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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 24 avril 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1187) M. Maertens fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal d'Hegem demande la construction du chemin de fer de Lierre à Hasselt par Heyst-op-den-Berg, Aerschot et Diest, avec embranchement de Malines à Heyst-op-den-Berg, dont le projet a été soumis au gouvernement. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.


« Le conseil communal de Webbecom prie la Chambre d'accorder à la société Verhaegen les lignes de chemin de fer dont elle demande la concession. »

« Même demande des conseils communaux de Caggevinne-Assent, Diest et Montaigu. »

- Même renvoi.


« Le sieur Dubois, examinateur permanent à l'école militaire, prie la Chambre de donner suite à sa demande relative au règlement de sa pension. »

M. Maertens. - Je viens appuyer la demande du pétitionnaire et je prie la commission des pétitions de bien vouloir faire un prompt rapport sur cette requête.

- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport est ordonné.


« Le sieur Scheffermeyer, brigadier des douanes à Anvers, prie la Chambre de lui faire obtenir la décoration de l'ordre de Léopold. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Steppe demande que la position des secrétaires communaux soit améliorée et que ces fonctions soient déclarées incompatibles avec celles de notaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jules Renard, commis à Anvers, prie la Chambre de lui accorder la grande naturalisation, au lieu de la naturalisation ordinaire qu'il a demandée, et de l'exempter du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit supplémentaire de 53,632 francs au département des affaires étrangères.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi autorisant le gouvernement à concéder plusieurs lignes ferroviaires

Rapport de la section centrale

M. Coomans. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi tendant à la concession de diverses nouvelles lignes de chemin de fer.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. Magherman. - Je prie la Chambre de faire inscrire le projet de loi sur lequel le rapport vient d'être déposé à l'ordre du jour à la suite du budget des travaux publics. Notre ordre du jour n'est pas très chargé et dans l'intervalle des séances dans lesquelles sera discuté le budget des travaux publics, on pourra examiner le rapport qui vient d'être déposé.

Cet objet présente un certain caractère d'urgence. Notre session va vers sa fin, et il est très important que ces questions puissent être vidées avant que nous nous séparions. Il y a pour cela plusieurs motifs. Parmi les concessions qui sont sollicitées, il en est plusieurs dont les demandeurs ont déjà versé un cautionnement ; les fonds sont prêts ; en un mot, on n'attend que le vote de la loi pour entamer les travaux.

Il y a d'autres motifs encore. Dans plusieurs provinces, notamment dans la Flandre orientale...

M. le président. - Ces développements me paraissent prématurés. Il faudrait au moins attendre la distribution du rapport.

M. Magherman. - Je n'entends pas entrer dans le fond de la question. Je veux m'occuper uniquement de la nécessité d'entamer promptement l'examen de ce projet et prier la Chambre de vouloir le mettre à la suite du budget des travaux publics.

M. le président. - Il ne peut en être autrement. La discussion du budget des travaux publics est fixée à lundi. Il va de soi que le projet sur lequel il vient d'être fait rapport ne saurait être discute avant.

M. Magherman. - C'est l'objet de ma demande.

M. Delfosse. - On ne peut mettre ce projet à l'ordre du jour avant que le rapport ne soit distribué. Nous ne savons pas combien de temps il faudra pour l'imprimer.

M. Coomans. - Pour simplifier le débat, je crois pouvoir promettre que le rapport sera imprimé après-demain. Je l’ai fait très court, pour répondre au vœu de la section centrale et de la Chambre.

M. Delfosse. - Le rapport sera distribué samedi. La discussion du budget des travaux publics ne commence que lundi. Il est donc inutile de fixer avant samedi le jour de la discussion du projet sur lequel il vient d'être fait rapport.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l’exercice 1857

Discussion générale

M. Coppieters 't Wallant. - Messieurs, la discussion du budget des finances amène assez naturellement l'examen de notre système d'impôts. Aussi cette discussion ne se passe-t-elle guère sans que des bancs de la Chambre il s'élève quelques voix pour signaler les vices de ce système et pour indiquer les améliorations dont cette partie de notre législation paraît susceptible.

Si dans cette Chambre il peut y avoir quelque divergence d'opinion en ce qui concerne la nature des améliorations à introduire, il n'en existe point en ce qui concerne la nécessité de réviser une législation qui ne répond plus aux exigences de la situation, qui consacre des injustices criantes et qui n'amène pas au trésor, dans certaines circonstances, les produits qui devraient y affluer.

Il y a, à cet égard, unanimité d'opinion entre la Chambre et le gouvernement ; tout le monde reconnaît qu'il faut modifier notre législation en matière d'impôts.

Mais, messieurs, lorsque nous passons de la théorie à la pratique, il surgit des divergences très sensibles entre le gouvernement et la Chambre. Les membres de la Chambre, se rappelant les promesses de la Constitution, insistent vivement pour la production très prochaine des projets de révision ; le gouvernement, au contraire, semble chercher à écarter le plus possible la présentation de ces projets témoin la réforme douanière, la loi sur la contribution personnelle et la révision de la loi des patentes et du cadastre.

Le rapport de la section centrale, qui vous est soumis, fournit une preuve convaincante de ce que je viens de dire, quant à cette divergence entre le gouvernement et la Chambre. On lit dans le rapport :

Plusieurs sections ont demandé que la réforme de la loi des patentes et la révision du cadastre ne soient pas plus longtemps ajournées.

M. le ministre des finances a répondu qu'il ne pouvait que se référer aux explications récemment données à la section centrale chargée de l'examen du budget des voies et moyens de 1856. Ces réponses portaient, en substance, quele gouvernement a le projet de modifier la législation des patentes, mais que l'enquête administrative qui a eu lieu est insuffisante et que de nombreux renseignements doivent encore être recueillis.

Quant à la révision générale du cadastre, il a paru inopportun de la décréter, au moment où le trésor devait faire face à d'autres dépenses beaucoup plus urgentes et auxquelles il ne pouvait se soustraire. L'utilité de la mesure, notamment pour les propriétés bâties, n'a d'ailleurs pas été contestée ; les études se poursuivent et, pendant la session prochaine, le gouvernement sera à même de se prononcer sur cette importante question.

Se ralliant à l'opinion émise dans les sections, la section centrale a engagé le gouvernement à hâter la présentation des deux projets de loi, de manière à ce qu'ils puissent être discutés dans la prochaine session.

Ainsi, messieurs, comme je le disais tantôt, insistance de la part de la Chambre pour obtenir la présentation, dans le délai le plus prochain, d'un projet de loi de révision ; en ce qui concerne le gouvernement, hésitation pour ne pas dire refus de s'engager à présenter ce projet dans un délai déterminé.

Il est vrai qu'en ce qui concerne le cadastre, M. le ministre semble nous faire espérer que dans la prochaine session il pourra nous soumettre cette question, mais il n'en est pas de même pour les patentes, loi qui date de 1819 et qui n'est plus en rapport avec les nombreuses modifications qu'a subies l'industrie, loi qui consacre, on ne peut assez le dire, les plus criantes injustices, surtaxant les uns, ne demandant rien ou trop peu aux autres.

Le gouvernement semble reculer de plus en plus le moment de la présentation de cet important projet. En effet, lorsque en 1854 on rappela à l'honorable M. Liedts, alors ministre des finances, que son prédécesseur s'était déjà engage à saisir assez prochainement la Chambre d'un projet sur la matière, l’honorable M. Liedts nous fit connaître que déjà il avait recueilli un grand nombre de renseignements et qu'on s'occupait dans son départemeut de l'examen de cette question, Aujourd’hui, c'est-à-dire deux ans après, M. le ministre des finance., nous fait connaître que la matière exige de nombreux renseignements statistiques et des études approfondies.

Oui, messieurs, cela est incontestable ; mais pour peu qu'on veuille se rappeler les délais qui se sont écoulés, on devra reconnaître que ce n’est ni le temps ni les renseignements qui ont fait défaut.

Je ne sais si la Chambie et surtout les contribuables pourront se contenter des raisons que nous a données M. le ministre des finances. Pour ce qui me concerne, je ne puis pas les admettre et je puis (page 1188) d'autant moins m'en contenter que je me souviens de la réponse faite par M. le ministre, l'année dernière., aux observations qui se trouvaient dans le rapport de la section centrale sur le budget des finances pour l'exercice de 1856.

« La législation sur les patentes, nous disait alors M. le ministre des finances, fonctionne avec régularité ; le produit de cet impôt s'accroît d'année en année et d'un autre côté cette législation donne lieu à peu de réclamations. »

La législature doit, ce me semble, se laisser influencer par d'autres considérations. Pour elle, tout n'est pas dit, quand on déclare que les impôts rentrent régulièrement et que les contribuables payent sans jeter de trop hauts cris ; il importe avant tout que les lois d'éternelle justice soient sauvegardées ; « il importé de savoir (dit parfaitement bien la section centrale) si l'on a respecté cette égalité proportionnelle, si conforme aux principes de justice qui doivent servir de base à notre législation fiscale. »

M. le ministre des finances trouve que la loi sur les patentes donne lieu à peu de réclamations. Je ne sais vraiment pas comment m'expliquer cette assertion de M. le ministre. Mais n'est-ce rien que les réclamations dont les membres de la Chambre se font l'écho tous les ans dans cette enceinte ? N'est-ce rien que les réclamations nombreuses que les localités, victimes d'une répartition injuste, adressent depuis plusieurs années à la Chambre et au gouvernement ?

Que M. le ministre veuille se faire produire les pièces qui doivent exister dans ses bureaux, il y trouvera, entre autres, une réclamation de l'administration communale de la ville de Bruges qui signale l’injustice dont les patentables de cette localité sont victimes depuis nombre d'années. Tout récemment encore, cette administration a cru devoir renouveler ses réclamations auprès de vous.

Vous vous rappellerez peut-être encore les considérations puissantes qu'elle a fait valoir, je crois inutile de les reproduire ici, elles ont été analysées avec exactitude par un honorable rapporteur de la commission des pétitions, M. Vander Donckt ; ces considérations vous ont paru tellement importantes que vous avez jugé nécessaire de renvoyer la réclamation de la ville de Bruges à M. le ministre des finances avec demande d'explications. M. le ministre des finances trouvera sans doute convenable de nous donner, dans le cours de cette discussion, de nouvelles explications ; j'espère qu'elles seront de nature à nous satisfaire ; j'espère que le gouvernement pourra fixer l'époque, assez prochaine, de la présentation du projet portant révision de la loi sur les patentes.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Il y a quelques mois à peine que j'ai eu l'honneur de déclarer à la Chambre que je m'occuperais avec sollicitude de la révision de la loi sur les patentes. Depuis lors cet objet n’a pas été perdu de vue.

J'ai fait préparer un travail considérable pour aider à la refonte de cette partie de notre législation, en formant un ensemble de toutes les intructions relatives à la loi des patentes qui étaient éparses dans plus de vingt-cinq volumes.

La loi établit des affinités et des analogies entre les professions. Le principe de l'affinité s'applique aux professions qui s'exercent habituellement ensemble.

L'analogie s'établit entre diverses professions dont les unes sont dénommées au tarif et les autres ne le sont pas, soit qu'elles aient été omises, soit qu'elles concernent de nouvelles industries.

De nombreuses instructions sont intervenues à ce sujet et sur une foule d'autres applications de la loi. J'ai jugé utile, ainsi que je viens de le dire, de les réunir dans un ensemble pour procéder avec plus de facilité à la révision de la loi. D'un autre côté, j'ai fait procéder à une enquête pour obtenir des renseignements et l'avis des fonctionnaires les plus compétents en cette matière : plusieurs rapports me sont déjà parvenus, j'en attends encore quelques-uns. J'ai donc, dans la mesure du possible, satisfait aux engagements que j'ai pris dans une discussion récente.

Pour ce qui concerne la réclamation de la ville de Bruges, j'ai adressé sur son objet un rapport détaillé à la Chambre ; l'administration de cette ville se trompe dans l'appréciation des griefs qu'elle articule contre la loi des patentes ; elle est dans l'erreur quand elle croit qu'une nouvelle classification des communes améliorerait notablement la situation des patentables de cette localilé. Je m'abstiendrai de donner lecture du rapport que j'ai adressé à la Chambre sur cette pétition ; je me bornerai à faire remarquer que pour un grand nombre de professions le rang de la commune est indifférent ; il en est ainsi pour toutes celles qui sont énumérées aux tableaux n°1 à 15 de la loi des patentes, et qui sont cotisées d'après le tarif A.

En ce qui concerne les autres professions, l'impôt est régi par le tarif B ; il est vrai qu'à leur égard le rang des communes exerce une influence sur la quotité du droit dans divers cas.

Cependant, on ne doit pas perdre de vue que les agents de l'administration mettent tous leurs soins à exécuter la loi d'une manière équirtable, et de telle sorte que l'impôt soit autant que possible établi partout dans un même rapport avec les bénéfices de la profession. Ils cherchent à apprécier la position de chaque patentable avant de le porter dans telle ou telle classe du tarif.

Bruges, il est vrai, est rangé dans la même classe que Liège qui jouit d'une plus grande prospérité industrielle ; mais dans cette dernière ville on placera en général le patentable dans une classe plus élevée que dans la première.

Les patentables de Bruges ne sont donc pas nécessairement surtaxés, comme on l'a supposé.

On me dira qu'il y a une exception inévitable pour la classe la plus base assignée à chaque profession ; l'observation est fondée. Toutefois pour le plus grand nombre des professions, celles du tableau n°12, la différence est si faible que ce ne serait pas assurément une raison suffisante de modifier la loi.

Pour la dernière classe, la patente est de 3 fr. 18 c. ; si cette ville était placée dans le rang immédiatement inférieur, elle serait de 2. fr. 54 c ; la différence n'est donc que de 64 c. Pour d'autres professions plusieurs classes sont en général ouvertes, et si les bénéfices du patentable ne sont pas considérables, on ne choisit pas la plus élevée. Il a été constaté, en effet, que la proportion des patentables ne payant que le minimum du droit est beaucoup plus forte à Bruges qu'à Liège. Je n'en dirai pas davantage pour ne pas abuser des moments de la Chambre. Je suis loin de prétendre qu'il n'y a pas de réclamations fondées ; je poursuivrai le travail que j'ai commencé ; les difficultés à surmonter sont très grandes ; il faut s'occuper de chaque profession exercée dans le pays.

Mes honorables prédécesseurs ont commencé ce travail ; je chercherai à l'accomplir. Du reste des modifications ont déjà été apportées depuis 1850 aux lois de 1819 et de 1823 par celles qui sont intervenues en 1842 et en 1849 ; je conviens qu'il reste beaucoup à faire, le gouvernement s'attachera à hâter l'instruction d'un nouveau projet qu'il présentera, aussitôt que possible, à la Chambre.

M. Coppieters 't Wallant. - Messieurs, vous aurez remarqué par la réponse de M. le ministre qu'il ne s'engage absolument à rien. M. le ministre a besoin de nouveaux renseignements, il a des pièces à consulter. On peut ainsi traîner les choses aussi longtemps qu'on le veut.

Or, depuis quinze ans et plus qu'il a été reconnu que la loi sur les patentes était vicieuse, qu'elle ne répondait plus aux progrès de l'industrie, que quelques professions étaient trop frappées, que d'autres ne payaient pas assez ou ne payaient rien, il me semble qu'on a eu tout le temps de recueillir les renseignements nécessaires et qu'avec un peu de bon vouloir le projet de loi aurait pu être présenté depuis longtemps.

Quant à la question spéciale qui se rapporte à la ville de Bruges, il paraît que des explications ont été données par M. le ministre. Mais ces explications nous ne les connaissons pas.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Mon rapport est du 7 mars.

M. Coppieters 't Wallant. - Comme la question est très importante, je demanderai que les explications de M. le ministre soient imprimées, pour que nous puissions les examiner, et nous occuper sérieusement de la question, lorsque nous discuterons le budget des voies et moyens.

Je ferai remarquer cependant que les explications que vient de nous donner M. le ministre ne sont pas en rapport avec celles que ses prédécesseurs ont données. Il résulte des documents officiels que les prédécesseurs de M. le ministre ont reconnu que les griefs de la ville de Bruges étaient bien fondés et ont fait entendre que dans le nouveau projet il serait fait droit à ces réclamations. Aujourd'hui M. le ministre, pour nous faire prendre un peu plus longtemps patience probablement, cherche à établir que la ville de Bruges n'a pas à se plaindre. Il me force à vous rappeler une partie des considérations dont vous avea entendu la lecture au mois de février dernier.

M. le ministre prétend que la ville de Bruges se trompe quand elle se croit lésée par suite de son assimilation avec une ville d'une tout autre importance qu'elle, avec la ville de Liège.

Il est très vrai qu'il y a deux tarifs, que le tarif A est invariable. Mais le tarif B est variable, et il est très différent, d'après les classes. M. le ministre l'a reconnu implicitement lui-même. Il vous a dit qu'il y avait une sorte de tolérance. Mais je dois déclarer qu'à Bruges on s'est fort peu aperçu de cette tolérance.

Je citerai cette différence : c'est que, pour la 4ème classe, par exemple, dans les villes qui se trouvent dans le deuxième rang, on paye 108 florins, tandis que dans le troisième rang, que la ville de Bruges pourrait occuper, on ne paye que 83 florins. Vous voyez que cette différence est énorme.

Les plaintes de la ville de Bruges sont très fondées. J'espère que M. le ministre voudra bien les examiner avec l'attention qu'elles méritent, et que, dans le projet qui nous sera présenté ultérieurement on aura égard à ces justes réclamations.,

Je renouvelle la demande d'impression des explications de M. le ministre sur la pétition de la ville de Bruges.

M. Vandenpeereboom. - L'honorable ministre des finances vient de répondre à une partie des questions qui lui ont été adressées par mon honorable ami M. Coppieters. Il a répondu en ce qui concerne la loi des patentes. Mais notre honorable collègue de Bruges a demandé aussi où en était la question de la révision cadastrale, et sur ce point M. le ministre des finances a gardé le silence.

Messieurs, à peu près chaque année depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, j'ai, à l'occasion du budget des finances, (page 1189) soulevé cette question et cherché à démontrer que la révision cadastrale, serait, non seulement un acte utile, mais un acte de justice et d'absolue nécessité.

Chaque année le mal va grossissant, car chaque année la valeur locative réelle des terres dans nos diverses provinces varie, et chaque année aussi l'écart relatif est de plus en plus considérable. Il est évident que la situation qui existe ne peut pas être maintenue sans violer de la manière la plus flagrante notre Constitution qui proscrit tout privilège en matière d'impôt.

La Constitution ne veut pas que les contribuables de certaines provinces payent au détriment de ceux de certaines autres, et les principes les plus élémentaires nous défendent de consentir plus longtemps à ce'que dans certaines provinces on paye 2, 3 et 4 p. c. du revenu vrai de la terre, tandis que dans d'autres on paye 10 et 12 p. c.

Je ne reproduirai pas les arguments que j'ai fait valoir dans d'autres circonstances. Je dirai seulement que les statistiques agricoles basées sur des calculs à peu près certains démontrent mieux que tous les arguments que l'on pourrait produire, l'inégalité qui existe entre la valeur locative des propriétés dans les différentes parties du pays.

Un arrêté royal du 11 juillet 1852, que j'ai déjà invoqué plusieurs fois dans cette enceinte, determine le multiplicateur du revenu imposable donl il faut se servir pour établir la valeur actuelle des terres, à l'effet de fixer la valeur des propriétés en ce qui concerne les mutations par décès en ligne dfrecîe. J'ai déjà cité plusieurs fois des chiffres. Ces chiffres sont téllemeut concluants que je demande à la Chambre la permission de les lui citer encore.

Dans la province de Liège, dans le Brabant et dans le Limbourg l'augmentation de la proportion entre le montant des baux et le revenu cadastral est de 100 p. c ; dans le Luxembourg elle est de 133 p c. ; dans la province de Namur de 200 p. c. ! Dans la province, d'Anvers, au contraire, elle est seulement de 75 p. c. ; dans le Hainaut de 71 ; dans la Flandre orientale de 66 p. c. et dans la Flandre occidentale, de 50. Et c'est, tau jours l'ancien revenu cadastral qui sert de base aux évaluations et à l'impôt !

Maintenant à toutes nos réclamations, que répond-on ? On nous dit : Vous avez parfaitement raison ; vos réclamations sont extrêmement justes ; votre persistance vous fait honneur, mais il nous coûterait un peu cher pour vous rendre justice ; pour réviser le cadastre, il faudrait dépenser de folles sommes que nous pouvons employer plus utilement à autre chose. Telle est la réponse unique et constante du gouvernement.

Mais en attendant, ceux qui payent deux ou trois fois plus qu'ils ne doivent, continuent à payer et ces contribuables sont très peu touchés de l'argument qu'on leur oppose.

Il est temps que le gouvernement prenne des mesures pour réparer une injustice qui est criante ; erreur criante de province à province, erreur criante qui existe de localité à localité, et même entre les diverses propriétés d'une même commune. Il est évident, en effet, que par suite de la construction de routes qui ont augmenté le prix des terres, de chemins de fer qui ont diminué la valeur de certains terrains aux abords des anciennes routes, de l'établissement de voies navigables, la valeur des propriétés a varié. Il faut qu'on fasse un nouveau travail, et il est plus que temps qu'on décrète une nouvelle péréquation cadastrale.

D'ailleurs, il est un motif qui doit porter le gouvernement à arriver le plus tôt possible à cette révision.

Une loi très importante, celle de la contribution personnelle, a été soumise a la Chambre. Cette loi, réclamée depuis longtemps par l'opinion publique et promise par les différents cabinets depuis 1848, n'a pu être discutée ; on l'a ajournée jusqu'au moment où la révision du cadastre aurait pu avoir lieu. Cet ajournement ne peut pas être indéfini et cependant il sera indéfini si l'on ne révise pas le cadastre. J'ajouterai en terminant que les plans et la matrice du cadastre sont tellement surchargés de ratures par suite de morcellements et de mutations de propriétés, que les documents sont à peu près indéchiffrables aujourd'hui et qu il est urgent de les refaire.

J'espère que M. le ministre des finances voudra bien nous faire connaître d’une manière positive et nette les intentions du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Ainsi que l'honorable membre vient de le rappeler, j'ai déjà reconnu le fondement de la demande faite d'une révision du cadastre. Jusqu'ici, messieurs, une simple évaluation avait été faite au département des finances sur les frais que cette opération devrait occasionner.

L'un de nos honorables prédécesseurs l'avait communiquée à la Chambre. Par suite des engagements que j'avais déjà pris à la fin de la dernière session, j'ai cru devoir consulter les directeurs des contributions directs et les anciens fonctionnaires du cadastre sur les moyens les moins coûteux et les plus simples de faire cette opération. J'ai reçu différents rapports et j'espère que dans la prochaine session, je pourrai mettre la Chambre à-même de décider cette question.

Je reconnais, messieurs, que les évaluations diffèrent extrêmement de province à province, de commune à commune et même de parcelle à parcelle ; de sorte que la révision serait une mesure de toute équité ; il ne dépendra pas du gouvernement qu'elle n'ait lieu dans un bref délai.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'apprends avec satisfaction que. M. le ministre reconnait qu'il y a dses provinces qui sont surchargées comme, par exemple, les deux Flandres, et notamment la Flandre occidentale. Je crois devoir appuyer l'opinion qui a été émise par deux honorables députés de cette province, MM. Coppieters et Vandenpeereboom.

Au commencement de notre révolution, l'inégalité de l'impôt foncier était si flagrant, que je me rappelle avoir proposé un amendement tendant à diminuer de 1.0 p. c. les impôts territoriaux dans les Flandres. Nous étions surchargés de 25 p. c. Le Congrès accueillit notre proposition parce que tout le monde en comprenait la justice.

Eh bien, messieurs, aujourd'hui encore nos provinces sont conidérablememt surtaxées, surtout si on les compare au Brabant, et il importe de faire disparaître le plus tôt possible l'inégalité dont nous sommes victimes. J'espère, messieurs, qu'il en sera ainsi, d'après ce que vient de dire l'honorable ministre des finances.

Messieurs, puisque j'ai la parole, je dirai quelques mots sur un autre point.

Il y a déjà quelques années que, dans la discussion du budget des finances, il a été question des assurances contre l'incendie, contre la grêle, sur la vie, etc. C'était, je pense, sous le ministère de l'honorable M. Malou, qui était assez favorable aux idées émises à cet égard. J'ai vu tout récemment qu'en Angleterre on vient de promulguer une loi sur les assurances de toute espèce ; d'après cette loi on exige, dans l'intérêt du public, un cautionnement.

Il me semble que c'est là une très bonne mesure, car il y a beaucoup de ces sociétés qui ne sont pas d'une solidité extrême et dont on a infiniment de peine à se faire payer. On a établi en outre un certain impôt sur les assurances contractées ou renouvelées par les sociétés étrangères, qui pullulent en Angleterre et qui sont également très nombreuses en Belgique.

Je crois, messieurs, que le gouvernement devrait examiner s'il ne convient pas d'exiger un cautionnement des sociétés d'assurances et de les soumettre à un impôt. Certainement cet impôt ne devrait pas être trop considérable, car il ne faut pas entraver les opérations des sociétés qui sont très utiles, mais je crois qu'il y a quelque chose à faire. J'appelle l’attention de M. le ministre des finances sur la loi anglaise dont je viens de parler et je compte sur sa sollicitude pour l'examen de cette question. Il s'agit de donner des garanties aux particuliers et d'augmenter dans une certaine mesure les revenus du trésor.

M. Vander Donckt. - Je commence par remercier l'honorable ministre de ce qu'il reconnaît aujourd'hui la nécessité de réviser le cadastre. Malgré cela, il y a encore parmi nous plusieurs honorables collègues qui ne partagent pas cette manière de voir, qui ne sont pas convaincus de cette nécessité.

Je me permettrai, à ce sujet, de soumettre à la Chambre quelques observations que j'ai recueillies depuis la session dernière, où j'avais insisté, dans la discussion du budget des finances, sur la nécessité de réviser les opérations cadastrales, comme je l'avais fait, du reste, depuis plusieurs années.

Messieurs, en général, les propriétés bâties et non bâties, le long des grandes routes, ont baissé de valeur dans une proportion effrayante. Autrefois c'était par les grandes routes que se faisait tout le trafic, tout le transport des marchandises ; alors toutes les auberges étaient achalandées et avaient une valeur telle, que dès qu'une de ces propriétés était à vendre tout le monde voulait en faire l'acquisition.

C'était en quelque sorte une fortune qu'une auberge achalandée. Aujourd'hui les grandes routes sont presque désertes, elles ne servent plus, pour ainsi dire, que de voirie vicinale ; tout le trafic se fait par le chemin de fer. Ce motif, à lui tout seul, serait suffisant pour faire réviser le cadastre, mais il y en a bien d'autres. Il y en a notamment que nous avons fait valoir depuis longtemps, ce sont les différences entre l'évaluation des terres dans les diverses provinces.

A cet égard, messieurs, il suffit de faire quelques comparaisons pour faire disparaître toute espèce de doute.

D'abord, messieurs, le Limbourg et le Luxembourg ont été cadastrés plus tard que les sept autres provinces, et il en est résulté des plaintes amères et très fondées parce que, à l'époque où les opérations cadastrales ont été faites dans ces dernières provinces, le revenu des propriétés était bien moindre que quand on a fait, beaucoup plus tard, ces opérations dans le Limbourg et le Luxembourg.

Maintenant, messieurs, je vais vous faire une comparaison entre les terres situées à l'extrême limite du Brabant et les terres contiguës à celles-là, qui appartiennent à la Flandre orientale. Ces terres sont de même nature, elles sont quelquefois exploitées par les mêmes fermiers et cependant celles qui se trouvent dans le Brabant ne payent que dans une proportion minime, comparativement à celles qui se trouvent dans la Flandre orientale. La Flandre occidentale n'est pas moins surtaxée, mais je ne la prends pas pour point de comparaison, parce qu'elle est plus éloignée.

Eh bien, messieurs, j'ai sous les yeux un tableau que je me suis fait produire par le cadastre et qui vous donnera une idée de l'injustice dont je me plains. Je me bornerai à citer ce qui concerne les terres labourables, parce qu'elles forment la grande majorité.

Voici, messieurs, comment sont taxées les terres de première classe dans les communes suivantes :

Assche, 80 francs l'hectare première classe, Goyck 76, (page 1190) Liedekerke 72, Malderen 67, Oetinghem 76, Steenhuffel 70, Teralphen 76, Vollezeele 76.

Messieurs, nne distinction encore est essentielle : c'est entre les prairies. Les prairies de l'Escaut sont taxées dans la commune de Synghem à 257, tandis que les prairies de Mont-Plaisir, aux abords de la grande ville de Bruxelles où les propriétés ont une valeur presque inappréciable, sont taxées à 80. Est-il possible de rester plus longtemps sous le coup d'une imposition aussi injuste ?

Pour continuer ma comparaison, dans l'arrondissement d'Alost, vous avez (première classe de terre) à Oultre 105, à Denderleeuw 103, à Meerbeek 99.

Pour la partie territoriale de la ville de Ninove 114, à Okeghem 95, à Appelterre Eychem 107, à Pollaere 99 et à Santbergen 92.

Mais la comparaison qui frappe le plus, c'est celle-ci : A Alost, pour la première classe de terre, vous avez 135, tandis qu'aux portes de Bruxelles les terres première classe sont taxées à 80 car la première classe de terre n'y est pas taxée à un taux plus élevé :

A Erenbodeghem, vous avez 115, à Meldert 95, à Baerdeghem, 95.

Vous voyez, messieurs, qu'il n'y a pas une seule commune qui soit taxée en dessous de 95 fr. l'hectare de première classe ; tandis que dans le Brabant on ne dépasse pas 80 fr. l'hectare de première classe.

Je vais vous expliquer les motifs de cette différence ; c'est que, comme l'honorable M. Rodenbach l'a parfaitement bien dit, depuis la révolution française, nos provinces ont été surtaxées et nous avons supporté constamment cette aggravation d'impôt jusqu'à la révision du cadastre. Or, qu'a-t-on fait ? On a dit : Il serait trop criant d'abaisser les uns et d'augmenter les autres dans une proportion aussi grande.

Il faut faire une échelle transitoire. L'on est allé jusqu'à fixer le terme de 5 années pour échelonner la diminution dans nos provinces et l'augmentation dans les autres ; mais on n'a jamais osé aborder la stricte justice distributive.

La loi sur le cadastre a fixé à 10 ans l'époque de la révision, on a reculé devant les frais : il y a aujourd'hui plus de vingt ans que le cadastre a été fait, car il l'a été en 1835 ; donc le délai de dix ans est déjà doublé ; or, aujourd'hui que tous les honorables membres de la Chambre doivent être convaincus des injustices criantes qui existent dans le cadastre actuel, je crois qu'il est indispensable de procéder sans délai à cette opération.

Il y a une infinité d'autres arguments que je pourrais faire valoir. Je ne parlerai point, par exemple, du déboisement, du défrichement des terres incultes, de leur réduction en terres arables, de l'augmentation de valeur qu'elles ont subie ; je ne veux pas abuser des moments de la Chambre, je crois avoir démontré l'indispensable nécessité de la révision sans plus de délai ; j'espère que M. le ministre des finances, ainsi qu'il vient de le dire, s'occupera incessamment de cet objet, pour nous saisir d'un projet à notre prochaine rentrée.

On a dit que l'opération doit coûter 5 millions. Il y a trois ou quatre ans, lorsque je demandais la révision du cadastre, l'honorable M. de Muelenaere nous disait : Cette somme ne doit pas tant nous effrayer ; il faut un temps moral pour que cette opération soit achevée ; on pourrait donc échelonner les dépenses sur plusieurs exercices, et de cette manière elles seraient moins sensibles à notre budget des finances.

Je termine en demandant que M. le ministre des finances veuille s'occuper sans délai de la révision du cadastre.

M. Frère-Orban. - Messieurs, on parle beaucoup et souvent de révision du cadastre ; on est unanime pour reconnaître que cette opération est difficile, longue, onéreuse, et elle produit, en définitive, assez peu de résultat. Il faut environ cinq ans, si je ne me trompe, pour qu'on puisse opérer une révision cadastrale complète. Les faits servant de base aux opérations doivent être de cinq ou de dix ans antérieurs à la révision.

Or, le travail est à peine achevé que de nouvelles et nombreuses inégalités se sont substituées aux inégalités que l'on a voulu corriger.

Le développement de l'industrie et du commerce, la formation de nouveaux centres de population, la création de routes, de chemins de fer et de canaux ont suscité des changements notables dans la valeur relative des propriétés, et les mêmes plaintes qu'on formait, doivent nécessairement se faire entendre de nouveau.

Les opérations cadastrales en Belgique ont été remarquablement bien faites ; en général, on se réfère au cadastre avec une entière sécurité pour la division de la propriété et l'évaluation du revenu au temps où elle a été faite se rapprochait de la vérité. Mais de grandes modifications sont survenues depuis lors et continueront à se produire.

Il y a donc d'incontestables inégalités. Tel paye l'impôt à raison d'un revenu qui se rapproche du revenu réel ; tel autre à raison d'un revenu qui est de beaucoup inférieur au revenu réel. Ces inégalités résultent des variations mêmes de la propriété ; le cadastre est immuable, la propriété est, au contraire, essentiellement variable et le revenu varie comme la valeur vénale. Etablir l'impôt sur le revenu, c'est rendre inévitable, quoique sans succès, de nouvelles opérations cadastrales. Il faudrait donc qu'on s'appliquât à rechercher une autre base pour asseoir l'impôt, qui permît de suivre les fluctuations de la propriété. Est-ce absolument impossible ?

J'ai, pour ma part, beaucoup réfléchi à cette difficulté et je n'ai pas la prétention d'y avoir trouvé une solution. Mais je soumets une idée au gouvernement, pour qu'il la fasse étudier ; je pense qu'elle mérite un sérieux examen.

Pourquoi au lieu d'asseoir l'impôt sur le revenu, qu'on cherche à déterminer par les évaluations cadastrales, pourquoi ne le ferait-on pas reposer sur la valeur vénale de la propriété ? Il ne s'agirait de changer ni le contingent ni le produit de l'impôt foncier, mais de trouver le moyen de le répartir avec plus d'équité.

La valeur vénale serait déterminée périodiquement par les ventes publiques, d'après un mode analogue à celui qu'on a adopté pour la perception de l'impôt sur les successions. Y aurait-il impossibilité de se servir de cette base pour l'impôt foncier ? Quels seraient les inconvénients qui pourraient résulter d'une pareille mesure. Je ne les aperçois pas au premier abord. On fixerait pour 5 ou pour 10 ans la valeur vénale de la propriété, et l'on répartirait sur cette valeur vénale la somme que l'on voudrait obtenir de l'impôt foncier. On ferait ainsi disparaître de grandes injustices.

Je sais qu'il devrait y avoir quelques exceptions. Ainsi, la valeur vénale de la propriété boisée ne pourrait guère être connue par le mode que je viens d'indiquer ; les ventes relatives à la propriété boisée ne pourraient pas servir à indiquer la valeur vénale des bois en général, parce que cette valeur varie à raison de l'âge du bois qui croit sur la propriété, de l'essence, de la qualité de la raspe, du taillis ou de la haute futaie ; mais ces exceptions pourraient être facilement spécifiées ; elles ne seraient pas nombreuses ; pour ces exceptions on pourrait se tenir au régime actuel, et la révision du cadastre pour ces sortes de propriétés ne serait ni longue, ni difficile, ni coûteuse pour le trésor.

Je ne donne pas cette idée comme un projet arrêté ; mais je la soumets à la discussion et à l'attention sérieuse du gouvernement ; on pourrait peut-être par là obtenir une solution plus satisfaisante que celle qu'on a poursuivie jusqu'à présent.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, je ne décline pas l'examen ultérieur du système que vient d'indiquer l'honorable M. Frère-Orban ; une proposition émanant de cet honorable membre mérite une sérieuse attention. Cependant, la critique qu'il a faite d'une révision du cadastre ne me paraît pas fondée. Il est vrai qu'il faut au moins cinq ans pour opérer cette révision et qu'à l'expiration des cinq années, malgré tout le soin possible, il existera déjà quelques inégalités dans les évaluations qui se seraient faites successivement ; mais ces inégalités, comparées à ce qui existe aujourd'hui, seront en quelque sorte imperceptibles et l'on pourra considérer le résultat obtenu comme une justice véritable et complète. Aujourd'hui les disproportions sont choquantes, excessives et se multiplient à l'infini.

Lorsqu'on a établi le cadastre, le principe d'une révision périodique avait été posé. Cependant, en adoptant cette mesure, la législation n'avaii pas prévu des changements aussi considérables que ceux qui sont survenus depuis cette époque dans les valeurs des propriétés.

La nécessité de cette révision est donc bien plus frappante aujourd'hui qu'au moment où la loi fut votée. L'honorable membre indique comme simplification un nouveau mode qui consiste à prendre pour base la valeur et non le revenu des propriétés immobilières ; je pense qu'il ne fait que déplacer la difficulté. Pour établir la valeur vénale dans de justes proportions, il faut comparer toutes les propriétés entre elles, comme on l'a fait pour en déterminer le revenu ; un hectare de terre de première classe figure au cadastre pour un revenu plus élevé qu'un champ de la même contenance de troisième classe, et se loue à un prix plus élevé si le cadastre est bien fait ; il a fallu, pour établir le revenu proportionnel, recueillir des baux, faire des évaluations détaillées. Pour déterminer la valeur vénale des propriétés, il faudrait faire les mêmes opérations, sauf que l'on consulterait les actes de ventes au lieu des baux.

Pour le reste on rencontrera les mêmes difficultés, les mêmes complications, si l'on veut arriver à l'égalité proportionnelle, qui est le but que l'on a en vue d'atteindre. Il faut, en un mot, procéder à l'évaluation des parcelles, soit qu'on l'applique à la valeur vénale ou au revenu ; appliquer des résultats généraux, provenant d'actes de vente, à telle ou telle circonscription territoriale, ne serait qu'un travail imparfait.

Il me semble donc, je le répète, qu'on ne ferait absolument que déplacer la difficulté. Dans l'un et l'autre cas pour agir avec équité, il faut procéder à une classification parcellaire. Le travail et la dépense seraient les mêmes.

M. de La Coste. - Il serait à désirer qu'on pût trouver quelque moyen expéditif et peu coûteux de corriger, dans l'impôt foncier, des inégalités frappantes, nées du changement de valeur relative des propriétés. Il faut l'avouer, ces changements de province à province sont (page 1191) devenus tels que les plaintes qu'ils occasionnent ont beaucoup de fondement. Je pense, toutefois, que l'honorable M. Vander Donckt s'est trompé dans quelques-unes de ses comparaisons, mais peu importe, le fait en général n'est point contestable ; il s'agit ici des principes et non des applications spéciales.

L'idée énoncée par l'honorable M. Frère serait un moyen prompt d'arriver au but, s'il y conduisait réellement. Il me semble même qu'il serait trop prompt : il exposerait la propriété à des fluctuations continuelles ; d'année en année, le taux des contributions pourrait changer ; la population agricole aurait peine à se faire à cette mobilité. Les baux se font pour une série d'années.

Les fluctuations ne sont pas dans la nature de l'impôt foncier ; il doit avoir un caractère plus permanent.

Tout en réservant l'examen ultérieur de cette opinion, je doute fort que l'on atteignît ainsi le but qu'on doit se proposer. On arriverait bien à approcher assez près de la valeur vénale des propriétés, mais l'impôt n'est point assis sur la valeur de la terre ; il a pour base l'évaluation du produit.

Il y a des différences entre le produit et la valeur vénale considérés comme matière imposable ; celui qui vend profite de l'augmentation de valeur ; mais celui qui cultive ne récolte pas une gerbe de plus parce que son voisin a vendu son champ fort cher.

De plus, diverses circonstances influent sur la valeur vénale sans influer sur la valeur locative, sur le produit.

Il y a des parties du pays où les propriétés forment de grandes masses, où il n'y a guère que de gros fermiers, et, à côté d'eux, de simples ouvriers ; entre ces contrées et celles où la propriété est très divisée, le prix de la terre diffère considérablement.

Là où la propriété est très divisée, quand il y a des ventes de parcelles de terre, les prix sont poussés très haut, les petits cultivateurs s'acharnent pour acquérir un petit coin de terre ; ces parcelles se vendent ainsi à un taux excessif, tandis que dans d'autres communes où la terre rapporte davantage, mais où l'on ne met en vente que des pièces de terre considérables, les prix sont loin d'atteindre ces taux vraiment fabuleux.

Il est tel, qu'il serait souvent impossible aux propriétaires aisés de lutter avec les petits cultivateurs.

Avant donc d'adopter la base proposée, il faudrait y réfléchir mûrement.

Une autre idée a été mise en avant, à d'autres époques : c'était de choisir des types d'évaluation des différentes classes de propriétés dans chaque commune et d'en constater la valeur locative actuelle et de calculer d'après cela de combien il faut augmenter ou diminuer le revenu imposable des communes et, par suite, des provinces.

Quoi qu'il en soit, quand on en viendra à devoir prendre une résolution, pour que la Chambre se décide à augmenter le contingent de certaines provinces et à diminuer celui d'autres, il faudra, je pense, lui présenter des calculs nets et francs qui portent la conviction dans tous les esprits ; sans cela, on n'arrivera qu'à des ajournements.

M. Frère-Orban. - Je n'ai pas été bien compris par M. le ministre des finances. Il m'objecte que pour obtenir la valeur des propriétés il faudra se livrer aux mêmes opérations que pour connaître le revenu. C'est une erreur. Dans mon opinion, le cadastre, tel qu'il existe aujourd'hui, serait maintenu. Il constate un état de choses qui sert de point de départ. La valeur vénale serait déterminée par un multiplicateur du revenu cadastral actuel. C'est ainsi que sans frais et sans difficulté, on trouverait la valeur vénale de la propriété dans un rayon qu'il faudrait agrandir ou restreindre suivant les exigences de l'équité.

Il n'y a donc point lieu, d'après l'opinion que j'aie exprimée, de se livrer à des opérations cadastrales pour fixer la valeur des propriétés. Les actes de vente, en écartant les achats exceptionnels soit par l'élévation, soit par l'abaissement du prix, donnerait une moyenne qui ne serait assurément pas la vérité absolue, mais qui ne serait pas de nature non plus à rompre l'égalité qui doit régner dans la répartition de l'impôt.

On pourrait, afin de tenir compte, autant que possible, des éléments qui concourent à fixer les prix de ventes, afin d'atténuer aussi les inconvénients résultant de causes purement locales et accidentelles, soumettre les opérations relatives à la fixation de la valeur locale, à un comité analogue à celui qui existe pour l'assiette d'autres contributions et qui est composé de délégués des administrations locales et de fonctionnaires du département des finances.

Il rechercherait les moyens les plus propres à fixer d'une manière équitable la valeur des propriétés, eu se servant toujours, bien entendu, des ventes publiques de propriétés situées dans la localité.

Cette valeur établie par commune, même par section de commune, ou telle autre subdivision qui, selon les circonstances, paraîtrait plus équitable ou plus rationnelle, servirait à répartir le contingent fixé pour la contribution foncière.

On ne donnerait ni plus ni moins ; le contingent ne changerait pas par l'adoption d'une mesure de ce genre, et, sous ce rapport, l'objection de l'honorable M. de La Coste n'a aucun fondement. Dans mon opinion la contribution ne varierait pas d'après la valeur des propriétés.

On répartirait le même contingent. Je ne cherche pas autre chose qu'une base meilleure que celle qui existe aujourd'hui, afin d'être aussi équitable que possible dans la répartition de l'impôt. Quant à une égalité absolue, n'y songeons pas, elle est impossible. Il s'agit de trouver le moyen qui permette le mieux de suivre les fluctuations de la propriété. Si l'on prend le revenu, il faut incessamment, à des époques plus out moins rapprochées et au prix de dépenses devant lesquelles on recule, remettre en question toutes les opérations cadastrales.

Si, comme, je l'indique, on choisit la valeur vénale pour base de la répartition, on peut, sans dépense, réviser périodiquement cet élément à l'aide de documents authentiques qui peut l'instruire des prix de la propriété foncière.

Je me borne, au surplus, à indiquer cette idée. Que le gouvernement la soumette à un examen approfondi.

Si l'on faisait une application fictive de ce système, on reconnaîtrait sans doute, qu'il est praticable ; et s'il offre des inconvénients, les fonctionnaires distingués du département des finances trouveront peut-être les moyens de îes faire disparaître.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je n'avais pas cru, à la vérité, que l'honorable membre voulût conserver le cadastre actuel comme point de départ. Nous n'arriverions, ce me semble, qu'à un bien mince résultat par ce moyen. Nous savons que par suite des circonstances dont nous parlions tout à l'heure, il est, dans une même localité, telle parcelle qui a décuplé, ou, pour ne rien exagérer, qui a doublé ou triplé de valeur depuis l'établissement du cadastre, tandis que d'autres ont, au contraire, diminué ou n'ont pas varié. Ces cas sont très nombreux.

Je ne me refuse pas à examiner cette question de plus près ; mais au premier abord je trouve qu'en admettant le cadastre comme point de départ, on ne ferait que consacrer la plus grande partie des injustices, des inégalités, contre lesquelles on réclame aujourd'hui.

Le but ne serait pas plus atteint que si l'on faisait le même travail en consultant uniquement les baux pour établir le revenu des propriétés en général sans faire le classement des parcelles.

M. Osy. - Je n'ai rien de contraire à ce que l'honorable ministre des finances examine l'idée émise par l'honorable M. Frère. Mais je crois qu'il y a confusion.

Je conçois que pour la contribution foncière on ne peut prendre que le revenu cadastral. Quant à la mutation des biens, à la perception des droits de succession, des droits de mutation en ligne directe, on prend la valeur vénale, comme l'a indiqué l'honorable M. Frère, en consultant la moyenne des ventes publiques.

C'est d'après cette base qu'on paye les droits de succession et de mutation. Mais il est impossible de payer la contribution foncière d'après ce système ; car la contribution foncière ne se paye que sur le revenu. Je conviens que le revenu, depuis bien des années a considérablement augmenté dans tout le pays, mais pas également.

Il y a des localités, des provinces, des communes où l'augmentation varie considérablement, de manière que pour avoir de la justice distributive, on sera obligé à la longue d'en venir à une révision cadastrale. Mais voyez les inconvénients du système de l'honorable M. Frère. Il voudrait que l'on prît pour base de la contribution foncière, comme pour les droits de succession et de mutation, la valeur vénale et les ventes publiques.

Mais il y a, sous ce rapport, des différences excessives ; il y a des cas où un propriétaire, par des motifs de convenance, paye une propriété bien au-delà de sa valeur réelle. Le prix de vente ne peut donc être la base de la contribution foncière.

Depuis vingt ans, la valeur locative et la valeur des propriétés ont considérablement augmenté ; mais la valeur vénale a beaucoup plus augmenté que le revenu ; car il y a trente ans on se contentait d'un prix de vente représentant le revenu à 4 p. c, tandis qu'aujourd'hui le prix de vente est tel, que les propriétés ne donnent que 2 ou 3 p. c.

La valeur vénale de la propriété a donc augmenté dans une proportion bien plus forte que revenu.

Sans donc m'opposer à ce que M. le ministre des finances examine le système de l'honorable M. Frère, je déclare que je ne crois pas qu'on puisse l'appliquer à la contribution foncière. Il faut nécesairement une révision. Je conviens qu'elle coûtera beaucoup, mais la répartition dans tout le pays sera beaucoup plus juste. Il y a des localités où les contributions s'élèvent à 10 p. c. du revenu, tandis qu'il y en a d'autres où elles ne dépassent pas 3 ou 4 p. c. Il devra donc y avoir augmentation pour les uns et diminution pour les autres.

La contribution foncière est immuable. C'est une somme de 15 milions. Comme l'a dit l'honorable M. Frère, elle est répartie par provinces. Mais, au moins, il serait juste de dégrever les unes et d'augmenter les le ministre des finances à examiner s'il ne faudrait pas réviser le cadastre pour les propriétés bâties ; car on ne peut réviser sans cela la loi sur la contribution personnelle. On ne ferait pas la révision pour les propriétés rurales. Mais je crois qu'à la longue, il faudra y venir.

Nous sommes dans un moment où l'on dépense beaucoup d'argent. Ce serait de l'argent utilement employé. Une juste répartition dans le pays serait vue avec beaucoup plus de plaisir qu'une quantité de dépenses qui ne sont pas utiles.

J'engage donc beaucoup le gouvernement à examiner avec attention s'il ne conviendrait pas d'ici à quelque temps de s'occuper de la (page 1192) révision cadastrale des propriétés rurales, comme ou est obligé de le faire pour les propriétés bâties si l'on veut arriver à la révision de la loi sur la contribution personnelle.

M. de Mérode. - L'honorable M. de La Coste vous a fait voir tout à l'heure combien il serait difficile d'établir l'impôt foncier en raison de la valeur vénale des propriétés. Comme il vous l'a fort bien dit, il est telle propriété qui ne rapporte pas plus qu'une autre, mais se qui vend le double, parce que la division des biens est plus grande dans telle contrée que dans telle autre, parce que c'est une disposition des esprits dans certaines localités de posséder telle ou telle propriété. Or, qu'arriverait-il avec le système de l'honorable M. Frère ? C'est que le petit particulier qui, ayant gagné quelque argent, l'aurait consacré à l'achat d'une terre, serait ensuite écrasé d'impôts ; il payerait en raison du prix qu'il a donné.

M. Frère-Orban. - Mais non.

M. de Mérode. - Pardonnez-moi ; si vous taxez les propriétés d'après la valeur vénale, celui qui a acheté très cher payera nécessairement un impôt très élevé.

M. Frère-Orban. - Non, il y aurait une moyenne, on écarterait les ventes les plus élevées et les plus basses.

M. de Mérode. - Je suppose bien que votre système ne s'appliquerait pas à chaque individu en particulier, mais appliqué même d'après un ensemble, il pèserait sur certaines contrées plus lourdement que sur d'autres. Si dans telle contrée on vend l'hectare de terre qui ne rapporte que 30 à 40 fr., le double de ce qu'il se vend dans telle autre contrée où il ne rapporte aussi que 30 à 40 fr., il est certain que l'impôt sera beaucoup plus élevé dans la première de ces contrées que dans la seconde. Votre système serait particulièrement contraire à l'intérêt des Flandres, et c'est surtout pour les Flandres qu'on demande la révision du cadastre. On prétend qu'elles sont lésées. Or, ies propriétés s'y vendent plus cher que dans d'autres contrées. Si donc vous fixez l'impôt foncier en raison de la valeur vénale des propriétés, cet impôt sera plus élevé dans les Flandres que dans les autres provinces.

M. Frère-Orban. - Pour les baux ce sera la même chose.

M. de Mérode. - Oui, mais votre système s'appliquera aussi aux petits propriétaires qui ne louent pas, qui exploitent eux-mêmes leur petite propriété.

Il est évident pour moi que l'impôt foncier doit être payé en raison de ce que la propriété rapporte et non autrement. Il y a beaucoup de circonstances qui augmentent la valeur de certaines propriétés ; soit la proximité d'une grande ville, soit le désir de quelque riche propriétaire d'acheter ce qui se trouve autour de ses biens. Il se trouve alors que la valeur vénale augmente ; mais cette valeur vénale n'est pas permanente. Elle change avec les circonstances.

Or la terre qui rapporte 80 fr. l'hectare, ne doit pas payer plus parce qu'elle se vend plus cher qu'une autre terre qui rapporte aussi 80 fr. l'hectare. Le gouvernement n'a pas à s'occuper de cela.

Lorsqu'il s'agit d'une vente, la question est différente. Que le droit sur les ventes s'établisse d'après le prix que l'acheteur a payé, cela se comprend.

Mais il ne peut en être de même lorsqu'il s'agit d'établir un impôt permanent.

Que résulterait-il encore de ce système ? On ne doit pas pousser les héritiers à vendre les biens de leurs parents. Or, si l'héritier conserve son bien, que conserve-t-il ? Il conserve un revenu, pas autre chose. Ce n'est pas une valeur vénale qu'il acquiert, il n'a que sa rente. S'il vnd son fonds très cher, prenez-lui ce que vous voulez. Mais s'il ne vend pas, pourquoi voulez-vous lui prendre autre chose qu'une part de ce qu'il récolte ? Yous ne devez pas exciter les familles à se débarrasser de leurs biens ; et c'est à cela que vous arrivez.

M. Frère-Orban. - Mais non ! Je demande la parole.

M. de Mérode. - Alors je n'y comprends plus rien. (Interruption.)

M. de Theux. - Je ne ferai qu'une seule observation sur le système qui a été présenté par l'honorable M. Frère : c'est qu'il me paraît tout à fait contraire à la justice distributive.

L'impôt foncier est assis sur le revenu. Or, il est certain que la valeur vénale, comparativement au revenu, n'est pas la même dans toutes les localités du pays. Il y a à cet égard des différences énormes, et je crois que l'on serait très étonné de voir les résultats de l'application du système de l'honorable M. Frère. Beaucoup de localités se trouveraient singulièrement dégrevées pour l'impôt foncier à raison de la valeur vénale, tandis que dans d'autres où la valeur vénale est poussée hors de toute proportion, la contnbution foncière s'élèverait de même.

M. Vandenpeereboom. - L'honorable M. Frère, en faisant remarquer que chaque année la propriété foncière varie de valeur, propose un système qui, d'après moi, n'est pas aussi inapplicable que quelques membres de la Chambre semblent le croire.

Ce système ne pourrait probablement pas être appliqué isolément ; mais combiné avec celui qui aujourd hui pour déterminer la valeur des parcelles, il serait peut-être de nuture à faire rectifier beaucoup d'injustices et à prévenir dans certains cas, la nécessité de réviser aussi souvent le cadastre.

Au reste, cette proposition nous est faite « ex abrupto ». Je crois qu'elle est très grave et qu'elle mérite un examen sérieux.

M. le ministre des finances nous a promis de la faire examiner avec beaucoup de soin, je l'en remercie. Mais je dois déclarer que chaque fois que j'entends parler d'examiner une question nouvelle, surtout une question difficile, je suis effrayé.

D'ordinaire quand une question est soulevée dans le parlement, on promet de l'examiner et on l'examine avec tant de soin et de maturité qu'on n'aboutit à peu près pas ; et pendant qu'on examine, ceux qui sont lésés continuent à l'être.

Je demande donc que M. le ministre fasse étudier la question avec beaucoup de soin ; je consens à ce qu'il la renvoie à une commission, c'est-à-dire qu'il y ait ajournement à deux ans ; à une grande commission même, c'est-à-dire qu'il y ait ajournement à quatre ou cinq ans.

Mais pendant qu'on examine, pendant qu'on s'entoure de renseignements statistiques et autres, je désire que la question de la révision du cadastre ne soit pas perdue de vue, et que M. le ministre donne suite sans retard à l'idée qu'il a émise tout à l'heure ; c'est-à-dire que dès la session prochaine un projet de loi nous soit présenté ou tout au moins qu'on dise ce qu'il serait possible de faire. En supposant qu'on ne puisse arriver à une révision générale, ne serait-il pas possible de réviser la péréquation cadastrale, c'est-à-dire de dégrever quelques provinces et d'augmenter la contribution pour d'autres ? Dans ce cas on pourrait peut-être prendre pour bases approximatives au moins le système dé l'honorable M. Frère.

Si l'on reconnaissait que dans telle province l'augmentation de la valeur de la propriété a été, par exemple, de 100 p. c, tandis que dans une autre elle n'a été que de 50 p. c, on pourrait admettre ces données pour modifier la péréquation cadastrale. Lorsqu'on aurait ainsi dégrevé les contribuables qui payent trop, et qu'on aurait exigé un peu plus de ceux qui sont privilégiés, on pourrait examiner les autres systèmes. Mais, je le répète, je ne crois pas que cet examen doive retarder la mesure dont M. le ministre nous a parlé tout à l'heure, c'est-à-dire la présentation d'un projet de loi dans la session prochaine.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, lorsqu'une idée est produite dans cette enceinte, par un homme compétent, je pense qne le ministre, tout en exprimant immédiatement une opinion sur cette idée, peut très bien promettre de l'examiner ultérieurement, sans pour cela prendre l'engagement de nommer une commission ou chercher un prétexte d'ajournement.

Quant à la pensée que vient d'émettre l'honorable préopinant, je pense qu'elle est contraire au but qu'il se propose. Pour obtenir de la Chambre une loi modifiant les contingents actuels, il faut se présenter avec un système parfaitement étudié, avec un système complet. J'engage beaucoup les honorables membres qui désirent la révision cadastrale, à ne pas perdre cela de vue.

M. Frère-Orban. - Je dois répondre un mot aux observations présentées par les honorables MM. de Mérode et de Theux. Ces honorables membres supposent que la valeur vénale des propriétés n'est pas du tout en rapport, du moins en général, avec le revenu. Il peut, il doit en être ainsi, mais, par exception.

Il est manifestement impossible que d'une manière constante, d'une manière permanente le revenu ne soit pas dans les diverses parties du pays, en rapport avec la valeur vénale.... (Interruption.) Il faut bien que le taux de l'intérêt se nivelle dans des contrées rapprochées... (Interruption.)

Il est impossible qu'il en soit autrement. (Interruption.) Il ne peut pas y avoir et surtout dans un petit pays comme le nôtre, soumis aux mêmes lois, aux mêmes influences, des taux infiniment variés d'intérêt pour les mêmes placements. Dans un temps donné et souvent très court un rapport commun s'établira d'une manière générale et à peu près uniforme. (Interruption.)

Comment voulez-vous que l'on achète toujours, invariablement des terres rapportant 1 p. c. si l'on peut en acheter qui rapportent 5 p. c. ?

Les capitaux se portent nécessairement vers les terres qui donnent l'intérêt le plus élevé, la concurrence élève bientôt le prix et de cette manière l'intérêt de l'argent placé en terre finit par être à peu près le même eu un temps donné, dans toutes les parties du pays.

La valeur vénale est donc, en règle générale, dans un juste rapport avec le revenu.

L'honorable M. de Mérode dit qu'il y a une grande compétition pour l'achat de la terre et que la valeur vénale s'accroît ainsi dans une proportion très notable ; que dès lors il serait injuste de faire payer l'impôt foncier, eu raison de cette valeur vénale. Je réponds que la compétition est plus grande encore en ce qui concerne les baux ; les loyers s'accroissent dans une proportion très forle et, si l'argument était fondé, il faudrait dire aussi qu'il serait injuste de faire payer l'impôt foncier en prenant pour base le revenu.

Les mêmes raisons existent dans les deux cas, et même il y a plus de concurrence en ce qui concerne les baux qu'en ce qui concerne l'achat des propriétés foncières. (Interruption.) Il y a beaucoup plus de gens qui peuvent devenir fermiers que de gens qui peuvent devenir propriétaires ; par conséquent, les baux sont encore plus recherchés que la propriété des terres.

Remarquez bien, messieurs, qu'il ne s'agit pas ici de la quotité de l'impôt foncier ; il ne s'agit que de la répartition. Toute la question est de savoir s'il vaut mieux prendre pour base de la répartition, le revenu ou la valeur vénale.

(page 1193) En principe, au point de vue de l'équité, je n’y vois aucune différence mais le grand avantage que je trouve à prendre pour base la valeur des propriétés, c'est qu'on peut ainsi faire disparaître aisément beaucoup d'injustices et que l'on pourrait suivre les fluctuations de la propriété d'une manière constante et permanente, sans avoir besoin de réviser jamais le cadastre.

L'opération cadastrale faite serait immuable, elle ne servirait plu -que de point de comparaison pour établir la valeur de la propriété et la révision du multiplicateur du revenu cadastral se ferait de cinq en cinq ans, de dix en dix ans, sans frais, sans dépense aucune. Voilà les avantages que j'entrevois, et qui, s'ils ne sont pas balancés par d'autres inconvénients, qu'une étude attentive ou impartiale révèlerait, me semblent dignes d'être pris en considération.

Qu'il s'agisse de déterminer la valeur de la propriété ou qu'il s'agisse de déterminer le revenu, il n'y a pas plus de certitude, pas plus de garanties, pas plus de fixité dans un cas que dans l'autre. Il peut y avoir des exceptions, mais ces exceptions existent pour le revenu comme pour la valeur de la propriété.

Le principe admis, il ne serait pas d'ailleurs difficile de formuler des règles d'application qui permettraient de se rapprocher de plus en plus d'une égale répartition de l'impôt. Il est certain que la base du revenu est essentiellement vicieuse, exposée à de grandes variations, et que des opérations cadastrales ayant coûté plusieurs millions, ne donnent en définitive que des résultats auxquels on ne peut longtemps s'arrêter. C'est donc toujours à recommencer, cela seul indique qu'il faut étudier d'autres systèmes et c'est à ce titre que j'ai appelé l'attention sur une idée qui, en conservant le cadastre actuel, permettrait d'en tirer un meilleur parti.

Je me garde bien d'affirmer qu'il n'y a point de difficultés pratiques à réaliser ce que j'indique ; j'ai dit d'avance qu'il y aurait, au contraire, des difficultés de plus d'un genre, qu'il faudrait des exceptions et des tempéraments ; mais le gouvernement possède seul les moyens d'étudier une question de ce genre ; et c'est pourquoi je le prie de la soumettre à un examen approfondi.

M. Moncheur. - La révision du cadastre est une opération si énorme qu'il ne faut pas l'entreprendre légèrement. J'admets que le temps peut, il est vrai, nécessiter un jour cette révision ; mais j'ai une observation à faire sur la base qui a été indiquée par l'honorable M. Vandenpeereboom, et qui est la valeur brute qu'auront les propriétés foncières, dans certaines provinces, au moment où cette révision aura lieu, valeur qui serait comparée à celle des propriétés de même espèce situées dans certaines autres provinces. Il est à remarquer, messieurs, que, dans les premières provinces, l'augmentation de cette valeur ne sera souvent due qu'aux frais considérables qui auront été faits par les propriétaires pour créer, pour ainsi dire, des terres arables avec des terrains tout à fait incultes.

Or, il serait injuste, selon moi, de prendre immédiatement pour base de l'impôt une valeur qui résulte ainsi presque entièrement de capitaux nouveaux et du travail qui auront été appliqués à la terre depuis la confection du cadastre. Si l'on procédait ainsi, on découragerait ceux qui seraient tentés de se livrer aux travaux ardus et très coûteux au moyen desquels seuls on parvient à rendre le sol productif.

Quant à la base qui a été indiquée par l'honorable M. Frère, je pense comme d'honorables préopinants qu'elle serait, dans bien des cas, très fautive. En effet, il y a des localités où il existe un nombre considérable de petits particuliers possédant un certain nombre de capitaux. Or si, dans ces localités, le nombre d'hectares qui se trouvent à vendre, en moyenne, chaque année, est très restreint, alors cependant qu'il existe de grandes propriétés dans la commune, ces parcelles de terrains seront portées à un prix exagéré ; et pourquoi ? parce que le petit particulier qui possède un capital et qui est attaché à la culture de la terre, ne calcule pas le revenu que lui produira l'achat d'un immeuble ; il a de l'argent disponible, et il se dit que cet argent ne peut pas être mieux appliqué qu'à l'achat d'un terrain qui se trouve à sa portée ; il ne calcule donc pas le revenu normal de la terre, parce que pour lui le revenu des parcelles qu'il aura achetées sera toujours assuré et même relativement considérable, en ce sens qu'il cultivera lui-même ces parcelles avec celles qu'il possède déjà et sans plus de frais qu'auparavant.

Il y a, du reste en général, une autre considération qui le porte à élever d'une manière presque indéfinie le prix des rares terrains qui se trouvent à vendre autour de lui, c'est que l'argent qu'il possède et qu'il a gagné à la sueur de son front, il ne le considère à l'abri de toute perte que par l'achat de la terre.

Eh bien, si dans ces localités vous preniez ces prix pour base du prix vénal des grandes propriétés environnantes, vous le porteriez à un taux tel, qu'il surpasserait souvent de plus du double celui qui devrait réellement leur être attribué.

Et ne croyez pas, messieurs, que cet état de choses ne puisse être, en tous cas, qu'exception temporaire ; il se perpétue au contraire, indéfiniment dans les mêmes localités.

Dans d'autres communes, au contraire, s'il se présente souvent des terres à vendre, mais peu d'acheteurs, parce qu'il n'y aura sur les lieux que peu ou point de particuliers ayant le moyen ou le désir de faire semblables acquisitions, quoique les locataires puissent donner, pour ces terres, un prix de location aussi élevé que partout ailleurs, grâce aux produits qu'elles peuvent donner, elles seront toujours, quant à la valeur vénale, dans une très grande dépression, comparativement à d'autres localités.

Ainsi, dans les deux hypothèses que j'ai posées, et qui se rencontrent souvent en fait, le revenu sera le même, mais le prix vénal sera essentiellement différent. Donc on ne peut prendre pour base de l'impôt la valeur vénale des terres, parce qu'elle n’est souvent que fictive et n'a alors, pour ainsi dire, aucun rapport avec leur revenu, lequel seul doit être frappé de l'impôt.

Je pense donc, en résumé, messieurs, que lorsqu'il s'agira de la révision du cadastre, on ne pourra prendre d'autre base pour cette révision que le revenu réel, et je pense, en outre, qu'on devra avoir égard aux améliorations qui seront le résultat des travaux extraordinaires appliqués à la terre.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, contrairement à l'opinion qui a été émise par l'honorable M. Frère, je pense qu'en général la valeur vénale des terres n'est pas en rapport avec le revenu. Tous ceux qui possèdent des propriétés dans les différentes provinces du royaume ont été à même de faire des comparaisons à ce sujet.

La valeur vénale de la propriété augmente dans une proportion plus forte que le fermage, à raison de la densité de la population. Dès lors, les Flandres qui ont déjà été sacrifiées lorsque le cadastre a été établi, seraient de nouveau injustement frappées.

M. Frère-Orban. - C'est une erreur.

M. T'Kint de Naeyer. - Ce n'est pas une erreur ; s'il est prouvé que la valeur vénale des terres est plus considérable dans les Flandres qu'ailleurs, il est évident qu'en adoptant cette base, sans avoir égard au revenu réel, vous ne corrigerez pas l'inégalité de la répartition primitive.

Je disais donc que lorsque le cadastre a été établi, les Flandres ont été surtaxées ; pour démontrer la vérité de cette assertion, il me suffira de citer quelques chiffres. Il résulte de la statistique cadastrale publiée par le département des finances, que dans les sept provinces cadastrées en 1835, le revenu moyen des terres par hectare était de fr. 52,46 tandis que le revenu moyen dans la Flandre orientale était de fr : 65-19. Pour les prés, la valeur moyenne dans les sept provinces était de fr. 68-77 et dans la Flandre orientale de fr. 103-81.

Pour les bois, la valeur moyenne dans les sept provinces était de fr. 21-57 et dans la Flandre orientale de fr. 23-84.

Cependant, les terres en Flandre ne sont pas en général meilleures que dans beaucoup d'autres provinces, et si l'on y obtient de magnifiques récoltes, c'est grâce à la perfection de la culture et parce que l'on ne craint pas de dépenser beaucoup en engrais et en journées de travail.

Nos prés ne sont pas plus fertiles que dans d'autres provinces ; souvent même ils ont à subir des inondations intempestives.

Quant aux bois, je crois que les bois dans les Flandres sont les plus mauvais du pays entier ; car, on n'y laisse à l'état de bois que les terres qui ne peuvent pas être utilement défrichées.

Comment a-t-on procédé pour arriver à ces évaluations erronées ? Je l'ignore, mais je serais tenté de croire que dans la Flandre orientale, où les terres divisées en très petites parcelles sont généralement louées sans bail, les agents du cadastre n'ont eu guère à consulter que les baux de location des biens appartenant aux établissements publics et qui sont loués à des prix extrêmement élevés. Dans d'autres provinces, au contraire, on a pu opérer sur un nombre de baux infiniment plus considérable, et il est probable qu'il n'a pas été tenu compte des pots-de-vin dont l'usage est complètement inconnu dans les Flandres.

M. Frère-Orban. - Comment voulez-vous qu'on opère ?

M. T'Kint de Naeyer. - Je demande la réparation des inégalités existantes ; je demande que nous soyons placés dans une situation proportionnelle relativement à notre part contributive de l'impôt foncier,

Quant aux moyens à employer pour faire de bonnes évaluations, c'est une question à étudier. Le but que nous devons chercher à atteindre, je le répète, c'est la répartition égale de l'impôt foncier entre les propriétaires, les communes et les provinces.

J'insiste donc, comme je l'ai fait dans le rapport de la section centrale, pour que la révision cadastrale ait lieu dans le plus bref délai possible. Ce sera une réparation et un acte de justice pour les Flandres.

M. de T'Serclaes. - Messieurs, si j'ai bien compris le système qu'a exposé l'honorable M. Frère, il demande que la base de la contribution foncière soit radicalement changée ; c'est une modification fondamentale, c'est une révolution complète dans l'impôt foncier, qui vous est proposée. La contribution foncière est aujourd hui assise sur le cadastre. Or le cadastre, tel qu'il a été établi dans le principe et qu'il existe maintenant, n'a eu pour but et ne présente comme résultat que l'évaluation du revenu.

C'est le revenu que l'on a cherché à connaître au moyen de ces expertises, de ces ventilations minutieuses des baux pour des périodes de 10 et de 20 ans, au moyen de toutes ces opérations délicates, auxquelles j'ai moi-même pris part dans l'ordre administratif, c'est le revenu que l'on a voulu découvrir dans l'exploration du sol, c'est le revenu qui a servi d'élément à la classification des terres. Le législateur a eu des motifs sérieux pris dans la nature même des choses pour en agir ainsi, il s'est efforcé de saisir la seule chose qui soit saisissable dans l'immeuble, c'est-à-dire le produit, le revenu.

(page 1194) Veut-on à la légère changer cet état de choses, substituer à la base du-revenu celle du capital ?

En règle générale, lorsque l'on parle de contribution, on entend parler d’une part du revenu.

Par exemple, dans la patente ce n'est point le capital que l'on prétend atteindre, mais une part du bénéfice. On conçoit un prélèvement sur le capital dans des conditions particulières, lorsque la valeur est liquide et réalisée, comme dans le cas de mutations, parce que c'est une sorte d'hommage rendu à la souveraineté en échange de sa protection ; comme dans le cas de successions, car c'est encore une mutation ; mais en dehors de ces deux cas, qu'est-ce que le capital de la terre, y a-t-il chose au monde de moins certaine, de plus sujette à vicissitudes, de plus variable, non seulement pour chaque jour, pour chaque circonstance, mais pour chaque individu, que la valeur d'une terre en argent ?

Le capital d'une terre, comment l'estimer d'une façon équitable, autrement que par ce qu'elle produit en blé, en bois, en pâtures ? Le produit au moins est palpable, mais le fonds que vaut-il à celui-ci, que vaut-il à tel autre ? On dit qu'aujourd'hui il y à plus de ventes, plus d'achats qu'autrefois, d'accord ; mais parce que la terre s'aliène plus facilement, est-elle devenue pour cela, valeur mobilière, susceptible d'être cotée à la bourse comme le cours des huiles et des grains ?

Une modification aussi importante que celle de remplacer dans l'assiette de l'impôt le revenu par le capital, peut-elle être incidemment proposée à l'occasion d'un budget ? Mais assurément il y a peu de choses qui méritent d'êlre examinées avec une plus grande maturité.

M. Frère-Orban. - Je n'ai point fait de proposition formelle.

M. de T'Serclaes. - Alors, messieurs, si nous ne faisons en ce moment qu'une sorte de conversation pour nous éclairer, je relèverai encore un point où l'honorable M. Frère me semble s'être trompé.

L'honorable M. Frère a dit qu'il ne comprenait pas pourquoi le capital et l'intérêt ne se nivelleraient point ; il croit que l'intérêt annuel des fonds de terre doit être en raison du capital d'achat, c'est là, si je ne me trompe, une erreur très grave en matière de science politique. La théorie de l'économie politique peut bien indiquer cela comme nécessaire, mais c'est ce qui est formellement contredit par l'histoire et sur les faits qui se passent sous nos yeux.

M. Frère-Orban. - Je n'ai pas dit cela ; j'ai dit que dans un temps donné la rente de la terre devait finir par être la même dans les différentes provinces.

M. de T'Serclaes. - Cela ne sera probablement jamais, et me paraît tout simplement impossible dans notre ordre social. Il ne faudrait, pas de longs développrments pour établir, messieurs, que l'on verra toujours dans des communes, dans des arrondissements entiers, la rente de la terre, ne représenter que 1 ou 1 1/2 p. c. du prix, comme dans d'autres cette rente ira régulièrement à 3 et même à 5 p. c. de la valeur vénale.

M. Vermeire. - Messieurs, il est impossible de traiter convenablement d'une manière incidente la grave question qu'on vient de soulever devant vous. On paraît être d'accord pour reconnaître que la répartition existante est inégale et injuste. La question se présente donc sur le point de savoir si l'on peut obtenir une répartition plus équitable, plus égale en asseyant l'impôt sur le capital plutôt que sur le revenu. Je crois, à première vue, qu'il serait plus juste d'asseoir la quotité de l'impôt sur le capital, parce que celui-ci est mieux connu, tandis que le revenu cadastral, qui forme la base actuelle de l'impôt, n'est qu'une fiction. En effet, celui qui achète une terre n'en fait l'acquisition que pour en toucher la rente, et il est évident que s'il pouvait employer son capital avec la même sécurité et plus d'avantages dans d'autres spéculations, il ne se présenterait pas tant d'amateurs pour devenir propriétaires fonciers.

Maintenant, pourquoi se contente-t-on, souvent, d'un modique revenu de la terre ? D'abord, parce qu'elle offre plus de sécurité que d'autres marchandises ; ensuite parce que, à cause des progrès faits par la science agricole, les récoltes sont devenues plus abondantes, ce qui en augmente progressivement la valeur et le revenu et, enfin, parce que les prix des denrées haussent à mesure des besoins plus nombreux et plus pressants qui se font sentir d'une manière permanente.

Je pense donc, messieurs, que la répartition de cet impôt serait plus équitable et plus juste si l'on substituait à la base arbitraire du revenu cadastral celle de la valeur vénale, qui est mieux appréciable et plus connue.

- La discussion générale est close.

La séance est levée à 4 heures et demie.