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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 17 février 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 759) M. Dumon fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« L'administration communale de Frasnes demande la création d'un tribunal de première instance à Philippeville. »

« Même demande de membres du conseil communal d'Anthée. »

« Même demande de l'administration communale de Hemptinne. »

« Même demande des membres du conseil communal et des électeurs de Laneffe. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des propriétaires et habitants de Flobecq prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer partant de Saint-Ghislain et se dirigeant directement vers Gand par Flobecq. »

- Même renvoi.


« Le sieur Blyckaerts prie de nouveau la Chambre de lui faire obtenir le payement des intérêts et arrérages d'une rente à charge de la ville de Nivelles. »

- Même renvoi.


« Le sieur P.-E. Biver, lieutenant d'état-major, né à Luxembourg, demande la grande naturalisation avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


» Le conseil communal de la Hulpe demande que les houilles, les fontes et les fers soient frappés d'un droit fiscal qui n'excède pas 10 p.c. de la valeur. »

-Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif au tarif des douanes.


« Les membres du conseil communal de Belcele déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

« Même déclaration des membres du conseil communal de Tremeloo. »

« Même déclaration de plusieurs habitants de Termonde. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Des membres de la société dite Tael en Kunst à Hamme demandent que la langue flamande jouisse de droits qui reviennent à la langue parlée par le plus grand nombre des Belges. »

- Même renvoi.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. de Perceval. - J'ai l'honneur de déposer plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.

M. Van Overloop. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission sur la demande en naturalisation du sieur Guisez.

M. A. Vandenpeereboom. - J'ai l'honneur de déposer deux rapports sur des demandes en naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés, distribués et mis à la suite de l'ordre du jour.


Il est procédé au tirage au sort des sections.

Elles seront convoquées demain pour se constituer.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Second vote des articles

Chapitres I à X

Articles 4, 29, 30 et 47

La Chambre adopte définitivement sans discussion les articles 4, 29, 30 et 47 tels qu'ils ont été modifiés au premier vote.

Chapitre XI Agriculture

Article 52

M. le président. - L'article 52 du chapitre relatif à l'agriculture a été, sur la proposition dé la section centrale, divisé èn 5 articles ; sur la proposition de M. Delehaye, une somme de 15 mille francs a été distraite du littéea B du premier de ces articles ; on en a fait un article spécial destiné à des primes pour étalons de race indigène.

Par suite de la division, l'article relatif à l'enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture a été augmenté de 24,500 francs ; il a été porté de 94,500 à 119,000 francs.

La pemière question à discuter est celle de savoir si on maintiendra ou si on ne maintiendra pas la division des littéras en articles.

De la décision qui sera prise sur ce point peut dépendre le maintien ou la modification des chiffres primitivement adoptés.

La discussion est ouverte.

M. de Muelenaere. - Messieurs, il me semble que cette division qui avait été proposée par la section centrale nous coûte un peu cher. Il en résulte, je crois, une augmentation d'environ 25,000 francs. Je suis d'avis que, dans un but de sage économie, il vaudrait mieux en revenir à la proposition du gouvernement, puisque M. le ministre a déclaré que si la division n'était pas adoptée, la somme primitivement proposée serait suffisante pour couvrir toutes les dépenses. J'espère que dans le budget prochain le gouvernement fera droit aux observations de la section centrale, observations conformes aux principes d'une bonne comptabilité.

M. de La Coste. - Messieurs, je me permettrai à cette occasion de faire quelques observations sur celles qui ont été adressées à la section centrale, dont j'étais membre. Je n'ai guère pris part à la discussion ; ainsi la Chambre ne trouvera pas mauvais que je place ici ces observations.

Messieurs, que l'on veuille bien se faire cette question : Qu'est-ce que le travail d'une section centrale ?

Les sections se réunissent pour faire l'examen d'un budget.

Cet examen, il faut bien le dire, c'est un examen critique. Ainsi ces observations critiques tendant, non pas à censurer la marche du gouvernement, mais à l'éclairer, à l'améliorer, sont la matière première sur laquelle une section centrale doit travailler.

La section centrale les examine, en fait un triage, et cependant ce sont toujours ces observations qui font la base de son travail, et s'il m'est permis de faire cette comparaison, une section centrale ne peut pas de toutes ces épines composer pour le ministère un bouquet de roses.

Ces observations sont quelquefois combattues avec beaucoup de chaleur ; j'ai cependant observé qu'elles finissaient souvent par produire de très bons résultats. C'est ainsi, messieurs, que nous avons vu attaquer aussi avec chaleur, mais, je crois, sans animosité, la marche suivie dans l'administration des chemins de fer ; et successivement on est parvenu à s'entendre ; on est parvenu à faire adopter par le ministère les idées de la Chambre et l'on a fini, je crois, par obtenir d'excellents résultats qui peuvent encore s'améliorer. Ainsi l'on aurait tort de voir dans cette marche toute naturelle, dans cette direction toute naturelle, une tendance hostile.

Je me bornerai à ces observations quant à la marche de la section centrale en général.

Quant à la question que vient de soulever l'honorable M. de Muelenaere, j'avoue que, pour ma part, je ne vois pas réellement d'augmentation de dépenses. En effet, messieurs, si le crédit pour l'enseignement agricole n'avait pas besoin d'être augmenté quand il ne formait qu'un littéra, si le gouvernement avait la conviction que les économies que présenteraient les autres littéras suffiraient pour couvrir ces dépenses, il est évident que ces économies subsisteront encore.

Car ce serait faire injure au gouvernement de penser qu'il ne fera pas les économies sur lesquelles il comptait, parce qu'il aurait été contrarié par la division en articles. Ainsi, si nous portons 25,000 fr. de plus à un article, il y aura 25,000 fr. d'économie sur les autres, et il n'y aura pas un sou de plus à payer par le trésor.

Messieurs, si la Chambre voulait entrer trop minutieusement dans l'administration, si elle voulait placer l'administration dans la Chambre, j'y verrais, pour ma part, un véritable danger. Mais est-on entré ici dans un détail trop minutieux ? Messieurs, comparez ces divisions aux articles qui existent dans le reste du budget ; ce sont tous des articles considérables ; ce sont des articles qui valent la peine d'être votés séparément.

Maintenant la Chambre est-elle disposée, pour cette année, à rétablir les choses telles qu'elles étaient, sauf à laisser pourtant le précédent que son vote a posé comme une indication au ministère, comme une marque de son désir et de sa volonté que ces articles soient séparés à l'avenir ? Alors je me rangerai à l'opinion de l'honorable M. de Muelenaere, ou du moins je ne m'y opposerai pas.

M. Rogier. - L'honorable M. de La Coste vient de constater ce qu'il appelle les bons résultats du travail de la section centrale. Messieurs, le travail de la section centrale a sans doute sa valeur ; la section centrale s'est livrée à des critiques, c'est son droit, c'est son devoir, suivant l'honorable membre, et je ne conteste pas cette opinion. Mais quant aux bons résultats obtenus, j'ai peine à les constater avec l'honorable préopinant.

La section centrale, je pense, a eu pour but de ramener le budget de l'intérieur dans des limites plus modérées. Suivant l'opinion souvent exprimée par son honorable rapporteur, on dépense beaucoup trop au département de l'inlérieur. C'est un budget qui devrait subir un grand nombre de réductions. Or, messieurs, qu'est-il arrivé ? C'est que le budget, tel qu'il va sortir de la discussion, le budget pour 1854, présentera sur le budget de l'exercice 1853, une augmentation de près de 500,000 francs.

- - Plusieurs membres. - Ce n'est pas le fait de la section centrale.

M. Rogier. - On a parlé de bons résultats ; je les constate.

M. de La Coste. - J'ai parlé des résultats pour le chemin de fer.

M. Rogier. - Vous vous êtes applaudi des bons résultats du rapport de la section centrale.

M. de La Coste. - La section centrale pour les chemins de fer.

M. Rogier. - Mais non ; la section centrale dont vous faisiez partie.

(page 760) M. de La Coste. - Je n’ai pas parlé de cela. Répondez à ce que j'ai dit.

M. Rogier. - Nous discutons le budget de l'intérieur et non celui des travaux publics. Je n'adresse pas de reproches à la section centrale, mais je dis que malgré l'opinion exprimée par le rapporteur de la section centrale que le budget de l'intérieur renfermait trop de dépenses, qu'il y avait lieu de corriger, d'émonder, de diminuer, nous nous trouvons en présence d’une augmentation de 500,000 fr. sur le budget de 1853 ; et ce budget de 1853, comparé au projet présenté en 1852, s'était déjà trouvé augmenté d'une somme de 60,000 fr.

Je me borne à constater ce résultat.

J'ajoute, messieurs, que la trop grande rigueur que la section centrale a voulu apporter dans la division des articles doit avoir pour effet et a déjà eu pour effet aussi d'accroître les dépenses. C'est ainsi que M. le ministre de l'intérieur a été amené à iniputer sur un seul article une augmentation de 24,000 fr., laquelle augmentation se répartit aujourd'hui sur divers littéras, et M. le ministre n'a pas pu diminuer sur ces littéras l'équivalent de cette somme. Il y a donc du danger, au point de vue de l'économie, à trop diviser les articles du budget.

Ce danger vous a été signalé maintes fois. Permettez-moi de vous citer à ce sujet l'opinion d'un ancien ministre ; voici ce que disait l'honorable M. de Theux des inconvénients d'une trop grande division des crédits, au point de vue de l'économie :

« Je me permettrai de rendre à la Chambre attentive à ce point, c'est que plus les demandes de crédits supplémentaires deviendront rares, plus les dépenses de l'Etat s'accroîtront. Cette observation, je l'ai déjà faite à propos de la trop grande division des dépenses en articles. J'ai dit en plusieurs occasions, et l'expérience a justifié mes paroles, que plus ou divise les dépenses en articles, plus le ministère, pour n'avoir pas d'insuffisance, est obligé d'en majorer le chiffre.

« Je dis aussi que plus la Chambre adressera de critiques sévères aux demandes de crédits supplémentaires, plus les ministres grossiront les chiffres des divers articles, pour ne plus se trouver dans le cas de venir avec des demandes semblables.

« Je sais qu'il importe que les dépenses soient, autant qu'il est humainement possible, prévues avec exactitude dans le budget présenté à nos délibérations. Je le comprends parfaitement. Mais vous serez toujours placés entre ce double écueil de voter des crédits insuffisants et d'accorder des crédits supplémentaires, ou bien d'accorder à l'avenir des crédits plus considérables que ne le réclament les besoins réels du service. Or on sait que, quand un crédit a été voté, il y a toujours une grande tendance à le dépenser intégralement. »

Voilà l'opinion professée par l’honorable M. de Theux, en ce qui concerne la trop grande division des crédits, et en ce qui concerne aussi la prohibition absolue des crédits supplémentaires. M. le ministre de l'intérieur qui, avec de très bonnes intentions sans doute, a formulé devant la Chambre l'idée de ne plus demander de crédits supplémentaires, à quoi a-t-il été amené ? A demander des augmentations sur divers articles. C'est ainsi qu'au budget de 1853, M. le ministre de l'intérieur a demandé des augmentations. Le projet primitif n'était que de 6,010,000 fr., et ce chiffre s'est trouvé porté à 6,678,000 francs.

Maintenant, pour 1854, M. le ministre a demandé d'abord une augmentation de 149,000 fr. sur le budget de 1853 ; puis, dans la discussion en section centrale, il a demandé une nouvelle augmentation de 74,000 fr. ; enfin dans la discussion publique, ont surgi des propositions qui ont amené en définitive une augmentation de près de 500,000 fr. sur le budget de 1853.

M. le président. - M. Rogier, je crois que les augmentations ne vont qu'à 395,204 fr.

M. Rogier. - Voici le compte, M. le président. D'après le projet de budget primitif présenté par M. le ministre, l'augmentation était de 149,000 fr. En section centrale, suivant le rapport de l'honorable M. de Man, il a été demandé une augmentation de 74,000 fr. Voilà déjà au-delà de 220,000 fr. Maintenant nous avons ajouté 200,000 fr. au crédit de la voirie vicinale ; nous avons voté 55,000 fr. de plus pour les décorés de la croix de Fer et une augmentation de 7,000 fr. pour les concours de l'enseignement moyen ; j'ajoute à tout cela les 24,000 francs que, par suite de la réduction en articles des littéras du crédit de l'agriculture, M. le ministre a été obligé de demander en plus, et j'arrive bien aux 500,000 francs.

- Un membre. - Et les réductions ?

M. Rogier. - Je viens aux réductions ; j'en étais là, quand M. le président a bien voulu m'interrompre.

M. le président. - C'était uniquement dans l'intérêt de la vérité.

M. Rogier. - Je crois être dans la vérité, M. le président, et je vous remercie.

Eh bien, voici ce que sont les diminutions, en présence de ces 500,000 fr. d'augmentation. On n'a rien diminué des anciens chiffres des budgets, mais il est certaines augmentations proposées pour 1854 et qu'on n'a pas accordées ; c'est ainsi qu'on a refusé 2,000 fr. pour un professeur de chimie pratique au musée d'industrie ; 10,000 fr., pour doter le même musée d'instruments aratoires ; 7,000 fr. pour le musée d histoire naturefie : 38,000 fr. pour les beaux-arts ; enfin, 2,500 fr. pour les archives ; voilà toutes les diminutions. (Interruption.)

- Un membre. - Vous sortez de la question.

M. le président. - M. Rogier est dans son droit ; il répond à une observation présentée par M. de La Coste.

M. de La Coste. - M. Rogier ne me répond pas du tout.

M. le président. - M. de La Coste a dit que les rapports des sections centrales produisent souvent de bons résultais, et il a cité comme exemple les résultats obtenus en ce qui concerne le budget des travaux publics.

M. Rogier examine la valeur de l'observation de M. de La Coste, en ce qui concerne le budget de l’intérieur ; il est dans son droit.

M. Rogier. - Je dirai que l'honorable M. de La Costc a tort de m'interrompre ; c'est lui qui a ouvert la discussion ; il s'est plaint des vives attaques dont le travail de la section centrale avait été l'objet, il s'est applaudi des bons résultats auxquels ce travail avait donné ou donnerait lieu. J'aurais déjà fini, si je n'avais pas été interrompu.

Je me borne à constater des faits...

M. de La Coste. - Non !

M. Rogier. - Les députés de Louvain sont d'une vivacité increvable ; je le répète, je me borne à constater des faits. 500,000 fr. d'augmentation d'une part, et, si je n'oublie pas quelque chose, 59,000 fr. d'augmentation refusés, d'autre part.

M. le président. - Pour que les faits soient bien constatés, voici le résultat des votes de la Chambre : le projet de budget s'élevait à la somme de 6,827,337 fr. 59 c ; le résultat des votes de la Chambre a porté ce chiffre à 7,222,541 francs, augmentation 395,204 francs. Mais il y a un article nouveau qui n'est que l'application d'une loi : cet article, c'est le crédit de 103,000 francs pour le monument du Congrès.

M. Vilain XIIII. - Messieurs, je suis assez de l'avis de l'honorable M. de Muelenacre. Il me semble que 24,000 fr., c'est un peu cher pour avoir le plaisir de subdiviser un crédit en articles.

L'honorable M. de La Coste dit que l'augmentation de 24,000 fr. n'est qu'illusoire ; qu'on a fait des économies auparavant, et qu'on en fera encore.

Messieurs, tout le crédit sera dépensé, il n'y a pas le moindre doute à cet égard. Voici comment je me figure que les choses se sont passées jusqu'ici au département de l'intérieur :

On avait absolument besoin de la somme de 119,000 francs formant maintenant l'article 52-5 sous l'intitulé : « subsides à l'enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture » ; mais on savait très bien, au ministère, qu'une grande partie de cette Chambre était plus ou moins hostile à cet enseignement ; on n'osait pas demander une augmentation de crédit, on faisait alors des efforts héroïques pour diminuer les dépenses sur les autres littéras afin de se procurer, au moyen des économies ainsi faites, les 24,500 francs dont on avait absolument besoin pour les écoles d'agriculture et d'horticulture.

Maintenant que les 24 mille fr. sont accordés pour ce service, on nagera en pleine eau et vous pouvez être certains qu'on ne fera plus d'économie sur les autres littéras transformés en articles ; ce sera 24 mille fr. qu'on dépensera en plus si vous persistez dans votre premier vote. Je voterai contre la division.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - L'honorable M. Rogier vient de constater avec une certaine affectation que le budget de l'intérieur sortira de cette Chambre plus ou moins augmenté et il semble attribuer ce résultat au rapport de la section centrale. Savez-vous, messieurs, d'où proviennent ces augmentations ?

Elles proviennent de ce que le gouvernement dans le système parlementaire a une très grande propension à pousser à l'augmentation des dépenses ; cela provient de ce que dans les assemblées parlementaires, cette propension existe d'une manière très marquée. Chacun veut être agréable à ses commettants, et l'on ne songe pas aux charges, qui sont les conséquences de cette munificence.

Or, c'est ce laisser aller, c'est cette propension qui nuisent le plus au gouvernement parlementaire. Je le constate, quant à moi, avec peine. Mais si cet entraînement existe, est-ce un motif pour faire la guerre à un travail consciencieux d'une section centrale ? Mais que serait-ce donc si au milieu de cet entraînement, une digue, quelque faible qu'elle soit, ne faisait pas quelque résistance et ne veillait aux intérêts des contribuables ?

Plus vous critiquerez les demandes du gouvernement, plus vous diviserez les crédits, a déclaré l'honorable M. Rogier, plus les dépenses supplémentaires seront considérables.

S'il ne nous est plus permis de discuter, même d'une manière un peu vive, les projets de dépense de l'administration et les crédits supplémentaires, je ne sais où cela aboutira ; ce ne sera pas à coup sûr à des diminutions.

Si nous nous taisons, l'exagération des services, l'extension du personnel augmenteront encore bien plus vite.

Au reste, c'est du temps perdu que de répondre à l'argumentation de l’honorable député d'Anvers, cette argumentation ne repose que sur des sophismes.

J'en viens à quelque chose de plus sérieux, le gouvernement vous a proposé un crédit considérable destiné à des services d'un caractère différent, la section centrale vous a demandé de partager ce crédit en 5 articles, qui font la part de chacun de ces services.

(page 761) Que fait le gouvernement pour faire échouer cette proposition qui tend à mettre de l’ordre dans les comptes, qui tend à assurer l'exécution de la volonté de la législature ? Il a fait valoir que ce partage qui a été adopté au premier vote nécessitait une augmentation de 24,000 francs pour l'enseignement agricole, dont la dotation semblait réglée à 94,000 francs, d'après les indications faites par le gouvernement lui-même.

Cette prétention paraît avoir produit son effet. L'on vous demande d'en revenir de votre première décision, d'abandonner le partage en cinq articles, et de voter le crédit sans partage, afin que l'administration puisse, par le moyen des transferts, avoir à sa disposition 122,000 francs environ pour subsidier l'enseignement agricole.

Examinons quels sont les paragraphes sur lesquels le gouvernement pouvait faire des économies pour faire face aux besoins de l'enseignement agricole, car il a déclaré que le crédit était suffisant pourvu qu'il ne fût pas divisé. Quand on examine attentivement les divers services auxquels ce crédit est destiné à pourvoir, on voit que les économies qu'il peut faire portent sur les dépenses facultatives, telles que les concours, les expositions agricoles, les subsides, les encouragements aux sociétés et aux comices agricoles, à l'industrie séricicole, aux bibliothèques rurales, aux conférences agricoles des instituteurs primaires, aux encouragements à l'agriculture, toutes dépenses facultatives et dont plusieurs sont susceptibles de réductions ans nuire aux intérêts du pays.

Maintenant, voici ce que j'ai l'honneur de vous proposer. Je demande qu'on réunisse les deux derniers articles, pour n'en faire qu'un seul. Je demande qu'on réunisse les crédits qui concernent l'enseignement professionnel d'agriculture et d'horticulture et les concours, expositions, subsides et encouragements, etc.

Au lieu de 5 articles nous en aurions 4 et le quatrième comporterait un chiffre de 179,000 fr. Le gouvernement pourrait opérer sur les dépenses très facultatives les économies nécessaires pour avoir la somme dont il a besoin pour l'enseignement agricole.

Le gouvernement se rallie-t-il à cette proposition ? Je l'espère, car elle est suffisamment motivée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne me suis jamais plaint des critiques que la section centrale trouve bon de soulever sur le budget ; c'est son droit ; je reconnais que dans beaucoup de circonstances cela peut être fort utile ; tout dépend de la forme et de la mesure.

Je ne me plains donc pas. Mais ce que je demande, c'est qu'on laisse au gouvernement une liberté complète pour justifier ses actes et ses propositions. C'est là, son droit, et la Chambre le reconnaît.

Je viens à la division proposée par la section centrale et adoptée au premier vote.

Le gouvernement est désintéressé dans la question. Du moment que les crédits sont suffisants, il importe peu que vous divisiez en articles ou en littéras. Mais j'ai dû faire remarquer les résultats inévitables du régime nouveau de division par articles qu'on voulait substituer à la division par littéras ; c'est-à dire, une augmentation de dépense. Vous y êtes arrivés.

Je conviens avec l'honorable M. Vilain XIIII que c'est acheter un peu cher le plaisir de convertir les litteras en articles.

Les articles étant ainsi maintenus, on demande si le gouvernement ne fera pas sur les articles les économies qu'il faisait sur les anciens littéras ; cela est possible ; c'est même probable, mais cela ne dépend pas absolument î.n gouvernement. L'exemple cité ne prouve rien. L'honorable M. Vilain XIIII a dit que la somme de 94 mille fr. portée pour l’enseignement agricole, le gouvernement savait bien qu'elle n'était pas suffisante, mais que craignant de ne pas trouver d'accueil dans cette Chambre, pour faire voter une somme supérieure, il s'était dissimulé à lui-même l'importance de la dépense que cet enseignement occasionnerait.

C'est une erreur ; ce n'est pas par la crainte de ne pas obtenir un crédit suffisant, que le gouvernement avait limité le crédit à 94 mille francs. Non ; l'on se trouvait en présence d'un service organisé dans des proportions qui n'étaient pas définitives.

L'existence de l'enseignement agricole était de date récente ; il a été augmenté à titre d'essai jusqu'à ce qu'enfin on l'ait enfermé dans une dépense de 124,000 fr.

Comment est-on arrivé avec ce crédit de 94 mille francs à trouver une somme de 124 mille francs ? c'est au moyen d'économies, opérées non seulement sur les dépenses facultatives, mais aussi sur les dépenses obligatoires, dont plusieurs sont variables de leur nature ; ainsi, par exemple, pour le matériel du haras, il y a un crédit de 62,000 fr., qui peut dire que cette somme sera entièrement absorbée ? Cela dépend de la saison, du prix des denrées, fourrages, etc.

Toutes les économies réalisées sur les différents littéras, dépenses facultatives, aussi bien que dépenses obligatoires variables, ont permis de parfaire le crédit nécessaire pour l'enseignement agricole.

Il faut choisir entre deux systèmes, ou bien celui d'articles distincts avec des crédits portés tous au maximum et alors on arrive à augmenter le budget, comme vous l'avez fait au premier vote, ou bien accepter le système de division en littéras, qui est celui du gouvernement ; alors on réalise une économie de 24,000 francs sur le chapitre.

Je répète, nous sommes désintéressés dans la question ; voulez-vous des articles, votez le maximum de la dépense ; voulez-vous des litteras, vous pouvez restreindre l'allocation dans les limites précédemment fixées.

Et je ne comprends réellement pas quel intérêt il peut y avoir à faire prévaloir un système sur un autre. Du moment que vous avez la certitude que l'emploi des fonds se fera convenablement, et qu'avec le système du gouvernement il y aura économie, je ne sais pas pourquoi vous ne l'adopteriez pas, d'autant plus que, l'année prochain, nous pourrons entrer dans les vues de l'honorable rapporteur et de l'honorable M. Vilain XIIII. L'enseignement agricole sera organisé ; le chiffre du crédit sera fixé.

Dès lors, on n'aura plus besoin de recourir aux litteras par voie d'économie pour compléter un crédit insuffisant.

Ainsi, si la Chambre veut adopter un système tout à fait convenable, elle maintiendra l'état actuel des choses, et nous verrons au budget prochain s'il est possible de diviser le crédit en articles.

M. Delehaye. - Si la chambre n'admet pas la division en articles, mon amendement forme, dans tous les cas, un article séparé.

M. le président. - Cette question est réservée.

M. de La Coste. - Si j'ai interrompu l'honorable député d'Anvers, ce qui n'est pas une bonne habitude, quoiqu'on se la permette quelquefois, c'est parce qu'il me semblait qu'il n'avait pas bien saisi le sens de ma pensée, et qu'en lui donnant une explication il aurait pu s'épargner une partie de ses observations.

Je pense maintenant qu'on peut adhérer à la proposition qu'a faite l'honorable ministre de l'intérieur de rejeter la division en cinq articles et l'augmentation qui en a été la conséquence.

Je pense néanmoins que la division en articles est importante sous le rapport du contrôle de la Chambre. En effet, quand la Chambre vote des articles très considérables divisés en une foule de littéras elle ignore en grande partie quel sera l'emploi des sommes qu'elle vote. Le contrôle des dépenses dans un système comme le nôtre doit s'exercer par la Chambre. Je sais qu'il y a des règlements où l'on croit pouvoir réunir tous les articles du budget en un seul article. Mais là le contrôle s'exerce, non par les Chambres, mais par le chef de l'Etat.

Pour que le contrôle des chambres puisse réellement s'exercer, il ne faut pas une division exagérée, comme le dit l'honorable député d'Anvers.

Mais il ne faut pas non plus des articles très considérables contenant des matières fortement différentes les unes des autres, afin qu'on ne puisse transporter à un objet ce que la Chambre a entendu voter pour un autre.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, cela me paraît évident, rien n'est plus sûr. La division admise au premier vote aura tort au vote définitif. Le gouvernement a pris un bon moyen, il a proposé et obtenu une augmentation de crédit, c'est le bon moyen de faire reculer la Chambre.

Mais il convient de vous rappeler que la section centrale n'a pas fait cette proposition par le simple motif de susciter des embarras au gouvernement. Pourquoi l'a-t-elle faite ? Elle l'a faite parce que le vote du crédit sans partage en articles nous a valu dans le passé une dépense supplémentaire d'au-delà de 38,000 fr.

Que le gouvernement ne dise donc pas que les gros crédits produisent des économies. Il n'en est pas ainsi ; au moins dans le passé. Nous verrons comment se comportera l'administration dans l'avenir.

Aussi je suppose que M. le ministre de l'intérieur ne fera pas difficulté de s'engager à ne pas dépasser le crédit, s'il lui est accordé tel qu'il le désire avec la possibilité de faire des transferts d'ua paragraphe à un autre.

S'il ne prenait pas cet engagement, en compensation de la concession qui va lui être faite, au lieu d'une augmentation de 24,500 fr., nous pourrions nous attendre à en subir une beaucoup plus considérable, une augmentation de 38,000 fr. peut-être.

Il importe donc que M. le ministre de l'intérieur prenne au moins l'engagement de ne pas dépasser le crédit, si la Chambre vote le crédit sans partage en articles.

Si le gouvernement le dépassait après cette concession fondée sur le désir bien manifeste de la Chambre de ne pas augmenter la dépense, l'administration prendrait une responsabilité à laquelle je n'hésiterai pas de prendre mon recours lors de la discussion du règlement des comptes

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il faut cependant que cet engagement soit raisonné.

L'inspection de l'agricullure ne coûte pas plus que je n'ai dit. Mais ce service comprend la voirie vicinale dont un employé est attaché à l'inspection. Comment le payerai-je ? et si l'on ne met pas à ma disposition une somme suffisante, comment prendrai-je l'engagement de ne pas dépasser le crédit ?

- La Chambre consultée ne maintient pas la division de l'article 52 en cinq articles.

M. le président. - Par suite de cette décision, l'augmentation de 24,500 fr. vient à tomber.

Nous avons maintenant à nous occuper de l'amendement adopté sur la proposition de M. Delehaye, rédigé en ces termes :

« Art. 52bis. Primes pour étalons de race indigène : fr. 15,000. »

M. David propose de porter le chiffre de cet article à 30,000 fr., et il amende comme suit le littera b de l'article 52 :

(page 762) Achat d'étalons.

D’après le premier vote :

« Charges ordinaires, fr. 45,000

« Charges extraordinaires : fr. 40,000. »

D'après l'amendement de M. David :

« Charges ordinaires ; fr. 45,000.

« Charges extraordinaires : fr. 25,000. »

La parole est à M. David pour développer cet amendement.

M. David. - Pour nous rassurer sur l'abâtardissement de nos races de chevaux de trait par le croisement avec les chevaux anglais de demi-sang et de trois quarts sang, on est venu nous dire qu'il existe des règlements provinciaux extrêmement favorables à l'élève du cheval de gros trait indigène.

Depuis la dernière discussion, j'ai fait beaucoup de recherches sur les effets de ces règlements sur l'élève du cheval de gros trait. J'ai étudié les tendances de ces règlements. J'y ai gagné la conviction que non seulement les règlements sont insuffisants pour arriver à ce but, mais que, pour six provinces, ils sont favorables à l'élève du cheval croisé, ayant plus ou moins de sang anglais.

Il me suffira de vous citer quelques articles de ces règlements provinciaux pour qu'immédiatement vous tombiez d'accord avec nous.

Il y a deux provinces dont les règlements sont parfaitement favorables à l'élève du cheval indigène : ce sont les provinces de Luxembourg et de Namur. Le règlement de la province de Luxembourg contient quelques énormités, il est vrai, au point de vue de la propriété ; car là, il est interdit au propriétaire de faire saillir ses propres juments avec son propre étalon, alors qu'il n'est pas admis par la commission des primes. Je crois qu'il y a là une atteinte à la propriété. Sauf cette énormité, ce règlement est le plus efficace pour obtenir le résultat qu'on recherche.

Effectivement, dans la province de Luxembourg, on n'accorde de primes qu'aux étalons et aux juments de race pure du pays. Je ne vous indiquerai pas le chiffre des primés ; c'est inutile.

Dans la province de Namur, c'est encore la même chose. L'article 9 du règlement dit : « Il sera décerné, dans chaque arrondissement administratif, deux primes aux propriétaires des deux meilleurs étalons de gros trait, etc. »

Quant aux juments, il en est encore de même. Les juments doivent être de la race indigène de gros trait.

La province de Hainaut suit immédiatement, quant aux avantages du règlement des deux provinces que je viens de citer. Déjà cependant on y rencontre une infraction à la règle que nous voudrions voir généralement adoptée. Ainsi, dans le Hainaut on accorde deux primes aux étalons de gros trait, de race étrangère, qui sont introduits dans le pays. Il y a deux primes pour ceux-là et il n'y en a qu'une seule pour les étalons de gros trait indigènes.

Quant aux juments il en est de même ; on accorde deux primes aux juments de gros trait indigène, mais on accorde les mêmes primes aux juments saillies par les étalons du haras, par conséquent, par ces étalons qui ont plus ou moins de sang anglais dans les veines.

Vous voyez que ce qu'on veut obtenir en donnant des primes aux étalons de gros trait indigènes, on le contrecarre en donnant des primes aux juments qui sont suivies de poulains produits par les étalons de l'Etat.

Voici les règlements des six autres provinces ; ces règlements contrecarrent complètement l'élevage du cheval indigène.

Dans la Flandre occidentale, on accorde des primes aux meilleurs étalons, mais on ne dit pas si c'est aux étalons de gros trait. Nous pouvons donc supposer que c'est à toute espèce d'étalons, en un mot aux étalons sans distinction de race, qui seront trouvés les meilleurs par les commissions d'expertise ; et quant aux juments on n'accorde la prime qu'aux juments filles d'un étalon de l’Etat et suivies d'un poulain provenant, lui aussi, d'un étalon anglais de l'Etat.

Vous voyez donc qu'on n'élèvera pas de juments de gros trait, au moins pour obtenir les primes, et cependant c'est l'appât de la prime qui devrait engager à élever les juments. Or, si vous n'avez pas la jument de gros trait indigène bien pure de tout sang étranger, vous n'aurez pas des étalons de gros trait indigènes.

Voici le règlement du Brabant.

Dans le Brabant on décerne des primes aux étalons de gros trait. Mais quant aux jumenls, on fait ce que je viens de vous dire en ce qui concerne la Flandre occidentale.

Voici l'article 24 du règlement :

« Une prime sera accordée, chaque année, aux propriétaires de toutes les juments âgées de 4 ans au moins, provenant d'un étalon du haras de l'Etat, suivies de leur poulain de l'année, provenant également d'un étalon de l'Etat. »

Voilà donc encore le même inconvénient, le même danger qui se présente quant au Brabant.

Le règlement pour la province d'Anvers alloue des primes, mais sans désigner la race à laquelle les étalons doivent appartenir. Pour les juments, voici ce que je lis : « Les primes seront allouées aux trois plus belles juments poulinières de chaque arrondissement, » sans indiquer si ce sont des poulinières de gros trait ou des poulinières demi-sang, trois quarts sang ou pur sang anglais.

Dans la province de la Flandre orientale, c'est encore la même chose. On accorde des primes aux étalons de gros trait, mais on n'accorde de primes aux juments que dans le cas où elles proviennent d'un étalon du haras de l'Etat, et qu'elles soient suivies d'un poulain produit également par un étalon de l'Etat.

Dans la province de Liège on a cherché à introduire un règlement ; mais heureusement il est abrogé depuis l'année dernière. Ce règlement était tout aussi mauvais que ceux que je viens de vous citer. Car là aussi aucune race n'était indiquée et par conséquent pour peu que la commission d'expertise fût composée d'amateurs citadins, c'était toujours au cheval ayant les plus belles formes que la prime était accordée et par conséquent au cheval croisé. La race indigène donc était complètement oubliée.

Dans le Limbourg, on accorde aussi des primes à l'étalon de gros trait ; mais les juments dont on veut extraire le cheval de gros trait indigène doivent encore une fois être filles des étalons de l'Etat et être suivies par des poulains produits par les étalons de l'Etat.

Voilà, messieurs, ces règlements qui doivent avoir pour résultat de nous conserver intactes nos belles, nos excellentes et précieuses races de chevaux de trait indigène.

Pour combattre cette tendance que l'on imprime à l'élève du cheval en Belgique, nous devons nécessairement chercher à augmenter la prime qui devra être exclusivement accordée aux étalons et aux poulinières de pur sang indigène.

Pour vous prouver, messieurs, où cette tendance nous conduirait, si par malheur nous obtenions tous les résultats que nous avons à craindre, il me suffira de vous indiquer ce que sont devenues les races de chevaux dans les pays dont l'honorable M. Thiéfry nous a tant vanté l'espèce chevaline.

Je le sais, l'honorable M. Thiéfry ne voit que l'élève du cheval de cavalerie, du cheval de selle et du cheval de voiture. Pour lui, c'est le nec plus ultra de la richesse agricole quant à l'élève du cheval. Mais quand vous saurez où l'on en est arrivé, dans les pays où l'on a tant amélioré qu'il ne reste presque plus rien, vous trouverez avec nous que nous devons travailler sérieusement à conserver les races que nous avons.

En Prusse, en Bavière, dans le grand-duché de Bade et dans le Wurtemberg, on a tant cherché à améliorer avec le sang arabe, avec les plus beaux chevaux de l'Orient, que l'on a diminué le volume et la taille des chevaux de ces pays au point qu'on y est obligé d'ateler 4 et 6 chevaux pour conduire la moindre charge, j'ai presque dit une botte de paille.

Je ne sais si vous voulez amener les races chevalines de la Belgique à cet état de dépérissement. Dans les pays cités plus haut, ces chevaux sont généralement très beaux, sont très jolis. On trouve facilement à monter un régiment de cavalerie avec ces espèces ; mais elles sont complètement impropres au service de la traction de fardeaux un peu lourds.

Cela est tellement vrai que l'on est obligé dans ces pays, pour remonter les régiments de cuirassiers, les régiments de grosse cavalerie, d'aller chercher des chevaux dans le Hanovre, dans le Holslein, dans le Meklembourg et le Danemark. Lorsque dans ces pays on veut un cheval de carrosse, on doit encore aller le chercher au nord de l'Allemagne, où l'on a eu grand soin de maintenir les races existantes.

En Autriche, sauf deux contrées, c'est absolument la même chose. Dans le Tyrol ou en Transylvanie il y a encore des chevaux qui ont un peu de taille, mais dans le reste de la monarchie il n'y a plus que des chevaux très légers. C'est tellement vrai que Vienne est connu et renommé pour son genre spécial de carrosserie genre léger ; là on est obligé de construire de petites voitures tout exprès pour les mettre en rapport avec la taille de ces chevaux. Pour les chevaux de carrosse d'apparat, plus volumineux, il y a obligation d'aller prendre les chevaux dans le nord de l'Allemagne.

En Prusse il en est encore de même.

L'honorable M. Thiéfry disait qu'on introduit le cheval anglais en Russie pour améliorer la race de ce pays. Messieurs, cela se conçoit : les chevaux russes sont très petits et c'est pour leur donner un peu plus de taille, tout en leur conservant leur énergie naturelle, qu'on fait des croisements avec les chevaux anglais. La race chevaline indigène est de si petite taille que quand vous entrez en Russie on pèse votre voiture pour savoir si on y attellera 4 ou 8 chevaux

On a voulu nous démontrer la nécessité du haras en disant que partout on demande l'augmentation du nombre de stations et du nombre d'étalons, et on a même cité Verviers où tout ce qui s'occupe de l'élevage du cheval aurait demandé un étalon de plus, c'est-à-dire un troisième étalon.

Je ne sais pas, messieurs, qui peut avoir fait cette demande, mais je ne comprends pas ce qu'on ferait d'un étalon de plus alors que l'année dernière, en 1855, les deux étalons n'ont fait ensemble que trente-huit saillies.

On nous demande de favoriser les croisements pour échapper aux achats que nous sommes obligés de faire à l'étranger. Mais qu'on nous conseillé donc aussi de cultiver des oranges ! Nous les cultiverons avec infiniment plus de frais et elles seront moins bonnes que dans les pays chauds. C'est absolument la même question.

Pour combattre le système que nous préconisons, ou a dit encore : C'est depuis que nous améliorons les races du pays. Au moyen des étalons ayant plus ou moins de sang anglais dans les veines, que les exportations s'élèvent jusqu à 22,000 sujets par an. Eh bien, messieurs, chaque année nos étalons ne produisent que 800 poulains ; comment voulez-vous, avec un pareil nombre de produits, dont une moitié de mauvais, que ce chiffre infimepuisse avoir quelque influence sur nos (page 763) exportations ? Je dis, moi, que ce que nous exportons, ce sont, au contraire, nos races de gros trait, qui manquent dans tous les pays qui nous entourent. (Interruption.)

Messieurs, puisqu'on est impatient d’en finir, je n'ajouterai plus qu'un mot. On trouve que le système des primes administré homéopatiquement, est excellent ; oh ! un peu de primes, cela fait grand bien lorsque la distribution a lieu conformément aux règlements provinciaux ; mais si nous demandons quelques mille francs de plus, on le trouve très mauvais. Je dis, messieurs, que si les primes, distribuées d'après les règlements provinciaux, sont bonnes, elles auront infiniment plus d'efficacité lorsqu'elles seront plus importantes, lorsqu'elles seront suffisantes pour engager les étalonniers à tenir des étalons plus parfaits.

Si le chiffre de l'honorable M. Delchaye est maintenu, ou si le mien venait à être adopté, les provinces ne doivent pas avoir à contribuer pour la même somme dans les primes. Il ne peut pas en être autrement, car les provinces n'interviennent pas lorsqu'il s'agit de chevaux de sang et des dépenses du haras ; pourquoi voudriez-vous lesfaire intervenir lorsqu'il s'agit de la race du pays ? Ce serait une injustice flagrante.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je ne puis pas me rallier à l'amendement de l'honorable M. David. Je ne pense pas que la Chambre veuille ouvrir une nouvelle discussion approfondie sur les haras ; je ne dirai donc que peu de mots sur la somme de 15,000 fr. proposée par l'honorable M. Delehaye et sur celle de 30,000 fr. proposée aujourd'hui par l'honorable M. David.

La proposition de l'honorable M. Delehaye semblait être une transaction, acceptée par tout le monde, entre ceux qui veulent le maintien des achats d'étalons pur sang anglais et ceux qui veulent encourager l'emploi de quelques étalons de gros trait. On peut à la rigueur retrancher 15,000 fr. sur les 40,000 que la Chambre a accordés il y a quelques années pour compléter le haras ; mais si l'on en retranchait 30,000 fr., comme le propose l'honorable M. David, il serait impossible d'atteindre le but que la Chambre avait en vue lorsqu'elle a voté les 40,000 fr., c'est-à-dire le rétablissement du haras dans de bonnes conditions.

Maintenant, messieurs, le gouvernement a pensé qu'il faut rattacher la somme de 15,000 fr. proposée par l'honorable M. Delchaye aux 20,000 fr. qui figurent au littera B, concernant l'amélioration de la race chevaline. Il y a deux manières d'améliorer la race chevaline, c'est d'abord de continuer le système des primes qu'on accorde aujourd'hui pour les plus beaux étalons indigènes, c'est, ensuite, comme l'ont indiqué les honorables MM. Delehayc et T'Kint de Naeyer, d'acheter par exception quelques étalons propres à améliorer la race du pays. Ce double moyen peut être employé ; mais pour cela il faut, comme je le disais, rattacher les 15,000 fr. au littera B.

Mais, messieurs, j'ai une observation à faire sur la répartition du crédit de 100,000 fr. en charges ordinaires et extraordinaires. Ces 100,000 fr. se composent d'un crédit de 60,000 fr. alloué pour l'achat d'étalons pur sang, et d'un crédit extraordinaire de 40,000 francs, destiné à compléter ce qui manquait au haras. C'est de ces 40,000 fr. que le gouvernement à consenti à retrancher les 15,000 fr. destinés à l'usage particulier que l’honorable M. Delehaye avait en vue lorsqu'il a proposé son amendement.

Il faudrait donc maintenir intact le crédit ordinaire de 60,000 fr., et réduire le crédit extraordinaire à 25,000 fr. (Interruption.)

Si le crédit de 15,000 fr. tend uniquement à conserver dans le pays les étalons de race indigène, il suffirait de rattacher ce crédit aux 20,000 fr. qui ont la destination que l'honorable M. Delehayc a en vue.

M. Delehaye. - Messieurs, je comprends que M. le ministre de l'intérieur ait donné à ma proposition une portée qu'elle n'avait pas dans le principe. L'honorable M. David qui a modifié ma proposition a fait valoir des considérations qui lui sont complètement étrangères. Quel a été le but de ma proposition ? C'est de conserver dans le pays le moyen d'améliorer les races indigènes, e'est de maintenir cette belle race flamande et d'autres races encore qui ont été dénaturées jusqu'ici par l'accouplement avec des chevaux anglais.

Pour prévenir cet inconvénient, j'avais proposé une mesure qui tendait à conserver en Belgique les étalons indigènes propres à améliorer les races que nous possédions déjà.

De quelle manière fallait-il répartir la somme ? Il fallait la distribuer de telle sorte que les propriétaires des étalons de race indigène, une fois primés, eussent de l’intérêt à ne pas les vendre.

J'avais dit que, dans mon opinion, il fallait augmenter successivement la prime que ces étalons auraient obtenue une première fois, pour qu'ils ne fussent pas enlevés par les concurrents étrangers.

Je suppose un étalon qui est primé cette année, il concourt l'année prochaine, et s'il est encore primé, il aurait une prime plus forte. Cest dans ce sens que j’avais expliqué ma proposition, et c'est dans ce sens aussi que la Chambre l'a voté ; mais l'honorable M. David a parlé des règlements provinciaux qui, je l'avoue, sont défectueux dans quelques provinces.

Si M. le ministre de l’intérieur veut que les 15,000 fr. soient consacrés exclusivement aux étalons, je le veux bien ; mais en rattachant les 15,000 fr. aux 20,000 fr., on s’expose à un danger : c'est qu'au lieu de conserver les 15,000 fr. aux étalons, on les consacrera peut-être aux juments. D'après certains règlements, on peut accorder des primes aux étalons croisés, mais cela n'est pas applicable à ma proposition ; nous avons dit qu'il ne s'agit dans cette proposition que d'étalons de race indigène, de sorte que les étalons croisés ne peuvent pas concourir pour la prime.

Je crois qu'il y a lieu de ne pas rattacher les 15,000 fr. aux 20,000 fr., de continuer à faire des 15,000 fr. un article spécial. Vous pourrez dépenser une partie des 20,000 fr. en primes pour les juments. Il y a pour cela de très bons motifs.

Quant à ma proposition même, je dois dire qu'elle a rencontré l'adhésion générale ; quelques personnes seulement auraient voulu que le chiffre fût plus élevé. Mais les 15,000 fr. suffiront cette année. C'est la seconde année que les primes seront accrues ; or, si vous trouvez que la mesure a produit de bons effets la première année, vous augmenterez le crédit l'année prochaine.

(page 773) M. David a émis, sur l'élève des chevaux, quelques considérations dont le gouvernement ferait bien de profiter. Il ne s'agit pas seulement de conserver de bons étalons, on ferait bien de donner tous ses soins à la conservation de juments indigènes.

Dans beaucoup de localités, on a obtenu des étalons de l'Etat de mauvais produits ; cela provient surtout des mauvaises qualités des juments que l'on soumettait à la saillie.

Ce danger n'est pas à craindre dans mon système ; les étalons appartenant à des particuliers, ceux-ci auront soin de ménager leurs forces et n'admettront point indistinctement les juments qui seraient présentées ; les propriétaires d'étalons sont intéressés à ce que les poulains justilient les bonnes qualités de leur père.

Ainsi, messieurs, comme nous y convie M. David, portons nos soins à l'amélioration des règlements provinciaux ; engageons les autorités provinciales à entrer dans la voie indiquée, et surtout à conserver, par des primes, les étalons et les juments de race indigène, irréprochables.

(page 763) M. Faignart. - J'ai demandé la parole lorsque M. le ministre de l'intérieur disait qu'une partie des 15,000 fr. serait employée à l'achat d'étalons de gros trait ; car je ne puis partager cette manière de voir. M. le ministre sait sans doute que des expériences ont été faites par l'Etat, en formant à Tervueren un dépôt d'étalons de gros trait ; l’honorable ministre sait aussi que le résultat de cette expérience n'a pas été heureux, je l'engage donc à ne pas en tenter une nouvelle.

L'honorable M. David vous a proposé de porter à 30 mille francs le crédit destiné aux primes. Je trouve cette somme trop élevée ; par les motifs que vient d'énumérer l'honorable M. Delehaye, une somme de 15 mille francs est suffisante pour cette année ; si cette somme ainsi employée produit de bons résultais, comme je n'en doute pas, vous les apprécierez et vous verrez l'année prochaine si vous devez l'augmenter.

L'honorable M. David a énuméré les règlements des diverses provinces faits en vue de l'amélioration de la race chevaline. Il trouve que les règlements du Luxembourg et de la province de Namur sont les meilleurs, en ce qu'ils n'autorisent pas à décerner des primes aux juments saillies par des étalons du haras. Il me permettra de n'être pas de son avis. Je connais le règlement du Hainaut, et il me paraît qu'il laisse peu à désirer. Je ne comprends pas la critique que l'honorable membre en a faite ; il est vrai que l'on donne des primes aux juments saillies par les chevaux du haras, mais on en décerne aussi à celles qui ont été saillies par des étalons indigènes.

L'honorable député de Gand a dit qu'il fallait réserver les primes pour les étalons ; mais je pense qu'il faut primer les juments aussi bien que les étalons ; car il est impossible qu'avec de bons étalons seuls, vous puissiez avoir de bons produits.

Les primes accordées aux juments qui ont eu des poulains des étalons du haras sont peu nombreuses ; deux juments par an seulement sont primées dans le Hainaut ; par conséquent, je ne crois pas qu'il y ait à se plaindre ; on décerne des primes aux juments de gros trait saillies par étalons de race indigène.

Quanl à moi, messieurs, j'approuve cette mesure tout autant que celle suivie à l'égard des étalons. Je voudrais même qu'on étendît les primes un peu plus, et je suis sûr qu'on en obtiendrait de bons résultats. Le Hainaut est très rapproché de la France ; les marchands français parcourent notre province et enlèvent à 18 mois tous les poulains de bonne apparence, les poulains d'élite ; je suis d'avis qu'une partie de l'allocation de 15,000 francs devrait être employée à primer les poulains à l'âge de 2 ans ; la prime ne serait payée qu'un an plus tard, quand ils peuvent concourir pour recevoir la marque ; ce serait le plus sûr moyen de conserver les meilleurs produits dans le pays.

Dans le Hainaut, les primes pour les chevaux de 3 ans sont de 75 fr. et de 50 fr. ; c'est peu de chose. Je voudrais les voir porter au double au moyen du subside que la Chambre est je crois disposée à voter.

En troisième lieu, je désirerais, messieurs, que les primes fussent continuées aux étalons privés, c'est-à-dire que l'étalon reconnu mériter la prime cette année, l'obtienne encore l'année suivante, et ainsi de suite, aussi longtemps qu'il conserverait les qualités qui la lui ont fait mériter une première fois. Je ne suis pas d'avis que la prime doive être majorée, c'est-à-dire, qu'après avoir donné une prime de 200 francs, l'année suivante on doive en donner une de 300 ; je trouve qu'il suffit que le propriétaire de l'étalon reçoive chaque année la prime ; soit 200 francs, aussi longtemps que son cheval conserve ses qualités, cet encouragement suffira pour décider le propriétaire d'un étalon à le conserver.

Le crédit de 15,000 fr. peut suffire au moins pour cette année et je pense que si on le portait à 30 mille francs elle ne trouverait pas d'application.

Je désire que la Chambre maintienne la décision qu'elle a prise au premier vote.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Quand j'ai exprimé l'avis qu'une partie de cette somme pourrait être employée à l'achat d'étalons, je n'ai fait que reproduire une opinion qui avait été formulée par l'honorable M. T'Kint de Naeyer et qui avait paru accueillie avec quelque faveur dans cette Chambre ; mais je n'avais pas de système arrêté ; je me proposais de m'entourer de nouvelles lumières sur cette question en consultant des hommes spéciaux pris dans le conseil d'agriculture et le conseil supérieur du haras pour me fixer sur ce qu'il y a de mieux à faire pour améliorer la race chevaline indigène ; ma pensée était qu il faut s'attacher au système des primes en les renforçant ; les honorables membres qui viennent de prendre la parole et qui ont des connaissances (page 764) spéciales dans la matière, recommandent ce système comme le meilleur moyen de conserver les étalons indigènes. Le but sera atteint si la somme de 15 mille francs peut être employée à augmenter les primes. Je me rallierai à l'amendement de M. Delehaye formant un article spécial ; mais les 15,000 fr., au lieu d'être pris sur les charges ordinaires, seraient prélevés sur les 40,000 francs de charges extraordinaires du littera B, qui se trouveraient réduites à 25,000 fr.

- La discussion est close.

L'amendement proposé par M. David est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'amendement de M. Delehaye adopté au premier vote est ensuite mis aux voix et détinitivement adopté avec la modification proposée par M. le ministre de l'intérieur.

Article 53

La division de l'article 53 en trois articles différents, adoptée au premier vote, est confirmée sans discussion.

Chapitre XII. Voirie vicinale

Article 57

M. le président. - L'article 57 a été divisé en deux articles.

« Art. 57-1. Encouragements pour l'amélioration de la voirie vicinale, 697,000 fr. charge ordinaire.

« Art. 57-2. Salaire des agents temporaires attachés à ce service, charge extraordinaire, 3,000 fr. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Dans la division proposée, la section centrale n'attribue qu'une somme de 3,000 fr. pour le payement des agents attachés au service de la voirie vicinale ; cette somme est de tout point insuffisante.

Elle a plusieurs destinations. Elle sert d'abord à payer le personnel dont les traitements s'élèvent, non pas à 3,000 fr., mais à 4,200 fr. Ensuite il y a, ainsi que le libellé l'indique, des dépenses relatives aux plans des chemins vicinaux. Enfin, il y a les impressions et les travaux spéciaux, relatifs au service de la voirie en général.

Les plans ont été confectionnes en vue du service qui fonctionne déjà depuis plusieurs années. Les dépenses ont été successivement votées par la Chambre. Reste une somme de 3,510 fr.

Il y a des plans généraux, des plans d'ensemble. Ce sont des plans d'ensemble qui ont été dressés dans l'intérêt du gouvernement central.

Enfin, il y a les dépenses d'impressions qui s'élèvent à une somme de 2,000 fr. Ce qui fait en tout une somme de 9,710 fr.

L'an prochain, il sera possible de préciser davantage ; d'abord, parce que les plans seront entièrement terminés, ensuite parce que nous saurons d'une manière positive le personnel qui devra être attaché à la voirie vicinale.

Quoi qu'il en soit, si les 12,800 fr. ne sont pas entièrement absorbés cette année, attendu qu'il y a une différence entre la somme dépensée précédemment et celle réclamée ici, l'excédant accroîtra le subside de la voirie vicinale. Mais il est impossible de fixer à 3,000 fr. le chiffre de l'article 2.

M. Lebeau. - Le silence que garde M. le ministre de l'intérieur sur le point le plus important, c'est-à-dire sur l'augmentation considérable du crédit de la voirie vicinale, me fait croire que le gouvernement a pris le parti de s'y rallier. Comme j'aurais peu de chances de faire prévaloir mon opinion contraire à cette augmentation, je renonce à la parole.

M. Julliot. - J'y renonce également.

M. Visart. - J'y renonce par le motif que vient d'indiquer l'honorable M. Lebeau.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois que l'article 57bis devrait former le littera B de l'article 57. Autrement je ne pourrai reporter à la voirie vicinale les économies que je pourrai faire sur le litt. B. C'est dans l'intérêt du service de la voirie que je fais cette proposition.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Le gouvernement insiste pour que vous en reveniez de votre premier vote.

Il demande que le crédit ne soit pas partagé en 2 articles.

Or, veuillez-vous-le rappeler, messieurs, déjà dans la première discussion, j'ai eu l'honneur de vous rappeler qu'un arrêté royal exige que les dépenses du personnel soient séparées de celles qui concernent le matériel. M. le ministre ne tient aucun compte de cet arrêté. Il veut que les dépenses de matériel et de personnel soient confondues dans un même crédit. Cela est inadmissible.

C'est ainsi qu'on a agi dans le passé. C'est précisément à cause de cette confusion que vous avez vu s'accroître le personnel au point où il est aujourd'hui.

Dans le principe, on s'était borné à demander de distraire du crédit destiné aux chemins vicinaux une somme de 9,000 fr. pour le service du personnel. Avec cette somme on n'a rétribué qu'un seul agent. Puis le gouvernement, profitant de la latitude que lui donnait le libellé de l'article concernant les chemins vicinaux, a créé un bureau, je le dis, à notre insu ; il vous propose maintenant de sanctionner cette mesure.

La section centrale vous propose d'allouer 3,000 fr. pour deux agents, c'est une concession. Elle a tout lieu de croire qu'il n'est pas nécessaire d'allouer un traitement à un troisième.

Au reste, savez-vous à quoi est destiné le crédit de 1,200 fr. ? Il est destiné à un agent qui fait le service du bureau de l’inspecteur du service agricole. Il eût été mieux de joindre cette somme de 1,200 fr. aux 13,000 fr. déjà votés pour le personnel de l'inspection de l'agriculture, plutôt que de la faire figurer ici.

Ensuite, on vous demande 3,510 francs pour payer le complément de la somme nécessaire pour les plans des chemins vicinaux. Vous avez pu voir dans le rapport que déjà ces plans ont coûté 800,000 francs à l'Etat et aux communes.

On demande 3,510 francs pour solder cette dépense.

Je ne m'y oppose pas, mais je demande que cette somme figure dans-la colonne des dépenses extraordinaires.

Maintenant, quant à la proposition que fait le gouvernement de confondre en un seul article les dépenses de personnel et de matériel, j'insiste pour la division en deux articles : le premier sera destiné à encourager l'amélioration des chemins vicinaux, le second concernera le personnel ; et ceci, je le répète, est une concession, car la Chambre a déjà distrait 9,000 fr. de ce crédit pour le personnel.

En sorte que si vous réunissez cette somme de 9,000 fr. aux 3,000 fr. que la section centrale propose, le personnel préposé au département de l'intérieur à la répartition des subsides aux communes et à l'inspection, enlèvera 12,000 fr. au crédit destiné à encourager la voirie vicinale.

Cela me paraît très suffisant.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable rapporteur a oublié que ce service est mixte, que le service de la voirie vicinale ressortit à l'inspection de l'agricullure. Voilà pourquoi il est nécessaire d'avoir un troisième employé, et un crédit de 4,200 francs et non pas 3,000 fr. Il y a à solder les plans. Il y a les comptes d'impressions. Il faut, pour tout cela, une somme de 9,710 fr.

Je comprends très bien la division en articles. Mais si elle est admise, les économies qui pourront être faites ne pourront jamais faire retour à la voirie vicinale.

Pour le gouvernement, c'est fort indifférent.

- La Chambre consultée maintient la division de l'article 52 en deux articles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je demande que le chiffre du deuxième article soit fixé à 9,710 fr.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Je propose de le fixer à 6,510 fr. pour traitement de deux employés et pour achèvement des plans.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il faut faire une proposition qui aboutisse à quelque chose. Avec quoi voulez-vous que je paye le troisième employé ?

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Vous avez beaucoup trop d'employés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est une erreur.

Je demande que l'article soit libellé comme suit :

« Art. 57 bis. Indemnités aux agents temporaires attachés au service de la voirie vicinale. Confection de plans, impressions et travaux spéciaux : fr. 9,710. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Chapitres XIII à XVIII

Article 63, 69, 82, 97 et 101

L'article 63, amendé au premier vote, est définitivement adopté.

M. le président. - A l'article 69, la section centrale avait proposé de tenir en réserve une somme de 10,900 fr. jusqu'à ce que le gouvernement eût donné des explications. Le gouvernement ayant donné ces explications, cette somme a été adoptée et le chiffre total porté à 551,165 fr., mais une erreur a été commise au procès-verbal qui indique un chiffre moindre de 1,000 fr. Je demande que la Chambre autorise le bureau à rectifier cette erreur.

- Cette proposition est adoptée.

Les articles 82, 97 et 101, amendés au premier vote, sont définitivement adoptés.

Chapitre XIX. Beaux-arts

Article 105

« Art. 105. Encouragements. Souscriptions. Achats. Subsides aux sociétés musicales. Publication du Musée populaire de Belgique. Académies et écoles des beaux-arts autres que l'Académie d'Anvers. Concours entre les établissements destinés aux arts plastiques et graphiques. Concours de composition musicale, de peinture, de sculpture, d'architecture et de gravure. Pensions des lauréats : fr. 29,000. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je vous ai fait connaître dernièrement le différend qui s'était élevé entre la cour des comptes et le gouvernement, quant aux imputations qui, pour certaines œuvres d'art, doivent se faire sur plusieurs exercices, et je vous, ai fait connaître l'avis qui avait été émise par la cour des comptes sur ces difficultés.

Mais je me suis aperçu, en revoyant cet avis, que j'avais donné une extension un peu trop grande à ce qui avait été dit par la cour sur la manière de faire les reports.

Selon le gouvernement, une commande, embrassant par son importance plusieurs exercices, peut se faire, pourvu que successivement, à chaque budget des exercices fulurs, on indique, à titre de renseignement, (page 765) la somme qui devra êlre payée pour cette commande. Ainsi, par exemple, une commande entraînant une dépense de 20,000 fr. doit embrasser plusieurs exercices ; s'il en était autrement, une seule commande semblable suffirait pour épuiser à peu près tout le crédit mis à la disposition du gouvernement. Dans ce cas, donc, la dépense est répartie sur deux ou trois exercices.

Le gouvernement a pensé que pour concilier les principes de la loi de comptabilité avec la faculté qu'il demande de pouvoir répartir sur plusieurs exercices le montant d'une commande considérable, on pouvait adopter ce système, de faire la commande dans l'exercice auquel elle se rapporte, et si la dépense doit être répartie sur trois exercices, de porter chaque année, en marge du crédit ordinaire affecté aux beaux-arts, la mention que sur cet exercice on devra imputer la somme due pour le second ou le troisième terme de la commande.

On a contesté ce mode d'imputation et l'on s'est prévalu de l'opinion émise par la cour des comptes, selon laquelle il faudrait non seulement indiquer la somme qu'on croit devoir faire peser sur les exercices futurs ; mais encore faire intervenir un vote spécial de la Chambre sur la somme reportée.

Le gouvernement ne peut admettre cette opinion, parce qu'il y voit une véritable impossibilité de faire des commandes sans remettre chaque année en question leur exécution, ce qui serait associer la Chambre à la faculté de faire les commandes, système contraire aux règles qui séparent les attributions administratives du pouvoir législatif.

Il me semble, messieurs, que le système indiqué par le gouvernement concilie tous les intérêts. Car que veut la Chambre ? Elle veut que les dépenses d'un exercice futur ne puissent être engagées par des commandes faites par le ministre. Eh bien, est-ce que les prescriptions de la loi de comptabilité comme le désir de la Chambre ne sont pas complètement satisfaits par le moyen que j'indique et qui consiste à faire apprêter chaque année par la Chambre la somme qui doit être acquittée sur l'exercice en discussion et qui se rapporte à des commandes antérieures ? De cette manière la Chambre saura dans quelle limite le crédit est engagé, et la certitude que ces crédits reparaîtront d'année en année au budget me paraît suffisante pour que le gouvernement reste continuellement dans des limites raisonnables.

Je pense que si l'on veut arriver à ce résultat de laisser au gouvernement ce qu'il doit avoir, selon moi, c'est-à-dire la faculté de faire des commandes, car c'est un acte d'administration, il n'y a pas d'autre moyen que de faire ce que je viens d'indiquer : laisser faire au gouvernement ces commandes et si elles ne sont pas entièrement payées sur l'exercice actuel, se contenter du report qui sera fait chaque année à titre de mention, dans les budgets futurs.

Je demande donc que la déclaration du gouvernement soit acceptée par la Chambre à titre de renseignements pour la cour des comptes.

M. Osy (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Il me paraît, d'après ce que M. le ministre de l'intérieur vient de nous dire, que ce qu'il nous propose, c'est une interprétation de la loi de comptabilité. Or, il est impossible de pouvoir, incidemment et à l'occasion d'un budget, décider une pareille question. Si le gouvernement croit qu'il faut modifier la loi de comptabilité, qu'il nous propose un projet, nous l'examinerons. Mais il est impossible qu'un ministre se borne à venir nous dire : Je l'entends ainsi, nous ferons ainsi. Ce n'est pas là une loi à laquelle puisse se référer la cour des comptes.

J'engage donc M. le ministre de l'intérieur à examiner si, effectivement, il faut faire un changement à la loi de comptabilité et, en cas d'affirmative, à nous proposer un projet de loi, sur lequel nous pourrons alors demander l'avis de la cour des comptes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Pourvu qu'il soit entendu que pour l'exercice 1854 nous pouvons procéder comme je l'ai indiqué.

(page 773) M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, il est un principe que nous devons nous appliquer à faire respecter ; c'est que le budget réglé par la législature constitue la totalité des ressources disponibles pour le gouvernement pendant un exercice.

Quand l'administration ne se soumet pas à ce principe constitutionnel en dépassant cette limite, elle porte une grave atteinte à la plus essentielle de vos prérogatives.

Eh bien, ce principe a été méconnu surtout pour les dépenses relatives aux beaux-arts ; il y a plus, l'administration ne s'est pas bornée à disposer des crédits des exercices futurs, à disposer de crédits qui n'existent pas encore, elle a créé des dépenses qui ont eu pour effet des demandes supplémentaires de crédits, les crédits annuels étant reconnus insuffisants dans la suite pour couvrir les engagements contractés.

Ces procédés ont soulevé fréquemment dans cette Chambre de justes réclamations, et ces plaintes se sont révélées surtout lorsque les cabinets se sont modifiés. Alors le nouveau ministre trouvant le crédit des beaux-arts absorbé par son prédécesseur, se voit obligé de révéler la situation à la législature pour se procurer des ressources et dégager sa responsabilité d'actes qu'il n'a pas créés. Le nouveau chef du département obtient des crédits supplémentaires, les engagements sont liquidés, puis il rentre dans la même voie que son prédécesseur.

C'est, messieurs, de cette voie irrégulière, illégale même, qu'il importe de faire sortir enfin le gouvernement.

Cette manière de procéder a paru surtout injustifiable depuis la promulgation de la loi sur la comptabilité publique. Le paragraphe premier de l'article 16 de. cette loi est ainsi conçu :

« Les ministres ne peuvent faire aucune dépense au-delà des crédits ouverts à chacun d'eux. »

Aussi la cour des comptes vous a-t-elle adressé des observations sur la marche irrégulière adoptée par l'administration. Elle les a renouvelées dans trois de ses cahiers. Voici comment elle s'exprime dans le cahier qui a paru à la fin de l'année 1852 :

« L'article 19 de la loi sur la comptabilité publique autorise les chefs (page 774) des départements ministériels à contracter pour les travaux qui en raison de leur importance peuvent nécessiter cinq années pour leur exécution ; mais la dépense qui en résulte doit alors être imputée sur le budget de l'année pendant laquelle l'engagement a été conclu, puisque l'article 16 de la même loi défend aux ministres de faire des dépenses au-delà des crédits qui leur ont été ouverts par la législature, en d'autres termes, ne leur permet pas d'engager les budgets futurs. » La cour des comptes a ajouté ce qui suit :

« Toutes les administrations, à l'exception de celle des beaux-arts, ont fini par s'y rallier. »

Ainsi toutes les administrations, sauf celle des beaux-arts, ont cru devoir se soumettre à l'interprétation donnée à la loi par la cour des eomptes.

Cependant le système indiqué dans les cahiers d'observations de la Cour des comptes tend à donner une certaine latitude à l'administration, tout en maintenant l'observation de la loi de comptabilité.

M. le ministre de l'intérieur y a donné son adhésion dans les développements de son budget ; c'est ce que l'on peut constater à la page 79. La section centrale s'y est ralliée.

Mais voilà maintenant que l'organe du gouvernement vient dans cette enceinte retirer les engagements qu'il a spontanément contractés ; il recule ; il semble se repentir d'avoir fait de trop larges concessions. Et quelles sont ces concessions ? Ces concessions consistent tout simplement à prendre l'engagement de respecter nos lois !

Car si les explications qui viennent d'être données pouvaient être admises, le gouvernement rentrerait complètement dans le système qui grève les exercices futurs qui crée des dépenses sans votre consentement préalable, et qui prépare les crédits supplémentaires.

Nous allons voir ce que demande la cour des comptes. Elle demande que lorsqu'il s'agit de la commande d'un objet d'art, qui ne peut être achevé et payé pendant l'année, la cour demande que cette dépense soit imputée en totalité sur le budget en exercice et que la partie du crédit dont il n'a pas encore été disposé parce que l'objet d'art n'a pas encore été livré, soit tenue en réserve et reportée d'un exercice à un autre en vertu de l'article 50 de la loi sur la comptabilité qui dit :

« Lorsque à la clôture d'un exercice, certaines allocations du budget sont grevées de droits en faveur de créanciers de l'Etat pour travaux adjugés ou en cours d'exécution, la partie d'allocation encore nécessaire pour solder la créance est transférée à l'exercice suivant, etc. »

Ce système de dépense est conforme aux prescriptions de la loi, et je ne pense pas que le gouvernement le mette en discussion.

Mais voici, messieurs, où M. le ministre de l'intérieur cesse d'être d'accord avec la cour des comptes et avec la section centrale.

Voici où M. le ministre cesse d'être d'accord avec les engagements qu'il a pris lui-même en présentant son budget.

Je suppose que le gouvernement se détermine à faire la commande d'un objet d'art, et que le prix de cette commande soit tel qu'il dépasse les ressources du crédit dont il dispose, et c'est ce qui arrive toujours, parce que le gouvernement, après avoir dissous le crédit des beaux-arts par la pluie fine des subsides, il ne reste presque rien pour les commandes ; le gouvernement, dis-je, a la prétention de pouvoir répartir cette dépense sur les exercices futurs ; il a la prétention de disposer des crédits qui n'existent pas encore par le vote de la législature.

La cour des comptes et la section centrale opposent à cette prétention du gouvernement l'article 16 précité, qui exige qu'une dépense soit imputée sur le budget de l'année pendant laquelle l'engagement a été conclu.

La cour des comptes et la section centrale, tout en admettant que le gouvernement peut contracter, pour un terme qui dépasse la durée du budget en vertu du paragraphe troisième de l'article 19 de la loi sur la comptabilité, soutiennent avec raison que cette exception n'autorise pas le gouvernement à engager les budgets des exercices futurs, que cette exception n'autorise pas un ministre de disposer des crédits de ses successeurs peut-être.

La cour des comptes a fait cependant une concession, afin de donner plus de latitude à l'administration, la section centrale l'a adoptée, et M. le ministre de l'intérieur a fait imprimer ce qui suit dans son projet de budget.

« Mais admettons, dit M. le ministre, la portée donnée par la cour à l'article 16. Elle-même indique le moyen de concilier les choses :

« Il peut cependant, dit-elle, être contracté pour un travail important, alors seulement qu'une partie de la dépense figure au budget ; mais il faut, dans ce cas, que ladite partie ait fait, et que chacune des suivantes fasse l'objet d'un vote spécial de la législature. »

« Eh bien, ajoute M. le ministre, rien n'empêche de suivre cette marche, pour ce qui concerne les commandas ou acquisition d'objets d'art. »

M. le ministre a donc consenti, d'après les développements de son budget, à demander l'adhésion de la législature, quand il se propose d'engager des exercices futurs.

Maintenant il recule, aujourd'hui il croit qu'il suffit d'indiquer dans la colonne d'observations du budget proposé, que le gouvernement se propose de disposer des ressources de l'avenir pour que l'administralion soit irréprochable ; cela est inadmissible.

C'est déjà une très large concession que de consentir à ce que le gouvernement dispose de l'avenir avec le consentement de la législature ; cette concession ne suffit pas au gouvernement, il veut prendre cette responsabilité à lui tout seul.

Il n'hésite pas à vous demander de sanctionner la violation de l'article 16 de la loi du 15 mai 1846.

Le gouvernement n'a pas ce droit, il n'a pas même celui de mettre en discussion une disposition légale fort claire. Soh devoir est de la respecter.

Si cette disposition est incompatible avec les exigences du service, qu'il fasse une proposition qui tende à modifier la loi, nous l'examinerons.

Mais en attendant, qu'il ne vienne pas ici mettre en question l'application d'une loi importante destinée à maintenir l'ordre dans nos finances.

L'on vous a dit lors de la discussion du budget, il y a peu de jours, que l'on imputait sur un budget la dépense partielle de l’entretien d'un monument, d'un travail d'utilité publique, que cette imputation partielle engage aussi les budgets futurs, qu'il y a lieu de procéder de même pour la commande d'un objet d'art.

L'exemple que l'on a invoqué n'a aucune analogie avec la commande d'un objet d'art.

L'entretien d'un monument ne forme pas une dépense indivisible. L'on peut imputer des dépenses d'entretien sur un exercice et se dispenser d'en imputer sur le suivant.

D'ailleurs le paragraphe 2 de l'article premier de la loi de comptabilité a fait une exception en faveur des baux de location on d'entretien, en ce qui concerne les travaux publics ; dans ce cas, dit la loi « chaque budget ce trouvera grevé de la dépense afférente a l'année, a laquelle il se rapporte. »

L'article 19 n'a posé aucune exception de l'espèce en faveur des commandes qui concernent les beaux-arts ; la loi de comptabilité a bien fait, car ces dépenses ont un caractère de largesse et d'intérêt personnel qui est cause que les crédits mis à la disposition du gouvernement sont l'objet des sollicitations les plus vives.

Il faut que l'administration puisse leur opposer pour y résister la limite légale des crédits du budget et nos lois constitutives.

Il faut que le gouvernement sache à quoi il s'expose en engageant sa responsabilité, quand il s'en écarte.

Nous maintiendrons donc, messieurs, l’exécution de nos lois, nous ne permetterons pas que l'administralion continue à se traîner dans une voie qui prépare, à chaque changement de cabinet, des découvertes pénibles de larges crédits supplémentaires, oecasionnés par des engagements vagues, dont on ne parvient à découvrir le chiffre et la totalité que longtemps après.

Il me semble que nous pourrions adopter un ordre du jour motivé, conçu à peu près dans ces termes :

« La Chambre, adoptant l'interprétation donnée par la cour des comptes aux articles 16 et 19 de la loi de comptabilité, passe à l'ordre du jour. »

(page 765) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne crois pas, messieurs, qu'il faille arriver à un ordre du jour motivé. Si cela fait tant de difficulté, je m'engage à examiner de nouveau la question et, s'il y a lieu, à faire une proposition.

M. Dumortier. - Messieurs, il m'est impossible de laisser sans réponse ce que vient de dire mon honorable ami M. de Man. La conséquence de son système serait celle-ci : c'est qu'en Belgique on ne pourrait plus commander à aucun artiste aucune œuvre d'art d'importance. (Interruption.) Oui, voilà la conséquence la plus évidente de votre système.

Certes, je respecte autant que personne les règles de la comptabilité, mais je ne veux pas non plus les forcer, de manière à empêcher toute grande conception qui appartienne au génie des enfants de la Belgique.

Maintenant mon honorable ami M. de Man invoque l'article 16 de la loi de comptabilité ; mais il existe dans cette loi une autre disposition qui permet au gouvernement de faire des imputations sur plusieurs exercices pour des contrats qui doivent durer plusieurs années.

Et remarquez qu'il ne s'agit pas seulement, dans cette disposition, de constructions de chemins de fer, de routes, etc., elle s'applique aussi aux églises, aux maisons d'école, etc. Le subside accordé pour la restauration de la cathédrale de Tournai a été liquidé en dix années ; la Chambre a-t-elle voté chaque année la part du subside afférente à l'exercice ? Il en est de même des travaux exécutés à la cathédrale de Bruxelles. Il y a dix-huit ans qu'on a mis la main à l'œuvre, vient-on chaque année demander à la Chambre un crédit ?

Mon honorable ami M. de Man pense que, lorsque le gouvernement commande une œuvre qui doit s'exécuter en plusieurs années, il faut chaque année un vote de la législature. Eh bien, je vous le demande, messieurs, quel est l'artiste qui voudra accepter une commande à de pareilles conditions ? Quel est l'artiste qui consentira à commencer une œuvre d'art sans être bien certain d'être payé ? Le système de mon honorable ami doit, contre son intention sans doute, avoir ce résultat, qu'il supprime toute commande de grande œuvre d'art.

Or, comment se sont faites les œuvres d'art remarquables que nous avons dans le pays ? Comment s'est faite l’Abdication de Charles-Quint ? Comment s'est faile la Bataille de Woeringen ? Comment s'est fait le Godefroid de Bouillon ? Cela s'est fait par des commandes successives. C'est l'honorable M. de Theux qui, le premier, a introduit ce système ; à mon avis, il a très bien fait et je l'en remercie ; il ne combattra sans doute pas le système qu'il a appliqué le premier et qui est le seul possible en pareil cas.

Je dis donc que lorsqu'il s'agit d'une œuvre d'art qui peut se terminer dans le cours d'une année, le gouvernement doit en imputer la dépense sur le budget de cette année ; il n'a pas le droit de l'imputer sur les budgets des exercices ultérieurs ; mais lorsqu'il s'agit d'une œuvre d'art dont l'exécution nécessite plusieurs années, alors il doit avoir pour cette œuvre d'art la latitude qu'il a pour les églises, les maisons d'école, etc. Si vous admettez une loi exceptionnelle pour les œuvres d'architecture, il faut admettre aussi une loi exceptionnelle pour les œuvres de sculpture et de peinture.

A mon avis, la cour des comptes a donc très bien fait de revenir sur les observations qu'elle avait présentées et qui créaient une impossibilité, tandis que le système que M. le ministre de l'intérieur vous a développé l'autre jour, est le seul praticable.

Je n'en dirai pas davantage.

M. de Muelenaere. - Messieurs, mon honorable ami M. Dumortier vient de traiter une question de fait ; mais ici la question de fait est dominée par une question de droit. Nous avons une loi qui règle la comptabilité de l'Etat, et par cette loi même, la cour des comptes est chargée de veiller à son exécution.

Je comprends qu'il puisse s'élever des difficultés entre le gouvernement et la cour des comptes sur l'exécution de telle ou telle disposition de cette loi ; mais lorsque le gouvernement et la cour des comptes ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le véritable sens de cette disposition, il ne nous appartient pas d'interpréter implicitement par un vote de budget le sens qui doit être donné à la disposition. Il faut pour cela le concours des trois grands pouvoirs de l'Etat.

Si le gouvernement croit que l'interprétation donnée par la cour des comptes l'empêche de se mouvoir librement, c'est au gouvernement à proposer à la Chambre une loi interprétative, et cette loi devra être votée, non seulement par la Chambre des représentants, comme on propose de le faire, mais encore par le Sénat et sanctionnée ensuite par le Roi.

Il est évident que la proposition qui avait été faite en premier lieu par M. le ministre de l'intérieur n'était pas acceptable, qu'il était impossible que la Chambre donnât son adhésion à cette proposition, parce que, de cette manière, nous auriez fait implicitement ce que vous ne pouvez faire que par une loi formelle.

Mais puisque M. le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il se proposait d'examiner la question plus mûrement, il trouvera peut-être convenable d'engager sur ce point une nouvelle correspondance avec la cour des comptes ; si alors la cour des comptes et le gouvernement se mettent définitivement d'accord, il me semble qu'il sera inutile de porter de nouveau cette affaire devant la Chambre ; mais s'il y avait impossibilité de la part de la cour des comptes à s'entendre avec le gouvernement sur le véritable sens de la loi, il faudrait, dans ce cas, proposer une loi d'interprétation.

- La discussion est close.

L'article 105, tel qu'il a été adopté au premier vote, est définitivement adopté.

Chapitre XX. Service de santé

Article 119

« Art. 119. Frais des commissions médicales provinciales ; police sanitaire et service des épidémies : fr. 38,700. »

Il y a eu au premier vote d'abord un transfert, ensuite une réduction de 10,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'ai expliqué à la Chambre pourquoi le crédit est insuffisant. Si la réduction de 10,000 fr. est maintenue, nous retombons dans la voie des crédits supplémentaires. Il s'agit de dépenses obligatoires. Ne perdons pas de vue non plus qu'il a été porté une loi qui enjoint aux commissions médicales d'inspecter les officines vétérinaires. Il est évident que le crédit doitêtre augmenté de ce chef.

M. Orban. - Messieurs, la Chambre a rejeté, au premier vote, l'augmentation de 10,000 francs ; j'espère qu'elle maintiendra sa décision. J'ai dit à la Chambre le motif pour lequel le crédit a été insuffisant. C'est parce que le gouvernement n'a pas consenti à entrer dans la voie indiquée par la Chambre pour réaliser une économie ; c'est parce qu'il n'a pas voulu supprimer les loyers des locaux spéciaux affectés à la réunion des commissions médicales, alors qu'il est possible de réunir ces commissions dans le local des gouvernements (page 766) provinciaux. Ce motif, je le maintiens et avec d'autant plus de raison que M. le ministre n'a pas jugé à propos de dire un seul mot pour répondre à l'observation que j'avais présentée à cet égard.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'ai dit qu'il était de toute impossibilité de diminuer l'allocation demandée, que la dépense en moyenne s'élevait à la somme de 500 fr. On veut qu'on réunisse partout les commissions médicales dans l'hôtel du gouvernement provincial, c'est de toute impossibilité, ces hôtels sont déjà insuffisants pour les administrations provinciales ; on ne peut donc pas y introduire les commissions médicales.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. Orban. - Messieurs, il est permis, je crois, d'insister, surtout quand on vient demander le maintien d'une décision de la Chambre que M. le ministre vous invite à réformer ; la dignité même de la Chambre exige que l'on insiste pour le maintien de sa décision. Au reste, je me bornerai à rappeler en deux mots ce que j'ai dit lors du premier vote du budget, c'est que la possibilité de réunir partout la commission médicale à l'hôtel du gouvernement provincial est incontestable.

Je n'ai besoin pour le prouver de citer que ce seul fait ; il est possible de réunir une fois par an le conseil provincial et de lui fournir, ainsi qu'aux sections, les locaux nécessaires pour délibérer dans l'hôtel du gouvernement provincial ; le conseil provincial ne siège que pendant un temps limité, les commissions médicales pourraient bien trouver moyen de tenir leurs réunions dans ces mêmes locaux.

- La discussion est close.

Le chiffre proposé dans le projet de budget par le gouvernement est mis voix ; il n'est pas adopté. Le chiffre admis au premier vote est définitivement adopté.

Vote de l'article unique et sur l’ensemble du budget

M. le président. - Tantôt il y a eu un dissentiment entre M. Rogier et moi sur le chiffre des augmentations ; cela provenait de ce que nous n'avions pas le même point de départ. M. Rogier avait pour point de départ le budget tel qu'il a été voté pour l'exercice 1853, et moi, le projet de budget présente pour 1854.

« Article unique. Le budget du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1854, est fixé à la somme de 7,198,041 francs, conformément au tableau ci-annexé. »

- Il est procédé au vote par appel nominal. En voici le résultat :

65 membres répondent à l'appel.

63 répondent oui.

1 (M. Verhaegen) répond non.

1 (M. de Man d'Atlenrode) s'abstient.

En conséquence, le projet de budget est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Le Hon, Lejeune, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Rousselle (Ch.), Tesch, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Iseghem, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe, Clep, Clossct, Coppieters 't Wallant, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Bronckart, de Haerne, Delehaye, Deliége, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Renesse, de Royer, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Faignart, Jacques, Jouret et Delfosse.

M. le président. - M. de Man, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je n'ai pu donner mon adhésion au budget de l'intérieur, parce qu'un grand nombre de dépenses facultatives qui n'intéressent que bien faiblement ou même pas du tout la prospérité du pays, ont été maintenues malgré un découvert de 32 millions, malgré les efforts de la section centrale.

Je n'ai pas voté contre le budget, parce que je n'ai pas voulu entraver le service de l'administration.

Je me suis en conséquence abstenu.

- La séance est levée à 5 heures.