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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 20 décembre 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 351) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Absil Bivort, secrétaire du parquet à Dinant, demande que les secrétaires des parquets, aient un traitement égal à celui des commis-greffiers.

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs négociants à Bruxelles demandent la réorganisation du service des lignes télégraphiques. »

- Même renvoi.


(page 352) « Le sieur Alberfs, ancien commissionnaire du mont-de-piété d'Anvers, demande une pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Leloup, ancien instituteur communal, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir les arriérés de sa pension. »

M. Lelièvre. - La demande aun caractère d'urgence à raison de la position du pétitionnaire ; je demande le renvoi à la commission avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Wiomont, ancien préposé des douanes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la révision de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Un grand nombre d'industriels, ouvriers et autres habitants de Courtrai demandent que, chaque année, avant le 15 avril, les fermiers soient obligés de déclarer, par écrit, le nombre de parcelles de terre qu'ils ont ensemencées de froment, d'épeautre ou de seigle ét d'en indiquer la superficie, et que leurs déclarations, vérifiées par les autorités compétentes, soient exposées à la maison communale depuis le 1er mai jusqu'au 1er septembre. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal et du bureau de bienfaisance de Saint-Hubert réclament l'intervention de la Chambre, pour que la Société du Luxembourg reprenne les travaux du chemin de fer qui sont abandonnés sur une grande partie de la ligne et notamment sur la section de Grupont à Recogne. »

M. Tesch. - Cette pétition a le même objet que d'autres qui ont été analysées dans la séance d'hier, et qui ont été renvoyées à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

Je demande également un prompt rapport pour la pétition de Saint-Hubert.

- Adopté.


« Le sieur Pouillon, enrôlé comme volontaire au 9ème régiment de ligne, prie la Chambre de lui faire obtenir l'autorisation nécessaire pour contracter mariage. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Jardon, blessé de septembre, prie la Chambre d'augmenter l'allocation qui est demandée au budget de l'intérieur, à titre de subside au fonds spécial des blessés de septembre.

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le sieur Joseph Wedekind, ouvrier cordonnier, à Bruxelles, né à Donderstadt (Hanovre), demande la naturalisation, avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Par message du 20 décembre, M. le ministre de la guerre transmet à la Chambre les explications demandées au sujet d'une pétition de la régence de Marienbourg tendant à obtenir un système d'aqueducs convenable pour l'évacuation des eaux qui inondent les caves des habitations de cette ville. »

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Rousselle. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale du budget de l'intérieur qui a examiné le projet de loi tendant à ouvrir un crédit provisoire de 1,200,000 francs à valoir sur ce budget.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La Chambre le met à l'ordre du jour de demain.

Projet de loi réduisant les péages sur les rivières et canaux de l’Etat

Rapport de la section centrale

M. Vermeire. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant réduction des péages sur les rivières et canaux de l'Etat.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La Chambre le met à l'ordre du jour après le vote du budget des travaux publics.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition, datée de Couvin le 10 décembre 1854, le conseil communal demande que le gouvernement soumette à une troisième adjudication les établissements métallurgiques situées dans cette commune. »

Les pétitionnaires exposent qu'après deux adjudications différentes, le gouvernement n'est pas parvenu à vendre ces établissements à cause du prix élevé de l'estimation ; que ces établissements se détériorent, et que le gouvernement perd l'intérêt des capitaux à en provenir ; qu'enfin le canton de Couvin se trouve dans un malaise continuel.

Votre commission, considérant que le gouvernement est le meilleur juge dans cette affaire, et que, dans l'intérêt général du trésor, il faut lui laisser toute latitude à cet égard, a cru devoir vous proposer de passer à l'ordre du jour sur cette demande.

- Adopté.

Projet de loi fixant le contingent de l’armée pour l’année 1855

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je ne viens pas combattre le projet de loi soumis à vos délibérations, je lui accorderai même mon vote approbatif. Mais je demande la permission de profiter de la présence de l'honorable ministre de la guerre pour lui faire une demande relative à des faits qui se rattachent assez directement à la loi du contingent.

Il y a quelques mois, les miliciens appartenant à des classes de milice depuis longtemps rentrées dans leurs foyers étaient subitement rappelés sous les armes ; ces hommes pouvaient en quelque sorte, sinon en droit, du moins en fait, espérer que leur congé était définitif, et ils étaient d'autant plus fondés à le croire, que tous ceux d'entre eux qui avaient acquitté leurs dettes à la masse avaient obtenu l'autorisation de contracter mariage.

Ces hommes avaient donc embrassé la plupart des états divers, et étaient livrés à leurs occupations respectives, quand ils reçurent l'ordre de regagner les drapeaux.

Ce rappel inattendu a jeté une espèce de crainte dans le pays. On s'est demandé quelles circonstances extraordinaires et graves l'avaient motivé. D'un autre côté, cette mesure a jeté aussi une certaine perturbation dans les familles dont un grand nombre de ces miliciens rappelés étaient les soutiens.

Enfin, à ce rappel sous les armes, se rattache une question financière ; il n'a pu avoir lieu sans occasionner au trésor public de fortes dépenses.

Je rappellerai encore que la mesure a été prise dans des circonstances très défavorables ; à une époque où les bras manquaient au travail et au travail agricole surtout.

Je dois donc supposer que des motifs très sérieux ont déterminé le gouvernement à rappeler, après un mûr examen, les miliciens dont il est question ; et je viens prier M. le ministre de la guerre de nous faire connaître ces motifs et les circonstances qui les ont fait naître.

Je ferai remarquer que ces circonstances, si elles ont existé, n'ont pas été de longue durée, car à peine les miliciens dont je parle étaient rentrés dans leurs régiments, que l'ordre arriva de les renvoyer dans leurs foyers.

Je désire donc savoir quels motifs ont décidé le gouvernement à rappeler ces miliciens sous les armes et quelles sont les circonstances qui l'ont déterminé à les renvoyer dans leurs foyers immédiatement après leur arrivée au corps.

Ces explications sont nécessaires, car de deux choses l'une : ou la présence des miliciens sous les drapeaux était nécessaire, ou elle était inutile ; si elle était nécessaire, pourquoi les a-t-on renvoyés au bout dehuit jours ? si elle était inutile, pourquoi les a-t-on rappelés ?

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Messieurs, il sera très facile de répondre à la demande de M. Vandenpeereboom. L'appel d'une certaine catégorie de miliciens, pendant la saison des manoeuvres, a eu lieu en vertu de la loi qui a été votée par la Chambre. La Chambre a voté un crédit spécial pour couvrir les dépenses de l'appel de ces miliciens qui viennent prendre une part active aux exercices du camp de Beverloo.

D'un autre côté, si le temps pendant lequel on les a retenus sous les drapeaux a été très court, M. Vandenpeereboom vient d'en dire lui-même les motifs ; c'est que ces hommes étaient nécessaires chez eux pour aider aux travaux de l'agriculture, et qu'aussitôt le travail d'instruction terminé, on les a renvoyés dans leurs foyers.

M. Osy. - Messieurs, voilà la troisième session qui s'ouvre depuis que le gouvernement a promis de présenter un projet de loi sur les servitudes militaires. Il est urgent qu'aux environs d'Anvers on sache à quoi s'en tenir à cet égard. J'espère que le gouvernement ne laissera pas s'écouler la session actuelle sans présenter le projet de loi qu'il nous a promis et auquel les habitants d'Anvers attachent un grand prix. Jusqu'à ce que ce projet soit présenté, les habitants des environs d'Anvers ne savent pas ce qu'ils peuvent faire.

Je prierai M. le ministre de nous dire s'il compte présenter ce projet de loi dans la session actuelle.

M. Lelièvre. - Je me joins à l'honorable M. Osy pour demander la présentation immédiate du projet en question, dont la nécessité est généralement reconnue.

Les habitants des faubourgs avoisinant la ville de Namur se trouvent dans la même position que ceux des environs d'Anvers. Il importe que leur position soit régularisée, et qu'ils ne soient plus en butte aux mesures rigoureuses dont ils sont l'objet depuis quelque temps.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Messieurs, un travail a été préparé par le département de la guerre sur les servitudes militaires ; ce travail a été soumis au ministre de l'intérieur qui l'a fait examiné par le conseil des mines ; ce travail est revenu au département, je l'a fait remettre à l'inspecteur général pour formuler un projet d'ensemble ; il sera très incessamment présenté.

- La discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensemble

« Art. 1er. Par mesure transitoire résultant de la loi du 8 mai 1847, le contingent général de l'armée, pour 1855, est fixé à soixante et dix mille hommes. »

- Adopté.


« Art. 2. Le contingent de la levée de 1855 est fixé au maximum de dix mille hommes, qui sont mis à la disposition du gouvernement. »

- Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1855. »


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

(page 353) 71 membres répondent à l'appel nominal.

3 s'abstiennent.

68 votent l'adoption.

En conséquence, le projet est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption : MM. Dautrebande, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, Dellafaille, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dubus, Goblet, Julliot, Lambin, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Rodenbach, Rousselle, Sinavé, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Ansiau, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coppieters 't Wallant et Delfosse.

Se sont abstenus : MM. Jacques, Coomans et Jouret.

M. Jacques. - Le recrutement de l'armée ne peut pas être suspendu. Le projet de loi n'est que l'application annuelle du système de recrutement qui est consacré par les lois en vigueur. Je n'ai donc pas voulu parler ni voter contre le projet.

Mais plus j'y réfléchis, plus je suis convaincu de la nécessité d'une réforme profonde dans nos lois de milice, afin que ce lourd impôt soit réparti d'une manière plus équitable et qu'il ne pèse plus trop sur les familles pauvres.

M. Coomans. - J'aime à déclarer que l'honorable ministre de la guerre applique avec beaucoup d'humanité nos dures lois de milice. Mais je m'abstiendrai de voter le contingent de l'armée et le budget de la guerre jusqu'à ce que cette législation soit réformée dans le sens que j'ai maintes fois iudiqué.

M. Jouret. - Je me suis abstenu, parce que je n'ai pas assisté à la discussion.

M. Tesch (pour une motion d’ordre). - La loi que nous venons de voter me rappelle que nous sommes saisis d'un projet relatif au recrutement. Je demande que ce projet soit mis à l'ordre du jour des sections, immédiatement après les vacances que la Chambre a l'habitude de prendre à la nouvelle année. Je fais cette proposition dès maintenant, parce que ceux qui auraient des loisirs pendant leurs vacances pourraient les appliquer d'une manière très mile à l'examen de ce projet.

M. de Perceval et M. Coomans. - Appuyé.

M. de Perceval. - Il faudrait savoir à quelles sections sera envoyé ce projet.

M. Tesch. - D'après le règlement, ce projet devrait être envoyé aux sections de novembre 1855. Mais la Chambre peut décider dès maintenant que ce seront les sections de janvier prochain qui s'en occuperont. J'en fais la proposition formelle.

- La Chambre décide que le projet de loi relatif au recrutement sera mis à l'ordre du jour des sections après la rentrée, et qu'il sera examiné par les sections de janvier.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Article 19

« Art. 19. Lys dans les deux Flandres. Entrelien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 29,170.

« Charge extraordinaire : fr. 16,400. »

M. Vander Donckt. - Messieurs, dans la séance d'hier, j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur la divergence disparate qui existe entre la législation qui règle le régime des eaux sur l'Escaut, et celle qui règle le régime des eaux sur la Lys. Ou bien l'honorable ministre ne m'a pas compris, ou bien je me suis mal expliqué. Je tâcherai d'être clair.

Sur la Lys, messieurs, le gouvernement, par ses agents, provoque aujourd'hui la création d'un double chemin de halage et exécute, avec toute la rigueur des lois et ordonnances très anciennes, l'expropriation des riverains de la Lys ; on y fait abattre les arbres, les habitations, les clôtures et l'on exige qu'il y ait un double chemin de halage et de la largeur prescrite par ces anciennes ordonnances.

Sur l'Escaut, au contraire, messieurs, rien n'est fait. Là on a vainement insisté auprès de l'administration des ponts et chaussées de faire élargir le chemin de halage dans des localités où, sur une étendue de 100 à 150 mètres, le chemin de halage n'a qu'un, deux ou trois mètres de largeur. Ceci a dû nécessairement me frapper. Quelle a été la réponse de MM. les officiers du corps des ponts et chaussées ? On a répondu qu'on ne poursuit pas les propriétaires qui sont riverains du chemin de halage parce qu'il y a des clôtures et des plantations qui existent depuis très longtemps ; et effectivement, messieurs, le long des rives de l'Escaut on ne fait rien. Si le chemin de halage y satisfait aux besoins de la navigation, je ne demande pas mieux qu'on n'y touche pas ; mais lorsqu'on ne fait rien sur l'Escaut, je demande pourquoi l'on agit avec une rigueur extraordinaire et un arbitraire sans exemple sur les rives de la Lys.

Messieurs, il vous est connu à tous que les ordonnances et les règlements anciens ne sont nullement en harmonie avec les dispositions législatives aujourd’hui en vigueur ; ces anciennes ordonnances se ressentent de tout l'arbitraire, de tout le véxatoire dont on disposait si largement à cette époque.

Je demanderai à l'honorable ministre d'où provient cette différence dans l’application de ces lois et ordonnances ; pourquoi sur la Lys on exécute avec cette rigueur sans exemple ; tandis que sur l'Escaut on ne fait rien ? Je demanderai si les intentions du gouvernement sont d’en venir aux mêmes mesures pour l'Escaut ? Alors nous saurons à quoi nous en tenir ; et si la même rigueur, le même arbitraire doivent être employés pour les rives de l'Escaut, cela nous engagera peut-être à user de notre droit d'initiative pour provoquer une législation plus en harmonie avec nos lois et nos institutions actuelles.

M. Lelièvre. - A l'occasion de l'article en discussion, je rappellerai à M. le ministre l'observation présentée l’année dernière, relativement à la nécessité de régler par une loi spéciale tout ce qui concerne les cours d'eau, rivières navigables et non navigables. Il est important qu'une disposition claire et précise vienne mettre fin aux difficultés que fait naître le régime actuel. Je recommande cet objet à l'examen du gouvernement ; la discussion à laquelle vient de se livrer l'honorable M. Vander Donckt, démontre de plus en plus la nécessité d'une législation nouvelle en cette matière.

- L'article 19 est adopté.

Article 20

« Art. 20. Travaux de construction de deux ponts de halage carrossables, dans la ville de Coutrai. Complément de la dépense ; charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.

Article 21

« Art. 21. Meuse dans les provinces de Liège et de Namur. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 23,100.

« Charge extraordinaire : fr. 220,000. »

M. Wasseige. - Messieurs, je désire appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur un objet d'une très grande importance et qui rentre quelque peu dans les observations qui viennent d'être présentées par les honorables MM. Vander Donckt et Lelièvre. Je veux parler de la possibilité d'établir une démarcation précise entre le domaine public et le domaine privé, entre le lit de la Meuse et les propriétaires riverains de ce fleuve.

La législation actuelle me paraît suffire pour établir le droit, mais la plupart des inconvénients proviennent seulement de l'incertitude qui existe sur la véritable ligne de démarcation.

La question est surtout excessivement importante pour les propriétaires du côté opposé au chemin de halage, principalement pour ceux dont la propriété descend en pente douce vers la Meuse. Dans ce cas, il est absolument impossible au propriétaire de connaître parfaitement son droit, et il est obligé ou de se soumettre à la décision plus ou moins arbitraire de l'administration ou de plaider devant les tribunaux : ce qui est toujours assez fâcheux, et surtout lorsqu'il faut plaider contre le gouvernement.

J'ai dit que le pauvre riverain était obligé de se soumettre aux décision plus ou moins arbitraires de l'administration ; loin de moi la pensée d'incriminer ici les intentions du corps des ponts et chaussées.

Mais je dis que, dans ces matières, avec les règles qui nous régissent, il est impossible qu'il n'y ait pas en maintes occasions des mesures qui prêtent ou qui paraissent prêter à l'arbitraire, ce qui est presque égal pour l'effet produit sur l'opinion publique. En effet, quelles sont les règles qu'on applique actuellement ? On déclare ordinairement que le domaine public se compose du lit du fleuve lorsqu'il est à son plus haut point, plenissimum flumen, et que la propriété particulière ne commence que là où il y a débordement.

Si le fleuve était toujours bordé de chaque côté de berges escarpées, la limite serait assez facile à établir, mais, en réalité, il n'en est pas ainsi ; la plupart des rives de la Meuse situées sur la droite du fleuve sont en pente douce, tandis qu'en amont et en aval il se trouve par-ci par là des berges beaucoup plus élevées. Or, là commence la difficulté ; et si l'on doit attendre, pour constater le débordement légal, que les berges en amont ou en aval soient couvertes, il se formerait souvent, dans l'intervalle, des anses énormes, beaucoup plus étendues que le lit même du fleuve. L'accessoire l'emporterait souvent dans ce cas sur le principal, et le domaine de l'Etat absorberait ainsi la plupart des belles prairies qui longent la Meuse. Ce résultat absurde démontre impérieusement la nécessité de la mesure que je sollicite.

Je prierai donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien faire étudier la question de savoir s'il n'y aurait pas possibilité et convenance de donner à ces limites plus de fixité, soit à l'aide d'un bornage fait de commun accord avec les intéressés, soit à l'aide d'une reconnaissance analogue à celle qui a eu lieu pour la délimitation des chemins vicinaux, soit enfin par tout autre moyen, pourvu qu'il eût pour résultat de faire disparaître le vague et l'arbitraire qui existe présent dans cette matière.

J'ai parlé d'arbitraire, et j'en citerai un cas qui se présente à mon esprit dans ce moment. Une commuue de la province de Namur est en possession d'un rivage depuis un temps immémorial ; cette année, elle juge utile de mettre ce rivage en location ; mais cette location ayant eu (page 354) lieu par acte authentique, l'administration des ponts et chaussées vint mettre bientôt obstacle à cette adjudication, en prétendant que ce rivage faisait partie du lit de la Meuse, comme se trouvant inondé avant que les eaux débordassent.

Or, ce rivage se trouve barré en amont et en aval de berges très rélevées, et s'il avait fallu prendre ici pour règle la submersion des berges en amont et en aval, non seulement le rivage, mais encore la plupart des chemins vicinaux et une partie du territoire de cette commune auraient fait partie du domaine de l'Etat.

Malgré l'état des choses et sa confiance en son droit, cette commune a cependant cédé en partie, en présence de l'incertitude des règles et de la crainte d'un procès.

Cette question a une très grande importance à un autre point de vue ; en effet, le côté opposé au chemin de halage est aussi frappé d'une servitude, c'est-à-dire que dans un espace de trois à quatre mètres, il est défendu d'établir des constructions, des clôtures, des plantations.

Or, pour les propriétaires, l'incertitude de l'endroit positif où commence le lit de la Meuse, et où finit l'endroit frappé de cette servitude, fait ou qu'ils s'exposent à commettre des délits involontaires, ou qu'ils s'exposent à ne pas tirer de leurs propriétés tous les avantages qu'ils seraient en droit d'en retirer.

La mesure que je provoque ferait cesser cette incertitude puisqu'elle ferait surgir immédiatement les réclamations qui seraient réglées de commun accord ou par les tribunaux, comme cela a eu lieu pour les délimitations de la voirie vicinale ; elle aurait en outre l'avantage d'être appuyée sur des principes bien déterminés à l'avance, et surtout les mêmes pour tous, sans nuire au droit de propriété.

Cette question est tellement importante pour notre province que déjà à deux reprises le conseil provincial de Namur en a saisi le gouvernement.

C'est dans ce sens que je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir prêter une sérieuse attention aux observations que je viens de présenter et de faire étudier attentivement cette question qui certainement n'est pas exemple de difficultés, je le reconnais, mais qui est tellement importante qu'elle mérite bien qu'on fasse quelques efforts pour arriver à une solution favorable.

M. le président. - Voici un amendement déposé par M. Thibaut :

« Meuse dans les provinces de Namur et de Liège.

« Art. 21. Entretien et travaux d'amélioration :

« Charge ordinaire, 23,100 »

Charge extraordinaire, province de Namur, 275,000 ; province de Liège, 20,000.

« Ensemble, 318,000. »

M. Thibaut. - Le crédit extraordinaire demandé pour la Meuse a été l'objet de diverses observations dans les sections. Deux membres de la section centrale leur ont accordé assez de valeur pour réserver leur vote.

L'utilité des travaux extraordinaires entrepris pour l'amélioration de la Meuse a cessé, suivant eux, d'être la même depuis la création du chemin de fer de Liège à Namur, dont les transports ont pris un si grand développement.

Ce motif, messieurs, que je trouve consigné dans le rapport, aurait quelque valeur, si le crédit extraordinaire de 220,000 francs devait être dépensé entre Liége et Namur ; si les 1,521,000 fr., chiffre auquel une note émanant de M. le ministre des travaux publics porte les dépenses qui restaient à faire à la fin de l'année 1853,. si, dis-je, 1,500,000 fr. devaient ainsi être dépensés entre Liège et Namur.

Mais je prie cet honorable membre de la section centrale de croire qu'il s'agit surtout de travaux à faire en amont de Namur, vers la frontière de France, sur une partie du cours de la Meuse dont les services n'ont pas encore été amoindris par la création d'un chemin de fer parallèle.

L'utilité de ces travaux ne peut donc être remise en question. Aucune circonstance n'est venue la détruire ou la modifier.

Je me trompe, messieurs, une circonstance très grave, très importante, qui est le fait de la Chambre même et du gouvernement, est venue modifier les termes de la question. Il n'y a plus seulement utilité à continuer ces travaux, il y a urgence à les achever.

Mais avant de vous démontrer cette urgence, permettez-moi de vous parler du chiffre de la dépense qui reste à faire. Je veux y mettre de la franchise, bien convaincu qu'une dépense utile, commandée par le principe de justice et d'équité, ne peut être rejetée par cette assemblée, sous prétexte que le chiffre en est trop élevé.

Jusqu'à présent, messieurs, le crédit extraordinaire d'environ 200,000 francs, voté annuellement pour la Meuse, a été divisé à peu près également entre les provinces de Liège et de Namur. Si cette division est maintenue, en supposant que le chiffre reste le même, c'est donc environ 100,000 fr. à dépenser dans la province de Namur.

Or, les travaux restant à exécuter au 1er janvier 1855 entre la frontière de France et la limite de la province de Namur, au Rieudotte, sont évaluées à 1,100,000 fr. Il faudrait donc onze années encore pour en voir la fin. M. le ministre des travaux publics prévoit cependant que le but que le gouvernement s'est proposé sera atteint après six exercices, en y comprenant l'année 1855.

J'infère de cette opinion de M. le ministre, que pendant ces six exercices, on appliquera à la Meuse dans la province de Namur, non plus la moitié du crédit extraordinaire, mais la totalité à peu près de ce crédit. Sur ce point, j'attendrai les explications de l'honorable ministre.

Toujours est-il que, dans la province de Namur, il reste des travaux à exécuter pour 1,100,000 fr.

Ces travaux comprennent : 1° 13 passes navigables artificielles, 2° l'achèvement de la route halage entre le pont de Jaspe et Hastière, sur une longueur de 5,750 mètres, et le complément du garde-corps ; 3° la construction de sept sections de chemins de halage, 4° des draguages, etc.

Ces travaux, je le répète, sont évalués à 1,100,000 fr.

M. le ministre des travaux publics en promettant de les exécuter en six années, s'engage donc à leur consacrer annuellement 200,000 francs environ.

Messieurs, je demande quelque chose de plus ; je demande que les travaux qui restent à faire à la Meuse, dans la province de Namur, soient achevés en 4 ans. Pour cela, il faut annuellement une dépense de 275,000 francs, c'est 75,000 francs de plus que la proposition du budget.

Il y a non plus seulement utilité, messieurs, il y a urgence, depuis l'achèvement et l'exploitation du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse, achèvement et exploitation, veuillez-le remarquer, qui sont dus aux dispositions généreuses de la loi du 20 décembre 1851 que vous avez votée.

Aujourd'hui le chemin de fer partant de la Sambre à Charleroi, atteint la Meuse à Vireux, en amont de Civet.

Il en résulte que des transports excessivement considérables de charbon ont lieu tous les jours par cette voie, en destination de France. La compagnie du chemin de fer fait elle-même, dit-on, le commerce de houille sur une grande échelle. Je signale le fait, et j'appelle sur ce fait toute l'attention de M. le ministre des travaux publics.

Quoi qu'il en soit, la Meuse, dans son état actuel, ne peut faire concurrence au chemin de fer : L'industrie très importante du batelage en souffre, au point que plusieurs bateliers ont cessé la lutte et vendu leurs bateaux. L'activité du chantier va en diminuant, et de proche en proche, les plaintes les mieux fondées se feront entendre sur tout le cours de la Meuse namuroise.

La responsabilité de cet état de choses, messieurs, remonte directement à la Chambre et au gouvernement. Ce sont les avantages immenses accordés pa rla loi de 1851 au chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse qui maintiennent la Meuse dans un état d'infériorité. Il importe que le grief disparaisse dans un bref délai.

La Chambre et le gouvernement ont un devoir de justice à remplir. Il faut rassurer des populations qui s'effrayent à juste titre. Il faut leur donner des marques efficaces de votre sollicitude. La Chambre ne ferait rien de trop en décrétant l'exécution immédiate de tout ce qui reste à faire.

Je demande beaucoup moins, je consens à ce que ces travaux soient répartis sur quatre exercices. Je prie la Chambre de tenir compte de la modération de ma proposition et je conjure le gouvernement de s'y rallier.

Qant au chiffre de 20,000 francs que je propose pour la province de Liège, il n'est assis sur aucune donnée précise. Je suis prêt à le modifier. Je l'ai choisi, parce que, ainsi que je l'ai indiqué, d'après les calculs du département des travaux publics, 200,000 francs environ devraient être dépensés pendant 6 années dans la province de Namur ; comme le gouvernement ne demande pas cependant d'augmentation de crédit, il ne reste donc que 20,000 francs pour la province de Liège ; mais je le répète, je ne connais point l'importance des travaux qui restent à exécuter dans cette province en amont de Chokier, et je suis prêt à voter les sommes qui seront reconnues nécessaires pour leur achèvement.

M. Osy. - Messieurs, on nous demande encore cette année, pour l'entretien et l'amélioration de la Meuse, 25,000 fr. pour charge ordinaire et 220,000 fr. pour travaux extraordinaires.

La section centrale nous donne le détail de ce que nous avons déjà dépensé pour l'entretien et l'amélioration de la Meuse. Nous voyons, à la page 16 du rapport, que l'on a déjà dépensé de ce chef 2,200,000 fr., et l'on nous annonce qu'il y aura encore à dépenser une somme de 1,500,000 fr. ; de sorte que nous aurons dépensé par le budget seul 3,700,000 fr.

Quand nous ajoutons à cela les énormes sommes dépensées d'autre part pour la Meuse, je n'exagère pas en disant que, depuis 1830, nous avons dépensé pour cette rivière seule, 24 millions.

En effet, nous avons voté 9 millions pour la dérivation, 8 millions pour le canal latéral. Si vous ajoutez à ces chiffres ceux votés en dehors du budget, et ceux que je viens de mentionner, nous arrivons, à très peu de chose près, au chiffre de 24 millions.

J'ai examiné le détail des dépenses que nous trouvons au rapport de la section centrale, et j'y vois que nous avons dépensé pour les chemins de halage seuls une somme de 876,000 fr. et que nous aurons encore à dépenser 557,000 fr. C'est donc une dépense de 1,400,000 fr. pour les chemins de halage de la Meuse.

Lorsque l'honorable M. Vander Donckt réclamait l'entretien des (page 355) chemins de halage de l'Escaut par le gouvernement, M. le ministre des travaux publics lui répondait que les chemins de halage devaient être entretenus par les riverains. Si, comme je n'en doute pas, la réponse de M. le ministre est exacte, je me demande : Pourquoi dit-on à l'Escaut que les chemins de halage sont entretenus par les riverains, tandis qu'à la Meuse on a dépensé déjà 800,000 francs pour cet objet et qu'on annonce qu'il faudra encore dépenser 500 à 600 mille francs ?

Je ne suis intéressé, ni à l'Escaut, ni à la Meuse, mais comme député la réponse de M. le ministre des travaux publics m'a frappé. Je me suis demandé : Y a-t-il en Belgique deux poids et deux mesures ? A l'Escaut vous dites : C'est aux riverains à entretenir les chemins de halage ; et à la Meuse : C'est au trésor.

Il faut que nous sachions au juste quelles sont en réalité les dépenses publiques, après celle proposée hier par l'honorable M. Coomans à laquelle je m'associe, qui est de toute justice, car nous plaidons là les intérêts de personnes qui font des travaux de forçat ; nous qui sommes à la campagne, nous voyons ce que ces malheureux facteurs ruraux ont à faire ; nous aurons de la peine à obtenir un soulagement pour ces facteurs qui de tous les fonctionnaires de l'Etat font le travail le plus pénible ; et on fait des dépenses considérables pour une rivière, tandis que, pour une autre, on ne la fait pas. Si la réponse faite hier par M. le ministre des travaux publics est exacte, que l'entretien des chemins de halage est à charge des riverains, nous ne devons plus donner les fonds du trésor pour1 l'entretien des chemins de halage de la Meuse. Je prie M. le ministre de nous dire si j'ai bien compris sa réponse, car s'il en est ainsi, nous trouverons dans la suppression de la somme allouée pour les chemins de halage de la Meuse une économie qui nous permettra de faire des dépenses nécessaires que l'humanité réclame.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable M. Thibaut a déposé un amendement qui a un double objet ; d'abord, d'augmenter de 75 mille fr. l'allocation pour la Meuse ; en second lieu, d'affecter spécialement à la province de Namur la plus grosse part du crédit au lieu de le répartir sans distinction de parts, entre les deux provinces de Namur et de Liège.

Si dans cette enceinte on était venu reproduire la proposition faite en section de supprimer l'allocation de 220,000 fr. je l'eusse combattue ; par la même raison, je viens combattre l'augmentation demandée, parce qu'elle serait éminemment imjuste.

Si elle était admise, le gouvernement ne pourrait pas se refuser à laisser introduire dans le budgel des propositions qui ne manqueraient pas de surgir en faveur d'autres rivières aussi dignes de sa bienveillance que la Meuse. Si le gouvernement adoptait la proposition de M. Thibaut, à plus forte raison devrait-il admettre une proposition qui ne manquerait pas de se produire en faveur de la Dendre.

Le gouvernement a renoncé à la pensée d'insérer dans le budget une allocation pour la Dendre, parce qu'il a réussi à faire prévaloir cette opinion que quand le crédit de 500 mille francs sera absorbé, le moment sera venu seulement d'affecter à cette rivière de nouveaux crédits. Je demande qu'on ne change rien au mode suivi jusqu'à présent. Al'appui de cette opinion, j'invoquerai les faits que M. Thibaut lui-même a cités.

Les sommes absorbées s'élèvent à 2,203,912 fr., il reste à faire une dépense de 1,521,000 fr. Quand on examine la décomposition de ce chiffre, on trouve :

1° Pour la construction de cheneaux artificiels 844,700 fr.

2° Pour l'amélioration des chemins de halage 557,600 fr.

3° Pour travaux imprévus 118,700 fr.

Total 1,521,000 fr.

En retranchant les dépenses imprévues, il reste environ 1,400,000 francs.

Eu maintenant la proposition du gouvernement d'affecter 220,000 fr. à la Meuse, on arrive à cette conséquence qu'on complétera le système commencé en 1840, qui consiste à établir des passes artificielles en remonte, afin de faciliter la navigation.

Le deuxième objet de l'amendement de M. Thibaut est de diviser cette allocation et d'enlever ainsi à l'administration la liberté d'action dont elle a joui jusqu'à présent.

Il demande ensuite un renseignement que je n'ai pas, que l'administration elle-même ne possède peut-être pas, et qui consisterait à indiquer les ouvrages à faire dans la province de Namur et ceux à faire dans la province de Liège. C'est précisément ce qui seul aurait pu justifier la proposition de l'honorable membre ; avant de la faire il aurait dû posséder le renseignement qu'il demande.

M. Thibaut. - Je l'ai pour la province de Namur.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Mais pour la province de Liège, vous ne l'avez pas.

Que critique donc l’honorable membre ? Pense-t-il que l’administration, dans la répartition des 220 mille fr., a manqué de justice, d’impartialité ? En aucune manière ; il ne met pas en doute l’esprit d’équiré, il ne pense pas qu'elle ait donné la préférence à la province de Liège sur la province de Namur. Cette confiance que vous avez accordée à l'administration les années précédentes, pourquoi voulez-vous la lui refuser cette année ? Quelle raison peut-il y avoir pour enlever arbitrairement à la province de Liège une partie de l'allocation et la reporter sur la province de Namur ? Que l'honorable membre maintienne la proposition du gouvernement, et il sera conséquent avec lui-même.

Messieurs, l'honorable M. Osy révient sur la question qui a été agitée hier incidemment, sans faire l'objet d'un débat approfondi. M. Vander Donckt a demandé pourquoi le gouvernement laissait les chemins de halage de l'Escaut dans l'état d'oubli où ils sont ; j'ai répondu que c’était aux propriétaires qu'incombait la charge de protéger les rives du fleuve contre l'invasion des eaux et d'entretenir les chemins de halage.

Si dans la province de Liège ce ne sont pas les propriétaires qui supportent cette charge, c'est que la législation est différente dans cette province.

Je ne crois pas me tromper en disant que s'il n'était pas manifeste que cette dépense dans la province de Liège incombe au gouvernement On n'aurait pas, depuis un grand nombre d'années, consacré des sommes aussi fortes à l'exécution et à l'entretien des chemins de halage de la Meuse. Au surplus, ce qui doit tranquilliser l'honorable membre, c'est la concession que j'ai faite hier.

J'ai reconnu que cette question, extrêmement complexe, varie suivant les localités, la législation, les coutumes, le régime différentiel qui gouverne la pays en cette matière, et qu'il était peut-être nécessaire de ramener l'uniformité dans cette matière, comme dans beaucoup d'autres ; que même un avant-projet m'a été soumis, qu'il n'attend qu'une instruction plus complète pour être soumis à la législature. Alors les questions qui peuvent surgir sur cette matière se présenteront tout naturellement.

Je me permettrai d'ajouter, au sujet de l'amendement de l'honorable M. Thibaut,qui, s'il était adopté, serait immédiatement suivi d'une foule d'autres, quelques réflexions qui sont peut-être étrangères à l'article en discussion, mais qui se rattachent à la discussion générale qui a été très courte hier.

Si je songe aux travaux publics existant en Belgique, je n'éprouve aucune espèce de regret ni d'appréhension pour l'avenir ; je suis convaincu que si l'on procède pour l'avenir comme on a procédé pour le passé, on n'aura aucune espèce de regret à l'avenir. Je suis convaincu que si l'on continue d'échelonner sur plusieurs exercices les travaux utiles que le pays réclame et qu'il réclamera toujours avec plus d'insistance que le gouvernement ne mettra d'activité à les exécuter ; si vous procédez avec maturité, avec sagesse, on pourra éviter de très grands embarras dans l'avenir.

Mais si l'on manque de prudence, si l'on veut exécuter tous les travaux à la fois, on sera amené à d'inextricables difficultés.

Je crois que le devoir du ministre des travaux publics est de se considérer comme membre du gouvernement et non comme chef d'un département ministériel ; c'est-à-dire qu'il doit débattre avec ses collègues toutes les dépenses à faire, dépenses considérables et ne faire que celles dont la nécessité est strictement justifiée.

M. Dautrebande. - Messieurs, depuis un grand nombre d'années, MM. les ingénieurs des ponts et chaussées de la province de Liège ont dû s'occuper d'un projet qui doit améliorer considérablement un passage de la navigation de la Meuse ; mais comme ce projet reste toujours à paraître, je viens le rappeler à l'attention de M. le ministre des travaux publics.

C'est principalement des travaux à exécuter au pont de Huy, que je veux parler. De tout temps son passage pour les bateaux a toujours été difficile et dangereux ; chaque année il y arrive des accidents, qui parfois sont la ruine des bateliers qui, malgré toute leur bonne volonté et leurs efforts, ne peuvent empêcher le bateau qu'ils dirigent d'aller heurter et se briser contre l'une des piles dudit pont ; le choc qui en résulte cause presque toujours des dégradations considérables au bateau, et quelquefois sa perte entière ; cet accident précède souvent un malheur ; toujours est-il très difficile de retirer de la rivière les malheureux conducteurs du bateau, et il arrive de les voir périr sans pouvoir les secourir.

Il y a donc humanité de chercher à empêcher autant qu'il est possible, à éviter les malheurs que je viens de signaler.

Souvent j'ai entendu dire que le projet, qui depuis longtemps se fait attendre, consiste à supprimer une des piles du pont, et de deux arches n'en faire qu'une ; l'on assure que ce travail peut être fait facilement et sans danger.

L'on m'a dit que le projet dont je viens de parler était abandonné, et que l'on donnait pour raison, que son exécution déprécierait la beauté du pont ; je crois ce motif peu fondé, mais en admettant qu'il fût réel, je pense qu'il est beaucoup plus convenable de nuire un peu à son architecture que de voir des malheurs se renouveler chaque année.

Il est à ma connaissance que la non-exécution de cette réparation est cause qu'un autre ouvrage indispensable et très urgent ne se fait pas ; jusqu'à ce jour il a été dit que l'on ne pouvait s'en occuper tant que l'on ne ferait pas de changement au pont, je crains beaucoup, s'il faut attendre jusqu'à ce moment, qu'il ne s'écoule encore un long laps de temps.

L'ouvrage dont je vais parler est la réparation du chemin de halage qui se trouve en aval du rivage de la barque allant à Liége, il est dans un délabrement déplorable, tant sous le rapport de son pavage, que sous celui de la sécurité ; en effet le mur qui le soutient est en ruine, il est considérablement hors d'aplomb, et il s'affaisse chaque jour davantage. S'il vient à crouler dans la Meuse, il peut occasionner un préjudice considérable au commerce, et principalement aux bateliers puisqu'il est probable que ses débris seraient un obstacle au passage des bateaux, (page 356) attendu qu'ils doivent se rapprocher très près du mur dont il est question, et que ce passage est le seul dans cet endroit de la Meuse.

Dans cet état de choses, je prie M. le ministre de prendre des renseignements sur ce que je viens d'exposer, et de vouloir prendre de mesures pour parer aux dangers que je viens de signaler.

M. Thibaut. - Si j'avais le talent oratoire de M. le ministre des travaux publics, il me serait facile de vous démontrer qu'il n'a détruit aucun des motifs sur lesquels est fondé l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer.

M. le ministre des travaux publics ferait une chose très utile si, à côté des chiffres que j'ai cités, comme présentant l'évaluation exacte de la dépense nécessaire à la Meuse dans la province de Namur, il plaçait le chiffre de la dépense projetée dans la province de Liège. S'il indiquait le chiffre que je réclame, nous saurions jusqu'à quel point il est exact de dire, comme le porte une note remise à la section centrale, que les travaux seront achevés en six années, moyennant un crédit annuel de 220,000 fr.

Ce que je puis assurer, et je crois que l'honorable ministre des travaux publics ne me contredira pas, c'est que les travaux à faire dans la province de Namur au 1er janvier prochain exigeront une dépense de 1,100,000 fr.

Je demande comment on pourra achever ces travaux en six ou sept années, si l'on n'y applique que la moitié du crédit de 220,000 fr. ? Evidemment, il faut que le chiffre du crédit soit augmenté, et que l'augmentation soit appliquée à la province de Namur,

J'ai demandé que le crédit fût augmenté d'une somme de 75,000 fr., et que les travaux soient achevés en quatre années, parce qu'il y a urgence de rendre navigable, pendant la plus grande partie de l'année, la Meuse qui trouve aujourd'hui une concurrence ruineuse dans le chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse. M. le ministre n'a pas parlé de cette concurrence : cependant vous le savez, messieurs, depuis que ce chemin de fer est achevé, il fait des transports considérables de houille au détriment du batelage de la Meuse. C'est là un des résultats de la loi de 1851 qui a permis d'achever le chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse. C'est donc le fait des Chambres et du gouvernement qui nuit directement au batelage de la Meuse.

M. le ministre prétend à tort que mon amendement est radicalement injuste ; car les autres fleuves ou rivières ne sont pas dans la position spéciale de la Meuse, et les crédits que l'on pourrait réclamer pour améliorer d'autres voies navigables ne reposent pas sur des motifs semblables à ceux que j'ai fait valoir.

Remarquez que, dans tous les cas, la dépense devra être faite ; il s'agit seulement de savoir si elle sera répartie sur plus ou moins d'exercices. Je demande que le délai de six ans soit réduit à quatre ans., Comme me le fait remarquer un de mes honorables collègues de la province de Namur (et cette observation est très importante), les avantages qu'on doit retirer de ces travaux ne seront acquis au pays et au gouvernement même que quand tous les travaux seront exécutés. C'est un nouveau motif pour en hâter l'achèvement.

Je demande en terminant que l'honorable ministre des travaux veuille bien nous faire connaître le chiffre de la dépense des travaux à faire à la Meuse, dans la province de Liège.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai indiqué à la Chambre le chiffre total des dépenses restant à faire : il est de 1,521,000 fr. L'honorable M. Thibaut ne conteste pas ce chiffre ; il prétend que, d'après des renseignements que je ne possède pas, la dépense à faire dans la province de Namur s'élève à 1,100,000 fr. Ou l'honorable membre a raison, ou il a tort. S'il a raison, c'est-à-dire, s'il y a réellement 1,100,000 fr. de travaux à faire dans la province de Namur, le gouvernement les fera. La proposition faite par le gouvernement ne lui enlève pas la faculté de consacrer cette somme aux travaux à exécuter dans la province de Namur.

Seulement il demande à conserver sa liberté d'action. Si l'honorable membre a raison, il n'a rien à craindre. S'il a tort, la position du gouvernement ne lui permet pas d'accepter l'amendement, parce que s'il était vrai que la somme à dépenser dans la province de Liège fût plus considérable, l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Thibaut enchaînerait l'action de l'administration.

L'honorable membre voudrait que le crédit fût réparti sur quatre exercices, au lieu de l'être sur six. Eh bien, je demande que ce qui a été fait pour la Meuse depuis 1840 soit encore suivi maintenant, et qu'on maintienne la position acquise à ce fleuve.

M. Vander Donckt. - J'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable ministre des travaux publics.

Dans la séance d'hier, l'honorable ministre a répondu aux explications que j'ai eu l'honneur de lui demander, que l'entretien des chemins de halage le long de l'Escaut était une charge des propriétaires riverains. Mais il ne m'a pas répondu, et n'a pas répondu à la partie des observations de mon honorable collègue M. Osy, en ce qui concerne la divergence dans l'application, qui existe ou semble exister dans la législation de l'une et de l'autre de ces rivières. Pour la Meuse, comme l'honorable M. Osy vous l'a dit, on demande des sommes assez fortes à appliquer aux chemins de halage. C'est un des objets importants de l'article 21 qui est en discussion.

Pour l'Escaut, je crois que je suis d'accord avec l'honorable ministre des travaux publics sur ce point que le gouvernement n'y prend aucune mesure d'exécution et qu'on délaisse l'entretien des chemins d’halage à la charge des propriétaires riverains.

Sur la Lys il en est tout autrement encore ; là on exécute avec une rigueur sans exemple les propriétaires riverains. On établit deux chemins de halage le long de cette rivière, un sur chaque rive. Je désire connaître les motifs, et de quel droit on établit ce double chemin de halage, et pourquoi on montre cette rigueur envers les propriétaires riverains ? On les vexe et on les pousse à soutenir des procès aussi onéreux qu'injustes ; alors que pour l'Escaut le corps des ponts et chaussées reconnaît lui-même que l'on ne poursuit pas envers les riverains l'exécution des dispositions législatives, des dispositions réglementaires et des ordonnances anciennes qui règlent cette matière. Voilà le but de l'interpellation que j'ai eu l'honneur de faire hier, que j'ai répétée dans cette séance et sur laquelle je n'ai pas obtenu l'explication que je désire.

Je ne comprends pas que l'on agisse comme on le fait le long de la Lys, sans des motifs graves que je désire connaître.

On y exécute, je le répète, avec une rigueur sans exemple, les propriétaires. On détruit les clôtures ; on pénètre dans les propriétés privées ; on abat les bâtisses qui se trouvent le long de la rivière, sans le moindre respect pour la propriété, sans en tenir aucun compte ; et pour toute raison on leur indique la voie de la justice.

Depuis les temps les plus reculés, il n'y avait qu'un seul chemin de halage le long de la Lys, comme il n'y en a qu'un le long de l'Escaut. Si le gouvernement juge nécessaire d'en établir un second, pourquoi ne procède-t-il pas régulièrement, comme la loi lui en impose le devoir, c'est-à-dire en recourant à l'expropriation pour cause d'utilité publique ? Alors ; et alors seulement, il rendra justice aux propriétaires riverains.

Je renouvelle donc encore une fois mon interpellation ; je demande que l'honorable ministre des travaux publics veuille s'expliquer sur la législation si disparate qui est appliquée au régime de ces voies navigables, et je dirai de ces trois rivières, parce que l'honorable M. Osy vient de nous indiquer le régime, tout différent encore, que l'on applique le long de la Meuse. Là le gouvernement fait toute la dépense nécessaire à l'établissement des chemins de halage, tandis que pour l'Escaut on soutient que c'est une charge des propriétaires riverains ; et sur la Lys, c'est bien pis encore, on exécute les propriétaires riverains et on fait abattre tout ce qui forme obstacle à l'établissement d'un double chemin de halage. J'ose espérer que l'honorable ministre me donnera cette fois une explication catégorique sur cet objet.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je conteste d'abord le fait qu'avance l'honorable M. Vander Donckt, à savoir que l'administration, au mépris des droits des particuliers, exécuterait des règlements arbitraires qu'elle n'exécuterait pas le long de l'Escaut. Je crois que si les particuliers ont à se plaindre des vexations de l'administration, d'empiétements qui se commettraient contre leurs droits, il y a des tribunaux en Belgique, ils peuvent s'adresser aux tribunaux, et si l'administration fait abattre des plantations illégalement, je suis persuadé que les tribunaux rendront justice.

il est possible qu'il y ait une certaine divergence entre le régime qui pèse sur les riverains de la Lys et celui qui pèse sur les riverains de l'Escaut.

Cela peut tenir à la manière plus ou moins sévère avec laquelle les ingénieurs qui sont les uns dans la Flandre occidentale, d'autres dans la Flandre orientale, appliquent les règlements en cette matière. Je crois que sous ce rapport les observations présentées par l'honorable M. Vander Donckt, méritent un examen sérieux, qu'il faut que le gouvernement recherche jusqu'à quel point il convient que le régime à appliquer soit uniforme dans toutes les provinces.

M. Lelièvre. - Je dois répondre à une observation présentée par l'honorable M. Osy. Il est évident que l'entretien des chemins de halage incombe au gouvernement. En effet, le halage consiste dans une servitude dont sont frappés les fonds riverains dans l'inlérêl de la navigation. C'est donc au gouvernement à faire les dépenses nécessaires pour maintenir les lieux dans l'état où ils doivent se trouver permanemment dans l'intérêt du service public auquel ils sont affectés. Les propriétaires ne sont tenus qu'à souffrir l'exercice de la servitude ; mais c'est naturellement au propriétaire de cette servitude à faire les dépenses nécessaires pour maintenir les lieux dans l'état voulu pour qu'il puisse user de la même servitude.

Ce système est du reste fondé sur la nature des choses. C'est l'Etat qui pour le service de la navigation détériore les chemins de halage. Il est donc bien juste qu'il fasse les réparations d'entretien nécessaires pour leur conservation.

Ce principe est non seulement applicable à la province de Namur, mais à toutes les localités où les chemins de halage sont légalement établis, puisqu'il dérive du droit commun.

Quant aux observations de l'honorable M. Vander Donckt, il est facile d'y répondre. Toutes les propriétés contiguës à des rivières navigables et flottables sont grevées de la servitude de halage en vertu de l'ordonnance de 1669 et du décret de 1808.

Doue, messieurs, là où il existe des rivières navigables et flottables, les propriétaires riverains se trouvent dans la même position à cet égard ; la législation est uniforme et les mêmes règles sont applicables à toutes les parties du pays qui sont régies par les dispositions dont nous avons parlé. Le décret de 1808 énonce formellement le cas où il y a lieu à indemnité. Il s'agit donc d'une loi générale qui n'est pas (page 357) restreinte à certaines localités ; notamment l'ordonnance de 1669 est applicable à toutes les provinces de la Belgique.

M. Deliége. - L'honorable M. Osy vient de nous faire un reproche qui m'a touché. Il vient de dire que nous jetions chaque année des sommes à la Meuse, et que nous n'avions tenu aucun compte des réclamations constantes des malheureux facteurs ruraux, qui, selon l'honorable membre, n'ont pas un traitement suffisant pour nourrir leur famille.

Messieurs, pour ce, qui me concerne, je ne me suis jamais opposé à ce qu'on augmentât les traitements des facteurs ruraux, non plus que des fonctionnaires qui n'ont pas de quoi sustenter leur famille ; et je crois que dans une Chambre belge il ne s'élèvera jamais une seule voix contre des augmentations de traitement, lorsque toutefois elles seront justes, lorsqu'elles devront servir, comme on vient de le dire, à nourrir la famille des fonctionnaires.

J'en viens à l'amendement de l'honorable M. Thibaut.

Je crois que cet amendement doit être rejeté. Il nous est impossible de l'adopter. Car que veut l'honorable membre ? Il veut que l'on emploie le crédit entier, ou à peu près, dans la province de Namur.

Or, quel est le but des améliorations que nous faisons à la Meuse ? C'est de donner à ce fleuve, d'Anvers à Chokier, un tirant d'eau de 2 m. 10 centimètres, et en amont de Chokier, un tirant d'eau de l m 50. A quoi servirait, je vous le demande, un tirant d'eau de l m. 50, depuis Namur jusqu'à la frontière française ? Les bateaux qui seraient chargés dans cette contrée, arrivés à Namur, ne pourraient aller plus loin. Je vous demande si ce serait agir sagement, si ce ne serait pas jeter dans la Meuse une grande partie des fonds que nous y avons appliqués. Il est bien plus sage, me semble-t-il, bien plus utile, et il est nécessaire de faire dans la province de Liège, en amont de Chokier, les travaux exigés pour donner au fleuve un tirant d'eau de l m. 50, et ensuite de travailler en aval.

Evidemment le chiffre du gouvernement est exact. Il est basé sur les rapports et les devis des ingénieurs. Nous devons y croire. En six ans, le rapport de la section centrale en fait foi, nous aurons en amont de Chokier un tirant d'eau de 1 m. 50, et en aval un tirant d'eau de 2 m. 10.

Remarquez que le tirant d'eau de 2 m. 10, qu'on a donné au fleuve depuis Anvers jusqu'à Liège, serait parfaitement inutile à une partie de la province de Liège, et à la province de Namur, même si l'on procédait comme veut nous faïre procéder l'honorable M. Thibaut. Vous ne le ferez pas, messieurs.

M. de Theux. - Messieurs, je ne veux faire qu'une observation relative aux chemins de halage.

La ditférence de régime que l'on remarque ne dépend, je pense, ni de la loi, ni d'une coutume qui aurait force de loi, mais elle dépend de la nature même des choses.

Comme l'a dit l'honorable M. Lelièvre, c'est l'ordonnance de 1669 qui détermine ce qui concerne les chemins de halage. Ils doivent avoir une largeur déterminée, mais les propriétaires ne sont pas tenus de préserver leurs terrains pour maintenir cette largeur ; seulement, dans les pays plats, le gouvernement recule les chemins de halage sur les propriétés particulières jusqu'à ce qu'ils aient la largeur déterminée par les règlements.

Mais, messieurs, dans les pays de montagnes, cela n'est pas possible : lorsque la rivière coule au pied d'un rocher, si le propriétaire ne veut pas élargir le chemin de halage il faut bien que le gouvernement fasse des frais pour exécuter cet élargissement.

Voilà, messieurs, toute la différence qui existe ; c'est une simple différence de faits.

- L'amendement de M. Thibaut est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 21 est mis aux voix et adopté, tel qu'il a été proposé par la section centrale.

M. Desmaisières dépose le rapport de la section centrale sur l'amendement déposé hier par M. Coomans. Ce rapport sera imprime et distribué.

Article 22

« Art. 22. Meuse dans la province de Limbourg. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 32,000.

« Charge extraordinaire : fr. 70,000. »

Article 23

« Art. 23. Dendre. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 12,446 56.

« Charge extraordinaire : fr. 22,900. »

M. de Portemont. - Messieurs, dans les deux sessions précédentes, j'ai eu l'honneur d'appeler votre attention sur l'état déplorable de la Dendre, ainsi que sur les calamités qui en résultent.

Je vous ai fait connaître les dégâts occasionnés aux propriétés riveraines par les inondations trop fréquentes et trop prolongées ; je vous ai exposé en même temps la situation précaire de la navigation sur cette rivière. Permettez-moi, messieurs, de vous présenter encore quelques considérations sur une question qui intéresse au plus haut degré l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte.

Comme le dit très bien M. le ministre des travaux publics dans sa note en réponse aux observations de la 2ème et de la 6ème section, les travaux à effectuer à la Dendre ont un double caractère : l'amélioration de l'écoulement des eaux et l'amélioration de la navigation. J'ajouterai qu'ils sont d'une urgence incontestable et que je regrette vivement le retard qu'on y apporte. En effet, messieurs, 500,000 fr. ont été votés en décembre 1851 et aujourd'hui on n'a pas encore mis la main à l'œuvre. Entre-temps, la navigation devient de plus en plus difficile et les propriétés riveraines de la Dendre se détériorent chaque année davantage. Les pertes que ces inondations causent à l'agriculture sont immenses ; pour en donner une idée il suffira de dire que dans les communes, de Nederboelaere, Onkerzele, Schendelbeke, Idegem, Grimmingen et Santbergen, c'est-à-dire sur une étendue d'une lieue et demie, plus de 500 hectares d'excellentes prairies sont envahies par les eaux de la Dendre à la moindre crue de cette rivière. Cet état de choses est donc désastreux pour les habitants de notre belle vallée et ne peut se prolonger.

Quant à la navigation, elle ne tardera pas à devenir impossible. Les atterrissements considérables formés dans le lit de la rivière augmentent de jour en jour et opposeront bientôt au passage des bateaux une barrière insurmontable.

Je ne m'arrêterai pas, messieurs, aux ouvrages défectueux qui entravent à la fois l'écoulement des eaux de la Dendre et la navigation de cette rivière ; je vous les ai signalés, lors de la discussion des budgets précédents. Ensuite je crois que le creusement d'un canal de dérivation d'amont en aval du pont de Santbergen est arrêté. Je me bornerai donc à recommander spécialement à M. le ministre des travaux publics la reconstruction du pont supérieur de Grammont, sans contredit le principal obstacle qui embarrasse le lit de la Dendre.

Les ponts de Lessines et des Acren, qu'on assure devoir être réconstruits aux frais de l'Etat, se trouvent dans des conditions bien plus favorables à l'écoulement des eaux et à la navigation que ceux de Grammont.

Un mot maintenant des 100,000 fr. que M. le ministre se propose de porter annuellement aux budgets suivants. Eu égard aux travaux à exécuter, cette somme me paraît trop minime. Il est évident que, si le gouvernement doit se tenir dans ces limites, il sera bien souvent oblige de laisser inachevé un ouvrage important. Or, tout le monde conviendra que c'est là une éventualité qu'il importe d'éviter, même dans l'intérêt du trésor public. Du reste, la Dendre a été laissée si longtemps dans l'abandon que ce serait justice d'y apporter, enfin, des améliorations efficaces.

Je demanderai donc à M. le ministre s'il n'est pas possible de majorer l'allocation destinée à l'exécution des travaux projetés.

Je termine, messieurs, par une dernière observation : La chaussée qui conduit au pont de Santbergen est le seul moyen de communication pour les habitants des deux rives de la Dendre. A quelques mètres du pont, du côté où la coupure doit se faire, ce chemin est presque au niveau des prairies, et par conséquent la moindre inondation le rend impraticable. Pour remédier à çc grave inconvénient, il suffirait de remblayer tant soit peu la chaussée sur une longueur d'environ 150 mètres. J'ose espérer que M. le ministre des travaux publics voudra bien accueillir favorablement cette observation, d'autant plus qu'il faudra nécessairement exhausser cette chaussée près du ponceau à construire sur le canal de dérivation. D'ailleurs, cette voie de communication indispensable aux habitants de Santbergen et des communes voisines va devenir encore plus importante par l'établissement à proximité d'une halte sur le chemin de fer de Dendre-et-Waes.

M. de Ruddere. - Messieurs, comme mon honorable ami M. de Portemont, je suis forcé de renouveler mes plaintes à charge du département des travaux publics. A l'occasion du budget de 1855 concernant la Dendre, il est inconcevable que M. le ministre des travaux publics qui connaît l'urgence des travaux à faire à cette rivière qui ont été signalés dans le savant mémoire dressé en 1853 par M. Wolters, ingénieur en chef de la province de la Flandre orientale pour remédier aux fréquentes inondations causées par le débordement de la Dendre qui s'étend sur plusieurs milliers d'hectares, ne porte aucune somme pour empêcher ce désastre qui cause des pertes énormes aux propriétaires riverains de cette belle vallée et un préjudice notable à l'agriculture.

Je ne puis m'expliquer, messieurs, que le gouvernement qui veut protéger l'agriculture et qui dépense des sommes énormes en pure perte pour cette branche d'industrie, n'ait pas de fonds pour la protéger efficacement contre l'inondation. Affranchir les terres de ce fléau perpétuel pour les faire fructifier, voilà la véritable protection que réclame l'agriculture ; ce serait de l'argent bien employé et qui rendrait largement son intérêt. On recule d'année en année ces travaux urgents sans faire droit aux justes plaintes des malheureux cultivateurs. La somme de 500,000 francs votée en 1851 n'est pas encore dépensée ; environ 60,000 fr. d'après le rapport de la section centrale, restent disponibles. On vient d'adjuger un pont sur la Dendre pour la chaussée de Santbergen à Idegem, pour améliorer le cours de la Dendre, pourquoi celui de Grammont n'est-il pas compris dans cette adjudication ? Il est en mauvais état et forme également barrage. Cet état de choses, messieurs, ne peut durer, ou bien il faut tenir compte aux cultivateurs des sacrifices qu'ils supportent, soit en les indemnisant ou (page 358) en diminuant leur cote dans les contributions foncières, si on veut empêcher leur ruine. Ce ne serait là qu'une mesure réparatrice ; mais j’aime à croire que M. le ministre des travaux publics songera sérieusement à remédier aux inondations de la Dendre pour éviter de plus grands maux.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, l'amélioration de la Dendre fait partiet des ouvrages d'utilité publique décrétés par la loi de 1851 ; mais il a été reconnu par l'administration, depuis plus de deux ans, que le crédit alloué par cette loi, et qui s'élevait seulement à un demi-million, est complètement insuffisant. Sous ce rapport donc, la question de la Dendre se présente absolument dans les mêmes termes que celle du canal de Schipdonck, qui a acquis une certaine célébrité dans cette enceinte. Des deux côtés, il s'agit de travaux décrétés parla législature, mais pour lesquels il est indispensable de réclamer un supplément de ressources. Il y a cette seule différence que pour le canal de Schipdonck l'insuffisance de crédit sera au moins de 4 ou 5 millions, tandis qu'il ne faudrait qu'un million ou un million et demi tout au plus pour faire droit aux réclamations des riverains de la Dendre, en exécutant les travaux nécessaires pour les mettre à l'abri des inondations.

Je trouve, messieurs, au rapport de la section centrale sur le budget des travaux publics, une note dans laquelle on nous fait connaître la marche que le gouvernement se propose de suivre pour compléter les travaux d'amélioration de la Dendre : M. le ministre serait d'intention de porter annuellement au budget une somme de 100,000 fr., mais seulement à commencer de 1856. Je remercierais M. le ministre de ses bonnes intentions, mais il me permettra de lui faire observer que le remède qu'il indique n'est pas proportionné à l'intensité du mal.

D'abord, il ne me paraît guère possible d'ajourner la demande de nouveaux crédits jusqu'en 1856, car la faible somme alllouée par la loi de 1851 sera complètement absorbée par les travaux qui sont déjà adjugés et qui seront exécutés au printemps prochain. Si donc, dans le cours de l'exercice de 1855 on ne peut pas mettre en adjudication d'autres travaux, orn ne fera rien pendant toute une année, et je crois, messieurs, que cela serait extrêmement fâcheux et injuste, après tous les retards déjà subis. Je ferai remarquer, en deuxième lieu, qu'il faut encore au moins un million, non pour canaliser la Dendre, mais pour procurer aux eaux surabondantes un écoulement suffisant, pour remédier, en un mot, au fléau des inondations.

Si donc on procédait comme le propose M. le ministre des travaux publics, ce ne serait guère qu'en 1870 que les riverains de la Dendre verraient apporter un remède efficace aux maux qu'ils souffrent depuis trop longtemps.

L'honorable ministre nous dit qu'on pourrait faire pour la Dendre comme on a fait pour la Meuse, pour la Dyle et pour le Demer ; il ne m'est guère possible d'accepter cette assimilation. Je l'accepterais volontiers si nous pouvions reculer de 15 ou 20 ans : vous remarquerez, en effet, messieurs, que depuis 15 ou 20 ans on n'a cessé de travailler à la Meuse, à la Dyle et au Demer.

Les dépenses qu'on a faites pour ces cours d'eau s'élèvent déjà, si je ne me trompera un grand nombre de millions, tandis que la Dendre a été laissée dans l'abandon le plus complet. Il est donc nécessaire de regagner en quelque sorte le temps perdu, d'imprimer ici aux travaux une impulsion d'autant plus énergique que ces travaux ont été plus longtemps différés. Sans cela, messieurs, l'assimilation faite par M. le ministre des travaux publics me paraîtrait une véritable duperie.

C'est surtout, messieurs, pour le motif que je viens d'indiquer, que la législature de 1851 a décrété formellement l’amélioration de la Dendre, et je ferai remarquer que la section centrale proposait alors d'allouer pour cet objet un crédit de deux millions et demi. Pourquoi ce crédit a-t-il été réduit à 500,000 ? Parce que M. le ministre des travaux publics, induit en erreur par des renseignements inexacts, a donné l'assurance formelle qu'avec un demi-million il pouvait faire face à tous les besoins. M. le ministre a été induit en erreur, je le reconnais ; mais il n'en est pas moins vrai qu'il entrait alors dans les internions de la législature de faire quelque chose de complet pour la Dendre, en allouant des crédits spéciaux, en dehors des allocations budgétaires, et l'insuffisance de ces crédits provient uniquement des renseignements erronés qui ont été donnés par l'administration. La législature n'a pas voulu s'arrêter à une demi-mesure.

En outre, il ne faut pas perdre de vue que cette situation fâcheuse et anomale dans laquelle se trouve la vallée de la Dendre est due à des travaux qui ont été exécutés par l'administration. Je l'ai démontré à la dernière évidence dans la discussion du budget des travaux publics l'année dernière, en m'appuyant sur les études faites par M. l'ingénieur en chef Wolters, car chose presque incroyable, on a jeté dans le lit de la Dendre des barrages dont le radier s'élève souvent à un mètre ou à un mètre et demi au-dessus du fond naturel de la rivière ; aussi, l'honorable ingénieur en chef de la Flandre orientale, qui a fait une étude spéciale de la situation de la Dendre, déclare-t-il que telle est la principale cause des désordres qui ont affecté le régime de cette rivière ; de manière que nous ne réclamons que la réparation du dommage causé par l'administration.

Ce motif doit déterminer M. le ministre des travaux publics à agir avec toute la promptitude possible et à ne pas nous renvoyer à des crédits budgétaires qui devraient être renouvelés pendant un grand nombre d'années.

Ces considérations me portent à croire que l'amélioration de la Dendre doit être placée sur la même ligne que l'exécution du canal de Schipdonck ; des deux côtés, ce sont des travaux qui ont été décrétés par la loi ; des deux côtés, il y a insuffisance de crédit ; des deux côtés, il s'agit de réparer les dommages causés par l'administration ; je ne vois, donc aucune différence qui puisse déterminer le gouvernement à se contenter pour l'amélioration de la Dendre d'un simple crédit budgétaire, alors qu'il reconnaît la nécessité de demander de nouveaux crédits spéciaux pour l'exécution du canal de Schipdonck.

Je ferai remarquer encore que des intérêts très importants et très nombreux sont engagés dans la question de l'amélioration de la Dendre. Cette question n'intéresse pas seulement une partie très considérable de la Flandre orientale, elle intéresse en outre un très grand nombre de communes du Brabant, et plusieurs arrondissements de la province de Hainaut.

Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien comprendre la Dendre dans les nouvelles propositions de crédit qu'il devra soumettre à la législature pour l'exécution des travaux destinés, à remédier aux inondations dans les Flandres ; je pense que nous n'aurons pas à regretter, à cet égard, une lacune que nous serions obligés de combler, en usant de notre droit d'initiative.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, l'honorable M. de Naeyer demande que le gouvernement se montre plus généreux à l'égard de la Dendre ; entre autres considérations qu'il a exposées, il a fait valoir celle-ci : il prétend que le dommage doit être réparé par celui qui l'a causé ; que c'est à l'administration qu'on doit imputer la fâcheuse situation dans laquelle se trouvent les riverains de la Dendre, En effet, il est reconnu par l'ouvrage que l'honorable M. de Naeyer a cité l'année dernière, et qu'il vient encore d'invoquer, que des barrages ont été exécutés sur la Dendre contre toutes les règles de l'art, et qu'ainsi ils ont été en grande partie cause des inondations dont souffre aujourd'hui la vallée de la Dendre. Je ferai remarquer que l'exécution de ces barrages remonte au XVIème et au XVIIème siècle. Or, la Dendre n'était pas alors placée sous l'administration du gouvernement, car ce n'est qu'en 1840 que le gouvernement a repris la Dendre, qui avait été remise à la province en 1819.

Du reste, pourquoi le gouvernement a-t-il tardé, jusque dans ces derniers temps, à porter des crédits en faveur de la Dendre ? La raison en est fort simple : c'est que déjà en 1836 le gouvernemént était saisi d'une proposition formelle de concession d'un canal latéral à la Dendre ; en 1845 est intervenu même un arrêté qui a déclaré la concession définitive.

Le gouvernement devait-il, en présence de ce fait, exécuter à la Dendre des ouvrages de quelque importance ? Evidemment non ; ce n'est que lorsque tout espoir d'avoir le canal de Jemmapes à Alost était perdu, lorsque le chemin de fer de la Dendre est venu se substituer à ce canal, canal que le gouvernement aurait dû exécuter lui-même ou du moins dont l'exécution aurait dû être subordonnée à la garantie d'un minimum d'intérêt ; c'est alors seulement que le gouvernement, faisant droit aux réclamations des localités intéressées, a porté dans la loi du 21 décembre 1851 un crédit de 500,000 francs.

J'ai plusieurs fois reconnu franchement que ce premier crédit était insuffisant. Seulement, l'honorable M. de Naeyer, d'accord sur ce point avec le gouvernement, voudrait qu'on suivît pour l'amélioration de la Dendre le système qu'on a suivi pour l'exécution des autres grands travaux d'utilité publique.

L'assimilation que l'honorable membre veut faire ici, n'est pas admissible. Les grands travaux, exécutés dans les Flandres, comme ceux qui ont été exécutés dans les provinces de Liège et d'Anvers, l'ont toujours été par des lois spéciales, c'est-à-dire qu'on a prélevé sur l'emprunt les dépenses nécessitées par ces grands travaux. Au contraire, pour les rivières qui ont été reprises par l'Etat, pour le Rupel, pour la Dyle, pour le Demer comme pour la Dendre, l'administration a toujours suivi le système que je propose de suivre encore aujourd'hui, c'est-à-dire de porter successivement au budget les sommes reconnues nécessaires pour l'amélioration des rivières.

Je comprendrais que si le premier crédit de 500,000 fr. qui a été voté par la Chambre, était absorbé ; que si le gouvernement se trouvait dans la nécessité très fâcheuse de suspendre les travaux, d'arrêter l'exécution d'ouvrages étudiés ; je comprendrais qu'alors ce serait un devoir pour le gouvernement de porter au budget de 1855 les crédits qui seraient jugés nécessaires. Pour la Dendre, à la différence de ce qui se fait pour d'autres travaux qu'on a invoqués, on a exécuté successivement les travaux dont l'étude définitive a établi la nécessité ; on peut les exécuter successivement. C'est ainsi que le crédit de 500,000 fr. a pu être échelonné sur plusieurs exercices, et à l'heure qu'il est, tout le crédit de 500,000 fr. n'est pas absorbé : d'après le tableau fourni à la section centrale, il reste à imputer 91,000 fr. sur ce crédit.

Eh bien, que l'honorable membre attende que toute la somme soit épuisée ; si alors il est reconnu que d'autres travaux sont urgents, le gouvernement se réserve d'examiner jusqu'à quel point il conviendrait de les comprendre dans les demandes de crédit qui seraient ultérieurement faites.

Mais provisoirement, pour le moment, je soutiens qu'il y a lieu de maintenir et d'approuver la marche adoptée par le gouvernement de porter successivement au budget les sommes reconnues nécessaires. L'honorable (page 359) membre prétend qu'il faudra soixante et dix ans pour que les riverains de la Dendre ressentent les effets bienfaisants des travaux que le gouvernement sé propose d'exécuter. Cependant, il ne peut pas méconnaître que les travaux qu'on fait ont pour objet de soulager la vallée de la Dendre.

D'abord on augmente les débouchés, qui ont pour conséquence de faciliter l'écoulement des eaux ; ils ont un autre objet, c'est celui de faciliter la navigation en augmentant le tirant d'eau ; on n'espère pas substituer une navigation permanente à la navigation intermittente ; mais on améliorera la situation de la Dendre. Il n'est pas raisonnable de prétendre qu'on attendra soixante et dix ans avant d'éprouver les heureux effets des travaux faits par le gouvernement.

Les riverains de la Dendre peuvent déjà se féliciter de l'emploi qui a été fait du premier crédit.

M. de Naeyer, rapporteur. - L'honorable ministre des travaux publics a bien voulu reconnaître que les inondations qui se renouvellent à tout moment dans les vallées de la Dendre sont dues en grande partie aux travaux qui ont été exécutés dans le lit de cette rivière. Mais, dit-il, le gouvernement ne peut pas en être responsable, parce que les faits dont nous nous plaignons remontent à une époque déjà ancienne ; mais, ainsi que j'ai eu l'honneur de le faire remarquer l'année dernière, en matière d'administration, il y a évidemment solidarité entre le présent et le passé. L'administration actuelle est tenue de remplir les obligations contractées par ses devancières. D'ailleurs, si je ne me trompe, les travaux qui ont bouleversé le régime de la Dendre ont été exécutés en partie sous le gouvernement français, alors que l'administration de ce cours d'eau appartenait incontestablement à l'Etat ; ce n'est que sous le gouvernement hollandais, en vertu des arrêtés de 1819, que la Dendre a été remise à l'administration de la province, et la même chose a eu lieu alors pour la Meuse, pour l'Escaut, et pour toutes les rivières appartenant au domaine public, et qui ont été reprises successivement par l'Etat.

La Dendre ne fait donc pas exception à la règle ; c'est évidemment une rivière gouvernementale ; et les faits dommageables posés par l'administration même à une époque plus ou moins ancienne doivent être réparés par le gouvernement.

L'honorable ministre s'est aussi attaché à prouver que les retards apportés à l'amélioration de la Dendre ne pourraient être imputés au gouvernement. Messieurs, je n'ai pas soutenu le contraire, je veux bien admettre que tous les projets qui ont été présentés, tantôt pour la construction d'un canal latéral et tantôt pour la canalisation de la rivière, sont en partie la cause de la situation déplorable dans laquelle la vallée de la Dendre est restée jusqu'à ce jour ; mais le mal n'en existe pas moins.

Rien n'a été fait jusqu'ici pour remédier aux inondations qui nous causent des dégâts incalculables. Cependant les habitants de la vallée de la Dendre n'ont cessé de contribuer pour une très forte part à alimenter les caisses de l'Etat. C'est cette situation, n'importe quelles en sont les causes, que nous signalons à l'attention du gouvernement et qui doit évidemment le déterminer à compléter promptement les travaux d'amélioration décrétés par la loi de 1851.

L'honorable ministre des travaux publics ne paraît pas entièrement disposé à assimiler l'amélioration de la Dendre au canal de Schipdonck et à plusieurs autres travaux d'utilité publique qui ont été exécutés en dehors des crédits portés aux budgets, parce que, dit-il, ces travaux ont été décrétés et réglés par des lois spéciales. Mais l'honorable ministre perd de vue qu'il en est absolument de même pour la Dendre, car ce n'est pas une loi budgétaire, c'est une loi spéciale, c'est la loi du 20 décembre 1851 qui a décrété les travaux d'amélioration de la Dendre. Nous demandons donc que le gouvernement et la Chambre restent fidèles à cet antécédent et que les travaux commencés en vertu d'une loi spéciale soient continués et complétés en vertu d'une loi spéciale, et sous ce rapport encore l'assimilation avec le canal de Schipdonck ne saurait être sérieusement contestée.

M. le ministre dit encore qu'il faut se contenter des crédits portés au budget parce qu'il s'agit ici de travaux susceptibles d'être exécutés successivement.

Mais cette observation est vraie pour tous les travaux quelconques passés, présente et futurs, tous peuvent être exécutés successivement et partiellement, mais une exécution en quelque sorte simultanée donné évidemment des résultats plus efficaces, et à raison des longs retards que nous avons éprouvés, personne n'a évidemment plus de titres que nous à une exécution immédiate des améliorations que nous réclamons depuis tant d'années. Les études dont la Dendre a été l'objet doivent être aujourd'hui complètes, et je suis convaincu que l'honorable ministre peut se procurer quand il veut un plan général de tous les travaux qui sont réclamés pour l'amélioration de cette rivière ; rien ne met donc obstacle à ce que ces travaux soient exécutés en deux ou trois ans au lieu de l'être en sept, huit ou dix ans, au moyen de crédits budgétaires. Je ne crains pas de dire que les lenteurs dont nous sommes menacés ne sauraient être justifiées, surtout en présence du vote de la législature en 1851.

On nous dit que les dépenses qui seront faites successivement contribueront déjà à soulager le mal ; cela est vrai jusqu'à un certain point, mais, cependant, les premiers travaux n'auront qu'une bien faibie utilité aussi longtemps que le plan des améliorations ne sera pas exécuté dans son ensemble.

Ce n'est qu'alors qu'il sera rêellernent porté remède au fléau des inondations, et que les dépenses donneront les avantages en vue desquels elles sont faites. C'est là une considération très puissante pour accélérer autant que possible la marche des travaux. J’espère que ces observations suffiront pour faire comprendre à M. le ministre la nécessité de ne pas séparer, dans les nouvelles propositions de crédits, l’amélioration de la Dendre des autres travaux nécessaires pour remédier aux inondations dans les Flandres.

- La discussion est close.

L'article 23 est mis aux voix et adopté.

Articles 24 à 28

« Art. 24. Rupel. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 15,000.

« Charge extraordinaire : fr. 85,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Dyle et Demer. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 19,500.

« Charge extraordinaire : fr. 140,000.

- Adopté.


« Art. 26. Senne. Entretien des ouvrages d'art, loyer d'une maison éclusière à Vilvorde : fr. 2,250.

« Charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 27. Canal de Gand à Ostende. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 21,503.

« Charge extraordinaire : fr. 118,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Canal de Mont à Condé.

Art. 28. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 9,985.

« Charge extraordinaire : fr. 118,000. »

- Adopté.

Article 29

« Art. 29. Canal de la Campine, dans les provinces de Limbourg et d'Anvers. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 43,020.

« Charge extraordinaire : fr. 8,150. »

M. Laubry. - Je voulais présenter une observation sur l'article relatif au canal de Mons à Condé.

M. le président. - Cet article est voté ; je ne puis vous accorder la parole, à moins que la Chambre ne consente à rouvrir la discussion.

- La Chambre, consultée, rouvre la discussion sur l'article 28.

M. Laubry. - Messieurs, je n'ai qu'une simple interpellation à adresser à M. le ministre sur l'amendement qu'il a présenté à l'art. 27 du budget, tendant à majorer cet article de 17,000 fr.

Il faut bien le reconnaître, messieurs, depuis la construction du canal de Mons à Condé, la vallée de la Haine est exposée à des inondations périodiques dont les effets sont si désastreux pour les habitants de cette contrée.

De nombreuses plaintes et des réclamations n'ont cessé de parvenir au gouvernement pour le supplier d'aviser au moyen de mettre un terme à un état de choses si déplorable.

Le gouvernement a compris tout ce qu'il y avait de juste et de fondé dans ces réclamations ; aussi s'est-il appliqué à diverses reprises à chercher un remède et, pour mon compte, je l'en remercie.

J'ai appris avec plaisir qu'il s'était entendu avec le gouvernement français sur les ouvrages à exécuter tant en France qu'en Belgique et qu'une commission mixte, composée d'ingénieurs des deux pays, avait adopté un plan de travaux à exécuter.

Je lis dans le rapport de la Section centrale que l'exécution de ces travaux a été estimée par la commission à 51,000 francs, dont un tiers doit incomber à charge de la Belgique, les deux autres seraient supportés et par le gouvernement français et par l'association de la vallée de la Haine et de l'Escaut.

Vous le voyez, messieurs, cette dépense est bien minime, si l'on considère, comme j'en ai l'espoir, que ces travaux, étant exécutés avec intelligence, doivent prévenir le retour de ces inondations désastreuses qui désolent périodiquement la belle vallée de la Haine.

L'amendement que M. le ministre a présenté à l'article 27 est donc parfaitement justifié.

Cependant, messieurs, la section centrale n'a pas cru devoir s'y rallier, non pas qu'elle s'oppose à l'allocation pétitionnée, mais par mesure de prudence et parce qu'il s'agit d'exécuter des travaux à frais communs, non seulement dans l’intérêt de notre pays, mais encore dans l'intérêt des pays voisins ; elle a pensé enfin qu'il valait mieux que l'allocation de 17,000 fr. fût l’objet d'un projet de loi spécial.

M. le ministre ayant cru devoir se rendre aux observations de la section centrale, je me permettrai de lui demander s’il est disposé à présenter immédiatement son projet de loi ; car s’il en était autrement, j'insisterais pour que le chiffre de 17,000 : fr. fût vote par la Chambre.

J'ai trop de confiance dans la sollicitude et la justice du gouvernement pour les intérêts du Hainaut pour ne pas espérer que la réponse qu'il voudra bien me faire sera satisfaisante. J’attendrai.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La section centrale n'a pas contesté ces 17,000 fr. Au fond, elle était parfaitement d'accord avec le gouvernement que les travaux à faire étaient des travaux utiles ; mais elle a exprimé quelque appréhension ; elle a pensé que la question avait assez d'importance pour qu'un projet de loi spécial fût déposé sur le bureau de la Chambre. Pour affirmer qu'il en était ainsi on a invoqué l'exemple des travaux exécutés à l'écluse d'Antoing.

Mais il n'y a pas d'assimilation possible. Cependant, j'ai pensé qu'on pouvait sans inconvénient déférer au désir de la section centrale, et immédiatement après la rentrée, j'aurai l'honneur de présenter un projet de loi.

M. le président. - Le chiffre est voté.

Article 30

« Art. 30. Canal d'embranchement vers Turnhout. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 11,300. »

M. de Perceval. - Je dois faire remarquer à la Chambre ainsi qu'à l'honorable ministre des travaux publics que le canal de la Campine coûte beaucoup à l'Etat, et rapporte fort peu, pour ne pas dire n'en. Il me semble, cependant, que, le moment est venu pour le gouvernement de demander aux propriétaires riverains de ce canal le payement des annuités inscrites dans la loi du 10 février 1843 concernant la canalisation de la Campine.

Cette loi porte à l'article 2 que les propriétés communales et privées situées de part et d'autre du canal, sur une profondeur de 5,000 mètres, seront appelées à concourir aux frais de son établissement. Les articles 3 et 4 déterminent le concours et fixent les annuités à payer par les propriétaires.

Et qu'arrive-t-il depuis dix ans ? On nous demande à chaque session des crédits extraordinaires, supplémentaires et complémentaires pour des travaux d'amélioration à cette voie navigable., Je désire qu'à son tour le canal de la Campine produise, et dans ce but, je convie M. le ministre des travaux publics d'appliquer la loi du 10 février 1843 dans ses dispositions financières, ou fiscales, si l'on veut.

Lorsque en 1843, le canal de la Campine a été construit, les populations et leurs mandataires dans cette Chambre ne se refusaient nullement à supporter une quote-part de la dépense ; ils trouvaient ce sacrifice de leur part juste et naturel et n'hésitèrent pas, les uns à l'insérer dans la loi, les autres à le subir en droit. Mais en fait, ce sacrifice n'a encore été supporté par personne. Cet état de choses doit cesser.

Si la loi est juste, il faut l'exécuter ; si cette exécution est impossible, il faut l'abroger.

Du reste, ne perdons pas de vue que les propriétaires de la Campine se trouvent dans une position favorable, brillante même ; que cette situation prospère est due exclusivement aux eaux du canal, que c'est à grands frais que ce canal a été construit, et enfin que cette eau a fertilisé leurs bruyères, a converti ces landes en prairies et en terres arables.

Il importe donc que les propriétaires contribuent aux dépenses de la canalisation de la Campine.

Je demande formellement que le gouvernement exécute la loi, ou qu'il en propose l'abrogation.

Je n'aime pas un gouvernement qui n'exécute point les lois.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Les dernières paroles de l'honorable préopinant ont dû me surprendre.

L'honorable membre est, si je me rappelle bien, l'auteur d'une proposition qui devait avoir pour effet de faire exécuter la loi. Cette situation dont se plaint l'honorable M. de Perceval n'est pas nouvelle ; elle ne date pas d'hier, elle subsiste depuis un grand nombre d'années. Il n'en est pas seulement ainsi pour le canal de la Campine. Il en est de même pour le canal de Zelzaete.

L'honorable membre qui se plaint de l'inexécution des lois, n'aurait pas dû retirer sa proposition. Sa proposition n'a pas eu de suile. C'est après un discours de M. le ministre de l'intérieur, dans les attributions de qui cette affaire rentre plus spécialement, que cette question fut abandonnée. C'est donc avec l'assentiment de la Chambre qu'on n'exécute pas la loi.

Je pense, au reste, que si l'on devait exécuter dans toute sa rigueur la loi, ce serait une monstruosité, ce serait contraire à tout esprit d'équité. Pourquoi, par la même raison, ne pas frapper également d'un impôt spécial les propriétaires riverains des chemins de fer concédés ?

Je ne veux pas entrer au fond de la question. Mais que l'honorable membre soit bien convaincu que le gouvernement n'hésitera pas à proposer d'introduire dans la loi les modifications qui sont nécessaires.

Mais le moment est-il bien choisi pour demander l'exécution de la loi, quand les propriétaires de bruyères, les irrigateurs se plaignent de l'insuffisance des travaux exécutés par le gouvernement et réclament l'exécution de travaux qui doivent rendre productives les concessions qui leur ont été octroyées ? Est-ce ce moment que le gouvernement doit choisir pour maintenir rigoureusement l'exécution d'une loi au sujet de laquelle l'honorable membre a fait une proposition qu'il a ensuite, sinon retirée, du moins ajournée ?

M. de Perceval. - Je demande à rectifier une erreur dans laquelle est tombé M. le ministre des travaux publics. Je ne suis pas l'auteur d'une proposition tendant à imposer les propriétaires qui longent le canal de la Campine. Il y a trois ans, usant de mon initiative parlementaire, j'ai saisi la Chambre d'une proposition qui avait pour but de faire payer les concessions d'eau.

M. Coomans. - C'est la même chose.

M. de Perceval. - Ce n'est pas du tout la même chose. J'ai retiré cette proposition momentanément, mais j'ai demandé à l'honorable M. Rogier qui était alors ministre de l'intérieur, comme je le demande encore aujourd'hui à l'honorable M. Van Hoorebeke, que l'on exécute la loi du 10 février 1843.

M. Dellafaille. - J'avais demandé la parole pour répondre à peu près à l'honorable M. de Perceval ce que M. le ministre des travaux publics vient de lui dire. Je m'étonne que, représentant cette partie du pays dont il doit connaître les besoins, l'honorable membre vienne réclamer l'exécution de la loi au moment même où les propriétaires de bruyères se plaignent qu'ils ne reçoivent pas les eaux nécessaires pour irriguer leurs propriétés.

D'ailleurs on pourrait placer les terres riveraines des chemins de fer et des autres voies navigables dans la catégorie où se trouvent les propriétés riveraines du canal de la Campine. Je m'étonne qu'on veuille appliquer à ces dernières propriétés des conditions plus rigoureuses que celles que l'on applique aux propriétés qui se trouvent ailleurs dans des situations analogues.

Messieurs, j'ai fait partie de la commission de modération chargée d'examiner l'application de la loi aux terrains de cette partie de la Campine. Cette commission a jugé que le moment n'était pas opportun pour appliquer la loi votée dans cette enceinte. Elle a considéré que les propriétés dont il s'agit n'avaient pas encore recueilli les bénéfices auxquels elles devaient s'attendre, que de grands capitaux avaient été consacrés à l'amélioration de ces propriétés, jusqu'ici sans avantages pour les défricheurs. Ces considérations ont déterminé la commission de modération à tenir la loi en suspens et à engager le gouvernement à ne pas l'appliquer. C'est encore là le vœu que j'exprime aujourd'hui et auquel, j'en suis certain, le gouvernement accordera son adhésion.

M. Coomans. - Après le double échec qu'a subi dans cette Chambre l'étrange proposition de l'honorable M. de Perceval, je ne m'attendais pas à le voir affronter aussi courageusement un troisième insuccès. Il est bien vrai que l'honorable M. de Perceval, la première fois, n'a pas proposé l'exécution de la loi de 1843, mais il proposait quelque chose dix fois plus absurde que cette loi même : c'était de faire payer 50 fr. par hectare de bruyère aux malheureux campinois. Cette proposition, l'honorable M. de Perceval l'a retirée à temps devant les manifestations non équivoques de la Chambre. Mais l'honorable M. David l'a reprise, et, cette fois, l'honorable M. de Perceval a pu apprécier exactement la pensée de la Chambre, c'est-à-dire que deux membres seulement ont voté pour cette proposition malencontreuse, et l'un d'eux était, si je ne me trompe, l'honorable M. de Perceval lui-même. Cette fois, la Chambre s'est nettement prononcée. Elle a reconnu l'impraticabilité de la loi du 10 février 1843. La Chambre a fait plus ; en 1851, lors du vote de la loi relative à un ensemble de travaux publics, la Chambre a décrété le prolongement, l'achèvement, le complément du canal de la Campine par deux embranchements, lesquels ont été exécutés sans les pénalités financières dont fait mention la loi du 10 février 1843.

Un dernier mot, messieurs.

Ce n'est pas à l'heure où tout le monde se plaint du prix désastreux du pain, que l'on pouvait s'attendre à ce qu'un honorable membre qui se proclame plus spécialement l'ami du peuple, vînt jeter dans cette enceinte une proposition de loi qui doit diminuer encore le rendement des céréales belges, et empêcher la Campine de se mettre au niveau des autres parties agricoles de la Belgique.

Quoi ! messieurs, il y a en ce moment, le long du canal de la Campine, encore 20,000 hectares de bruyères qui font tache sur le sol national, 20,000 hectares qui ne produisent pas 50 centimes annuellement.

Si la loi du 10 février 1843 était si avantageuse aux défrichements que le dit l'honorable membre, si cette loi, même non exécutée, offrait de si grands bénéfices aux riverains du canal de la Campine, pourquoi laisserait-on ces 20,000 hectares en friche ? Vous voyez donc que cette loi même inexécutée, même après la promesse formelle des différents ministères qui se sont succédé depuis 1843, qu'on n'exécuterait pas la loi, n'est pas assez bonne pour allécher les défricheurs. En effet, nous le savons aujourd'hui, je puis l'affirmer, les tentatives de défrichement faites depuis quelques années, ont si mal réussi qu'on ne les continue guère, parce qu'on ne les encourage pas assez ; et il est certain que des propositions du genre de celle qui est formulée ici par l'honorable M. de Perceval doivent retarder longtemps encore, doivent retarder davantage le défrichement de la Campine, c'est-à-dire le beau jour où la Belgique produira assez de pain pour ses enfants.

M. de Perceval. - Messieurs, je ne formule aucune proposition, pour le moment.

M. Coomans. - Je l'espère bien !

(page 361) M. de Perceval. - Mais je tiens à l'exécution des lois. Je crois que la Chambre a. fait, en 1843, une chose sérieuse.

M. Coomans. - Non.

M. de Perceval. - Si telle est l'opinion de l'honorable M. Coomans, je crois que cette opinion est toute personnelle, tout individuelle, et qu'elle n'aura guère d'écho dans cette enceinte.

Je prends la législature au sérieux ; je crois que quand elle fait une loi, c'est dans le but qu'elle soit exécutée. Je pose à M. le ministre des travaux publics cette question : La loi est-elle exécutable ou ne l'est-elle pas ? Si vous déclarez que les dispositions qu'elle renferme ne sont pas exécutables, je demande, au nom de la dignité du parlement, qu'on rapporte la loi. Mais je ne puis comprendre qu'une loi votée par une assemblée législative soit considérée comme une lettre morte.

Vous déclarez qu'il est impossible d'appliquer cette loi. Eh bien, proposez-en l'abrogation. Pour l'honneur du parlement, je réclame que le gouvernement tienne cette conduite.

M. de Theux. - Je ne ferai qu'une tourte observation.

Lorsque la Chambre a décrété la première section du canal de la Campine, on a effectivement imposé une contribution à payer par les propriétaires riverains. Mais lorsqu'il s'est agi d'appliquer cette disposition, il s'est élevé de toutes parts des réclamations telles que le gouvernement, après avoir institué une commission qui s'est éclairée sur les lieux, en a an moins suspendu l'exécution.

Depuis lors un fait beaucoup plus important s'est passé. Les trois dernières sections du canal de la Campine ont été décrétées par la législature, et la législature comme le gouvernement, voyant les difficultés qu'avait rencontrées l'exécution de cette rétribution à payer par les propriétaires riverains de la première section, n'ont pas trouvé à propos de l'imposer aux riverains des trois dernières sections.

Que conclure de là, messieurs ? C'est que la loi doit être considérée comme virtuellement abrogée quant à la première section. Car il serait absurde de dire que les riverains de la première section payeront et que les riverains des trois autres sections ne payeront pas, alors que les positions sont identiques.

Voilà, je crois, quelle a été la pensée du gouvernement et les motifs pour lesquels il n'a pas donné suite à la disposition de loi dont il s'agit.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - En réponse aux observations présentées tantôt par l'honorable M. de Perceval, je ferai remarquer d'abord que mon honorable collègue le ministre de l'intérieur dans le cabinet du 12 août, a critiqué en termes formels la loi à laquelle l'honorable M. de Perceval a fait allusion, qu'il a déclaré que dans son application littérale cette loi aurait constitué une injustice. Je crois, messieurs, que mon honorable collègue d'alors avait parfaitement raison, car la Chambre ne doit pas perdre de vue que, comme vient de le dire l'honorable M. de Theux, les sections décrétées depuis lors l’ont été à titre gratuit.

Ce qui est vrai pour le canal de la Campine est également vrai pour d'autres canaux : lorsque le canal de Zelzaete a été décrété, la Chambre avait également arrêté le principe de l'intervention des propriétaires riverains dans les frais d'exécution, et cette obligation légale subsiste toujours.

Elle n'a été rapportée par aucune loi.

Ce qui avait été fait pour le canal de la Campine, avait été fait également pour d'autres voies d'écoulement, mais depuis lors des lois successives sont venues compléter ces voies d'écoulement, et la même mention n'a plus été reproduite. Cependant les lois primitives subsistent.

L'honorable M. de Perceval a raison en principe : nous sommes en présence d'une loi ; il veut que cette loi soit exécutée ou rapportée. J'examinerai cette question, mais je devais m'élever contre les termes extrêmement vifs dans lesquels il a parlé de l'inexécution de cette loi comme d'une monstruosité sans nom.

- L'article 29 est mis aux voix et adopté.

Article 30

« Art. 30. Canal d'embranchement vers Turnhout. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 8,075.

« Charge extraordinaire : fr. 3,225. »

- Adopté.

Article 31

« Art. 31. Petite-Nèthe canalisée. Entretien et travaux d'amélioration.

« Charge ordinaire : fr. 11,500.

« Charge extraordinaire : fr. 10,500. »

M. Dellafaille. - Je remarque, messieurs, que le crédit de 11,500 francs présente une diminution de 500 francs sur le chiffre qui a été alloué l'année dernière.

Je demanderai que M. le ministre veuille bien, si la chose est possible, consacrer une partie de ce crédit à l'élargissement et à l'approfondissement des canaux colateurs qui se trouvent au pied des digues sous les communes d'Emblehem, Kessel, Nylen, Broechem et Lierre, et qui servent à l'écoulement des eaux qui précédemment se déversaient dans la Petite-Nèthe.

C'est un travail indispensable pour préserver ce vallon des inondations très considérables qui s'y produisent.

Messieurs, quand la province d'Anvers a cédé à l'Etat la partie canalisée de la Petite Nèthe, elle a demandé à lui céder aussi la partie de cette rivière qui se trouve entre Herenthals et le pont de Qasterlé. Cette partie est également flottable et navigable, au moins pour la petite navigation, car elle a servi dans le temps à transporter les pavés nécessaires à la route de Turnhout à Diest.

Jusqu'ici elle n'a pas été reprise par l’Etat, mais la province a fait des frais assez considérables pour faciliter l'écoulement des eaux des communes de Gheel, Lichtaert e£ Herenthals qui possèdent le long de cette rivière de riches pâturages, et qui souffrent chaque année des inondations. Ces inondations sont d'autant plus considérables, que les propriétaires des terrains irrigués déchargent les eaux dont ils n'ont plus besoin dans les ruisseaux qui sont les affluents de la Petite-Nèthe. Je demande que le gouvernement prenne cet état de choses en considération et que s'il ne peut pas reprendre la partie de la rivière dont il s'agit, il accorde au moins à la province d'Anvers un subside pour y apporter les améliorations nécessaires.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Si la partie de la rivière à laquelle l'honorable membre fait allusion est comprise dans les cours d'eau à reprendre d'après la loi de budget de l'année dernière, il m'est impossible d'accorder dès ce moment le moindre subside à là province d'Anvers ; mais si elle n'y est pas comprise, j'examinerai la question traitée par l'honorable membre. .

- L'article 31 est adopté.

Article 32

« Art. 32. Moervaert. Entretien ordinaire et travaux de dévasement.

« Charge ordinaire : fr. 1,695.

« Charge extraordinaire : fr. 2,200. »

- Adopté.

Article 33

« Art. 33. Canal de Deynze à Schipdonck. Travaux d'entretien : fr. 4,649. »

M. Maertens. - Messieurs, mon intention n'est pas de réveiller le débat qui a eu lieu dans la séance d'hier, car le gouvernement et la Chambre, sauf quelques rares exceptions, sont, je pense, complètement d'accord sur la marche à imprimer aux travaux qui ont pour objet de remédier aux inondations de la Lys et de l'Escaut. Je veux seulement insister sur une partie du discours de mon honorable ami M. T'Kint de Naeyer qui, dans la discussion d'hier semble être passée complètement inaperçue.

Il résulte d'une note insérée au rapport de la section centrale qu'il y a une insuffisance de 1,200,000 fr. pour faire face aux engagements déjà contractés pour l'exécution d'une partie du canal de Schipdonck, ce qui nous fait craindre que les travaux de la campagne prochaine ne soient poursuivis avec trop peu d'activité.

Ce qui justifie davantage nos craintes, c'est une phrase de la note, fournie par le gouvernement, d'où il résulte qu'il se réserve la fixation des époques auxquelles commencera chacun des travaux pour lesquels des engagements ont déjà été contractés.

Il me semble, messieurs, que cette stipulation donne au gouvernement un moyen dilatoire pour reculer les travaux comme il l'entend ; j'espère qu'il n'en abusera pas et que l'on continuera les travaux pendant l'année 1855. Si le gouvernement devait user de la latitude qu'il semble s'être réservée, il pourrait arriver que durant l'année 1855 aucun travail ne fût exécuté sur le canal de Schipdonck, ou, au moins, qu'on n'y travaillât que sur une échelle extrêmement réduite.

J'espère que M. le ministre nous donnera à cet égard pleine et entière satisfaction.

J'espère aussi, messieurs, que dans la prochaine session, le gouvernement demandera à la Chambre les crédits nécessaires pour l'achèvement de tous ces travaux. Lorsque nous insistâmes, il y a deux ans, plusieurs de mes honorables collègues et moi, sur l'urgence de l'achèvement du canal de Schipdonck, on nous répondit que les études préparatoires n'étaient pas faites, qu'il fallait attendre que le travail des ingénieurs fût parvenu au département des travaux publics.

Maintenant on ne peut plus exciper de cette fin de non-recevoir : toutes les études sont achevées, et les devis sont sous nos yeux ; j'espère que le gouvernement, en tenant compte de l'urgente nécessité de l'exécution complète de ces travaux, viendra solliciter les crédits indispensables à leur achèvement.

Revenant donc à la seule observation que je voulais présenter, je désirerais savoir si l'impossibilité, dans laquelle le gouvernement se trouve, de pouvoir satisfaire à des obligations définitivement contractées n'aura pas pour résultat de faire cesser les travaux pendant la campagne prochaine.

J'espère que M. le ministre voudra bien s'en expliquer positivement.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je puis répondre d'une manière satisfaisante à la question qui m'est posée ; je puis déclarer, en effet, à la Chambre que l'insuffisance qui résulte de la note insérée dans le rapport de la section centrale n'arrêtera nullement les travaux qui sont adjugés ; je crois que c'est là la déclaration importante à faire. Je ne suis pas en position d'en faire une qui engagerait plus spécialement et plus directement le gouvernement.

Les honorables préopinants comprendront qu'il s'agit ici d'exminer la sîtuation au point de vue de l'ensemble, et non pas seulement au point de vue de telle ou telle localité. Ce que j'ai promis, il y a un an, il y a deux ans, il y a trois ans, lorsqu'il s'est agi, dans cette enceinte, du canal de Schipdonck, je l'ai tenu scrupuleusement ; j'ai déclaré que la cause du retard n'était nullement imputable à l'administration, qui n'aurait pas à temps misl es travaux en adjudication ; qu'elle provenait d'un fait indépendant de tout le monde, à savoir que lorsqu'on a décrété le canal de Schipdonck, il n'y avait pas un coup de crayon de donné, qu'il a fallu étudier ce canal sur un parcours de huit lieues, que, malgré toute l'activité des ingénieurs, malgré toute l'assistance que leur a prêtée l'administration, en mettant à leur disposition un personnel supplémentaire, on n'a pu que plusieurs mois après le vote de la loi, mettre des travaux en adjudication.

La déclaration que j'ai faite alors, je puis la renouveler aujourd'hui ; j'ai déclaré alors, que les travaux seraient exécutés avec toute la célérité désirable, qu'on ne ferait pas ce qu'on a toujours fait avant nous, c'est-à-dire décréter des travaux et en arrêter l'exécution.

J'ai sous les yeux un tableau des divers canaux qui ont été exécutés en Belgique depuis 1830 : canal de la Campine, canal latéral à la Meuse, canal de Zelzaete à la mer, canal de Deynze à Schipdonck (première section) ; eh bien, il résulte de ce tableau que, pour le canal de Zelzaete, le premier crédit remonte à l'année 1842 ; qu'on a mis huit campagnes à faire les deux premières sections de ce canal ; qu'on y a consacré huit lois spéciales ; que le crédit de 4,500,000 fr. qui a été alloué, l'a été en huit fois.

Pour le canal de la Campine, il y a eu dix lois spéciales ; pour le canal latéral à la Meuse, cinq lois spéciales ; pour le canal de Deynze à Schipdonck, six lois spéciales ; l'on a donc échelonné sur plusieurs exercices l'exécution de ces travaux, je dirai formidables, qui auraient grevé le budget des voies et moyens d'une manière exorbilantes, si l'on avait voulu accumuler tous les millions qu'ils nécessitaient.

Rentrant plus spécialement dans la discussion qui fait l'objet de l'interpellation, je dirai que le gouvernement a eu tellement à cœur l'exécution de cette voie d'écoulement qui intéresse si directement les Flandres, qu'il a essayé même de mettre deux sections en adjudication. Si les travaux de la section entre Damme et la mer n'ont pas été définitivement adjugés, c'est parce que j'ai reculé devant les dépenses qu'il aurait fallu imposer au trésor.

Il y a eu deux adjudications ; chaque fois les soumissionnaires ont présenté des sommes qui dépassaient de beaucoup le montant des estimations. J'ai lieu de croire que les chiffres élevés qui ont été produits par les soumissionnaires, l'ont été à raison de l'immense quantité de travaux qui s'exécutent dans le pays, à raison des circonstances calamiteuses que nous traversons ; tout le monde sait que tous les objets, y compris les salaires, ont subi une hausse considérable.

Pour ce qui concerne la section de Schipdonck à Maldegem, le montant des estimations était de beaucoup inférieur au chiffre des soumissions les plus basses, et cependant je n'ai pas hésité à passer outre et à approuver le contrat.

Maintenant je prie l'honorable député de Gand de ne pas perdre de vue que s'il y a des engagements, les fonds ne sont pas épuisés. Il y a des travaux en cours d'exécution ; et sur le crédit de 2,500,000 fr. qui a été alloué par la loi du 20 décembre 1855, il reste plus de 1,200,000 fr. dans les caisses de l'Etat.

L'écluse de mer qui a été adjugée l'année dernière, doit être achevée le 31 décembre 1855 ; la section qui à été adjugée entre Schipdonck et Malecgem doit être terminée 18 mois après l'ordre donné à l'entrepreneur de commencer les travaux ; eh bien, si j'étais dans l'impossibilité d'acquérir les terrains nécessaires pour l'exécution des travaux de terrassement adjugés, force me serait de venir demander sur l'heure de nouveaux crédits ; mais le gouvernement ne se trouve pas dans ce cas.

En résumé, je puis affirmer que les travaux continueront sans interruption. Quant à la question de savoir si, dans le cours de la session, te gouvernement présentera un nouveau crédit, je prie l'honorable membre de me permettre de me réserver sur cette question pour le moment, je n'en suivrai pas moins, avec toute la bienveillance que comporte cet objet, l'examen des demandes qui me sont adressées, et, dans le cours de cette session, les honorables membres auront l'occasion de revenir sur l'objet qui excite leurs légitimes préoccupations.

M. Manilius. - Messieurs, d'après les détails que vient de nous donner M. le ministre des travaux publics, il me semble à moi, comme il semble à tout le monde, qu'insister davantage est inutile.

M. le ministre l'a dit franchement : « les travaux sont étudiés, les devis estimatifs sont préparés, on pourrait mettre la main à l'œuvre, mais j'ai été arrêté par les sacrifices exorbitants que l'exécution de tous les travaux imposerait au trésor public. »

L'aveu est très loyal : c'est une question d'argent qui empêche qu'on ne continue les travaux restant à exécuter. Que faut-il faire en présence d'une pareille déclaration ? Il ne nous reste qu'à faire en quelque sorte un appel suppliant à la législature, en nous appuyant sur les paroles qui viennent de sortir de la bouche de M. le ministre des travaux publics, et qui démontrent l'impérieuse nécessité de faire cesser le fléau des inondations dans trois provinces, qui établissent l'obligation d'accélérer un travail qui ne peut pas marcher simultanément à cause des dépenses ; il ne nous reste plus qu'à solliciter l'intervention de la législaiure, et la conjurer de créer un fonds de guerre, un fonds spécial pour faire face à une dépense dont l'extrême urgence est incontestable et incontestée. Quoi ! se retrancher derrière une question d'argent, quand il s'agit de faire cesser un si terrible fléau ?

Quand il y a des épidémies, n'avez-vous pas des hôpitaux ?, Pour une guerre intestine, est-ce que vous ménageriez les deniers de l'Etat ? Eh bien, dirais-je au ministre des travaux publics, demandez un denier de guerre pour les inondations, et on vous l'accordera.

Messieurs, je le répète, car comme j'ai commencé je dois finir, il ne nous reste qu'à solliciter de meilleures dispositions de la part du gouvernement devant l'impérieuse nécessité ; car c'est l'impérieuse nécessité qui a arraché cette loi à la majorité de la Chambre. Quand vous venez parler de tout ce que vous avez fait pour la Campine, vous ne devriez pas résister à notre légitime demande ; là vous avez fait beaucoup de choses, vous avez amélioré le pays ; est-ce qu'il ne s'agit pas ici d'améliorer le pays ? Il s'agit de sauver trois provinces d'inondations perpétuelles et périodiques qui viennent les assaillir souvent au milieu de la moisson.

Mais comment combattre devant un ministre qui se récuse, qui décline ses moyens, ses forces, en l'absence de celui qu'on pourrait attaquer plus directement, qui est l'obstacle, qui vient dire du commencement à la fin de la session que le trésor est dans l'embarras, qui ne cesse de jeter la crainte, l'effroi dans vos esprits en répétant sur tous les tons que le budget des voies et moyens ne suffira pas aux dépenses qu'on veut décréter ; mais qui, lorsqu'il présente la situation du trésor, vous donne des résultats tout contraires ! Au lieu de déficit il vous présente des recettes dépassant de plus de 4 millions les prévisions, mais on n'en a pas moins en attendant repoussé des dépenses utiles.

Je pourrais ainsi faire valoir une suite d'autres motifs qui sont des griefs, mais je ne le ferai pas ; je me contenterai de demander que le gouvernement prenne une mesure, non dans l'intérêt des Gantois, mais dans l'intérêt de Courtrai et de Tournai, dans l'intérêt de trois grandes et populeuses provinces qui sont les plus riches de notre pays, qui payent le plus d'impôts et méritent pour cela un égard au moins égal ; cependant on leur alloue avec peine 1,500,000 fr., quand à une autre province on alloue 8 millions.

Pourtant, en allouant ces 8 millions on n'a pas dit qu'on les avait disponibles. Mais on a dit que le trésor les fournirait. Pour pouvoir les fournir comment a-t-on fait ? On a contracté un emprunt. A-t-on dit que le produit de l'emprunt devait servir à cela ? Non, mais les crédits sont ouverts, les dépenses se feront sans votes nouveaux. Pourquoi, n'agit-on pas de la même manière pour le canal de Schipdonck à la mer, qui doit porter remède à tant de maux, mettre trois provinces à l'abri des inondations ? .,

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Manilius. - Je suis heureux d'entendre l'honorable M. Dumortier demander la parole, car je le croyais absent.

L'honorable membre est sans doute touché des sympathies qu'il m'entend exprimer et pour la province qu'il habile et pour celle dont il est le député,

Je suis sûr que l'honorable M. Dumortier applaudira à mes efforts pour faire activer les travaux sur toute la ligne, c'est-à-dire avec toute la promptitude qu'exige un pareil travail qui a été reconnu devoir être fait simultanément et qui ne peut s'exécuter qu'on y apportant vigueur, force, résolution, empressement.

Or, pour apporter cette force, cette vigueur, il faut avoir le grand nerf, l'argent ; si on vote de l'argent, au lieu de mettre 5 ou 6 ans, on fait le travail en un an.

L'honorable M. Dumortier serait satisfait, il ne demande rien de plus que de voir travailler partout, en haut, en bas, à Melle, à Zwynaerde. Je dis avec lui : Faites cela, mais faites en même temps les autres travaux de la même combinaison, ne les ajournez pas éternellement. Mettez la main à l'œuvre sur toute la ligne.

Il faut pour cela que les honorables députés du Hainaut, et que votre honorable collègue des Flandres, M. Dumortier, nous viennent en aide et disent avec nous : Tous ces travaux sont votés, ils sont urgents, nous nous joignons à vous tous, Gantois, pour demander qu'on se procure beaucoup d'argent, tout l'argent nécessaire pour les exécuter sans plus de délai.

En parlant ainsi je n'aurai rien à redouter, j'en suis certain, pour la cause que je défends, de ce que va dire après moi l'honorable M. Dumortier ; je suis convaincu qu'il se ralliera à nous.

M. Dumortier. - C'est une chose toujours pénible pour un membre de la Chambre de voir que, lorsqu'un grand intérêt est en jeu, lorsqu'il s'agit de faire cesser une calamité publique, les fonds destinés à faire face à la dépense soient, par une subtilité et une habileté de calcul que je ne puis trop admirer chez mes honorables adversaires, détournés de leur but primitif et appliqués dans un intérêt particulier de ville ou de province ; c'est vous dire que je suis loin de répondre à l'invitation que m'a adressée l'honorable M. Manilius, d'appuyer de tous mes moyens l'allocation de la somme qu'il demande pour l'achèvement du canal de Schipdonck.

D'où est venue la nécessité de la dépense que nous sollicitons ? D'un mal causé par le gouvernement à la vallée de l'Escaut. Il y a donc nécessité pour lui de réparer ce mal.

Permettez-moi de vous rappeler ce que disait mon honorable ami M. Desmaisières, tout en me combattant, c'est que la situation de la Lys et celle de l'Escaut sont différentes ; sur l'Escaut, pour favoriser l'intérêt français, on avait consenti à l'élargissement de l'écluse d'Antoing ; (page 363) ayant vu les immenses désastres qu'avait causés cette concussion, quand le gouvernement français vint demander qu'on opérât de la même manière sur l'écluse de Menin, à l'entrée de la Lys en Belgique, le gouvernement, qui avait donné son assentiment à l'élargissement des écluses à l'entrée de l'Escaut, l'avait refusé pour la Lys ; il en est résulté cette position différente que la Lys se trouve, quant aux inondations, dans le même état qu'il y a un siècle, et que l'Escaut se trouve dans une position différente par le fait du gouvernement belge.

Maintenant, c'est à lui de porter remède à des désastres causés par sa faute sur les propriétés riveraines de l'Escaut. Qu'a-t-on fait jusqu'ici pour cela ? On est venu faire un canal pour décharger les eaux de la Lys ; par une subtilité admirable on est venu soutenir que ce déversement amènerait le soulagement de l'Escaut.

Ah ! je le comprendrais fort bien si la Lys se jetait dans l'Escaut...

M. Delehaye. - C'est ce qu'elle fait.

M. Dumortier. - Je le sais ; mais laissez-moi achever ma phrase : Je le comprendrais fort bien, dis-je, si la Lys se jetait dans l'Escaut en amont de Tournai. Mais il n'en est point ainsi : ce ne sont pas les eaux de la Lys qui causent les inondations du haut Escaut, puisque la Lys se jette dans l'Escaut, à vingt-cinq lieues de parcours en aval de Tournai. De manière que tous les calculs de l'honorable membre, quant à l'Escaut, reviennent à ceci : Vous avez des inondations à Liège, dérivons la Roer et vous n'aurez plus d'inondations. Vous avez des inondations à Dinant, dérivons la Sambre, et vous n'aurez plus d'inondations.

Si l'on disait : Dérivons la Sambre, vous aurez moins d'inondations à Liège, je le concevrais. Mais ce n'est pas cela. La Lys se jette dans l'Escaut 25 lieues plus bas que Tournai, et l'on prétend que la dérivation de ce cours d'eau préservera des inondations Tournai qui est de 35 lieues plus haut ! Vous avez des inondations à Bruxelles. C'est comme si l'on disait à nos honorables collègues de Bruxelles qui se plaignent de ces inondations, et ils ont raison : Dérivez la Nèthe, la Dyle, et vous n'aurez plus d'inondations à Bruxelles.

Voila le calcul, jugez-le. J'indique justement l'analogue à ce que vous demandez. Lorsque vous prenez les eaux de la Lys, à Deynze, à dix lieues de parcours au-dessus de Gand, et que vous prétendez mettre ainsi la vallée du haut Escaut à l'abri des inondations, vous commettez une grande erreur, et il s'en faut bien, permettez-moi de vous le dire, que par de telles mesures vous donniez satisfaction aux localités qui sont victimes des inondations.

Mon honorable collègue et ami M. Vander Donckt vous disait hier : La Lys n'existerait pas, vous la supprimeriez entièrement, que les inondations de l'Escaut continueraient, parce que là n'est pas le mal, il est ailleurs. Comment les choses se passent-elles en effet ? Chaque année, jusqu'en juin, même quelquefois jusqu'en juillet, jusqu'en juin toujours, les magnifiqucs prairies de la vallée de l'Escaut sont sous l'eau. Je ne parle pas de quelques bas-fonds, mais de toute la vallée ! Voilà ce qui se passe depuis 20 ans, périodiquement chaque année ? Et vous prétendez que les députés de ces localités ne se plaignent pas d'aussi grands malheurs, alors qu'ils sont occasionnés par le gouvernement !

S'il m'était démontré que la dérivation de la Lys fût un avantage pour la vallée de l'Escaut, je n'y ferais pas d'opposition. Je voudrais d'abord que l'on trouvât un moyen un peu plus économique ; car nous avons à voir l'intérêt du trésor public, et la dérivation de la Lys n'est qu'un prétexte pour demander au trésor public millions sur millions. Mon devoir, comme député, est de m'opposer à des dépenses aussi exagérées.

M. T'Kint de Naeyer. - La dérivation est décidée.

M. Dumortier. - Vous vous fondez sur ce que le principe de la dépense a été décrété. Mais la Chambre n'a pas décrété la continuation ; et lorsque vous venez demander au gouvernement des sommes aussi considérables, j'ai le droit et le devoir d'examiner votre demande.

Comment ! vous demandez 8 millions pour dérirer la Lys ? Que représente cette somme ? Avec les frais de l'emprunt, l'intérêt et l'amortissement, cela équivaudra à un demi-million par an, dont vous chargez le budget. Avec quelques centaines de mille francs prélevés sur le budget annuel, avec une somme égale à celle dont l'emprunt grèvera le budget une année, il vous serait facile de pourvoir à cette dépense. Quand l'intérêt du trésor est en cause, mon devoir est de parler. Il m'eût été agréable d'appuyer mes honorables collègues, d'admettre cette dépense. Mais il est un devoir auquel je ne faillirai jamais : c'est de défendre le trésor public.

Pensez-vous que ces millions que vous versez dans les canaux ne sont pas une lèpre pour le trésor public ?

Vous faites si bien les affaires des localités, que le trésor public ne pourra plus suffire à de telles dépenses. A quoi devrez-vous en venir ? A une série d'impôts nouveaux ; car il faut toujours en venir là.

Je crois qu'il faut être extrêmement sobre de dépenses de travaux publics. Nous sommes dotés d'un corps des ponts et chaussées, et c'est une des plus grandes calamités de la Belgique. Il eût été bien avantageux pour notre pays de n'avoir que des ingénieurs civils comme en Angleterre ; car ce corps des ponts et chaussées, toujours prêt à faire de grandes choses, des choses dispendieuses, ces hommes qui veulent se faire un nom, acquérir de la gloire, de l'honneur en faisant des créations, aux dépens de qui le font-ils ? Aux dépens du contribuable, aux dépens du trésor public. C'est le devoir de la législature de les arrêter. Nous savons ce que nous ont coûté vingt années de travaux publics. C'est notre devoir d'arrêter le gouvernement dans cette voie.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne veux pas rentrer dans le fond du débat ; la Chambre comprendra que je ne puis revenir sur une question qui a été traitée vingt fois et qui vingt fois a été résolue contre l'honorable M. Dumortier.

Quand l'honorable M. Dumortier prétend que le prolongement du canal de Deynze jusqu'à mer n'a pas été virtuellement décrété, je réponds qu'il a été explicitement décrété ; je le renvoie tout simplement à la loi des travaux publics, qu'il a votée lui-même.

M. Dumortier. - Je ne l'ai pas votée.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cette loi porte « Premier crédit de 2,500,000 francs pour le prolongement du canal de Deynze à Schipdonck vers la mer à Heyst. Il est impossible d'être plus explicite, et il a été entendu parfaitement que les 2,500,000 franc n'étaient qu'un à-compte. Cela a été décidé formellement.

Que répondre à l'honorable M. Dumortier lorsqu'il qualifie de lèpre nos travaux publics et de calamité notre corps des ponts et chaussées ? En ce qui concerne les travaux publics, je ne ferai qu'une seule observation.

Je pourrais rentrer dans le fond du débat et prouver que l'opinion de l'honorable M. Dumortier ne peut soutenir l'examen. Je ne citerai qu'un fait : c'est que depuis 1830 jusqu'à la fin de 1853 la Belgique a consacré à l'exécution de routes, canaux et chemins de fer de toute nature un capital de 265 millions, qu'en 1853 ce capital produisait net au trésor 11 millions, déduction faite des 13 millions que nécessite la surveillance, l'exploitation et l'entretien de ces voies de communication de toute nature.

Je demande si l'on peut qualifier de lèpre les dépenses que la Belgique a faites pour ses travaux publics qui sont pour quelque chose dans l'admiration qu'elle inspire à l'étranger.

Pour le corps des ponts et chaussées, je suis heureux de dire qu’à chaque instant, l'étranger et des sociétés concessionnaires nous demandent qu'on leur assure le concours de ces ingénieurs que l'honorable membre traite avec un dédain superbe, et qui, à tous égards, sous le rapport de la probité et des capacités, sont dignes de l'estime et de la considération publiques.

Je ne comprends pas comment il est possible, quand on a suivi avec quelque attention les dépenses énormes, je dis le mot, auxquelles ont donné lieu chez nous et dans d'autres pays les travaux concédés, on vienne sérieusement soutenir que les ingénieurs des ponts et chaussées se trompent de millions, accumulent millions sur millions. Que l'honorable M. Dumortier me cite en Angleterre un seul chemin de fer qui, en réalité, n'ait pas coûté beaucoup plus que les prévisions des dépenses et alors je rencontrerai le fond même de la question que l'honorable membre n'a fait qu'effleurer.

M. Dumortier. - Messieurs, M. le ministre des travaux publics se pose sur un terrain très singulier. Il vient prétendre que les travaux publics vous rapportent ce qu'ils ont coûté. Eh bien, je lui demanderai d'abord ce que nous rapportent tous les canaux de la Campine, ce que nous rapporte la dérivation de la Meuse, ce que nous rapporte et ce que nous rapportera le canal de Schipdonck dont je vous ai parlé tout à l'heure ; je demande ce que tous ces travaux ont rapporté rien, absolument rien.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Ils enrichiront le pays.

M. Dumortier. - Ils enrichiront le pays, mais ils n'enrichiront pas le trésor public. Vous pouvez très bien faire les affaires du pays et ne pas faire celles du trésor public. Voilà, messieurs, ce que je vous ai dit et ce que je ne cesserai de vous répéter.

J'ajouterai que depuis que nous sommes dans cette enceinte, nous avons été sans cesse témoins de ce scandale public, de voir les ministres successifs (et je ne les en accuse pas, mais j'en accuse les auteurs de la position dans laquelle ils sont placés), de voir, dis-je, les ministres successifs nous présenter tous ces travaux comme ne devant pas côuter à beaucoup près ce qu'ils ont coûté.

Ainsi, quand il s'est agi du canal latéral à la Meuse, on nous disait qu'il coûterait 4 millions. Si ma mémoire est fidèle, il en a coûté 8.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - On en a dit les raisons.

M. Dumortier. - On n'a pas dit de bonnes raisons. Car ceux qui faisaient les devis devaient nous faire connaître la vérité.

Quand on est venu proposer la construction du chemin de fer, savez-vous à quel chiffre était estimée la section de Liège à Verviers ? Elle ne devait coûter que 2,240,000 fr. Elle a coûté 30,000,000.

Voilà comment on vient, depuis longtemps, tromper la Chambre en matière de travaux publics. Eh bien, c'est un devoir pour moi de dire ici que ce système est un système injustifiable, un système inqualifiable et que je ne puis assez blâmer.

Messieurs, je n'entends pas du tout prétendre que les ingénieurs des ponts et chaussées sont des hommes incapables. Je rends volontiers hommage à leurs capacités. Mais, je demanderai par exemple, à M. Jl ministre des travaux publics, qu'il me dise s'il accepte maintenant pour lui la responsabilité de tout ce qui a été dit dans cette enceinle, de tout ce qui a été écrit sur le chemin de fer de Dendre et Waes. Quand on nous a présenté ce chemin de fer, ce devait être une source de bénéfices énormes pour le pays. Et qu'arrive-t-il aujourd'hui ! C'est que personne ne veut en être le parrain.

Voilà, messieurs, des abus. J'ai le droit de les signaler ; j'use de mon (page 364) droit quand je le fais et je désapprouve formellement la conduite du ministère lorsqu’il vient prendre la défense de pareils abus.

Lorsque les ingénieurs viennent ici nous présenter des devis, ces devis doivent être sincères. Eh quoi ! au ministère de la guerre, jamais il n'arrive qu'un devis soit dépassé, on fait des constructions considérables ; les devis sont toujours sérieux.

- Un membre. - Et les fortifications d'Anvers ?

M. Dumortier. - Si l'on augmente plus tard le nombre des bastions, c'est une autre affaire. Mais les devis ne sont pas dépassés. Il n'y a pas d’exemple qu’au ministère de la guerre une dépense se soit élevée au-delà des devis, tandis qu’au ministère des travaux publics, on nous donne constamment, incessamment, des devis qui sont fautifs ; et je sais que des ingénieurs ont été jusqu’à dire : Si nous vous avions dit la vérité, vous n’auriez pas voté la dépense. Cela m’a été dit à moi-même. Et quand je connais de pareils abus, pensez-vous que je faillirai à mon devoir et que je ne viendrai pas les signaler à la Chambre ?

Oui, messieurs, je le répète, il eût beaucoup mieux valu pour la Belgique d'avoir des ingénieurs civils. Nos travaux publics se seraient faits plus lentement peut-être, mais ils se seraient faits. Ou les travaux qui ont été exécutés étaient bons, ou ils étaient mauvais. S'ils étaient bons, il n'était pas nécessaire que le gouvernement s'en chargeât ; s'ils étaient mauvais, il ne fallait pas les entreprendre.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable M. Dumortier ne comprend pas que lorsqu'il s'agit de travaux qui ont pour résultat de soulager les propriétés, de travaux d'évacuation, ces travaux ne sont pas concessibles. Si l'honorable membre entend soutenir en principe qu'on ne devait pas faire le canal de Zelzaete, qu'on ne devait pas faire des travaux à l'Escaut, à la Lys, à la Meuse, il aura au moins le mérite d'avoir produit un système ; mais dans ce cas, je demande comment il mettra son opinion d'aujourd'hui en harmonie avec les actes de la législature et l'opinion qu'il a émise hier.

M. Dumortier. - Le gouvernement a fait le mal, il doit le réparer.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, ces travaux ont une influence que je caractériserai par un seul exemple. On a exécuté le canal de Zelzaete, Eh bien, il est constant, il est démontré que les 20,000 hectaes de terrain qui ont été soulagés par l’exéctution de ce canal, ont augmenté leur produit d'un tiers. Voilà l'influence des ? travaux que ne comprend pas PhonoriBle M.- Dumortier.

Mais, dit l'honorable membre, il faudrait faire comme en Angleterre ; il faudrait avoir des ingénieurs civils ; il faudrait concéder tous tes travaux.

Lorsque nous serons comme en Angleterre, lorsque nous aurons en Belgique de grandes fortunes, de grands capitaux, un esprit d’association qui permettent au gouvernement de concéder tous les travaux productifs, alors peut-être nous ferons en Belgique comme en Angleterre. Mais nous n'en sommes pas là.

L'honorable M. Dumortier dit encore ; Le corps des ingénieurs s’est trompé dans l'affaire du chemin de fer de Dendre-et-Waes, ; c’est une affaire dont le gouvernement n'oserait plus accepter la responsabilité. Je réponds que le corps des ingénieurs n'est pas responsable de cette concession ; que ce n'est pas le corps des ingénieurs qui a proposé cette construction ; que c'est le gouvernement, et si l'honorable membre entend engager une discussion sur cette question spéciale, je me fais fort de démontrer qu'elle n'est pas aussi défavorable pour le gouvernement que le prétend l'honorable membre.

En ce qui concerne le canal latéral à la Meuse, il est vrai que dans le principe on avait indiqué une dépense de 4 millions, et même, si ma mémoire est fidèle, de 4,500,000 fr. C'était l'évaluation de l'honorable M. Dechamps, qui était alors ministre des travaux publics.

Mais il a été démontré que la cause des mécomptes, que la cause des dépenses extraordinaires qu'a nécessitées l'exécution du canal latérail, tiennent à des raisons complètement étrangères à l'administration du corps des ponts et chaussées.

On ne s'est pas trompé sur la dépense à faire pour les travaux proprement dits, sur le coût des ouvrages d'art ; mais il y a eu mécompte sur la valeur des terrains. Lorsqu'il s'est agi de payer ces terrains, on a eu à débattre les contestations avec les propriétaires devant les tribunaux étrangers. C'est sur ce point spécialement qu'ont porté les mécomptes, et c'est à raison de ces circonstances que le travail a coûté 7 millions au lieu de 4.

- L'article 33 est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.