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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 30 mai 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Vermeire procède à l'appel nominal à midi et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le baron de Poederlé réclamé l'intervention de la Chambre pour obtenir la restitution de droits de succession qu'il a indûment payés. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs fabricants et négociants à Gand prient la Chambre d'accorder aux sieurs Delaveleye et Moucheron la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand, et aux sieurs de Haussy et Rasquin celle d'un chemin de fer de Marchienne à Jurbise. »

- Même renvoi.

M. Manilius. - Messieurs, nous sommes à la fin de la session, et de nouvelles pétitions arrivent tous les jours à la Chambre. Je demande qu'enfin le gouvernement veuille se décider à trancher la question de savoir s'il faut, oui ou non, admettre la demande de concession d'un chemin de fer du Couchant de Mons et du Centre vers Gand. Je ne demande pas un prompt rapport ; mais je demande que M. le ministre des travaux publics veuille nous donner quelques apaisements avant que nous nous séparions. Il me semble que la question doit être mûre. Deux ou trois demandes de concession, très sérieuses, sont faites. Elles émanent de compagnies solvables qui sont prêtes à verser les fonds qu'on exige comme garantie. Il est donc temps de résoudre la question, qui intéresse à un très haut degré le pays. Ce sont ici des travaux publics qu'on nous offre gratuitement, et pour lesquels pas un centime ne doit sortir du trésor. Il ne s'agit pas ici de discuter pendant quinze jours pour sa voir s'il y a lieu de voter quelques fonds ; il ne s'agit que d accueillir auec empressement les offres qui sont faites, et on ne peut que s'applaudir de la fortune qui est mise à notre disposition.

Je prie M. le ministre des travaux publics de se mettre en mesure de nous donner la satisfaction que nous demandons. Il est urgent que nous ayons une communication rapide et convenable avec le Couchant de Mons comme avec le centre des charbonnages du Hainaut.

M. Vander Donckt. - Je suis tout aussi pressé que l'honorable préopinant d'avoir la solution de cette question ; mais il n'ignore pas que plusieurs demandes de concessions se trouvent en présence, et que l'honorable ministre a déjà répondu à plusieurs reprises qu'il fallait étudier et mûrement étudier la question avant de prendre une décision ; il a même ajouté qu'on ne s'était jamais repenti de s'être décidé trop lentement, mais qu'on avait très souvent regretté d'avoir pris une décision trop prompte. Il y a un ancien proverbe latin qui dit : « Sat cito si sat bene ».

Je demande qu'on laisse au gouvernement le temps de bien mûrir la question avant de prendre une décision ; des intérêts majeurs d'une très haute importance sont en jeu pour certaines localités et il importe de ne sacrifier aucun intérêt. Il reste à rendre à ces localités une justice tardive. Je me borne donc à recommander cette observation à l'attention toute spéciale du gouvernement.

M. Manilius. - L'honorable préopinant est d'accord avec moi ; il est pressé comme moi. Il demande seulement qu'on examine la question ; mais il me semble qu'on a eu assez de temps jusqu'ici pour l'examiner. Tout examen doit avoir une fin ; on n'étudie pas toute sa vie, et l'honorable membre doit le savoir ; je suis bien certain qu'il ne poursuit plus guère les études qu'il a faites autrefois pour se mettre en pratique.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, j'appuie de toutes mes forces les observations qui ont été présentées par l'honorable M. Manilius. Je ne demande pas que le gouvernement prenne une décision sans avoir fait des études préalables ; mais ces études durent depuis plusieurs années, et, comme l'a dit l'honorable M. Manilius, il faut qu'elles aient un terme. On ne peut pas étudier éternellement, ce n'est pas le moyen d'arriver à un résultat.

J'ajouterai que les anciens axiomes cités par l'honorable M. Vander Donckt ne sont guère propres à doter le pays de nouvelles voies de communication.

Voici, messieurs, la véritable situation des choses. Plusieurs projets, dont l'utilité publique est incontestable, se trouvent en présence et tous doivent être exécutés à l'aide des capitaux de l'industrie privée, sans aucune garantie d'intérêt de la part du gouvernement.

Par conséquent la question à résoudre est excessivement simple, quand on la place sur son véritable terrain. En effet, qu'on accorde toutes les concessions demandées, il en résultera qu'on exécutera le projet qui offre le plus d'éléments de réussite, parce qu'il est destiné à desservir les intérêts les plus importants et les plus nombreux ; et je crois que cela est de toute justice, car il serait impossible de justifier des sympathies qui auraient pour résultat d'écarter ou du moins de faire languir le projet qui se présente dans les conditions les plus favorables, pour donner des chances de réussite à un autre projet, destiné peut être à favoriser quelques localités, mais qui ne peut soutenir la concurrence au point de vue de l'intérêt général et dont l'infériorité est tellement évidente que les demandeurs en concession posent comme condition le rejet de la demande en concession du projet concurrent.

Des prétentions de cette nature ne pourraient être accueillies sans une criante injustice, on méconnaîtrait ainsi de la manière la plus formelle les droits de la libre concurrence qui doivent être sacrés en Belgique. Cela reviendrait à accorder des faveurs là où il s'agit avant tout de faire justice en permettant à toutes les localités de développer les ressources qui leur sont propres et de développer en même temps la prospérité du pays.

M. Trémouroux. - Messieurs, je viens appuyer les observations qui viennent d'être présentées par les honorables MM. Manilius et de Naeyer. Il y a trois chemins de fer qui pourraient être concédés immédiatement, qui doivent relier les trois bassins houillers du Hainaut à la ville de Gand. Ce sont les chemins de fer de St-Ghislain à Gand, de Luttre à Denderleeuw et de Marchienne à la Louvière.

De cette manière, on satisfera les intérêts des producteurs et des consommateurs. On satisferait encore à d'autres intérêts bien dignes de toute votre sollicitude.

De grands travaux publics vont être achevés ; je veux parler du chemin de fer de Charleroi à Louvain, de celui de Manage à Wavre, de celui de Dendre-et-Waes, et enfin de l'aqueduc qui doit amener les eaux à Bruxelles. Avant le mois d'octobre, ces travaux seront terminés, et dans un rayon très restreint, on peut dire qu'il y aura 9,000 à 10,000 ouvriers sans travail, en présence de la cherté des denrées alimentaires. Eu concédant immédiatement les chemins de fer dont il s'agit, on donnerait de l'occupation aux ouvriers et on leur assurerait du pain pendant l'hiver.

- L'incident est clos.


« Le conseil de prud'hommes de Saint-Nicolas demande la révision de la loi relative aux conseils de prud'hommes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les employés inférieurs du service actif de la douane à Tirlemont demandent une augmentation de traitement.

‘Même demande des employés de la douane à Hevremont. »

- Même renvoi.


« Par messages du 29 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté ;

« 1° Le projet de loi qui proroge l'article premier de la loi du 12 avril 1835 concernant les péages sur le chemin de fer de l'Etat ;

« 2° Le projet de loi qui autorise le gouvernement à céder de la main à la main, à la ville de Lierre, quelques terrains de fortifications de cette place ;

« 3° Le projet de loi qui alloue au département de la justice un crédit supplémentaire de fr. 950,000 ;

« 4° Le projet de loi concernant des crédits supplémentaires aux budgets du département de la justice des exercices 1854 et 1855 ;

« 5° Le projet de loi sur les poids et mesures. »

- Pris pour notification.


« M. de Man d'Altenrode demande un congé de deux jours. »

« M. Calmeyn demande un congé de quelques jours. »

- Les congés sont accordés.

Rapports sur des pétitions

M. Visart, au nom de la commission permanente de l'industrie. - Messieurs, j'ai l’honneur de déposer le rapport sur la pétition d'un très grand nombre d'habitants de Courlrai, demandant la prohibition a la sortie du bétail, du beurre et des œufs.

La commission s'est montrée défavorable à cette demande, elle propose le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

M. Rodenbach. - Je demande l'impression du rapport et la discussion à un autre jour.

- Cette proposition est adoptée.


M. Janssens. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section permanente d'industrie sur plusieurs pétitions de brasseurs de Tournai, de Courtrai, de Gand et d'autres localités, qui demandent la prohibition du houblon à la sortie.

M. Vermeire. - Les conclusions ?

M. Janssens. - La commission est défavorable à la demande et conclut au dépôt des pétitions au bureau des renseignements.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Pièces adressées à la chambre

M. de Muelenaere (pour une motion d’ordre). - On vient de faire tout à l'heure l'analyse d'une pétition présentée à la Chambre par la ville de St-Nicolas. (page 1252). Les industriels de cette localité demandent que l'on procède à la révision de l'institution des conseils des prud'hommes. Cette pétition a été renvoyée à la commission, déjà des pétitions de même nature ont été remises précédemment à la même commission.

En général, messieurs, tous les industriels considèrent cette révision comme une chose urgente. Je demanderai s’il ne serait pas possible que la commission des pétitions nous présentât son rapport avant la fin de la session actuelle. De cette manière M. le ministre de la justice serait en mesure de s’occuper de cet objet.

M. le président. - Vous demandez que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport ?

M. de Muelenaere. - Oui, M. le président.

M. Vander Donckt. - J'aurai l'honneur de rappeler à la Chambre que la commission des pétitions a déjà présenté un rapport sur cette question. Les pétitions ont été renvoyées à M. le ministre de la justice.

M. de Muelenaere. - En ce cas, je retire ma proposition.

Projet de loi accordant des crédits au département des travaux publics pour l’exécution de travaux d’utilité publique

Discussion générale

La discussion générale continue.

M. Van Hoorebeke, rapporteur. - Messieurs, la Chambre aura pu constater avec moi que, dans la discussion actuelle, la question qui domine, c'est la question d'ajournement.

Cette question a même fait l'objet de deux propositions ; l'une est celle de l'honorable M. Vandenpeereboom, l'autre est celle déposée par l'honorable M. Julliot.

Ces honorables membres ne contestent pas en principe l'utilité des travaux mentionnés dans le projet de loi.

Mais ils se fondent pour repousser ce projet pour appuyer la proposition d'ajournement, les uns (c'est la proposition de l'honorable M. Julliot) sur ce que le gouvernement devrait, avant de présenter un semblable projet de loi, indiquer les voies et mojens ; d'autres, et c'est, je crois, la pensée de l'honorable M. Vandenpeereboom, dénient au projet de loi son caractère d'impartialité, d'équité, de justice distributive, et ils en demandent également l'ajournement.

Messieurs, avant de rencontrer les considérations que ces honorables membres ont fait valoir à l'appui de leurs propositions, je dois dire quelques mots de la loi de 1851, qui a été mise en cause d'une manière assez peu bienveillante par l'honorable M. Julliot et d'une manière peu exacte, selon moi, par l'honorable membre que vous avez entendu le premier dans la séance d'hier, par l'honorable M. Vandenpeereboom.

A l'époque où la loi de 1851 a été proposée, cette loi était une nécessité.

Elle était l'expression d'une situation qui avait été léguée au gouvernement et à laquelle le gouvernement ne pouvait pas se soustraire. Celle loi est devenue depuis, et elle deviendra tous les jours davantage, par ses résultats, un véritable bienfait pour les populations.

Mais, messieurs, l'honorable M. Vandenpeerehoom a dit hier une chose qui m'a étonné. Il a dit : On a tout accordé à la province de Liège et l'on n'a accordé à d'autres provinces que des tronçons de travaux.

M. Vandenpeereboom. - Je n'ai pas dit cela.

M. Van Hoorebeke. - Vous vous êtes étonné d'une chose ; c'est qu'on eût voté tous les fonds pour la dérivation de la Meuse et qu'on n'eût pas voté l'intégralité des fonds pour les travaux dans les provinces des Flandres.

M. Vandenpeereboom. - Je ne m'en suis pas étonné ; j'ai constaté le fait, j'ai dit qu'on devait continuer les travaux commencés dans les Flandres.

M. Van Hoorebeke. - Il était inutile de constater un fait qui s'explique de lui-même. Vous n'avez pu le constater que pour lui donner une interprétation que je n'accepte pas ; et en le constatant, vous avez dû exprimer un regret, c'est qu'on n'eût pas fait pour les Flandres ce qui avait été fait pour la province de Liège.

Eh bien, je rectifie le fait, ou plutôt il s'explique par lui-même.

Lorsque le gouvernement, en 1851, a proposé pour la province de Liège l'exécution d'un travail qui était parfaitement étudié, et pour lequel tous les projets étaient définitivement arrêtés, le gouvernement a pu proposer l'intégralité de la somme qui était jugée nécessaire, il ne pouvait le faire pour les provinces des Flandres, parce que là il s'agissait de travaux pour lesquels le premier coup de crayon n'était pas donné.

Il était impossible au gouvernement de renseigner, à plusieurs centaines de mille francs près, l'importance du travail qu'il s'agissait de faire dans l'intérêt de la dérivation de la Lys, de même qu'il lui eût été impossible de se prononcer sur l'importance des dépenses que nécessiterait l'approfondissement du canal de Bruges à Gand ; il l'ignorait complètement, parce que les études n'étaient pas faites.

Du reste, il y a une autre considération ; c'est qu'effrayée des mécomptes à l'égard du canal latéral à la Meuse, la Chambre a exprimé l'opinion formelle que, pour ce qui était des travaux de dérivation à Liège, ils fissent l'objet d'une disposition exceptionnelle, et la province et la ville de Liège ayant contribué pour une notable somme dans l'exécution de ces travaux, on a, par une mention expresse dans la lot de 1851, inséré cette clause que ces travaux feraient l'objet d'un forfait absolu, et que sous aucune condition le prix d'adjudication ne pourrait être dépassé.

Mais, messieurs, ce n'est pas seulement pour le canal de dérivation de la Meuse que le gouvernement a porté dans la loi de 1851 l'intégralité des sommes jugées nécessaires. Lorsque en 1851 il s'est trouvé en position de demander la somme nécessaire pour l'exécution d'autres travaux, il n'a pas manqué de le faire.

Ainsi je demanderai à l'honorable membre si c'est uniquement en faveur de Liège qu'on a proposé les fonds pour l'élargissement des écluses de Charleroi ? Il y avait des études complètes ; le gouvernement a demandé l'intégralité de la somme.

Pour l'exécution de la troisième section du canal de la Campine, on avait fait des études complètes ; on savait que le travail comportait une dépense d'environ 4,500,000 fr. On a demandé les 4,500,000 fr.

Pour le canal d'embranchement vers Hasselt, on s'était également livré à des études complètes ; on savait quelle serait la dépense. On a demandé les 2,600,000 fr. qui étaient jugés nécessaires.

Pour l'Escaut, on avait évalué à 1,500,000 fr. l'importance des travaux que nécessitait l'amélioration de l'Escaut. On a demandé ces 1,500,000 fr.

Maintenant, pourquoi à l'égard d'autres rivières dont l'administration n'avait pas été reprise par le gouvernement, s'est-on borné à demander six cent mille francs et pourquoi n'a-t-on pas jusqu'à présent dépensé cette somme en faveur de ces rivières ? Messieurs, pour l'Yser, les Nèthes et la Senne, l'administration n'ayant pas été reprise par le gouvernement, la Chambre a exigé que le mot « subside » fût maintenu dans la loi de 1851.

C'est le gouvernement qui avait inscrit ce mot dans l'exposé des motifs, il s'agissait de donner des subsides pourl'amélioratiou de ces cours d'eau.

On a offert ces subsides aux provinces intéressées dans les travaux à faire, elles n'en ont pas voulu, elles ont prétendu que le gouvernement devait reprendre l'administration de ces rivières.

On a lutté pendant plusieurs années ; enfin en 1855, pour le budget de 1854, le gouvernement est venu proposer la reprise de ces rivières avec solidarité dans la dépense des travaux.

Si le gouvernement n'a pas fait, en faveur de l'Yser, de la Senne et des Nèthes, tout ce qu'il a la bonne volonté de faire, c'est parce qu'il n'est pas tombé d'accord avec les provinces sur la question fondamentale, la quotité d'intervention des provinces, des communes et des particuliers. Si donc ces rivières ne figurent pas dans le projet, c'est parce qu'elles ne peuvent pas y figurer.

Messieurs, on a fait au projet de loi un triple grief ; d'abord d'arriver beaucoup trop tard ; ce n'est pas à la fin d'une session qu'on devrait saisir la législature d'un ensemble de travaux, comme s'il s'agissait de travaux sur lesquels la Chambre ne s'est jamais prononcée, dont le principe d'utilité n'aurait pas été reconnu depuis nombre d'années. Le deuxième grief est tiré de ce qu'on n'a pas indiqué les voies et moyens ; le troisième est qu'il s'agit dans le projet de choses hétérogènes.

Voilà les trois objections qui ont été formulées par les honorables opposants. Je vais les rencontrer successivement. Je regrette aussi que des projets de loi, même de la nature de celui-ci, se présentent à la fin d'une session ; je serais heureux de pouvoir discuter à nouveau les travaux indiqués dans le projet de loi ; cependant il faut être juste, il faut être vrai, il ne s'agit pas de dix-huit millions qu'on va voter au pas de course, à la fin d'une session, quelques jours avant de se séparer. Il s'agit de deux millions. La Chambre reconnaîtra qu'elle a eu des discussions assez longues sur ce malheureux canal. Il s'agit ensuite de l'amélioration des côtes d'Ostende, du canal de la Campine, sur lequel je m'expliquerai tantôt, et de l'établissement d'un embarcadère à Anvers ; quant aux 16 millions restant, on peut les décomposer ; il y a des crédits supplémentaires qui se répètent tous les ans, qui devaient se produire avec plus de certitude dans des circonstances communes à toutes les administrations, quand elles se produisent sous l'influence des causes supérieures qui les ont amenées cette année.

Il s'agit d'abord d'un crédit de 9 millions pour la guerre, et j'espère que la Chambre reconnaîtra qu'il a été longuement examiné ; la discussion approfondie dont il a été l'objet témoigne de l'intérêt que toutes les sections y ont pris.

Il s'agit, ensuite, d'un crédit de 2,400,000 francs sur lequel l'honorable M. Vandenpeereboom a fait rapport. Ce n'est pas une dépense, puisque le département de la guerre a été autorisé à traiter de nouveau avec la compagnie des lits militaires. Je le retranche donc des dix-huit millions.

Il s'agit encore d'un crédit de 2,400,000 francs pour compléter l'armement de l'artillerie.

C'est l'honorable M. de Perceval qui a fait le rapport. Le projet avait été déposé dans la séance du 26 février.

Enfin, messieurs, il s'agil du projet actuellement en discussion. La Chambre admettra encore que si ce projet de loi arrive un peu tardivement, la crise ministérielle y est pour quelque chose, puisque les travaux parlementaires ont été interrompus pendant plusieurs semaines.

(page 1253) Messieurs, le second grief qui a été opposé au projet de loi, c'est qu'on n'indique pas les voies et moyens, c'est que la dépense sera encore une fois couverte au moyen de l'éternelle ressource des bons du trésor.

Messieurs, je crois que le principe qui est suivi par le gouvernement, à l’occasion du projet de loi en discussion, est le principe suivi partout, c’est-à-dire que, lorsqu’il s’est agi de doter un pays de travaux publics importants, dont l’influence doit surtout s’exercer dans l’avenir, dont l’influence doit surtout profiter aux générations futures, on a toujours admis que ce n’était pas aux ressources permanentes, aux ressources nromales, qu’il fallait demander d’en courvri la dépense, mais qu’il fallait la demander à la dette flottante et ensuite à la dette consolidée.

Il y a quelques années, lorsque le ministère de 1847 est arrivé aux affaires, il y a eu dans cette Chambre une discussion des plus importantes sur cette question, et alors tous les ministres des finances, le nouveau comme les anciens, ont été d'accord pour reconnaître ce principe.

C'est dans la séance du 2 décembre 1847 que cette discussion a eu lieu. L'honorable M. Malou était d'accord avec l'honorablq M. Frère-Orban, alors ministre des travaux publics, et avec l'honorable M. Mercier, qui avait quitté les affaires depuis quelques années. Voici ce que disait l'honorable M. Malou ;

« Je suis d'accord avec l'honorable ministre des travaux publics ; quand on devra demander des crédits pour compléter ces travaux dont je viens de parler, c'est à la dette flottante ou à la dette constituée, en d'autres termes ce n'est pas aux revenus ordinaires de l’Etat que ces sommes devront être demandées. »

Eh, messieurs, on n'a dérogé qu'une seule fois à ce principe, on y a dérogé dans ces derniers temps. C'est moi-même qui, par la voie d'une proposition formelle insérée aux budgets de 1854 et de 1855 ai demandé le complément des sommes nécessaires à l'exécution du canal de Zelzaete.

Jusqu'à cette époque on avait toujours demandé, par voie de crédits extraordinaires, les fonds jugés indispensables à l'exécution du canal de Zelzaete, et c'est à la suite d'une discussion avec mon honorable collègue des finances que j'ai consenti à introduire aux budgets de 1854 et de 1855 le million destiné à l'achèvement de cette voie de dérivation.

Mais, messieurs, le pays doit il regretter une semblable marche ?

Ya-t-il de quoi s'effrayer en voyant le système que nous suivons ? Messieurs, pour mon compte, j'ai profondément réfléchi à cette question et je demeure convaincu que, pour le passé, il n'y a aucune espèce de regret à avoir, de même que nous n'avons aucune crainte à concevoir pour l'avenir, si toutefois l'on veut agir avec prudence et échelonner la dépense sur plusieurs exercices.

En ce qui concerne le passé, voyons, messieurs, ce que nous avons fait. Nous avons dépemé du 1er janvier 1851 au 31 décembre 1853, 265 millions en travaux publics. Les recettes faites en 1853 du chef de ces travaux publics, qui ont en sur la richesse publique l'influence la plus heureuse, qui ont même accéléré d'une manière évidente les progrès de l'industrie, ces recettes se sont élevées à 24,422,000 francs, et les dépenses, y compris les frais d'exploitation du chemin de fer et les crédits supplémentaires, ne montent qu'à 12,751,714 francs, c'est-à-dire qu'il y a une recette nette de 11,651,175 francs, ce qui représente 4 1/2 p. c. du capital que nous avons dépensé.

Je ne tiens ici, je le répète, aucun compte de l'influence heureuse que ces travaux ont exercée sur toutes les branches de l'activité industrielle du pays. Je ne tiens aucun compte de cette circonstance si importante que beaucoup de ces travaux n'étaient point, par leur nature, concessibles, qu'ils n'étaient pas susceptibles de produits directs, et que beaucoup d'autres avaient uniquement pour objet de soulager les propriétés riveraines, de les soustraire au désastre des inondations. Le canal de la Campine qui a coûté plus de 13 millions, n'a encore rien produit. Quand produira-t-il ? Quand on aura achevé la dernière section, qui est aujourd'hui en voie d'exéculion.

Le gouvernement n'a pas perdu de vue, depuis 1845, ce qu'il devait à l'action spontanée de l'industrie libre. Depuis 1845 le principe du concours de l'énergie privée a été admis pour une large part dans l'exécution des travaux publics.

Voilà pour le passé et je répète, messieurs, que de ce chef je n'ai aucune espèce de regret pour mon pays.

Pour l'avenir, messieurs, je n'ai, non plus aucune crainte, je n'ai pas de crainte parce que depuis 1850, l'industrie libre entre pour une large part dans l'exécution de toutes les voies ferrées, parce, que le gouvernement n'exécute aujourd'hui que les travaux que l'industrie libre ne peut pas exécuter. Ainsi tous les travaux que la loi de 1851 inscrit au compte de l'Etat sont des travaux qui ne peuvent pas être exécutés par l'industrie libre.

Pour l'avenir, messieurs, que reste-t-il à faire ? Il reste à achever le chemin de fer, à le doter de hangars et de matériel, à faire des dépenses qui, je veux bien l'admettre, peuvent s'élever à 16 ou 18 millions. Il s'agit ensuite de compléter les travaux qui ont été décrétés par la loi de 1851, de faire pour l'approfondissement du canal de Bruges une dépense de 1,500,000 fr., de dépenser pour Ostende environ un million, de faire pour le canal de Schipdonck une dépense d'environ 3,500,000 fr.

Pour la Campine, je prends l'ensemble des ouvrages indiqués, quoique la Chambre ne soit nullement, liée ; une somme de 1,200,000 fr. serait nécessaire pour ces ouvrages. Enfin, pour les Nèthes, l’Yser, la Senne, je suppose également une dépense d'un million. Ainsi, de compte fait, tous les travaux qui restent à exécuter doivent coûter de 20 à 25 millions au maximum.

Eh bien, messieurs, je le demande, y a-t-il mà de quoi s’effrayer pour les finances de notre pays ? Pour ma part, je ne le pense pas.

La troisième objection, messieurs, consiste en ceci. On fait au projet de loi un grief de comprendre des objets dissemblables. Messieurs, je crois que c’est le tort de tous le sprojets de travaux publics qui ont été soumis à la chambre depuis qu’elle existe.

Je n'en connais aucun qui ne soit l’expression de cette pensée collective, ou si l’on veut, de coalition. Je pense que dans l'aveniron continuera à faire absolument ce qu'on a fait dans le passé. Je suis convaincu que lorsqu'on viendra proposer pour l'Yser des sommes destinées à faire des travaux, on y accolera la Senne et la Nèthe. Il y aura encore une fois un travail d'ensemble. Quand le gouvernement n'a pas recours à ce moyen, ce sont les Chambre elles-mêmes qui le lui fournissent.

En 1834 et en 1837, projet d'ensemble ; en 1842 ; le projet de loi présenté par le gouvernement témoigne encore une fois de cet intérêt collectif ; en 1844, le gouvernement propose un projet de travaux publics. Je vois figurer dans ce projet les concessions des chemins de fer de Tournai à Jurbise et de Landen à Hasselt, un embranchement du canal de Turnhout, le canal latéral à la Meuse, 9 millions pour le chemin de fer, enfin la concession du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse moyennant la garantie d'un minimum.

Il y avait donc là encore allocation collective ; voici comment le gouvernement justifiait sa proposition :

« Si le gouvernement, disait l'exposé des motifs, présente à l'assentiment des Chambres ces diverses propositions par un seul projet de loi, c'est dans le but de se conformer aux précédents admis en Belgique et ailleurs.

« Les travaux publics ayant presque toujours un caractère commercial, ont besoin d'être envisagés à un point de vue d'ensemble. »

Vous voyez donc que ce qu'on a fait dans la circonstance actuelle est conforme à tous les précédents.

Je reconnais cependant que s'il s'agissait de travaux nouveaux et de dépenses qui ne fussent pas urgentes, il y aurait lieu d’examiner, avec toute l'attention qu'elle mérite, la proposition d'ajournement à laquelle le premier je me rallierai peut-être ; mais il ne s'agit pas de travaux nouveaux, et il s'agit de dépenses urgentes. On semble ne pas le contester à l'égard du canal de Deynze à Schipdonck ; l'honorable M. Julliot lui-même a fait ses réserves en ce qui concerne ces travaux. On ne peut pas le contester non plus, en ce qui concerne les travaux d'Ostende.

On s'est attaché aux travaux de la Campine pour dire qu'il fallait ajourner le projet de loi ; on s'est demandé si le gouvernement a eu raison, surtout à la fin d'une session, de comprendre cette demande de crédit dans le projet.

Messieurs, lorsqu’on m’a signalé l’importance des sommes à dépenser en Campine, je me suis demandé également avec la Chambre s’il était nécessaire d’en faire l’objet d’une propositon immédiate à la législature ; je partageais à cet égard les doutes des honorables préopinants, et comme il s'agit ici d'un legs du passé, ainsi qu'a bien voulu le reconnaître l'honorable M. Vandenpeereboom, la Chambre voudra bien me permettre de lui dire l'origine du projet de loi, la pensée qui l'a inspiré, et en quelque sorte l'ordre d'idées que j'ai suivi pour sa rédaction.

Je comprenais que, dans l'étal actuel de nos finances, on devait être fort sobre de demandes de cette nature, qu'on devait se renfermer dans le nécessaire, qu'on ne devait pourvoir qu'au plus pressé.

Pour le canal de Schipdonck, il n'y avait pas à s'y méprendre, il fallait demander des fonds.

J'ai eu occasion d'expliquer en section centrale les raisons qui ont amené le gouvernement à dépasser le crédit qui avait été mis à sa disposition, et si d'honorables membres revenaient sur ce point, je me réserverais d'entrer dans des détails complets à cet égard.

Pour ce qui est des travaux à faire à Ostence, l’urgence ne pouvait pas non plus être mise en doute ; il s’agissait de préserver les travaux faits d’une ruine imminente, de les mettre à l’abri des gros temps. Il ne pouvait donc pas y avoir de doute dans l’esprit du gouvernement sur l’urgence du crédit à demander.

Pour la Campine, j'ai fait faire une instruction toute particulière sur cet objet. Il est à remarquer d'abord, que la nécessité des travaux à faire avait été reconnue depuis plusieurs années. Dans les rapports qui ont été adressés au gouvernement depuis 1852, l'importance de ces ouvrages a été signalée, et la nécessité de ces travaux a été parfaitement établie.

Je tiens ici à la main un rapport qui a été distribue a tous les membres, de la Chambre et qui porte la date du 30 novembre 1854 ; c est le mémoire qui a été adressé à M. le ministre de l'intérieur par l’ingénieur en chef dans la province de Limbourg, chef du service des irrigations. Voici en quels termes il s'exprime ;

« Les eaux reçues dans le canal de Maestricht à Bois-le-Due et celles fournies par les dérivations des ruisseaux prénommés, a la première (page 1254) section du canal de la Campine, doivent pourvoir aujourd'hui à tous les besoins. Ces canaux, outre l'eau nécessaire à leur alimentation propre et à celle des irrigations qui les bordent, doivent alimenter la deuxième section du canal de la Campine, le canal d'embranchement vers Turnhout et les irrigations qui y puisent leurs eaux. L'expérience a prouvé que, pendant les époques des basses eaux de la Meuse, qui ont lieu généralement pendant les périodes d'arrosage, les moyens d'alimentation sont insuffisants pour satisfaire à tous ces besoins. C'est ainsi que cette année-ci, il a fallu apporter de grandes restrictions à l'arrosage, et que l'administration a été obligée de réduire au tiers et même au cinquième l'ouverture à donner aux vannes des prises d'eau, pour éviter l'interruption de la navigation ; ce qui prouve que, même en faisant un usage très modéré des eaux d'arrosage, il est impossible de fournir aux prairies la quantité nécessaire.

« Or, si l'insuffisance de l'alimentation est aujourd'hui constatée, qu'en sera-t-il lorsque les canaux en construction d'Herenthals à Anvers, de la Pierre-Bleue à Hasselt et vers le camp de Beverloo seront achevés ? Il est évident qu'alors, avec les moyens d'alimentation dont on dispose aujourd'hui, la situation serait telle que la navigation et l'irrigation seraient complètement entravées. »

C'est le même fonctionnaire qui fut chargé de dresser le devis de tous les ouvrages qu'il y avait lieu d'exécuter, tant dans l'intérêt de la navigation que dans celui des irrigations, pour achever l'œuvre décrétée par la Chambre.

J'étais amené à me demander jusqu'à quel point un crédit de 300,000 à 400,000 francs était bien urgent, car toute la question pour moi était là. S'il m'avait été démontré qu'on eût pu ajourner sans danger, surtout pour la navigation, ces travaux comprenant une dépense de 300,000 à 400,000 francs, j'eusse été le premier à laisser de côté le n°3° du projet ; j'en fis l'objet d'une communication officielle à l'administration des ponts et chaussées ; voici, à la date du 3 février, la réponse qui me fut faite ;

(L'orateur cite ce passage d'où il résulte que la nécessité de l'exécution immédiate était reconnue parle comité des ponts et chaussées.)

S'il s'agissait de travaux à faire dans l'intérêt exclusif des irrigateurs, je pourrais peut-être me mettre d'accord avec l'honorable M. Vandenpeereboom qui ne voit dans ces travaux que la satisfaction d'un intérêt privé ; en examinant de plus près la nature des ouvrages qu'il importe d'exécuter, on voit qu'avant tout et principalement il s'agit de satisfaire aux intérêts de la navigation.

M. Vandenpeereboom. - Lisez les pièces officielles.

M. Van Hoorebeke. - Je tiens en mains les pièces et les rapports qui m'ont été adressés comme ministre des travaux publics, et sur lesquels je me fonde.

Voici les travaux à exécuter pour l'amélioration du canal de la Campine ; l'ingénieur les a divisés en deux catégories ; les travaux à exécuter par les départements des travaux publics et de l'intérieur ensemble les travaux à exécuter par le ministère des travaux publics seul, et les autres ouvrages qui pourront être prélevés sur le budget. Ces travaux consistent en ;

1° Barrage de Hocht, fr. 323,500.

2° Elargissement de la tête d'écluse de Bocholt, fr. 61,000.

3° Elargissement de la deuxième partie de/ la première section du canal de la Campine, fr. 194,000.

4° Approfondissement idem, fr. 23,200.

5° Canal colateur, fr. 420,000.

Total : fr. 1,022,500.

Deux de ces ouvrages, le barrage et le canal colateur, ne peuvent être établis qu'après avoir obtenu l'assentiment du gouvernement néerlandais ; il s'agit donc pour le gouvernement de se mettre d'accord avec un gouvernement étranger, de demander les crédits nécessaires aux Chambres, et pour les Chambres de voir si elles veulent les accorder, de manière qu'on a raison de soutenir qu'il ne s'agit, en réalité, que d'une dépense de 300,000 francs et non de 1,200,000.

Les travaux qu'on couvrira au moyen des 300 mille francs sont, avant tout, à mon sens, destinés à servir les intérêts de la navigation et accessoirement l'intérêt des irrigateurs, Pour l'établir, je n'aurais besoin que de donner lecture des extraits du rapport qui accompagnait l'indication des divers ouvrages, du mémoire développé de l'ingénieur en chef auquel je faisais allusion tout à l'heure. Voici comment il s'exprimait : (L'orateur cite ce passage.)

Je me borne à cette citation qui est complétée dans le rapport, mais je pense que ce que je viens de dire suffira pour démontrer qu'il s'agit bien ici aussi un peu de l'intérêt de la navigation. Maintenant la situation qui était faite au gouvernement par les travaux exécutés en Campine commandait de ma part un acte de sollicitude. Tout le monde savait que des deux intérêts engagés dans le débat il n'était pas un seul qui fût satisfait, il n'était pas un seul qui ne fût alarmé.

L'intérêt des irrigateurs, on a cherché à le satisfaire par le projet de loi récemment voté ; mais l'intérêt de la navigation souffre également, à tel point que le gouvernement a encore à se défendre contre les contestations judiciaires dans lesquelles les tribunaux ont condamné le principe que le gouvernement a défendu et qu'il continuera, j'espère, à défendre, parce que le principe contraire venait à prévaloir en justice, il serait menaçant pour les finances de l'Etat. Mais cela constate une chose à savoir que la navigation se plaint.

Comme cette situation est la conséquence des travaux faits en Campine, la Chambre ne peut pas se refuser à voter, surtout s'il est démontré que cette première dépense n'engage pas la Chambre à voter celles qui suivraient. Si je pouvais croire qu'en votant les trois cent mille francs je suis engagé à voter par ce fait seul toutes les autres dépenses, je serais peut-être le premier à m'y refuser.

Vous voyez donc qu'en dernière analyse, en prenant les diverses objections produites, il n'en est pas une seule de sérieuse ; celle tirée des nécessités du trésor, on l'a toujours écartée, quand il s'agissait de travaux publics. Comme il s'agissait de travaux nouveaux, on a reproché au projet d'avoir été présenté trop tard. Ce reproche n'est pas sérieux, puisqu'il s'agit d'un projet dont la Chambre s'est occupée à plusieurs reprises. Quant à cet autre reproche que le projet ne satisfait pas dans une juste mesure à tous les besoins des localités, s'il avait pour but de faire autre chose que le strict nécessaire, je reconnaîtrais que ce reproche est fondé.

J'avais mis sur la même ligne les travaux d'approfondissement du canal de Bruges à Ostende et l'achèvement du canal de Deynze à Schipdonck ; ces travaux étant le produit d'une même pensée, l'expression d'une transaction entre deux provinces, il était assez juste qu'ils marchassent parallèlement et qu'en demandant des crédits pour l'un on en demandât pour l'autre.

Mais les observations de M. le ministre ont quelque chose d'assez fondé ; les travaux du canal de Bruges qui restent à faire consistent principalement en ouvrages de terrassements, et le gouvernement pourra les comprendre dans les demandes de crédits qui seront soumises à la législature en même temps que celles qui intéressent le canal de Schipdonck.

M. Osy. - Je ne m'étendrai pas sur la situation financière. Nous ne connaissons que la situation financière au 1er septembre, et le rapport de M. le ministre des finances lorsqu'il a déposé le budget de la dette publique, où il a annoncé que le découvert du trésor, à l'époque de la présentation des budgets, montait à 20 millions. On ne peut donc entrer à ce sujet dans de longs détails. Comme naturellement nous devons désirer clore nos travaux, je n'examinerai pas dans ses détails notre situation financière. Nous l'examinerons quand nous aurons le rapport du ministre à la date du 1er septembre prochain.

Je vous avoue franchement que j'ai bien regretté que le gouvernement, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Vandenpeereboom, présente à la fin d'une session des lois si importantes que nous devons voter au pas de course, ayant pour objet des dépenses qu'on ne peut couvrir antrement que par des bons du trésor.

L'honorable M. Van Hoorebeke dit que ce que nous avons voté n'est pas très important. Mais je viens de faire le relevé des demandes de crédit que nous avons à voter d'ici à trois jours.

Le voici ;

2,406,000 fr.sur lesquels l'honorable M. de Perceval a déposé le rapport ;

4,400,000s ur lesquels l’honorable M. Coomans a dépose le rapport (je défalque la dépense de cinq millions que l'on est d'accord pour ajourner) ;

2,012,000 sur lesquels l'honorable M. Vermeire a fait le rapport, et le crédit de

1,900,000 actuellement en discussion.

10,712,000 francs qui devront être votés en quelques heures... (Interruption.) Tout au moins en quelques jours.

- Plusieurs membres. - Pourquoi cela ?

M. Osy. - Parce que le Sénat ne veut pas siéger plus longtemps.

M. Rodenbach. - Il n'aura qu'à revenir.

M. Osy. - Pour couvrir ces dépenses, il n'y a pas d'autres moyens que les bons du trésor. Dans les circonstances où se trouve maintenant l’Europe, il est peu convenable d'émettre du papier pour une aussi forte somme. Une grande partie de la dette flottante devra être consolidée. J'espère que le gouvernement s'occupera de cette nécessité, et nous proposera le moyen de donner plus d'équilibre à la situation financière.

Après avoir exprimé mes regrets de ce que nous devions, dans un si court espace de temps, nous occuper de demandes de crédit aussi importantes, je dois dire que, pour le projet de crédit dont nous nous occupons actuellement, je ne partage pas du tout l'opinion de l'honorable M. Van Hoorebeke. Il a dit qu'il n'a pas été fait d'objections sérieuses contre le projet. Ce que je trouve de sérieux, c'est qu'on a fait une dépense irrégulière.

En effet, dans l'exposé des motifs, on nous demande 1,500,000 fr. déjà dépensés ou engagés pour le canal de Schipdonck. Il est certain, que c'est la marche la plus irrégulière de dépenser avant l'allocation.

On sait que le canal de Schipdonck doit coûter 6,900,000 fr., sur lesquels vons avez voté en 1851 2,500,000 fr. On a, par les engagements qu'on a pris ou par les dépenses qu'on a faites, excédé cette somme de 1,500,000 fr. De manière qu'on a dépensé, de ce chef, près de 4 millions.

Je vous avoue franchement que je trouve cette manière fort irrégulière. Je me suis toujours opposé aux crédits supplémentaires. Mais il (page 1255) y a quelque chose de plus irrégulier, c'est de dépenser sans allocation pour des travaux publics.

En 1851, nous avons voté des à-compte pour beaucoup de travaux. Les députés de Bruges et d'autres localités ont parfaitement raison de ne pas vouloir être sur la même ligne queles autres. Ceux pour lesquels des à-comptes ont été votés doivent avoir la priorité et lorsqu’on demande des fonds, il faut qu’on pense à toutes les localités et à tous les intérêts, et je désapprouve de nous faire voter pour un seul travail une somme de 1,300,000 francs déjà dépensée.

Cette marche est plus qu'irrégulière, et je suis étonné que l'honorable M. Van Hoorebeke dise qu'il n'y a pas eu d'objection sérieuse.

M. Van Hoorebeke. - Cette objection n'avait pas été produite. Vous venez de la produire pour la première fois.

M. Osy. - Cette objection est des plus sérieuses.

Pour le canal de la Campine, je vous avoue que je le voterai parce que je trouve ce travail nécessaire, tant pour la navigation que pour les irrigations. Je voterai les 300,000 fr. demandés comme nécessaires. Je voterai comme bill d'indemnité les 1,300,000 fr. demandés pour le canal de Schipdonck.

Il reste une petite dépense pour un embardère à construire au quai d'Anvers.... (Interruption.)

Si vous vouliez avoir la complaisance de m’entendre, vous verriez que vous n'avez pas à vous récrier.

Le gouvernement, l'année dernière, a accordé la garantie d'un minimum d'intérêt à la ligne de navigation avec l'Amérique et le Brésil. Il faut donc construire à Anvers un embarcadère pour décharger les marchandises, parce qu'il n'est pas possible pour une navigation régulière, que les navires entrent dans les bassins et en sortent à jour fixe.

Il est donc nécessaire de construire un embacadère au quai du Rhin, c'est-à-dire au nord des bassins. Je suis obligé de faire ici un historique des bassins. Après notre séparation de l'empire, le roi Guillaume donna à la ville d'Anvers une grande partie des terrains contre l'Escaut, à la charge d'y faire les quais.

La ville d'Anvers y dépensa plusieurs millions. Le gouvernement hollandais s'était réservé une partie de ces terrains. Le gouvernement, sous le ministère de l'honorable M. Desmaisières, a concédé une partie de ces terrains au chemin de fer de St-Nicolas. Je voudrais que le gouvernement, au lieu de faire cette dépense de 120,000 fiancs et donna également à la ville d'Anvers les quais depuis le bassin jusqu'à la partie nord.

J'ai remarqué qu'aujourd'hui, dans l'état où se trouvent ces quais, cela rapporte au gouvernement 1,000 fr. par an. On vous demande une dépense de 120,000 fr., ce qui représente un intérêt de 6,000 fr. par an. Je suis bien persuadé que si le gouvernement voulait suivre l'exemple du roi Guillaume, s'il voulait entrer en négociation avec la ville d'Anvers pour lui abandonner cette partie des quais en lui en laissant les revenus, revenus qui augmenteraient naturellement lorsque l'embarcadère serait construit, le gouvernement ferait une bonne affaire et la ville d'Anvers n'en ferait pas une mauvaise.

Vous n'auriez pas à faire la dépense de 120,000 fr. ; vous auriez une administration de moins, car il faut des surveillants pour la partie des quais qui n'appartient pas à la ville. D'autre part, la ville d'Anvers ferait l'embarcadère ; elle percevrait les revenus, et l'administration se ferait beaucoup mieux, parce qu'il y aurait un ensemble.

Je voterai les 120,000 francs. Mais j'engage beaucoup M. le ministre des travaux publics à entrer en négociation, aussitôt la loi votée, avec la ville d'Anvers et à voir si l'on ne pourrait pas arriver à un arrangement tel que celui que j'indique.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, l'honorable préopinant a exprimé le regret qu'un grand nombre de crédits supplémentaires aient été demandés à la fin de la session. Sans doute, l'honorable membre n'a pas eu l'intention d'en faire un reproche au ministère qui, à peine entré aux affaires, s'est empressé de saisir la Chambre des projets de loi dont il s'agit. Le gouvernement désire que ces projets soient soumis à l'examen le plus complet. Il est loin de notre pensée de vouloir en abréger la discussion ; la Chambre y mettra, nous en sommes persuadés, toute la maturité qu'elle a coutume d'apporter dans ses délibérations. Ce qui serait inopportun, ce serait de perdre un temps précieux dans un débat stérile sur la durée de nos travaux.

Je crois, au surplus, devoir faire observer à la Chambre que les divers projets présentés sont loin d'avoir tous la même importance au point de vue de nos délibérations. Il en est plusieurs qui sont de nature à n'entraîner pour ainsi dire aucune contestation. Ainsi, par exemple, le crédit de fr. 2,012,410 89, demandé le 24 avril dernier, ne renferme guère que des dépenses tout à fait indispensîtbles pour l'exploitation du chemin de fer ; celui de 1,571,000 fr. qui concerne le département de la guerre, nécessité par l'augmentation du prix des denrées alimentaires, ne pouvait non plus rencontrer d'opposition ; celui de fr. 900,120, relatif à la dette publique, n'était en quelque sorte qu'une simple régularisation ; le crédit relatif aux lits militaires n'est que la conséquence d'une convention faite il y a bien des années ; quant à celui de fr. 2,435,000 pour le département de la guerre, il a été présenté il y a plusieurs mois.

On ne peut donc prétendre que le temps a manqué pour en faire l'appréciation.

Les observations qui ont été faites n'ont une véritable importance qu'en ce qui concerne la loi que nous discutons en ce moment, et le crédit de fr. 9,400,000 présenté pour la défense du pays. La Chambre consacrera à leur examen tout le temps qu'elle jugera nécessaire, il ne peut y avoir de contestation sur ce point.

Je tenais, messieurs, à vous soumettre ces observations pour éviter toute digression qui ne pourrait qu'entraver nos délibérations.

M. Sinave. - Messieurs, je dois d'abord un mot de réponse à l'honorable M. Van Hoorebeke.

L'honorable membre a pris à tâche de justifier tous les travaux proposés. Mais il a oublié une chose, c'est de dire un seul mot concernant les 600,000 fr. qu'il avait proposés pour le canal d'Ostende ; il a pris un soin extrême de passer légèrement sur cette considération.

Il n'y a pas de doute, messieurs ; tous les travaux votés par la loi de 1851 doivent être exécutés avant toute espèce d'autres travaux nouveaux. On a beau dire que les travaux de la Campine ne sont pas de nouveaux travaux. Mais, messieurs, des élargissements, des approfondissements, ce sont là des hors-d'œuvre qu'on ne connaissait pas en 1851. Ce sont donc bien de nouvelles dépenses.

On compare constamment la navigation du canal de la Campine à celle des grands canaux de navigation internationale. On dit ; La navigation sur le canal de la Campine est en souffrance, et comment agit-on envers nous ? On interrompt les communications du pays avec Ostende et avec l'Angleterre, et de la manière dont on procède, cette interruption durera non pas un an, mais, comme je l'ai déjà dit, uu grand nombre d'années.

L'honorable ministre des finances nous a dit hier que notre situation financière ne présentait aucun danger, qu'elle était au contraire dans un état normal.

J'accepte cette déclaration. Mais dans ce cas, je demande pourquoi on nous refuse le crédit qui avait été pétitionné par le ministère précédent. C'est ce que je ne comprends pas.

Membres de la députation de Bruges, nous ne ferons pas d'amendement ; c'est au ministère à proposer lui-même les 600,000 francs,

Je dois maintenant une réponse à ce qu'a dit hier l'honorable ministre des travaux publics.

A l'occasion des travaux à exécuter à la section de Gand vers Bruges, j'ai dit qu'il ne valait pas la peine de commencer avec l'économie faîte sur les adjudications.

On m'a repondu ; Avec cela nous allons faire les travaux d'art. C'est une grande erreur. Vous ferez très peu de choses avec vos 160,000 fr. ; vous irez tout au plus jusqu'à la petite rivière qu'on appelle.... et c'est pour cela que vous interromprez la navigation pendant toute une année.

Je dis : Si le gouvernement ne veut pas accorder 600,000 fr., ne travaillez pas du tout. Laissez les siphons dans l'état où ils sont ; mettez la question à l'étude et voyez s'il ne conviendrait pas de changer de système, de supprimer les siphons. M. le ministre m'a répondu : La question est étudiée ; on a envoyé la question à une commission composée de tous les intéressés, et on a été unanime pour ne pas approuver le projet. Messieurs, comme j'avais vent de ce qui s'était passé, je me suis permis de demander à M. le ministre communication de ce procès-verbal. Eh bien, messieurs, c'est une pièce curieuse, et vous serez tous étonnés de son contenu. On commence par dire : « Il conviendrait d'opérer la fusion de toutes les wateringues en possession d'une évacuation par le port d'Ostende. » Cette idée, messieurs, ne pouvait aboutir qu'a jeter la désunion entre tous les intéressés, c'est comme si je proposais de réunir toutes les opinions de la Chambre, d'opérer une fusion complète, de dire ; Il n'y a plus ici d'opinions politiques. Mais on me rirait au nez.

Maintenant, messieurs, vous allez voir de quelle manière on a délibéré, vous allez voir ce que c'est qu'une commission.

Le président de la commission (c'est l'honorable ingénieur M. de Sermoise) commence par dire qu'il met en délibération le projet Stordeur. Les membres sont étonnés ; ils disent ; Comment ! vous nous présentez un projet, mais nous ne le connaissons pas ; nous demandons de pouvoir en emporter chacun une copie et de l'examiner à domicile. M. le président fait connaître que d'après l'autorisation de M. le gouverneur, il ne peut pas le permettre, qu'il faut délibérer immédiatement et voter séance tenante. Il ne peut pas même permettre la publication du projet. Le président fait connaître que M. le commissaire voyer a demandé à M. le gouverneur l'autorisation de publier le projet. Il ajouta que, pour sa part, il ne ferait pas opposition à cette publication, mais que, néanmoins, il doit signaler les inconvénients qu'il y aurait, au point de vue administratif, à publier un semblable projet.

J'espère, messieurs, que c'est là une bonne manière d'arranger les affaires sans aucune publicité.

Maintenant, messieurs, on impose à M. Stordeur l'obligation de développer à l'instanl même son travail.

Il demande la permission de remettre à toutes les régies une copie de son projet ; M. le président s'y refuse et il oblige M. Stordeur à le développer à la minute.

Voilà, messieurs, comme on a procédé dans cette commission.

Ce n'est pas tout. M. le président fait connaître que les travaux proposés coûteront une somme bien plus élevée que celle qui est demandée par M. Stordeur, et il fait entrevoir que toute la charge en sera supportée par les propriétaires. Vous concevez, messieurs, qu'ils ne se sont pas pressés d'adopter la proposition.

(page 1256) Nous ne sommes pas encore au bout.

En 1851, messieurs, nous avons décidé ce qui est relatif au canal de Schipdonck avec placement de l'écluse à Heyst. Eh bien, croiriez-vous qu'au mois de février dernier le président de cette commission insinua qu'il y aurait moyen d'avoir une écluse à Blankenberghe ?

Vous connaissez, messieurs, l’état précaire où se trouvent nos wateringues. Nos wateringues sont compromises par les travaux exécutés pour la défense d’Ostende.

Depuis quelque temps on a réclamé une deuxième écluse, c'est-à-dire une à Blankenberghe, et toujours les vues des intéressés ont été d'avoir une évacuation indépendante. C'est dans ce sens que nous nous sommes, exprimés en 1851, nous désirons avoir une écluse d'évacuation à Blankenberghe.

. Eh bien, messieurs, le président de la commission met cette question aux voix et l'assemblée, à l'unanimité, se prononce pour l'évacuation par Blankenberghe, proposée par M. de Sermoise, comme si une écluse d'évacuation isolée était une chose possible.

On nous a accusés d'être hostiles au canal de Schipdonck, eh bien, c'est une erreur complète ; je viens de rappeler ce que nous désirons, et vous voyez, messieurs, M. de Sermoise a pris sur lui de proposer une évacuation par Blankenberghe.

C'est donc le gouvernement qui a insinué la proposition que je viens de rappeler, je l'en félicite.

Qu'est-ce qu'on nous a dit en 1851 ? On nous a dit ; Vous demandez un port de refuge à Blankenberghe ; taisez-vous, vous l'aurez. Eh bien, messieurs, si c'est là ce qu'on a l’intention de faire, je l'accepte bien volontiers et je prie M. le ministre des travaux publics de persévérer dans son projet, et de l'exécuter le plus tôt possible.

Avec le canal de Schipdonck et l'écluse de Heyst, telle qu'elle existe aujourd'hui, il y a moyen de faire quelque chose ; c'est de construire un petit canal à partir du canal de Schipdonck, le long de la côte, ou au moins, à l'intérieur des dunes, vers Blankenberghe. On pourrait, de cette manière, avoir un canal avec une hauteur d'eau suffisante pour tenir le port de refuge ouvert et permettre l'évacuation des eaux à Blankenberghe au moyen de la construction d'une écluse.

Messieurs, j'ajouterai quelques mots sur la Campine. Je suis favorable à tous les travaux qui peuvent être utiles. Les travaux de la Campine présentent un grand intérêt pour cette partie du pays et par conséquent la pression est forte, mais que veut on faire de ces eaux qu'on réclame à si grands frais ? On veut irriguer. Mais irriguer avec de l'eau qui a reposé dans un bassin, verser de l'eau claire sur du sable mouvant, ce ne peut jamais être un moyen de fertiliser. Vous n'obtiendrez, pas, au moyen de vos irrigations, une amélioration générale du sol ; il y aura par-ci par là quelques herbages, voilà tout. Je désire, pour les intéressés, qu'il en soit autrement, mais je crains bien qu'ils ne perdent la majeure partie de leurs capitaux.

Dans tous les cas, messieurs, avant de songer à irriguer des sables mouvants, il faudrait appliquer nos ressources à prévenir les inondations qui désolent nos meilleures terres.

Faites pour le littoral ce que vous faites pour la Campine, offrez aux frais du trésor une évacuation indépendante en remplacement de celle que vous avez compromise par les travaux utiles à la défense de la ville d'Ostende. C'est un acte de justice qu'on réclame à bon droit et que vous ne pouvez refuser plus longtemps sans commettre une action partiale et intolérable.

- Des membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Coomans. - Messieurs je ne veux pas m'imposer à la Chambre. Si on désire clore, je renoncerai à la parole. Je tiens à faire remarquer cependant que le crédit qui a été attaqué le plus dans cette enceinte est celui qui est relatif à la Campine et qu'on ne l'a qu'incidemment défendu. (Parlez !)

Je regrette d'avoir à relever des erreurs aussi énormes que celles qui ont été avancées hier dans cette Chambre ; je regrette surtout d'avoir à les relever dans la bouche d'uu homme d'esprit et de sens qui n'a pas l'habitude de fournir ce genre de besogne à la critique parlementaire. Messieurs, si ce qu'ont avancé hier les honorables MM. Vandenpeereboom et Vander Donckt, si ce que vient de dire à l'instant l'honorable M. Sinave était vrai, si la moitié, si le quart de tout cela était vrai, la Chambre ne devrait pas seulement voter l'ajournement du crédit, elle devrait le rejeter immédiatement, et je vous assure que mon vote serait le premier qui serait émis dans ce sens.

Quoi ! messieurs, on vient vous demander encore 300,000 francs pour les irrigations campinoises qui rapportent annuellement 170 à 175 p. c. de bénéfice à ceux qui les entreprennent ! Le fleuve du budget répand ses flots d'or en Campine, et le canal de Turnhout est un inépuisable Pactole ! C'est bien ce qu'a dit hier l'honorable M. Vandenpeereboom ; un hectare, ayant coûté 80 à 100 francs, rapporte annuellement 170 francs.

M. Vandenpeereboom. - C'est M. Kummer qui a dit cela.

M. Coomans. - Il est impossible que M. Kummer ait dit cela, et vous allez le comprendre. Je ne partage certainement pas l'opinion de M. Kummer en toutes choses ; je n'ai jamais été de son avis, en ce qui concerne les résultats merveilleux qu'il attendait des irrigations ; mais je dois être juste et je dis que M. Kummer n'a rien écrit de semblable et que l'honorable M. Vandenpeereboom s'est trompé. La simple inspection de ces chiffres aurait dû faire reculer l'honorable membre. Quoi ! on gagne 170 à 175 p. c. l'an en Campine et cependant tout le monde n'irrigue pas, il y a une foule de terres irrigables, constamment on offre des terres irrigables en vente, et il n'y a guère d'acheteurs ! L'honorable M. Vandenpeereboom croit-il lui même aux chiffres qu'il a cités ? J'en doute, car il m'a paru les énoncer hier dubitativement... Si l'honorable membre avait cette conviction que des 'capitaux consacrés à une branche d'agriculture en Campine rapportent 170 à 175 p. c. par an, c'est là qu'il aurait dû placer son argent, au lieu de le placer, comme il nous l'a appris l'autre jour, dans la société de Dendre-et-Waes ; le placement de capitaux dans cette dernière entreprise est très avantageux, c'est une excellente spéculation, nous n'en sommes que trop convaincus tous ; mais la spéculation serait beaucoup plus belle encore en Campine, puisque là c'est 170 à 175 p. c, l'an que produit le travail agricole.

Ce chiffre, messieurs, était de nature à faire sur votre esprit une impression d'autant plus grande que l'honorable M. Vander Donckt venait d'ajouter que ce bénéfice n'était pas obtenu par le travail des irrigations, que c'était le gouvernement qui leur fournissait gratuitement, d'énormes avantages. Les irrigateurs sont d'une exigence telle qu'ils ne se contentent pas de ce bénéfice fabuleux de 175 p. c. ; il faut que le gouvernement le leur fournisse gratis ou à peu près. Voilà l'horreur !

M. Vander Donckt. - Je n'ai pas dit cela.

M. Coomans. - Vous avez dit que le gouvernement fait les frais des irrigations. Voyez le Moniteur.

Messieurs, permettez-moi de vous prouver que la Campine n'est pas une terre où coulent à pleins bords les flots dorés du fleuve du budget, permettez-moi de vous indiquer la cause vraisemblable des étranges erreurs dans lesquelles est tombé l'honorable M. Vandenpeereboom.

Il a été dit qu'un hectare de bruyère, acheté pour 100 francs, finit par rapporter 170 à 175 fr, ; cela est vrai ; mais voici comment ; l'hectare de bruyère se vend 100 francs, (Interruption.) Si l'honorable M. de Perccval veut m’écouter, il comprendra lui-même...

M. de Perceval. Je connais vos réponses ; elles datent de 1851, séance du 31 mars.

M. Coomans. - Je n'ai jamais eu à répliquer à des choses semblables ; c'est aujourd'hui la première fois ; mais je m'aperçois qu'il est des circonstances où il faut expliquer les choses élémentairement.

Je le répète, vous achetez donc un hectare de terre 100 francs, mais vous devez y ajouter immédiatement 800 à 900 fr. pour défoncer le terrain sablonneux et ferrugineux à 60 ou 70 cent. de profondeur ; voilà déjà 1,000 fr. ; ces 1,000 francs ne vous rapportent pas encore un seul pour cent ; ajoutez-y l'engrais annuel que vous devez employer, la main-d'œuvre, les frais de vos écluses, l'entretien de vos rigoles et marchites, et alors vous récoltez annuellement du foin pour une somme de 170 fr. Mais votre hectare vous coûte 1,000 à 1,200 francs. (Interruption.) Et vous avez, en outre, à payer une somme du chef des eaux que vous avez répandues sur la bruyère ; vous avez de plus les frais d'entretien de vos rigoles, de vos marchites ; vous avez encore d'autres frais.

Faites maintenant le compte des irrigateurs, et vous trouverez 5 1/2 à 6 p. c. l'an. (Interruption.)

C'est beaucoup, me dit M. Vandenpeereboom, soit ; mais cela ne fait pas les 170 p. c. dont parlait l'honorable membre. Il a prétendu que l'hectare de terre, préparé de la manière que je viens de dire, et arrosé de toutes les sueurs et de toutes les dépenses que je viens d'indiquer, rapportait 170 à 175 p. c. de bénéfice. (Interruption.) Oui, 175 francs de foin, ce qui est tout autre chose. L'honorable membre ajoutait que dans les Flandres un hectare de bonnes terres ne rapportait que 50 à 100 francs de revenu aux propriétaires.

Je ne l'ignore pas ; mais ce n'est pas là le produit réel agricole, car le produit agricole, le produit brut, est de 1,000 à 1,200 francs. Les grains que vous récoltez sur un hectare, que valent-ils ?

M. Julliot. - 600 francs.

M. Coomans. - Au moins. Ajoutez-y la paille et les récoltes dérobées, et vous trouverez 1,000 francs.

L'hectare flamand, qui vaut plus que l'hectare de la Campine, rapporte un millier de francs, tandis qu'en Campine il ne rapporte que 170 francs.

Vous voyez que les résultats de l'irrigation ne sont pas aussi beaux qu'on l'a prétendu ; j'insiste sur cette rectification ; elle est très importante pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter ici, car la conclusion de certains orateurs était qu'il n'y a plus rien à faire pour les irrigateurs, que tous sont assez riches et que la Campine n'est que trop richement dotée. La vérité est que les irrigateurs gagnent, quand ils réussissent, 5 à 6 p. c ; l'an dernier ce revenu a été réduit de moitié à cause du manque d'eau, il n'a été que de 3 à 3 1/2 p. c.

Quant à ce qu'a avancé M. Vander Donckt, que c'est le gouvernement qui fait les frais des irrigations, c'est une erreur énormissime. L'honorable membre aurait dû dire que quand le gouvernement s'est occupé d'irrigations, il n'a pas perdu un centime ; il aurait dû dire que quand le gouvernement a préparé des terres pour les irrigations il a été largement remboursé, qu'il y a même gagné, car il a fixé le minimum du prix de vente des terres préparées aux frais du trésor ; il a additionné tous les frais, et aucune bruyère ainsi préparée à titre d'exemple par le gouvernement, n'a été vendue au-dessous du minimum fixé.

En ce moment, le gouvernement a à vendre quelques-unes de ces (page 1257) terres irriguées ; il ne se présente pas d'acheteurs. Ce seul fait ne doit-il pas prouver à la Chambre qu'on a fort exagéré les avantages accordés par le gouvernement à cette contrée ?

Encore un mot. MM. Van Hoorebeke et Deliége ont déjà répondu à cette objection que le crédit demandé n'était destiné qu'aux irrigations. Lors même que vous n'auriez pas à faire droit à la juste demande des capitalistes et agriculteurs que vous avez induits en erreur, encore devriez-vous voter le crédit de 300,000 francs qui est indispensable pour la navigation ; la navigation ne se fait guère sur le canal de la Campine, elle est presque impraticable, la plupart du temps elle ne se fait que par des batelets qui seuls peuvent naviguer sur le canal.

Faites abstraction complète de l'intérêt de l'irrigation dans le projet qui vous occupe, il est tout à fait secondaire et indépendant du vote qui vous est demandé.

Un honorable membre, M. Sinave, vient de dire que ce crédit a pour objet de couvrir une dépense toute nouvelle.

Encore une erreur grave. Le canal de la Campine a été décrété il y a treize ans, c'est en quelque sorte le doyen d'âge de tous les travaux que patrone en ce moment cet honorable membre ; il a été décrété en 1842, et il n'est pas achevé, il est loin de l'être ; à coup sûr, il a la priorité sur le travail que l'honorable M. Sinave tient tant à cœur et qu'il qualifie de vieux ; il a la priorité de plusieurs années. Je regrette d'avoir à rectifier de semblables allégations. La Chambre comprendra que j'ai été mis dans la nécessité de le faire.

M. Vandenpeereboom. - J'aurais peut-être le droit de répondre d'une manière un peu vive à l'accusation que m'a adressée M. Coomans, car le représentant de Turnhout a prétendu que je venais dire à la Chambre des choses que je ne croyais pas moi-même ; et ce reproche est grave.

Mais je connais l'honorable membre, je sais qu'il plaisante volontiers et que parfois dans ses discours la forme domine le fond. Je mécontenterai donc de faire observer tout simplement que j'ai l'habitude de penser ce que je dis et même de dire ce que je pense ; bonne ou mauvaise, cette habitude n'est pas celle de tout le monde.

Le discours que j'ai prononcé hier a été mal compris peut-être ; je n'ai pas voulu soutenir qu'en Campine un hectare de bruyère irriguée coûtant 400 fr., rapporte net 170 fr. par an ; j'ai cherché à démontrer qu'il y avait des doutes très sérieux sur les résultats des irrigations, et a cet effet j'ai mis en opposition les appréciations de M. Kummer qui est peut-être trop optimiste et celles de M. Coomans, qui à diverses reprises a prétendu que les irrigations étaient loin de donner, les résultats qu'on en espérait ; puis j'ai conclu qu'il y avait au moins doute, et j'ai ajouté que dans le doute il fallait s'abstenir, c'est-à-dire ajourner le vote.

On a contesté l'exactitude de ma citation ; si la Chambre me le permet, je vais donner lecture du texte.

M. le président. - Ce n'est plus le fait personnel.

M. Vandenpeereboom. - J'ai été accusé, M. le président, d'abord de ne pas penser ce que je dis ; l'honorable M. Coomans a contesté ensuite l'exactitude de mes assertions et de mes citations ; il a semblé douter si je savais bien lire, ou tout au moins si j'étais capable de comprendre ce que je lisais. Ces accusations sont éminemment personnelles ; je crois donc avoir le droit de répondre, et je ne puis mieux le faire qu'en donnant lecture à la Chambre d'un extrait du rapport adressé à M. le ministre de l'intérieur par M. l'ingénieur Kummer le 26 octobre 1849.

Cet ingénieur disait ; « Une superficie de 50 hectares environ a été semée aux mois de juin, juillet et septembre 1847, ces prairies ont donné en juin 1848 par suite de l'irrigation de l'arrière-saison de 1847 et du printemps de 1848 une récolte qui a produit en vente publique pour la première coupe une somme totale de 2,000 fr. »

« (Résultat de 1849.) Le gazon est si prodigieusement développé par l'action de l'irrigation de l'automne de 1848, et celle du printemps de cette année, que la deuxième récolle a été de 60 p. c. supérieure à la précédente. il est des parties où l'herbe a atteint la hauteur extraordinaire de 1 mètre 50 centimètres, et qui ont produit de 16,000 à 18,000 livres de foin par hectare (8,000 à 9,000 kil.)

« Les faits que nous venons de relater ne présentent pas la moindre exagération. On peut en vérifier l'exactitude en compulsant les actes du notaire Missotten d'Overpell ; on pourra y constater ce qui suit :

« Que la vente des foins sur la superficie des 30 hectares précités en 1848 a produit fr. 2,600.

« Id. du regain, fr. 569 50

« fr. 3,169 50

« Que la vente des foins des 30 hectares précités a produit cette année, fr. 3,560.

« Id. du regain, fr. 1,580.

« Total, fr. 5,140.

« Ces résultats prouvent plus que tous les raisonnements possibles et ils établissent d'une manière incontestable que non seulement l'irrigation rend avec usure au sol les engrais que les herbes y puisent, mais encore que les parties fertilisantes que l'eau amène améliorent d'une manière sensible le gazon qu'elle arrose.

« Du moment où le premier gazon a été formé, l'irrigation devient le seul stimulant nécessaire pour le maintien en parfait état de production, et à plus forie raison s'il est fait usage des eaux de la Meuse.

« Il suffira, pour créer le premier gazon d'une surface quelconque de prairie irrigable, de faire emploi une seule fois de l'engrais dont il doit être fait usage toutes les années pour entretenir une même surface de prairies naturelles ou non irrigables.

« Il est possible de se dispenser de l’adjonction d'engrais à l'emploi des irrigations, si l'on veut ou si l'on peut étendre le laps de temps endéans lequel la prairie irrigable doit être créée. »

Vous le voyez, messieurs, mes citations étaient-elles fausses, et ne suis-je pas autorisé à dire que je n'ai en rien tronqué le rapport de M. l'ingénieur Kummer ? Je n'ai jamais dit que je partageais cette opinion, je ne suis pas compétent ; mais j'ai du moins consciencieusement cité mes autorités, et c'est un petit mérite.

J'ai dit aussi ce que je pense quand j'ai soutenu que le crédit de 500,000 fr. est destiné à des travaux à faire dans l'intérêt exclusif des irrigations.

L'honorable M. Van Hoorebeke a contesté l'exactitude de cette assertion ; il a cité le rapport d'un ingénieur qui prétend que les travaux sont faits dans l'intérêt de la navigation.

A l'affirmation de l'honorable ministre des travaux publics d'autrefois, je puis opposer les réponses très péremptoires de M. le ministre des travaux publics d'aujourd'hui. En section centrale nous avons posé cette question.

« Quelles sont les dépenses à faire pour les travaux de la Campine, afin d'assurer en tout temps le service et les exigences de la navigation, abstraction faite du service des irrigations ? »

La question est nette. M. le ministre a répondu catégoriquement.

« Les travaux projetés en Campine doivent être entrepris dans l’intérêt des irrigations.

« Des ouvrages dont l'énumération précède, l'établissement seul d'un bassin en amont du pont suspendu n°3 du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut doit être entrepris dans l'intérêt de la navigation. »

Ainsi donc d'après la déclaration formelle de l'honorable ministre des travaux publics sur 1,288,050 francs il n'y a pour la navigation qu'une seule somme montant à 4,600 francs. »

M. Van Hoorebeke. - C'est une erreur.

M. Vandenpeereboom. - S'il y a erreur, j'en suis fâché car c'est un fait grave ; la Chambre aurait été induite en erreur, dans une question très importante, par le gouvernement lui-même.

M. Deliége. - C'est rectifié dans mon amendement.

M. Vandenpeereboom. - Il ne s'agit pas de votre amendement. Il s'agit d'opter entre les assertions de deux ministres, d'un ministre présent et d'un ministre passé, et quoiqu'il ne soit pas dans mes habitudes d'avoir des allures et des penchants très ministériels, je suis porté à croire, en cette circonstance, que la vérité est dans l'assertion du ministre actuel et que le crédit de 300,000 fr. demandé sera employé exclusivement dans l'intérêt des irrigateurs.

J'ai dit.

M. le président. - La parole est à M. Coomans pour un fait personnel.

M. Coomans. —Si je n'ai pas la parole dans la discussion même, je devrai me rasseoir ; car je ne vois rien de très personnel dans ce qui a dit l'honorable M. Vandenpeereboom. (Parlez.)

Que l'honorable membre soit bien convaincu que mon intention n'a pas été de l'accuser de manquer de sincérité. C'est le dernier reproche que je lui adresserais. Ce que j'ai dit, ce que j'ai voulu dire, c'est que l'honorable membre ne pouvait être très convaincu de l'exactitude des chiffres qu'il alléguait, puisque, s'il l'était, il verserait des capitaux en Campine plutôt que partout ailleurs. Je trouvais dans le Moniteur un motif pour ne pas croire à la conviction de l'honorable membre, c'est qu'il a parlé dubitativement dans la suite de son discours.

Il est assez intéressant pour la Chambre de savoir si un fonctionnaire supérieur, à qui le gouvernement a confié de si fortes sommes à dépenser, est capable de commettre les grossières erreurs qu'on lui attribue. Attaqué, il a le droit d'être défendu. (Interruption.)

- Des membres. - Restez dans le fait qui vous est personnel.

M. Coomans. - Je n'éprouve pas le besoin de me défendre. Je rends justice aux autres.

L'honorable M. Vandenpeereboom a dit hier : « Lorsqu'on retire 170 fr. d'un hectare qui a coûté 100 fr., on peut sans doute ajouter au prix d'achat quelques centaines de francs pour préparer les terrains, et l'opération sera encore excellente. Dans beaucoup de contrées, un hectare de terre qu'on paye 3 à 4 mille francs rapporte 70 à 100 fr.

L'honorable membre croyait que 170 fr. était le produit d'un hectare à l'état de bruyère et coûtant 100 fr., puisque l'honorable membre ajoutait que quand on retirait 170 fr. d'un hectare valant 100 fr., on pouvait ajouter quelques centaines de francs.

M. le président. - Je vous prie de vous renfermer dans le fait personnel. Vous conviendrez que vous vous en écartez.

M. Coomans. - Quoique je n'aie aucun motif personnel pour défendre ici la réputation d'un des principaux fonctionnaires de l'Etat, j'ai cru qu'il était juste que lorsque le savoir d'un pareil fonctionnaire avait été méconnu au point que la Chambre sait, il y eût une voix pour exposer les faits de manière à le justifier.

Si la Chambre le désire, je suis prêt à démontrer en peu de mots que ce qu'on a dit au sujet des irrigations et de l'honorable M. Kummer est complètement inexact. (Interruption.) Mais si elle se croit assez éclairée, je n'ai pas un mot à ajouter.

(page 1258) M. le président. - Je ne puis permettre cela. Vous avez dit en commençant qu'il n'y a pas de fait personnel. Je ne puis vous continuer la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - La Chambre paraissant désirer ne pas prolonger davantage cette discussion, je n'aurais pas pris la parole si je ne croyais devoir répondre quelques mots à l'honorable M. Sinave, qui a représenté sous des couleurs peu exactes des faits concernant l'administration des ponts et chaussées.

Je ne puis admettre avec l'honorable membre (et la Chambre sera sans doute de mon avis) qu'une réunion composée des personnes les plus honorables et les plus éclairées de la ville de Bruges, représentant des intérêts aussi légitimes que ceux qu'il s'agissait de défendre, se soit laissé induire en erreur sur des projets qui les concernaient spécialement.

La réunion convoquée avait un but spécial, chacun des membres en y arrivant savait quel objet serait mis en délibération. Nous ne pouvons regarder comme sérieuse cette objection qu'on n'aurait pas fait connaître d'avance aux intéressés l'objet de la discussion.

L'auteur du projet sur lequel on était appelé à se prononcer était présent à la réunion. Il n'a certes pas manqué de donner aux intéressés les renseignements qui devaient les éclairer sur le vote à émettre. En effet, il s'agissait de leurs intérêts qu'ils devaient connaître mieux que personne, puisqu'ils étaient délégués pour les défendre, et l'auteur du projet a pu répondre à toutes les objections qui lui ont été adressées.

On fait de plus un grief au président de l'assemblée d'avoir indiqué le surcroît de dépense que les travaux devraient entraîner, mais bien loin d'avoir pour ce fait mérité un reproche, il n'a fait qu'accomplir son devoir.

L'Etat ne pouvait pas prendre à sa charge la différence de prix entre les travaux qu'il proposait lui-même et ceux par lesquels on voulait les remplacer.

Ces travaux des wateringues sont uniquement dans l'intérêt des propriétaires, et l'Etat, après avoir rempli ses obligations, était en droit d'exiger des intéressés qu'ils supportassent le surplus. C'est donc pour les éclairer sur leurs véritables intérêts que le président de la commission leur a fait connaître le surcroît considérable, qui existait quant à la dépense.

Le grief principal qu'on reprochait au projet du gouvernement était de remplacer les siphons écroulés par d'autres siphons, inconvénient qui, disait-on, menaçait perpétuellement les contrées environnantes, parce que le niveau du sol est plus bas que celui du canal. Mais un autre inconvénient immense du projet qu'on voulait substituer à celui de l'administration des ponts et chaussées, était de remplacer un siphon par un ouvrage qui devait en entraîner deux ; un sous le canal de Plasschendaele à Nieuport, et l'autre, sous le canal d'Ostende pour rejeter les eaux par l'écluse de chasse.

Vous voyez que les agents du pouvoir n'ont pas mérité les reproches qu'on leur a adressés, et qu'ils ont rempli les intentions du gouvernement en éclairant les représentants des wateringues sur leurs véritables intérêts.

Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour répondre un mot à une interpellation qui a été adressée hier au gouvernement par l'honorable M. de Moor. Cet honorable membre a demandé, en discutant le projet de crédits relatifs aux travaux de la Campine, si l'intention du ministre de l'intérieur était, dans la discussion de son prochain budget, de présenter par amendement un nouveau crédit pour distribution de la chaux à prix réduit dans le Luxembourg. Je crois pouvoir lui répondre que telle n'est pas l'intention de mon collègue. La Chambre ayant eu à se prononcer sur cette question, nous devons considérer l'incident comme définitivement vidé et nous n'y reviendrons pas.

L'honorable M. Van Grootven demande quelles sont les intentions du gouvernement quant à l'achèvement des travaux entrepris pour la dérivation de la Lys. Je lui répondrai que la sollicitude du gouvernement sera portée dans le futur, comme elle l'a été dans le passé, sur l'achèvement de ces travaux et que toutes les fois que la situation du trésor le permettra, le gouvernement saura demander à la Chambre, en temps utile, les crédits nécessaires pour mener à bonne fin ces travaux dont on ne méconnaît pas l'importance.

Je dois dire de plus que la prochaine demande de crédit comprendra non seulement ceux relatifs à la dérivation de la Lys, mais encore des travaux auxquels l'honorable M. Coppieters et l'honorable M. Sinave portent un intérêt légitime.

Quant à l'embarcadère des bateaux à vapeur dont l'honorable M. Osy vous a entretenus, je ne puis que répéter ce que j'ai dit dans une séance précédente.

Les questions de redevance, de cession de domaines ressortissent au département des finances, et il ne pourra pas s'en occuper avant qu'on ne lui ait fait remise du nouveau débarcadère quand il sera construit ; alors je crois qu'il sera temps d'examiner en une seule fois ce qu'il convient de faire pour les débarcadères existant aujourd'hui comme pour ceux qui seront construits à l'avenir.

Quant aux canaux de la Campine, l'honorable M. Vandenpeereboom pense que de tous les travaux demandés il n'y en a qu'un seul qui soit utile à la navigation, à savoir la construction d'un bassin. L'honorable membre ne doit pas ignorer la situation difficile dans laquelle se trouve aujourd'hui la navigation.

Sans doute, il n'y a que la construction du bassin qui soit exclusivement, utile à la navigation ; mais tous les travaux proposés contribueront également à l'améliorer. Le but qu'il s'est agi d'atteindre par la demande de crédits est de favoriser la navigation en même temps que le service des irrigations. Tous les deux souffrent, et il faut leur venir en aide à tous deux.

A cet égard, je dois faire une déclaration à la Chambre ; c'est que les travaux qu'elle vote aujourd'hui n'engagent en rien, ni les Chambres, ni le gouvernement, pour l'exécution des autres travaux indiqués. Le manque d'eau est évident. Il y a deux moyens d'y remédier ; accroître la section du canal en largeur ou l'accroître en hauteur. Nous ne nous arrêtons qu'au premier moyen ; c'est-à-dire que nous demandons que l'élargissement de la prise d'eau à Bocholt et celle de la première partie du canal, pour que, dans un temps donné, le débouché permette le passage d'une plus grande quantité d'eau.

L'autre moyen d'augmenter l'alimentation est la construction d'un barrage dans la Meuse pour élever le niveau d'eau. C'est une question beaucoup plus grave ; elle touche au régime de la Meuse, et vous le savez, on n'apporte pas impunément des modifications au cours des grands fleuves.

Il s'agit en même temps d'une question internationale, parce que c'est près de la frontière et qu'il a été convenu qu'on n'apporterait aucune modification au régime de la rivière sans le consentement d'un gouvernement voisin. De plus il y a lieu de croire que d'ici à un temps plus ou moins éloigné, les travaux que vous aurez décrétés en allouant le crédit de 300,000 francs suffiront à tous les besoins.

Je pense que cette déclaration lèvera une partie des obstacles qu'avaient rencontrés dans la Chambre le n°3 du projet qui vous est soumis.

- La clôture est demandée.

M. Pierre (contre la clôture). - J'ai demandé la parole pour adresser au gouvernement une question. De la réponse à cette question dépendra mon vote. Je prie la Chambre de bien vouloir ne pas clore prématurément une discussion qui est très importante. Le projet constitue un privilège énorme en faveur d'une partie du pays ; il froisse les intérêts d'autres parties du pays, et l'on ne permettrait pas aux représentants des provinces fortement lésées de prendre la parole. La Chambre clora, si elle le veut ; mais je prolesterais contre une semblable manière de faire.

M. le président. - La Chambre est libre de clore une discussion quand elle le juge à propos.

M. Van Iseghem. - Je demande à pouvoir présenter quelques observations contre la proposition de l'honorable M. Julliot. Je suis inscrit depuis hier, je désire conserver mon tour de parole, j'ai aussi à parler de l'approfondissement du canal de Bruges à Gand.

M. Devaux. - Je ne m'opposerai pas à la clôture de la discussion générale, quoique je sois inscrit depuis hier. Mais si l'on clôt la discussion générale, il doit être bien entendu que l'on pourra prendre la parole sur l'article premier.

M. Pierre. - Si la chose est ainsi entendue, je n'insiste pas.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Il est alloué au département des travaux publics, pour l'exécution d'ouvrages d'utilité publique, les crédits ci-après désignés ;

« 1° Continuation du canal de Deynze à la mer du Nord vers Heyst : fr. 1,800,000

« 2° Amélioration des ports et côtes : fr. 300,000

« 3° Travaux à entreprendre dans le but de mettre les moyens d'alimentation des canaux de la Campine en rapport avec la consommation d'eau à laquelle donnent lieu la navigation et les irrigations : fr. 300,000

« 4° Construction, le long de l'Escaut à Anvers, d'un embarcadère destiné au service des bateaux à vapeur transatlantiques : fr. 120,000.

« Total : fr. 1,920,000. »

- Proposition faite par M. Julliot : « Je propose l'ajournement du projet de loi jusqu'à ce que les voies et moyens, pour y pourvoir, soient connus et votés, sous réserve cependant que les crédits nécessaires aux engagements légalement pris jusqu'à ce jonr seront alloués pour faire face aux dépenses de cette dernière catégorie. »

- Proposition de M. Vandenpeereboom : « Je propose l'ajournement, jusqu'à la prochaine session, du vote sur le n°3° ;

« Travaux à entreprendre dans le but de mettre les moyens d'alimentation des canaux de la Campine, etc., etc., fr. 300,000.

- Amendement présenté par M. Deliége : « Art. 1er. Elargissement de la deuxième partie de la première section et approfondissement de la totalité de la première section. Elargissement de la tête d'écluse de Bocholt. »

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je n'ai pas l'intention de prolonger beaucoup cette discussion. Plusieurs orateurs ont fait remarquer, avec raison, qu'il existe une véritable solidarité entre tous les ouvrages d'utilité publique, décrétés par la loi de 1851. Cela a été également reconnu en principe par l'honorable ministre des travaux publics, ainsi (page 1259) que par son prédécesseur, l’honorable M. Van Hoorebeke, mais je constate à regret que ces deux honorables membres, en passant en revue les travaux qui font l’objet de la loi de 1851 perdent complètement de vue l’amélioration de la Dendre que le législateur a cependant placée sur la même ligne que le canal de Schipdonck, l’approndissement du canal de Gand à Bruges et l’amélioration des côtés de la mer, je pense que cet oubli est involontaire de leur paer, sans quoi il serait souverainement injuste.

Messieurs, j'ai eu plusieurs fois occasion de démontrer à la Chambre qu'il est impossible de faire valoir à l'appui du canal de Schipdonck une seule considération qui ne milite au même degré en faveur de l’amélioration de la Dendre.

Je crois pouvoir m'abstenir de faire ressortir encore cette vérité, toutefois je dois faire observer que quant à l'amélioration de la Dendre il y a une circonstance toute spéciale résultant de ce que l'insuffisance du crédit doit être attribuée au fait même du gouvernement. En effet, en 1851 la législature était tellement pénétrée de la nécessité de prendre des mesures efficaces pour soulager la situation de la vallée de la Dendre que la section centrale avait proposé de voter pour cet objet un crédit de deux millions et demi.

Or, pourquoi ce crédit a-t-il été réduit à un demi-million ? Parce que l’honorable ministre des travaux publics, à cette époque, est venu donner à la Chambre l'assurance la plus formelle qu'avec un crédit d’un demi-million, il pouvait faire face à tous les besoins. Il a dit et répété qu'il était certain, incontestable (ce sont ses propres expressions), qu'un crédit de 500,000 francs serait suffisant, non seulement pour assurer l'écoulement des eaux surabondantes, mais même pour substituer une navigation permanente à une navigation intermittente. J'admets volontiers que ces déclarations ont été faites de bonne foi, mais nous n'en sommes pas moins les victimes de cette bonne foi ministérielle ; car les études qui ont eu lieu depuis lors établissent de la manière la plus évidente, qu'il faut environ deux millions pour remédier sérieusement aux inondations de la vallée de la Dendre et que trois millions seraient nécessaires pour réaliser cette navigation permanente que l'honorable ministre faisait entrevoir avec le crédit d'un demi-million alloué par la loi de 1851.

Nous semmes donc bien loin du but qu'il s'agit d'atteindre.

A différentes reprises, je me suis fait un devoir de signaler cet état de choses au gouvernement, et je dois le dire, les réponses qui m'ont été données par l'honorable ancien ministre des travaux publics ne sont aucunement satisfaisantes.

Ainsi, il y a peu de temps encore, il se retranchait en quelque sorte derrière une exception dilatoire en prétendant que le crédit d'un demi-million n'est pas encore totalement épuisé.

Or, il est possible qu'il reste encore une bagatelle disponible.

Mais je ferai remarquer qu'on peut faire durer éternellement un crédit quelque insuffisant qu'il soit, lorsqu'on néglige d'en faire emploi et c'est un peu le système qui a été pratiqué à l'égard de la Dendre. Les travaux d'amélioration qui doivent être exécutes à cette rivière sont parfaitement connus. Il y a plus de deux ans que l'ingénieur en chef de notre province a publié un mémoire qui indique ces travaux de la manière la plus précise, la plus formelle. Pour compléter les études, il suffit donc d'avoir des devis estimatifs et des plans de détail. Or, sous ce dernier rapport, on a malheureusement perdu de vue la Dendre pour concentrer en quelque sorte toutes les facultés des ponts et chaussées ; sur le canal de Schipdonck. Ici on ne s'est pas même contenté du personnel ordinaire ; on y a joint des employés extraordinaires, des employés temporaires.

Enfin, on a fait l'impossible pour pouvoir mettre en adjudication des travaux départant même les crédits alloués cette première objection est donc absolument dénué de fondement.

Le plan général de l'amélioration de la Dendre étant arrêté depuis longtemps, il est très facile au gouvernement de faire faire les études de délai nécessaires pour procéder à la mise en adjudication d'une nouvelle série de travaux, il suffit pour cela de le vouloir sérieusement.

On a dit encore que les travaux de la Dendre sont susceptibles d'être exécutés successivement, qu'en conséquence il peut y être pourvu au moyen de crédits portés au budget pendant plusieurs années ; c'est là encore une très mauvaise raison opposée à nos justes réclamalions, car on pourrait en dire tout autant de tous les travaux quelconques, y compris le canal de Schipdonck vers la mer. D'ailleurs cette distinction qu'on voudrait établir est absolument contraire à la loi de 1851 qui a voulu que l'amélioration de la Dendre fût exécutée au moyen de ressources extraordinaires et en dehors du budget, absolument comme le canal de Schipdonck.

J'ajouterai en outre que, d'après l'idée qui a été mise en avant de continuer l'amélioration de la Dendre au moyen de crédits budgétaires, il faudrait encore dix à quinze ans avant qu'il ne fût réellement porté remède aux inondations dont nous nous plaignons.

Eh bien, c'est en quelque sorte nous renvoyer aux calendes grecques et nous ne pouvons en aucune manière accepter une pareille position. Je demande donc formellement qu'on reste fidèle à la pensée de la loi de 1851.

Mon intention n'est pas précisément de voter contre le projet de loi actuel, puisqu'il est destiné, en grande partis, à faire face à quelques travaux urgents, pour lesquels je veux bien admettre une exception ; mais je déclare que je combattrai de toutes mes forces les nouvelles demandes de crédits si l'on continuait à 'méconnaître les prescriptions formelles de la loi de 1851, en pratiquant une injuste exclusion à l'égard des travaux que réclame l'amélioration de la Dendre.

M. Vander Donckt. - Messieurs, permettez-moi de répondre quelques mots à l'honorable M. Coomans qui m'a attribué des paroles que je n'ai pas prononcées.

J'ai dit que la Campinc avait obtenu un grand nombre de travaux publics exécutés dans son seul intérêt, j'ai cité notamment le chemin de fer, le canal et les irrigations, tandis que dans les Flandres, elles sont une charge des wateringues, ce qui constitue un privilège pour la Campine.

J'ai applaudi aux paroles proférées dans cette enceinte par mon honorable ami, M. Vandenpeereboom ; eh bien, l'honorable M. Coomans s'est bien gardé de rencontrer cet argument. Assurément le travail qu'on nous demande aujourd'hui, et l'exposé des motifs le démontre à toute évidence, est proposé uniquement dans l'intérêt des irrigations, dans celui des propriétaires de la Campine.

Eh bien, je dis qu'avant de faire ces travaux, on pourrait exécuter avant tout le grand système des travaux publics adopté par la Chambre en 1851.

Maintenant je répondrai quelques mots à l'honorable M. Van Hoorebeke. L'honorable membre a voulu justifier le retard apporté à l'exécution des travaux sur la Lys et sur l'Escaut, par le motif qu'en 1851 les études n'étaient pas faites, que le premier coup de crayon n'était pas donné ; ce sont les propres paroles de l'honorable membre. Or, le projet du canal de Deynze à Schipdonck n'a pas été décrété en 1851 ; mais il l'était déjà dès 1847. Et à qui la faute si le premier coup de crayon n'était pas donné en 1851, si ce n'est au gouvernement, si ce n'est à celui qui était chargé de l'exécution ?

Je n'adresse aucun reproche à mes honorables amis de Liège ; je l’ai dit dans une autre circonstanee, ils ont eu raison de pousser à l'exécution des travaux décrétés pour la Meuse ; mais pourquoi le gouvernement, à cette époque, n'a-t-il pas simultanément donné suite aux études à faire pour les travaux à exécuter sur la Lys et l'Escaut ? Qui donc a fait faire les études sur les travaux de la Meuse, qui les a activés ? J'attends, à cet égard, la réponse de M. le ministre des travaux publics d'alors ; si à cette époque on avait activé les études et diligente les travaux, ils seraient achevés à l'heure qu'il est, et l'on n'en parlerait plus.

C'est ce que je devais répondre aux observations présentées par l'honorable M. Van Hoorebeke ; à plusieurs reprises il a été interpellé avec beaucoup d'instance par ses honorables collègues et notamment par notre honorable président, qui lui a répliqué un jour : « Je ne sais jusqu'à quel point je suis obligé de me rendre dans le cabinet du ministre, etc. » Les travaux de Schipdonck sont décrétés depuis bientôt dix ans, et ils ne sont pas achevés ; les fonds pour ces travaux ne sont pas faits.

Maintenant nous demandons qu'on fasse pour l'Escaut ce qu'on a fait pour préveuir les inondations, des autres rivières, et nous ne cesserons de le demander tant que justice nous sera rendue. En effet, nous sommes en droit même d'assigner le gouvernement en justice pour nous avoir inondés.

Comment ! le gouvernement, par son fait, nous a causé des dommages incalculables, le gouvernement est responsable des inondations annuelles qui ravagent nos propriétés, pour avoir, à la suite d'une convention faite avec la France, exécuté à l'Escaut des travaux qui devaient accroître considérablement ces désastres.

On dit qu'il faut procurer un vide dans le bassin de Gand, avant de pouvoir faire des travaux sur l'Escaut. Messieurs, vous n'ignorez pas que le flux et le reflux de la marée se font sentir jusqu'aux portes de Gand, et que du moment qu'un bassin est sujet au flux et au reflux de la mer, on a deux fois en 24 heures occasion de décharger une grande masse d'eau ; eh bien, le bas Escaut ne peut pas avec fondement venir se récrier contre la décharge des eaux du haut Escaut, puisque le bas Escaut doit recevoir ses eaux et peut les recevoir sans aucun inconvénient, au moyen des écluses, il peut les décharger en temps utile sans aggravation et sans danger pour ses propriétés.

Je bornerai là mes observations. Je recommande spécialement cette affaire à la sollicitude du gouvernement actuel, je le fais avec d'autant plus de confiance que l'état de choses dont je me plains n'est pas son fait, mais celui de ses prédécesseurs.

M. Van Hoorebeke. - Messieurs, à propos d'un fait que j'ai avancé et qui est parfaitement exact, à savoir qu'en 1851 pas un coup de crayon n'était donné pour l'achèvement du canal de Schipdonck, l'honorable M. Vander Donckt m'a attaqué et m'a reproché, d'abord, de ne pas savoir probablement ce que je disais, et secondement de ne pas avoir été d'une entière foi dans cette affaire.

C'est l'honorable membre qui a perdu de vue le souvenir de ce qui s'est fait à l'occasion de cette affaire, comme des discussions qui ont eu lieu dans cette Chambre, lorsqu'on s'est occupé pour la première fois, en 1845, de la question du canal de Schipdonck.

Lorsque le gouvernement, en 1845, a soumis aux Chambres la demande d'un crédit de 500,000 fr. pour l'exécution du eanal de Deynze à Schipdonck, il a parfaitement entendu qu'il ne prenait aucune espèce d'engagement en ce qui concernait le prolongement de la section de Schipdonck à la mer, parce qu'alors, comme en 1851, il y avait une (page 1260) divergence profonde entre la Flandre orientale et la Flandre occidentale, cette divergence, à l'époque où le gouvernement a présenté le projet, en 1851, existait encore ; je ne comprends pas que l'honorable M. Vander Donckt vienne faire au gouvernement le reproche de n'avoir pas étudié un projet quand on n'était pas d'accord sur ce qu'il y avait à faire. On ne s'est mis d'accord que lors de la discussion du projet de 1851.

Deux projets étaient en présence ; celui de l'ingénieur en chef de la Flandre occidentale qui était l'approfondissement du canal de Bruges à Gand pour faire servir ce canal à la décharge des eaux de la première section du canal de Deynze à Schipdonck, l'ingénieur de la Flandre orientale proposait de prolonger le canal de Deynxe à Schipdonck jusqu'à la mer à Blankenberghe ou à Heyst. C'était une grosse affaire. Il ne pouvait pas être question de faire étudier ce projet.

On ne peut de ce chef adresser aucune espèce de reproche au gouvernement. Quand à ce qu'a dit l'honorable M. Vander Donckt, qu'on n'avait pas mis assez d'activité dans l'exécution des travaux, je le renvoie à un autre discours dans lequel on reproche au gouvernement d'avoir employé là tout le personnel des ponts et chaussées.

M. Devaux. - Messieurs, la Chambre me pardonnera de prolonger encore ce débat qu'elle désirait terminer ; mais quand je le voudrais, on ne m'a pas laissé la liberté de me taire. Hier, en effet, quand j'ai demandé la parole, l'honorable M. Vander Donckt, voulant absolument me mêler à cette discussion, m'avait pris deux fois à partie avant qu'un seul mot fût sorti de ma bouche. M. Vander Donckt voit en moi, à ce qu'il paraît, un ennemi acharné du canal de Schipdonck, et il comprend également dans ce reproche mes deux collègues de Bruges. Cette hostilité passionnée n'existe que dans l'imagination de l'honorable membre, qui paraît s'échauffer beaucoup dans la défense de quelques intérêts locaux. Je ne pense pas avoir dit dans cette enceinte, à quelque époque que ce soit, une seule parole contraire, soit à l'adoption, soit à l'exécution du canal de Schipdonk.

Dans la dernière ou avant-dernière session, de nombreux propriétaires du nord de la Flandre occidentale avaient adressé une pétition à la Chambre pour demander que l'embouchure de ce canal fût placée près de Blankenberghe afin que les eaux qui inondent leurs terres tous les ans pussent s'écouler par cette voie et qu'ainsi le canal eût quelque utilité pour la partie de notre Flandre qu'il traverse. Il plut à l'honorable M. Vander Donckt de malmener les pétitionnaires dans son rapport et de les traiter d'ennemis du canal de Schipdonck, comme aujourd'hui mes deux collègues et moi. Je me bornerai à prendre la liberté de les défendre, de faire voir qu'il serait très utile et très juste que la question qu'ils soulevaient fût examinée par le gouvernement et que la pétition

3ne M. le rapporteur regardait comme une machination contre le canal e Schipdonck était une démarche des plus inoffensive et inspirée par l'intérêt le plus légitime.

La construction du canal de Schipdonck à la mer est décrétée par la loi ; bien loin de m'opposer à son exécution, je serai toujours aussi disposé à voter 1rs fonds qui y sont nécessaires, que ceux qui réclament l'exécution de tous les autres travaux que la loi a ordonnés, mais à la condition cependant que les fonds seront demandés régulièrement, qu'on ne mettra pas ce travail avant tous les autres de même catégorie et qu'il n'obtiendra pas à lui seul ce qui est destiné à tous. C'est précisément cette condition qui n'est pas remplie aujourd'hui et je ne crois pas me montrer hostile envers aucun intérêt légitime en blâmant le gouvernement de ce chef.

Messieurs, dans une de nos dernières séances, un membre du cabinet félicitait l'administration précédente d'avoir pu se passer de crédits extraordinaires en dehors du budget. Je ne sais si depuis l'avalanche de crédits qui vient de fondre sur la législature, cet éloge peut rester bien entier, mais en tous cas le projet de loi que nous discutons dans ce moment prouve qu'il est un des départements ministériels qui ne le mérite pas, c'est le département des travaux publics.

Cette administration a fait bien autre chose et bien pis que de venir nous demander des crédits en dehors de son budget. Elle ne nous les a pas demandés, mais elle a agi comme si elle les avait obtenus. Sans autorisation budgétaire ou extrabudgétaire d'aucune espèce, elle a pris des engagements, a acquis des terrains, adjugé des travaux jusqu'à concurrence d'un million trois cent mille francs.

Quand la section centrale a demandé des renseignements sur ce fait si grave au gouvernement, celui-ci a répondu que la chose s'expliquait fort naturellement.

Or, voici cette explication qui ne justifie absolument rien. La première des trois raisons qu'on donne, c'est que la continuation active des travaux du canal de Schipdonck a été plusieurs fois réclamée dans cette Chambre.

Qu'est-ce à dire ? Suffira-t-il désormais aux yeux de l'administration des travaux publics, pour qu'elle engage d'énormes capitaux de l'Etat, que quelques représentants aient demandé ici l'exécution de travaux qui intéressent leurs localités.

A qui espère-t-on faire adopter une telle théorie ? On donne pour second motif l'intérêt de la bonne construction et de l'économie ; mais on ne nous apprend point en quoi ce double intérêt qu'on allègue ainsi, en deux mots, serait lésé, si avant d'adjuger des travaux et d'acquérir des terrains on en avait demandé l'autorisation à la législature. Enfin la troisième raison, c'est que le principe de la construction du canal a été décrété car la loi. Le principe sans doute, mais n'est-ce pas à la législature a en régler aussi la dépense ? Dira-t-on que le mal n'est pas grand parce que la dépense devait se faire un jour ? Le mal, c'est qu'un ministre peut ainsi favoriser les travaux de certaine localité aux dépens de tous les autres.

Il peut contracter des engagements pour les premiers et puis, dans un moment de gêne financière, venir nous dire ; « Ces travaux-ci sont urgents, car en ce qui les concerne il y a des engagements pris, il faut donc leur allouer des fonds à l'exclusion de tous les autres qui ne se trouvent pas dans ce cas. » C'est précisément ce que fait le gouvernement dans ce moment.

Il faudra que les travaux du canal de Schipdonck obtiennent un crédit de préférence à tous les autres travaux dont la loi a décrété le principe, parce qu'il y a à leur égard des engagements pris, c’est-à-dire, parce qu'on a violé là loi en leur faveur ; et il faut que tous les autres restent suspendus et privés de fonds, parce que pour eux la loi a été observée. Ainsi ce qu'on nous demande ce n'est pas seulement de couvrir une illégalité par un bill d'indemnité, mais de la récompenser, d'y attacher un privilège.

Il est temps qu'on en finisse aux travaux publics d'une manière d'agir aussi blâmable ; je demande qu'on ne renouvelle plus cette comédie des engagements pris, engagements par lesquels on viole la loi afin de pouvoir alléguer ensuite le fait accompli en faveur des travaux qu'on protège. Il faut que le département des travaux publics, qui ne dépense pas seulement comme les autres départements ministériels, les revenus annuels de l'Etat, mais qui absorbe, en outre, les énormes capitaux des emprunts, rentre dans la voie de la régularité financière ; s'il continuait à suivre d'autres errements, je crois que sans qu'on puisse nous accuser d'hostilité envers quelques travaux que ce soit, il nous sera permis à nos collègues et à moi de nous opposer à de pareils écarts. Pour ce qui me concerne, au risque de déplaire à l'honorable M. Vander Donckt, je promets dans ce cas tout le contraire de la résignation.

M. Van Hoorebeke (pour un fait personnel). - Je demande pardon à la Chambre de prendre de nouveau la parole. Mais elle comprendra que l'honorable préopinant vient de m'adresser un reproche que je ne puis accepter.

Il me sera permis de donner quelques explications, d'autant plus que je les avais annoncées. J'ai dit que si j'étais interpellé j'étais en mesure de fournir des explications. Si elles ne sont pas de nature à détruire complètement ce qu'il y a de vrai dans le reproche adressé à l'administration, elles sont au moins faites pour atténuer ce qu'il y a de grave dans ce reproche.

D'abord, en matière de travaux publics, le système qui a été suivi par moi ministre est exactement celui qui a été suivi par tons mes prédécesseurs. C'est à titre d'excuse que je le dis. Les honorables membres qui ont parlé n'ont pas, que je sache, fait la moindre réserve ; et cependant il est certain qu'en ce qui concerne le canal de la Campine et le canal de Zelzaete, l'exposé des motifs du projet de loi qui a été présenté en 1848 attestait que les dépenses avaient excédé de 1,160,000 francs les crédits alloués.

Je pourrais invoquer ici une série de projets de loi destinés à pourvoir à des dépenses déjà engagées ; toujours le fait que l'on incrimine aujourd'hui s'est produit, et je ne sache pas que la Chambre ait articulé à ce sujet le reproches que l'honorable préopinant vient de formuler.

Maintenant, en fait, voyons ce qui s'est passé. La Chambre se rappellera les discussions qui ont eu lieu au sujet du canal de Schipdonck. Les honorables collègues de Gand n'ont pas cessé d'insister pour que le gouvernement poussât avec activité l'exécution de cet important travail. Par suite de la crise extraordinaire que nous avons traversée, de l'exhaussement de la main-d'œuvre et des matières premières, l'administration a fait plusieurs adjudications qui ont été sans résultat. On devait commencer par la section de Damme à la mer. Le montant du devis était 817,000 francs. La première adjudication a été du 15 mars 1854 ; elle est restée sans résultat parce que la soumission la plus basse dépassait le montant du devis.

La deuxième adjudication, du 26 mai 1854, a eu le même résultat.

L'administration, qui voulait donner suite à l'adjudication qu'elle avait tentée, avait acheté les terrains, fait les expropriations, dépensé plus de 500.000 fr.

Ne pouvant adjuger la section de Damme à la mer, on se rejeta sur une autre section. On ne pouvait commencer les travaux.

Cependant le gouvernement avait pris l'engagement de les poursuivre activement.

On a mis en adjudication une autre section sur laquelle on travaille en ce moment ; c'est la section de Schipdonck à Maldeghem.

Une première adjudication a eu lieu le 8 avril 1854. Il se trouva encore que par suite de l'exhaussement de la main-d'œuvre et des matières premières aucune soumission ne put être ratifiée.

Une deuxième adjudication eut lieu le 7 juin 1854, c'est-à-dire qu'on-avait perdu plus de 6 mois. Il avait fallu acheter les terrains.

Les chambres n'étant pas réunies, que fallait-il faire ? Ou stater complètement les travaux, ne pas donner suite à l'adjudication, manquer aux engagements pris devant la Chambre, ou ratifier la quatrième adjudication qui venait d'être faite. J'avoue qu'en face de cette situation je n'ai pas cru encourir un (page 1261) reproche très grave en faisant ce qu'avaient fait tous mes prédécesseurs. En présence de l'engagement que j'avais pris et que j'ai considéré comme un engagement moral, j'ai ratifié cette nouvelle adjudication. C'est de ce chef qu'il y a eu insuffisance.

M. Pierre. - Je suis autant que qui que ce soit partisan de toutes les améliorations agricoles. A ce point de vue, je n'hésiterais certainement pas à voter le projet de loi que nous discutons. Mais avant tout, il y a une question de justice distributive.

La province que j'ai l'honneur de représenter a certainement autant de droits à votre sympathie que la Campine. Il s'agit, pour la Campine, d'une amélioration agricole sous forme d'eau. Dans le Luxembourg, il s'agit d'une amélioration agricole sous forme de chaux. La forme seule diffère. Le fond est identiquement le même.

Hier, mon honorable ami, M. de Moor, a prié le gouvernement de dire quelles étaient ses intentions à cet égard. Il a demandé s'il ne se proposait pas de nous faire, à la session prochaine, une demande avec cette destination.

Pendant la sessien dernière, le gouvernemant précédent avait cru ne pas devoir faire une demande en ce sens. Usant de notre initiative, d'honorables collègues et moi, nous avons soumis cette demande à la Chambre, qui ne l'a pas admise. Mais évidemment, le gouvernement entre dans une voie nouvelle, qui nous donne la garantie qu'il fera une proposition favorable à la province de Luxembourg.

S'il y a une comparaison à faire, elle est toute à notre avantage. Dans la Campine, on va donner l'eau, c'est-à-dire, de l'engrais gratuitement. Dans le Luxembourg, on ne donnait pas la chaux gratuitement ; c'est un faible avantage accordé aux propriétaires qui en font usage. La différence est toute à l'avantage de la province de Luxembourg.

Je prie M. le ministre de l'iniérieur, qui n'était pas là quand son collègue des travaux publics a répondu à l'honorable M. de Moor, de dire si l'intention du gouvernement est de reprendre la proposition que nous avons faite l'année dernière.

Dans ce cas, je voterai avec empressement le crédit demandé ; dans le cas contraire, il y aura, à l'égard du Luxembourg, une iniquité contre laquelle je protesterai.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Il y a une décision de la Chambre ; le gouvernement la respecte ; il n'a pas l'intention de présenter un projet de loi pour la distribution de la chaux à prix réduit dans le Luxembourg.

S'il y a dans la décision qui a été prise l'an dernier une injustice pour une province, c'est à la Chambre à voir ce qu'elle a à faire. Pour moi je n'admets ce reproche ni pour la Chambre ni pour le gouvernement.

M. Pierre. - Je demande si le gouvernement serait ou non favorable à une demande de ce genre.

M. Van Iseghem. - Je crois que la Chambre veut clore et qu'elle est fatiguée de cette discussion, je serai donc bref. J'ai demandé la parole pour combattre la proposition d'ajournement qui vous a été présentée par l'honorable M. Julliot dans la séance d'hier.

L'honorable membre a commencé par vous présenter des observations sur la manière dont la section centrale était composée ; il vous a dit qu'elle comprenait des députés de telle et telle localité. Messieurs, la section centrale a été élue par les sections particulières, après une discussion approfondie. Je pense que cette critique de l'honorable membre n'est pas sérieuse ; d'après moi, la nomination de la section centrale signifie que sa proposition n'a aucune chance de succès.

Je ne dirai rien de la position financière dont l'honorable membre a parlé et à laquelle M. le ministre des finances a répondu.

Un autre motif, mis en avant, est celui que, pour les travaux, il n'y a aucun péril en la demeure. C'est le contraire pour ceux des n°1 et 2.

Je ne combattrai pas la demande de crédit de 1,200,000 fr. pour le canal de Schipdonck et je ne le défendrai pas non plus. Mais j'ai à me plaindre de ce que le gouvernement ne demande rien pour le canal de Bruges à Gand. Lorsque en 1851 divers travaux publics ont été décrétés, il a été convenu qu'ils auraient marché simultanément et qu'on n'aurait pas plus tard proposé de nouveaux crédits plutôt pour l'un que pour l'autre ouvrage. A cette époque il y a eu des promesses formelles que le ministère ne tient pas en ce moment.

Tout ouvrage commencé doit être achevé avant qu'on puisse mettre la main à de nouveaux travaux. L'approfondissement du canal de Gand à Bruges sera favorable au commerce, au trésor public et à l'agriculture, une raison de plus pour ne pas discontinuer les travaux.

Au commerce il donnera une voie de plus pour arriver à Gand et donnera des facilités à la navigation.

Au trésor, il donnera une économie, car du moment que le canal sera creusé, les navires destinés pour Gand, au lieu de prendre la route de Terneuzen, prendront celle d'Ostende et Bruges, et la Belgique ne sera plus obligée de rembourser le péage sur l'Escaut ; le mouvement de Gand est de 200 navires ayant un tonnage de 25,000 tonneaux, et le péage se monte à environ 80,000 fr. ; il y a à ajouter les droits de pilotage et d'autres avantages.

L'avantage pour l'agriculture sera que le canal de Terneuzen qui a été établi comme canal d'évacuation ne devra plus servir comme voie de navigation et pourra être rendu à sa destination primitive.

Le gouvernement a eu grandement tort de venir nous demander un crédit de 300,000 fr. pour le canal de la Campine, tout est en ce moment pour cette partie du pays et le ministère aurait dit plutôt employer cette somme pour le canal de Bruges à Gand.

Je comprends que l'honorable M. Van Hoorebeke, dans le discours qu'il vient de prononcer, défende le canal de la Campine ; il a le droit de le faire, car son intention avait été, en rentrant au ministère, de demander un crédit de 600,000 fr. pour continuer les travaux d'approfondissement du canal de Bruges à Gand.

J'espère donc qu'à l'avenir le gouvernement traitera la Flandre occidentale comme les autres provinces. Pour la Campine, quand les intéressés demandent de l'eau, le gouvernement est prêt à faire des travaux ; mais quand nos wateringues demandent à être débarrassés des inondations, rien n'est à obtenir.

J'ai aussi quelques mots à dire pour prouver que les travaux au port d'Ostende doivent absolument être achevés.

L'exposé des motifs du projet de loi de 1851 nous annonçait que las travaux devaient s'élever à une somme d'environ 1,800,000 fr. et l'on a voté 400,000 fr., il n'y a donc pas de surprise. Il y a eu une adjudication qui s'est élevée à 65,000 francs. Une somme de 368,000 fr. a été dépensée. Il reste à voter, pour achever la grande digue, une somme de 300,000 francs.

Si l'on n'exécute pas immédiatement le complément des travaux, tout ce qui a été fait jusqu'ici sera compromis. Les travaux doivent être achevés, parce qu'à chaque marée ce qui est fait se trouve submergé et est à la merci des vagues ; le nouveau bassin de retenue doit être gagné sur la mer ; la Chambre doit comprendre qu'il est impossible de laisser les travaux commencés dans une pareille situation. La France et l'Angleterre améliorent aussi considérablement leurs ports. Ostende est un endroit de la plus haute importance pour la Belgique ; on doit se rappeler les services que ce port a rendus en 1830 et 1831 lors de la fermeture de l'Escaut.

Un autre fait doit être pris en considération. Les navires, en entrant dans les ports, payent un droit de tonnage. Ce droit a été établi pour améliorer et entretenir les ports. Chaque année vous portez de ce chef au budget des voies et moyens une somme de 500,000 fr. La navigation qui paye cette somme a le droit d'avoir des ports où l'on puisse entrer à toutes les heures de la marée.

Puisque la Chambre désire clore, je ne dirai que peu de chose de la question qui a été traitée par l'honorable M. Sinave et par l'honorable M. Dubus relativement aux siphons du Paddegat. Je déplore que la surveillance n'ait pas été mieux faite. Il y a beaucoup à dire sur ce point.

Une année auparavant un crédit de 9,000 fr. avait été demandé pour réparer un des deux siphons. Le canal a été mis à sec. On aurait dû examiner ce qui manquait. Je crois que le corps des ponts et chaussées de la Flandre occidentale a été en défaut. La rupture qui a eu lieu a été fatale à l'agriculture et a occasionné des pertes considérables aux fermiers ; les terres ont été longtemps inondées, et je demanderai qui payera ces pertes ; je crains beaucoup que le gouvernement n'ait des procès à soutenir.

Je prierai M. le ministre de donner des ordres sévères pour que les employés des ponts et chaussées restent à leur poste et demeurent dans leurs résidences. Par suite des absences continuelles que font ces messieurs, il y a des retards considérables dans les travaux et dans la confection des plans.

L'honorable M. Sinave a dit que je ne devais pas croire qu'il était hostile au port d'Osiende ; j'accepte avec plaisir le concours que l'honorable membre veut bien me promettre, et je puis lui assurer que cet appui sera bien vu par mes concitoyens.

- La clôture est demandée.

M. Pierre. - Je demande à M. le ministre de bien vouloir me répondre d'une manière catégorique. Le vote de plusieurs de mes collègues et le mien sont subordonnés à la réponse qu'il me fera. Je demande si, oui ou non, le gouvernement s'opposera à la proposition que nous nous disposons à faire. Un cabinet qui s'intitule cabinet de conciliation.

M. Lelièvre. - Je désire adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics. Je demande donc que la clôture ne soit pas prononcée. Je n'abuserai pas des moments de la Chambre ; il ne s'agit que d'une simple interpellation.

- La discussion est close.


L'amendement de M. Julliot est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - Un amendement étant proposé sur un des numéros de l’article premier, je mettrai cet article aux voix par division.

« Art. 1er. Il est alloué au département des travaux publics, pour l'exécution d'ouvrages d'utilité publique, les crédits ci-après désignés ;

« 1° Continuation du canal de Deynze à la mer du Nord vers Heyst : fr. 1,200,000. »

- Adopté.


« 2° Amélioration des ports et côtes : fr. 300,000. »

- Adopté.


« 3° Travaux à entreprendre dans le but de mettre les moyens d'alimentation des canaux de la Campine en rapport avec la consommation d'eau à laquelle donnent lieu la navigation et les irrigations : fr. 300,000. »

A ce numéro, il y a deux amendements.

D'abord celui de M. Julliot, ainsi conçu :

(page 1262) « Je propose l'ajournement du projet de loi jusqu'à ce que les voies et moyens pour y pourvoir soient connus et votés, sous réserve cependant que les crédits nécessaires aux engagements légalement pris jusqu'à ce jour seront alloués pour faire face aux dépenses de cette dernière catégorie. »

Je mets cet amendement aux voix.

- L'appel nominal est demandé.

82 membres sont présents.

33 adoptent.

45 rejettent

4 s'abstiennent.

En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Portement, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Devaux, Dubus, Dumortier, Goblet, Lambin, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Mascart, Orts, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Sinave, Thibaut, Thienpont, Tremouroux, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Renynghe, Verhaegen, Wasseige, Boulez, Coppieters't Wallant, de Baillet-Latour et de Breyne.

Ont voté le rejet : MM. de Decker, de Haerne, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Pitteurs, de Royer, de Sécus, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Frère Orban, Janssens, Landeloos, Lange, Laubry, Lejeune, Lesoinnc, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Prévinaire, Rousselle, Thiéfry, Van Cromphaut, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Overloop, Van Remoortere, Vermeire, Visart, Brixhe, Coomans, Dautrebande, de Bronckart et Delehaye.

Se sont abstenus : MM. de La Coste, Faignart, Jacques et Julliot.

M. de La Coste. - Messieurs, tous les orateurs qui ont parlé dans la discussion sont convenus, les uns très explicitement, les autres d'une manière implicite, que, outre l'intérêt général, il y avait aussi à considérer et à équilibrer, en matière de travaux publics, les intérêts des provinces et des localités.

Je suis loin d'être hostile aux travaux qui serviront à fertiliser la Campine, à multiplier et à perfectionner les voies de communication, mais je regrette que la Campine brabançonne ne soit pas associée aux avantages qui sont offerts à la Campine anversoise et à la Campine limbourgeoise. Je regrette qu'on laisse la Campine brabançonne dans un complet isolement.

Elle est entièrement veuve de chemins de fer et de canaux. N'ayant point eu la parole dans la discussion, j'ai voulu saisir l'occasion de mon abstention pour recommander ce pointa l'attention du ministère.

M. Faignart. - Je me suis abstenu à cause d'une déclaration du gouvernement qui ne paraît pas vouloir traiter de la même manière différentes provinces du pays. Le Luxembourg réclame de la chaux à prix réduit, ia Campine réclame de l'eau pour rien. Je ne veux pas donner de l'eau pour rien quand on refuse de donner de la chaux à prix réduit.

M. Jacques. - Je n'ai pas voulu repousser une dépense qui peut être nécessaire à la navigation, mais j'ai quelques doutes sur le point de savoir s'il ne s'agit pas plutôt des irrigations et c'est pour ce motif que je me suis abstenu.

M. Julliot. - Ma proposition relative à l'ensemble des crédits ayant été repoussée, je n'ai pas voulu voter contre ma province toute seule. Je n'ai pas voté pour le crédit, parce que je n'admets pas le principe en vertu duquel les dépenses sont proposées.


M. le président. - Nous avons maintenant l'amendement de M. Deliége qui est ainsi conçu :

« Art. 1er. Elargissement de la deuxième partie de la première section et approfondissement de la totalité de la première section. Elargissement de la tête d'écluse de Bocholt. »

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je me rallie à l'amendemcnl de M. Deliége.

M. Deliége. - M. le président, il y a une erreur d'impression dans mon amendement. On a omis les mots : « des canaux de la Campine », qui viennent à la suite de : « totalité de la première section ».

- L'amendement de M. Deliége est mis aux voix et adopté.

« 4° Construction, le long de l'Escaut à Anvers, d'un embarcadère destiné au service des bateaux à vapeur transatlantiques, fr. 120,000. »

- Adopté.

L'article premier est mis aux voix et adopté dans son ensemble.

Article 2

« Art. 2. Ces crédits seront couverts au moyen d'une émission de bons du trésor. »

M. Lelièvre. - Je dois adresser à M. le ministre des travaux publics une interpellation, parce que de la réponse du gouvernement dépendra le vote que j'émettrai sur le projet de loi. Je désire donc savoir si M. le ministre se propose de demander à la législature l'allocation des fonds nécessaires pour exécuter la loi de décembre 1851 en ce qui concerne les améliorations à apporter au canal de la Sambre près de la ville de Namur.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Il m'est impossible de répondre immédiatement à l'honorable M. Lelièvre. La loi de 1852 a décrété des travaux publics pour des sommes très considérables qui doivent être nécessairement réparties sur plusieurs exercices. Je ferai tout ce qui dépendra du moi pour que la ville de Namur obtienne la satisfaction à laquelle elle a droit. Ce n'est pas la première fois que j'ai eu l'honneur de le dire à l'honorable M. Lelièvre,

M. Wasseige. - Messieurs, je me borne à faire remarquer que dans la loi de 1851 on a voté une somme de 600,000 fr. pour travaux d'amélioration à la Sambre dans la province de Hainaut et dans celle de Namur ; que cette somme est loin d'être dépensée ; qu'il en reste une partie assez considérable ; c'est cet excédant de crédit que j'engage M. le le ministre des travaux publics à dépenser utilement le plus tôt possible.

M. Lelièvre. - Je ferai remarquer à la Chambre que la somme énoncée à la loi de décembre 1851 est insuffisante pour subvenir à la dépense dont il s'agit. C'est le motif qui a été allégué par le gouvernement pour ne pas adhérer aux réclamations qui lui ont été adressées.

Lors de la discussion de la loi de 1851, j'avais proposé un amendement à l'effet de majorer le chiffre proposé ; je ne le retirai que sur l'assurance qui me fut donné par le ministre, que la somme demandée par le gouvernement était assez élevée pour couvrir la dépense. Or, l'événement prouva que cette assertion était erronée.

Il est donc nécessaire que le ministre demande une allocation à la législature, et c'est cet objet que je recommande au gouvernement. Sans la promesse que l'honorable membre vient de faire, je ne donnerais pas mon assentiment au projet de loi.

- La discussion est close.

L'article 2 est mis aux voix et adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

84 membres répondent à l'appel.

66 membres répondent oui.

13 membres répondent non.

5 membres s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre adopte ; le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. de Decker, de Haerne, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Royer, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Vilain XIIII, Visart, Boulez, Brixhe, Coomans, Dautrebande, de Breyne, de Bronckart et Delehaye.

Ont répondu non : MM. de Moor, Devaux, Dubus, Dumortier, Julliot, le Bailly de Tilleghem, Pierre, Pirmez, Sinave, Thibaut, Tremouroux, Coppieters 't Wallant et de Baillet-Latour.

Se sont abstenus : MM. de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Lambin, Vandenpeereboom et Wasseige.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Portemont. - Messieurs, je n'ai pas voulu voter contre le projet de loi, parce qu'il comprend des dépenses qui sont le résultat des lois antérieures ; je n'ai pas voulu voter pour, parce que la Dendre, dont l'amélioration a été décrétée par la loi de 1851, n'y figure pas.

M. de Ruddere. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Lambin. - Messieurs, je n'ai pas voté contre le projet de loi, parce que j'entends que les engagements pris par le gouvernement et les droits qui pourraient être acquis à des tiers, soient respectés.

Mais si l'utilité publique, si l'intérêt général réclame et obtient le concours de l'Etat pour le défrichement, par irrigation, des landes de la Campine, je crois que les mêmes motifs existent pour le défrichement des bruyères de l'Ardenne.

Or, messieurs, on ne recule devant aucun sacrifice pour la Campine ; on lui accorde gratis et à perpétuité, l'eau nécessaire à ses irrigations, tandis que, vous le savez, messieurs, on a refusé net aux défricheurs ardennais et on leur refusera impitoyablement à l'avenir, paraît-il, la délivrance, à prix réduit et sollicitée pour un temps très limité, de la chaux nécessaire, indispensable, au défrichement de leurs bruyères.

Un pareil système de poids et mesures, messieurs, il m'est impossible de l'adopter.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je n'ai pas voté pour le projet, parce qu'il y a des travaux que je ne puis pas admettre ; je n'ai (page 1263) pas voté contre, parce qu'il y a d'autres travaux qui doivent être exécutés immédiatement.

M. Wasseige. - Messieurs, je n'ai pas voté pour, parce que je ne pouvais pas donner mon assentiment aux irrigations de la Campine ; je n'ai pas voté contre, parce que le projet renferme des travaux utiles, pour lesquels il y a des engagements pris.

Rapports sur des pétitions

M. le président. - Nous avons à statuer sur le rapport de la commission des pétitions, présenté hier par M. Mathieu et dont M. Orts a demandé l'impression.

La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics avec demande d'explications.

M. Orts. - On fait à la pétition dont il s'agit un accueil qui n'est en aucune façon justifié. J'ai lu le rapport ; le gouvernement se trouve en face d'une réclamation qui peut être légitime en principe, mais qui est couverte par une déchéance.

Les pétitionnaires frappés de déchéance pour des honoraires que leur père a mérités viennent demander que la Chambre, usant de son droit d'initiative, propose un projet de loi en faveur de cette réclamation.

Dans des circonstances analogues, on a frappé de déchéance des porteurs de titres provisoires de l'emprunt forcé de 1848, dont les créances sont plus dignes d'intérêt que celle d'une famille opulente qui se trouve privée de bribes d'honoraires du chef de son auteur. La Chambre devrait se borner à prononcer un renvoi pur et simple, sans prendre parti pour les réclamants.

- Le renvoi pur et simple est prononcé.


M. le président. - Nous avons des rapports de la commission d'industrie sur des pétitions demandant des mesures pour amener l'abaissement du prix des charbons.

La première émane d'un comice agricole du Hainaut. Par l'organe de M. Lesoinne, son rapporteur, la commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

M. Rodenbach. - Je suis étonné qu'il y ait encore des tarifs de faveur pour les charbons destinés à l'exportation. Depuis trois ans ce combustible a doublé de prix et nous voyons encore des tarifs de faveur en provoquer l'exportation. Je crois que le temps est venu de supprimer ces tarifs. J'appelle sur cet objet l'attention sérieuse de MM. les ministres. Dans une séance précédente, j'ai également critiqué les tarifs de faveur accordés pour d'autres transports, je veux parler de la réduction accordée pour le transport du beurre et des œufs destinés à l'exportation.

Je demande si sous le précédent ministère on a fait cesser cet abus ; car c'est un abus criant d'accorder une espèce de prime à l'exportation de ces objets quand les aliments de toute espèce sont si chers.

M. Dumortier. - Les observations de mon honorable ami M. Rodenbach sont de toute justesse, je viens les appuyer de tous mes moyens.

Aussi longtemps que l'industrie minérale a été en souffrance, qu'il a fallu lui procurer un écoulement, j'ai approuvé les primes d'exportation qu'on accordait sous forme de réduction de tarif ; mais aujourd'hui que l'exportation se fait d'une manière telle, que l'importation étrangère est impossible malgré la suppression des droits d'entrée, le privilège accordé pour faciliter l'exportation de ces produits sur les marchés étrangers constitue un véritable abus dont je demande positivement la suppression.

A ce propos, j'appellerai votre attention la plus sérieuse sur le deuxième point signalé par mon honorable ami M. Rodenbach.

Déjà j'ai eu l'honneur de vous entretenir de cet objet, permettez que j'en dise encore quelques mots. Vous connaissez les besoins de nos populations au point de vue des matières alimentaires les plus nécessaires à la vie ; vous savez à quel prix sont arrivés le beurre, les œufs, ces objets indispensables à la nourriture des habitants de notre pays ; car je ne pense pas qu'il se trouve personne d'assez inhumain pour vouloir que nos ouvriers se contentent de manger du pain. Malgré l'élévation considérable du prix de ces objets par suite de l'exportation, chose étrange ! le beurre et les œufs transportés par le chemin de fer jouissent, quand ils sont destinés pour l'exportation, d'une faveur sur le beurre et les œufs destinés à approvisionner nos marchés.

C'est un grave abus, en ce qu'il tend à augmenter incessamment les prix de ces denrées alimentaires et à les mettre hors de la portée des ouvriers. Loin donc qu'il s'agisse de mettre à la sortie un droit qui amènerait de deux résultats l'un ; de procurer une ressource au trésor ou de diminuer le prix de ces objets si nécessaires à la consommation, le gouvernement accorde une prime pour que ces matières reviennent à meilleur marché à celui qui les consomme à l'étranger qu'à celui qui les consommerait dans le pays. C'est un abus très grave qui a passé sans doute inaperçu. Je me joins à men honorable ami pour demander qu'on remédie au plus tôt à ce grave abus. Il est temps de faire quelque chose pour le peuple qui souffre ; la première, c'est de cesser d'accorder des primes pour alimenter les étrangers au détriment de nos populations.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je prie la Chambre de ne pas accorder une trop grande-importance à ces remises ; elles portent surtout sur le transport de la houille dans deux circonstances différentes.

La première est une réduction sur le prix des transports destiné à l'exportation comme lest des navires. Celle-là existe depuis longtemps. Je puis déclarer qu'elle entre dans une proportion si minime dans le mouvement commercial des chemins de fer, qu'il n'y a pas lieu de s'en préoccuper au point de vue du prix de la houille pour la consommation inférieure.

L'autre existe en vertu d'un tarif international pour l'exportation vers la frontière du Midi. Nous avons avec le chemin de fer français du Nord un tarif commun, rédigé en vertu d'une convention par suite de laquelle certains transports jouissent de remises pour l'exportation. Ces privilèges se compensent pour l'administration belge par l'avantage de charges complètes, de retours gratuits et par l'emploi du matériel français sans indemnité de la part de l'administration belge.

Quant au transport général, cela influe très peu sur le prix de la marchandise rendue à Paris, puisque le parcours belge est dans une proportion très minime relativement au parcours français. Cette légère faveur ne doit donc influer que d'unemartière insensible sur la quantité de houille exportée.

Quant aux denrées alimentaires, leur prix est toujours assez élevé, par rapport au prix du transport, pour qu'il n'y ait pas lieu de craindre qu'une réduction quelconque, si tant est qu'il en existe, puisse élever quelque peu leur prix sur le marché intérieur.

Ainsi tout en acceptant le renvoi de la pétition, et en m'engageant à en faire un examen attentif, je crois que la Chambre ne doit pas perdre de vue que le remède demandé ne serait pas très eflicacc pour faire cesser le mal dont on se plaint.

M. Prévinaire. - Je n'ai pas demandé la parole pour me joindre aux honorables membres qui ont appuyé la pétition par des considérations qui auraient pour effet de faire monter les prix. Je crois que-les observations de l'honorable ministre sont très sages.

Mais j'ai demandé la parole lorsque M. le ministre des travaux publics, a parlé d'une convention entre le chemin de fer belge et le chemin de fer du Nord. Il y a dans la loi de notre tarif une disposition très importante dont jusqu'à présent on n'a pas tiré tout le parti possible pour le pays.

C'est la disposition qui permet de réduire dans certains cas de 50 p. c. les transports sur le chemin de fer.

Je demanderai à M. le ministre s'il est à sa connaissance qu'il existe une convention entre la compagnie du Nord et l'administration belge pour que l'usage que le gouvernement juge à propos de faire, sur la ligne belge, du droit que lui donne la loi, puisse être étendu aux relations internationales.

Tout récemment un fait assez important s'est passé. La compagnie du chemin de fer du Nord modéra son tarif pour le transport de certaines marchandises. La diminution était considérable puisqu'elle détermina une baisse de 40 p. c. sur le prix des marchandises. Je ne veux pas nommer la catégorie de marchandises, mais je l'indiquerai à M. le ministre des travaux publics. Il est très important que la faculté qu'a le gouvernement sur la ligne belge puisse être étendue à la ligne du Nord.

M. de Mérode. - Je saisis l'occasion de cette pétition pour recommander de nouveau à M. le ministre des finances la question de savoir s'il n'importerait pas d'établir un droit à la sortie des denrées alimentaires, dont nous avons grand besoin en Belgique pour la consommation des habitants. Ce serait un moyen d'alimenter le trésor public auquel on demande beaucoup de dépenses.

Si nous obtenons ainsi une recette pour le trésor et une diminution du prix des denrées alimentaires dont nous avons grand besoin en Belgique, je crois que ce serait un résultat favorable. Pour mon compte, je le désire beaucoup, parce qu'il est évident que la généralité des habitants sera écrasée par la consommation d'un pays voisin et riche, avec lequel il nous est bien difficile de lutter.

Je saisis cette occasion pour présenter cette observation à M. le ministre des finances qui en fera ce qu'il voudra.

M. Vermeire. - J'ai demandé la parole pour faire quelques observations sur une demande des pétitionnaires. Ils sollicitent la suppression de tous les privilèges qui sont encore accordés pour le transport de la houille, tant sur les chemins de fer que sur les canaux. En ce qui concerne les privilèges sur le chemin de fer, M. le ministre des travaux publics vient de nous donner des explications, mais quant aux réductions sur les canaux, je crois que les plus importantes ont été supprimées par une loi votée l'année dernière. Il n'en existe plus que pour la Sambre canalisée. Celles-ci sont la conséquence d'une convention faite avec une compagnie française en vertu de laquelle on a réciproquement diminué les droits.

Si aujourd'hui l'on devait retirer ces avantages, il en résulterait que ces privilèges seraient remplacés par une surtaxe que rien ne paraît justifier.

Cette demande, ainsi formulée, peut avoir des conséquences très importantes, et on ne doit pas y donner une solution à la légère. Les pétitionnaires demandent qu'il y ait des droits de navigation les uns plus élevés que les autres, en ce sens qu'on payerait des droits plus élevés pour les charbons destinés à l'exportation et des droits moins élevés pour le transport dans l'intérieur du pays. C'est là établir, d'une manière indirecte, un droit de sortie sur ce combustible et il me (page 1264) semble que, quand on veut atteindre un pareil but, on devrait avoir la franchise de le dire sans détour.

Si les droits sur la Sambre canalisée devaient être augmentés, on arriverait à ce résultat anomal que les péages garantis par des traités internationaux resteraient acquis aux canaux et rivières qui en font l'objet, tandis que les rivières et canaux, qui ne se trouvent pas sous l'égide des traités, quant aux péages, seraient placés dans des conditions plus désavantageuses. Cela ne serait pas juste.

Les conclusions de la commission me paraissent donc parfaitement justifiées.

Ainsi, les lois que nous avons votées antérieurement sont en opposition formelle avec une pareille demande, parce que la Chambre, depuis un temps assez long, n'a pas fait un pas vers la protection, mais s'est toujours avancée vers la liberté. J'espère qu'elle persévérera dans cette voie, et, pour ces motifs, je viens appuyer les conclusions de la commission d'industrie.

M. Visart. - Messieurs, l'honorable comte de Mérode a proposé au gouvernement de prendre des mesures à l'occasion de la cherté de certaines denrées alimentaires. Un rapport vous a été présenté aujourd'hui, au nom de la commission permanente d'industrie, sur une pétition d'habitants de Courtrai qui demandent la même chose que l'honorable comte. Les conclusions de ce rapport seront mises incessamment en discussion conformément au désir de la Chambre ; le moment sera alors venu de traiter la question. J'engage l'honorable comte de Mérode et le gouvernement à attendre l'instant des explications écrites et verbales qui donneront des éclaircissements sur cet objet important.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. le président. - Le rapport présenté au nom de la commission permanente d'industrie, par M. Janssens, est ainsi conçu ;

Messieurs, une pétition datée de décembre 1854 et signée par plusieurs fabricants de verres à vitres ou de couleurs, de bouteilles, et par quelques maîtres de forges de Charleroi, Couillet, Jumet, Lodelinsart, etc., a été adressée à la Chambre et renvoyé, en février 1855, à votre commission de l'industrie.

Cette requête, reproduisant le texte d'une pétition sur laquelle votre susdite commission vous fit rapport dans la séance du 1er février 1855 nous avons cru pouvoir nous dispenser de vous en faire une analyse détaillée et de nous étendre de nouveau sur les considérations consignées dans le rapport mentionné.

Les pétitionnaires, après avoir longuement exposé le préjudice, le danger même qui résulte pour leur industrie de la rareté et du haut prix du charbon, s'en rapportent à la sagesse des décisions de la Chambre pour sauvegarder leurs intérêts « soit, disent-ils, non seulement en opérant le retrait de tous les privilèges accordés aux transports de charbon destiné à l'exportation et notamment de ceux accordés par arrêté du 1er novembre 1849 ; mais encore en l'assimilant quant aux droits de péage sur les canaux, lorsqu'il doit être exporté, à plusieurs autres matières employées dans l'industrie belge même et qui payent encore aujourd'hui les droits de navigation de 1ère classe, c'est-à-dire les plus élevés. »

Quant à la dernière partiede cette demande, qui tend à établir d'une manière indirecte un droit à la sortie, votre commission ne peut l'appuyer ; quant à la première, ainsi que le disait le rapport précité, la législature et le gouvernement y ont fait droit en grande partie en abolissant sur les canaux toutes les réductions de péage qui n'étaient point stipulées dans des traités ou des conventions.

Il existe encore, pour les transports par chemin de fer, des tarifs de faveur pour la houille exportée vers la France et pour celle destinée à servir de lest aux navires de mer. Il est difficile d'apprécier jusqu'à quel point ces réductions imposent des sacrifices au trésor, parce que, dans le premier cas, une partie des charges est supportée par la société du chemin de fer du Nord qui fournit exclusivement, et sans aucune indemnité, le matériel nécessaire à ces transports et que, dans les deux cas, un tarif réduit donne lieu à un mouvement qui, sans cela, n'existerait pas ou serait bien moins considérable ; mais, envisageant la question à un autre point de vue, votre commission pense qu'il y a lieu à examiner si, dans la situation actuelle de l'industrie houillère et de celles qui s'y rattachent, il convient de maintenir des tarifs de faveur qui sont une espèce de prime donnée à l'exportation.

Désirant appeler sur ce point l'attention du gouvernement, votre commission vous proprose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Les conclusions de ce rapport sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi prorogeant la loi sur le tarif des correspondances télégraphiques

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article unique du projet.

M. Lelièvre. - A l'occasion du projet soumis à la Chambre, je crois devoir recommander au gouvernement la présentation d'un projet ayant pour but de réprimer les délits qui peuvent être commis sur les lignes télégraphiques. La loi du 1er mars 1851 ne renferme à cet égard que des dispositions incomplètes et peu propres à protéger les intérêts importants qui peuvent être lésés en cette matière. En France, on a cru devoir porter une loi spéciale pour régler l'objet dont il s'agit. Il me semble impossible de ne pas suivre la même voie chez nous. En conséquence j'appelle sur ce point l'attention particulière de M. le ministre des travaux publics. Quoique certains faits puissent être réprimés par le Code pénal, il en est d'autres qui ne sont pas prévus et qui doivent faire l'objet de dispositions spéciales dont il est essentiel de s'occuper.

M. Rodenbach. - Messieurs, je ne m'opposerai pas à la prorogation qui nous est demandée. Mais je profite de cette occasion pour engager vivement le gouvernement à supprimer le système des zones et à établir pour tout le pays la taxe uniforme de 2 fr. 50 par dépêche de 25 mots, avec dix centimes de supplément pour chaque mot en plus.

Je ferai une autre observation.

Je remarque dans le rapport que l'on veut exiger que les employés surnuméraires des télégraphes que l'on envoie dans de petites localités comme Termonde, etc. sachent quatre ou cinq langues ; le français, le flamand, l'anglais, l'allemand,

Ces surnuméraires n'ont, je pense, d'abord aucun appointement. Au bout de quelque temps on leur donne 600 francs, et le maximum de traitement auquel ils puissent arriver est de 1,800 francs. Il paraît que le motif de cette exigence est qu'il s'est trouvé à Termonde un Anglais qui ne savait pas le français. Je crois, messieurs, qu'il est impossible, pour 600 francs par an, d'avoir des savants, des hommes connaissant quatre ou cinq langues.

Je crois que le gouvernement, an lieu de se préoccuper de pareilles exigences, fera bien de s'attacher à l'amélioration des tarifs ; il rendra ainsi un véritable service au pays. En Angleterre, en Suisse on fait un usage considérable des télégraphes ; s'il n'en est pas ainsi en Belgique, c'est que l'organisation y laisse beaucoup à désirer.

Je n'en dirai pas davantage pour le moment.

M. Prévinaire. - Avant d'entamer la discussion, il me semble qu'il serait utile que le gouvernement déclarât s'il se rallie aux observations de la section centrale.

M. le président. - La section centrale adopte le projet, mais elle émet un vœu, c'est qu'il y ait un tarif uniforme pour la Belgique.

M. Osy. - Je ne m'oppose pas au projet de loi. La section centrale vous en propose l'adoption. Mais le gouvernement, dans son exposé des motifs, nous dit les vues qu'il compte adopter. Sur ce point, il peut y avoir discussion et nous pouvons peut-être éclairer le gouvernement.

Messieurs, il y avait trois zones pour les dépêches télégraphiques en Belgique. Le gouvernement a l'intention de ne plus établir que deux zones ; il y aurait une seconde zone pour les dépêches à faire arriver à plus de 100 kilomètres.

Cette seconde zone ne s'appliquerait réellement qu'aux extrémités da pays, qu'aux dépêches entre Anvers ou Ostende et Verviers. Il me paraît donc qu'il ne vaut pas la peine d'avoir une seconde zone, d'autant plus que le rapport nous dit que cette différence de recette se borne à 2,000 fr.

Comme nous avons adopté un tarif uniforme pour la taxe des lettres, je croyais que nous adopterions le même système pour les dépêches télégraphiques en en fixant le prix au taux uniforme de 2 fr. 50 c. lorsque le nombre des mots ne dépasse pas 25. Le gouvernement s'y oppose, parce qu'il craint l'influence que l'adoption de ce système pourrait avoir sur nos arrangements internationaux.

Je regrette que le gouvernement ne nous ait pas soumis les propositions qu'il a reçues de la société anglaise, pour les dépêches anglaises destinées au pays et pour celles qui transitent en Belgique et vont en Allemagne. On m'a confié une lettre qui a été adressée à M. le ministre des travaux publics le 28 avril dernier, et j'y vois que la société anglaise fait une proposition qui me paraît convenable ; elle demande que le prix du transit des dépêches par notre pays soit réduit à 3 fr. 75 c. et, par contre, elle nous accorderait une réduction de 2 fr. sur les dépêches destinées à l'Angleterre. Il y aurait un tarif uniforme pour l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande.

Vous savez, messieurs, que la société anglaise a trois lignes ; la ligne par Douvres, la ligne sur Ostende et la ligne sur Scheveningue. Beaucoup de dépêches passent par la Haye, parce qu'il paraît qu'on a plus de confiance dans l'administration hollandaise que dans l'administration belge et l'administration française. Vous savez, messieurs, que la politique joue un grand rôle dans les dépêches télégraphiques, et pour les dépêches politiques, chacun choisit le pays qui lui inspire le plus de confiance. Pour les dépêches commerciales le gouvernement français a consenti à abaisser le tarif comme le demande la compagnie anglaise. Aussi je vois que de Londres à Vienne il est passé par Calais 389 dépêches, tandis qu'il n'en est passé que 2 à Ostende. Il en est passé, pour Turin, 166 à Calais, aucune en Belgique ; pour Trieste 287 à Calais, 2 Ostende ; pour Gênes 231 à Calais, aucune en Belgique ; pour Francfort 111 à Calais, aucune en Belgique. Voilà un total de 1,180 dépêches qui ont traversé la France, tandis qu'il en est passé 11 par la Belgique. C'est donc une grande erreur de la part du gouvernement de ne pas admettre la réduction à 3 fr. 75 qui a été admise par le gouvernement français.

(page 1265) De son côté le commerce aurait l'avantage d'envoyer à meilleur compte ses dépêches destinées à la Grande-Bretagne. J'engage donc le gouvernement à examiner avec la plus grande attention les propositions qui lui sont faites par la société anglaise.

Maintenant, messieurs, puisque la France a abaissé son tarif pour le transit entre l'Angleterre et l'Allemagne, je ne vois aucun inconvénient à ce que nous adoptions le système d'une seule zone, c'est-à-dire la taxe uniforme de 2 fr. 50 c. pour toutes les dépêches transmises à l'intérieur du pays.

D'après le principe du gouvernement, il n'en résulterait qu'une perte de 4,000 francs, mais vous comprenez bien, messieurs, que si le prix de 2 fr. 50 c. était substitué à celui de 7 fr. 50 c., on enverrait beaucoup plus de dépêches. Je ne suis pas de ceux qui voudraient abaisser le tarif outre mesure, ce qui amènerait peut-être à se servir du télégraphe pour des objets qui n'en vaudraient pas la peine, de manière que le service deviendrait trop considérable ; mais il n'y aurait aucun inconvénient à admettre la taxe de 2 fr. 50 c. pour 25 lettres, avec le système du gouvernement qui consiste à ajouter 10 c. par lettre. Ce système me paraît excellent.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, le gouvernement a fait connaître dans l'exposé des motifs les principes qu'il se propose d'adopter pour la tarification des dépêches télégraphiques. Ces principes, vous avez pu le remarquer, reposent tous sur la modération des taxes. Le gouvernement, de son propre mouvement, a porté à 25 mots la base de la tarification, base qui, précédement, était de 20 mots. Cela peut être considéré comme une réduction d'un cinquième.

Ensuite lorsque les 20 mots étaient dépassés, le prix de la dépêche était doublé ; dans l'intérêt du commerce et pour faciliter les relations, cette surtaxe a été supprimée et remplacée par un supplément de 10 centimes par chaque mot au-delà du vingt-cinquième, de sorte qu'une dépêche de 26 mots, au lieu de 5 fr. ne paye plus que fr. 2 60. Ensuite l'administration attachant la plus grande importance à assurer la transmission correcte des dépêches, fait gratuitement la répétition pour collationnement des parties les plus indispensables de la dépêche, c'est-à-dire les noms propres et les chiffres ; précédemment on faisait payer une double taxe pour ce collationnement quand il était demandé.

On indique encore le nombre de mots dont se compose chaque dépêche ; on évite ainsi tout erreur de transmission.

Le service de nuit était précédemment surtaxé ; maintenant les principaux bureaux où il est utile de correspondre la nuit, c'est-à-dire ceux qui servent à la transmission des dépêches pour Paris, Londres, Berlin, ces bureaux restent ouverts toute la nuit et cela n'entraîne aucune charge pour le public.

On rend encore l'accès du télégraphe beaucoup plus facile en établissant autant que possible les bureaux aux centres des populations. Ainsi à Anvers, je pense que nous arriverons, d'ici à très peu de temps, à avoir le télégraphe dans le local même de la bourse.

Il n'y a donc pas lieu de reprocher au gouvernement de ne pas chercher par tous les moyens'possibles à rendre plus facile l'usage du télégraphe électrique.

Maintenant, ces améliorations de détail sont combinées avec une mesure beaucoup plus large, qui est de réduire à peu près à une même zone tout le mouvement à l'intérieur. L'extension de la première zone, de 75 kilomètres à 100 kilomètres, rendra la taxe de fr. 2-50 applicable à presque toutes les relations de l'intérieur. Quelques bureaux sont exceptés, mais ce n'est pas sans intention. Si on les mettait dans la première zone, quant aux relations intérieures, il n'en résulterait, comme le dit M. Osy, qu'une perte de 2,557 fr. pour le trésor. Mais c'est là le petit côté de la question, car si la perte pour le trésor ne serait que de quelques mille fr. cela veut dire que la perte qu'on impose au public qui se sert du télégraphe n'est pas plus considérable.

Mais à côté de cela il faut considérer nos relations avec l'étranger. Tous les pays reliés par le télégraphe électrique sont maintenant en négociation pour l'adoption d'une base générale internationale. Si dès aujourd hui nous accordions une seule zone pour le trafic intérieur, ce serait noas désarmer d'avance pour les négociations auxquelles nous aurons à prendre part.

Adopté dès à présent, ce principe serait fort dangereux, car une fois que nous sommes désarmés de ce côté, la perte ne porte plus seulement sur le trafic intérieur qui ne nous procure que 16,000 dépêches dans les 60,000 que nous échangeons, mais elle porte encore sur les 29,000 dépêches que nous donne le service international et sur les 14,000 dépêches que nous avons en transit. Or, la perte sur le trafic intérieur serait de 2,557 fr. ; sur le service international, de 45,000 fr., et sur le transit de 55,000 fr. ; de sorte que la perte totale subie par le trésor public pour faciliter ces quelques relations intérieures serait de fr.101,679.

L'honorable M. Osy dit ; « cette perte sera compensée et au-delà par un surcroît de trafic. » De deux choses l'une ; ou cet abaissement de taxe produira un accroissement de trafic, et alors nous aurons probablement, sans augmentation de recette, rendu beaucoup moins bon un service qui répond aujourd'hui complètement à son but. On ne fait pas du jour au lendemain un personnel capable de gérer un bureau télégraphique et en doublant immédiatement le nombre de dépêches, on court le risque de voir ce service gravement compromis.

Mais j'ai des raisons de croire que le contraire aura lieu et que ce sera presque sans aucune compensation que nos tarifs auront été abaissés, parce que dans la taxe internationale, la partie perçue pour le transit en Belgique est très faible. Les dépêches en transit sont ordinairement taxées à 10, 15 ou 20 francs et les 5 francs belges sur lesquels on pourrait opérer une réduction, n'influeront pas d'une manière sensible sur le coût total de la dépêche ; cela ne suffira donc pas pour en augmenter sensiblement le nombre.

Ainsi, je persiste à croire que le gouvernement a montré toute la bonne volonté possible pour améliorer la télégraphie, en faisant les concessions qu'il a annoncées.

S'il persiste dans le maintien de deux zones, c'est pour se réserver un moyen de négociation avec l'étranger ; je pense que ce serait une faute de ne pas maintenir, au moins provisoirement, le système que le gouvernement a indiqué dans l'exposé des motifs.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Messieurs, je ne puis pas admettre l'exactitude des chiffres que vient de nous donner M. le ministre des travaux publics.

L'honorable M. Dumon prétend qu'avec le système de la taxe uniforme, que nous désirons voir introduire à l'intérieur, et qui aurait pour conséquence, d'après lui, une diminution sur la taxe du transit, il y aurait de ce chef une perte de 55,000 fr. pour le trésor public ; j'ai fait le calcul et je trouve que la perte ne serait que d'environ 27,000 fr.

Voici comment est ce calcul.

Pour les dépêches internationales, je suis d'accord avec lui, c'est-à-dire que si, par suite de la rédaction, le nombre des dépêches n'était pas augmenté, il y aurait eu perte, en 1854, d'environ 43,000 francs.

Mais pour les dépêches en transit, je prends les bases suivantes :

Le total général est de fr. 99,832 50.

Les dépêches de l'Angleterre pour l'Allemagne ont été de 1,086, produit 11,530 fr. ; de l'Allemagne pour l'Angleterre, de 3,264, produit 29,222 fr. Soit 4,350 dépêches soit un produit de 40,752 fr.

Ces dépêches payent le prix de la troisième zone 7 fr. 50 c.

La compagnie anglo-belge demande à pouvoir les transporter à 3 fr. 75 c, ce qui donnerait une perte de fr. 20,376.

Le produit des autres dépêches est de 59,080 francs ; elles payent 5 francs, comme appartenant à la deuxième zone. Ces dépêches calculées à 3 fr. 75 c. donneraient une perte de 1 fr. 25 c. ou 19,770 fr. Total, 40,146 fr.

De quoi il y a à déduire la différence de 2 fr. 50 c. que le gouvernement propose d'accorder en supprimant la troisième zone et qui est d'un tiers sur 40,752 francs, soit 13,584. Soit fr. 26,562.

Je ne comprends pas non plus comment M. le ministre des travaux publics vient dire que si nous faisons quelque chose pour le trafic intérieur, nous aurons à accorder la même faveur pour les dépêches internationales et pour les dépêches expédiées en transit. Je ne puis pas admettre cette assimilation.

Nous avons des conventions avec nos voisins et certes parce que nous trouvons que par compensation il faut pour l'extérieur une taxe uniforme, le même prix pour les dépêches de 10 ou de 200 kilom., personne ne pourrait nous forcer à diminuer nos prix pour les dépêches expédiées uniquement à grande distance, c'est-à-dire les dépêches étrangères.

Encore, et allant aussi loin que l'honorable ministre, la perte de 27,000 francs que je trouve serait largement compensée par l'accroissement du nombre des dépêches. Au surplus, la question du transit est une question de concurrence. Si nous n'accordons pas les mêmes avantages que nos voisins, les dépêches prendront la route de la Hollande ou de Calais.

L'honorable M. Osy a parlé des propositions faites par la compagnie anglo-belge. Cette compagnie nous offre un immense avantage pour l'expédition des dépêches destinées aux villes secondaires de l'Angleterre ; le prix de la dépêche serait de 10 francs.

C'est une offre très avantageuse, et j'engage le gouvernement à examiner mûrement cette proposition.

L'honorable M. Rodenbach a dit que mon rapport parle de faire apprendre quatre langues aux employés du télégraphe ; j'ai seulement engagé le gouvernement à admettre autant que faire se peut les dépêches écrites en anglais et en allemand.

M. Osy. - Messieurs, dans ma pensée, ce sont les dépêches belges pour l'intérieur qui seules n'auraient que 2 fr. 50 à payer ; quant aux dépêches expédiées en transit, elles payeraient la taxe d'après les conventions qu'on aurait faites avec l'étranger.

M. le ministre des travaux publics ne m'a pas répondu à l'égard des propositions qui ont été faites par la compagnie anglaise. Je vous ai prouvé que toutes les dépêches passent par la France, parce que le gouvernement n'a pas voulu adopter le système français ; je vous ai montré que sur 1,180 dépêches qui vont par Calais, la Belgique en a 4 ; si donc vous n'adoptez pas le même système qu'en France, vous n'aurez rien. Il est temps de sortir de là.

La compagnie anglaise nous fait déjà une offre très avantageuse, je suis persuadé que l'Allemagne nous accordera la même chose.

M. Loos. - Messieurs, je regrette que la question du télégraphe électrique soit venue à la fin d'une séance, et surtout à la fin d'une (page 1366) session. Il me paraît que ce projet était assez important pour donner lieu dans cette Chambre à une discussion un peu moins précipitée.

Je trouve que nous faisons de cette magnifique invention un usage infiniment trop restreint.

Il semble que l'honorable ministre des travaux publics ne soit préoccupé que du danger d'avoir trop de dépêches. Vous voyez son embarras si on réduit le tarif, si on crée une zone uniforme, si on accepte les propositions d'une compagnie anglaise, il doit en résulter un inconvénient, un trop grand nombre de dépêches.

Pour moi, je trouve que le tarif est trop élevé et je trouve qu'en le réduisant le gouvernement fera une recette bien plus considérable qu'aujourd'hui. Je veux le réduire, surtout dans l'intérêt du trésor, voulez-vous la preuve que le tarif est trop élevé ? La voici.

La correspondance télégraphique a été introduite en Belgique par une compagnie particulière. Elle pouvait fixer le prix, elle a pu établir le prix qui lui convenait, il fallait l'autorisation du gouvernement, eh bien quel est le prix qu'elle a fixé ? 1 fr. 50 c., il est aujourd'hui à 2 fr. 50 c. Quand le gouvernement a succédé à la compagnie, le jour même il l'a augmenté d'uu franc. Ce qu'il faut se demander c'est si le prix réduit donnait de meilleurs résultats La preuve qu'on pouvait avoir un prix modéré, c'est que la société privée l'avait fixé à 1 fr. 50 c, et que le gouvernement belge l'a porté à 2 fr. 50 c.

Par le tableau qui vous a été soumis, vous voyez que dans d'autres pays les prix sont au-dessous des nôtres. En Hollande, les prix sont un tiers moindres que chez nous. Pour une simple dépêche on paye 57 cents.

J'aurais voulu qu'on nous donnât la comparaison des tarifs, que le ministre voulût bien nous faire connaître le résultat de l'exploitation, la Chambre aurait pu juger ce qu'on gagnait à avoir des tarifs élevés et à des tarifs réduits.

D'après les renseignements que j'ai obtenus, le résultat est plus avantageux en Hollande qu'en Belgique. Dans tous les pays où ce service a été introduit, on ne craint pas le trop grand nombre de dépêches, quelle que soit leur abondance, malgré la nouveauté du service, en très peu de temps on a mis des employés au courant, de manière à pourvoir à tous les besoins.

Je pense qu'un tarif bien exploité, posés comme nous le sommes, doit être extrêmement productif pour le trésor.

Je crois que le moyen qu'on emploie n'est pas celui qui doit conduire à de bons résultats. Je ne fais aucune proposition, la séance et la session sont trop avancées ; je me réserve de faire des propositions l'année prochaine ; en attendant, le ministre pourrait très bien accepter, sans crainte de porter préjudice au trésor, la proposition de la section centrale. Le résultat qu'il redoute ne peut, en aucun cas, survenir. Au lieu d'une réduction de recettes, je suis sûr qu'il trouvera une augmentation.

M. Julliot. - Les personnes qui se servent fréquemment du télégraphe accepteront certainement la réduction de tarif ; à mon point de vue les Belges ne s'en servent pas ou très peu ; ce que M. le ministre des travaux publics a à faire, c'est de chercher le point où le télégraphe doit produire le plus.

Il y a une autre considération dont il faut tenir compte, c'est que le télégraphe ne peut pas être très actif sans nuire à la poste. Si le nombre croissant des dépêches télégraphiques donne quelques bénéfices, on perdra l'équivalent sur le service de la poste.

Eu tenant compte de tout cela, il faut rechercher dans la tarification le point où le service télégraphique doit être le plus avantageux. C'est ce que je recommande à M. le ministre des travaux publics.

- La séance est levée à 5 heures.