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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 avril 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

(page 1491) M. Dumon fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- Il est procédé au tirage au sort des sections d'avril.

M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance du 7 avril ; la rédaction en est approuvée-

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur André Weynandy, propriétaire cultivateur à Mourcy, né à Naertrange (Grand-Duché dé Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Antoine-Jean-Bernard Imminck, adjudant sous-officier au 8ème régiment de ligne, prie la Chambre de revenir sur sa résolution et de lui accorder la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Plusieurs habitants de Pommeroeul prient la Chambre d'accorder aux sieurs Hertogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer destiné à relier les charbonnages du couchant de Mons à la ville de Gand. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Chanson, mécanicien à Molenbeek-St-Jean, demande une indemnité pour l'aider à exploiter le brevet d'invention qu'il a obtenu en 1852. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pyssot, cultivateur à Grimbergen, réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnisé des pertes qu'il a subies par suite de la destruction de sa récolte en 1853. »

- Même renvoi.


« Le sieur Mertens-Bauduin demande qu'on démolisse les baraques qui ont été construites dans le polder d'Ordam, lors de l'inondation du polder de Lillo, et qu'il soit donné à leurs habitants des demeures sur la pièce de terre achetée par le gouvernement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Steeman, négociant à Uytbergen, demande une indemnité pour l'aider à soutenir l’école dentellière qu'il a établie dans cette commune. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lagneau, commissionaire à Bruxelles, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir les fonds provenant de la vente de sa propriété. »

- Même renvoi.


« Le sieur Beckers, ancien commissionnaire juré du mont-de-piété de la ville de Louvaiu, demande un subside ou un emploi. »

- Même renvoi.


« Le sieur Logé, ancien notaire, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir justice de l'arrestation dont il est l'objet. »

- Même renvoi.


« Le sieur Struyvelt, ancien préposé des douanes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir uue augmentation de pension. »

M. Rodenbach. - Il s'agit d'un ancien employé du gouvernement qui est au comble de la misère. Je demande que la commission fasse un prompt rapport.

- Même renvoi.


« Le sieur Hospel, milicien de la classe de 1849, appartenant à la réserve, demande l'autorisation de solliciter un emploi. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Schuyten, ancien sergent, blessé de 1830, demande une pension ou que le subside annuel dont il jouit soit augmenté. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur de Grave, notaire à Laerne, soumet à la Chambre un projet de loi de réorganisation du notariat. »

M. de Muelenaere. - Messieurs, il paraît que ce travail est assez considérable ; c'est, si je ne me trompe, une organisation complète et nouvelle du notariat. Comme cette question est actuellement à l'étude au département de la justice et que M. le ministre de la justice nous a déclaré qu'il présenterait un projet de loi dès le début de la session prochaine, je crois qu'il serait important que le rapport de la commission des pétitions fût fait et que la pétition fût renvoyée au département de la justice avant la clôture de la session ; sinon, le rapport serait complètement sans objet. Je demande donc un prompt rapport.

- Adopté.


« Les sieurs Bonnewyn, Casters et autres membres de l'association pharmaceutique de Tirlemont présentent des observations sur la nécessité de donner à la pharmacie une représentation à l’Académie de médecine et dans les conseils médicaux, et d'empêcher le cumul de l'exercice de la médecine avec celui de la pharmacie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs pharmaciens à Tournai, Gosselies, Gouy-le-Piéton, Momignies et Chimay, déclarent adhérer à la pétition du cercle pharmaceutique du Hainaut relative au cumul de l'exercice de la médecine avec celui de la pharmacie. »

« Même déclaration de plusieurs pharmaciens d'Ath et de pharmaciens à Beloeil, Péruwelz et Leuze, qui déclarent adhérer, en outre, à la pétition du cercle pharmaceutique du Hainaut concernant la représentation de la pharmacie dans l'Académie de médecine. »

- Même renvoi.


« Plusieurs pharmaciens à Bruxelles demandent que les statuts de l'Académie de médecine permettent à un plus grand nombre de pharmaciens de siéger dans cette assemblée et que l'exercice de la médecine ne puisse être cumulé avec celui de la pharmacie que dans les localités où le médecin et le pharmacien ne pourraient vivre honorablemeut l'un à côté de l'autre. »

- Même renvoi.

M. Thiéfry. - Messieurs, plusieurs pétitions semblables ont été renvoyées à la commission des pétitions. Je demande le même renvoi pour la pétition dont il s'agit ; je demande, en outre, que la commission soit priée de faire un rapport avant la fin de la session, afin que M. le ministre de l'intérieur puisse, dans l'intervalle des deux sessions, avoir égard aux observations présentées sur le projet de loi relatif à l'art de guérir.

- La proposition de M. Thiéfry est adoptée.


« Par sept pétitions un grand nombre de propriétaires ou habitants d'Ixelles, de Saint-Josse-ten-Noode, Anderlechl, Molenbeek, Schaer-beek, Saint Gilles et du Quartier-Léopold demandent l'annexion des faubourgs à la ville de Bruxelles. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à cette annexion.


« Par 3 pétitions plusieurs habitants d'Ixelles présentent des observations contre le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale. »

« Mêmes observations présentées dans 314 pétitions par des habitants de St-Josse-ten-Noode. »

« Mêmes observations dans 97 pétitions par des habitants de Schaerbeek. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Plusieurs cultivateurs à Frasnes, Moustiers, Hacquegnies, Ellignies-lez-Frasnes prient la Chambre de ne point donner son assentiment au projet de chemin de fer qui a été présenté par les sieurs Hertogs et Hoyois.»

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques habitants de Molenbeek-Saint Jean prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale et de décréter que dorénavant toutes les publications administratives de la ville de Bruxelles seront faites dans les langues française et flamande, et qu'il sera créé dans les écoles communales de cette ville des sections spéciales où le premier enseignement sera donné en flamand. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'incorporation des faubourgs.


« Par deux pétitions, plusieurs négociants, marchands, fabricants, industriels à Bruxelles, déclarent protester contre toute annexion des faubourgs à la capitale, si on insiste sur le maintien des droits d'octroi. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale.


« Les sieurs Seghers, Pellier et Bille, miliciens de la classe de 1834, réclament l'intervention de la Chambre pour qu il soit sursis à leur incorporation en attendant que l'autorité compétente ait examiné les miliciens Bethune et Pilale et prononcé sur leur aptitude au service. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Decker, ancien combattant de septembre, demande une indemnité ou une gratification. »

- Même renvoi.

M. Rodenbach. - Messieurs, le pétitionnaire n'est pas dans le cas d'obtenir tout ce qu'il demande. Mais comme il n'est pas heureux, je crois qu'on devrait lui accorder une gratification. Les pièces qu'il produis sont très nombreuses. Je demande que la commission des pétitions fasse un prompt rapport.


« Le sieur Scha, ancien commis des douanes, demande une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Clermont adresse à la Chambre un mémoire sur la réunion des faubourgs à la ville de Bruxelles et des brochures sur la suppression des octrois et l'organisation des assurances au profit de l'Etat. »

- Dépôt à la bibliothèque et dépôt du mémoire sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale.


« M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, 6 demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Delaet fait hommage à la Chambra de 110 exemplaires (page 1792) d'une brochure intitulée : De l'annexion à la Ville de Bruxelles des communes suburbaines, considérée au point de vue national. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.

Projet de loi sur les distilleries

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Non, M. le président.

M. le président. - En conséquence, la discussion s'établit sur le projet du gouvernement.

La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Boulez.

M. Boulez. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour motiver le vote que je vais émettre sur la loi qui nous occupe en ce moment. Je tâcherai de convaincre la Chambre que, pour que les distilleries puissent être utiles et favorables au pays, il faudrait qu'elles fussent essentiellement et même exclusivement agricoles, comme elles le furent dans leur origine ; elles étaient alors un élément de prospérité et de bien-être pour l'agiriculture ; l'intérêt de cette branche importante de l'industrie est devenu plus grand encore depuis que la fabrication de genièvre au moyen de la betterave paraît présenter de grands avantages. Ces distilleries procurent le moyen d'engraisser le bétail, donnent aux cultivateurs la facilité de vendre ce bétail aux boucliers à des prix avantageux, le moyen d'acheter les bêtes grasses à un prix modéré de manière à vendre la viande au prix accessible à toutes les classes de la société.

Il résulte de l'engraissement du bétail une grande quantité de fumier que les petits locataires obtiennent en fournissant de la paille, ils augmentent ainsi leurs productions agricoles et donnent de l'ouvrage à de nombreux ouvriers.

Eu égard à la grande utilité de ces fabriques, il est indispensable de les soutenir par une protection efficace pour qu'elles puissent lutter contre les grandes distilleries des villes.

On se rappellera facilement que, dans les Flandres, il existait de nombreuses distilleries agricoles en parfaite prospérité qui sont les unes en grande partie ruinées, les autres disparues par le monopole des distilleries urbaines. C'est ce qu'il est facile de comprendre lorsqu'on compare le mode de fabrication dans les deux espèces d'usines : les distilleries urbaines, ayant un seul but, un seul intérêt, la production du genièvre, sans être utiles à la richesse du sol, ne se préoccupent pas de la qualité des résidus, qui ne doivent pas servir à l'engraissement du bétail, et qui sont vendus aux jardiniers des environs des villes. (Et qu'on ne m'objecte pas que sous ce rapport il convient de favoriser la production de ces résidus, puisqu'ils ont une utilité incontestable : car, cet engrais peut sans aucun inconvénient être remplacé par la dréche provenant des nombreuses brasseries des villes.) Ils conservent la partie claire des résidus pour accélérer la fermentation et obtenir un plus grand rendement ; on conçoit que dans de telles conditions et faisant usage de procédés de fabrication perfectionnés, ces usines peuvent extraire de la matière tout l'alcool qu'elle contient.

Il n'en est pas de même du distillateur agricole, obligé de conserver dans les résidus une certaine quantité de matière nutritive pour favoriser l'engraissement de son bétail. Il résulte de là évidemment une diminution dans le rendement.

D'un autre côté, les grands établissements distillatoires ont l'avantage d'exporter leurs produits avec une prime dont les petites distilleries agricoles sont presque généralement privées, et si je suis bien informé, une partie de ces usines doivent cesser leur fabrication à défaut de moyens d'écoulement du genièvre qu'elles produisent.

Il est très regrettable que la loi qui régit les distilleries subisse des variations successives d'impôts ; il serait à souhaiter que le gouvernement trouvât le moyen d'établir une loi stable et fixe pour que cette industrie pût se développer et prospérer. Car je n'hésite pas à dire qu'il est impossible que les petites distilleries qui sont si avantageuses à l’agriculture et aux défricheents des bruyères continuent leur industrie, n’ayant pas les capitaux nécessaires pour satisfaire aux exigences du fisc, et il est à prévoir que dans un avenir peu éloigné on ne trouvera plus dans le pays que quelques grands établissements distillatoires qui écraseront la presque totalité des petites distilleries agricoles.

L'augmentation de droits que M. le minstre propose donnera accès à l'introduction des eaux-de-vie étrangères qui entreront à des conditions onéreuses pour nos distilleries indigènes, et par cette concurrence il est à craindre qu'au lieu d'y avoir un avantage pour le trésor il en résulte une diminution de recettes, une diminution considérable de fabrication et même, je le crains, la ruine complète d'une industrie importante.

D'après ces considérations je ne puis donner un vote favorable à la loi qu'à la condition que M. le ministre consente à maintenir la déduction de 15 p. c. sur les nouveaux droits à établir pour les distilleries agricoles, c'est-à-dire pour celles qui exercent leur industrie conformément à l'article 5 de la loi, dans le but de favoriser l'agriculture qui est l’élément le plus utile et le plus important de l'activité humaine du pays.

- Persone ne demandant plus la parole, la discussion générale est close.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1855

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, d'après les ordres du roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau :

1° Le budget de l'intérieur pour l'exercice 1855.

Projet de loi régularisation des crédits relatifs à la nouvelle dette à 4 1/2 p. c. et à la dette flottante

Dépôt

2° Un projet de loi portant régularisation au budget de la dette publique pour l'exercice 1854, des crédits relatifs à la nouvelle dette à 4 1/2 p. c. et à la dette flottante.

Projets de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice

Dépôt

3° Un projet de loi allouant plusieurs crédits supplémentaires au département de la justice, s'élevant ensemble à la somme de fr. 161,544 51.

4° Un projet de loi qui alloue au département de la justice un crédit supplémentaire de 500,000 fr., à titre d'avance pour l'exercice courant, affectée à la fabrication, dans les prisons, de toiles pour l'exportation ; pareille somme est portée au budget des recettes de 1854.

- Ces divers projets de loi seront imprimés et distribués. La Chambre les renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi sur les distilleries

Discussion des articles

M. le ministre des finances (M. Liedts). (pour une motion d’ordre) - Quoique le gouvernement ait eu différents motifs pour présenter le projet qui vous est soumis, motifs que j'exposerai dans la discussion ; cependant le but principal qu'il s'est proposé a été de faire produire à l'impôt sur les distilleries plus qu'il n'a produit jusqu'à ce jour. Le principe de la loi, en ce qui concerne cet objet, se trouve dépose dans l'article 2.

Si cet article n'était pas admis par la Chambre, je n'hésiterais pas à retirer le projet, et, le cas échéant, à lui substituer un autre projet en un seul article, pour convertir en loi l'arrêté royal relatif à l'impôt sur les mélasses. Cependant il ne faudrait pas induire de ce peu de paroles que j'abandonne le projet soumis à vos délibérations ; je suis, au contraire, prêt le défendre.

Je demanderai, par motion d'ordre, à la Chambre de commencer la discussion par l'article 2 qui contient la base principale de la loi.

- Cette proposition est adoptée.

Article 2

« Art. 2. § 1er. La quotité de l'accise est fixée, par jour de travail, à deux francs dix centimes par hectolitre de la capacité brute des divers vaisseaux compris dans l'article précédent et non spécialement exemptés. Elle est de trois francs trente centimes, lorsqu'il est fait usage de mélasses, sirops ou sucres.

« § 2. Ce droit est dû à raison d'un seul renouvellement de matières par 24 ou par 48 heures ; il est augmenté d'un dixième dans le second cas.

« § 3. Le distillateur qui travaille plus rapidement est tenu d'acquitter un droit supplémentaire proportionnel, à calculer sur les contenances utilisées en plus pour la macération et la fermentation des matières. Le décompte à former de ce chef est établi à l'expiration de chaque déclaration.

« § 4. On entend par jour de travail servant de base à l'impôt, la période de 24 ou de 48 heures, de minuit à minuit, pendant laquelle on effectue soit des trempes, des mises en macération ou des fermentations de matières, soit des distillations ou des rectifications. Le jour de travail ne peut être scindé, quant à la redevabilité du droit, alors même que les travaux ne seraient pas continuels.

« § 5. Le ministre des finances peut retirer au distillateur qui en aura abusé le bénéfice de la prise en charge minimum par 48 heures.

« § 6. Aucun impôt n'est dû pour les jours de dimanche et de fête légale, lorsque le distillateur a stipulé, dans la déclaration prescrite à l'article 15, qu'il n'entend opérer pendant lesdits jours aucun travail de trempe, de macération ou de réfrigération des matières, ni aucun travail de distillation ou de rectification.

« § 7. Dans le décompte mentionné au paragraphe 3, les jours de dimanche et de fête légale, pendant lesquels le distillateur déclare n'effectuer aucun travail, sont négligés.

§ 8. Il est interdit au distillateur admis à jouir de l'exemption d'impôt accordée au paragraphe 6 de tenir pendant les jours de dimanche et de fête légale du feu sous les chaudières ou alambics, lesquels devront demeure vides.

« § 9. Les dispositions qui précèdent ne sont pas appliquées au mod de distillation désigné à l'article suivant. «

M. le président. - La section centrale propose divers amendements à cet article.

1° Au paragraphe premier de fixer l'impôt à 1 fr. 50 c. au lieu de 2 fr. 10 c. et à 2-35 5/7 au lieu de fr. 3-30.

2° Au paragraphe 2 retrancher les mots : « ou par 48 heures il est augmenté de 1/10 dans le deuxième cas.

3° Au paragraphe 4 de retrancher les mots : « ou de 48 heures ».

4° De supprimer le paragraphe 5.

M. Osy. - Messieurs, je suis convaincu qu'il est nécessaire pour le trésor de trouver de nouveaux moyens afin de permettre au gouvernement de traverser sans encombre les circonstances actuelles. Mais je ne crois pas que le projet présenté atteindra le but que s'est proposé l'honorable ministre des finances. Vous voyez ce qu'a été le produit de l'impôt en présence de la marche ascendante du droit sur les distilleries. Nous avons commencé par payer 22 centimes, ensuite le droit été porté à 1 fr. 50. Il n'y a que deux ans que l'impôt est ainsi perçu ; M. le ministre propose de porler ce droit à 2 fr. 10 centimes.

Vous voyez que ce serait décupler le droit primitif, puisqu'on propose de le porter à 2 fr. 10 c. au lieu de 22 c. qu'il était en 1832. Voyons si le produit a suivi la progression du druit : En 1822 le produit a été de (page 1493) près de 2 millions, 1,945,000 fr, et en 1851, époque à laquelle il fut porté de 22 c. à 1 fr. 59 le produit n'a été que de 4,211,009 fr.

Quand nous avons augmenté l'impôt de 50 p. c, la recette en plus n'a été que de 400,000 fr., ce qui fait 19 p. c. du produit au lieu du 50 p. c. Je suis persuadé qu'avec le droit qu'on nous propose aujourd'hui la recette, au lieu d'augmenter, diminuera.

Déjà lors de la discussion de la loi de 1851, plusieurs de nos honorables collègues et moi nous avions dit qu'au droit de 1 fr. 50 c. la fraude était à craindre ; avec l'impôt de 2 fr. 10 c. cette fraude sera encore bien plus à craindre.

Mais le motif principal pour lequel je m'oppose au projet, c'est que je crois que l'impôt qu'on nous propose sera la destruction de l'industrie des distilleries, industrie si nécessaire au bien du pays.

En effet, messieurs, vous voyez queleh gouvernement ne peut pas ou ne veut pas augmenter les droits d'accise sur les eaux-de-vie étrangères. Vous savez que par suite de la convention avec la France, il est impossible d'augmenter les droits sur les eaux-de-vic de ce pays. Je conviens qu'au prix où sout maintenant ces eaux-de-vie par suite de la maladie de la vigne, la concurrence qu'elles peuvent faire aux eaux-de-vie indigène n'est pas craindre. Mais d'après des calculs qui ont été reproduits par la section centrale et que j'ai reconnus exacts, je suis persuadé que l'on introduira en Belgique des eaux-de-vie de genièvre hollandaises, qui viendront faire concurrence aux produits de nos distilleries indigènes ; nous ferions donc un mal infini à notre industrie sans atteindre le but que se propose M. le ministre des finances.

Dès lors, ne voyant dans la loi qui nous est proposée, aucun avantage pour le trésor, mais y trouvant la menace d'une perte considérable pour une industrie importante, il m'est impossible de donner mon assentiment à l'article 2 qui, comme vous l'a dit M. le ministre, fait toute la loi.

M. Rodenbach. - Messieurs, on doit convenir que les boissons spiritueuses devraient être fortement imposées, si notre système de douane nous permettait, comme en Angleterre et dans d'autres pays, d'établir des droits considérables sur les alcools étrangers.

Mais sur nos neuf provinces, il y en a huit qui sont provinces frontières. Nous avons des voisins chez lesquels existent des lois qui protègent efficacement l'exportation. En Hollande notamment le drawback est considérable. Il est reconnu que les Hollandais parviennent à exporter jusqu'à 100,000 hectolitres par an. En 1848 ils ont exporté jusqu'à 130,000 hectolitres ; mais la moyenne est de 100,000 hectolitres.

Pour exporter ces cent mille hectolitres il faut 100 bâtiments. Vous voyez donc à quel immense commerce donne lieu le genièvre en Hollande.

Messieurs, le résidu qui provien tde ces 100,000 hectolitres de genièvre suffit pour engraisser un million de têtes de bétail. Aussi la viande est-elle en Hollande moins chère que chez nous surtout dans les campagnes. Ici nous manquons de bétail ; depuis seize ans, par suile d'accroissements successifs sur les eaux-de-vie, nous gênons constamment l'industrie et l'engraissage du bétail.

Tous cependant nous voulons que la viande, comme le pain, soit à bon marché. Tous les deux ou trois ans nous modifions la législation et cette versatilité dans notre système est chose très fàcheuse pour nos distillateurs. Ces changements continus d'année en année découragent l'industrie et froissent considérablement ses intérêts.

Je répète donc qu'avec le résidu seul du genièvre qu'ils exportent, les Hollandais peuvent engraisser uu million de têtes de bétail. Nous, nous exportons très peu de genièvres.

L'année dernière on a exporté plus que précédemment parce que les alcools faits avec les sirops de mélasse donnent, assure-t-on, jusqu'à 11 litres tandis qu'avec les céréales on n'obtient que 7 litres, de manière qu'il y avait un bénéfice réel à exporter. Mais c'est là un fait exceptionnel, et en temps ordinaire, avec le drawback de 24 fr. nous ne pouvons exporter que très peu ; c'est tout le contraire en Hollande.

Messieurs, nous devons aviser à ce que la vie soit à meilleur marché, à ce que la viande notamment soit moins chère. On se plaint partout à Bruxelles et dans tout le royaume de la cherté de la vie animale. Le petit bourgeois, l'ouvrier ne peuvent plus manger de la viande.

Il importe donc que le bétail augmente dans notre pays. Nous n'avons en Belgique qu'un million et demi de têtes de bétail. En Angleterre et dans d'autres contrées, on en a trois fois plus qu'ici. En effet, l'Angleterre a 14 millions de têtes de bétail, ce qui fait, d'après la statistique que j'ai vue à cet égard, uue tête de bétail pour deux individus. En Belgique, nous n'avons qu'une tête de bétail pour trois individus.

Nous allons donc par nos lois directement contre le but que nous devrions chercher à atteindre.

D'ailleurs, si vous portez le droit sur le genièvre à 2 fr. 10 c„ n'allez-vous pas voir comme précédemment introduire frauduleusement chez nous une grande quantité de genièvre étranger ? Ce genièvre ne viendra-t-il pas vous faire une rude concurrence à l'intérieur et à l'extérieur, car vous n'avez pas un drawback comme les Hollandais ? Les genièvres de pays voisins viendront approvisionner votre propre pays et nuire à votre agriculture.

Je sais, messieurs, qu'il est nécessaire d'augmenter nos ressources, que le trésor est en déficit mais je ne crois pas que l'augmentation d'impôt qu'on vous propose produira un million et demi ; je crois même qu'il pourrait arriver que, par suite de la fraude, cette majoration de droit ne produira pas 700,000 fr.

Pour le sucre, le gouvernement perd encore un millions et demi, et c’est sur les boissons spiritueuses qu’on veut trouver ce déficit.

Je crois que l’on est dans l’erreur, et que l’article 2 de la loi qui forme la disposition principale ne peut être adopté.

Je ne m’occuperai pas en ce moment des autres articles de la loi. Quant à la rétroactivité, je crois avec les sections et avec la section centrale, que ce serait une mesure contraire à la Constitution. Aussi, le ministre paraît ne plus y songer. Je me bornerai à ce peu de mots.

M. de La Coste. - (page 1513) Messieurs, l'article qui est maintenant en discussion soulève, outre la question de l'augmentation de l'impôt, celle de la proportion du rendement entre les distilleries qui emploient les grains et les distilleries qui emploient les mélasses.

Il est assez difficile d'apprécier, dans ces nombreux chiffres qui vous sont soumis, quelle est la véritable proportion entre les produits qu'on obtient par ces deux procédés différents.

C'est ici, en effet, une question d'égalité proportionnelle ; ce n'est pas une question fiscale ; car s'il y avait inégalité dans le traitement, évidemment on se reporterait vers le procédé qui serait le plus favorisé.

Ainsi tout le problème est de trouver le rapport véritable entre les résultats de ces deux procédés.

Quant à moi, je conserve des doutes sur le point de savoir si la proportion adoptée par le gouvernement est bien équitable. Ces doutes, messieurs, ne sont pas inspirés par un intérêt local, car il y a, dans l'arrondissement auquel j'appartiens, des distilleries qui emploient les deux procédés, je crois même que les plus nombreuses sont celles qui emploient le grain, mais je ne désire point pour les unes un privilège qui deviendrait onéreux aux autres ; ce que je désire, et tout le monde doit le désirer ici, c'est qu'on arrive à trouver une juste proportion et, je le répète, j'ai à cet égard quelques doutes.

D'abord, messieurs, relativement aux distilleries de grains, on a fait des expériences très nombreuses. Ces expériences, qui ont eu lieu quelquefois dans des circonstances favorables, quelquefois dans des circonstances qui l'étaient moins, présent en elles-mêmes un avantage en ce sens que sur un très grand nombre d'expériences on doit arriver probablement à une moyenne plus favorable.

Voilà, messieurs, un premier point que je constate.

Un second point, messieurs ([et c'est ici une observation très simple), consiste en ceci : on a trouvé que par le procédé qui répond le mieux à l'intérêt des distillateurs qui emploient le grain, le rendement moyen pouvait s'évaluer à 7.26; on a trouvé, d'autre part, que lorsqu'on emploie des mélasses le rendement qui peut être considéré comme moyen, est de 11.25, et on a rabattu des deux parts la fraction; mais ce procédé n'est pas du tout égal : rabattre sur 7.26 la fraction, c'est accorder une faveur d'à peu près 4 p. c, rabattre la fraction sur 11.25 c'est accorder une faveur qui n'est guère que de 2 p. c. ; voilà une seconde différence dans le traitement qu'on accorderait aux deux industries.

Mais, messieurs, en voici une troisième : dans les expériences qui ont été faites pour le grain, un assez grand nombre donnent un rendement de beaucoup supérieur à celui que l'on a adopté. Je vois à la page 21 de l'exposé des motifs du 25 janvier 1853, que le rendement a été quatre fois de suite, de 7.57; après cela je trouve un rendement de 7.91, cela approche bien de 8 ; à la page 23 je vois que 4 opérations ont donné un rendement de 7.74 ; il est donc à supposer que le rendement de 7, adopté pour les distilleries qui emploient le grain, est assez facile à obtenir et même à outrepasser lorsqu'on emploie les moyens perfectionnés de distillation et qu'on est attentif à remplir toutes les conditions nécessaires pour que les opérations produisent tous les résultats possibles.

Dans les expériences qui ont eu lieu relativement à la distillation des mélasses, je vois que le rendement de 11 est aussi quelquefois dépassé; il a même atteint une fois 11.95 ; mais cette expérience ne doit pas compter, parce que le travail avait duré 40 heures. Dans 3 expériences il s'est élevé de 11.31 à 11.59; or, ici la différence est bien moins forte et, de plus, négliger la fraction sur 7 est une faveur plus forte que la négliger sur 11, fussent-elles égales de part et d'autre, ainsi que je l'ai établi tout à l'heure.

Je le répète donc, je ne suis pas convaincu que le rendement proposé atteigne l'égalité proportionnelle, que nous devons seule avoir en vue. Je ne pourrai pas admettre ce rendement pour les mélasses, à moins d'explications qui répondent aux observations que je viens de faire.

Quant à l'augmentation du droit en général, c'est un point qui devrait être résolu absolument d'une manière négative, si les objections que l'honorable M. Osy vient encore de renouveler, sont fondées, c'est-à-dire si nous n'avons pas la chance d'obtenir une augmentation d'impôt proportionnelle au produit de l'impôt.

Mais si même cette objection était résolue, la question, selon moi, ne peut pas être décidée isolément.

En effet, il faudrait d'abord établir, non par un discours d'un honorable membre, ainsi que l'a fait dans une autre séance un honorable député d'Anvers, mais par un exposé de la situation financière, fait par M. le ministre des finances ; il faudrait établir, dis-je, qu'il y a des besoins et quelle est réellement l'étendue de ces besoins. Il faudrait ensuite qu'on nous présentât les moyens auxquels le gouvernement s'est définitivement arrêté pour faire face à l'insullisance des ressources, afin que nous pussions les comparer et choisir les moins onéreux. Jusqu'à ce qu'un semblable travail nous ait été soumis, j'éprouverai, pour ma part, une grande répugnance à augmenter les charges publiques.

Sans doute, tout le monde rend ici hommage aux lumières de l’honorable membre auquel j'ai fait allusion tout à l’heure ; mais nous ne pouvons avoir à cet égard nos apaisements complets que par les renseignements que le gouvernement nous donnerait. Quant à moi, je ne puis m'empécher de croire que l'honorable député d'Anvers a un peu assombri le tableau. Par exemple, je ne vois pas pourquoi il faudrai charger la situation actuelle des 11 ou 12 millions qui ont dû être remboursés lors de la conversion. Evidemment la conversion doit être considérée dans son ensemble; elle a produit une amélioration dans la situation financière d'environ 2 millions par an ; on ne peut pas porter ces 2 millions à l'actif et grever la situation du moment de 11 à 12 millions.

J'ignore les motifs qui peuvent avoir empêché de chercher à jeter ces 12 millions dans la circulation ; mais enfin, c'est un capital et ce n'est pas au revenu à y pourvoir.

Il y aurait encore probablement beaucoup de réflexions de cette nature à faire, lorsque la situation financière serait présentée par le gouvernement; mais il me semble que c'est là la base véritable de toue, discussion, dès qu'il s'agit d'augmenter les ressources du trésor.

(page 1493) >M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, un orateur a commencé par déplorer les changements fréquents qu'on fait subir à la loi sur les distilleries. C'est en effet une chose fâcheuse qu'il faille presque tous les deux ou trois ans retoucher cette législation. Mais la faute n'en est pas au gouvernement, la faute on est, d'une part, à la situation des finances, d'autre part, et en dehors de toute question de situation financière, au progrès même de cette industrie. En supposant que le gouvernement n'eût besoin d'aucune augmentation d'impôt, il aurait été obligé, par plusieurs motifs tirés de l'industrie elle-même, de présenter une loi modifiant la législation sur les distilleries.

Le premier de ces motifs, c'est qu'en ce moment il s'accomplit à nos portes une espèce de révolution dans l’industrie de la distillation des betteraves.

Jusqu'ici, autant que j'en ai connaisance, le produit du jus de la betterave, non rendu à l’état de sirop, ne rend pas plus que le grain, c'est-à-dire entre 6, 7 ou 8. Mais des personnes prétendent qu'à l'heure où nous sommes, nos voisins seraient parvenus, au moyen de perfectionnements, à tirer du jus de la betterave, non encore concentré, jusqu'à l'incroyable rendement de 12 litres par hectolitre de matière mise en fermentation... (Interruption.)

Je veux admettre qu'il y a là exagération ; mais vous devez comprendre que même en faisant uue part très large à l'exagération, il serait impossible que le gouvernement restât spectateur passif d'une pareille révolution qui s'accomplit à nos portes ; et n'eût-il que ce seul motif, il serait obligé, en exécution de son mandat, et sous peine de ruiner tous ceux qui fabriquent le genièvre avec le grain, de demander aux Chambres le pouvoir de suivre pas à pas cette nouvelle industrie, et, au besoin, sauf la ratification ultérieure des Chambres, d'imposer la distillation du jus de la betterave d'une manière proportionnelle à son rendement ; car, comme l'a dit l'honorable M. de La Coste, la première condition, en fait d'impôt, c'est l'égalité. J'ajoute, en terminant sur ce point, que la loi nouvelle investit le gouvernement de l'autorisation nécessaire pour assimiler au besoin la distillation du jus de la betterave non concentré, à celle des mélasses, sirops ou sucres.

En dehors de ce motif, il y en a un autre qui faisait un devoir au gouvernement de saisir la Chambre de ce projet de loi. Vous n'avez pas oublié, messieurs, que, l'année dernière, vous avez accordé au gouvernement le pouvoir de faire des expériences sur la distillation des mélasses et des sirops. Ces expériences ont eu lieu, et elles ont constaté que le rendement qu'on prévoyait lors de la discussion de la loi de 1853, a été dépassé assez sensiblement, de telle sorte qu'au lieu d'imposer cette distillation à fr. 2-15 il faut aller aujourd'hui au-delà.

Eh bien, il est impossible que le gouvernement ne vienne pas vous demander la sanction de ce qui a été fait par simple arrêté royal, aussi la section centrale s'associe-t-elle, sous ce rapport, aux vues du gouvernement, et elle déclare que si le gouvernement s'était borné à ce seul point, elle aurait donné son approbation au projet de loi. Cependant, je ne sache pas qu'une des deux industries doive plus exciter votre sympathie que l'autre ; car si vous craignez l'instabilité de la loi, il ne faut pas plus vouloir qu'on touche à la législation concernant la distillation des mélasses qu'à celle qui est relative à la distillation des grains.

Un troisième motif, c'était la nécessité de sortir une bonne fois de ce chaos de bouts de loi qui s'enchevêtraient, qui étaient mal coordonnés pour faire une loi d'ensemble : c'est une chose importante pour un pays d'avoir une seule loi sur une matière comme celle-là. Voilà donc un troisième motif qui militait pour la présentation d'un projet de loi. Mais il en était un quatrième et pour le ministre des finances il a été le plus puissant de tous ; c'est la nécessité de créer des ressources nouvelles.

On semble désirer que je dépose une nouvelle situation du trésor.

La loi prescrit au gouvernement de présenter chaque année la situation du trésor arrêtée au 1er septembre. Je me suis acquitté de cette obligation ; si on veut un supplément de situation jusqu'à l'époque où. nous nous trouvons, je le ferai volontiers ; au reste les modifications que la situation a subies peuvent s'exprimer en deux mots. Les exercices précédents nous ont légué un déficit de 24,850,000 francs ; je ne comprends pas dans le déficit les 11,900,000 francs remboursés aux rentiers qui n'ont pas voulu accepter la conversion. En retirant 11 millions d'inscriptions de rentes, le pays paye d'autant moins dans la dette publique. A la première occasion cela disparaîtra.

En résultat, c'est un simple découvert, mais ce n'est pas un déficit. Le déficit est donc de 24,850,000 francs et à ce déficit qui est bien l'extrême limite à laquelle notre petit pays puisse aller dans la situation de l'Europe, il faut ajouter le résultat probable de l'exercice courant.

Quand le budget des voies et moyens de 1854 fut discuté par vous, nous n'étions qu'au mois d'avril 1853, c'est-à-dire neuf mois avant le (page 1494) commencement de l'exercice, alors qu'il n'y avait ni crise alimentaire, ni crise politique.

Le budget fut présenté awc des évaluations très modérées ; on m'accusa même d'être trop modéré ; malgré cela le résultat était alors très satisfaisant. En prenant tous les budgets des dépenses et même le budget de la guerre de 32 millions, nous avions un excédant de recettes de 3,300,000 francs ; telle était la situation quand les budgets ont été présentés ; depuis nous avons eu la dotation du prince royal, les dépenses d'appropriation du palais, les crédits à la guerre pour la continuation des travaux à la place d'Anvers, les crédits supplémentaires, malgré les soins extrêmes qu'on met à les éviter, d'autres dépenses enfin qui sont ou qui seront votées. Voilà pour les dépenses.

Maintenant pour les recettes, un vote législatif en a fait disparaître un million et demi, en supprimant les droits sur les denrées alimentaires, les riz et les bestiaux. J'aurais voulu résister au torrent, mais voyant que je ne trouverais pas deux voix pour me seconder, je n'ai pas voulu qu'on pût accuser le gouvernement d'être moins sensible aux souffrances publiques que le parlement ; j'ai consenti et nos recettes ont décru d'un million et demi au moins.

Ce n'est pas tout, il a fallu, à la suite de la crise alimentaire, voter des crédits supplémentaires au département de la guerre pour achat de vivres et de fourrages qui avaient presque doublé de prix. D'autre part, les recettes de la douane ont diminué ; les recettes sur les bières ont également diminué, même diminution sur les droits d'enregistrement et de mutation. Du reste, le premier trimestre est connu ; il est sous vos yeux ; je l'ai fait insérer au Moniteur. Il présente une recette eu moins de 1,300 mille fr. sur les prévisions.

Je sais que le permier trimestre n'est pas le thermomètre des recettes de l'année ; mais jamais la différence n'a été aussi forte entre les produits et les évaluations, et il faut s'attendre à ce que les deuxième et troisième trimestres se ressentiront plus encore que le premier des événements politiques

La crise alimentaire peut disparaître au mois de juillet ; j'en ai l'espoir, la conviction même en présence de la belle récolte qui s'annonce, mais à ce malheur est venu s'enjoindre un plus grand, la crise politique qui ne finira pas aussitôt ; de sorte qu'en acceptant les prévisions les plus légitimes pour 1854, au lieu d'un excédant de recettes de 3,300,000 fr. nous aurons un déficit de près de 4 millions.

Pour ma part, je considère comme un devoir d'éviter au pays ce déficit. En reculant le moment de créer des ressources nouvelles on ne ferait qu'augmenter les embarras et les charges.

Vous voyez que je ne vais pas aussi loin que M. Osy, tout en rendant hommage à ses intentions ; il voudrait, dans la prévision d'une longue guerre en Orient, aller jusqu'à se soustraire à la nécessité de faire l’emprunt que nous sommes autorisés à contracter.

M. Osy. - Non non !

M. le ministre des finances (M. Liedts). - J'ai cru le comprendre ainsi.

Ce qui ne peut être douteux pour personne, c'est la nécessité de créer des ressources nouvelles ; si vous ne le faites pas avant de vous séparer, vous devrez, je le crains, vous réunir extraordinairement. Il est impossible que le pays échappe à cette nécessité.

J'ai pensé qu'il n'y avait pas de matière plus imposable que le genièvre, et je croyais me rencontrer d'autant mieux avec le vœu de la Chambre que toujours on a reconnu que l'extension de la consommation du genièvre n'était pas un bien, à tel point que vous avez pris des mesures extraordinaires pour la restreindre ; en 1853, quand il a été question de voter la loi sur le genièvre, on a été jusqu'à regretter que le gouvernement ne se décidât pas à rétablir en Belgique la loi de 1822.

Je vous avoue que, s'il avait été possible de le faire, je n'aurais pas hésité à venir vous proposer le rétablissement de cette loi. Mais une étude consciencieuse que j ai fait faire de cette législation en Hollande, m'a convaincu qu il ne fallait pas y songer ; qu'il n'y aurait pas en Belgique, ni maintenant ni plus trd, des Chambres qui consentissent à voter les mesures vexatoires qui sont l'accompagnement indispensable de la loi hollandaise, et qui établissent le droit sur la production de la matière et non sur la contenance des vaisseaux employés. J'ai donc été obligé de me tourner vers une extension du régime établi par nos lois.

Le projet de loi maintient le système actuel : tout ce qu'il fait, c'est ajouter 40 p. c. à l'impôt actuel. L'impôt aujourd'hui est de fr. 1 50 par hectolitre de capacité brute des vaisseaux employés pour la trempe, la macération et la fermentation des matières premières propres à la distillation, tandis que le gouvernement propose de porter ce droit à 2 fr. 10 c. Puisque la loi actuelle, dans une année normale, doit produire à peu près 5 millions, il est évident qu'avec une augmentation de droits de 40 p. c. on devrait obtenir deux millions de plus.

Mais je tiens compte de cette vérité que toute augmentation dans les droits de consommation restreint plus ou moins la production, et pour ne pas être pris au dépourvu j'évalue l'augmentation de produits qui deit résulter du projet de loi non pas à 2 millions, mais à 1,500,000 fr. ; ce qui ne fera pour cette année, en supposant la loi mise à exécution au 1er juillet et en tenant compte du crédit accordé aux distillateurs et, dans une certaine mesure, de ce qui se pratique habituellement, pour éluder les lois qui ont pour objet une augmentation d’impôt, qu'un accroissement de recette de 4 à 5 cent mille francs.

La section centrale et plusieurs membres que vous venez d'entendre rejettent bien loin cette augmentation de l'impôt sur les distilleries, et ils donnent pour cela deux motifs : le premier, c'est qu'il n'en résultera pas une augmentation proportionnelle de recette, le second c'est que si la loi était adoptée, elle empêchera toute concurrence avec le genièvre de Hollande.

Examinons ces deux motifs.

En fait d'impôt, 2 et 2 ne font pas 4, comme a dit l'honorable rapporteur (le rapport dit « en fait de chiffres », mais c'est évidemment une faute d'impression ; car en fait de chiffres 2 et 2 font toujours 4). Je vais vous démontrer que je sais aussi bien que qui que ce soit qu'en fait d'impôt de douanes et d'accise, 2 et 2 ne font pas 4. C'est ainsi que j'admets que la production pourra se restreindre quelque peu, et que l'augmentation de droits produira, non pas 2 millions, mais 1,500,000 francs. Vous voyez donc que je fais un sacrifice de 500,000 francs en vertu de cet axiome qu'en fait d'impôt 2 et 2 ne font pas 4.

L'honorable rapporteur ne s'en tient pas là, et dans le rapport qui vous a été distribué, il se livre à des exagérations qu'il m'est impossible de laisser sans réponse, surtout parce que ces exagérations ont été reproduites.

Il rappelle que depuis 16 ans l'impôt est monté de 22 c. à 1 fr. 50 c, c'est-à-dire de 1 à 7, tandis que l'augmentation de recette n'a été que de 1 à 2 1/2. Et c'est ce système, ajoute-t-on, que vous voulez encore admettre aujourd'hui !

Je dis qu'il y a là une exagération énorme, dans laquelle on ne serait pas tombé si l'on avait mieux étudié les chiffres. En effet, jusqu'en 1833 on a été sous l'empire de la loi de 1822, qui impose le genièvre suivant les quantités produites.

Ce système fut abandonné en 1833. La loi de 1833 établit l'impôt, non d'après les quantités produites, mais d'après les quantités de matières mises en macération dans les cuves pendant 24 heures. L'impôt fut alors fixé à 22 c. par hectolitre et par jour.

Jusque-là, comme on n'avait aucun motif pour travailler vite, on ne renouvelait les matières qu'en 48 heures. Mais comme la loi de 1833 vint fixer l'impôt par jour et par hectolitre de matières, le distillateur eut un intérêt à activer ses travaux.

Supposons qu'un distillateur ait fait sa déclaration pour travailler pendant 30 jours, il payera 30 fois 22 c. par hectolitre, et s'il ne renouvelle ses matières que toutes les 48 heures, il n'aura effectué que 15 renouvellements pendant la durée de sa déclaration. Il en résultera que ces matières payeront, non 22 c, mais 44 c. par hectolitre.

Vous voyez donc que le distillateur avait intérêt à accélérer son travail et à renouveler le plus souvent possible, et que s'il était parvenu à renouveler, en trente jours, trente fois ses matières, il n'aurait payé que 22 centimes par hectolitre au lieu de 44 centimes.

Mais aussi longtemps que l'impôt n'était que de 22 centimes par hectolitre de matière mise en macération, le distillateur ne fit pas de grands efforts pour accélérer ses travaux. Aussi, le tableau annexé au projet de loi vous démontre que tant que l'impôt a été de 22 centimes, le distillateur, tout en hâtant ses travaux, n'est pas arrivé à l'extrême limite, tant s'en faut.

En 1833, les opérations se faisaient en 48 heures. En 1834, en 40 heures, en 1835 en 38 heures et en 1836 en 36 heures.

Voilà pour l'impôt à 22 centimes.

Mais du moment où, par les lois subséquentes, l'impôt fut élevé, vous allez voir dans quelle proportion augmenta l'accélération des travaux.

En 1837, l'impôt fut élevé à 44 centimes ; immédiatement le distillateur accéléra ses travaux et les termina en 34 heures.

La loi de 1841 porta l'impôt à 66 centimes, et le temps que le distillateur mit à faire ses opérations descendit successivement de 34 à 30, à 27, à 26, à 25 heures ; avant la loi de 1842, on était donc arrivé à faire toutes les opérations en 25 heures au lieu de 48.

En 1842, la loi fixa le droit à 1 fr., et par conséquent, l'appât qu'offrait au distillateur l'accélération des opérations augmenta encore ; aussi, dès ce moment, on est allé jusqu'à opérer le renouvellement des matières dans les cuves au bout de 22 heures. Si vous en doutiez, j'invoquerais le témoignage de la section centrale elle-même, qui dit à la page 12 :

« Il en est résulté que ceux-ci, au lieu de renouveler en 24 heures comme le suppose le tableau à la cinquième colonne, renouvelaient en 20 heures, et un grand nombre en moins de temps encore. »

Mais ces cas n'étaient qu'exceptionnels ; généralement on renouvelait en 22 heures.

Vous voyez donc que depuis 1833 jusqu'à 1851, avant que le système vicieux que nous avions alors ne fût corrigé, plus on augmentait l'impôt, plus le distillateur accélérait ses travaux et, par conséquent, moins le trésor recevait relativement.

Et on le conçoit, l'impôt étant établi par 24 heures sans tenir compte du nombre des renouvellements, si l'on était parvenu, en 24 heures, à renouveler deux fois, trois fois, au lieu que chaque hectolitre de matières eût payé 1 fr., il n'eût payé que 50 c, que 33 c.

Messieurs, arrêtons-nous un moment ici.

(page 1495) Depuis 1833 jusqu'à ce jour, on peut diviser la distillation dans notre pays en quatre périodes : l'une sous l'empire de la loi de 1833 à 22 centimes, l'autre à 44 centimes, l'autre à 1 fr.

Quant à la quatrième période, celle dans laquelle nous nous trouvons, je dirai tantôt qu'elle a été accompagnée, et elle l'est encore, de circonstances tellement extraordinaires, tellement anomales, qu'on n'a pu eucore bien apprécier le jeu de la loi de 1851, et je suis persuadé que, si une année normale se présente, cette loi produira, comme l'avait prédit mon prédécesseur, la somme de 5 millions. Mais je le répète, les périodes précédents présentent ce phénomène qu'à mesure que l'on augmente l'impôt, la durée de la distillation diminue.

Lorsqu'on ne renouvelait les matières qu'en 37 heures, les 22 centimes par 24 heures représentaient eu réalité 34 centimes par renouvellement ; ce qui, à raison d'un rendement de 5 litres et demi qu'on retirait par hectolitre de matières mises en macération revenait à 6 fr. 18 pour chaque hectolitre de genièvre obtenu.

Dans la troisième période, avec le droit d'un franc, on avait fait de tels progrès, que d'une part on travaillait en 22 heures et que d'autre part, on retirait, par hectolitre de capacité, 7 litres de genièvre en moyenne. L'honorable rapporteur dit qu'on travaillait en 20 heures, mais c'est une exagération, et je ne m'empare pas de cette concession.

Dès lors l'impôt d'un franc n'était que de 92 c. 1/4 puisqu'on payait l'impôt par 24 heures et que l'on ne travaillait que 22 heures pour renouveler ; comme à chaque renouvellement on obtenait 7 litres de genièvre par hectolitre de matière, le droit revenait à 13 fr. 18 c. par hectolitre de genièvre.

En résumé donc, l'impôt n'a pas été augmenté de 1833 à 1850, de 1 à 7, comme l'affirme le rapport, mais de 6 fr. il a été porté à 13 fr. 18, soit de 1 à 2.13 ; et les recettes ont crû de 1,945,000 fr. à 3,785,000 fr. c'est-à-dire de 1 à 1.95.

Il n'est donc pas exact de dire, comme le prétend le rapport, que tandis que l'impôt augmentait de 1 à 7, la recette ne s'accroissait que de 1 à 2 1/2 fr. Il est au contraire vrai que tandis que l'impôt croissait de 1 à 2,13, la recette croissait dans la proportion de 1 à 1,95. Il y a donc une énorme différence entre les deux proportions.

Certainement les recettes n'ont pas suivi rigoureusement l'augmentation de l'impôt. Mais il y a une différence de 10 p. c. à peine. Eh bien, je dis que c'est une chose remarquable que lorsque le législateur augmente un impôt de consommation de 1 à 2.13, les recettes n'éprouvent qu'une diminution relative de 10 p. c.

Et remarquez, messieurs, que la progression dans les recettes aurait été plus grande encore sans votre loi de 1853. Qu'avez-vous fait, en effet, par la loi de 1838 ? Pour diminuer précisément la consommation du genièvre, vous avez frappé d'un impôt le débit des boissons distillées ; ne vous étonnez pas, dès lors, si cette loi a eu pour effet de déprimer quelque peu le débit de ces boissons, et n'attribuez pas à la législation sur les distilleries des résultats qui se rattachent à la loi sur le débit des boissons alcooliques.

« Ce système vicieux, dit la section centrale, vous voulez l'augmenter. » Mais ce système vicieux a été abandonné en 1851.

En effet, la loi de 1851 n'impose plus de 1 fr. 50 par jour chaque hectolitre de matière macérée ; le chiffre de 1 fr. 50 est un minimum, et si le distillateur renouvelle plus souvent il paye chaque renouvellement ; s'il travaille, par exemple en 22 heures, de manière à renouveler 32 fois en 30 jours, il payera pour ces deux renouvellements en sus.

Vous voyez donc, messieurs, que le système vicieux dont on parle est abandonné et que vous n'avez plus à craindre ce qui arriva avant 1851, alors que le produit de l'impôt diminuait chaque fois qu'on en élevait le taux ; c'était une conséquence de la loi de 1833, mais cela ne peut plus exister sous la loi de 1851.

Je le répète, messieurs, de 1833 à 1851 l'impôt sur le genièvre était une sorte d'abonnement par 24 heures ; le distillateur renouvelait les matières aussi souvent que son intérêt le lui dictait, aussi souvent qu'il le pouvait ; il ne payait jamais que le même impôt ; d'après la loi de 1851, au contraire, il paye pour chaque renouvellement.

La loi de 1851, messieurs, a-t-elle répondu à l'attente du législateur ? Elle fut mise à exécution le 1er janvier 1852, mais il ne faut pas perdre de vue que les distillateurs ont jusqu'à dix mois pour acquitter l'impôt et comme à l'approche d'une législation nouvelle qui doit augmenter les droits, on force toujours la fabrication, il en est résulté que pendant le premier semestre de 1852 on n'a réellement reçu l'impôt que sur le pied de l'ancienne législation. Aussi, messieurs, les recettes de 1852 se résument de cette manière :

Reçu à raison de 1 fr. : 1,604,722 25

Reçu à raison de 1 fr. 50 c, base de la loi nouvelle : 2,752,514 29

Total : fr. 4,357,236 52.

Je dis donc que la loi a répondu dès la première année à l'attente du législateur. En effet, si vous ajoutez à la recette du premier semestre 50 p. c, comme il faut le faire parce qu'elle s'est opérée sur le pied de l'ancienne législation, vous arrivez à une somme d'un peu plus de 5 millions. Or, le ministre avait prédit que la loi nouvelle produirait 5 millions, et la Chambre avait voté dans cette prévision.

Quant à l'année 1853, faut-il le dire, messieurs ? cette année a été tout à fait anormale ; cependant l'impôt a produit au-delà de 4 millions de francs. Pourtant il faut tenir compte de la crise alimentaire qui a diminué la distillation, et surtout de la forte exportation de nos produits distillés. Depuis que la Belgique existe, on n'a jamais exporté autant de genièvre qu'en 1853. Si ma mémoire est fidèle, l'exportation de 1853 dépasse 40,000 hectolitres, alors que les années précédentes on n'exportait que de 8,000 à 10,000 hectolitres. (Interruption.)

M. Frère-Orban. - Le trésor a donc payé 500,000 fr. de primes ?

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Au-delà de 500,000 fr. (Interruption.) Ne faites donc pas le procès à la loi, en disant qu'elle n'a pas produit ce qu'on en attendait et que plus on a augmenté l'impôt moins l'impôt a produit, Je dis qu'à toutes les époques la loi sur les distilleries a parfaitement répondu à l'attente du législateur. Quand on cite des chiffres, il faut les mettre en regard de la législation sous laquelle ils ont été obtenus.

Le deuxième grief, messieurs, que l'on fait à la loi, consiste à dire que l'impôt rendra toute concurrence impossible et que le genièvre hollandais viendra s'emparer du marché belge. Messieurs, je commencerai par dire que toutes ces craintes se sont renouvelées chaque fois qu'on a augmenté l'impôt sur les distilleries ; chaque fois on a prédit que le genièvre hollandais viendrait inonder la Belgique, et s'il fallait encore citer les paroles de l'honorable rapporteur, je dirais que lorsque la loi de 1851 fut votée, il prédisait absolument comme aujourd'hui que le résultat de la loi serait de faire prendre au genièvre hollandais la place du genièvre belge sur notre marché. Eh bien, cette prédiction ne s'est pas vérifiée, tant s'en faut, car loin que le genièvre hollandais ait pris sur le marché belge une place plus large, il y a eu plutôt décroissance dans le chiffre des importations. Messieurs, pour savoir si nos distillateurs ont, en effet, tant à redouter la concurrence du genièvre hollandais, il est essentiel de fixer les prix respectifs du liquide hollandais et du liquide belge. J'avoue que M. le rapporteur, en abordant ce point de la discussion, a hérissé son rapport de tant de chiffres, de tant de calculs que j'éprouve un très grand embarras à lui répondre.

Ce n'est pas que je craigne d'examiner chacune des hypothèses ; mais l'honorable rapporteur pose des chiffres si contradictoires qu'en vérité il y a souvent confusion complète.

Il commence par dire :

« D'après le gouvernement, le prix des eaux-de-vie à 50 degrés G. L. à Rotterdam et à Schiedam (en entrepôt), revient de 60 à 62 francs l'hectolitre ; et celui des eaux-de-vie de France, pour une année moyenne, avant la maladie de la vigne, esprits 3,6 ramenés à 50 degrés, à 30 fr. 97 cent. Ces prix sont, d'après les documents suivants, confirmés par les prix courants dans les journaux de Hollande et de France... »

Eh bien, au lieu de confirmer mes chiffres, l’honorable rapporteur en présente qui sont diamétralement opposés. (Interruption.) Je dis que le prix minimum des eaux-de-vie à Rotterdam (en entrepôt) est de 60 à 62 fr. l’hectolitre, et tout en disant que vous confirmez mes chiffres, vous prétendez un peu plus bas que le prix est de 23 cents par litre ; cela fait 23 florins par hectolitre. Or, 23 florins ne font que 48 francs et des centimes.

Du reste, je ne sais pas où l'honorable membre a cherché le chiffre de 23 cents par litre. Depuis le commencement de la crise alimentaire, il n'y a eu qu'un seul moment où le genièvre à Amsterdam soit descendu à 23 florins l’hectolitre ; or, ce n'est pas sur un prix exceptionnel qu'on doit établir des calculs pour servir de base à une loi.

L'honorable rapporteur établit trois prix différents pour le genièvre d'Amsterdam, et il fait trois calculs différents pour arriver à déterminer ces prix. A la page 12, il établit le prix de l'hectolitre (en entrepôt), à raison de 23 cents le litre, et il déclare, au bas de la page, que la futaille vide doit être retournée ou portée en compte, donc ajoutée au prix. En effet, c'est toujours la manière du commerce hollandais : la futaille n'est pas comprise dans le prix courant du commerce ; veos pouvez vous en assurer par les journaux hollandais qui vous arrivent ici : vous y trouverez toujours ceci (je traduis) : prix de la barrique, sans y comprendre ta futaille et sans y comprendre le payement du droit d'accise. Or, l'honorable membre, pour arriver à un prix très bas du genièvre hollandais, déduit la futaille... (Interruption.) Si vous commandez un hectolitre de genièvre à Amsterdam, on vous dit : « Le prix est de 23 florins, non compris la futaille. » Si vous voulez avoir la futaille, il faudra ajouter au prix 5 ou 6 francs.

Voilà comment l'honorable rapporteur arrive à diminuer le prix du genièvre sur la place d'Amsterdam.

Mainlenaut, quant aux frais de transport et aux autres frais, il les porte à 3 fr. 70. Or, d'après les renseignements que j'ai fait prendre et les factures qu'on m'a montrées, les frais de transport, de commission (page 1496) et tous les autres frais accessoires, s'élevaient à fr. 5-25. Je fais à l'honorable rapporteur une concession très large ; je prends une moyenne entre ses chiffres qu'il tient probablement d'une partie intéressée, et le chiffre que le gouvernement vous garantit être exact ; j'arrive à fr. 4-50 par pièce pour frais de tous genres.

Ainsi, le prix minimum d'achat en entrepôt étant, pendant les premiers mois de cette année, de 24 florins, les frais divers montant à fr. 4-50 et les droits de douane et d'accise à payer en Belgique, étant de 57-54 francs, j'arrive à la somme totale de 112 fr. 83 c. Eh bien, le prix maximum du genièvre belge a été de 95 francs l'hectolitre, et je sais de source certaine qu'on a toujours pu s'en procurer à 90 fr. Donc, tandis que l'hectolitre de genièvre d'Amsterdam, tous frais quelconques généralement compris, revient à 112 fr. 83 c., l'hectolitre de genièvre belge, en tenant compte de l'augmentation résultant de la loi nouvelle, reviendra à fr. 103-50, différence fr. 9-33.

Mais, remarquez-le bien, cette comparaison je l'établis en faisant à l'honorable membre toutes les concessions possibles, car je prends d'une part le maximum du prix belge que je mets en regard du prix minimum hollandais.

J'ai été quelque peu étonné de voir que l'honorable membre me fait évaluer le prix du litre de genièvre belge à 1 fr. Avec un peu d'attention, il ne serait pas tombé dans cette erreur. Dans l'exposé des motifs, j'ai dit, en effet, que le litre de genièvre dans la consommation revient à un franc environ, et je le maintiens, mais c'est là un prix de détail ; j'ai ajouté, à la page 48, ce qui suit :

« Les eaux-de-vie indigènes à 50° se vendent 94 fr. 50 c. » Voilà le véritable prix de commerce, ce qui revient à 94 1/2 centimes au lieu d'un franc le litre.

Vous le voyez, pour faire croire que le genièvre hollandais va envahir la Belgique, il faut faire des efforts d'imagination : présenter des chiffres exagérés en moins pour le prix de revient du genièvre hollandais et enfler outre mesure pour le genièvre belge ; c'est ainsi qu'on établit que le genièvre belge coûterait plus cher que le genièvre hollandais sur le marché belge, malgré une protection de 27 francs et des centimes, ce qui représente 25 p. c. ad valorem. Une industrie qui ne peut pas vivre avec une protection de 25 p. c. n'est pas digne de vivre.

Messieurs, quand on réfléchit à la manière dont se fabrique le genièvre, il faut avouer qu'on ne concevrait pas comment avec une protection de 27 francs par hectolitre, le genièvre belge ne pourrait pas conserver le marché intérieur. Mais qu'est-ce donc que la fabrication du genièvre en Hollande, comparée à la fabrication en Belgique ? Ne s'effectue-t-elle pas avec les mêmes grains ? A-t-elle les mécaniques à meilleur marché ? Non ; a-t-elle la main-d'œuvre à meilleur marché ? Non ; les habitations sont-elles moins chères, les contributions au profit de l'Etat moins élevées ? Non ; les frais d'administration y sont plus grands que chez nous. Enfin le combustible qui etlre pour beaucoup dans la fabrication y est-il à meilleur compte ? Non.

D'où vient cette énorme différence que vous prétendez exister dans le prix de revient ? A quel phénomène tient-elle ? Ah ! le voilà ! En Hollande on peut fabriquer de la levure. Eh bien, la loi nouvelle donne au distillateur la faculté de fabriquer de la levure. Mais, dit-on encore, en Hollande on n'est pas astreint à travailler dans les 24 heures, on peut employer plus de temps ; la loi nouvelle donne la faculté de travailler en 48 heures.

En supposant que les avantages dont jouit le fabricant belge sous le rapport du prix du combustible, de la main-d'œuvre et des frais généraux, ne balanceraient pas ceux que peuvent avoir les fabricants hollandais, les Belges trouveraient encore dans la loi nouvelle les moyens de faire disparaître cette légère différence.

Je vais faire une large concession. Je suppose que le distillateur belge n'ait aucun avantage sur le combustible, la main-d'œuvre et les frais généraux, et qu'il ne puisse pas fabriquer de la levure. Quel serait l'avantage que le distillateur hollandais trouverait dans cette fabrication ? Eh bien, il se réduit à 16 fr. 29 c. par hectolitre de genièvre, ce qui représente le maximum de valeur de la levure produite ; or les droits de douane et d'accise offrent au distillateur belge une protection de 27 fr. 54 c. par hectolitre ; si la levure donne un avantage de 16 fr. 29 c. au distillateur hollandais, il reste encore une différence de 11 fr. 25 c. en faveur du distillateur belge.

Mais cette concession est toute gratuite, car avec la loi nouvelle le distillateur belge peut et travailler en 48 heures et faire de la levure si bon lui semble. J'ajouterai que le distillateur hollandais, qui n'a aucun intérêt à accélérer ses travaux, n'emploie presque jamais plus de 48 heures.

On sait comment la levure se fabrique ; au moment où la fermentation est commencée, on soutire à clair sur un bac ouvert ; le liquide continue à fermenter ; insensiblement il se forme une mousse floconneuse qui finit par se déposer. On transvase le liquide qui est dessus et on trouve la levure au fond. Celui qui voudra faire de la levure trouvera les facilités nécessaires dans la loi nouvelle.

Mais, dit-on, vous faites payer un dixième en sus, il est impossible de profiter de la faculté de travailler en 48 heures. Si je voulais citer tous les antécédents, je rappellerais que des distillateurs disaient dans une pétition adressée l'année dernière à la Chambre que la faculté accordée aux distillateurs hollandais de travailler en 48 heures au lieu de 24, équivalait à un huitième de produits en plus. Eh bien, au lieu de demander un huitième pour prolonger le travail de 24 heures, je ne demande qu'un dixième. Je suis plus modéré que les intéressés eux-mêmes.

De quelque manière que j'envisage la question, je trouve que le distillateur belge n'a rien à craindre, et le trésor peut être assuré d'obtenir, non 40, mais 50 p. c de plus qu'il ne recevait avant de cet impôt ; et la distillerie belge pourra concourir avantageusement avec la distillerie étrangère.

- Un grand nombre de voix. - A demain ! à demain !

- La séance est levée à 4 heures et 1/2.