est impossible de le lui refuser.

Je retire donc ce que cette expression peut avoir de blessant pour M. le ministre de l'intérieur.

Mais je suis d'accord avec la section centrale pour maintenir l'inexactitude des faits que j'ai énoncés dans la séance d'hier.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, puisque l'honorable rapporteur de la section centrale retire l'expression dont j'ai eu justement à me plaindre, sa déclaration me satisfait. Quant à l'affirmation qu'il vient de faire que les faits cités par lui sont exacts, je ne puis pas obliger l'honorable M. de Man à être de mon avis sur ces faits, mais je dois déclarer que je n'ai rien à retrancher des explications que j'ai données, et que s'il y a dans tout cela des malentendus, au moins il n'y a pas défaut de sincérité de ma part.

M. le président. - La discussion continue sur l'article 69.

M. Frère-Orban. - Messieurs, dans la séance d'hier, l'honorable M. de Theux me paraît avoir exposé exactement l'état de la législation en ce qui touche les professeurs et les agrégés de l'enseignement supérieur.

L'honorable ministre de l'intérieur a déclaré, à cette occasion, que l'augmentation qu'il sollicite, sera employée d'abord à augmenter les traitements des professeurs extraordinaires que l'on ferait passer à l'ordinariat, ensuite à élever un certain nombre d'agrégés au rang de professeurs ordinaires. Avec la somme disponible on ne pourra faire que très peu de chose en faveur de ces derniers ; mais l'honorable ministre a annoncé qu'au budget de 1855, il fera une proposition plus complète.

J'aurais désiré que cette proposition fût faite dès cette année, car il est juste d'améliorer la position des professeurs extraordinaires, comme il est juste de ne pas laisser la plupart des professeurs agrégés dans la position précaire où ils se trouvent maintenant. Mais il me semble que, obligé de choisir, c'est principalement aux agrégés qu'il faut songer celle année. L'an prochain on complétera ce qui restera à faire pour les professeurs extraordinaires.

Le système qui a été adopté a fait entrer un certain nombre de jeunes gens de mérite dans l'enseignement, et on leur a fait concevoir des espérances qui sont bien lentes à se réaliser. Beaucoup d'agrégés ont aujourd'hui fait leurs preuves et, il faut le dire, pendant un temps extrêmement long. Il y a des agrégés qui sont en exercice depuis huit ans, dix ans, douze ans. Il est tout à fait contraire à la dignité du pays que l'on réclame des services de ces hommes de science et qu'on ne les indemnise point.

Je pense, messieurs, que si le gouvernement faisait une déclaration dans le sens des observations que je viens de présenter, sa proposition ne serait plus combattue, et il obtiendrait alors, j'en suis convaincu, l'assentiment presque unanime de la Chambre. Il devrait déclarer que les augmentations qu'il demande ont principalement pour objet d'améliorer la position des agrégés, sauf à proposer au prochain budget ce qui manquerait pour compléter l'amélioration de position d'un certain nombre de professeurs extraordinaires.

(Erratum, page 668) La situation actuelle d’un certain nombre d’agrégés ne peut pas continuer plus longtemps.

M. de Theux. - Messieurs, je crois que l'honorable préopinant est dans l'erreur sur l'importance de la somme dont M. le ministre de l'intérieur pourra disposer en faveur de certains agrégés, si l'augmentation de 20,000 fr. est accueillie par la Chambre.

Aujourd'hui, déjà 13,700 fr. sont employés à donner des indemnités à quelques agrégés ; sur le crédit nouveau il restera disponible 9,100 fr. Ces deux sommes réunies font à peu près le traitement de six professeurs extraordinaires. Il n'y a que neuf agrégés qui reçoivent un traitement ; vous voyez donc, qu'avec le chiffre de 20,000 fr., M. le ministre se trouvera très à l'aise pour améliorer le sort de ceux de ces agrégés dont les titres à une nomination lui paraîtront le mieux fondés. Car il y aura un choix à faire entre les agrégés ; s'il est bon de pourvoir aux besoins réels, il est bon aussi de ne pas excéder les limites raisonnables.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, il ne faut pas perdre de vue que si le crédit de 20,000 francs est voté, le gouvernement n'aura de libre qu'une somme de 9,100 francs. Or, ce n'est pas avec cette somme que le gouvernement pourra pourvoir à l'amélioration du sort, tant des professeurs extraordinaires que des agrégés qui ont des titres à faire valoir. Mais ce que l'on fait aujourd'hui sera complété par une proposition que j'aurai l'honneur de faire dans le projet du budget de 1855.

La somme dont je pourrai dispeser au budget de 1854 servira donc à améliorer le sort de quelques agrégés et à venir en aide à certains professeurs extraordinaires.

M. Lelièvre. - J'ai demandé la parole pour appuyer les observations de l'honorable M. Frère et prier le gouvernement de les prendre en sérieuse considération. Je vois avec plaisir que le gouvernement partage cette opinion. Il est évident que la position des agrégés doit être améliorée en toute justice. C'est ce qu'exigent impérieusement les intérêts de l'instruction publique.

- La discussion est close.

(page 638) - L'article 69, avec le chiffre de 550,165 fr. demandé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Article 70

« Art. 70. Bourses. Matériel des universités : fr. 94,235. »

- Adopté.

Article 71

« Art. 71. Frais des jurys d'examen pour les grades académiques et pour le grade de professeur agrégé de l'enseignement moyen de l'un et de l'autre degré : fr. 52,000. »

M. Osy. - Messieurs, à l'occasion de l'article 71, j'aurai l'honneur de vous proposer une économie de 34,000 fr. ; j'espère qu'après les explications que je vais donner, M. le ministre de l'intérieur ne se refusera pas à appuyer ma demande qui est tout à fait basée sur les lois existantes.

Lors de la discussion sur l'enseignement supérieur, les honorables MM. de Mérode et Rodenbach vous ont proposé que pour arrêter les énormes dépenses du jury d'examen, on déciderait que le jury ne coûterait rien à l'Etat et que les membres du jury n'auraient droit qu'au produit des inscriptions.

L'honorable ministre d'alors s'est rallié sans discussion à la proposition de nos honorables collègues, et par l'article 58 de la loi, il a été décrété que les membres du jury n'auraient droit qu'au produit des frais d'examen payés par les récipiendaires ; il était bien décidé que le trésor ne devrait jamais contribuer au payement des jurys.

Dans la loi de 1849 on proposa d'allouer pour les dépenses des jurys une somme de 50 mille francs. Tout le monde devait croire que c'était pour le matériel et non pour le personnel. On adopta ce chiffre.

En 1851, je fis remarquer au ministre que parmi les observations consignées dans le cahier de la cour des comptes se trouvait mentionnée une irrégularité en ce qui concerne les jurys d'examen, que la recette des droits d'inscription ne se faisait pas, comme le veut la loi de comptabilité, par le trésor, mais par un fonctionnaire du département de l'intérieur.

L'honorable M. Veydt, qui était rapporteur du budget de l'exercice de 1851, proposa de porter de 30,000 à 50,000 fr. l'allocation pour les dépenses du jury ; je dirai, pour être exact, qu'au budget de 1851 se trouvait, dans les développements en marge, l'emploi de la somme primitivement votée ; il y avait au 4° : Frais de route et de séjour des membres du jury d'examen.

Cette note avait échappé à mon attention, comme à celle de tous nos honorables collègues. Comme nous avions voté antérieurement une loi portant que le jury ne coûterait rien à l'Etat et ne serait payé que sur le produit des droits d'inscription versés par les jeunes gens qui se présenteraient aux examens, je ne pouvais pas supposer que ces 50,000 fr. pouvaient servir à éluder l'article 58 de la loi. Je pensais que ces 50,000 fr. étaient destinés à régulariser les opérations, c'est-à-dire qu'on aurait porté en recettes les sommes payées par les jeunes gens et la même somme aux dépenses pour ordre.

Les observations de la cour des comptes me prouvent que le gouvernement n'a pas suivi cette marche et que, nonobstant l'article 58 de la loi, nous avons payé une somme approchant 40 mille fr. au-delà de ce que voulait l'amendement de nos collègues qui a été accueilli par le ministre de l'intérieur sans aucune observation.

Je me suis rendu à la cour des comptes et j'ai vu que sur le crédit de 50 mille fr., 18 mille seulement ont été appliqués au matériel et 34 mille ont été appliqués au payement des frais de route et de séjour de MM. les professeurs.

Cependant vous voyez tous dans le Moniteur comment se fait le décompte. J'ai en main le décompte extrait du Moniteur de 1853. J'y trouve que la somme payée par les élèves est de 79,000 fr. ; maintenant si j'ajoute à cette somme les 34,000 fr. prélevés sur le crédit de 50,000 fr. je trouve que la somme payée aux membres des jurys d'examen s'élève à 113,000 fr.

Vous voyez, messieurs, que c'est tout à fait contraire à ce que nous avons décrété en 1849. Il est temps que nous mettions à exécution l'article 58 de la loi et que le trésor ne soit plus obligé de payer ce que la loi n'exige pas.

J’ai donc l'honneur de proposer, de concert avec l'honorable M. de Man qui a attiré mon intention sur cet objet, l'amendement suivant. Nous portons au budget des dépenses pour ordre la somme de 75,000 fr., représentant les frais d'inscription payés par les élèves de nos universités, et nous ajoutons que cette somme n'est pas limitative.

Si les inscriptions se montrent à 80,000 fr. les examinateurs recevront 80,000 fr. Mais par contre, nous porterons au budget des voies et moyens la même somme de 75,000 fr., et là aussi elle ne sera pas limitative. Vous aurez donc la même somme en recettes et en dépenses.

Je demande que cette somme soit portée au budget des voies et moyens, parce qu'il est plus que temps que nous rentrions dans la régularité que veut la loi de comptabilité. Il n'est pas convenable qu'un employé du département de l'intérieur ait une caisse chez lui. La loi de comptabilité exige que tous les deniers soient versés dans les caisses de l'Etat, et mandatés et visés par la cour des comptes.

Ainsi, les élèves qui voudront passer leurs examens auront à verser dans les caisses de l'Etat les frais d'inscription, et les membres des jurys d'examen seront payés sur mandat de la somme qui leur reviendra, après décompte.

Comme il faut une somme pour le matériel, nous proposons de faire un article 72, et nous accordons au gouvernement 18,000 fr. pour le matériel. Nous n'avons pas voulu diminuer cette somme pour éviter sur ce point une longue discussion. Cependant, je prierai M. le ministre de l'intérieur de remarquer qu'avant la loi de 1849, le matériel pour les jurys d'examen ne coûtait que 12,000 fr.

Aujourd'hui d'après l'état qui nous a été fourni par la cour des comptes, la dépense se monte à 18,000 fr. Nous engageons M. le ministre de l'intérieur à examiner s'il n'est pas possible de faire une économie sur cette somme et de revenir aux errements de 1847.

J'espère, messieurs, que l'honorable ministre de l'intérieur voudra rentrer complètement dans les règles tracées par la loi de comptabilité et par l'article 58 de la loi sur l'instruction supérieure, qui veut que les jurys d'examen ne coûtent rien à l'Etat. Les honorables collègues de la Chambre qui ont discuté avec nous la loi de 1849, doivent se rappeler que c'était bien l'intention de nos honorables collègues, MM. Rodenbach et de Mérode.

Tous nous avons voulu que le trésor ne fît plus de sacrifices ; que le produit des inscriptions couvrît les frais des jurys d'examen.

Par la proposition que nous avons l'honneur de vous faire, nous rentrerons dans les règles tracées tant par la loi de comptabilité que par la loi sur l'instruction supérieure. (Interruption.)

M. le ministre des affaires étrangères me fait observer que le budget des voies et moyens pour 1854 est voté. Je le sais, mais nous indiquerons en marge du budget de l'intérieur, dans la colonne d'observations, 1° que le chiffre n'est pas limitatif ; 2° que le compte des recettes pour ordre devra comprendre la même somme.

M. le président. - Voici l'amendement proposé par MM. de Man et Osy :

« Nous proposons de libeller l'article 71 dans les termes suivants :

« Frais de route, indemnités de toute nature des membres des jurys d'examen pour les grades académiques et pour le grade de professeur de renseignement moyen. »

« Et de porter le crédit de cet article à 75,000 francs.

« D'ajouter dans la colonne des observations les mots :

« Ce chiffre n'est pas limitatif ; la dépense peut égaler le chiffre de la recette sans la dépasser.

« 2° Et par contre de renseigner dans le compte des recettes pour ordre les droits d'inscription pour les examens des jurys universitaires, conformément à l'article 42 de la loi sur la comptabilité publique.

« 3° De libeller l'article 72 dans ces termes :

« Dépense de matériel des divers jurys, salaire des huissiers, 18,000 francs. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je crois que la Chambre maintiendra le crédit qui est demandé par le gouvernement et qu'elle a voté chaque année en pleine connaissance de cause. Il suffira, pour vous convaincre que cette marche doit être suivie, de faire le parallèle entre les deux situations, celle de 1849, et la situation actuelle.

Avant 1849, le régime dont parle l'honorable M. Osy était, en effet, le seul mis en pratique, c'est-à-dire que la somme produite par les examens servait à couvrir toutes les indemnités dues aux membres des jurys. Mais la Chambre sait qu'à cette époque, il n'y avait qu'un seul jury, un jury central.

En 1849, le système a été changé. On a introduit le régime des jurys combinés. De plus la loi a voulu qu'autant que possible un professeur de chaque faculté assistât à l'examen. Il en est résulté, d'une part, une dépense beaucoup plus considérable en raison du grand nombre de professeurs qui devaient concourir au jury, et en second lieu des sessions de jurys plus nombreuses et plus longues.

D'autre part, messieurs, avant 1849, les frais des examens étaient beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont aujourd'hui. La loi de 1849, dans l'intérêt des élèves, a réduit considérablement ces frais, à tel point que, comme vous allez le voir par des chiffres, il a été reconnu, immédiatement après le vtle de la loi, qu'il était impossible de couvrir tous les frais avec les produits des examens.

Voici quelle était, avant 1849, la situation des membres du jury quant aux indemnités qu'ils recevaient : trois francs par heure d'examen leur étaient accordés. Ils recevaient dix fr. d'indemnité par journée de séjour et enfin un franc par lieue de voyage. Il y avait donc une triple base d'indemnité, et le tout était prélevé sur le montant des produits des examens.

En 1849, le système des jurys était changé dans le sens que je viens d'indiquer, l'article 58 de la loi a disposé ce qui suit :

« Les membres des jurys n'ont droit qu'au produit des frais d'examen, payés par les récipiendaires. » Or, messieurs, le produit de ces frais d'examen s'est trouvé affaibli dans des proportions énormes, à tel point que chaque examinateur n'a pu recevoir pour toute indemnité qu’une somme de 2 fr. 20 c. à 2 fr. 60 c. au maximum par heure d'examen, au lieu de 3 fr., qui était la limite antérieure à 1849, et 10 fr. par journée de séjour et un franc par lieue de voyage. C'est pour remédier à cette insuffisance de rémunération et pour assurer aux examinateurs une juste indemnité que le gouvernement a demandé un crédit spécial, qui a été accueilli dans chaque budget.

Et remarquez que la loi ne s'y opposait en aucune manière. La loi dit, en effet, que les membres du jury n'ont droit qu'au produit des frais d'examen payés par les récipiendaires, mais le gouvernement a toujours entendu et appliqué l'article en ce sens que le droit attribué aux membres du jury ne concerne que la participation aux examens, c'est-à-dire que l'indemnité due à raison de l'assistance aux examens (page 639) devait se prélever sur la rétribution payée par les récipiendaires, mais que cela est indépendant des frais de route et de séjour qu'il faut bien rembourser aux examinateurs, puisque l'Etat les appelle dans un but d'intérêt général.

Quelle serait donc la position d'un professeur s'il était réduit à fr. 2-20 par heure d'examen, et qu'il dût supporter ses frais de voyage et de séjour ? Il y a en moyenne 5 à 6 heures par jour d'examen, c'est une somme de 12 à 15 francs par journée pour chaque membre du jury. Messieurs, cela n'a pas paru possible, et je le répète, chaque fois un crédit spécial a été proposé à la Chambre et adopté par elle sans discussion.

M. Roussel. - Messieurs, au moyen de quelques observations, j'espère obtenir de l'honorable baron Osy, qu'il revienne d'une erreur dans laquelle il me paraît être tombé au sujet de la matière de son amendement.

D'abord, messieurs, il faut se rappeler que la loi de 1849, qui n'existe plus sur ce point, était une loi tout à fait provisoire, une loi d'essai. Cette loi avait permis l'établissement d'un système de jury d'examen, qui devait cesser de fonctionner il y a deux ans ; la loi ayant alors été prorogée, elle a duré jusqu'à la dernière session du jury.

Ainsi que je le faisais entrevoir tout à l'heure, cette loi n'avait pas, à proprement parler, organisé le jury d'examen ; elle s'était bornée à conférer au gouvernement le droit de faire cette organisation à titre d'essai, sur des bases indiquées. Qu'est-il résulté de là ? Que la comptabilité du jury d'examen, en ce qui concerne la rémunération donnée aux examinateurs, a dû se ressentir du provisoire de la loi elle-même.

Mais cette énonciation seule est déjà une réponse aux observations présentées par la cour des comptes, d'une part, et par l'honorable baron Osy, il y a deux ans, d'autre part, sur l'existence d'un comptable spécial pour les jurys d'examen au ministère de l'intérieur. Je dois dire, en conséquence, qu'il serait difficile d'agir autrement que le gouvernement ne l'a fait en cette circonstance. Il ne s'agissait pas d'asseoir définitivement l'institution créée par la loi ; il n'était question que d'un essai, non seulement quant au système de jury d'examen, mais aussi quant au mode de rémunération des jurés.

Ainsi, messieurs, je ne prétends point justifier l'utilité perpétuelle d'un agent comptable du jury d'examen au ministère de l'intérieur, mais je pense qu'on ne peut adresser de reproches fondés au gouvernement, pour avoir organisé les choses de cette manière, sous le régime provisoire de la loi de 1849.

Je crois que les honorables MM. Osy et de Man seront satisfaits de cette explication, car, en définitive, la loi de comptabilité est faite pour les cas ordinaires ; elle ne doit pas s'appliquer à des essais de partage d'une somme mise momentanément à la disposition de M. le ministre de l'intérieur et dont il n'est que dépositaire, en vertu d'une loi toute provisoire.

Pour ma part, je suis persuadé que si l'honorable M. Osy avait été ministre de l'intérieur il aurait agi à peu près de la même façon que M. Rogier.

Il est vrai que la loi de 1849 avait déclaré que la rémunération serait prise sur le produit de la taxe payée par les récipiendaires ; mais cette même loi avait autorisé l'établissement par le Roi d'un chiffre normal pour la rétribution des présidents des jurys.

Il y avait en cela quelque chose d'impossible et de contradictoire ; le montant de la taxe payée par les récipiendaires étant essentiellement variable et la rétribution accordée aux présidents des jurys étant fixe, il devait résulter que la taxe des élèves pouvait ne point suffire à payer 1° l'indemnité du président fixée par l'arrêté organique, 2° la rétribution bien minime accordée aux examinateurs, je dis, bien minime, puisqu'il est arrivé qu'ils n'ont eu que 1 fr. 63 c. par heure, si je ne me trompe.

Permettez-moi de dire en passant qu'il est peu digne de l'Etat belge de rémunérer ainsi des hommes de science qui s'occupent d'examiner des élèves.

La taxe payée par les récipiendaires était à peine suffisante pour faire face à ces deux objets et pourtant il restait 3° à restituer aux examinateurs leurs frais de voyage et de séjour ; sans cela le professeur de Liège, par exemple, eût dû se rendre à Bruxelles, à ses frais, et y séjourner à ses frais pour recevoir 1 fr. 63 centimes par heure d'examen, ce qui eût été absurde d'iniquité.

Dans ces conjonctures que fit le ministre de l'intérieur, l'honorable M. Rogier ? Il agit comme tout le monde eût fait à sa place ; il vint demander qu'on inscrivît au budget un crédit destiné à rembourser à MM. les examinateurs les frais de route et de séjour. Cette demande n'a pas soulevé l'ombre d'une objection dans la Chambre : la section centrale, à l'unanimité, avait accueilli la demande de ce crédit ; tout le monde était convaincu qu'il était indispensable.

Maintenant, je le demande, est-il opportun de soulever cette question ? Vous ne tarderez pas, messieurs, à être saisis d'un projet définitif sur le jury ; si le gouvernement néglige ce devoir, l'initiative parlementaire s'exercera.

Alors viendra le moment de rechercher le meilleur moyen d'indemniser les membres du jury. Je ne pense donc pas qu'à l'occasion d'un budget, alors surtout que nous sommes à la veille d'une loi nouvelle et définitive, il soit possible d'admettre la proposition des honorables MM. Osy et de Man.

J'estime donc que ces honorables collègues feraient bien de la retirer ou de l'ajourner.

(page 648) M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai présenté avec mon honorable ami le baron Osy l'amendement qui vient d'être développé ; je viens l'apprécier à mon tour.

La justification de cette proposition demande quelque attention. Je tâcherai d'être aussi clair que possible.

M. le ministre de l'intérieur vient de déclarer qu'il ne peut se rallier à cette proposition parce que les frais des jurys d'examen exigent une dépense plus considérable qu'autrefois ; et, en second lieu, parce que le système établi par son prédécesseur et encore en vigueur aujourd'hui ne laisse rien à désirer quant à la légalité, et que la marche adoptée est conforme aux lois.

(page 649) Je répondrai d'abord que si les frais des jurys d'examen exigent de dépenses pins considérables aujourd'hui qu'autrefois, il eût été facile au gouvernement de se procurer les moyens nécessaires pour les couvrir. C'était de demander franchement des crédits réguliers : c'est ce qu'il n'a jamais fait, parce qu'il prévoyait un accueil défavorable.

On s'y est donc pris d'une tout autre façon, et c'est ici qu'il me sera facile d'établir (contrairement à ce que vient de déclarer l'honorable M. Piercot) que la marche adoptée n'est pas conforme à nos lois.

Il est nécessaire, pour vous le démontrer, de reporter vos souvenirs vers l'année 1848.

En 1848, on était d'accord pour se plaindre de la dépense excessive amenée par l'examen des candidats qui se présentaient pour obtenir des grades universitaires. Le crédit porté au budget pour l'exercice 1847 et les années précédentes s'élevait à 92,000 fr. et chaque année l'on présentait des demandes de crédits supplémentaires, qui portaient la dépense réelle à 121,000 fr. par an et au-delà.

La cour des comptes elle-même fit des observations sur l'exagération des indemnités payées aux professeurs. En 1848, lois de la discussion de la loi transitoire, concernant les jurys d'examen, l'honorable M. Rodenbach se fit l'organe de ces plaintes et présenta un amendement dont le sens était celui-ci : « Dorénavant les dépenses des jurys d'examen ne dépasseront pas le chiffre de la recette. » L'amendement fut déposé par l'honorable M. Rodenbach, conjointement avec l'honorable M. de Mérode et personne ne s'éleva dans cette enceinte pour le combattre.

Voici ce que portait la proposition de ces honorables députés :

« Les frais d'examen ne dépasseront pas le produit des inscriptions. Dans cette limite un arrêté royal réglera la distribution des indemnités à délivrer aux membres du jury d'examen. » |

L'honorable M. Rodenbach motiva sa proposition en ces termes : (Voir pages 189 et 231 des Annales parlementaires 1830-1851.)

« La rétribution, disait-il, servira à payer les examinateurs. Le gou-vernement fera un règlement. Il s'ensuivra que le gouvernement ne payera rien du tout pour les examens. Au lieu de 122,000 fr. que nous payons maintenant, on ne payera plus que 40,000 à 50,000 fr. ;

« C'est une somme excessive que 122,000 fr. Par l'arrêté-loi du 21 juin 1844, on alloue aux membres des jurys d'examen pour frais de séjour et de voyage 10 fr., et pour jeton par heure d'examen 5 fr. »

Ainsi, remarquez-le, messieurs, l’intention de l'auteur de la proposition était que la recette des jurys fît face aux frais de séjour et de voyage, à toutes les dépenses, en un mot.

L'honorable M. Rodenbach ajouta encore les paroles suivantes :

« Je pense que cette rétribution est exorbitante. Il est des examinateurs qui reçoivent ainsi la moitié de leurs appointements. Pour certains d'entre eux c'est un cumul. »

L'honorable député motivait encore sa proposition sur les circonstances, qui exigeaient d'être économes des deniers publics ; or, les mêmes motifs n'existent-ils pas encore aujourd'hui ?

Mon honorable ami M. Osy, après s'être élevé contre les prodigalités du système suivi jusqu'à cette époque, donna son appui à la proposition de MM. de Mérode et Rodenbach.

L'honorable M. Tielemans, aujourd'hui conseiller à la cour, y donna aussi son adhésion.

L'honorable M. Verhaegen appuya également le principe de l'amendement, parce qu'il devait en résulter des économies.

L'honorable M. H. de Brouckere ne s'opposera pas à ce que la proposition fût adoptée immédiatement, pourvu que le gouvernement eût un pouvoir discrétionnaire pour aplanir les difficultés que cet amendement pourrait soulever dans son application.

Enfin l'honorable M. Rogier, ministre de l'intérieur à cette époque, s'y rallia sans difficulté. Voici les termes dans lesquels il s'est exprimé :

« Je crois, disait-il, qu'il est juste que le trésor public ne dépense rien au-delà du produit des inscriptions pour la collation des grades.

« Je ne fais donc pas de difficulté de me rallier à la proposition de MM. Rodenbach et de Mérode. On a insisté auprès du gouvernement pour qu'il entrât dans une large voie d'économie. Nous ne voulons pas faire des promesses ni prendre des engagements que nous ne serions pas en position de tenir, mais nous pouvons annoncer à la Chambre, que le cabinet s'est mis complètement d'accord sur la nécessité d'introduire dans les dépenses du budget le plus grand nombre d'économies possible...

« L'intention du gouvernement, ajoutait l'honorable M. Rogier, d'accord en cela avec les intentions de la Chambre, est de réduire, de supprimer toutes les dépenses qui n'auraient pas un caractère évident d'utilité.

« En ce qui concerne les jurys d'examen, je le répète, je me rallie à la proposition des deux honorables collègues. Nous verrons pour la prochaine organisation des jurys, s'il y a d'autres économies à introduire dans ce service. »

C'était la saison des économies que cette époque-là ! qu'en dites-vous, messieurs ? Nous en sommes loin. Que sont devenues ces promesses, ces engagements ? On en a quelque peu rappelé.

La proposition de MM. de Mérode et Rodenbach fut adoptée à l'unanimité de 74 voix ; 1 membre s'est abstenu pour des motifs étrangers à la proposition.

Cette proposition devient l'article 2 de la loi transitoire du 18 avril 1848, cet article est ainsi conçu :

« Les frais d'examen ne dépasseront pas le produit des inscriptions. Dans cette limite, un arrêté royal réglera la distribution des indemnités à délivrer aux membres du jury d'examen. »

Et le principe a passé ensuite sans observations du gouvernement dans les articles 58 et 59 de la loi qui a régi la matière jusqu'à ce jour ; la loi du 15 juillet 1849.

Cette prescription fut respectée pour les exercices 1848, 1849 et 1850. Aussi la dépense, qui s'était élevée en 1847 à 121,000 fr., fut-elle réduite à 68,504 fr. 23 c ; il ne fut plus question de crédit supplémentaire.

Voici ce que disait l'honorable rapporteur du budget de l’intérieur pour 1851, M. Prévinaire, dans le rapport de la section centrale.

« Le montant des inscriptions s'est élevé en 1848 à 59,850 fr. et la dépense à 57,420 fr. Les dépenses n'ont donc pas, disait M. le rapporteur, excédé les limites déterminées par les lois des 18 avril 1848 et 15 juillet 1849. »

Ainsi, messieurs, à cette époque, la section centrale constatait avec satisfaction que la dépense avait été réduite et que l'administration avait respecté les dispositions introduites dans nos lois par suite de l'adoption de l'amendement des honorables MM. Rodenbach et de Mérode.

Mais cela n'a pas eu une longue durée.

Lors de la présentation du budget de 1851, le gouvernement y inscrivit un crédit de 30,000 fr. accompagné de libellé ordinaire : « Frais des jurys d'examen. »

Il semblait donc que cette somme était destinée à suffire à tous les frais des jurys. Il n'en était rien cependant. La colonne des observations porte, il est vrai, une note dans laquelle est indiqué l'emploi que devait recevoir ce crédit.

Voici les termes de cette note :

« Cette différence en moins est la conséquence de la nouvelle loi sur l'enseignement supérieur ; la somme proposée doit pourvoir aux objets suivants : loyer, indemnité des huissiers, matériel, frais de route et de séjour des membres du jury. »

Vous le savez par expérience, on lit peu les notes insérées dans les colonnes d'observations ; cette note commençait d'ailleurs en disant qu'il y avait une différence en moins. cette note a donc passé inaperçue.

Les sections, la section centrale dont l'honorable M. Veydt était le rapporteur, ne firent aucune observation.

Le gouvernement comprit qu'il pouvait revenir un peu de ce qu'on était convenu d'appeler « réduction », et il proposa à la section centrale de porter le crédit de 30,000 à 50,000 fr. La section centrale y consentit, et voici ce que dit son rapport (page 16) : « La diminution porte sur l'article relatif aux frais du jury d'examen pour les grades académiques ; on verra plus loin qu'elle ne peut être entièrement maintenue. »

Vient ensuite une citation d'une lettre du département de l’intérieur. Puis la section centrale termine par ces mots : « D'après ce que l'administration a annoncé dans la note qui se trouve à la page 29 du projet de budget, les frais de route et de séjour des examinateurs seront désormais prélevés sur le trésor public. Toutefois cette imputation rendra insuffisante l'allocation de 30,000 fr. demandée pour le service du jury, allocation qui était au budget de 1850 de 62,000, et qui ne figure que pour 30,000 dans le projet de budget de 1851. »

« A l'époque où ce chiffre fut proposé, l'expérience n'avait point encore permis d'apprécier les besoins réels des jurys sous l'empire de la loi de 1849.

« D'après ces considérations, le crédit devra être porté à la somme de 50,000 fr. »

« L'augmentation de 20,000 fr. a été adoptée par la section centrale, disait l'honorable M. Veydt, qui propose en conséquence d'élever le chiffre de l'article 68 de 30,000 à 50,000 francs.

« Si la Chambre l'approuve, il n'y aura plus qu'une diminution de 12,000 francs sur le chapitre de l'enseignement supérieur, comparativement au crédit vtlé dans le budget de 1850. a

Veuillez le remarquer, messieurs, comment débute la note insérée au projet de budget ? Par les mots : « différence en moins ».

Comment la note de la section centrale commence-t-eile et se termine-t-elle ? Par le mot : « diminution ».

Aussi, messieurs, personne, dans cette Chambre, je crois pouvoir l'affirmer sans être démenti, n'a compris la portée du changement introduit à l'article concernant les frais du jury.

C'est ce qui explique, qu'à la séance du 5 décembre 1850, le crédit de 30,000 porté à 50,000 francs a été mis aux voix et adopté sans observations.

Qui est-ce qui aurait pu supposer, en effet, qu'il était question de soustraire la recette des jurys au trésor public, d'en faire disparaître le chiffre au budget des voies et moyens ?

Qui aurait pu supposer qu'il s'agissait de supprimer la plus grande partie de la dépense du budget de l'intérieur ?

Personne ne pouvait supposer, à la manière dont cette question avait été exposée dans le rapport de la section centrale, qu'au lieu d'une réduction de 12,000 fr., nous votions une augmentation de 50,000 fr.

Car voici ce qui est arrivé par suite d'un arrêté royal publié le 24 juillet 1850.

(page 650) Le chiffre de la dépense totale renseignée au budget de l'exercice 1850, comprenant intégralement tous les frais des jurys, s'élevait à 62000 fr., mais il y avait compensation, une recette au moins équivalente était portée au budget des voies et moyens et versée au trésor.

Tandis que par le procédé introduit par l'arrêté du 24 juillet, la dépense et la recette disparaissent de nos budgets, et nous votions en plus 50,000 fr. pour frais de route, matériel, etc.

Voilà ce qui n'a pas été compris, voilà ce qui pouvait difficilement se comprendre à la manière dont cette question a été introduite dans le budget de 1851, et exposée par la section centrale. Aussi n'a-t-on pas adressé en 1850, au rapport de la section centrale du budget de 1851, les reproches de mauvais vouloir qu'on a adressés, et que l'on adresse tous les jours encore, au rapporteur du budget de l'exercice 1854, dont l'indiscrétion dépasse toutes les limites !

Examinons maintenant si, comme l'honorable M. Piercot, ministre de l'intérieur, l'a déclaré tantôt, les dispositions de l'arrêté du 24 juillet 1850 sont conformes à nos lois.

D'après l'article 5 de cet arrêté, le produit des inscriptions cesse d'être versé au trésor public. D'après l'article 31, le ministre de l'intérieur accorde décharge à un agent comptable d'une caisse constituée à ce département.

Quelle est la conséquence de ces dispositions ?

C'est que la recette et la dépense cessent d'être portées au budget.

L'article 113 de la Constitution exige au contraire qae toutes les recettes et les dépenses soient portées au budget.

C'est que la recelte des inscriptions cesse d'être versée au trésor public pour le compte du département des finances.

Or, l'article 5 de la loi sur la comptabilité est ainsi conçu :

« Toute entrée de fonds dans les caisses publiques, quel que soit le service auquel ils appartiennent, a lieu pour le compte du département, des finances, qui en centralise le montant dans les livres et la comptabilité de la trésorerie générale. »

C'est que la recette et la dépense sont soustraites au contrôle de la cour des comptes.

Or, l'article 17 paragraphe 2 de la loi sur la comptabilité publique veut ce qui suit :

« Qu'aucune sortie de fonds ne puisse se faire sans le concours du ministre des finances et sans le visa préalable et la liquidation de la cour des comptes, sauf les exceptions établies par la loi. »

Enfin, cet arrêté, je viens de vous le dire, charge le ministre de l'intérieur d'accorder décharge au comptable ; or, je ne reconnais qu'à la cour des comptes le pouvoir d'accorder une décharge à un comptable légalement constitué.

Enfin, messieurs, cet arrêté invoque dans ses considérants les articles 58 et 59 de la loi du 15 juillet 1849, dispositions introduites dans la loi par suite de l'amendement Rodenbach-Mérode et destinées à réduire la dépense, tandis que l'arrêté du 24 juillet 1850 a été rendu au contraire pour l'augmenter !

Aussi, messieurs, la cour des comptes dans ses cahiers d'observations publiés en 1850 et 1851 a-t elle protesté contre les atteintes que l'arrêté royal du 24 juillet porte à l'article 113 de la Constitution et aux articles 5 et 17 de la loi de comptabilité, etc., etc.

Le contrôle de la cour a été supprimé, et par suite le nôtre a disparu aussi, et cela est si vrai, que c'est précisément une demande adressée à la cour des comptes sur l'emploi du fonds des inscriptions, et à propos de laquelle je n'ai pas obtenu de réponse, c'est cette recherche qui m'a fait connaître la voie illégale dans laquelle le département de l'intérieur est entré, et qui m'a déterminé à vous en instruire.

Quelque temps après, et ceci peut répondre aux plaintes dont l'honorable M. Roussel s'est fait l'interprète, l'indemnité des présidents a été portée de 30 à 35 fr.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - C'est de 20 à 25 fr.

M. de Man d'Attenrode. - C'est de 30 à 35 fr. Si M. le ministre de la justice insiste, je lui citerai la date des arrêtés.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je dois en savoir quelque chose, j'ai été président de jury.

M. de Man d'Attenrode. - C'est précisément à cause de cette circonstance que je suis surpris que vous contestiez l'exactitude de ce que je viens d'avancer.

Ce que j'avance est exact : l'arrêté du 24 juillet 1850 a d'abord fixé à 20 fr. par jour de séance et à 10 fr. de frais de séjour l'indemnité des présidents ; ce qui fait 30 fr. par jour.

En 1851, on a jugé cette indemnité insuffisante, à ce qu'il paraît, et l'arrêté du 15 mars 1851 a porté de 20 à 25 fr. l'indemnité pour chaque jour de séance, outre 10 fr. par jour de frais de séjour et les frais de route.

Il faut convenir que MM. les présidents n'ont pas à se plaindre.

Voilà la conséquence de l'arrêté de 24 juillet 1850.

Aussi ne conçoit-on pas que l'on se soit permis, pour le motiver, d'invoquer les articles 58 et 59 de la loi de 1849, dispositions qui ont été introduites dans cette loi, parce que la Chambre, en adoptant la proposition de MM. Rodenbach et de Mérode, a entendu réduire la dépense au lieu de l'augmenter.

Le libellé de l'article que l'on nous propose de voter dans ce moment n'est donc pas sincère.

Le chiffre du crédit qui y est annexé ne représente pas la somme totale de la dépense des jurys d'examen.

Le libellé est cependant ainsi conçu : « frais des jurys d'examen ».

Or, je dis que le budget doit exprimer toute la dépense, la Constitution elle-même le veut ainsi.

Si le gouvernement croit ce crédit insuffisant, qu'il fasse une demande d'augmentation ; elle sera examinée.

Cette observation m'amène à vous expliquer le sens des amendements que nous avons proposés ; l'honorable M. Osy et moi, nous vous proposons de porter à l'article 71 Frais des jurys, un crédit de 75,000 fr. destiné à payer les indemnités des examinateurs, les frais de séjour et de route. Ce chiffre égale à peu près celui de la recette ; pour 1853, il s'est élevé à environ 80,000 fr.

La colonne des observations du budget porterait ces mots :

« Ce chiffre n'est pas limitatif, la dépense peut égaler la recette sans la dépasser ».

Nous proposons ensuite de porter les recettes des inscriptions dans les comptes. Le paragraphe 2 de l'article 42 de la loi sur la comptabilité nous en fait une obligation et indique la marche à suivre. Voici comment il est conçu :

« Les comptes de chaque exercice doivent toujours être établis d'une manière uniforme avec les mêmes distributions que le budget dudit exercice, sauf les dépenses pour ordre qui n'y auraient pas été mentionnées et pour lesquelles il est fait des articles ou chapitres additionnels et séparés. »

A l'article 72, nous vous proposons de voter 18,000 fr. pour le matériel, pour les huissiers, pour location.

Or, messieurs, en 1848,1849 et 1850,le budget ne portai tpas d'article spécial pour ce service. Ce service était confondu avec les indemnités du corps enseignant ; la recette des inscriptions devait couvrir cette dépense comme les autres.

Nous consentons à faire cette concession pour aboutir à un système régulier. Ce crédit est même, je le crains, trop considérable, car les développements présentés par le gouvernement à la suite d'une demande de crédits supplémentaires en 1847 établit cette dépense à 12,168 francs.

Je crois d'autant plus que la somme de 18,000 francs dépasse les besoins, que le gouvernement pourrait fort bien se dispenser de louer avec le fonds des jurys d'examen, une maison située place des Barricades, qui ne sert plus qu'à loger la caisse des blessés de septembre, et le trop plein des archives du département de l'intérieur.

Il paraît que l'on en accumule une telle quantité, que les poutres ont cédé, et que nous avons eu à payer des réparations pour 3,000 francs.

Or, on nous a fait acquérir rue du Nord des bâtiments pour ce dépôt.

Je pense avoir suffisamment établi que le gouvernement, pour augmenter ses ressources, a usé de moyens qui sont en désaccord avec nos lois, que l'article 71 ne peut être voté dans les termes où il est présenté ; il n'indique pas les dépenses réelles des jurys d'examen. Vous ne pouvez pas, en votant cet article sanctionner un arrêté qui soustrait des recettes et des dépenses aux budgets et au contrôle de la cour des comptes et de la législature, contrairement à l'article 113 de notre pacte constitutionnel.

(page 639) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il y a une considération de fait qui domine toutes les observations qui viennent d'être présentées, c'est qu'il est impossible d'exiger des membres des jurys combinés et du jury central des déplacements et un emploi de temps considérable pour la modeste somme de 12 à 13 fr. par jour, y compris tous les frais et toutes les dépenses qu'ils sont obligés de faire.

Quand vous apprécierez sur quel pied sont réglées les indemnités payées aux professeurs, vous serez tous d'accord pour maintenir un chiffre qui figure au budget depuis plusieurs années. Or, les frais de voyage sont payés sur le pied de 50 centimes par lieue de 5,000 mètres, les frais de séjour sur le pied de 10 francs par jour, et l'assistance de chaque membre à raison de 12 à 13 fr. par jour au maximum. Est-ce là une situation qui puisse justifier les plaintes de la chambre au point de supprimer une partie du crédit porté au budget ?

Est-ce d'un autre côté faire une position honorable au gouvernement que de vouloir que les fonctionnaires et les professeurs qu'il appelle à siéger dans les jurys d'examen, se déplacent et viennent rendre des services au pays à leurs propres frais ? Jamais on ne l'a pensé, et depuis 1850, je le répète, c'est sans opposition que la somme de 52,000 fr. est votée.

Quant aux régularisations demandées dans le système de comptabilité suivi pour ces recettes et dépenses spéciales, c'est un point dont on pourra s'occuper quand on proposera la nouvelle loi sur les jurys.

On demande pourquoi la dépense du matériel est plus élevée qu'elle ne l'était antérieurement. C'est précisément parce que le système d'examen a été changé, parce que, au lieu d'un jury central vous avez eu des jurys combinés, et que pour chaque jury vous avez des frais de matériel.

La plupart de ces faits qui, quoi qu'on dise, doivent dominer votre décision, établissent qu'il est nécessaire de maintenir le système du gouvernement, surtout quand on apprécie sainement l'article 58 de la loi qui a été entendu dans le sens qu'il y est question de l'indemnité due pour droits d'assistance aux jurys seulement, et nullement des frais de déplacement et de séjour.

M. Osy. - La première chose à faire, c'est de se conformer aux lois existantes. Si l'article 58 ne suffisait pas pour payer les examinateurs, il fallait le changer.

On me dira que le budget est une loi. A cela je réponds que, quand l'honorable M. Delfosse a proposé de diminuer les traitements des conseillers de la cour des comptes, l'honorable M. Frère, qui était ministre des financcs, a dit qu'il fallait changer la loi. C'est la loi que nous avons changée ; nous n'avons pas changé les traitements par le budget. C'est donc par une loi qu'il fallait changer les indemnités accordées aux examinateurs. Ce n'est pas inconstitutionnellement qu'il fallait changer des indemnités fixées par la loi.

Avant la loi de 1847, nous avons tous été frappés de ce que les jurys d'examen coûtaient des sommes aussi considérables. C'est là-dessus que se sont appuyés nos honorables collègues pour faire leur proposition qui a été appuyée par le gouvernement. Eh bien, loin d'avoir fait une économie, nous avons une augmentation ; car au lieu de 120,000 fr. nous payons 130,000 fr. Voilà où nous a conduits la bonne volonté que témoignait, en 1849, le gouvernement d'entrer dans la voie des économies.

Comme cette discussion a été très longue, et que le gouvernement est obligé de présenter un projet de loi pour régulariser les jurys d'examen, je retire mon amendement, sauf à le représenter après le dépôt de la loi sur les jurys d'examen et à en demander le renvoi à la commission qui sera chargée d'examiner ce projet de loi.

M. Rogier. - Il y aurait plusieurs erreurs à relever dans les discours de l'honorable rapporteur de la section centrale et de M. Osy ; mais pour ne pas prolonger cette discussion, je me bornerai à quelques observations.

On attaque comme irrégulière, comme illégale, l'allocation proposée pour frais des jurys d'examen. Or cette allocation qu'on signale comme une irrégularité qui vient d'être découverte, figure au budget et a reçu la sanction des Chambre depuis quatre ans. Il y a eu trois ou quatre rapports de la section centrale, et ce n'est qu'en janvier 1854 qu'on découvre une violation de la loi de 1849 !

D'un autre côté la loi de comptabilité s'oppose, dit-on, à la création d'un agent comptable pour le jury.

Or, la loi sur la comptabilité autorise de la manière la plus formelle l'existence de certains agents comptables. L'agent comptable pour les jurys existe au département de l'intérieur depuis des années ; c'est pour la première fois, je pense, qu'on signale son existence comme illégale. Un agent comptable est indispensable au département de l'intérieur. Reste la question de savoir si cet agent comptable doit verser au trésor les sommes qu'il reçoit. Si cela est nécessaire pour la régularité, il faut les y verser.

Mais un agent comptable est indispensable pour recevoir les sommes, déposées sur divers points du pays par les récipiendiaires, et pour en faire la répartition entre les examinateurs en raison du nombre des heures d'examen, de la durée du séjour et des distances parcourues.

Il faut un agent comptable pour tous ces détails minutieux. Vous aurez beau faire, vous ne pourrez empêcher le département de l'intérieur d'avoir pour ce service un agent comptable, sauf à lui faire verser, si (page 640) l’on veut, les fonds au trésor, d'où ils devront passer dans les mains des examinateurs.

Il n'est pas exact de dire qu'il y a aggravation de charges du chef de l'établissement des nouveaux jurys. N'ayant pas sous les yeux les dépenses qui se faisaient avant 1849, je ne puis les comparer avec celles qui se font depuis. Mais qu'on veuille bien le remarquer, la loi de 1849 a exonéré les élèves de diverses charges que les lois antérieures faisaient peser sur eux : elle les a dégrevés de charges scientifiques en dégageant les examens de beaucoup de matières qui s'y trouvaient comprises, elle les a dégrevés de charges financières et diminué de beaucoup les frais d'examen.

En ce qui concerne la dépense générale des jurys, on perd de vue qu'indépendamment des jurys de l’enseignement supérieur il a été créé, en vertu de la loi de 1849, trois jurys de l'enseignement moyen, chargés de conférer le grade d'élève universitaire, dans les trois ressorts des cours d'appel. Ce sont trois jurys nouveaux qui sont payés sur l'allocation dont il s'agit.

La Chambre a été très explicitement informée que le montant des sommes versées par les récipiendaires pour leur examen était tout à fait insuffisante pour rémunérer, non pas les travaux des jurés, mais leurs frais matériels de déplacement et de séjour.

L'honorable M. Ad. Roussel, qui peut parler de science certaine, nous a dit que les membres des jurys n'avaient reçu, à certaines époques, pas plus de 1 fr. 33 c. par heure d'examen. Cela est-il équitable ? n'est-il pas juste que ces travaux très pénibles, très assujettissants ne soient pas une charge financière pour ceux qui y sont appelés ? Force a donc été, en répartissant entre les examinateurs les sommes versées pour les examens, de les indemniser sur le budget de leurs dépenses personnelles ?

On a critiqué les indemnités que reçoivent les présidents des jurys, qui remplissent un rôle très important et très difiicile. Ce sont des hommes d'une position considérable qui les astreint à certains frais. Je ne sais si l'on a bonne grâce à leur reprocher les 25 ou 35 francs qu'ils reçoivent par jour d'examen. S'ils touchent cette somme, je pense qu'ils la gagnent bien et qu'ils la dépensent tout au moins.

Il faut donc, devant l'augmentation des dépenses, si augmentation il y a, tenir compte : 1° de la diminution que les élèves ont obtenue sur les frais d'examen ; 2° de la création du titre nouveau d'élève universitaire, qui a obligé le gouvernement à former trois nouveaux jurys ; 3° de ce que les élèves ne sont plus obligés de venir séjourner à Bruxelles pour l'examen. Ce sont les jurys qui se transportent au lieu de résidence des élèves. Il y a eu de ce chef une grande économie pour les familles.

Voilà ce dont il faudrait tenir compte pour être juste vis-à-vis des innovations introduites par la loi de 1849.

Du reste, l'amendement si compliqué de MM. Osy et de Man, et si peu compréhensible, du moins pour les comptables vulgaires, étant ajourné par ses auteurs, je n'insiste pas davantage sur ces observations.

M. Osy. - Messieurs, pour ne pas prolonger la discussion du budget de l'intérieur, j'ai annoncé que j'ajournais ma proposition. Je suis donc très étonné que l'honorable M. Rogier vienne combattre un amendement qui est retiré. Vous comprenez qu'à mon tour j'aurais le droit de répondre à l'honorable M. Rogier. Je ne le ferai pas pour ne pas prolonger la discussion ; mais je me réserve de rencontrer les observations lorsque nous discuterons la question.

La Chambre ne doit pas permettre, me paraît-il, que l'on discute un amendement dont elle n'a plus à s'occuper en ce moment. Si ces débats continuaient, je me verrais obligé de demander la parole, et je crois que la Chambre ne pourrait s'y refuser. Mais je crois qu'il est plus convenable d'ajourner cette discussion.

M. Lebeau. - Il ne fallait pas la commencer.

M. Devaux. - Il ne faut pas attaquer, si vous ne voulez pas qu'on se défende.

M. Osy. - J'ai annoncé que je rtlirais mon amendement et dès lors la discussion aurait dû cesser.

M. le président. - M. Osy, M. Rogier a usé de son droit. Votre proposition était retirée, mais vos observations ne l'étaient pas.

M. de Haerne. - Je sens très bien qu'il est hors de saison de prolonger ce débat en présence de la déclaration faite par l'auteur de l'amendement. Cependant, j'entends que plusieurs membres demandent encore la parole. Si la discussion devait se prolonger, je désirerais aussi faire quelques observations sur ce qui vient d'être dit.

Messieurs, il me semble qu'il est clair, d'après les paroles qui ont été échangées dans celle discussion, qu'il n'y a pas de rapport entre les rétributions payées par les récipiendaires et les traitements donnés aux examinateurs. D'un côté on soutient que les examinateurs ne sont pas trop rétribués et certes je ne contredirai pas cette assertion.

Mais d'un autre côté nous avons un article formel de la loi, dont le vœu paraît encore partagé par la majorité de la Chambre.

Ce voeu est que les frais des jurys d'examen ne dépassent pas la somme moyenne résultant des inscriptions.

Tout à l'heure un honorable préopinant vous disait que pour examiner la question à fond, il convient de la remettre à l'époque de l'examen du projet qui nous a été promis sur la matière. Je suis de cet avis. Cependant, répondant aux observations qui ont été faites, je crois qu'il faut bien remarquer qu'en cette matière il y a deux choses distinctes ; il y a, dans la rémunération due à MM. les examinateurs, une partie flottante et une partie fixe.

La partie fixe, ce sont les frais de voyage. La partie variable, ce sont les frais de séjour ; ce sont les honoraires dus pour les peines qu'on se donne en examinant les récipiendaires.

Pour entrer dans le vœu de la loi, je crois, messieurs, que la partie flottante de ce qui est dû aux examinateurs peut être mise en rapport avec le produit des frais d'inscription, partie flottante aussi, puisqu'elle dépend du nombre des jeunes gens qui se présentant. Mais j'avoue, et ici j'entrc dans les vues de M. le ministre de l'intérieur, que pour ce qui concerne la partie fixe, celle qui est relative aux voyages des membres des jurys, il serait difficile d'admettre que ces frais doivent être payés d'après le nombre des élèves. Il me paraît que cela ne serait ni rationnel ni digne. Il faut sous ce rapport quelque chose de fixe, soit que vous payiez ces frais de voyage sur le budget, soil que vous les payiez sur tout autre fonds.

On dit : Les traitements des examinateurs sont assez élevés. Je répète que je n'entre pas dans cette question, parce qu'elle est assez délicate. Je ferai cependant une observation : c'est que ces fonctions ne sont pas obligatoires, au moins pour plusieurs membres, que le gouvernement ne peut forcer à accepter des fonctions de cette nature.

Ainsi je citerai le jury pour le grade d'élève universitaire dont parlait tout à l'heure l'honorable M. Rogier. Vous savez qu'il y a un jury par cour d'appel et que ce jury, qui se rend dans différentes localités dépendantes de chaque cour, est composé de deux professeurs appartenant à l'enseignement de l'Etat, de deux professeurs appartenant à l'enseignement libre, et de trois autres membres parmi lesquels le président, et qui sont nommés en dehors de tout enseignement.

Il faut que ce soient des personnes honorables, des personnes instruites, capables de remplir ces fonctions ; mais ces personnes ne sont pas toujours disposées à les accepter.

Je vais vous citer un fait à cet égard. J'ai fait partie, à Bruges, du jury universitaire, si dignement présidé par le colonel Weiler. Parmi les hommes désignés pour en faire partie, il y a quelques années, se trouvait un médecin mort maintenant, M. Mersseman. Eh bien, M. Mersseman, après avoir siégé les années précédentes, a refusé de reprendre sa place au jury, parce qu'il ne pouvait le faire sans négliger sa clientèle. Je sais qu'en cas de refus de certains candidats, on peut en prendre d'autres ; mais auriez-vous alors des hommes du même mérite ?

Ce sont des questions que je ne veux pas trancher, parce que je sens aussi les inconvénients qui résulteraient d'une aggravation de charges pour les récipiendaires.

D'un autre côté je trouve la question trop délicate pour dire à priori que les examinateurs sont trop rétribués ; je laisse cela entièrement au jugement du gouvernement et à sa responsabilité.

Mais je répète qu’en cette matière il me semble qu'on doit faire une distinction entre la partie variable et la partie fixe de la rémunération des examinateurs ; et quant à la partie fixe, c'est-à-dire aux frais de voyage, elle ne devrait pas être couverte par les frais d'inscription des récipiendaires.

M. Malou. - Messieurs, il y a ici, ce me semble, deux questions bien distinctes : le chiffre et le principe.

Je reconnais que les jurys d'examen doivent être convenablement rétribués ; ce n'est pas ce que nous discutons en ce moment. Mais mon honorable ami M. Osy a fait remarquer qu'on se mettait à coté de l'exécution de la loi

La loi de 1849 dit que le produit des inscriptions doit être seul affecté à rétribuer les jurys d'examen.Nous faisons autre chose. Nous votons, en dehors de cela, une somme de 50,090 fr. qui est portée au budget de l'Etat.

Eh bien ! de deux choses l'une ; ou le produit des inscriptions suffit, et alors il faut exécuter la loi de 1849 ; ou il ne suffit pas, et il faut modifier la loi de 1849.

M. Roussel. - Elle n'existe plus.

M. Malou. - La loi de 1849 existe encore.

M. Roussel. - Elle est morte.

Messieurs, je crois que la discussion amènera à modifier autre chose ; ce sera le système même du jury et alors on pourra rentrer, je crois, dans l'application du principe plus économique et justement rémunératoire de la loi de 1849.

Quant à la loi de comptabilité, messieurs, le principe est évident : la constitution et la loi de comptabilité veulent que toutes les recettes et toutes les dépenses soient portées au budget.

La loi de comptabilité admet, sans doute, comme l'honorable M. Rogier la fait remarquer, des comptables spéciaux, c'est-à-dire des fonctionnaires auxquels un crédit est ouvert, auxquels une somme est confiée, mais par la cour des comptes. Ce que la Constitution et la loi de comptabilité repoussent expressément, c'est ce qui s'est fait au ministère de l'intérieur, c'est-à-dire de créer des agents comptables qui échappent au contrôle de la cour des comptes et qui relèvenl uniquement de M. le ministre de l'intérieur.

M. Rogier. - Il est vraiment extraordinaire que des membres, après avoir lancé des attaques à l'ancien cabinet et au cabinet nouveau, veuillent nous imposer silence, sous prétexte qu'ils retirent leur proposition. M. le ministre de l'intérieur (et en cela je l'approuve) a le (page 641) mauvais goût de se défendre quand on l'attaque. Eh bien, moi, qui ne suis pas ministre de l'intérieur, je déclare que je conserverai aussi cette mauvaise habitude de me défendre chaque fois que je serai attaqué.

M. Verhaegen. - Il est vrai, messieurs, que l'amendement est ajourné, mais il n'est pas moins vrai que nous avons perdu toute la séance pour cet amendement.

Quand, sur nos bancs, on veut répondre, les honorables membres se lèvent et disent que nous perdons le temps de la Chambre, qu'il faut en finir. Je me permettrai de faire une réflexion : nous discutons le budget de l'intérieur depuis vingt jours et comment avons-nous passé ces vingt jours ? Nous avons entendu des attaques contre les fonctionnaires publics, nous avons entendu des personnalités, et, le lendemain, on vient très humblement les rétracter. Une autre fois, on discute sur des chiffres, puis, quand on doit reconnaître ses torts, on bat en retraite soit en renonçant à sa proposition, soit en l'ajournant.

Eh bien ! messieurs, moi je crois qu'on ferait une chose beaucoup plus utile pour le pays, en ne discutant pas si longuement, en ne discutant pas d'une manière tout à fait oiseuse ; car, en définitive, savez-vous combien coûte au pays la discussion du budget de l'intérieur, au point où elle en est arrivée ? Elle coûte au pays 30,000 fr., et je demanderai à l'honorable rapporteur de la section centrale si, jusqu'à présent, nous avons déjà économisé une somme équivalente ? Je ne le pense pas.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je ne puis laisser passer sans réponse les allégations de l'honorable préopinant. Il vient de se permettre de déclarer que j'aurais rétracté humblement au commencement de la séance ce que j'ai dit hier. Cela est complélement inexact : Je n'ai rien rétracté, j'ai maintenu au contraire, et d'accord avec la section centrale, tout ce que j'ai énoncé dans la séance d'hier.

Je me suis borné à retirer une expression, dont le sens était de nature à froisser M. le ministre de l'intérieur ; je l'ai fait par condescendance pour le président de cette Chambre, cela n'a rien d'humiliant.

M. le président. - M. de Man d'Attenrode a retiré une expression blessante, il n'a rien retiré d'autre.

M. de Man d'Attenrode. - Je viens d'entendre avec surprise le langage tenu par deux honorables députés. A les entendre, il semblerait en vérité qu'on leur conteste le droit de se défendre. Mais qui donc leur a contesté ce droit ? Serait-ce moi par hasard ? Je n'ai pas cette absurde prétention. Que l'on attaque mes opinions, mes discours, je ne m'en suis jamais plaint, surtout quand c'est avec loyauté, mais je n'ai pu entendre sans réclamer le ton agressif dont le gouvernement a fait usage pour combattre le travail de la section centrale.

Mes paroles s'adressaient d'ailleurs à l'organe actuel du gouvernement, et non à un ancien ministre.

L'honorable M. Verhaegen s'est écrié : Nous discutons inutilement depuis trois semaines, à quoi ces discussions ont-elles abouti ? Avons-nous réalisé une économie qui compense ce que nos séances coûtent au pays ? Ces paroles me sont adressées. Je vais y répondre.

Si nos discussions n'ont pas abouti jusqu'à présent à de notables économies, voulez-vous que je dise pourquoi ? C'est parce que les efforts auxquels je me livre pour introduire plus d'ordre dans l'administration, pour supprimer ou réduire des services inutiles, sont neutralisés, et voici comment : ils sont neutralisés parce que je suis assis sur ces bancs. Des propositions, qui ne me sont inspirées que par le désir de l'ordre et l'intérêt du pays sont repoussées par l'esprit de parti. (Interruption.)

Oui, messieurs, il est des propositions qui n'ont été rejetées qu'avec embarras, il y en a qui se sont abstenus en sortant de cette enceinte.

Si vous encouragiez l'énergie que je mets pour introduire plus de régularité dans les dépenses, pour supprimer celles qui intéressent peu le pays, le résultat eût été plus considérable.

Mais la plupart des propositions de la section centrale sont repoussées systématiquement sur les bancs de la gauche, parce que je siège sur les bancs de la droite.

Et pourquoi donner cette portée aux mesures d'ordre qui vous sont proposées par le rapporteur de la section centrale ? Mes amis politiques n'en font pas, à coup sûr, une question de parti ; peu d'entre eux prennent part aux discussions pour me soutenir ; les bancs qui m'avoisinent sont souvent dégarnis. L'on ne peut cependant suspecter leur aversion pour le mauvais emploi des deniers publics. Cela n'indique-t-il pas que je ne suis pas l'organe d'un parti, que je ne suis inspiré que par le sentiment du devoir ?

Cela n'empêche pas d'être combattu systématiquement. Je suis presque seul à défendre les propositions de la section centrale, et malgré mon isolement, je vous ai obligés à vous pelotonner antour de l'honorable M. Rogier. Aussi suis-je fier de ce succès.

Cela me prouve que ma force consiste dans la justice de la cause que je défends, la cause de mes commettants.

M. Loos. - Je ne suis pas de ceux qui prétendent que les amendements de l'honorable M. de Man ont été présentés par esprit de parti, mais je dois déclarer que je suis de ceux qui ont repoussé ces amendements et que je n'ai pas agi non plus par esprit de parti. Je ne conçois pas qu'on vienne dire ici que ceux qui n'adoptent pas les propositions de la section centrale sont guidés par l'esprit de parti.

M. le président. - Il n'est pas permis d'insinuer que les membres de la Chambre ne voteraient pas consciencieusement, et l'on devrait s'abstenir de paroles désobligeantes.

- L'article premier du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 72

« Art. 72. Frais de l'agence de comptabilité des jurys : fr. 2,000. »

La section centrale propose la suppression de cet article.

M. Osy. - Messieurs, nous devons rentrer dans la légalité ; il ne doit pas y avoir au ministère de l'intérieur une agence de comptabilité, l'article 6 de la loi de comptabilité exige que tous les comptables dépendent de l'administration du trésor public, de manière que les récipiendaires doivent verser chez les agents du trésor ce qu'ils ont à payer, et c'est par mandat qu'on doit payer les examinateurs. L'article 6 de la loi de comptabilité est ainsi conçu :

« La perception des deniers de l'Etat ne peut être effectuée que par un comptable du trésor et en vertu d'un titre légalement établi. »

Vous voyez, messieurs, que cela est absolument contraire à l'agence de comptabilité établie au ministère de l'intérieur. Je demande donc la suppression des 2,000 fr. qui sont destinés à cette agence.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, cette agence a été créée par la loi du budget, précisément parce qu’on a reconnu l'impossibilité de rattacher cette comptabilité à la comptabilité générale de l'Etat. Comment serait-il possible d'obliger tous les récipiendaires a se transporter chez le receveur des domaines, et d'exiger ensuite des professeurs qu'ils aillent toucher au trésor, sur mandat, le montant de leurs indemnités ? On a reculé devant cette complication, et c'est pour l'éviter qu'on a établi l'agence dont il s'agit et qui n'est pas illégale puisqu'elle a été créée eu vertu de la loi de comptabilité elle-même, et que, dans tous les cas, elle a été sanctionnée par les différents budgets qui ont été votés annuellement.

Du reste, messieurs, puisque nous aurons à nous occuper prochainement de l'organisation du jury d'examen, il me semble qu'il serait bon d'ajourner ce qui concerne cette agence de comptabilité.

M. Malou. - Messieurs, je ferai remarquer que c'est ajourner l'exécution de la loi sur la comptabilité. Il est très facile de modifier l'article du règlement organique du 24 juillet 1850, de telle sorte que cet agent comptable soit soumis à la juridiction de la cour des comptes qui statuera sur sa gestion comme sur la gestion de tous les comptables de l'Etat.

- La discussion est close.

L'article 72 est mis aux voix ; il est adopté.

Article 73

« Art. 73. Dépenses du concours universitaire et frais d'impression des Annales des universités de Belgique : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre XVI. Enseignement moyen

Discussion générale

« Art. 71. Dépenses du conseil de perfectionnement de l’enseignement moyen : fr. 5,000 »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, lorsqu'il s'est agi récemment dans la Chambre de la question de l’enseignement, on a demandé au gouvernement des explications sur l'étal actuel des négociations avec le clergé, pour parvenir à l'exécution de la loi du 1er juin 1850. J'eus l'honneur d'annoncer à la Chambre que je donnerais ces explications lorsque nous serions venus au chapitre de l'enseignement moyen. Je viens aujourd'hui m'acquitter de ce devoir en rendant compte à la Chambre des efforts qui ont été tentés et des résultats qui ont été obtenus.

Messieurs, l'intention du gouvernement de reprendre avec le clergé les négociations qui avaient été suspendues au mois de mai 1851, a été annoncée par le cabinet actuel dans le cours de la dernière session ; il a de plus fait connaître que si de grandes difficultés étaient restées debout, au point de vue des principes, il ne désespérait pas d'amener, par des moyens administratifs, la solution de ces difficultés, et d'obtenir enfin le concours du clergé à l'exécution de l'article 8 dont je viens de parler.

En effet, messieurs, les obstacles qui avaient fait échouer les premières négociations provenaient à la fois de l’immense difficulté de poser les bases d'une intervention du clergé appliquée à tous les établissements d'instruction de l'Etat sans exception, et de la forme officielle donnée aux négociations dans une matière aussi délicate, et où l'on craint à chaque pas de poser un acte compromettant au point de vue des principes réciproquement défendus.

Présumant que la forme officieuse et la voie des conférences seraient de nature à faciliter les communications à faire, le gouvernement proposa à M. le cardinal archevêque de renouer les négociations verbalement, sauf à recourir à la forme officielle lorsqu'on serait tombé d'accord sur les conditions du concours. Cette offre fut acceptée.

Des conférences eurent lieu à Bruxelles et à Malines.

Le gouvernement fit connaître immédiatement que, dans la négociation, il prenait pour point de départ les principes de la loi du 1er juin 1850, et qu'il ne pourrait faire en conséquence aucune concession incompatible avec cette loi.

Il avait à rencontrer tout d'abord les deux grandes difficultés qui étaient restées debout :

Les écoles mixtes ;

(page 642) L'homogénéité du corps enseignant.

Les éléments de ces difficultés sont suffisamment connus de la Chambre ; inutile de s'y arrêter.

Je dirai seulement, quant à celle des écoles mixtes, que si le moyen indiqué par l'ancien cabinet avait été trouvé insuffisant par le clergé, il en existait d'autres que l'on pouvait offrir sans offenser en rien le principe de la loi.

Que si, par exemple, la loi voulait que tous les élevés, sans distinction de religion, pussent recevoir l'enseignement religieux, elle n'exigeait en aucune façon que l’enseignement de plusieurs cultes fût donné dans le même établissement ; et qu'il suffisait que les élèves d'un culte autre que celui de la majorité reçussent l’enseignement religieux en dehors de l'établissement, pour que la loi fût oéeie.

A cet égard, le gouvernement proposa donc au clergé d'admettre comme règle que l'enseignement religieux à donner dans l'athénée ou l'école moyenne serait exclusivement celui de la religion professée par la majorité des élèves, laissant la charge de l'enseignement religieux des élèves d'autres cultes aux soins des ministres respectifs avec lesquels le gouvernement s'entendrait à cet effet.

C'était, dans l'opinion du gouvernement, aplanir l'obstacle des écoles mixtes.

La difficulté de l'homogénéité du corps enseignant n'était pas moins grande. Elle avait paru insoluble dans la première négociation, en vue d'une intervention générale du clergé dans tous les établissements d'instruction moyenne de l'Etat.

Elle se produisait de nouveau avec la même gravité, car elle n'avait pas trait seulement à l'avenir, quant à la composition du corps enseignant ; mais encore au passé, en ce qui concerne le personnel existant.

Pour écarter cette difficulté, autant que les principes de la loi et les convenances du gouvernement le permettaient, on proposa au clergé de lui ménager une place dans les bureaux administratifs des athénées et des écoles moyennes, ainsi que dans le conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen.

C'était lui donner accès, en une forme consultative, aux sources où se discutent tous les intérêts de l'enseignement moyen, et, par conséquent, accorder au clergé la faculté d'influer, dans une juste mesure, sur les moyens destinés à produire l'homogénéité réclamée.

L'importance de ces concessions fut justement appréciéc par le clergé. Il y avait une troisième difficulté : celle du choix des livres, et le gouvernement proposait de la trancher par le même élément pratique que je viens d'indiquer, puisque, dans le conseil de perfectionnement comme dans le bureau administratif, toutes les garanties qui sont relatives au choix des livres doivent nécessairement trouver leur place, et que le clergé s'y trouvait représenté.

Il y a une autre garantie à laquelle le clergé attache une très grande importance, c'est l'inspection ecclésiastique de l'enseignement religieux. Déjà à une autre époque, lors des premières négociations, cette concession avait été indiquée comme pouvant se réaliser, et le gouvernement, qui en avait reconnu le principe dans la loi même, article 8, n'hésita pas à l'admettre comme pouvant donner satisfaction à cette partie des observations, dans le cas d'un arrangement général.

C'est dans cet état que la négociation se trouvait dans les derniers mois de 1853. Elle n'avait pu encore aboutir.

Survint alors un fait nouveau destiné à exercer une grande autorité sur l'issue des tentatives faites jusqu'alors infructueusement pour déterminer le clergé à intervenir. Je veux parler du règlement proposé par le bureau administratif d'Anvers à l'approbation du gouvernement.

Le gouvernement avait envoyé à tous les bureaux administratifs des règlements d'ordre intérieur, destinés à être mis à exécution dans tous nos établissements d'enseignement moyen. Ces règlements étaient envoyés, à titre d'essai pendant une année, pour être convertis ensuite en règlements définitifs. Le bureau administratif d'Anvers, se préoccupant justement de la situation de l'enseignement moyen, et pensant qu'il était très difficile d'arriver à la solution des difficultés qui arrêtaient encore l'intervention du clergé, se décida à formuler nn projet additionnel de règlement sous le titre : « De l'enseignement religieux », qui formait, dans le règlement général de l'athénée d'Anvers, un chapitre particulier.

Ce chapitre, que j'ai eu l'honneur de faire distribuer à tous les membres de la Chambre, fut soumis par le bureau administratif au conseil communal d'Anvers qui l'adopta à l'unanimité. Puis la députation permanente eut à se prononcer, et l'adopta aussi à l'unanimité. C'est dans cet état que ce règlement parvint au gouvernement, et le bureau administratif insistait pour obtenir une prompte décision.

Mais tout en respectant les principes de la loi, il y avait dans ce règlement une lacune qu'il importait de combler.

En effet, tout en respectant la liberté des cultes, il ne s'occupait pas de l'enseignement religieux à donner, le cas échéant, aux élèves non-catholiques qui le réclameraient. Il y avait donc à régler le mode d'après lequel cet enseignement leur serait procuré.

Il y avait un deuxième point sur lequel il était nécessaire de donner une explication.

Aux termes du règlement, comme de la loi de 1850, l'enseignement religieux était déclaré obligatoire ; d'où la conséquence que tous les élèves devaient le suivre. Mais, à côté de cette obligation légale, nous avons à compler sur un principe constitutionnel qui veut que nul ne soit contraint d'assister à un acte d'un culte quelconque, à une cérémonie religieuse quelle qu'elle soit.

On en a tiré la conséquence que si, par exemple, un père de famille, invoquant l'article. 15 de la Constitution, demandait pour son fils une dispense d'assister au cours d'enseignement religieux, il devait trouver le moyen de se faire écouter.

Sur ces deux points, il y avait à demander au bureau administratif de l'athénée d'Anvers quelles étaient ses intentions, et comment il entendait combler la lacune que je viens de signaler.

Il y avait un troisième point que le règlement tranchait d'une manière qui a paru au gouvernement contraire à un article formel de la loi qui s'occupe du choix des livres. Aux termes de l'article 33 de la loi, les livres sont choisis par le conseil de perfectionnement : « Il est chargé d'examiner les livres employés dans l'enseignement ou donnés en prix dans les établissements soumis aux dispositions de la présente loi. »

C'est donc au conseil de perfectionnement qu'il appartient d'arrêter le programme de ces livres.

Cependant le règlement d'Anvers portait une disposition par laquelle il était déclaré, article 7, paragraphe 3, que les livres destinés à la distribution des prix sont choisis sous l'approbation du bureau administratif, par une commission dont le préfet des études et l'ecclésiastique font partie.

Cela était en contradiction avec la loi. Le gouvenement en fit l'observation, et il en résulta un changement de rédaction que vous connaissez.

Le gouvernement adressa donc au bureau des questions destinées à compléter le règlement qui était soumis à l'approbation du .Roi. La première de ces questions était ainsi libellée : t Comment les élèves non catholiques recevront-ils l'instruction religieuse ? » Le bureau a répondu à cette question dans les termes suivants : « Les élèves non catholiques recevront l'instruction religieuse par les ministres de leurs cultes respectifs. Nous devons faire remarquer, ajoutait le bureau, que c'est ainsi que cet enseignement s'est donnéet l'est encore aujourd'hui.»

La seconde question posée par le gouvernement était ainsi libellée : « Quel accueil sera-t-il fait à la demande d'un élève réclamant la dispense de participer au cours de religion, en s'appuyanl sur l'article 15 de la Constitution. »

La réponse du bureau est claire et précise. Elle porte ce qui suit : « La dispense réclamée sera accordée, pour autant que la demande soit faite par les parents ou le tuteur de l'élève, »

Le bureau ajoute : « Nous croyons devoir ajouter que jamais pareille dispense n'a été réclamée. »

Ainsi, messieurs, vous le voyez, par la réponse faite aux questions posées par le gouvernement, le bureau administratif déclare que l'enseignement religieux sera donné aux élèves non catholiques, par les ministres de leur culte respectif.

Quant à la dispense, messieurs, vous venez de l'entendre, l'article 15 de la Constitution sera dans tous les cas observé ; et lorsqu'un père de famille croira devoir demander la dispense, pour son fils, d'assister à l'enseignement religieux, ce père de famille devra être écouté. J'ajoute à mon tour, comme le bureau d'Anvers, qu'il est peu vraisemblable que jamais pareille demande soit faite. Mais enfin le principe est sauf ; la Constitution sera observée.

La modification indiquée par le gouvernement, en ce qui concerne le choix des livres, a été admise sans difficulté également par le bureau administratif, et soumise, comme le règlement lui-même à l'avis des autorités compétentes qui y ont donné, comme la première fois, leur adhésion unanime.

Nous voici donc, messieurs, à une période nouvelle des négociations, en présence du règlement d'Anvers, qui indiquait, par des moyens pratiques, la solution des difficultés qui, selon le bureau, avaient arrêté jusque-là le concours du clergé.

Ce règlement a eu pour but d'écarter la difficulté relative aux écoles mixtes. Il n'y a plus d'écoles mixtes possibles, dès l'instant que l'on adopte comme règle que l'enseignement religieux donné dans l'établissement, sera celui de la religion professée par la majorité des élèves.

Ce règlement fait aussi la part de l'éducation chrétienne des élèves, en les confiant, sous ce rapport, aux soins des professeurs chargés de l'enseignement religieux.

Enfin ce règlement pourvoit à la partie morale de l'enseignement par la recommandation adressée aux professeurs d'éviter tout ce qui pourrait dans leurs leçons, ou dans leur conduite, compromettre le but de l’enseignement religieux.

Le gouvernement donna donc à ce règlement une attention toute spéciale ; et après avoir pesé toutes les dispositions qu'il contient, y compris la modification consentie et les explications données par le bureau, le gouvernement estima que le règlement n'était contraire ni à la Constitution, ni à la loi organique, et qu'il ne portait aucune atteinte aux droits du gouvernement sur l'administration des établissements d'instruction moyenne.

Après que tous ces préalables dont je viens de parler eurent été remplis, le gouvernement résolut de faire à ce sujet une communication au clergé. Le règlement d'Anvers était parvenu à la connaissance de M. le cardinal, qui en approuvait les dispositions et qui avait fait connaître au gouvernement que s'il était adopté, les négociations auraient fait un grand pas vers une solution satisfaisante.

(page 643) En conséquence de cette information, de nouvelles conférences s'ouvrirent à Bruxelles. De nouvelles tentatives furent faites pour arriver à un arrangement général, et ce n'est qu'après de nombreux efforts pour entendre sur ce pied, et après avoir reconnu l'impossibilité d'y parvenir, que le gouvernement se détermina à proposer à M. le cardinal un arrangement partiel applicable aux établissements d'Anvers, et fondé sur le principe du règlement élaboré et expliqué par le bureau administratif de ladite ville, et sous la condition qu'un ecclésiastique ferait partie de ce bureau.

Le gouvernement fit entendre en même temps à M. le cardinal que ce règlement pourrait successivement s'appliquer aux autres établissements d'instruction moyenne, et faciliter ainsi l'intervention du clergé dans tous les athénées et les écoles moyennes du royaume.

Indépendamment du règlement dont il s'agit, et de la condition que je viens de mentionner, le gouvernement informa M. le cardinal que les concessions d'un caractère plus général, telles que l'admission d'un ecclésiastique dans le conseil de perfectionnement, et l'organisation de l’inspection ecclésiastique de l'enseignement religieux, concessions qui ne pouvaient être la conséquence d'un arrangement partiel, seraient ajournées jusqu'à l'époque où, le concours se généralisant, le gouvernement estimerait que le moment serait venu de les accorder.

L'enseignement religieux dans les écoles normales sera lui-même organisé en temps opportun, et ne souffrira plus de difficulté si le concours du clergé est obtenu dans les établissements d'instruction moyenne.

Les bases de cet arrangement ayant été préalablement discutées et convenues, le gouvernement adressa, sous la date du 2 février 1854, à M. le cardinal-archevêque une dépêche dont la teneur suit :

« Bruxelles, le 2 février 1854.

« M. le Cardinal,

« Puisqu'il est démontré par l'état actuel des négociations, que des difficultés sérieuses empêchent le clergé de concourir à l'exécution de l’article 8 de la loi du 1er juin 1850 par une intervention immédiate dans tous les établissements d'instruction moyenne de l'Etat, je pense qu'il conviendrait de recourir à un autre mode d'arrangement et de régler ce concours par établissement.

« C'est le but que se proposait le bureau administratif d'Anvers lorsqu'il soumit à l'approbation du gouvernement des projets de règlements relatifs à l'enseignement religieux tant pour l'Athénée royal que pour l’école moyenne de cette ville.

« Ces projets de règlements ont déjà reçu l'approbation de Votre Eminence.

« De mon côté, je suis disposé à les soumettre à la haute sanction du Roi avec la modification qui va été introduite relativement au choix des livres à donner en prix aux élèves, et en tenant compte des explications qui ont été données par le bureau administratif sur le mode d'exécution desdits règlements.

« Je suis également disposé à user de mon influence pour faire entrer un ecclésiastique dans la composition du bureau administratif des établissements susdits.

« Il est à remarquer, à cet égard, que le droit de présenter des candidats pour la formation des bureaux appartenant exclusivement au conseil communal, le gouvernement devra, à défaut d'une action directe sur l'exercice de ce droit, se borner à inviter le conseil communal d’Anvers à comprendre, parmi les candidats qu'il proposera au gouvernement, un ecclésiastique sur le choix duquel on se sera préalablement entendu avec le chef du diocèse.

« D'après cela, voici la marche qui serait adoptée pour arriver à un arrangement en ce qui concerne les deux établissements d'Anvers.

« Dès que Votre Eminence aurait fait connaître au gouvernement qu'elle est disposée à faire donner l'enseignement religieux dans ces établissements, aux deux conditions indiquées plus haut, savoir :

« 1° Approbation des règlements susdits ;

« 2° Admission d'un ecclésiastique dans le bureau administratif ;

« Le gouvernement informerait le conseil communal d'Anvers, que le concours du clergé pourra être obtenu, si ce conseil, de son côté, trouve convenable de désigner un ecclésiastique sur le choix duquel il s'entendrait préalablement avec l'archevêque parmi les candidats à présenter pour la formation du bureau administratif de l'athénée et de l'école moyenne.

« Si le conseil communal agrée la proposition du gouvernement, le ministre fait connaître officiellement à V. E. que le conseil communal qui a proposé le prêtre susdit pour faire partie du bureau administratif et l'invite, en même temps, à donner son concours en désignant les prêtres qu'elle chargera de donner l'enseignement religieux.

« Si Votre Eminence déclare être prête à donner son concours et désigne les ecclésiastiques, le ministre de l'intérieur soumettra à Sa Majesté :

« 1° Un arrêté qui approuve les règlements ;

« 2° Un arrêté qui nomme les membres du bureau, parmi lesquels se trouvera l'ecclésiastique proposé ;

« 3° Un arrêté, conçu dans les termes de la formule convenue, qui admet les prêtres désignés à donner l’enseignement religieux à l'athénée et à l'école moyenne.

« Voilà pour Anvers.

« Si le principe du concours est agréé, le gouvernement invitera le conseil communal intéressé à s'en expliquer à son tour, quant à la formation du bureau.

« Si le conseil adopte la marche proposée par le gouvernement, il aura à délibérer sur le règlement à introduire et qui devra être semblable à ceux d'Anvers ou offrir les mêmes garanties.

« Ensuite on procédera, pour le surplus, comme à Anvers.

« Quant aux garanties qui ont été offertes au clergé, lorsque le gouvernement négociait sur le pied d'un arrangement général, et qui ont été indiquées dans les projets d'arrêtés dont Votre Eminence a reçu communication, le gouvernement les proposera à l'approbation du Roi, lorsqu'il trouvera que le moment en sera venu.

« Je vous prie, M. le Cardinal, de vouloir bien me faire savoir si vous ne trouvez pas d'inconvénient à suivre cette marche, et si vous croyez qu'elle serait agréable aux autres évêques.

* Agréez, etc.

« Le ministre de l'inférieur,

« F. Piercot. »

Le 3 février, M. le cardinal-archevêque fit au gouvernement la communication suivante :

« Malines, le 3 février 1854.

« Monsieur le Ministre,

« Je m'empresse de vous informer, en réponse à votre lettre du 2 de ce mois, que je me rallie à la marche que vous indiquez pour faciliter l'exécution de l'article 8 de la loi du 1er juin 1850.

« Je crois pouvoir aussi vous donner l'assurance que les autres évêques en seront également satisfaits.

« Les mesures que le gouvernement se propose de prendre, ainsi que les dispositions connues des bureaux administratifs et des conseils communaux, me font espérer que l'instruction religieuse sera donnée, dans un bref délai, aux élèves catholiques de la plupart des établissements de l'Etat, et que, de cette manière, le gouvemement pourra bientôt prendre les mesures générales qui donneront les autres garanties offertes au clergé.

« Recevez, M. le ministre, l'assurance de ma haute considération.

« Englebert, Cardinal Archevêque de Malines. »

Le programme contenu dans la dépêche du 2 février ayant été approuvé, il y avait à demander à M. le cardinal-archevêque s'il était disposé à donner l'enseignement religieux à l'athénée et à l'école moyenne d'Anvers. Ce fut l'objet de la lettre du 4 février. Cette lettre porte ce qui suit :

« Bruxelles, le 4 février 1854.

« M. le Cardinal,

« Ensuite de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adreesser sous la date d'hier, en réponse à ma dépêche du 2 février courant, je vous prie de vouloir bien me faire connaître si vous êtes disposé à faire donner l'enseignement religieux à l'athénée royal et à l'école moyenne d'Anvers.

« Agréez, etc.

« Le ministre de l'intérieur, Piercot. »

Le 7 février, M. le cardinal archevêque fit à cette lettre la réponse suivante :

« Malines le 7 février 1854.

« Monsieur le Ministre,

« Les informations que j'ai prises sur l'athénée et l'école moyenne d'Anvers, me donnent la confiance que le clergé pourra se charger avec succès de l'instruction religieuse et de l'éducation chrétienne des élèves de ces deux établissements, lorsque les règlements, préparés par le bureau administratif et approuvés par le conseil communal et la députation provinciale, auront été sanctionnés par le Roi et mis en vigueur.

« C'est pourquoi je suis heureux, Monsieur le Ministre, de pouvoir vous déclarer, en réponse à votre lettre du 4 de ce mois, que je suis disposé à faire donner l'enseignement religieux dans ces établissements, sur le pied indiqué dans votre lettre du 2 de ce mois.

« Recevez, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma haute considération.

« Englebert, Cardinal Archevêque de Malines. »

(page 644) Tout bien considéré, le gouvernement estime que le système d'intervention partielle, à généraliser successivement, est à la fois le seul possible en présence des difficultés d'un arrangement général, et celui qui offre le plus de garanties réciproques de liberté et d'indépendance.

Quant au gouvernement, il réclame le concours du clergé, quand il le juge convenable et possible.

Il conserve sa liberté d'action et il ne compromet aucun principe.

Quant au clergé, il examine librement, dans chaque cas particulier, s'il lui convient d'intervenir ; et il reçoit, pour prix de son concours, un règlement analogue à celui d'Anvers, et une place dans le bureau administratif.

Quant aux communes qui sont associées par la loi à l'administration des athénées et des écoles moyennes, elles exercent une juste influence sur la question du concours du clergé ; et ce concours n'aura lieu que lorsque les conseils communaux auront librement décidé que le clergé aura un représentant dans le bureau administratif ; et que, d'autre part, un règlement, semblable ou analogue à celui d'Anvers, aura été rendu applicable à l'établissement d'instruction moyenne.

Enfin les mesures générales dont j'ai déjà parlé seront le résultat d'un concours étendu à la plupart des établissements d'instruction ,et le gouvernement se réserve entièrement le droit de les concéder quand il le jugera utile.

Ainsi, messieurs, par cet arrangement, se trouve réglée, pour deux établissements, la question du concours du clergé ; un arrangement général est en germe dans les mesures proposées et agréées, si les conseils communaux trouvent convenable de remplir les conditions indiquées par le gouvernement. Ce concours pourra être successivement étendu aux autres établissements d'instruction moyenne de l'Etat.

Messieurs, ce n'est pas une solution complète que nous vous apportons ; nous le savons bien ; mais nous constatons que c'est un premier pas fait dans la voie d'un concours général. Cette première mesure, nous l'espérons fermement, sera le signal des adhésions à obtenir des autorités intéressées dans les autres villes du royaume à la solution de la même question.

C'est enfin le commencement d'un acte qui doit nous conduire successivement à l'exécution générale de la loi du 1er juin 1850.

En effet, messieurs, il n'est personne, dans cette enceinte comme dans le pays, qui ne désire voir se terminer ce regrettable conflit qui paralyse, depuis trop longtemps, les intentions de la législature, en arrêtant l'exécution d'une partie essentielle du programme de la loi organique de l'enseignement moyen.

Je n'ai plus que quelques mots à dire pour expliquer à la Chambre le règlement d'Anvers au point de vue des principes.

L'article premier ne peut donner lieu à aucune observation ; il n'est que la reproduction d'un principe déposé dans la loi. L'article 2, relatif à l’enseignement religieux de la majorité des élèves, a été expliqué dans l'exposé que je viens de faire à la Chambre. Il se concilie avec les droits de tous, car il ne s'oppose en rien à ce que les élèves non catholiques reçoivent, par les soins des ministres de leur culte respectif, l’enseignement religieux qu'ils réclameraient.

L'exécution de cette mesure sera des plus faciles. Le gouvernement réglera cet enseignement avec le ministre du culte intéressé, et il sera donné, soit au temple, soit chez le pasteur, suivant les circonstances.

Les articles 5 et 6 sont relatifs à l'instruction religieuse des élèves.

L'article 7 dans son premier paragraphe s'occupe des livres de l'enseignement religieux. Nul autre que le chef du diocèse ne pourrait intervenir dans ce choix.

Le paragraphe 2 contient une prescription que personne ne blâmera justement, car des livres qui seraient contraires à l'instruction religieuse ne doivent certainement pas être mis aux mains des élèves.

Du reste, c'est une matière qui est abandonnée au conseil de perfectionnement.

Quant au troisième paragraphe, il a été modifié ainsi que je l'ai expliqué, et mis en harmonie avec l'article 33 de la loi.

L'article 8 ne comporte aucune observation.

L'article 9 contient une mesure d'ordre qui garantit suffisamment, dans le concours pour les prix généraux, les droits des élèves non catholiques.

L'article 11 contient des conseils dont la mise en pratique est dans le vœu de tous les pères de famine, et le personnel enseignant n'aura pas de peine à s'y conformer.

Enfin l'article 12 contient une mesure d'ordre dont l'exécution ne donne lieu à aucune difficulté.

Pour le moment je crois devoir borner là mes observations. J'espère que la Chambre appréciera la mesure qui lui est communiquée comme un acte de bonne administration, et qu’elle donnera son approbation à la conduite du gouvernement.

M. Frère-Orban. - Il serait impossible d'apprécier les explications qui viennent d'être données par M. le ministre de l’intérieur, ni d'apprécier les dispositions du projet de règlement pour l'athénée d'Anvers à une simple audition. Il me paraît indispensable que la discussion du chapitre du budget relatif à l'enseignemeist moyen soit ajournée et qu'on passe à la discussion des articles qui suivent du budget de l'intérieur ; ultérieurement nous pourrons nous expliquer sur les renseignements qui viennent de nous être donnés.

Pour le moment, j'ai une question à adresser à M. le ministre de l'intérieur. N'existe-t-il pas, relativement à l'exécution des engagements plus ou moins vagues qu'il nous a fait connaître, d'autre correspondance que celle qu'il nous a communiquée ? Si quelques pièces de ce genre existaient, il serait nécessaire qu'elles fussent portées à la connaissance de la Chambre, sans cela il lui serait impossible d'apprécier la valeur des engagements dont on a parlé tout à l'heure.

Je constate que la négociation pour une convention générale, telle qu'elle avait été prévue par la loi n'a pas pu aboutir, on s'est arrêté à une convention spéciale et locale.

Je désirerais avoir sur ce point quelques explications. D'où vient que ce qui a paru satisfaisant dès ce moment pour l'athénée d'Anvers n'ait pas été déclaré satisfaisant et applicable aux autres établissements de l'Etat ? Il y a probablement pour cela quelque motif, il doit en exister en dehors des communications qui ont été faites. Il serait indispensable que la Chambre fût édifiée sur ce point.

Je désirerais que M. le ministre voulût donner des renseignements à cet égard, me réservant de m'expliquer ultérieurement sur les communications qui nous ont été faites.

M. Verhaegen. - Nous avions lieu de croire qua lorsque le gouvernement venait nous donner des explications sur sa convention avec le clergé, la Chambre devait être mise à même de contrôler l'acte du gouvernement d'une manière efficace. Vous avez dû vous apercevoir que les explications de M. le ministre de l'intérieur ont été excessivement longues, je pourrais méme dire très entortillées, pour arriver à quoi ? Au dépôt d'une espèce de convention faite entre le clergé et un établissement particulier. Il faut qu'après un examen approfondi chacun puisse dire son opinion sur cet acte, et pour que chacun puisse la dire il faut en connaître les circonstances. Il faut donc tout d'abord que le ministre consente à l'impression de toutes les pièces qui ont rapport à cette convention, et c'est ce que je viens demander en termes formels.

L'honorable M. Frère vous a soumis quelques observations très justes et il les a terminées par deux interpellations à M. le ministre de l'intérieur auxquelles je me permettrai d'en ajouter quelques autres.

On nous a distribué, quelques instants avant la discussion, presque au moment où l'on allait s'occuper du chapitre de l'enseignement moyen, une pièce qui est intitulée : « Extrait du règlement d'ordre intérieur de l'athénée royal d'Anvers. (Chapitre de l'enseignement religieux.) »

Il y a 12 articles à ce chapitre extrait du règlement.

Voit-on un inconvénient à nous donner communication de ce règlement dans son ensemble ? Car, enfin, toutes les dispositions d'un règlement s'harmonisent et doivent nécessairement être coordonnées. Il y a telles dispositions du chapitre premier du règlement qui pourraient recevoir une extension par des dispositions d'autres chapitres, et il serait dès lors important, pour pouvoir se former une opinion à cet égard, d'avoir l'ensemble de ce règlement.

Je viens donc demander au gouvernement s’il y a un inconvénient, en imprimant les pièces, à nous donner le règlement tout entier de l'athénée royal d'Anvers.

Je demanderai aussi, comme l'a fait mon honorable ami M. Frère, s'il y a d'autres pièces qui se rattachent à cet objet, s'il y a d'autres lettres, d'autres correspondances ; car, en définitive, nous avons le droit d'examiner l'ensemble de l'affaire à l'effet de nous former une opinion sur l’acte que le gouvernement nous a fait connaître.

A la lecture qui a été faite d’une lettre de M. le cardinal archevêque de Malines, j'ai cru m'apercevoir qu'il approuve bien certaine partie du règlement intérieur ; mais je n'ai pas vu qu'il approuvât les modifications qui y ont été apportées. Je voudrais à cet égard une explication catégorique.

M. le cardinal archevêque approuve le règlement qui a été fait pour l'athénée d'Anvers ; mais, ainsi qu'on l'a fait remarquer sur des observations transmises par le gouvernement, des modifications ont été apportées à cette partie du règlement.

L'archevêque les approuve-t il ? Il me semble qu'on est resté à cet égard dans le vague et je demande qu'on sorte de ce vague.

Mais puisque l’occasion m'en est offerte, je vous ferai apprécier tout de suite l'importance de l'acte qu'on vient de nous communiquer et à l'égard duquel il convient que nous fassions toutes nos réserves et que nous exercions notre droit de contrôle.

C'est bien dans ce sens qu'on l'a soumis à la Chambre.

On croit avoir obvié à toutes les difficultés qui ont pu exister relativement à l'article 7 au moyen des modifications apportées à cet article. Eh bien, il n'en est rien, et j'ai le regret de le dire, le gouvernement a fait toutes les concessions que le clérgé avait exigées dès le principe, il a fait abandon de sa prérogative, il a sacrifié sa dignité ; c'est sur ce point que j'appelle l'attention de la Chambre ; car en pareille matière, il ne faut pas aller à la légère ; il faut tout examiner avec un soin minutieux.

L'article 7 porte :

« On n'emploie peur l'enseignement religieux que les livres désignés par-le chef du diocèse.

« Dans les autres cours, il ne sera fait usage d'aucun livre qui soit contraire à 1’instruction religieuse.

« Les livres destinés à la distribution des prix sont choisis, sous (page 645) l'approbation du bureau administratif, par une commission dont le préfet des études et l'ecclésiastique font partie.

C'est sur le paragraphe 3 seulement que porte la modification, c'est à-dire quant aux livres destinés à être distribués en prix. Mais que devient le paragraphe 2 qui est d'une haute importance ? Il porte : « Dans les autres cours il ne sera fait usage d'aucun livre qui soit contraire à l'instruction religieuse. » Nous voulons bien, messieurs, qu'il en soit ainsi, mais qui sera juge de cette question ? Le clergé se prétendra seul compétent pour la décider et dès lors il traînera à sa remorque le pouvoir civil sur le choix des livres, et c'est ce que nous ne voulons pas.

Je ne fais qu'indiquer cette difficulté entre plusieurs autres ; nous y reviendrons plus tard. Je n'ai fait cette observation que pour vous faire apprécier l'importance de la question.

Je demande donc que toutes les pièces soient imprimées comme documents de la Chambre, et que M. le ministre veuille bien répondre aux deux interpellations que j'ai eu l'honneur de lui adresser.

M. le président. - J'invite M. Verhaegen à formuler sa proposition et à la faire parvenir au bureau.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On a demandé l'impression des documents. Je suis prêt à déposer les documents que j'ai eu l'honneur de faire connaître à la Chambre. Je pense que là doit se borner la production des pièces, puisque ce sont les seules qui se rattachent à la communication que j'ai faite dans cette séance. Dans le premier état de la négociation tout s'est borné à des conférences, à des notes officieuses et à des communications qui ont cessé d'avoir un intérêt réel le jour où le système d'un arrangement général a été abandonné.

Je crois donc devoir limiter la production demandée aux documents qui se rattachent spécialement à l'arrangement conclu pour les établissements d'Anvers.

M. Frère-Orban. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Quant au règlement complet dont l'honorable M. Verhaegen vient de demander la communication, il n'y a non plus sur ce point aucune difficulté. C'est le règlement général qui a été transmis à tous les athénées, et qui n'a presque pas de modifications à subir en raison du nouveau chapitre relativement à l'enseignement religieux. Ce document fera partie de ceux qui vont être livrés à l'impression.

M. Frère-Orban. - Messieurs, il paraît qu'il y a dans l'esprit de M. le ministre de l'intérieur une distinction, relativement aux documents, qui ne se produit pas d'une manière claire devant la Chambre. Si j'ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, il n'entend rien communiquer, si ce n'est les pièces relativement au dernier état de la négociation. Mais il y aurait des documents relatifs à la première négociation que le gouvernement n'entendrait pas faire connaître. Ai-je bien compris ? M. le ministre de l'intérieur fait un signe affirmatif. Eh bien, je demande que tous les documents soient déposés. Aucun document ne doit être soustrait à la connaissance de la Chambre.

Il est évident que nous ne serions pas en mesure d'apprécier l'état de la négociation, les motifs pour lesquels on est arrivé au résultat auquel elle a abouti, si nous ne pouvions examiner ce qui s'est passé antérieurement.

Il importe que la Chambre connaisse tous les faits, et elle le comprendra surtout, si l'honorable ministre de l'intérieur veut bien répondre à l'interpellation que je lui ai adressée et qu'il a passée sous silence.

Pour quel motif l'arrangement spécial, déclaré suffisant en ce qui concerne l'athénée d'Anvers, n'est-il pas déclaré suffisant, relativement aux autres établissements de l'Etat ? L'une des difficultés qui existaient ne me paraît nullement résolue. On peut entrevoir que l'on a trouvé un établissement, deux établissements où le clergé consentait à intervenir. Mais pourquoi n'intervient-il pas dans les autres ? Voilà la question.

Je soupçonne bien ce qui s'est passé ; mais ne faut-il pas que la Chambre le sache ? ne faut-il pas que la vérité soit connue ? Il est intéressant de savoir pourquoi on a abouti à cette négociation, pourquoi on n'a pu faire autre chose que d'accepter l'intervention du clergé dans un seul établissement déterminé.

Je me résume donc et je demande formellement une réponse à la question que j'ai posée à M. le ministre de l'intérieur. En second lieu, M. le ministre de l'intérieur ayant reconnu qu'il y avait deux phases dans la négociation, je demande que tous les documents officiels relatifs aux deux négociations soient fournis à la Chambre.

M. le président. - Voici la proposition de M. Verhaegen : « J'ai l'honneur de demander l'impression, comme document de la Chambre, de toutes les pièces qui se rattachent aux négociations, avec le clergé et, entre autres, du règlement d'ordre intérieur en entier de l'athénée royal d'Anvers. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je répondrai aux deux interpellations qui m'ont été adressées, par l'honorable M. Frère.

Il demande d'abord pourquoi le règlement d'Anvers, contenant un système d'arrangement, n'a pas été immédiatement étendu aux autres établissements d’ïnstruction moyenne ? Pourquoi ce qui est bon à Anvers n'est pas déclaré dès à présent bon pour les autres établissements ?

En voici la raison.

Le système d'intervention partielle pour Anvers repose sur l'initiative du conseil communal d'Anvers et du bureau administratif. Par cela même, l'action de ce règlement est limitée aux deux établissements d'instruction moyenne d'Anvers ; et toutes les fois que d'autres bureaux administratifs, d'autres conseils communaux, invités par le gouvernement à adopter des mesures semblables à celles qui ont été prises à Anvers, auront accueilli cette proposition, on pourra successivement étendre aux autres établissements le concours admis à Anvers.

C'est dans un ordre successif, et en respectant la liberté des conseils intéressés, que le gouvernement procédera. Or, il se trouve en présence d'une seule proposition ; il n'a à statuer que sur celle-là.

Je réponds maintenant à la seconde interpellation. L'honorable M. Frère a demandé s'il y avait d'autres documents que ceux que j'ai fait connaître.

Messieurs, voici comment les choses ont marché :

Toute la négociation, depuis le mois de mars, a eu le caractère que j'ai indiqué tantôt : conférences, explications de tous genres, échange de notes et de lettres pour un système d'intervention générale. La négociation entreprise sur ce pied ayant démontré au gouvernement et au clergé, que ce mode d'arrangement ne pouvait pas aboutir, on y a renoncé de part et d'autre. Par là, messieurs, sont venues à disparaîtren sous le rapport de l'utilité pratique, les notes, les explications et les lettres qui ont été échangées entre le gouvernement et les évêques du royaume.

L'honorable M. Frère dit : Il importe à la Chambre, pour apprécier ce que le gouvernement vient de conclure à un point de vue spécial et partiel, de connaître ce qui s'est passé dans le cours de la négociation qui avait pour but un arrangement général.

Je ne sais, messieurs, de quelle influence pourraient être sur l'arrangement nouveau complètement spécialisé à deux établissements, les documents qui avaient pour but un autre ordre d'idées, un autre ordre de conventions et d'intervention. Cela n'a aucune espèce d'importance et cela ne peut avoir surtout aucune espèce d'utilité.

M. Thiéfry. - Quel inconvénient y a t-il à les communiquer ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'inconvénient, c'esl de mêler à une négociation qni a un caractère spécial, des documents qui appartiennent à un autre ordre de faits, et dont la publication ne pourrait avoir d'autre résultat que de conduire à des appréciations complètement erronées.

Voilà pourquoi le gouvernement ne peut entrer dans cette voie, et pourquoi il est obligé de se refuser à communiquer les documents auxquels on vient de faire allusion.

L'honorable M. Frère dit : Mais comment veut-on que la Chambre apprécie ce que vous venez lui soumettre, si vous ne lui communiquez pas les documents qui ont appartenu à une autre partie de la négociation ? Je viens déjà de répondre ; si dans le cours de la discussion des explications plus complètes semblaient nécessaires à la Chambre, le gouvernement est là pour y répondre. Il vous donnera les explications qu'il peut vous donner. Mais au moins le gouvernement ne mêlera pas dans ces explications des documents d'un ordre tout à fait différent et étrangers à l'objet qui nous occupe.

Voilà ce que j'avais à répondre aux explications demandées par l'honorable M. Frère. Je ne dirai plus qu'un mot, pour repousser l’idée que le gouvernement n'arriverait ici qu'avec des propositions vagues et même, comme on la dit, avec des réticences.

M. Verhaegen. - J'ai dit : des explications entortillées.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne crois pas devoir relever cette expression. Nos communications sont claires et précises. Elles perdraient ce caractère si on y mêlait des faits et des pièces étrangères à la seule négociation officielle dont vous soyez saisis.

M. Verhaegen. - Evidemment, messieurs, deux questions se présentent : la première est celle de savoir si la convention qui nous est soumise par le gouvernement respecte la loi, si elle est conforme aux principes ; la deuxième question est celle de savoir si le gouvernement a eu tort de ne pas insister pour un arrangement général, s'il a bien fait de se contenter d'un arrangement qui ne s'applique qu'à un établissement spécial. Quant à cette deuxième question, messieurs, le gouvernement nous a rendu compte, dans un très long discours, de toutes les phases de la négociation. C'est en vous narrant les faits, eu vous exposant les actes successifs qui ont été posés, qu'ii a voulu vous démontrer, à tort ou à raison, qu'il ne pouvait pas insister pour une convention générale.

Eh bien, messieurs, nous qui avons à exercer notre contrôle, nous ne pouvons examiner cette question que lorsque nous aurons sous les yeux tous les documents qui se rattachent aux différentes phases de la négociation. C'est pourquoi nous demandons qu'on soumette à la Chambre et qu'on livre à l'impression, non pas quelques documents particuliers relatifs relatifs à la transaction avec l'athénée d'Anvers, mais tous les documents qui se rattachent aux négociations, depuis le commencement jusqu'à là fin.

Le gouvernement ne peut pas nous refuser cette communication, puisque ce sont ces pièces qui renferment sa justification dans sa manière de voir, puisque c'est au moyen de ces pièces qu'il doit établir qu'il n'a pas pu insister pour une convention générale.

(page 646) Nous croyons donc, messieurs, être parfaitement fondés à demander le dépôt et l'impression de ces pièces, comme documents de la Chambre. Cela est tellement conforme à nos usages constants, que je ne comprends pas que le gouvernement veuille s'y refuser. Lorsqu'il s'agit d'apprécier un acte posé par le gouvernement, la première chose que le parlement demande, c'est l'impression des pièces qui se rattachent à cet acte. Nous usons de ce droit, et nous aimons à croire que M. le ministre de l'intérieur ne persistera pas dans son refus.

Nous espérons qu'il ne voudra pas mettre la lumière sous le boisseau.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - On semble croire, messieurs, que le gouvernement ne s'est occupé du règlement qui avait été arrêté à Anvers que comme d'une espèce de pis-aller, parce qu'il n'était point parvenu à faire un arrangement général avec le clergé. C'est une erreur. Il est très vrai que le gouvernement a repris les négociations sur les bases qu'avait adoptées le précédent cabinet, mais après un échange d'explications, il a reconnu que ces bases présentaient de graves difficultés qu'il aurait de la peine à surmonter. C'est alors que, de commun accord avec le clergé, on a abandonné ces bases. On en a pris d'autres, et on a les a prises, ces autres bases, parce qu'on était convaincu qu'elles étaient meilleures, parce qu'on était convaincu que c'étaient les seules sur lesquelles on pouvait asseoir un arrangement convenable pour tout le monde.

M. Frère-Orban. - Le gouvernement ne peut pas remettre aux conseils communaux l'exécution de la loi.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Le gouvernement abandonne si peu l'exécution de la loi aux conseils communaux que les conseils communaux ne peuvent rien faire sans lui : ils auraient beau arrêter tous les règlements possibles, ces règlements ne recevraient aucune exécution avant d'avoir été sanctionnés par le gouvernement. C'est donc le gouvernement qui exécute la loi ; les conseils communaux ne font que des propositions.

Messieurs, le gouvernement vous a communiqué un premier résultat de ses négociations avec le clergé ; mais qu'il me soit permis de le dire, on commet une étrange inexactitude quand on prête à M. le ministre de l'intérieur l'intention de présenter ce résultat comme l'aplanissement de toutes les difficultés possibles. L'honorable M. Piercot n'a pas dit un mot qui ressemble à un langage aussi présomptueux ; il a, au contraire, présenté le résultat obtenu, dans les termes les plus modestes.

Il a dit que si le règlement était approuvé par le gouvernement, la loi serait exécutée à Anvers et qu'après cela, à mesure que des règlements analogues seraient adoptés dans d'autres villes, la loi pourrait également y recevoir son exécution.

Voilà ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur, qui, je le répète, ne s'est nullement vanté d'avoir fait un règlement qui aplanît toutes les difficultés et les rendît impossible à l'avenir.

Je reviens à mon premier argument. Le gouvernement vous présente un résultat, vous avez le droit de l'apprécier, vous avez le droit de le condamner, nous attendrons la décision de la Chambre ; mais je dois insister sur ce point que c'est de commun accord que les premières bases de négociation ont été abandonnées et que l'on est entré dans une voie que l'on croyait meilleure ; et la preuve qu'elle n'est pas mauvaise c'est qu'elle a abouti à un premier résultat et que nous avons l'espoir d'en obtenir d'autres plus tard.

Une autre erreur dans laquelle on semble être tombé, c'est de croire que nous nous occupons d'un règlement en quelque sorte formulé par le clergé et que nous n'aurions qu'à adopter, à sa sollicitation.

M. Frère-Orban. - Nous n'avons rien dit de semblable.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Cela me semble résulter du langage d'un autre orateur que nous avons entendu après vous ; si je me suis trompé, je n'insisterai pas sur ce point. Je me permettrai seulement une observation, c'est que le règlement a été approuvé à l'unanimité par le bureau administratif d'Anvers et approuvé à l'unanimité par le conseil communal, sous la présidence de l'honorable M. Loos, qu'on ne soupçonnera pas, à coup sûr, d'une trop grande facilité à sacrifier les droits du pouvoir civil, ni les principes consacrés par notre Constitution.

Cette unanimité de tous les membres du conseil communal, y compris son président, l'honorable M. Loos, cette unanimité est déjà de nature à inspirer de la confiance ; mais le règlement a encore subi une autre épreuve, il a été approuvé à l'unanimité par la députation permanente du conseil provincial d'Anvers. C'est dans cet état qu'il nous est arrivé. Nous avons alors soumis quelques questions, nous avons fait une correction, que M. le ministre de l'intérieur a indiquée ; il nous a été donné des explications satisfaisantes, et la correction dont il s'agit a été acceptée, encore une fois, par l'unanimité de tous les collèges que je viens d'indiquer.

Je crois, après cela, messieurs, que le gouvernement a rempli pleinement son devoir en offrant à la Chambre de lui communiquer et de livrer à l'impression toutes les pièces se rattachant au résultat obtenu, résultat qu'on peut regarder comme très grave, très sérieux, ou comme n'étant que d'une importance très minime ; d'une insignifiance complète ; sur tout cela, la Chambre est en droit de se prononcer ; mais encore une fois, pour le moment, le gouvernement aura rempli son devoir, en communiquant à la Chambre toutes les pièces qui se rattachent a la convention d'Anvers.

M. Frère-Orban. - Messieurs, il importe qu'on ne déplace prs le débat : c'est ce que vient de faire M. le ministre des affaires étrangères. Il ne s'agit pas actuellement du règlement de l'athénée d'Anvers, il ne peut pas en être question, il n'existe pas même, car, chose singulière, le gouvernement qui demande l'approbation de ses actes, n'a pas encore approuvé le règlement qu'il vous soumet ; je ne le discute pas, pour ma part ; je ne l'ai pas examiné. Il vient seulement de nous être distribué.

Mais il s'agit de savoir pourquoi un arrangement n'est pas intervenu avec le clergé. Vous nous répondez : « Les négociations que nous avions ouvertes n'ont pas abouti ; nous avons constaté, après douze ou quinze mois, que cette affaire présentait beaucoup de difficultés, et nous sommes tombés d'accord de nous en tenir à quelque chose comme le règlement d'Anvers.

Je demande précisément pourquoi vous en êtes là. Vous répondez : « Nous trouvons que c'est plus commode...»

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je n'ai pas dit cela.

M. Frère-Orban. - Vous avez trouvé que cela valait mieux dans les circonstances...

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Oui !

M. Frère-Orban. - Mais je vous demande quel est l’obstacle qui s'est présenté. A cela vous ne voulez pas répondre ; vous ne voulez pas me dire par quels motifs vous n'avez pas pu parvenir à faire une convention générale sur les bases (si vous le jugez bon) du règlement proposé pour l'athénée d'Anvers ; et moi, je désire le savoir ; la Chambre doit le savoir, le pays doit le savoir.

Vous nous dites : « Si d'autres conseils communaux font des règlements analogues à celui d'Anvers, eh bien, l'on verra, il se peut qu'il y ait alors intervention. » On ne déclare pas qu'il y aura intervention, mais cela est possible. Est-ce là la situation qu'on a voulue ? Où est la solution ?

Autrefois et jusqu'à présent, lors de la discussion de chaque budget de l'intérieur, on entendait cette interpellation réitérée : Pourquoi le gouvernement n'exécute-t-il pas l'article 8 de la loi sur l’enseignement moyen ? Pourquoi n'a-t-il pas encore fait un arrangement avec le clergé ? Il y a mauvaise volonté de la part du gouvernement, disait l'honorable M. Osy ; si d'autres hommes occupaient le pouvoir, ajoutait-il, en incriminant notre conduite, ils feraient en 24 heures une convention avec le clergé.

Eh bien, depuis la retraite de ce cabinet, ils s'est écoulé beaucoup plus que 24 heures ; pourquoi n'avons-nous pas cette convention ? Puisqu il y a eu des négociations et qu'elles n'ont pas abouti, communiquez-nous les pièces ; donnez-nous des explications. Pourquoi des réticences ? Pourquoi ne pas communiquer tout à la Chambre ? Quel motif, quel intérêt avez-vous à ne pas le faire ? Au moins faites-nous connaître les raisons qui vous déterminent à agir ainsi.

Ah ! si vous nous disiez : « Des négociations sont pendantes ; l'intérêt public nous commande de ne pas nous dessaisir des pièces ! » je vous comprendrais et je vous approuverais ; mais vous déclarez que les négociations sont terminées ; vous n'avez abouti...(interruption), M. le ministre de l'intérieur vient de le déclarer, qu'à un arrangement spécial et local pour l'athénée d'Anvers.

C'est le droit de la Chambre, de connaître tous les actes officiels qui sont de nature à l'éclairer, et je m'étonne que le gouvernement n'ait pas compris qu'il était de son devoir et de son intérêt d'offrir la communication de toutes les pièces de cette affaire.

On disait jusqu'à présent : « Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas fait une convention avec le clergé ? » Et désormais, d'après le système qu'adopte le gouvernement, on dira : « Pourquoi les conseils communaux ne font-ils pas une convention avec le clergé ? » Et le gouvernement répondra : « Je ne puis contraindre les conseils communaux ; c'est à eux à aviser, c'est à eux à exécuter la loi. »

Mais je ne comprends pas dès lors que vous nous apportiez le règlement d'Anvers et que vous nous demandiez un satisfecit. Il faut en demander un pour le bureau administratif de l'athénée d'Anvers.

Mais non : nous avons un gouvernement responsable. C'est à ce gouvernement que nous devons nous adresser et qui doit nous dire pourquoi il n'existe pas un règlement général, indiquant les principes sur lesquels repose l'intervention du clergé, et puisque l'on se tient pour satisfait des conditions du règlement d'Anvers, pourquoi l'on n'a pas fait une convention générale sur les bases de ce règlement dont nous discuterons ultérieurement les dispositions ; pourquoi enfin le gouvernement s'efface, laisse aux conseils communaux un soin qui ne peut appartenir qu'à lui.

Il n'y a pas seulement des athénées ; il y a 50 écoles moyennes ; nous désirons que l’enseignement religieux soit donné dans ces établissements ; la Chambre l'a voulu et nous l'avons voulu en 1850 ; aujourd'hui on le veut encore. Pourquoi, après un temps aussi long, les négociations n'ont-elles pas abouti ? Qu'on nous dise les motifs qui ont empêché la conclusion d'uu arrangement ; qu'on mette sous les yeux de la Chambre tous les documents propres à l'éclairer. Comment voulez-vous que la Chambre se forme une opinion, si vous tenez la lumière sous le boisseau, si vous ne nous dites pas pourquoi vous n'avez abouti qu'à un régime partiel qui, je ne le présume que trop, aura pour résultat de placer une espèce d'interdit sur un certain nombre d’établissements de l'Etat ?

(page 647) >M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, il y a deux parties dans le discours de l'honorable préopinant ; dans l'une, l'honorable membre s'est occupé de la question de savoir pourquoi le gouvernement n'a pas fait une convention générale avec le clergé ; l'autre a trait à la proposition qui tient à forcer le gouvernement à communiquer à la Chambre d'autres pièces que celles dont il a annoncé vouloir faire le dépôt. Je me bornerai pour le moment, messieurs, à la deuxième partie du discours de l'honorable membre.

On allègue le droit absolu de la Chambre d'exiger la communication de toutes les pièces. Sans doute la Chambre possède ce droit absolu ; mais elle est juge aussi de la convenance des communications. Or, mon expérience parlementaire m'autorise à dire que je n'ai pas souvenance que la Chambre ait jamais usé de ce droit, alors que des communications de ce genre lui paraissaient présenter des inconvénients.

Messieurs, le gouvernement vous soumet une convention locale ; il vous communiquera toutes les pièces qui se rattachent à cette convention faite au sujet de l'athénée d'Anvers. Mais avant d'arriver à cette dernière phase de la négociation, il y a eu des pourparlers, des tentatives pour obtenir un arrangement général. L'espoir d'un pareil arrangement a été abandonné, parce que, de part et d'autre, on s'est convaincu qu'on voulait l'impossible.

On en demande le motif ; j'avoue qu'une semblable interpellation m'aurait semblé plus légitime dans la bouche de tout autre orateur que dans celle de l'honorable M. Frèec-Orban, lui qui a fait partie du cabinet précédent et qui dès lors doit savoir devant quelles difficultés il s'est trouvé arrêté pour arriver à cette convention générale dont il déplore l'absence.

Le gouvernement, je le répète, communiquera à la Chambre toutes les pièces relatives à la convention d'Anvers ; c'est la seule convention qui soit soumise aux délibérations de l’assemblée ; il y a eu des pourparlers, des conventions officieuses ; mais si l'on forçait le gouvernement de déposer de pareilles pièces, à l'avenir toute négociation deviendrait impossible.

Quel est celui qui, dans une autre négociation délicate, se hasarderait encore à faire des communications si, le lendemain, il se trouvait exposé à voir insérer en toutes lettres dans les journaux tout ce qu'il a pu dire ou écrire ? C'est, je le répète, rendre à l'avenir toute négociation impossible que de demander que toutes les pièces qui n'étaient pas destinées à être publiées soient déposées sur le bureau.

Je demande que la proposition de l'honorable M. Verhaegen soit adoptée avec cette signification qu'elle ne comprend que les pièces relatives à la convention d'Anvers. Quant au règlement intégral concernant cet athénée, il sera communiqué à la Chambre.

M. Rogier. - Messieurs, le gouvernement en apportant un premier résultat de ses négociations avec le clergé, n'a pas fait connaître à la Chambre par quelles circonstances la négociation première qui portait sur l'exéculion complète de l'article 8 de la loi n'a pas abouti. Nous désirerions connaître pour quels motifs M. le ministre de l'intérieur a abandonné la négociation générale et s'est borné à une négociation pour un établissement spécial. C'est dans ce but que mon honorable ami l'ancien ministre des finances a demandé le dépôt des pièces qui étaient de nature à être publiées.

L'honorable M. Frère ne demande pas au cabinet de se dessaisir de pièces dont il jugerait la publication inopportune et de nature à offrir des inconvénients dans l'état actuel des négociations, si elles durent encore, mais il demande le dépôt des pièces qui peuvent être considérées comme officielles et éclairer la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Celles qui se rattachent à la convention ?

- Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Rogier. - Nous ne voulons pas créer des embarras au cabinet, nous demandons seulement que la Chambre soit éclairée ; des négociations ont eu lieu pendant quinze mois ; elles n'ont pas abouti ; doivent-elles être considérées comme non-avenues ? L'honorable M. Picrcot renonce-t-il dès maintenant à ce long travail ? ces négociations doivent-elles rester stériles ? Est-ce un travail perdu et qui doit entièrement disparaître sans laisser de trace ?

Quoi qu'il en soit, il serait intéressant de savoir pourquoi ces négociations, qui sans aucun doute avaient été conduites avec un grand esprit de conciliation, n'ont pas abouti.

Naguère M. le ministre des affaires étrangères est venu rendre compte très longuement de négociations avec un pays voisin qui n'avaient pas abouti. La Chambre a été éclairée. M. le ministre a fait connaître par de longs et nombreux documents pourquoi ces négociations n'avaient pas abouti ; on demande que M. le ministre de l'intérieur veuille bien dire par quelles circonstances les négociations avec le clergé sont restées sans résultat et qu'il dépose les pièces qu'il trouvera convenable de nous communiquer.

Si le cabinet pense qu'il ne faut rien dire du tout, que ces longues négociations doivent être considérées comme non-avenues, et rester comme un mystère pour la Chambre, on en pourra tirer cette conséquence que cet arrangement qu'on disait si facile, que cette mauvaise volonté que l’opposition reprochait à l'ancien cabinet, que cette pacification qui devait suivre sa retraite, que cette bonne volonté, ce désir d'arriver à un arrangement général, que témoignait le clergé, que tout cela n'existait que dans l'imagination de l'opposition.

Nous devons le constater en présence de l'avortement des négociations.

Un fait a surgi de la part d'un conseil communal, le gouvernement s'est emparé de ce fait et on a bâti sur cette base un nouvel édifice auquel on n'avait pas travaillé dans tous le cours des négociations.

Je constate que le cabinet actuel, contrairement aux opinions tant de fois exprimées, notamment par l'honorable M. Osy, je constate que le nouveau cabinet n'a pas trouvé plus de facilité pour arriver à l'exécution de la loi de 1850 que le cabinet précédent. Par conséquent, les difficultés qu'on rencontrait alors ne tenaient pas à la présence des hommes qui étaient au pouvoir, à la mauvaise volonté des ministres, niais à d'autres circonstances sur lesquelles la Chambre serait utilement éclairée, si le cabinet voulait bien consentir à publier la correspondance à laquelle ont donné lieu les négociations. S'il s'y refuse, s'il croit avoir des motifs pour s'y refuser, nous ne pouvons pas lui imposer une obligation qu'il ne voudrait pas remplir. Quant à moi, je ne m'associerai pas à un vote qui aurait pour but de forcer un cabinet de déposer des pièces qu'il ne croit pas pouvoir communiquer.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Si le gouvernement, en communiquant à la Chambre le règlement d'Anvers, avait dit quelque chose d'où il pût résulter un blâme pour l'ancien cabinet, à l'effet d'en tirer un avantage personnel, je comprendrais les dernières paroles de l'honorable M. Rogier. Mais rien de pareil n'est sorti de la bouche d'aucun de nous. Permettez-nous de constater ce fait, comme vous en avez constaté vous-mêmes un autre ; permettez-nous de constater, dis-je, que pas un mot n'est sorti de notre bouche dont on puisse inférer que nous nous présentons comme ayant été plus habiles que l'ancien cabinet.

Nous avons communiqué à la Chambre un résultat à la suite d'assez longues négociations, et nous l'avons communiqué dans les termes les plus simples, sans avoir rien dit pour en exalter le mérite.

Maintenant on nous fait un grief de ne pas avoir abouti à un arrangement général avec le clergé. On nous dit : « Justifiez-vous de ne pas avoir abouti, en montrant les pièces qui ont été échangées. » Pour que nous eussions à nous justifier, il faudrait que l'on eût démontré que nous sommes en faute.

Jusqu'à présent, on ne l'a pas fait, et je défie que l’on établisse qu'il y avait pour le gouvernement obligation de traiter par voie d'arrangement général. A coup sûr la loi ne nous impose pas cette obligation.

Nous avions à choisir la voie que nous jugerions la meilleure pour aboutir au résultat que nous avions en vue. Nous avons choisi la voie d'un arrangement local et partiel, et je prétends que nous étions parfaitement libres de procéder comme nous l'avons fait, et qu'il n'y a de ce chef aucun grief à articuler contre nous.

L'honorable M. Rogier, avec une modération de langage dont je lui sais gré, a reconnu qu'on aurait tort d'insister pour obtenir du ministère le dépôt de pièces dont nous jugerions la communication inopportune et fâcheuse. Nous prenons acte de ces paroles, et nous déclarons de la manière la plus formelle que toutes les pièces qui peuvent aider la chambre à apprécier l'acte que le ministre de l'intérieur a communiqué aujourd'hui à la chambre, toutes les pièces qui peuvent être publiées sans inconvénient, nous les livrerons à l'impression. Il sera ainsi donné satisfaction à la plus grande partie de la proposition de M. Verhaegen.

M. le président. - M. Verhaegen vient de modifier sa proposition en ce sens qu'il ne demande la communication que des pièces officielles.

M. Verhaegen. - C'est toujours ainsi que je l'ai entendu.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Permettez-moi de m'expliquer. Nous maintenons l'offre qui a été faite de prime abord par M. le ministre de l'intérieur de déposer sur le bureau toutes les pièces dont nous croyons la communication utile, et nous demandons à la Chambre de s'en contenter. Si plus tard on demande la communication d'autres pièces, nous nous expliquerons, et, s'il y a dissentiment entre d'honorables membres et nous, nous nous soumettrons à la décision de la Chambre.

J'entends dire : Nous ne connaissons pas les pièces. Ainsi, c'est de pièces que vous ne connaissez pas que vous demandez la communication.

M. Frère-Orban. - Je demande communication des pièces, s'il y en a. Vous répondez qu'il y en a, et que vous ne voulez pas en donner communication.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je réponds qu'il y a des pièces officielles, et qu'il y a eu échange de pièces confidentielles, que la Chambre n'a aucun intérêt à connaître.

Et qu'il me soit permis de rappeler que j'ai toujours été d'opinion avant d'être entré au ministère que le meilleur moyen d'arriver à un résultat (je ne sais si je puis faire appel à l'honorable M. Rogier ; mais je me souviens d'en avoir causé avec lui) était de se communiquer des notes, des projets, en se promettant de n'y pas donner suite si les négociations n'aboutissaient pas. Ç'a toujours été mon opinion pour cette matière comme pour toute négociation d'une nature délicate, car du moment où les négociations doivent s'attendre à ce que toutes les pièces soient livrées à l'impression et à la critique du public, ils (page 648) usent d'une réserve dont ils se départissent lorsqu'ils peuvent compter sur une entière discrétion.

Je répète donc que le gouvernement déposera sur le bureau les pièces dont il peut être intéressant pour la Chambre d'avoir la communication et qui se rattachent au résultat que nous avons obtenu.

Que si, après cela, on demande d'autres pièces, nous attendrons la décision de la Chambre pour nous y soumettre.

M. Lebeau. - Je n'ai que quelques mots à dire, car je ne puis oublier qu'il ne s'agit pas du fond de la discussion, qu'il ne s'agit en ce moment que d'un simple incident, d'une motion d'ordre. C'est exclusivement sur cette motion que je demande à la chambre la permission d'occuper son attention pendant quelques minutes. (Parlez ! parlez !)

Je crois que la discussion qui s'est établie sur les motions des honorables MM. Frère et Verhaegen est prématurée. Je crois que, pour les examiner et les résoudre en pleine connaissance de cause, pour bien préciser les points sur lesquels une communication ministérielle pourrait porter, il faudrait avoir pu lire et méditer le discours de l'honorable ministre de l'intérieur, que nous n'avons pu complètement saisir dans la séance d'aujourd'hui.

C'est seulement lorsque nous aurons lu ce document, qui ne tardera pas à nous être communiqué, puisque dès demain les Annales parlementaires nous l'apporteront, c'est seulement alors que les honorables MM. Frère et Verhaegen, et en général les membres de la Chambre, pourront apprécier les points sur lesquels porterait éventuellement une communication ministérielle, et que le ministère pourra, s'il y a lieu, être mis en demeure de s'expliquer sur l'utilité de cette communication.

Voilà, quant à ce premier point.

Je croirais faire injure au cabinet, si je pensais qu'il y a entre le clergé et lui autre chose qne la convention d'Anvers ; je croirais faire injure à la loyauté, à la sincérité des ministres, si je pensais qu'il y a, comme arrêté, quelque chose en dehors de l'adhésion donnée au règlement d'Anvers ; qu il y a sur les questions de principe des engagements pris par le gouvernement sur lesquels il se tait.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Il n'y a rien en dehors du règlement.

M. Lebeau. - Je prends acte de la déclaration. Je n'en avais personnellement pas besoin pour comprendre que le sentiment de son devoir et de sa dignité empêcherait le gouvernement d'aller au-delà. Je tiens donc à constater que le gouvernement est et doit rester complètement libre, en dehors de l'application du règlement d'Anvers, quant à l'exécution de la loi de 1850.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Parfaitement libre.

M. Lebeau. - Sans vouloir aborder le fond du débat, je crois cependant pouvoir rencontrer une pensée qui vient d'être émise et que je pourrai examiner plus mûrement dans la discussion du fond.

On s'étonne qu'on ait procédé par un arrangement partiel. J'aurais d'autant plus mauvaise grâce à m'en étonner, moi, que j'ai indiqué ce mode comme plus pratique, moins hérissé de difficultés, qu'un arrangement fénéral. Je l'ai, pour ainsi dire, proposé avec l'adhésion de la section centrale pour le budget de l'intérieur de 1852, présidé par mon honorable ami M. Verhaegeu. (Interruption.)

J'espère, car ce serait bien contre mes intentions, ne blesser aucune susceptibilité en invoquant les souvenirs que je crois fidèles, et je crois naturellement ne pas avoir à me défendre sous ce rapport, à l'égard de mes amis politiques.

Je ne sais s'il m'est permis d'ajouter quelques mots sur l'importance qu'on semble attacher à un arrangement général.

J'ai en tout temps déclaré que j'y voyais une sextuple difficulté. Elle serait même insoluble en d'autres pays, s'ils étaient dans des conditions politiques et légales, analogues à celles où nous nous trouvons. Supposez pareil accord à établir dans un pays voisin, en France, par exemple ; un arrangement général avec ce qu'on appelle l’épiscopat rencontrerait peut être trente à quarante fois la difficulté qui existerait pour des arrangements partiels.

Il est une qualification que je vais donner ici et ailleurs aux chefs du clergé catholique belge. C'est toujours de l'épiscopal et non des évéques qu'on parle.

Je n'admets pas qu'il y ait officiellement en Belgique un corps qui s'appelle épiscopat. Je n'admets pas qu'il y ait en Belgique un corps moral collectif qui s'appelle légalement de ce nom.

Je ne connais en Belgique qu'un archevêque et des évêques ; et par cela même que selon moi il n'y a en Belgique qu'un archevêque et des évéques, indépendants et libres les uns envers les autres, chacun dans sa juridiction, si j'admets que souvent l'accord doive naturellement s'établir entre ces honorables chefs du clergé, je n'admets pas que cet accord soit nécessaire, indispensable en toutes circonstances ; j'admets au contraire qu'il peut y avoir entre eux des différences d'opinion sur certaines questions, même de profonds dissentiments. J'admets, par exemple, que des divergences d'opinion puissent à la rigueur, exister entre eux quant à la loi d'enseignement. C'est ainsi qu'en France, si vous vouliez traiter avec l'ensemble des évêques, avec ce que l'on nomme ici l'épiscopat, sur des questions politico-religieuses, vous auriez à vous entendre avec 30 ou 40 prélats, parmi lesquels il y a des diversités profondes d'opinion même sur les matières qui semblent purement religieuses. Sans aller plus loin, je vous nommerai les gallicans et les ultramontains.

Messieurs, si le résultat partiel obtenu, et dont je m'applaudis, se concilie, comme je l'espère, avec les principes de la loi de 1850, à la défense desquels nul ne faillira moins que moi ; si ce précédent nous conduit à l'équivalent d'un arrangement général, je m'en féliciterai. S'il n'aboutit pas à un tel arrangement, même sous la forme d'arrangements partiels, je le regretterais profondément ; mais je m'en consolerais en présence de la prospérité toujours croissante de nos établissements d'instruction moyenne, pour lesquels jusqu'ici le patronage des pères de famille et la faveur de l'opinion publique ont lutté avantageusement contre la défaveur qui paraissait devoir s'attacher à l'absence du clergé. Mais, messieurs, quoique j'aie pleine confiance dans l'avenir de ces établissements, quelle que soit la résolution de ce même clergé, je n'en apprécie pas moins l'importance qu'il y aurait à voir le précédent d'Anvers généralisé dans le pays, si nous le tenons pour acceptable.

Messieurs, je crois avoir déjà abusé des moments de la Chambre et m'être peut-être écarté de la motion d'ordre. Je me résume en disant que je désire que le gouvernement fasse les communications les plus larges possibles. Mais comme il a la responsabilité et que dans les circonstances actuelles, j'hésiterais beaucoup, en tous cas, à faire violence au gouvernement, j'attendrai les communications qu'il croira pouvoir nous faire, et je demanderai qu'on ne reprenne la motion d'ordre qu'après la distribution du discours de M. le ministre de l’intérieur.

M. Verhaegen. - Je demande la parole pour un fait personnel.

C'est sans doute sans réfléchir que l'honorable M. Lehcau vient de mêler mon nom à la discussion. Je me rappelle que nous avons assisté ensemble à une section centrale où il s'est agi du budget de l'intérieur. Mais l'opinion qui a été énoncée alors par l'honorable M. Lebeau n'a pas été partagée par moi ; je me suis même permis de faire une observation à cet égard. Je respecte toujours l'opinion de mes collègues, mais j'aime qu'on respecte aussi les miennes ; je fais donc un appel aux souvenirs de l'honorable M. Lebeau pour qu'il veuille bien rétablir les faits tels qu'ils se sont passés. Je le répète, je me rappelle que l'honorable M. Lebeau à énoncé la même opinion qu'aujourd'hui et qu'il a donné un conseil en ce sens au gouvernement ; mais je n'ai pas partagé son opinion.

Ce que je sais aussi, c'est que dans cette section centrale, et je fais encore sur ce point un appel à mes collègues, il s'est agi d'imprimer toutes les pièces officielles de la négociation avec le clergé, et l'honorable M. Lebeau partageait à cette époque notre manière de voir ; il a été d'avis, comme nous, que toutes les pièces devaient être imprimées et elles l'ont été. Je ne sais donc pas pourquoi le gouvernement refuserait aujourd'hui à l'impression des pièces officielles de même nature.

M. Lebeau. - Messieurs, je n'ai nul souvenir du dissentiment partiel dont vient de parler mon honorable ami ; nous étions, je crois, d'accord sur tous les points, et spécialement sur celui qui vient d'être signalé. Mon travail était en grande partie consacré à faire ressortir les facilités qu'on pourrait rencontrer en substituant des négociations partielles à une négociation générale. Il n'y avait de divergence d'opinion qu'avec un membre de la droite et seulement sur l'appréciation de la conduite du cabinet. Du moins, je le crois ainsi.

Je m'en rapporte, du reste, volontiers à mon honorable ami et à mes honorables collègues dans la section centrale. Seulement je dois dire que si, en opposition à mes souvenirs, il y avait eu sur un point de mon travail la divergence d'opinion qu'on signale, ce dissentiment n'a pas éclaté dans la discussion publique.

J'ajoute que si nous avons, en section centrale, décidé l'impression des documents, c'est-à-dire la correspondance du ministre de l'intérieur et des chefs du clergé catholique, c'est avec l'autorisation du cabinet. C'était, en outre, par suite d'une communication spontanée offerte par lui-même, que nous avons cru pouvoir porter cette communication à la connaissance de la Chambre.

M. le président. - Je crois que nous sommes maintenant tous d'accord. Le gouvernement a promis la communication de certaines pièces. Quand il les aura communiquées, on verra si elles sont suffisantes. Si elles ne le sont pas, on pourra en réclamer d'autres. (Assentiment.)

- La séance est levée à 5 heures et un quart.