Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 1 février 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 481) M. Maertens procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée

Pièces adressées à la Chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Les sieurs Desmet et comp., industriels à Zele, appellent l'attention de la Chambre sur la surtaxe dont se trouve frappé le combustible qui emprunte le canal de Charleroi à partir de Seneffe. »

« Plusieurs négociants et industriels à Boom demandent l'abolition de cette surtaxe. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal d'Oostham demandent que les habitants de cette commune soient exemptés des logements militaires. »

- Même renvoi.


« La députation permanente du conseil provincial de Liège prie la Chambre de voter un nouveau crédit pour l'exécution de travaux d'hygiène dans les villes et communes. »

- Même renvoi.


« Le sieur Bradfer, maître de forges, présente des observations sur le projet de loi relatif à la sortie du minerai de fer et demande que tous les minerais, sans exception de qualité ni de province, soient frappés d'un droit égal à la sortie. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les sieurs Cambier et comp., propriétaires de hauts fourneaux à la Louvière, présentent des observations contre le projet de loi et les pétitions qui ont pour objet la sortie du minerai de fer. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi et du rapport sur la pétition.


« Les professeurs et l'administration du conservatoire royal de Liège prient la Chambre de décider si la loi de 1844 sur les pensions est applicable aux professeurs de cet établissement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Deliége. - Je demanderai un prompt rapport sur cette pétition, la question dont il s'agit devant nécessairement se présenter à l'occasion des articles du budget de l'intérieur.

- La demande de prompt rapport est adoptée.


« M. le ministre de la justice transmet avec les pièces de l'instruction 7 demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


Il est procédé au tirage des sections de février.

Projet de loi augmentant le produit minimum de l’accise sur le sucre

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le Roi m'a chargé de présenter à la Chambre différents projets de loi que je vais avoir l'honneur d'indiquer.

1° Un projet de loi d'accises sur le sucre tendant à porter de 3,500,000 à 4,500,000 fr. le minimum du produit de cette accise, et renfermant, d'ailleurs, d'autres dispositions, les unes en faveur du commerce et de l'industrie, les autres en faveur du trésor ;

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Dépôt

2° Un projet de loi tendant à accorder au département de l'intérieur un crédit de 315,000 fr. pour suppléer à l'insuffisance du fonds de non-valeurs ;

Projet de loi allouant une dotation annuelle à S.A.R. le comte de Flandre

Dépôt

3° Un projet de loi tendant à allouer une dotation annuelle de 150,000 fr. à S.A.R. le Comte de Flandre.

L'exposé des motifs et le texte de ce dernier projet de loi sont ainsi conçus : (M. le ministre donne lecture de ce projet.)

- Il est donné acte, à M. le ministre, de la présentation de ces projets de loi.

La Chambre en ordonne l'impression et la distribution, et les renvoie à l'examen des seetions.

Ordre des travaux de la Chambre

M. Osy. - A cette époque de l'année, nous avons l'habitude de surprendre les travaux de la Chambre pendant quelques jours. J'ai l'honneur de proposer qu'après la séance de demain, nous nous ajournions à jeudi prochain à deux heures.

- Cette proposition est adoptée.

Motion d’ordre

Achèvement du chemin de fer de Contich à Lierre

M. Coomans. - Je profite de la présence de l'honorable M. Dumon au banc des ministres, pour appeler l'attention du gouvernement et de la Chambre sur une affaire qui intéresse de très près la sécurité des voyageurs, le trésor et l'industrie privée.

Le chemin de fer de la Campine, ou plutôt le chemin de fer de Contich à Lierre, est sérieusement menacé. Cette voie appartient au gouvernement qui ne l'a jamais achevée ; elle se trouve aujourd'hui dans un si mauvais état que les voitures n'y circulent plus qu'avec des précautions infinies et que sous peu de jours la locomotion devra être suspendue, si les pluies durent encore, et si l'on n'exécute pas des réparations assez coûteuses.

Je n'ai pas besoin de faire remarquer à la Chambre, combien cet état de choses est grave tant au point de vue de l'humanité, qu'à celui des relations, des voyageurs et du commerce.

J'appelle toute l'attention du gouvernement et de la section centrale sur la nécessité de faire immédiatement tout ce qui est possible pour éviter des malheurs et de nouveaux retards dans la solution du problème qui concerne ce chemin de fer.

Je viens de dire que la voie appartient à l'Etat ; il en résulte que la compagnie qui exploite provisoirement cette voie ne peut pas y faire de grandes réparations. Il faut qu'une prompte solution intervienne afin que la compagnie sache à quoi s'en tenir, et que les sacrifices accomplis par le trésor en faveur du chemin de fer de la Campine portent leurs fruits.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Jusqu'à présent, messieurs, les faits auxquels fait allusion l'honorable M. Coomans ne sont pas officiellement arrivés à ma connaissance. La compagnie qui exploite provisoirement la ligne de Lierre à Contich n'a formulé aucune réclamation directe sur l'état de la voie, et elle continue son service d'une manière qui, je pense, ne doit pas alarmer les voyageurs qui circulent sur cette route.

Un fait est vrai dans ce que vient de dire l'honorable M. Coomans : la compagnie qui exploite àtlitre précaire, et qui attend la sanction législative de la convention conclue avec le gouvernement, ne fait que l'entretien le plus strictement urgent. D'autre part, l'Etat qui n'exploite pas et qui a arrêté le compte de la construction au moment où la convention provisoire a été signée, est assez peu disposé, de son côté, à faire de nouvelles dépenses. Je pense comme l'honorable représentant que le meilleur moyen de faire cesser les inconvénients dont il s'agit, c'est que la Chambre veuille bien reprendre la discussion du projet de loi présenté par le gouvernement et trancher la question de la cession du chemin de fer de Lierre à Contich.

M. Prévinaire. - Vous vous rappelez, messieurs, que vers le 15 novembre dernier, la Chambre s'est occupée du projet de loi déposé par le gouvernement et qui a pour objet de concéder le chemin de fer de Contich à Lierre, à la compagnie qui exploite la ligne de Lierre à Turnhout. Ce projet date du 16 mai 1855, mais il a soulevé une question très grave, très sérieuse et la section centrale qui s'en occupa avec toute l'activité possible, se prononça contre le projet du gouvernement et indiqua un autre moyen qui, suivant elle, était de nature à satisfaire tous les intérêts.

Le rapport de la section centrale fut déposé vers la fin du mois de mai, et je crois me rappeler que ce fut précisément le jour où la Chambre se sépara.

Après la rentrée, vers le 15 novembre, le projet fut discuté, des observations sérieuses furent présentées contre le principe même du projet de loi, ainsi que contre la teneur de la convention.

C'est après cela que M. le ministre des travaux publics consentit à l'ajournement du projet. Quelques jours avant la vacance de Noël, M. le ministre des travaux publics déposa un nouveau projet de convention, et c'est seulement depuis quelques jours que la section centrale a été constituée.

Aujourd'hui même elle s'en est occupée très sérieusement ; une demande de renseignements doit être adressée à M. le ministre des travaux publics, aussitôt qu'il aura répondu, la section centrale pourra reprendre son examen.

M. de La Coste. - Messieurs, il y a environ quinze jours que vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport, une demande de l'administration communale de Louvain en faveur de la concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.

Il y a, dis-je, déjà quinze jours que la Chambre a renvoyé cette pétition à la commission avec prière de faire un prompt rapport ; nous alioas nous séparer pour quelques jours, et je ne trouve pas encore la pétition indiquée dans le feuilleton où sont analysées celles qui vont nous occuper. Me serait-il permis de demander à M. le rapporteur de la commission des pétitions quel est le motif de ce retard et en quel état (page 482) l'affaire se trouve actuellement ? Ce serait peut-être aussi l'occasion pour M. le ministre ries travaux publics, qui est présent, de faire connaître ses intentions à cet égard.

M. Vander Donckt, rapporteur de la commission des pétitions. - Messieurs, la pétition dont parle l'honorable préopinant a suivi la marche ordinaire que la Chambre a prescrite à la commission des pétitions ; elle n'est pas comprise dans le feuilleton des pétitions à prompt rapport qui est à l'ordre du jour de la présente séance ; elle n'y est pas comprise, parce qu'elle nous est arrivée tardivement.

Les conclusions du feuilleton des pétitions ordinaires dont ces prompts rapports faisaient partie vous ont déjà été présentées depuis plusieurs jours.

Il résulte de la mesure prise par la Chambre pour l'exécutiou servile du règlement, qu'aujourd'hui la présentation des conclusions sur les prompts rapports est retardée de huit jours, puisque le vendredi seul est fixé pour les prompts rapports.

Or, tous les rapports qui sont prêts, et qui ne peuvent pas être compris dans le feuilleton du premier vendredi, sont ajournés de plus de huit jours. Les rôles sont donc intervertis. Au lieu que les prompts rapports doivent précéder les rapports ordinaires, il peut arriver que ce sont les rapports ordinaires qui précèdent de huit jours les prompts rapports.

Si l'on avait adopté la proposition de notre honoiable collègue M. Thiéfry, cet inconvénient aurait été évité. Grâce à la marche qu'on a préférée, il en sera toujours des prompts rapports, comme il en est de celui auquel l'honorable M. de La Coste a fait allusion

M. Coomans. - Messieurs, la réponse de l'honorable ministre des travaux publics est de nature à faire penser à la Chambre que je me serais ému trop légèrement des dangers qu'offre en ce moment la circulation sur le chemin de fer de Contich à Lierre.

Je prie la Chambre de croire qu'il n'en est rien. Je me suis muni de tous les renseignements nécessaires. J'ai entre les mains des pièces qui pour n'être pas officielles, pour n'être qu'officieuses, n'en sont pas moins très véridiques et très respectables ; or il en résulte que la circulation est des plus défectueuses en ce moment et qu'il est très heureux qu'il n'y ait pas encore eu d'accident grave.

En effet, le sol ondule sous les roues des voitures, comme une eau agitée ; le ballast doit être renouvelé entièrement ; les rails doivent être rectifiés sur plusieurs points ; il y a des enfoncements de plus d'un pied ; et c'est grâce à des précautions infinies qui entraînent des retards très considérables qu'il n'y a pas encore eu de malheur.

J'ai le droit de signaler de pareils faits avant que des accidents déplorables et irrépatables soient venus forcer le gouvernement et la société concessionnaires à prendre des mesures de précautions. Du reste, ma responsabilité est mise à couvert, c'est en partie dans ce but que j'ai fait mon interpellation.

Mais j'insiste de nouveau pour qu'une solution prompte intervienne dans cette affaire. Je ne veux pas discuter la question de principe : ce n'est pas le moment. Mais je crois qu'il est urgent que des réparations soient faites par le gouvernement ou par la compagnie.

Il faut que ces réparations soient exécutées sans délai. On ne peut pas jouer ainsi avec la vie des vovageurs.

M. Prévinaire. - Je me joins à l'honorable M. Coomaus pour demander que la voie soit mise en bon état. Je crois que la chose n'est pas difficile. Un crédit a été alloué par la loi de 1851 pour la construction du chemin de fer de Contich ; il s'élevait à 500,000 fr. Les dépenses faites ont été liquidées à la somme de 359,000 fr. ; vous voyez qu'il reste disponible une somme assez forte pour que l'Etat propriétaire puisse remettre la voie en bon état. Jusqu'à ce que la Chambre se soit prononcée sur la convention qui lui est soumise, l'Etat doit faire acte de bon propriétaire, maintenir la route dans un état convenable. J'engage le ministre à mettre son immeuble dans un état convenable d'exploitation.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je suis d'accord avec les honorables membres pour reconnaître que toute les mesures doivent être prises pour assurer la sécurité des voyageurs sur le chemin de fer de Contich, mais voilà le premier mot que j'entends sur le danger qu'ils peuvent courir.

Les mesures les plus promptes seront prises pour porter remède au mal qui vient d'être signalé.

Rapports sur des pétitions

Promprs rapports de pétitions

M. Lambin, rapporteur. - Par pétition datée de Bertrix, le 12 janvier 1856, le conseil communal de Bertrix et des habitants de cette commune demandent le rétablissement au budget de l'intérieur du crédit pour distribution de chaux à prix réduit.

Mêmes demandes des membres du conseil communal et des habitants de Grapfontaine, d’Opont, de Tellin, de Redu, de Tourinne, des habitants de l'Eglise, des administrations communales de Bras, de Moirey et de Remagne, enfin, des membres du conseil communal de Saint-Pierre.

A. l'appui de leur demande, les pétitionnaires font valoir les considérations suivantes :

Les mesures prises par la législature, pour atténuer les effets de la iiise alimentaire, ne sont que des palliatifs.

Il est urgent d'aviser au moyen d'empêcher, autant que possible, le retour de la calamité qui fait l'objet de la vive préoccupation et du gouvernement et du pays.

Le seul moyen d'arriver à ce résultat, c'est de pousser au progrès de l'agriculture et au défrichement des bruyères.

Mais pour mener à bonne fin une aussi grande entreprise, il faut des capitaux, et ces capitaux manquent aux Ardennais. L'intervention du gouvernement est donc indispensable.

De tous les moyens d'intervention, le plus efficace est sans contredit celui de la distribution de chaux à prix réduit, témoins les résultats, obtenus par l'emploi qui en a été fait pendant quelques années.

Depuis la suppression du crédit pour distribution de chaux à prix réduit, les petits cultivateurs qui, dans les Ardennes, sont les plus nombreux, ont dû renoncer, à défaut de ressources suffisantes, à l'usage d'un amendement qui aurait fini par transformer les landes des Ardennes en terres de bonne qualité.

Il est évident que si on reconnaît les avantages de la loi sur le défrichement des terres incultes, loi qui autorise même, dans certains cas, l'expropriation des communes, il est nécessaire, comme conséquence de cette loi, d'en faciliter autant que possible les moyens d'exécution.

Le gouvernement, en venant en aide à l'agriculture de la manière indiquée, ne tardera pas à rentrer dans ses avances et à trouver dans les Ardennes des ressources qui ne le céderont en rien à celles que lui procure le reste du pays.

L'agriculture doit être l'objet de toute la sollicitude du gouvernement, surtout en présence de l'insuffisance normale des céréales.

En accueillant favorablement leur demande, on poserait un acte de bonne justice disiributive envers les Ardennes.

Un membre de votre commission a cru devoir lui présenter quelques autres considérations en faveur de la demande qui nous occupe.

Il a signalé tout particulièrement l'insistance avec laquelle les cultivateurs ardennais viennent chaque année réclamer le rétablissement du crédit pour délivrance de chaux, convaincus qu'ils sont que, sans l'aide du gouvernement, leurs efforts seront toujours impuissants pour opérer l’oeuvre, du défrichement si nécessaire et si ardemment désiré dans l'intérêt de l’administration publique comme dans celui des revenus de l'Etat.

Il rappelle les voeux émis, à différentes reprises, par le conseil provincial du Luxembourg, ainsi que la proposition adoptée à l'unanimité de ses membres moins une abstention, par le conseil supérieur d'agriculture, en sa séance du 11 octobre 1855, vœux et proposition tendant au rétablissement de ce même crédit, au moins jusqu'à l'achèvement du chemin de fer du Luxembourg.

Il pense que le gouvernement et les Chambres doivent, tenir compte des vœux ainsi exprimés par deux corps respectables, des plus compétents, et dont l'avis, en ce qui concerne l'agriculture particulièrement, mérite autant de confiance que celui des chambres de commerce en ce qui rentre dans leurs attributions.

Comme les pétitionnaires, il arrive à cette conclusion que le gouvernement ne peut persister dans le refus de rétablir au budget le crédit demandé s'il désire sérieusement voir s'accomplir le défrichement des terres incultes.

Messieurs, tout en reconnaissant que la chaux employée à la culture des terres produit les meilleurs effets ; que, comme amendement, elle est l'agent le plus actif du défrichement ; que, d'un autre côté, ce puissant auxiliaire manque à l'Ardenne qui ne peut se le procurer qu'à grands frais et à un prix de revient au-dessus des ressources dont la majorité de ses habitants peut disposer, votre commission a l'honneur de vous proposer, sans rien préjuger, le renvoi des pétitions à M. le ministre de l'intérieur.

M. de Moor. - Je demande qu'indépendamment du renvoi au ministre de l'intérieur la pétition sur laquelle rapport vient d'être fait soit déposée sur le bureau pendant la discussion de l'article du budget de l'intérieur relatif à l'agriculture.

Chaque membre pourra aussi prendre connaissance des arguments fondés que les conseils communaux foui valoir dans leurs pétitions pour le rétablissement du crédit pour la chaux à prix réduit.

- Cette proposition est adoptée.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée d'Ixelles, le 20 novembre 1855, le sieur Dollin du Fresnel, général-major honoraire en retraite, demande le remboursement de ses avances aux 2ème et 10ème régiments en 1850 et 1851.

Le pétitionnaire prétend avoir fait des avances sur son propre fonds pour une somme de plus de douze mille francs ; il convient toutefois que ces dépenses n'ont pas été faites avec toute la régularité exigée en pareille matière, ce qu'il attribue aux circonstances dans ces moments de pression et de bouleversement général. Dès 1850 il adressa au département de la guerre sa demande en restitution qu'il renouvela successivement en 1839, 1842, 1845, 1846, 1849 et 1854 et toujours sans succès.

Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de sa requête à M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je me permettrai de faire remarquer à la Chambre que le renvoi proposé par la commission serait complètement sans effet.

(page 483) En 1830, le colonel du Fresnel a organisé le 2ème et le 10ème régiments de ligne ; mû par un sentiment de patriotisme, dénué de précautions administratives suffisantes, il a fait quelques avances qui n'ont pas été régularisées.

Dès 1830, cet honorable général a fait une réclamation au département de la guerre, cette réclamation, qui date du mois de décembre 1830, n'a pu être accueillie.

Le remboursement avait été demandé alors à titre de gratification. Depuis cette époque, à différentes reprises, le général du Fresnel s'est adressé aux différents ministres qui se sont succédé ; chaque fois la question a été étudiée, et chaque fois il a été reconnu que les pièces produites étaient irrégulières et ne suffisaient pas pour asseoir la validité de la réclamation.

N'ayant aucune nouvelle base de travail pour recommencer l'examen de cette affaire, ce serait entretenir des illusions inutiles que de renvoyer encore au département de la guerre une réclamation qui lui a été si souvent renvoyée et sur laquelle le département a déjà dû statuer négativement.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Vous me permettrez de faire quelques observations pour appuyer les conclusions de la commission. Comme dit M. le ministre, les pièces du pétitionnaire ne sont pas très régulières, mais ce qui a engagé la commission à proposer le renvoi au ministre, ce sont les circonstances dans lesquelles la dépense a été faite ; à la veille de voter une loi en faveur des officiers qui ont combattu pour l'indépendance nationale, l'honorable général a fait non seulement le sacrifice de sa personne et de ses talents militaires.

Il a à cette époque rendu de très grands services à la Belgique. A cet égard je vous rappellerai que l'honorable M. C. de Brouckerc, qui était ministre de la guerre à cette époque, disait : Ce qui manque à notre armée ce sont des officiers et surtout des officiers capables.

Messieurs, l'honorable général Dollin du Fresnel ne s'est pas borné à mettre ses connaissances et ses talents militaires au service du pays, à l'émancipation duquel il a puissamment contribué, mais il a sacrifié au but qu'il poursuivait une partie de sa fortune personnelle ; et de ce chef encore il a certainement des droits incontestables à la reconnaissance du pays.

Au moment où nous allons, comme expression de reconnaissance de la patrie, accorder des faveurs à plusieurs officiers de 1830, il me semble qu'on ne peut éconduire un honorable général qui a rendu d'éminents services au pays.

Messieurs, cet honorable général, comme tous les vrais militaires, ne faisait aucun cas de l'argent, et il sacrifia une partie de sa fortune au succès de l'entreprise dont il s'était chargé, aujourd'hui que ce général retraité est marié, qu'il a une famille, il commence un peu tard, si vous le voulez, à apprécier la valeur de l'argent et il vient réclamer de votre sympathie le remboursement des avances qu'il a faites malheureusement avec peu de régularité.

Je comprends que l'honorable ministre de la guerre ne peut sous sa responsabilité payer cette somme. Mais la commission des pétitions vous propose le renvoi de la requête au département de la guerre, pour que si M. le ministre trouve qu'il y a réellement quelque chose à faire, il saisisse la législature d'un projet de loi à cette fin.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je ne conteste aucun des faits allégués par l'honorable rapporteur de la commission des pétitions. Je partage entièrement son avis en ce qui concerne les services rendus par l'honorable général Dollin du Fresnel, mais je persiste à dire qu'en présence de pièces irrégulières, le ministre de la guerre ne peut en aucune façon liquider la créance que réclame l'honorable général, le ministre ne peut non plus demander à la Chambre un crédit pour payer une créance qui n'est pas suffisamment justifiée.

Dans cet état de choses, ce serait créer des illusions inutiles que de renvoyer encore uue fois la pétition au département de la guerre ; ce serait faire concevoir à l'honorable général Dollin du Fresnel des espérances que le ministre de la guerre ne peut réaliser.

Voilà dans quel sens je m'oppose au renvoi au ministre de la guerre. Au reste, quelle que soit la décision de la Chambre, je pense que ce que j'ai eu l'honneur de dire aura contribué à faire cesser ces illusions, si elles existent encore, ei mon but sera entièrement atteint.

M. Osy. - D'après les explications que vient de nous donner M. le ministre de la guerre, vous voyez qu'il s'agit d'une créance qui ne peut être régulièrement établie. Si le gouvernement venait demander des crédits pour des créances qui ne sont basées que sur des allégations, vous comprenez qu'il pourrait surgir plusieurs demandes de même genre. Si quelque membre de la Chambre veut prendre l'initiative d'une proposition, il en est libre ; mais en attendant je demande le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

- Le dépôt au bureau des renseignements est ordonné.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée du 17 décembre 1855, plusieurs habitants de l'arrondissemenl de Courtrai présentent des observations en faveur d'un chemin de fer de Courtrai vers Avelghem et le centre de la Flandre orientale, qui a été proposé par le sieur Tarte.

La commission n'ayant pas à sa disposition les éléments d'appréciation de ce projet, vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Tack. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions de la commission des pétitions.

Elle vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics, d'une requête par laquelle plusieurs habitants de l'arrondissement de Courtrai prient la Chambre d'accorder à M. l'ingénieur Tarte, la concession d'un chemin de fer qui partirait de Braine-le-Comte pour aboutir à Courtrai en passant par Enghien, les Acren et Renaix.

La concession de ce chemin de fer intéresse au plus haut degré les deux Flandres et particulièrement la Flandre occidentale. En effet, messieurs, le chemin de fer en question est destiné à mettre en rapport immédiat, par voie de jonction directe, toute la partie Sud, toute la partie Ouest et tout le centre de la Flandre occidentale, avec les provinces de Namir et de Luxembourg, avec les bassins houillers de Charleroi, du Centre et du Couchant de Mons.

Il présente cet avantage que tout en rapprochant ces trois bassins d'un centre important de consommation, il ne change point leur position respective.

Le projet, dont l'initiative est due à M. Tarte, n'est du reste pas nouveau. Il date de 1845. Aujourd'hui il se présente avec un caractère d'actualité, qu'il emprunte aux demandes de concession adressées en ce moment au gouvernement pour la construction de voies ferrées qui doivent raccorder le bassin houiller du Couchant de Mons, les bassins houillers de Charleroi et du centre avec le nord de la Flandre et plus particulièrement avec la ville de Gand.

Il est à remarquer, il est vrai, que le chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai est.appelé à répondre à des besoins tout autres, à des besoins tout différents de ceux qu'ont en vue l'exploitation des lignes de l'Etat et celle des chemins de fer concédés ou projetés en ce moment ; il s'ensuit qu'il ne nuira en rien, ni au railway national, ni aux chemins de fer dont, la concession vous est demandée, et qui ont pour but de relier, comme je viens de le dire, les trois bassins principaux de Charleroi, du Centre et du Couchant de Mons avec le nord de la Flandre.

Mais comme ces diverses lignes suivent une direction qui va du sud au nord, tandis que le chemin de fer, dont la concession est sollicitée par M. l’ingénieur Tarte, suit une direction en quelque sorte opposée de l'est à l'ouest, tombe perpendiculairement court à angle droit sur ces lignes, il servira d'affluent aux diverses voies ferrées déjà construites ou dont la construction est projetée et leur assure des chances de vitalité et d'avenir.

Toute la riche et fertile vallée de l'Escaut qui s'étend sur les deux rives de ce fleuve, entre Tournai et Audenarde, est à l'heure qu'il est encore privée de toute communication par voie ferrée.

Le chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai, projeté par M. l'ingénieur Tarte, comblera cette regrettable lacune. Mais il est un autre point de vue qui milite en faveur de la construction du chemin du fer de jonction directe des provinces wallonnes avec le sud de la Flandre, et sur lequel je prends la confiance d'appeler tout spécialement l'attention de M. le ministre des travaux publics, parce qu'il intéresse les finances de l'Etat ; c'est que le chemin de fer dont M. Tarte propose la construction doit compléter le réseau des chemins de fer de la Flandre occidentale.

Or, vous savez que, relativement aux tronçons de ce chemin de fer qui ont été récemment construits dans cette province, l'Etat s'est astreint à payer un minimum d'intérêt. Jusqu'à présent, le mouvement du transport des voyageurs et des marchandises sur les lignes inaugurées il n'y a pas longtemps dans la Flandre occidentale, n'est pas tellement considérable que l'on doive espérer que l’Etat puisse, des à présent, échapper à toute intervention du chef des engagements qu'il a contactés envers la société de la Flandre occidentale.

Il est donc important d'attirer sur ces lignes de la compagnie de la Flandre occidentale les transports de voyageurs et de marchandises. Je crois pouvoir dire qu'il est incontestable que le chemin de fer, dont M. Tarte demande la concession, atteindra favorablement ce but.

La Chambre sera probablement saisie sous peu des demandes de concession qui ont été adressées au gouvernement pour la concession de lignes qui doivent rattacher les différents bassins houillers au nord de la Flandre ; je pense qu'il serait désirable qu'elle pût examiner en même temps la demande de concession qui est faite par M. l'ingénieur Tarte, afin que, de cette manière, elle pût se livrer à une étude d'ensemble, et voir quelle est l'influence réciproque que ces diverses voies ferrées exerceront, les unes sur les autres, et plus particulièrement sur les lignes de l'Etat.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuie fortement les observations que vient de vous présenter notre honorable collègue de Courtrai. J'ajouterai que la construction du chemin de fer, dont M. Tarte demande la concession, sera extrêmement avantageuse aux deux Flandres et notamment au centre de la Flandre occidentale, à l'arrondissement de Courtrai et à l'arrondissement de Roulers.

Ce chemin de fer sera aussi avantageux à l'industrie de la province de Namur, notamment à l'industrie des cuivres qui pourra prendre beaucoup d'extension par la facilité qu'elle aura à faire arriver ses produits dans les Flandres.

Quant à la ville de Charieroi, il est également de son intérêt de soutenir fortement cette concession qui sera très favorable à l'expédition de ses charbons de terre. Les brasseries considérables de la Flandre ont besoin des charbons maigres de Charleroi.

(page 484) Charleroi devait expédier ces houilles maigres par Bruxelles, faire un détour immense avant qu’elles pussent arriver en Flandre. C'est un immense avantage pour Charleroi de pouvoir faire ces expéditions directement. Egalement, pour les fers, Charleroi doit être partisan de cette communication.

Il en est de même de Lessines, des Ecaussinnes et d'une grande partie du Hainaut qui pourront expédier par là leurs grès, leurs pierres bleues, etc.

Ces localîtés trouveront un grand avantage au chemin de fer proposé par M. Tarte.

Je l'appuie donc ainsi que l'a fait l'honorable député de Courtrai.

M. Magherman. - Je viens également appuyer la demande des pétitionnaires de l'arrondissement de Courtrai.

Je n'entrerai pas dans le détail des avantages qu'est appelé à réaliser le projet de M. Tarte ; mes honorables collègues MM. Tack et Rodenbach ont parfaitement fait ressortir toute l'utilité de cette conception, non seulement au point de vue de l'intérêt des localités qui toucheront immédiatement à cette voie, mais encore au point de vue de l'intérêt général et de l'ensemble du réseau des chemins de fer du pays tant appartenant à l'Etat qu'à des sociétés concessionnaires. Je me bornerai donc à ajouter que j'espère bien que cette fois le projet de M. Tarte sera présenté en son entier ; qu'il ne sera plus scindé en pièces et morceaux, comme il est arrivé en 1853, lorsque l'extrémité est du projet de cet ingénieur a été concédée, malgré ses réclamations, à une autre société qui aurait profité du travail du susdit ingénieur, si, par suite d'inexécution, cette société n'avait encouru la déchéance. De semblables concessions accordées au mépris de demandes antérieures, à mon avis, consacrent une injustice.

J'insiste donc pour que le projet de M. Tarte fasse partie du travail d'ensemble que très probablement M. le ministre des travaux publics soumettra bientôt à nos délibérations.

M. Faignart. - Messieurs, je saisis cette occasion pour prier M. le ministre des travaux publics d'examiner avec attention, non seulement le projet dont il s agit en ce moment, mais tous les projets présentés à son département. Il y en a beaucoup qui méritent un examen sérieux, et il me semble que M. le ministre des travaux publics devrait diriger un txanun, non seulement au point de vue de l'utilité particulière de chacune des localités qui doivent être traversées par la voie ferrée, mais aussi au point de vue du maintien de l'équilibre entre les divers bassins houillers dans la situation relative où ils se trouvent aujourd'hui.

J'espère que M. le ministre des travaux publics saura éviter de nuire aux uns pour favoriser les autres.

J'espère aussi que M. le ministre donnera la préférence aux projets qui sont le moins susceptibles de nuire aux intérêts de l'Etat.

M. de Haerne. - Après les développements dans lesquels viennent d’entrer plusieurs de mes honorables collègues, sur le chemin de fer dont M. Tarte a demandé la concession, j'aurai peu de chose à dire.

Messieurs, lorsqu’en 1853, la concession d'un chemin de fer de Braine-le comte aux Acren fut demandée par MM. Zaman et Coppens, je fus du nombre de ceux qui appuyèrent cette demande ; mais à cette occasion, je fis comprendre que la demande faite auparavant par M. Tarte pour la ligne sur Courtrai qui comprenait celle de M. Zaman, devait être prise en considération avant celle qui était alors en discussion.

Je ue sais pour quel motif le ministre des travaux publics d'alors crut ne pas devoir donner suite aux vives réclamations soulevées à cette époque par M. Tarte, mais je crois que c'est une raison de plus pour entrer aujourd'hui dans les intentions de l'ingénieur qui demande la concession d un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai. C'est une question d’équité ; il y a ici une justice à lui rendre.

Je ferai une remarque, messieurs, pour corroborer ce qui a été dit tout à l’heure au point de vue de l’intérêt du trésor, en ce qui concerne le chemin de fer sollicité par M. l’ingénrieur Tarte.

On a dit que le chemin de fer dont il s’agit est favorable à l’intérêt général du pays, mais il est une raison que je dois ajouter à celles qui ont été alléguées et qui fait ressortir cette vérité.

Si l’on donne suite, comme il faut le croire, à la demande en concession du chemin de fer de Luttre à Denderieeuw, ce chemin de fer fera une certaine concurrence à celui de Charleroi à Bruxelles ; il est donc important, au point de vue des intérêts de l’Etat, qu’on restitue au railway national ce qu’il perdra, si le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw est concédé. Or, la ligne proposée par M. Tarte produira ce résultat.

Il entre sous ce rapport parfaitement dans les vues du gouvernement parce qu’il est favorable aux intérêts du railway national. Il rattacje par Braine-le-Comte tout le réseau de la Flandre occidentale au chemin de fer de Charleroi et rétabli ainsi sur ce railway le mouvement qui doit lui être enlevé par la voie ferrée de Luttre ç Denderleeuw.

L’Etat est donc doublement intéressé à concéder le chemin de fer de M. Tarte et pour le motif que je viens d’alléguer et pour celui qu’a fait valoir mon honorable ami M. Tack en ce qui concerne le minimum d’intérêt que l’Etat devra payer sur plusieurs lignes concédées dans la Flandre occidentale.

J’ai encore une observation à faire. On se plaint parfois de ce qu’un chemin de fer nouveau tend à rompre l’équilibre qu’on cherche à maintenir entre les divers centres houillers.

La ligne de Braine-le-Comte à Courtrai ne dérange en aucune manière cet équilibre. On peut dire qu'elle est favorable aux trois centres auxquels elle aboutit, et dont elle est destinée à amener les produits aux divers points de la Flandre occidentale, en favorisant en même temps le transport d'autres marchandises de toute espèce ainsi que le mouvement des voyageurs. Ce chemin de fer rapproche ainsi les Flandres des provinces wallonnes ; il doit contribuer à effacer les divergences de province, de langues et de races, et à consolider l'unité nationale.

Tels sont les motifs, messieurs, qui militent en faveur du chemin de fer en question, et qui détermineront, je l'espère, le gouvernement à en autoriser la construction.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétitions respectivement datées de Wellin, le 11 et le 12 décembre 1855, les administrations communales du canton de Wellin et les bourgmestres et échevins des communes de Paliseul, Offagne, Ochamps, JehonviIle, Willance, Auloy, Opont et Naomé, se plaignent des retards qu'éprouve le service des transports des dépêches par la malle-poste de Namur à Arlon, et par le courrier de Rochefort à Bouillon, et ils demandent que le gouvernement fasse exécuter la convention intervenue entre lui et le sieur Piéton à Namur, entrepreneur du transport des dépêches dans le Luxembourg.

Les pétitionnaires entrent dans tous les développements et les détails de ces retards et des inconvénients qui en résultent. Ils disent qu'ils se sont déjà adressés à cette fin au département des travaux publics et que jusqu'ici aucune suite n'a été donnée à leurs justes doléances.

Votre commission, messieurs, en présence des irrégularités graves signalées par les pétitionnaires et les plaintes unanimes des nombreuses administrations communales, a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explications.

M. de Moor. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions de la commission.

La presse du Luxembourg a signalé de graves irrégularités dans le service des transports des dépêches. Un grand nombre d'administrations communales ont adressé à la Chambre des observations dans le même sens. Elles nous démontrent combien sont grands les inconvénients qui résultent de la négligence avec laquelle l'entrepreneur exécute ses engagements et du peu de surveillance que le gouvernement exerce sur les services élablis entre Arlon, Liège et Namur et sur les lignes affluentes.

Ainsi, tous les conseils communaux du canton de Wellin viennent de faire parvenir à la Chambre une pétition pour réclamer contre cet état de choses, et j'ai pu juger, par moi-même, que leurs griefs ne sont que trop fondés. Permettez-moi, messieurs, de vous citer les principaux.

Avant la couvenlion du 20 novembre 1853, les dépêches, à part les cas imprévus ou de force majeure dont il faut tenir compte, arrivaient toujours au chef-lieu vers huit heures du malin, tandis que depuis plus d'un an cette correspondance, en règle générale, n'y parvient plus que vers dix heures, dix heures et demie, onze heures.

Cependant cela se passe en temps ordinaire et alors que rien n'entrave la circulation. Lorsqu'il y a de la neige, c'est souvent le soir ou le lendemain que les correspondances nous sont remises, quelquefois même après plusieurs jours.

Avant la convention du 20 novembre 1853, lorsque les voitures ne pouvaient pas circuler, c'étaient des courriers à cheval qui transportaient les dépêches ; aujourd'hui on trouve plus commode, et sans doute plus économique, de ne plus se donner cette peine ; il en résulte que les fonctionnaires publics reçoivent les lettres de leurs supérieurs souvent trop tard pour pouvoir y répondre en temps utile ; il en est de même pour les lettres de commerce, les billets à protêts ; enfin, tous les particuliers se trouvent chaque jour exposés à ne pouvoir traiter leurs affaires et astreints à des courses inutiles. En effet, les facteurs ruraux du canton de Wellin, ayant des tournées longues et difficiles, sont obligés de partir à 9 1/2 heures au plus tard et les dépêches n'arrivant qu'après cette heure-là au bureau de distribution, doivent y séjourner jusqu'au lendemain et n'être remises à destination, ainsi que les journaux, qu'après 24 heures.

Et cependant, messieurs, il existe des règlements sur le service des portes et messageries. La convention intervenue le 20 novembre entre le gouvernement et l'entrepreneur s'exprime en termes formels. Je lis :

« Art. 2. Le transport devra être effectué aux heures et dans le temps fixé par l'administration y compris les stationnements de toute nature.

« Art. 3. Chaque expédition de dépêches sera accompagnée d'un part sur lequel sera porté le nombre de paquets pour chaque bureau, ainsi que les heures de départs et d'arrivées.

« Le part sera émargé à chaque bureau de poste situé sur la route et à tous les endroits déterminés par l'administration.

« S'il résulte de la vérification des parts, des retards non justifiés, une retenue de dix centimes par chaque minute de retard, au-delà de cinq, sera appliquée, sauf les cas imprévus ou de force majeure, le premier comparant entend se soumettre, pour ce cas, à la décision du ministre des travaux publics.

» Art. 4. Les voitures à employer par le premier comparant devront être conformes au modèle adopté par l’administration ; elles seront maintenues constamment dans un état parfait d'entretien et de propreté.

« Les voitures, ainsi que le matériel, pourront, en tout temps, être inspectés par les agents des postes, qui exerceront, à cet égard, les attributions déterminées par l'arrêté royal du 24 novembre 1829. »

Et, à ce propos, je dois dire que les petites malles-estafettes qui desservent les affluents vers les grandes lignes de poste sont belles, mais dangereuses. Je connais beaucoup de gens qui abandonnent ces voitures de crainte d'accidents. Si la surveillance des agents de l'Etat était sérieuse, on ne permettrait plus à ces véhicules de circuler, je dirai même que l'on n'aurait jamais dû les accepter.

L'article 5, paragraphe 2, de la même convention porte, et j'appelle surtout sur ce point l’attention de M. le ministre :

« Le premier comparant aura à sa charge, indépendamment de tous les frais de transport (voitures, chevaux, harnais, locaux et accessoires) toutes les dépenses d'administration, de perception, de matériel, d'engins, etc. sur les lignes et dans les bureaux desservis par lui.

« Il supportera également tous les frais extraordinaires auxquels son service pourra donner lieu.

« Et, en cas d'interruption du passage, par la route qui lui est désignée, il sera tenu à faire opérer à ses frais tous les transports à destination des bureaux et localités qu'il desservait par les moyens qui lui seront fournis par l'administration. »

Vous voyez, messieurs, que cette convention est précise, et cependant ses dispositions sont lettre morte ; car les agents de l'administration des postes chargés de constater les contraventions, semblent fermer les jeux sur tout ce qui se passe dans ce service.

On m'assure, je ne l'affirme pas, que les retards sont très rarement constatés, et l'on me donne pour raison que le gouvernement ayant autorisé les percepteurs des postes à être les agents payés de l'entrepreneur pour la remise à domicile des petits colis, il en résulte qu'ils sont bien plus complaisants que les surveillants de ce dernier.

Ainsi, que les voitures soient surchargées de marchandises, que, contrairement au règlement, on fasse monter sur l'impériale 4 et 5 voyageurs avec leurs bagages, presque jamais, paraît-il, on ne dresse de procès-verbal.

Dans le mois de décembre dernier, la malle-estafette est arrivée 82 fois en retard.

On signale des faits non moins graves, pour le transport des voyageurs et des marchandises ; voici ce que je lis dans « l’Echo du Luxembourg » du 15 décembre écoulé.

« Ce ne sont pas seulement des retards impardonnables dans le service des dépêches, retards qui, comme nous le disions dans un de nos derniers numéros, font croire que pour M. Piéton, le contrôle de l'autorité n'existe plus, mais ce sont tous les abus que le monopole entraîne à sa suite.

« Depuis un demi-siècle, le Luxembourg n'a été aussi mal servi qu'il l'est en ce moment, et ce service, quelque détestable qu’il soit, il le paye énormément cher.

« Pour l'entrepreneur, il n'existe pas de tarifs ; nous pourrions citer mille exemples ; quelques-uns suffiront pour le démontrer.

« Il y a peu de temps, une personne de cette ville recevait d'Anvers un kilogramme de café, elle devait payer 2 francs pour le transport.

« Une autre personne recevait de Liège deux doubles décalitres de pommes de terie, elle devait payer 6 fr. de port, etc., etc.

« Il n'arrive pas le moindre paquet de procédure, pouvant équivaloir au poids du quelques grammes, que l'entrepreneur ne fasse porter dans ses registres une somme de 1 fr. 25, 1 fr. 30, 1 fr. 50.

« En ce moment, la place des voyageurs est augmentée de quinze centimes par lieue, alors qu'elle était arrivée au taux le plus exorbitant que depuis longues années on ait eu dans le Luxembourg. »

« Et cependant l'article 12 dit : Le prix des places des voyageurs ne pourra excéder par lieue de 5 kilomètres, 0 60 c. pour les places de l'intérieur et 0 70 pour les places de coupé.

«Les lignes ci-dessus étaient écrites quand des voyageurs ont porté à notre connaissance un fait qui vieut encore à l'appui des plaintes dont nous nous sommes rendus l’écho.

« La malle-estafette de Liège est arrivée mercredi à Atitrt, à deux petites lieues d'Arlon ; la route était entièrement déblayée, les voitures particulières circulaient librement.

« Eh bien, qui le croirait : au lieu d'arriver jusqu'à Arlon même, la malle est restée à Attert, et doit, d'après ce qu'on nous assure, être repartie le soir de cet endroit pour Liège. Ce jour, cependant, des voyageurs attendaient avec impatience un départ pour Liège. »

Vous voyez, messieurs, qu'il devient indispensable, pour la dignité du gouvernement et surtout de ses agents, d’ouvrir une enquête sur les griefs articulés contre les services établis entre Arlon, Liège et Namur.

Si le gouvernement n'a pas encore fait procéder à une enquête, j'insiste pour qu'il en ordonne une sévère, sur les faits qui, jusqu'ici, sont restés sans répression aucune, quoique M. le gouvemeur et la députation permanente de notre province aient fait parvenir, à M. le ministre des travaux publics, à trois ou quatre reprises différentes, des plaintes sérieuses en signalant le préjudice causé aux voyageurs, au commerce et à l'industrie.

Je prierai également M. le ministre de faire examiber la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu d'établir un service direct entre Neufchâteau et Bouillon par Bertrix. Depuis la suppression de la petite malle-poste de Recogne, Bouillon n'a plus de communication directe avec le chef-lieu de l'arrondissement judiciaire et administratif ; de plus la correspondance administrative et privée éprouve un retard souvent préjudiciable au bien du service.

Je ferai remarquer que dans l'acte de concession, le gouvernement s'était réservé le droit d'obliger l'entrepreneur du service entre Neufchâteau et Bouillon à transporter les dépêches moyennant une indemnité de 100 fr. par an et par lieue.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Ainsi qui l'a dit l'honorable préopinant, le gouverneur du Luxembourg et la députation permanente ont appelé l'attention de mon département sur les retards qu'a éprouvés l'arrivée à Arlon des courriers de Namur et de Liège. Les plaintes portaient particulièrement sur le retard extraordinaire qu'avaient occasionné, dans les premiers jours de décembre, les neiges abondantes tombées dans ces localités. L'honorable M. de Moor comprendra facilement que sur une route de 24 ou 26 lieues il suffit d'un obstacle léger mais continu pour occasionner un retard considérable dans l'arrivée des courriers.

Cependant, les faits dont l'honorable membre a parlé s'étant reproduits avec une certaine persistance, les réclamations auxquelles ils avaient donné lieu ayant pris un caractère assez grave pour fixer mon attention d'une manière spéciale, j'ai délégué deux fonctionnaires les plus élevés en grade de l'administration des postes pour se rendre sur les lieux et faire une enquête minutieuse sur les différents faits reprochés à l'entrepreneur.

Cette enquête devait porter particulièrement sur l'état des routes les jours où les retards se sont produits, sur les moyens employés par l'entrepreneur pour assurer l'exécution du contrat, c'est-à-dire pour remplacer à ses frais par des moyens extraordinaires les moyens ordinaires qui devenaient insuffisants, et enfin sur les mesures à prendre pour qu'à l'avenir de pareils retards ne puissent plus avoir lieu.

Sous ce rapport, je puis donner à la Chambre l'assurance que les mesures les plus efficaces ont été prises pour assurer le transport des dépêches les plus importantes, pour une estafette à cheval ou à pied, chaque fois que l'état des routes ne permettra plus la circulation des voitures. Toutefois, il faut bien le reconnaître, le transport ne pourra jamais se faire dans ces circonstances aussi bien qu'il peut s'effectuer par une voiture à quatre roues sur une bonne route.

Ainsi, messieurs, des mesures sont prises pour l'avenir, et pour éclaircir les faits qui ont en lieu, une enquête très sérieuse a été ouverte ; les fonctionnaires chargés de cette enquête sont de retour à Bruxelles depuis un jour ou deux ; ils s'occupent de rédiger leur rapport. J’accepte donc le renvoi avec demande d'explications, et je donnerai ces explications aussitôt que le rapport, dont je viens de parler, me sera parvenu.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1856

Discussion du tableau des crédist

Chapitre VII. Garde civique

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur le chapitre VII, Garde civique.

M. Coomans. - L'honorable M. Verhaegen ne veut pas examiner si les délits de la presse sont du ressort du jury ou des conseils de discipline de la garde civique ; sa tâche, dit-il, n'est pas de rechercher si l'article 95 de la Constitution est encore en vigueur ; il assure que tout le monde a rempli son devoir à Alost, que « jusque-là tout est très bien, et que la question de savoir si la Constitution a été violée ne nous regarde pas ». Pour remplir de doutes, à ce sujet, l'esprit de M. Verhaegen, il a suffi qu'un conseil de discipline ait condamné à la prison un journaliste pour insubordination dans sa feuille. Mais il est un point sur lequel l'honorable M. Verhaegen a une conviction robuste, c'est que la Constitution, nos lois organiques et nos institutions ont été violées par moi ! A en croire l'orateur, « je fais fi de nos institutions, je n'en tiens aucun compte », etc.

Ces reproches sont durs ; par bonheur, ils ne sont qu'imaginaires, et ma conscience de citoyen belge ne s'en alarme pas outre mesure. Je suppose que M. Verhaegen les a formulées pour obscurcir le. débat et pour distraire l'attention de la Chambre du fait très grave posé à Alost par des gens qui visent à l'omnipotence.

Quoi ! je viole la Constitution parce que je soutiens qu'elle doit être respectée ; je la viole parce que je blâme quelques gardes civiques, mes confrères, d'avoir condamné un journaliste pour délits de presse, parce que j'engage le gouvernement à réprimer le zèle excessif de ses agents, parce qu'il me semble qu'il y a lieu d'avertir certains chefs de la garde civique qu'ils sortent de leurs attributions, lorsqu'ils citent à tort et à travers à leur barre des citoyens non soumis à leur juridiction. Et qui m'accuse d'un tel crime ? M. Verhaegen, qui a mainte fois, avec ses amis, signalé des abus judiciaires, qui a critiqué avec force, je puis dire avec acharnement, des procureurs généraux, des juges d'instruction et d'autres magistrats agissant dans le cercle de leurs attributions. Ces voûtes n'ont-elles pas retenti souvent de plaintes au sujet de la détention préventive et de divers actes de procédure, toutes choses qui ne sont certes pas de notre compétence ?

Je comprendrais la fin de non-recevoir que m'oppose l'habile avocat de M. le commissaire de district, commandant de la garde civique d'Alost, si j'étais venu proposer à la Chambre d'annuler le jugement rendu par le conseil de discipline. Mais je n’y ai pas songé ; j’ai (page 486) proclamé ma confiance entière dans la cour de cassation ; je sais qu'elle seule peut prononcer en dernier ressort, et je me suis borné à critiquer le zèle malentendu de quelques soldats citoyens, qui, sous l'impulsion d'un fonctionnaire supérieur et amovible, ont molesté indûment un garde et violé l'une de nos principales libertés constitutionnelles.

En outre, j'ai manqué de respect envers la garde civique ! Mais est-elle toute concentrée dans la ville d'Alost et ne puis-je pas juger la conduite de quelques chefs sans blesser toute la milice citoyenne ? M. Dommer et son conseil de discipline sont-ils plus inviolables que cent autres fonctionnaires critiqués dans cette enceinte ? et s'il faut respecter les conseils de discipline, ne faut-il pas respecter aussi la Constitution ?

L'affaire et simple et claire. Un journaliste a été condamné à la prison pour un article de journal dirigé contre le commissaire-commandant qui a formé la majorité du conseil de discipline et qui soutient une entreprise rivale. Je dis que ce fait est grave et scandaleux, et je n'attends pas pour le dire que le jugement soit annulé. Il importe de prévenir le retour d'abus de ce genre, et c'est pourquoi je m'en suis plaint.

D'après la nouvelle doctrine de M. Verhaegen, il ne serait jamais permis, aux représentants de la nation, de porter à la tribune des faits déférés à la justice. Je ne souscris pas à cette doctrine. Mon droit, mon devoir est de défendre les lois fondamentales, et chaque fois qu'elles me sembleront violées, même par les amis de l'honorable M. Verhaegen, je m'en plaindrai hautement, sans attendre le dénouement judiciaire.

Ce dénouement, je le respecterai, quel qu'il soit. Mais en admettant, par impossible, que la cour suprême autorise un conseil de discipline de la garde civique à juger des délits de presse, je puis dire dès aujourd'hui que, dans cette hypothèse, il faudra changer la loi, afin de prévenir le retour de pareilles monstruosités.

Je maintiens, du reste, toutes mes remarques ; je répète qu'un commissaire d'arrondissement ne devrait pas être commandant de la garde civique, et que le gouvernement ferait bien de lui recommander la prudence et la modération.

Autre chose est critiquer la chose jugée ou blâmer les poursuites ordonnées par les agents responsables et amovibles de l'Etat. On peut se soumettre à un jugement sans approuver la manière dont il a été provoqué. J'aime à croire que l'honorable M. Verhaegen trouverait très mauvais que le gouvernement ordonnât coup sur coup de faire des procès à la presse ; il s'en plaindrait, avec raison, à la tribune, et je ne lui opposerais certes pas la fin de non-recevoir qu'il a soulevée contre moi.

M. Dumortier. - Messieurs, dans l'incident soulevé hier relativement à l'atfaire dont l'honorable M. Coomans vient de nous entretenir, je vous avoue que je m'attendais à ce que l'honorable M. Verhaegen allât prendre, comme il le fait pour l'ordinaire, la défense de la liberté de la presse.

Je dois dire que je n'ai pas été médiocrement surpris, lorsque je l'ai vu hier déserter cette cause pour se mettre du côté de celui qui a violé la Constitution. Quant à moi, qui défends la liberté, quelle que soit l'opinion de celui qui est la victime de cette violation de la Constitution, je dois dire quelques mots au sujet de cette affaire.

Certes, mon honorable collègue peut avoir raison de dire qu'il serait désirable de ne pas s'occuper ici de procès qui ne sont pas jugés ; mais, si ma mémoire est fidèle, mon honorable collègue n'a pas toujours donné l'exemple de la conduite qu'il nous conseille de tenir en cette circonstance.

En effet, dans le cours de la dernière session, tandis que les tribunaux étaient saisis de la grosse question de Dendre-et-Waes, en est venu dans cette enceinte demander un rapport sur cette affaire, rapport qui devait avoir nécessairement pour but d'appuyer les conclusions d'une des deux parties contre l'autre.

Je crois que dans cette affaire on engageait bien positivement une question sur un point qui se trouvait en litige devant les tribunaux...

M. Frère-Orban. - L'Etat défendait ses intérêts.

M. Dumortier. - En ce moment nous défendons des intérêts plus grands que ceux du trésor public : nous défendons la Constitution. Quoi qu'il en soit, la question était pendante devant les tribunaux. Ce qui n'a pas empêché mon honorable interrupteur de s'en occuper dans cette assemblée, et de proposer même de renvoyer la question à la commission des finances avec demande d'un rapport, rapport qui devait être favorable à l'une des parties contendantes et défavorable à l'autre.

Messieurs, dans l'affaire qui vous a été dénoncée hier, il y a deux choses complètement distinctes ; il y a d'abord le jugement, très extraordinaire, j'en conviens, porté contre le rédacteur d'un journal pour infraction à la discipline dans son journal ; je vous laisse à juger ce qu'on doit penser d'une infraction à la discipline dans un journal ! Mais il y a autre chose.

En supposant que nous n'ayons pas à nous occuper de ce jugement dont la cour de cassation, j'en suis profondément convaincu, fera bonne justice, nous avons tout au moins à examiner si un fonctionnaire public a le droit d'introduire de pareilles affaires.

Cela est complètement en dehors du jugement ; n'examinons pas le jugement ; je le veux bien ; mais la conduite du fonctionnaire public qui n’intente un procès à un citoyen, en violation de la Constitution ; cette conduite est entièrement de notre domaine, l’honorable député de Bruxelles ne le contestera pas un seul instant ; elle est de notre domaine, car la Constitution est expresse ; l'article 98 porte : « Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour délits politiques et de la presse. »

Ainsi, distraire un journaliste, du chef d'un délit de presse, le distraire de son juge naturel qui est le jury, le traduire devant un conseil de discipline, c'est une violation grave de la Constitution.

Le fait acquiert une gravité plus grande encore, quand le chef de garde qui se permet cette violation de la Constitution, est en même temps un fonctionnaire public de l'ordre administratif.

On comprend que tel ou tel colonel de garde civique, ancien militaire ou particulier peu au courant des lois, pourrait prétexter cause d'ignorance ; mais quel est ici le colonel de la garde civique ? C'est le commissaire d'arrondissement, c'est-à-dire un fonctionnaire qui est chargé d'exécuter tous les jours la Constitution et les lois. Ainsi, c'est un homme chargé d'exécuter tous les jours la Constitution et les lois, qui vient violer la Constitution ! et l'on dira que mon honorable ami, M. Coomans, n'a pas eu sérieusement raison de venir révéler à la tribune des faits aussi graves !

Pour mon compte, je lui en adresse mes remerciements ; et quelle que soit la couleur du journal qui se trouve frappé par une telle violation de la Constitution, je me lève pour prendre la défense des principes, contré de pareils abus.

Je dis que si nous n'avons pas le droit de nous plaindre de l'arrêt, attendu que cet arrêt, je le reconnais volontiers, est du domaine de la cour de cassation, nous avons à nous plaindre de la conduite du fonctionnaire public qui, étant à la fois commissaire d'arrondissement et colonel de garde civique, est venu traduire devant un tribunal quelconque un de ses subordonnés, au moyen d'une violation de la Constitution.

On me dira : « Pourquoi nous occuper de l'affaire ; la cour de cassation cassera l'arrêt qui est inconstitutionnel. »

Mais, ne comptez-vous donc pour rien tous les déboires, toutes les pièces, tout le chagrin que vous occasionnez à un citoyen ?

Est-il permis, par hasard, de traduire à tort et à travers les citoyens devant les tribunaux, en leur disant que les tribunaux leur rendront justice ? Sommes-nous sous le régime du despotisme administratif ? Un pareil état de choses serait excessivement déplorable, s'il venait à s'étendre ; et, à ce point de vue, j'engage très vivement le gouvernement à prendre les mesures les plus efficaces pour que de pareils abus ne se reproduisent plus.

Le fait est d'autant plus sérieux que ce n'est pas la première fois que ce fonctionnaire se permet de pareilles incartades. Nous savons tous ce qui s'est passé lorsque M. le ministre des travaux publics s'est présenté à Alost.

Pour en revenir au fait qui nous occupe, je dis que quand un fonctionnaire public met en jugement un citoyen au moyen d'une violation de la Constitution, lui qui est appelé à appliquer la Constitution tous les jours, je dis que ce fonctionnaire est fortement répréhensible. Quant à moi, je ne puis assez blâmer sa conduite, quelle que soit l'opinion politique de l'homme qui est frappé.

Je déclare que je ne connais ni cet homme ni le journal qu'il dirige.

L'honorable M. Verhaegen a voulu porter hier la question sur un autre. Il m'a représenté dans cette enceinte, comme n'ayant aucun égard pour les jugements des tribunaux. Je ne puis laisser passer ces paroles sans un mot de réponse.

Excepté dans une affaire dont la Chambre est saisie, je ne vois dans ma conduite politique ou privée rien qui puisse justifier le reproche que l'on m'adresse. Il est bien vrai que je ne partage pas l'opinion de l'honorable membre, opinion consistant à dire que lorsque les tribunaux condamnent l'Etat à payer des sommes à des tiers, les Chambres doivent exécuter purement et simplement les arrêts des tribunaux, en votant les fonds nécessaires ; cette opinion n'est pas la mienne.

Je crois, pour ma part, que si les tribunaux sont juges de leur compétence, le pouvoir législatif, représentant de la nation, est également juge de sa compétence ; je crois que si l'on veut la pondération des pouvoirs en Belgique, il importe que le pouvoir législatif ne puisse pas être absorbé par le pouvoir judiciaire ; or, il le serait complètement dans le système défendu par mon honorable collègue.

L'opinion que j'ai soutenue, je n'ai pas été seul à la professer, elle l'a été par les plus grands jurisconsultes de cette assemblée, elle l'a été par des magistrats siégeant dans les cours et membres de cette Chambre qui tous ont voté comme j'ai voté en cette circonstance.

Il était donc injuste de me représenter comme faisant fi des arrêts de la justice. Je les respecterai toujours quand je croirai qu'ils sont conformes aux saines doctrines constitutionnelles ; mais quand je croirai que la prérogative parlementaire est intéressée à les examiner, je le ferai comme par le passé, alors qu'il est certain que la Chambre a adoptée à une immense majorité l'opinion dont j'ai été un des défenseurs.

M. Verhaegen. - Messieurs, ce n'est pas ma faute si je suis obligé de prendre une seconde fois la parole. Il me semblait qu'après le discours de M. Coomans on aurait pu clore la discussion et que M. Dumortier aurait pu, s'il n'avait oublié la recommandation adressée naguère à la gauche par M. F. de Mérode, qu'il valait mieux faire les affaires du pays, que M. Dumortier, dis-je, aurait pu se dispenser de présenter des considérations qui ne venaient pas à propos dans les circonstances actuelles.

(page 487) Messieurs, je n'ai pas dit ce que l'on me fait dire ; je fais appel au souvenir de tous mes honorables collègues, je n'ai pas fait fi des droits de la presse, au contraire, je n'ai pas voulu examiner la question qu'on soumettait à la Chambre, par cette seule considération que la question était soumise à l'autorité judiciaire, que nous ne pouvions pas empiéter sur les droits d'un pouvoir qui est tout aussi indépendant que le pouvoir législatif.

C'est à tort que les honorables MM. Coomans et Dumortierr prétendent que j'ai voulu porter atteinte à la liberté de la presse.

Je la respecte autant que qui que ce soit, j'y attache autant d'importance que personne. Mais la question n'est pas là. Il y a quelque part dans la Flandre orientale un commissaire de district qui n'est pas de votre opinion, que vous jugez à propos d'attaquer dans cette enceinte, en prenant prétexte de ce qui s'est passé dans un conseil de discipline de garde civique. Le fin mot, c'est que vous voulez attaquer le commissaire de l'arrondissement d'Alost. La question est là ; il n'y en a pas d'autre.

D'abord on se plaint d'un cumul ; il y aurait incompatibilité entre les fonctions de commissaire d'arrondissement et celles de colonel de la garde civique. On ne s'est pas montré aussi difficile dans d'autres circonstances quand il s'est agi de cumuls ; mais ici il s'agit de M. Dommer, et on a de fortes raisons pour avoir à son égard d'autres poids et d'autres mesures qu'à l'égard d'autres personnes.

D'abord, je ne pense pas qu'il y ait incompatibilité entre les fonctions de commissaire d'arrondissement et celles de colonel de la garde civique. Le commissaire d'arrondissement peut, pendant la durée de ses fonctions, se faire dispenser du service de la garde civique, s'il le jugea propos ; mais s'il veut s'acquitter de cette charge, car c'est une charge, la loi ne s'y oppose pas. Je me rappelle, c'est à l'honneur du membre dont je veux parler, qu'un honorable collègue, M. Desmaisières, était colonel de la garde civique de Gand ; quoique devenu ministre, il désira conserver ses fonctions de colonel, sauf à être dispensé de les remplir pendant qu'il était ministre.

C'était son droit. On n'a rien dit ; mais ce commissaire d'arrondissement colonel de la garde civique, celui-là il faut le réprimander. On laisse de côté le conseil de discipline pour s'attaquer au colonel. Qu'est-ce qu'il a donc fait ce colonel ? Il a saisi le conseil d'une plainte. C'est lui qui fait les fonctions de ministère public près du conseil. Erreur, mon cher collègue, c'est le capitaine rapporteur.

M. Coomans. - Je le sais ; je n'ai pas dit le contraire.

M. Verhaegen. - C'est l'honorable M. Dumortier qui l'a dit. Mettez-vous donc d'accord. (Interruption.)

Maintenant ce sera M. Dommer qui aura exercé son influence sur le conseil comme chef de corps, comme président du conseil de discipline. Savez-vous qui préside le conseil de discipline ? C'est le juge de paix. Avez-vous quelque chose à dire contre le juge de paix d'Alost, est-il de l'opinion de M. Dommer ?

Ce sont ces gens-là que vous venez traîner à la barre de la Chambre. Quand j'ai dit que le conseil avait usé de son droit, j'ai entendu qu'il avait usé de son droit en prononçant un jugement ; a-t-il bien ou mal jugé ? C'est une antre question qui est du ressort de la cour de cassation. Ne vous occupez pas d'une question qui n'entre pas dans vos attributions. C'est à tort que ces messieurs se sont acharnés sur la personne d'un homme étranger à l'affaire pour avoir le plaisir de venir parler de lui dans cette enceinte.

M. Dumortier. - Je ne connais pas M. Dommer, je ne connais pas non plus le journaliste qui a été condamné par le conseil de discipline, je n'ai eu de rapports directs ou indirects ni avec l'un ni avec l'autre ; c’est vous dire assez que je repousse de toutes mes forces l'accusation de n'avoir pris la parole que dans un intérêt de parti. Je n'attaquerais pas plus M. Lor que M. Dommer dans un intérêt de parti ; j'examine la question de plus haut, je l'examine au point de vue de la Constitution.

Est-il vrai, oui ou non, que les délits de presse sont exclusivement du ressort du jury ?

- Plusieurs voix. - Nous sommes tous d'accord.

M. Dumortier. - Maintenant est-il vrai qu'en violation de la Constitution un citoyen a été traduit devant le conseil de discipline d'Alost du chef d'un article qu'il avait publié dans un journal ? (Interruption.)

Il a été traduit du chef d'un article inséré dans un journal et mis en cause pour insubordination dans son journal. Qui met en cause ? C'est le colonel, le capitaine rapporteur siège comme ministère public, mais le conseil est saisi par le colonel.

Je reproche au colonel d'avoir introduit une affaire pareille qui est une violation de la Constitution. Si uns affaire semblable peut passer inaperçue, il n'y a plus de Constitution ; si les fonctionnaires publics peuvent se jouer de la Constitution, il ne faut plus en parler ici. Comment ! quand nous entrons dans cette enceinte, nous voyons sur une statue ces mots : « La presse est libre » et nous ne pourrions pas élever la voix pour défendre ce principe écrit dans notre Constitution quand nous y voyons porter atteinte. Je ne comprends rien à cela.

Je crois que loin de nous attaquer de ce chef, on devrait nous remercier de ce que nous prenons la défense des principes les plus grands, les plus généreux de la Constitution. Quant à moi, je ne faillirai jamais à ce devoir. Jamais je ne croirai tenir un langage trop sévère pour blâmer celui qui, étant commissaire d'arrondissement et commandant de la garde civique, a oublié ses devoirs et s'est conduit d'une manière aussi inconstitutionnelle dans des circonstances pareilles.

- La discussion est close.

Articles 43 et 44

M. Manilius. - Je crois que M. le ministre de l'intérieur a annoncé un amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Il est établi par les explications données par le gouvernement que les 2,700 fr. alloués aux commandants supérieurs de la garde civique, le sont pour « frais de bureau.»

Mais il est inutile d'ajouter ces mots au libellé de l'article 43. Il faut supposer que le gouvernement et la Chambre connaissent la loi. Or, la loi s'oppose formellement à ce que des traitements ou des indemnités soient accordés aux commandants supérieurs de la garde civique.

Les articles 75, 76 et 77 de la loi sur la garde civique disent positivement quels sont les seuls officiers qui puissent recevoir des indemnités. Les commandants supérieurs ne sont pas compris dans ce nombre.

Pour rassurer davantage l'honorable membre, je me suis fait produire l'arrêté qui alloue un crédit en faveur des commandants supérieurs de la garde civique de Bruxelles et de Gand.

Il porte : « Il est alloué aux commandants supérieurs de la garde civique de Bruxelles et de Gand, à titre de frais de bureau, une indemnité annuelle de 1,500 fr. pour le premier et de 1,200 fr. pour le second. »

Ainsi, dans l'arrêté même qui accorde cette allocation, il est dit positivement que c'est pour frais de bureau.

Après ces explications, je crois que l'honorable membre ne doit plus insister pour que l'article soit modifié dans le sens proposé par lui.

M. Manilius. - Je n'insiste pas.

M. Delfosse. - Dans l'allocation de 6,885 francs qui figure à l'article 43 du budget, il y a une somme de 4,185 francs destinée aux frais de tournée. Le gouvernement et la section centrale proposent de transférer les frais de tournée et l'allocation destinée à y faire face de l'article 43 à l'article 44, afin que, lorsque les tournées n'auront pas lieu ou lorsqu'elles n'absorberont pas entièrement le crédit, on puisse l'employer en tout ou en partie à l'achat ou à la transformation des armes et des objets d'équipement. Je dois m'opposer à cette proposition ; elle est contraire aux règles d'une bonne comptabilité et aux antécédents de la Chambre.

Depuis quelques années, la Chambre, d'accord avec la cour des comptes, a manifesté la ferme volonté de séparer dans les budgets les dépenses du personnel des dépenses du matériel, et il y avait pour cela de bonnes raisons.

Lorsque ces deux catégories de dépenses sont confondues dans un même article, le personnel, qui a une tendance constante et très naturelle, à améliorer son sort empiète presque toujours et fait tourner à son profit une partie des allocations destinées au matériel.

Le matériel est ainsi négligé, et, après quelques années, on est obligé de venir demander à la Chambre des crédits extraordinaires pour le matériel devenu insuffisant.

La proposition du gouvernement et de la section centrale aurait pour résultat de nous faire rentrer dans la voie d'où nous sommes sortis, et d'où nous avons eu raison de sortir.

Je sais bien que les intentions du gouvernement et de la section centrale sont très bonnes. Ce n'est pas au profit du personnel qu'on propose le transfert ; au contraire : on veut qu'une partie de l'allocation destinée au personnel puisse, le cas échéant, profiter au matériel ; ces intentions sont très bonnes ; mais je ne puis admettre que, dans un but même louable, on viole les règles d'une bonne comptabilité, on fasse revenir la Chambre sur des précédents qu'elle a eu raison de poser conformément aux observations de la cour des comptes.

Je dis donc que tout en approuvant le but, je ne puis approuver le moyen proposé par M. le ministre de l'intérieur. On pourrait plus tard en abuser. Je propose de laisser subsister le libellé des articles 43 et 44 et d'ajouter dans la colonne observations ces mots : « Une somme de 4,185 fr. pourra être transférée de l'article 43 à l'article 44. »

Des mentions de ce genre sont consignées au budget de la guerre et à celui des finances ; restreintes dans de justes limites, elles ne présentent point d'inconvénients. Si ma proposition est adoptée, le gouvernement atteindra le but qu'il a en vue, sans déroger aux règles d'une bonne comptabilité.

L'allocation destinée au matériel pourra s'accroître de ce qui sera resté disponible sur les frais de tournée ; les frais de tournée, au contraire, ne pourront dans aucun cas dépasser la limite tracée par l'article 43 ; en les transférant à l'article 44, comme le gouvernement le propose, on donnerait un moyen de les grossir aux dépens du matériel.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Comme le but que se propose le gouvernement est également atteint par l'amendement proposé par l'honorable préopinant, et que cet amendement respecte davantage, je l'avoue, les antécédents posés par la Chambre et les principes de la loi de comptabilité, je ne m'oppose pas à son adoption.

M. Maertens. - Si l'on admet la proposition de l'honorable M. Delfosse, il faut maintenir pour les articles 43 et 44 le libellé du projet de budget.

M. Delfosse. - Ma proposition coïncide avec les articles 43 et 44, (page 488) tels qu’ils se trouvent dans le premier projet de budget. Je propose de maintenir ces articles et de faire figurer dans la colonne d'observations la mention que j'ai transmise au bureau.

- Les articles 43 et 44, tels qu'ils se trouvent au projet du gouvernement, et la disposition proposée par M. Delfosse, sont adoptés.

Article 45

« Art. 45. Personnel du magasin central : fr. 3,115. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Fêtes nationales

Article 46

« Art. 46. Frais de célébration des fêtes nationales : fr. 40,000. »

- Adopté.

Chapitre IX. Récompenses honorifiques et pécuniaires

Articles 47

« Art. 47. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement, de courage et d'humanité, impression et calligraphie des diplômes, frais de distribution, etc : fr. 8,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Légion d'honneur et croix de fer

Articles 48 et 49

« Art. 48. Pensions de 250 francs en faveur des légionnaires et des décorés de la croix de Fer peu favorisés de la fortune, subsides à leurs veuves ou orphelins. Charge extraordinaire : fr. 155,000. »

- Adopté.


« Art. 49. Subside au fonds spécial des blessés de septembre et à leurs familles. Charge extraordinaire : fr. 22,000. »

- Adopté.

Chapitre XI. Agriculture

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. de Ruddere de Te Lokeren. - Messieurs, le budget du ministère de l'intérieur pour 1856 comprend peu de réformes ; cependant le chapitre XI, agriculture, est susceptible d'une réforme plus étendue. J'ai vu avec plaisir que M. le ministre a supprimé les écoles d'agriculture de Leuze, de la Trapperie, de Tirlemont, de Chimay, d'Ostin, et de Verviers ; j'aurais désiré qu'il eût compris dans la suppression les deux écoles de Thourout et de Rollé qui ont été réorganisées avec un cours en langue flamande, parce que ces écoles spéciales n'ont pas la sympathie des grands cultivateurs propriétaires, qui ne veulent point y envoyer leurs fils. Messieurs, si vous n'avez pas pour élèves les fils des grands fermiers, vous n'obtiendrez aucum résultat de votre enseignement, c'est par eux que l’enseignement agricole doit se répandre, il faut qu'après avoir fini leurs études, ils puissent mettre en pratique les connaissances qu'ils y auront acquises ; car avec les fils des petits fermiers et des boursiers qui n'ont aucune exploitation à diriger, votre enseignement doit rester sans effet, c'est pour cette raison que j'aurais voulu qu'on eût suivi le système indiqué par mon honorable ami M. de Naeyer, système qu'il a développé avec connaissance de cause dans la session dernière et qui (manque un mot$) vait à donner l'enseignement agricole à tous les degrés dans les écoles du gouvernement ; de cette manière toute la jeunesse qui fréquente les écoles serait mise au courant de l’enseignement agricole, tandis que vos deux écoles spéciales ne sont établies que pour une classe privilégiée, et qu'elles ne donneront à l’Etat aucune compensation des frais qu'elles auront occasionnés.

En Allemague, l'industrie agricole se développe par les fils des grands cultivateurs qui vont voyager a l'étranger ; tous les ans nous avons dans l'arrondissement d'Alost de ces jeunes gens qui séjournent dans nos fermes pendant deux ans pour s'instruire de la culture adoptée dans la Flandre et de tout ce qui s'y rattache ; après ce laps de temps ils se rendent pour deux ans en Angleterre, et c'est au bout de ces quatre années d'apprentissage agricole pratique, qu'ils retournent chez eux pour y introduire les nouveaux procédés.

Je préfère ce système à celui du gouvernement, parce qu'il donne le résultat le plus avantageux à l'amélioration de l'agriculture ; de plus, il ne coûte rien au trésor. Pourquoi maintenir en son entier le chapitre agriculture qui est fort onéreux pour les finances de l'Etat, car, à l'exception d'un seul article, celui des chemins vicinaux qui est d'une utilité publique en ce qu'il facilite aux cultivateurs de transporter eu toute saison leurs denrées aux marchés, l'utilité des autres articles est fort contestable ; ainsi celui pour service de drainage qui comprend 9,000 fr. ne me paraît plus nécessaire, étant pratiqué partout sur une large échelle par l'avantage qu'il procure aux cultivateurs, car les demandes qui en ont été faites en Flandre en 1855 ont été si nombreuses que faute d'ouvriers expérimentés, on a dû remettre les travaux à l'année courante.

Messieurs, si je ne parle pas du haras, dont je ne puis approuver les dépenses, c'est que mon honorable ami, M. de Naeyer, a combattu les vices de cette institution dans la session dernière, avec tant de logique qu'elle aura bien du mal à s'en relever. Cependant je voterai pour l’amendement proposé qui est de réduire le chiffre pétitionné à 52,000 fr.

Messieurs, si la Chambre adopte l'amendement proposé par l'honorable M. de Moor de distribuer de nouveau de la chaux à prix réduit dans la province de Luxembourg, je réclamerai la même faveur pour les Flandres où un grand nombre de petits fermiers manquent de l'engrais nécessaire pour bien cultiver leurs terres.

M. Magherman. - Messieurs, je viens appeler l'attention de la Chambre et du gouvernement sur la déperdition considérable qui se fait dans les villes et dans les autres centres agglomérés d'engrais qui pourraient être éminemment favorables et utiles à l'agriculture.

Dans un moment où il est constant que la Belgique a un déficit considérable dans ses récoltes, nous devons faire tous nos efforts pour que l'agriculture produise tout ce qu'il est possible de lui faire produire.

Il est prouvé par la supériorité agricole des cantons qui avoisinent les grandes villes, que les engrais humains et principalement les engrais liquides sont éminemment favorables à l'agriculture et que par conséquent, il faut faire tout ce qui est possible pour empêcher leur déperdition.

En prenant des moyennes excessivement faibles, M. Melsens, professeur à l'école vétérinaire de Bruxelles, constate que les vidanges de 981,848 habitants de nos 70 villes à octroi auraient une valeur de 8 millions de francs, ou près de la moitié de la valeur de l'engrais produit par le bétail.

« On peut dire, sans exagération, que les deux tiers au moins de cette somme se perdent sans profit pour l'agriculture. »

Voilà, messieurs, ce que nous trouvons dans une note de l'exposé de la situation du royaume de 1841-1850, titre IV, page 73.

Si nous tenons aussi compte des autres centres agglomérés de la Belgique qui n'ont pas d'octroi, on peut dire que la perte que la Belgique fait annuellement de ce chef est au moins de sept millions et demi. Car indépendamment des villes à octroi, il y a en Belgique d'autres centres importants de populations agglomérées. Je citerai les faubourgs de Bruxelles, diverses communes de la Flandre et d'autres parties du pays qui forment des agglomérations considérables sans avoir d'octroi.

Il serait, je le répète, de la plus grande importance d'empêcher que ces engrais ne se perdent comme ils se perdent aujourd'hui au détriment, non seulement de l'agriculture, mais aussi de l'hygiène publique.

Messieurs, un nommé M. Dupont, artiste vétérinaire à Tournai, a présenté récemment à l'administration communale de Tournai les plans et les devis estimatifs d'une citerne inodore de la capacité de dix hectolitres, dont les frais de construction ne s'élèveraient qu'à la somme de 48 francs 38 centimes (Voir « Journal d'agriculture », livraison du mois d'août 1855, p. 239 et suiv.).

Si l’on construisait de pareilles citernes dans nos villes, au pied des urinoirs publics, ces villes, j'ose l'affirmer, rentreraient, au bout de deux ans, dans leurs frais de construction et elles auraient une source précieuse de revenus permanents.

Ces constructions pourraient permettre aux villes qui font aujourd'hui payer un droit à la sortie des vidanges, de supprimer ce droit et de se procurer des revenus équivalents et supérieurs aux droits supprimés en vendant à leur profit les produits des citernes publiques.,

Je crois que les villes où existe ce droit ne sont qu'au nombre de trois ; Bruges, Gand et Anvers.

Il est extraordinaire que ce droit soit précisément établi dans les centres où ces engrais sont les plus avantageux à l'agriculture. Car c'est dans les terrains sablonneux qu'on a particulièrement besoin de ces engrais, et telle est la nature du sol où sont situées les villes de Bruges, de Gand et d'Anvers.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir appeler l'attention des administrations communales sur cette question, de faire ce qui lui est possible pour que les impôts sur les engrais soient abolis, et qu'on les remplace par les revenus que peuvent procurer des constructions du genre de celles que j'ai signalées.

M. Rodenbach. - Messieurs, je ne prends la parole que pour demander à M. le ministre de l'intérieur quelques renseignements sur la méthode inventée par le docteur Willems. Vous savez, messieurs, qu'à l'aide de cette méthode M. le docteur Willems a cherché à prévenir par l'inoculation la pleuropneumonie des bêtes bovines, et pour un pays agricole comme la Belgique, un semblable procédé, s'il est efficace, serait de la plus grande importance.

Messieurs, la société centrale d'agriculture a décerné une récompense à cet inventeur. Si une société aussi considérable qui est composée de plusieurs centaines d'hommes compétents a décerné un prix à cet inventeur, i lme semble que le gouvernement devrait être à même, maintenant, de savoir si l'invention est digne d'une récompense. Je vois aujourd'hui même, dans les journaux français, qu'on vient également d'inventer un remède pour prévenir la morve des chevaux et il paraît que l'efficacité de ce remède est déjà constatée, qu'elle est appuyée de preuves irrécusables. C'est encore une découverte qui sera très utile à l'agriculture.

Eh bien, messieurs, si nous pouvons avoir dans notre pays un inventeur qui rende un si grand service à l'agriculture, le devoir du gouvernement est de le récompenser.

Je demande, messieuis, si on a constaté que réellement l'invention est bonne et, je le répète, quand une société aussi importante que la (page 489) société centrale d'agriculture s'est prononcée, elle n'a pas pu le faire à la légère.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, je répondrai quelques mots aux honorables membres qui viennent de m'adresser des interpellations.

L'invention du docteur Willems a été examinée dans la plupart des pays qui nous entourent. Elle a été accueillie partout avec beaucoup de faveur par les hommes spéciaux qui s'occupent de ces matières. Dans les divers pays, des commissions ont été chargées de l'étudier, et, en général, les expériences qui ont été faites lui ont été favorables.

En Belgique, une commission spéciale a été également chargée, en 1852, de l'examen de cette découverte due à un docteur belge. Celle commission, messieurs, a adressé son rapport au département de l'intérieur, au commencement de l'année dernière. Le rapport a été imprimé et je suppose même qu'il a été distribué aux membres des Chambres.

Les conclusions de ce rapport, messieurs, ne sont pas tout à fait décisives. Après de nombreuses expériences, les membres de la commission n'osent point encore déclarer que ces expériences sont concluantes. Il y a beaucoup de probabilités en faveur du procédé. La circonstance qu'il est généralement employé chez les principaux éleveurs de la province de Limbourg et même du pays tout entier, cette circonstance est déjà une forte présomption en faveur de son efficacité. Il est certain, messieurs, que depuis quelque temps le nombre de cas de pleuro-pneumonie a diminué en Belgique.

Je n'oserais pas dire que ce résultat soit uniquement dû à la découverte du docteur Willems ; mais il est impossible de soutenir qu'elle n'y est pas pour une certaine part.

Quoi qu'il en soit, messieurs, la première commission a déclaré sa mission terminée après la publication de son rapport. Dans l'intérêt de l'agriculture, dans l'intérêt de la Belgique (car ce serait une gloire pour la Belgique s'il était prouvé que la découverte a réellement la portée que son auteur y assigne), je n'ai pas voulu que les expériences fussent interrompues, j'ai nommé une nouvelle commission, composée, cette fois, d'éléments un peu autres que ceux de la première commission ; car on lui avait reproché de ne renfermer en quelque sorte, que des éléments purement scientifiques ; on a dit que l'agriculture et l'élève du bétail n'y étaient pas suffisamment représentées. J'ai donc nommé une nouvelle commission où cet élément se trouve représenté dans une proportion plus forte.

La nouvelle commission poursuit les expériences dans les diverses localités, à mesure que des cas se présentent, et j'espère que d’ici à quelque temps, on pourra arriver à des résultats plus concluants que ceux qui ont été obtenus jusqu'à présent.

L'honorable M. Magherman a appelé l'attention du gouvernement sur une autre question, également très grave, la question de la conservation des engrais dans les villes.

Il y a déjà quelque temps, l'honorable M. David a entretenu la Chambre de cet objet. Il est évident qu'il se fait aujourd'hui une déperdition considérable de ces précieux engrais. L'honorable membre recommande aux villes la construction de citernes inodores. J'ignore les détails de cette construction, mais une chose esl certaine, c'est que l'attention de la plupart des personnes qui s'occupeut d'agriculture s'est portée sur la question dont il s'agit et dont tout le monde comprend la gravité. Elle a été examinée par divers comices agricoles, et quelques-unes de nos villes s'en occupent spécialement.

C'est une question très difficile à décider par le gouvernement, parce que la plupart des mesures qu'il faudrait prendre sont du ressort des administrations communales. C'est aux administrations communales surtout d'étudier ces questions et de s'efforcer de trouver les moyens de prévenir la déperdition des engrais. L'intérêt des villes nous est un sûr garant de l'importance qu'elles attacheront aux études à faire dans ce but. Il faut bien espérer que, d'ici à quelque temps, on arrivera à découvrir un moyen quelconque de réunir les engrais des villes afin de les livrer à l'agriculture.

- La séance est levée à 4 3/4 heures.