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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 avril 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 851) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Les membres du conseil communal d'Opwyck demandent une modification à l'article 2 de la loi du 7 ventôse an XII, concernant les voitures de roulage, et qu'en attendant cette disposition ne soit plus exécutée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale et des habitants de Rochefort prient la Chambre d'introduire dans les élections à tous les degrés le vote par lettre alphabétique. »

« Même demande d'habitants de Osy et du canton d'Aerschot. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant une nouvelle répartition des représentants et des sénateurs.


« M. le ministre des travaux publics fait hommage à la Chambre de 110 exemplaires des 2ème et 3ème cahiers du tome XVI des Annales des travaux publics. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

Composition des bureaux de sections

Les sections d'avril se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. de Renesse

Vice-président : M. Mascart

Secrétaire : M. Orban

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Deuxième section

Président : M. Muller

Vice-président : M. Tremouroux

Secrétaire : M. Jacquemyns

Rapporteur de pétitions : M. L. Goblet


Troisième section

Président : M. Pirson

Vice-président : M. d’Hoffschmidt

Secrétaire : M. de Boe

Rapporteur de pétitions : M. Julliot


Quatrième section

Président : M. Van Leempoel

Vice-président : M. Coppieters

Secrétaire : M. de Moor

Rapporteur de pétitions : M. Van Iseghem


Cinquième section

Président : M. de Luesemans

Vice-président : M. Deliége

Secrétaire : M. Nélis

Rapporteur de pétitions : M. De Fré


Sixième section

Président : M. Allard

Vice-président : M. J. Jouret

Secrétaire : M. Pirmez

Rapporteur de pétitions : M. de Paul


M. le Bailly de Tilleghem, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.

- Accordé.

Rapport sur une pétition

M. Allard. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente d'industrie sur la pétition adressée à la Chambre par les cultivateurs de houblon qui demandent le libre échange pour le houblon ou une majoration de droit à l'entrée.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Molhem, le 25 février 1859, des membres du conseil communal de Molhem-Bollebeek demandent une modification à l'article 2 de la loi du 7 ventôse an XII, concernant les voitures de roulage, et qu'en attendant cet article ne reçoive plus d'application.

Messieurs, plusieurs pétitions dans le même genre et contenant exactement les mêmes motifs vous ont été présentées ; les conclusions que votre commission a eu l'honneur de vous présenter, et que vous avez adoptées, ont été le renvoi à MM les ministres de l'intérieur et des travaux publics. Mais la commission a ajouté ces réflexions : que les jantes étroites sont une cause du dommage que subissent les chaussées en général et les chemins vicinaux pavés, de manière que tout en proposant de renvoyer la pétition aux honorables ministres de l'intérieur et des travaux publics, nous avons cru devoir insister sur le danger qu'il y aurait à permettre la circulation avec des jantes étroites sur les routes pavées.

M. de Muelenaere. - J'appuie volontiers le renvoi de la requête dont il s'agit, aux départements des travaux publics et de l'intérieur, en ce qui concerne la première partie de la pétition, par laquelle ils réclament une modification à l'article 2 de la loi de ventôse an XII.

C'est une question à examiner par le ministre des travaux publics, mais il me semble qu'il serait peu convenable pour la Chambre de renvoyer à un ministre quelconque une pétition par laquelle on engage le ministre à ne pas exécuter les lois existantes ; c'est la deuxième partie de la requête ; on demande que, en attendant qu'il ait été statué au fond, le ministre veuille bien suspendre provisoirement l'exécution d'une loi existante.

Il doit être bien entendu que le renvoi n'a lieu que pour mettre M. le ministre des travaux publics à même d'examiner la question et de faire droit, s'il y a lieu, au vœu des pétitionnaires.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 12 mars 1859, le sieur Laurent demande de pouvoir faire rentrer en Belgique, sous la dénomination de chicorée en liqueur, et adresser à l'entrepôt des douanes à Bruxelles, des barils d'un produit industriel, appelé brutolicolor, qui n'est pas encore admis dans le tarif des douanes.

Messieurs, nous croyons que cette pétition eût été plus convenablement renvoyée à la commission d'industrie qui a ces objets plus spécialement dans ses attributions et renferme dans son sein plusieurs industriels plus à même que la commission des pétitions de l'examiner. Cependant comme cette liqueur n'est pas encore taxée, et que cette affaire devra être examinée par l'honorable ministre des finances, la commission n'a pas hésité à vous proposer le renvoi à son département.

- Le renvoi est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Ninove, le 1er mars 1859, des habitants de Ninove se plaignent d'une inhumation faite, par ordre du collège échevinal, dans la partie bénite du cimetière de cette ville, et demandent qu'il soit pris des mesures pour empêcher le renouvellement des faits de ce genre.

Messieurs, je demanderai à la Chambre la permission de comprendre dans un même rapport une autre pétition qui a été adressée à la commission des pétitions par le sieur Lambert, qui appelle l'attention de la Chambre sur la nécessité de réviser la législation sur les cimetières

Votre commission a examiné ces pétitions avec toute l'attention que comporte le sujet qui y est traité.

Je dois faire connaître d'abord à la Chambre que les pétitionnaires de Ninove ont joint à leur pétition un plan du cimetière de cette ville ; ce plan fait voir qu'il y a, dans le cimetière, divers compartiments séparés par des haies ou des murs, pour recevoir les dépouilles des dissidents, des personnes suicidées, ou des personnes appartenant à d'autres cultes que le culte catholique romain.

Dans la discussion qui a eu lieu au sein de la commission, on a agité d'abord la question de la propriété des cimetières. Mais nous avons été d'accord pour reconnaître que nous ne devions pas nous arrêter à cette question, puisque la loi française du 23 prairial an XII, qui régit encore aujourd'hui cette matière en Belgique, a prévu le cas et elle contient à l'article 16 une disposition portant que, quels que soient les lieux de la sépulture, soit qu'ils appartiennent aux communes, soit qu'ils appartiennent à des particuliers, seront soumis à l'autorité, à la police, et à la surveillance des administrations municipales.

Par conséquent peu importe à qui appartient le fond, qu'il appartienne à des particuliers, à la commune ou à des fabriques d'église, toujours est-il que la police des cimetières appartient à l'administration communale et que, partant, la question si difficile de la propriété pouvait rester en dehors de la discussion.

Une seconde question a été agitée, c'est celle de l'enterrement, dans le sein même du cimetière, dans la terre bénite ou non bénite.

A ce propos, on a cité, dans la commission, ce qui se passe généralement en France et notamment à Paris ; là, a-t-on dit, on bénit chaque fosse au moment de l'inhumation. De cette manière, il n'y a pas de difficulté ; les dissidents comme les pratiquants sont enterrés d'après les conditions dans lesquelles ils meurent.

Mais outre que cet usage n'es pas reçu en Belgique, il semble même que cela serait contraire à l'article 15 de la loi de prairial an XII qui s'exprime ainsi : « Dans les communes où l'on professe plusieurs cultes, chaque culte doit avoir un lieu d'inhumation particulier et dans le cas où il n'y a qu'un seul cimetière, on le partagera par des murs, haies ou fossés, en autant de parties qu'il y a de cultes différents avec une entrée particulière pour chacun et en proportionnant ces espaces au nombre d'habitants de chaque culte. »

Donc le législateur de l'an XII a voulu qu'il y eût autant de cimetières qu'il y a de cultes différents dans la commune, et pour le cas où il n'y (page 852) eût qu'un cimetière dans la commune il serait partagé en autant de partie qu'il y a de cultes différents.

Cette mesure est autant dans l'intérêt des autorités communales que de l'autorité ecclésiastique, qui n'entendent bénir que la partie du cimetière destinée à ceux qui meurent dans le sein de l'Eglise.

Messieurs, lorsque dans toutes les localités il y aura autant de parties séparées pour les cultes dissidents, un lieu destiné aux enfants qui meurent sans baptême, etc., on évitera ces conflits toujours regrettables qui surgissent au moment où les familles sont plongées dans le deuil par la perte d'un de leurs membres et viennent ainsi ajouter un nouveau sujet à leur douleur.

Si donc par des mesures promptes et efficaces on ordonnait que dans tous les cimetières il y eût des endroits convenables désignés pour enterrer ceux qui n'appartiennent pas à la religion catholique romaine, les difficultés cesseraient. Evidemment, pour celui qui n'a pas voulu des secours de la religion pendant sa vie, on ne doit pas supposer qu'il ambitionne une place dans un lieu bénit par le clergé et destiné aux fidèles.

Votre commission, après examen de ces différents points, se borne à vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice.

M. de Naeyer. - Messieurs, les questions que soulève cette pétition sont intimement liées à la liberté de conscience et à la liberté religieuse. Elles méritent donc l'attention la plus sérieuse de la Chambre et du gouvernement. Il est malheureusement vrai que depuis quelque temps l'inhumation des personnes décédées en dehors de la communion catholique a donné lieu à des conflits excessivement regrettables, et dont je crois que nous devons désirer tous d'empêcher le retour.

Je dis, messieurs, que ces conflits sont profondément regrettables, car, se produisant dans des circonstances pénibles et douloureuses, ils jettent le trouble dans les consciences et l'irritation dans les esprits. Ils provoquent naturellement des sentiments qui, dans ma manière de voir, sont détestables parce que ces sentiments sont en opposition formelle avec ces idées de tolérance mutuelle qui sont si nécessaires à la pratique sérieuse et loyale de nos libertés constitutionnelles.

Messieurs, je crois que nous devons désirer tous que les règles de conduite qui doivent être observées en pareille circonstance soient parfaitement connues de tout le monde et établies d'une manière incontestable, et je pense que, pour arriver à ce résultat, il conviendrait de renvoyer cette pétition à M. le ministre de la justice avec demande d'explications.

C'est la proposition que je me permets de faire.

M. De Fré. - Messieurs, de tous les conflits possibles entre l'autorité religieuse et l'autorité laïque, celui qui surgit à l'occasion de la mort d'un citoyen est le plus déplorable ; ce n'est pas l'homme dont la conduite a excité certaine réprobation, qui est puni, c'est la famille, ce sont des innocents qui sont frappés, et dans quelles circonstances !!!

Il faut que, dans l'intérêt de la liberté humaine, de pareils conflits ne viennent pas à surgir. Il faut que l’homme ait au moins le repos de la tombe ; il ne faut pas que, lorsqu'il a lutté toute sa vie comme feu Dedeyn, de la mort duquel il s'agit ici, qui a lutté toute sa vie contre l'opinion opposée à la sienne, il ne faut pas que quand cet homme est mort, on vienne, pour ainsi dire, s'acharner sur son cadavre. Cela n'est pas humain.

Messieurs, la loi a formellement prévu tous ces cas de conflits, malheureusement on ne respecte pas toujours la loi. Il importe dans cette circonstance que la Chambre rappelle à ceux qui réclament, qu'ils ne sont pas dans leur droit.

Le décret de prairial a fait une distinction entre les cultes, il n'a pas distingué entre les opinions.

Le décret de prairial a voulu que quand il n'y a qu'un seul cimetière il y ait un lieu particulier pour chaque culte, c'est-à-dire que le juif ne doit pas être enterré dans le lieu où est enterré le catholique ou le protestant ; mais quand l'homme est né dans la religion catholique et qu'il a une opinion hostile à sa religion, s'il meurt sans avoir pratiqué le culte catholique, s'il meurt sans s'être confessé, il doit être enterré, aux termes du décret de prairial, dans le cimetière catholique. Voilà la loi.

Je parlerai plus tard de la nécessité d'organiser autrement, si vous voulez, la législation existante ; mais il est certain que, sous l'empire de la législation actuelle, on ne peut pas empêcher que l'autorité communale n'enterre pas dans le lieu destiné au culte catholique, un catholique dissident, c'est-à-dire un homme qui a vécu en hostilité avec les dogmes catholiques, qui a écrit, par exemple, contre les dogmes catholiques, ou qui n'a pas pratique ces dogmes.

Voici ce que porte textuellement l'article 15 de la loi du 23 prairial an XII :

« Dans les communes où l'on professe plusieurs cultes, chaque culte doit avoir un lieu d'inhumation particulier ; et, dans les cas où il n'y aurait qu'un seul cimetière, on le partagera par des haies ou fossés, en autant de parties qu'il y a de cultes différents, avec une entrée particulière pour chacune, et en proportionnant cet espace au nombre d'habitants de chaque culte. »

Quel était le culte du mort dont il s’agit ? C'était le culte catholique ; il devait donc être enterré dans le lieu destiné au culte catholique. Dès lors la réclamation qui se produit par la pétition des habitants de Ninove est contraire à la loi.

Messieurs, vous aurez à voir si vous devez donner à tout ce qui concerne les inhumations une organisation nouvelle, si vous devez vous inspirer d'autres principes ; mais il est certain que le bourgmestre de Ninove a été enterré dans le lieu particulier où il devait l'être...

- Un membre : Ce n'était pas le bourgmestre.

- Un autre membre : C'était un notaire.

M. De Fré. - Peu importe.

Je reconnais parfaitement à l'autorité religieuse le droit de ne pas concourir à une inhumation. C'est là le résultat de la liberté des cultes ; je ne reconnais pas à l'autorité communale le droit, comme le conseil d'Etat en France l'a décidé, de contraindre les ministres des cultes à rendre les derniers devoirs à un défunt ; le prêtre est maître dans son église ; il a le droit de refuser le secours de ses prières. Mais une autre question doit dominer ici toutes les autres, c'est la question de sécurité publique, de salubrité publique, de police communale.

La solution de cette question appartient à l'administration communale qui a la garde de la salubrité quelconque ; l'administration communale est obligée de procéder aux inhumations, et voici comment l'article 19 s'en exprime :

« Lorsque le ministre d'un culte, sous quelque prétexte que ce soit, se permettra de refuser son ministère pour l'inhumation d'un corps, l'autorité civile, soit d'office, soit sur la réquisition de la famille, commettra un autre ministre du même culte pour remplir ces fonctions ; dans tous les cas, l'autorité civile est chargée de faire porter, présenter, déposer et inhumer le corps. »

Voilà ce que l'autorité civile a à faire dans une pareille occurrence, et l'on vient réclamer ! Je ne crois pas que nous puissions accueillir une pareille réclamation.

Maintenant pour ce qui concerne la question en elle-même, le gouvernement depuis très longtemps s'est occupé de l'examen de la question de savoir s'il ne faut pas organiser d'une autre façon le service d'inhumation et de tout ce qui s'y rattache. Un arrêté royal du 9 mars 1849 contresigné par MM. Rogier et de Haussy, porte :

« Léopold, etc.

« Sur le rapport de nos ministres de la justice et de l'intérieur,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. Il est institué au département de la justice une commission spéciale, chargée de préparer un travail de révision de la législation sur les cimetières.

« Art. 2. Sont nommés membres de cette commission :

« MM. C. de Brouckere, membre de la Chambre des représentants et bourgmestre de la ville de Bruxelles ;

« De Coninck, doyen et curé de l'église des SS. Michel et Gudule, à Bruxelles ;

« Dewandre, premier avocat général près de la cour de cassation ;

« Loef, grand rabbin du culte israélite, à Bruxelles ;

« Orts fils, avocat, membre de la Chambre des représentants ;

« Paquet, conseiller à la cour de cassation ;

« Tielemans, conseiller à la cour d'appel de Bruxelles ;

« Vent fils, pasteur du culte protestant évangélique, à Bruxelles ;

« Willaert, curé de l'église Notre-Dame-de-la-Chapelle, à Bruxelles ;

« Le chevalier Wyns de Raucourt, sénateur.

« Art. 3. La commission nommera, dans son sein, son président. Il pourra lui être adjoint un secrétaire.

« Art. 4. Les travaux de chacune des séances de la commission seront consignés dans un procès-verbal détaillé. »

Voici les principes qui ont inspiré le ministère de 1849, quand il a proposé au Roi de signer cet arrêté. MM. Rogier et de Haussy ont adressé au Roi le rapport suivant :

« L'administration des cimetières, ainsi que la police sur les inhumations, donnent souvent lieu à des débats et à des conflits fort graves, dont il importe de faire cesser les causes. Ces causes peuvent principalement être attribuées, d'une part, à l'influence des divers régimes qui ont successivement passé sur notre pays, et, d'autre part, aux besoins nouveaux qu'a fait naître notre réorganisation tout à la fois politique, administrative et religieuse. Il serait donc vivement à désirer que l'on pût bientôt combler les lacunes qui existent à cet égard dans notre législation, et le moyen le plus sûr, pour arriver à cet heureux résultat, serait de confier le soin de préparer ce travail important à une commission spéciale, dans laquelle se trouveraient représentés les différents éléments intéressés dans la question.

« Nous avons, en conséquence, l'honneur de soumettre à la signature de Votre Majesté un projet d'arrêté royal, portant institution d'une commission chargée de préparer un travail de révision de la législation sur les cimetières : l'élément législatif, l'élément judiciaire, l'élément religieux et l'élément administratif ont chacun leurs représentants dans cette commission, et nous ne doutons pas un instant que les hommes honorables et éclairés auxquels nous proposons à Votre Majesté de confier cet important mandat ne prêtent le concours le plus empressé à l'appel qui sera fait à leurs lumières et à leur zèle. »

La question est à l'étude et on examinera si, sous le régime actuel de liberté, il ne faut pas modifier le décret de prairial, si on peut forcer le prêtre catholique à subir l'enterrement, dans un endroit bénit, d'un catholique « dissident ».

(page 853) Il est incontesté qu'en France, et à Paris notamment, on bénit non le cimetière mais la fosse au fur et à mesure qu'on enterre.

Si l'on adoptait ce système en Belgique, nous n'aurions plus les réclamations qui se sont produites.

Je comprends que le prêtre soit froissé, lorsqu'on met le corps d'un dissident dans une fosse d'un cimetière béni ; vous n'auriez plus de réclamations pour des inhumations semblables. Le gouvernement est intéressé à prévenir ces réclamations, comme je vous l'ai dit, parce que les conflits de ce genre sont excessivement tristes pour les familles qui se trouvent déjà dans les circonstances les plus pénibles.

Il y aurait lieu, en outre, d'examiner s'il ne faudrait pas, comme à Paris, attribuer à l'administration civile l'administration des pompes funèbres. Il arrive souvent que quand un homme meurt en dehors de la religion (je puis citer un cas qui m'est particulier, dont j'ai été témoin), il faut s'adresser à la fabrique, pour avoir la voiture des morts ; on rencontre souvent de la mauvaise volonté.

Le clergé se trouve froissé de devoir prêter la voiture funèbre pour un homme mort en dehors de l'église. L'administration communale n'a pas de ces répugnances-là ; e le n'est pas intolérante, elle ne peut pas l'être, elle agirait de façon à ne pas froisser une famille qui a perdu un de ses membres.

Il y a une objection à ce système, c'est que, d'après le décret de 1809, le produit des pompes funèbres constitue un des revenus de la fabrique.

Il y aurait lieu de voir comment l'administration communale pourrait indemniser les fabriques.

Il n'y a qu'un principe qui doit dominer en cette matière, c'est la liberté pour les catholiques de ne pas être froissés par des actes qu'on leur fait subir et la liberté pour les philosophes de mourir comme ils l'entendent.

M. Allard. - Pendant leur vie ils se trouvent bien côte à côte ! Ils dînent même ensemble.

M. De Fré. - Je demanderai la permission de faire une dernière observation. J'ai vu souvent à la campagne un homme qui venait de perdre sa femme, transporter le cadavre de la mère de ses enfants sur une charrette et faire un long trajet jusqu'au cimetière du village.

C'est la situation la plus pénible qu'on puisse imaginer, c'est un spectacle affligeant, navrant, qu'il faudrait faire cesser ; il y aurait à examiner, dans l'hypothèse d'un projet de loi, si l'autorité supérieure ne devrait pas doter chaque commune pauvre d'un secours pour l'acquisition d'une voiture funèbre.

Voilà, messieurs, les observations que j'avais à vous soumettre au sujet de la pétition des habitants de Ninove.

M. Muller. - Je partage l'opinion qu'a émise l'honorable M. De Fré dans la première partie de son discours ; c'est-à-dire qu'il a interprété, d'une manière, selon moi, rationnelle, le décret du 23 prairial an XII, en disant que l'autorité communale, pour rechercher les parties du cimetière dans lesquelles doit être inhumé un défunt, doit exclusivement se préoccuper du point de savoir dans quelle religion il est né, quelle religion la notoriété lui assigne ; et que l'autorité communale n'a pas à subir à cet égard les exigences et les prétentions plus ou moins exagérées que l'autorité ecclésiastique pourrait manifester.

Je partage également l'avis de l'honorable membre lorsqu'il nous a dit que la partie du décret du 25 prairial an XII qui admet la contrainte contre les ministres des cultes pour les forcer à rendre les derniers devoirs religieux à un défunt n'était plus applicable. Je n'entrerai pas dans de grands détails pour motiver cette opinion qui a été à peu près constamment partagée, quoi qu'en ait dit l'honorable M. de Naeyer.

Si des conflits se sont élevés récemment, c'est que l'autorité ecclésiastique a voulu, dans ces dernières années, manifester des prétentions qu'elle n'avait pas jusque-là produites.

Jamais dans nos grandes villes et jusque dans ces dernières années, jamais l'autorité ecclésiastique n'avait eu la prétention d'écarter de la partie du cimetière réservée aux catholiques, des hommes plus ou moins indifférents dans la pratique religieuse, des hommes qui n'avaient pas reçu les derniers secours que l'Eglise accorde à ceux qui les réclament.

Et s'il en était autrement, ce serait le prêtre qui se constituerait juge de ce point-là ; s'il en était autrement, le prêtre serait maître absolu. Or, qu'a voulu tout bonnement ce décret du 25 prairial an XII, ayant égard aux usages et aux mœurs ? Il a voulu que celui qui est réputé catholique soit enterré dans les lieux assignés aux catholiques, que celui qui est réputé protestant ait aussi son lieu de sépulture spécial.

Cela est tellement vrai, messieurs, qu'il ne s'agit pas là d'une question déférée à l'autorité ecclésiastique, que toutes nos lois admettent des concessions perpétuelles en faveur des familles dans les cimetières.

Plusieurs d'entre nous, messieurs, appartiennent à des familles qui possèdent des concessions de ce genre. Or, il dépendrait, alors qu'il n'a été fait aucune réserve dans la loi relative aux concessions, il dépendrait d'un prêtre de vous exclure de votre droit de concession, de vous refuser de reposer à côté de vos parents, à côté de vos propres enfants. Messieurs, cela n'est pas possible ; les véritables sentiments religieux ne se conciliant pas avec de pareilles choses que je considère comme exorbitantes.

Quant à ce qu'il y aurait à faire, messieurs, on dit que, dans plusieurs localités, notamment en France, on se borne à bénir chaque tombe En fait, il en est ainsi dans la plupart des localités ; en fait, dans toutes nos grandes villes, ce n'est pas le clergé qui est libre dispensateur du lieu de sépulture des défunts. C'est le pouvoir civil, l'autorité communale qui possède ce droit et c'est la loi qui le lui a conféré.

Et s'il en était autrement qu'arriverait-il ? C'est qu'un acte auquel le pouvoir civil n'a contribué d'aucune espèce de manière, si ce n'est par une simple tolérance, créerait des droits contre sa propre autorité.

Qu'est-ce que c'est que la bénédiction d'un cimetière ? C'est évidemment un acte auquel l'autorité civile ne prend aucune part officielle, et il ne dépend pas de l'autorité communale d'abandonner, sous ce rapport, ses prérogatives, de faire une cession de ses droits.

Sous l'empire de la loi actuelle, les plaintes qui sont formulées dans la pétition sur laquelle l'honorable M. Vander Donckt a fait rapport ne sont pas fondées.

Quant à la seconde question soulevée par l'honorable M. De Fré, je ne demanderais rien de mieux que de voir un accord complet entre toutes les opinions sur l'adoption du système de bénédiction spéciale des tombes.

Mais je demande si cela satisfera, comme le suppose, comme l'espère l'honorable M. De Fré, si cela satisfera aux exigences qui se sont produites, exigences auxquelles, pour mon compte, je suis très opposé, parce qu'elles sont de nature à jeter l'irritation, la perturbation dans les familles et à y produire une nouvelle cause d'affliction dans des circonstances déjà si douloureuses.

Eh ! messieurs, par une interruption pleine de bon sens et de sentiment, l'honorable M. Allard disait tantôt que, dans la société, les vivants, à quelque culte qu'ils appartiennent, marchent les uns à côté des autres ; pourquoi donc dans la tombe ne dormiraient-ils pas également ensemble ?

N'est-ce pas là de la véritable tolérance ; n'est-ce pas là ce qu'on doit désirer dans l'intérêt de l'union de tous les citoyens ? La paix du tombeau répugne à toute idée d'exclusion ; et quant à moi, je crois qu'en examinant au fond la question, au point de vue religieux comme au point de vue moral, si l'on vient à changer la législation actuelle, ce ne doit être que pour déclarer que le droit du clergé est de bénir ou de ne pas bénir les tombes ; mais que le droit de désigner les lieux de sépulture doit être conservé à l'autorité communale, qui ne s'en est jamais départie jusqu'à présent.

M. de Theux. - Un usage très ancien de l'Eglise catholique est de bénir les cimetières dans lesquels sont enterrés les membres de sa communion. C'est là une vérité incontestable

On nous dit que, dans certaines parties de la France, à Paris notamment et ailleurs encore, cet usage n'existe pas et que les personnes appartenant à la communion catholique, alors même qu'elles ont cessé de participer à cette communion durant leur vie, y sont enterrées pêle-mêle avec celles qui ont continué à observer les pratiques du culte dans lequel elles sont nées.

Cela peut être vrai, mais peut-être aussi que ces cimetières n'ont pas été bénits et consacrés spécialement au culte catholique. Mais dans nos communes rurales et dans la presque totalité du pays, les cimetières ont été créés pour le culte catholique tout spécialement et aux frais de ce culte, et ces cimetières ont été bénits.

Maintenant, d'après les usages anciens comme également d'après la loi sur les inhumations, il y avait toujours dans chaque cimetière, un endroit qui était consacré, sans appartenir au culte catholique à la sépulture de ceux qui meurent dans la paroisse et l'on ne doit trouver en cela rien d'offensant.

Ainsi, par exemple, quand un enfant appartenant à une famille catholique vient à mourir avant d'avoir été baptisé, il n'y a aucune offense à ce que cet enfant ne soit pas inhumé dans la partie bénite des cimetières. A mon avis, c'est un préjugé tout à fait faux que de considérer comme une humiliation de ne pas être enterré dans telle ou telle partie d'un cimetière, lorsqu'on n'a pas considéré comme une humiliation de ne pas faire partie pendant sa vie de la communauté religieuse dont les membres sont enterrés dans cette partie du cimetière. Car j'attribue à toutes les communautés religieuses les mêmes droits ; puisque nous avons la liberté des cultes, je ne fais aucune distinction. La famille a tort de s'offenser de cela.

Pendant longtemps, les familles allaient plus loin. Elles exigeaient que le clergé célébrât des cérémonies religieuses pour l'inhumation. Elles considéraient comme un affront l'absence du clergé lors de l’inhumation d'un de leurs membres qui n'était pas mort dans la pratique du culte. Eh bien, c'était là une inconséquence. Car ce serait en quelque sorte faire une injure à un mort que de vouloir pour lui ce qu'il n'a pas voulu pendant sa vie, une famille n'a pas le droit d'imposer à un de ses membres qui n'a pas voulu participer à une communauté religieuse pendant sa vie, d'en recevoir les cérémonies après sa mort.

C'était une aberration. Aussi le gouvernement des Pays-Bas n'a pas hésité à déclarer que l'on ne pouvait exiger la présence d'un ministre du culte aux inhumations. Eh bien, d'après le même principe, on ne devrait pas non plus tenir à faire enterrer dans la partie bénite des cimetières.

Qu'on demande que dans chaque cimetière, il y ait une partie (page 854) convenable, une partie décente, aussi décente pour ceux qui ne sont pas morts dans la pratique de la religion catholique que pour ceux qui sont morts dans cette religion, je le comprends, je ne fais aucune objection à cela ; c'est une conséquence de la liberté des cultes.

Mais aussi longtemps qu'on admettra et l'on doit reconnaître en fait que les cimetières presque sans distinction sont bénits, je dis qu'il y a, à l'égard de la partie bénite, une violation de la liberté des cultes manifeste, attendu que c'est une pratique très ancienne de l'Eglise d'avoir un cimetière bénit pour ses membres.

En pratique donc, ce qui devrait exister, c'est que dans chaque cimetière il y eût des endroits parfaitement distincts et pour les membres du culte catholique et pour les personnes qui meurent hors de cette communauté. Il doit y avoir un endroit différent pour ceux qui appartiennent au culte israélite, pour ceux qui appartiennent au culte protestant, s'il y en a dans la commune.

Tontes ces questions sont d'ailleurs indépendantes des questions de salubrité et de police qui peuvent parfaitement être résolues dans l'ordre d'idées que je viens d'exposer.

Mais alors on donnerait à chacun ce qu'il a voulu dans sa vie et rien de plus. Je crois que cela est le véritable côté pratique de la question. Mais le système qu'on a indiqué froisserait beaucoup nos populations qui ne sont pas habituées à cet ordre d'idées. Cela peut convenir à de grandes villes comme Paris et à d'autres localités, mais nos populations sont habituées depuis longtemps à un autre système.

M. de Naeyer. - Mon intention n'était pas d'examiner à fond les faits qui nous sont signalés par les pétitionnaires. Je croyais et je crois encore qu'il serait plus simple d'entendre d'abord les explications qui pourront nous être données par le gouvernement. Je ne sais pas si la Chambre trouve convenable d'entamer une discussion dans ce moment. (Non ! non !) S'il en était autrement, il me serait facile de prouver, contrairement aux observations qui ont été présentées, que la conduite tenue par l'administration communale est une violation de la loi et de la liberté religieuse ; mais je ne pense pas que le gouvernement s'oppose au renvoi de la pétition avec demande d'explications.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non !

M. de Naeyer. - Dans ce cas je n'insiste pas, pour le moment, me réservant de traiter ultérieurement la question.

M. Muller. - Je demande que la Chambre soit bien édifiée sur la portée des conclusions de l'honorable rapporteur.

Si ces conclusions peuvent avoir, en quoi que ce soit, pour conséquence d'empêcher les administrations communales de la Belgique de faire ce qu'a fait l'administration communale qu'on a incriminée à tort, ces conclusions je ne pourrais pas les voter et probablement un grand nombre de mes amis non plus.

Quant à ce qu'a dit l'honorable M. de Theux, dans la dernière partie de son discours, cela se borne à ceci : c'est que, dans les campagnes, on froisserait des sentiments, des habitudes qui n'y existent pas comme dans les grandes villes. Messieurs, qu'on éclaire les campagnes, qu'on leur inculque les véritables sentiments de la tolérance chrétienne ; qu'on leur fasse comprendre que la religion ne consiste pas plus à proscrire et à persécuter les morts qu'à proscrire et à persécuter les vivants.

Je ne crois pas, messieurs, que quand une chose est bonne, il ne faille pas s'efforcer de l'introduire. Vous reconnaissez aujourd'hui, parce que cela n'est pas à nier, que dans toutes les villes, chaque fois que le clergé a eu la prétention de se faire juge du point de savoir si un homme, né dans la religion catholique, l'avait bien pratiqué jusqu'à la fin, vous reconnaissez que cet immense arbitraire que l'on voudrait attribuer à un seul homme n'a jamais eu de succès, que toujours l'autorité communale a eu raison de ne pas en tenir compte, de prendre pour guide et pour boussole la notoriété publique.

Eh bien, cette règle doit être uniforme dans le pays ; et si j'ai encore pris la parole, c'est pour que, quelle que soit la conclusion à laquelle s'arrête la Chambre, il ne puisse en résulter le moindre soupçon que la Chambre ne reconnaît pas que l'administration communale dont il s'agit1 n'a fait que son devoir, alors qu'elle est dénoncée à la tribune nationale comme y ayant manqué.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, la commission s'est bornée à donner à la Chambre l'analyse de la pétition ; je n'ai pas incriminé l'action de l'autorité communale, mais l'honorable membre me permettra de lui dire que je suis loin d'approuver la conduite du bourgmestre dans cette occurrence. La commission a voulu laisser cette question entière ; elle s'est bornée à proposer le renvoi à M. le ministre de la justice, afin qu’on avise à des mesures promptes et efficaces pour que les conflits regrettables qui ont eu lieu à plusieurs reprises, depuis peu de temps, ne se renouvellent plus et qu'il puisse y avoir entente cordiale entre tous les habitants de la commune, entre l'administration communale et l'autorité ecclésiastique.

Je crois, messieurs, que dans ce sens, je puis persister dans la demande du renvoi à M. le ministre de la justice. Quant à la demande d'explications proposée par l'honorable M. de Naeyer, je ne m'y oppose pas.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne m'oppose pas au renvoi avec demande d'explication de la pétition au département de la justice, mais je demanderai le même renvoi au département de l'intérieur que la chose concerne également. En effet, la police des cimetières appartient aux autorités communales, dont les actes se trouvent plus spécialement soumis au contrôle du ministre de l'intérieur.

Toutefois en acceptant ce renvoi, le gouvernement n'entend pas prendre l'engagement de proposer des mesures nouvelles sur la matière ; il ne l'accepte pas non plus comme un blâme qui serait infligé à l'administration communale de Ninove, ni comme une espèce d'avertissement aux autorités communales de s'écarter des prescriptions du décret du 23 prairial an XII.

Nous l'acceptons tous comme manifestation du désir de la Chambre de connaître sur cette question l'opinion du gouvernement. Cette opinion, nous la ferons connaître dans les explications que nous donnerons à la Chambre.

M. de Naeyer. - Messieurs, j'entends le renvoi avec demande d'explications dans le sens que vient d'indiquer l’honorable ministre de la justice, c'est-à dire que la question reste évidemment réservée et que la seule signification de ce renvoi, c'est que la Chambre désire connaître l'opinion du gouvernement avant de procéder à une discussion approfondie.

Messieurs, comme l'honorable M. Muller a trouvé convenable de traiter la question à fond, je crois devoir rencontrer maintenant quelques-unes de ses observations ou plutôt je lui opposerai des autorités qu'il pourra difficilement récuser.

L'honorable membre prétend qu'il y a quelque chose d'exorbitant à laisser à l'autorité religieuse le droit de dire que telle ou telle personne appartient ou n'appartient pas à la religion catholique.

Eh bien, voici ce que répond à cet égard un auteur qui n'est pas suspect en cette matière, voici ce que je trouve dans le Répertoire de droit administratif de.MM. Tielemans et de Brouckere (v° Cimetière) :

« Lorsqu'un cimetière a été consacré à un culte (et je prouverai, si la discussion doit être poursuivie, que c'est évidemment le cas où nous nous trouvons), l'autorité civile ne doit plus désormais y faire enterrer des individus que l'autorité religieuse repousse comme étrangers à sa communion. »

Et en effet n'y a-t-il pas une déplorable confusion de pouvoir à conférer à l'autorité civile le droit de décider souverainement si un homme est mort oui ou non dans la communion catholique et même à imprimer ainsi la qualité de catholique à celui qui n'en a pas voulu pendant sa vie ?

Quant à ces idées d'intolérance que l'honorable M. Muller fait sonner si haut, je répondrai par un passage d'un réquisitoire fait par l'honorable M. Faider en 1851, lorsqu'il remplissait encore les fonctions d'avocat général près la cour d'appel de Bruxelles.

Il a prouvé alors à la dernière évidence (et je crois qu'aujourd'hui ce point de jurisprudence n'est plus même contesté) que les anciens cimetières adjacents aux églises paroissiales sont la propriété des fabriques d'église auxquelles ils ont été restitués comme des lieux spécialement consacrés au culte catholique, c'est-à-dire au même titre que les églises ; et je ferai remarquer en passant que cette opinion a été sanctionnée par plusieurs arrêts successifs émanés des cours d'appel de Gand et de Bruxelles et de la cour de cassation, de manière qu'elle doit réellement être adoptée aujourd'hui par l'administration, comme règle de conduite.

Maintenant, l'honorable M. Faider dans son remarquable réquisitoire examine la question de savoir si la consécration de certains terrains pour servir spécialement à l'inhumation des membres de la communion catholique est compatible avec la liberté religieuse et avec les idées de tolérance dont l'honorable M. Muller a parlé. A cet égard, il fait observer que les principes de tolérance n'ont pas empêché Joseph II d'attribuer formellement, par son ordonnance du 26 juin 1784, la propriété des cimetières aux fabriques d'église en réservant une place séparée pour ceux qui n'avaient pas de cimetière particulier, et il ajoute ensuite : « Si les principes de Joseph II lui ont permis cette concession, qui peut l'exclure aujourd'hui ? Les protestants sont-ils confondus avec les catholiques ? et s'il y a une conséquence à tirer de la liberté des cultes elle doit l'être dans le sens de celle développée par M. Portalis dans son rapport du mois de juillet 1806, lorsqu'il se fonde sur la liberté des cultes pour justifier l'intervention directe des évêques dans le règlement des fabriques créées par la loi de germinal an X. »

Messieurs, cela revient en définitive à ceci, c'est que la liberté des cultes n'est pas une faculté négative ; c'est le droit de poser certains actes, et pour garantir cette liberté, il faut garantir à chaque culte une sphère d'action dans laquelle il puisse s'exercer librement. La tolérance ne doit pas avoir pour conséquence la confusion des cultes et des croyances.

Je ne m'étendrai pas davantage sur cette question aujourd'hui ; je voulais seulement prouver à l'honorable M. Muller que nous nous réservons de réfuter complétement les observations qu'il a présentées.

M. Muller. - La question de la propriété des cimetières n'a rien de commun avec la police des inhumations

M. Dolez. - Messieurs, je ne traiterai point la question qui s'élève incidentellement en ce moment ; je ferai seulement remarquer à l'honorable préopinant que, comme M. Muller vient de le dire, la question de propriété des cimetières n'a absolument rien de commun avec la question de police qui reste soumise aux mêmes règles quel que soit le propriétaire du cimetière. Dans le réquisitoire auquel il vient de faire (page 855) allusion, il s'agissait d'un cimetière entièrement abandonné. L'objet du débat était de savoir à qui appartenait le droit de disposer d'un terrain qui n'était plus consacré aux inhumations. Ce réquisitoire ne peut donc pas être invoqué avec fruit à propos d'une pétition et d'un débat qui ne concernent que la police des inhumations.

Je suis, du reste, parfaitement d'accord avec l'honorable membre sur l'inopportunité de traiter cette grave question en ce moment, et si j'ai demandé la parole c'est uniquement pour demander à M. le ministre de la justice s'il ne pense pas qu'il importe de donner suite aux travaux de la commission qui a été instituée par MM. Rogier et de Haussy. J'ai la ferme conviction qu'un travail élaboré par des hommes distingués comme ceux dont se compose la commission doit aboutir à faire disparaître les difficultés. Pour mon compte j'incline fortement à penser que le système indiqué tout à l'heure par MM. De Fré et Muller amènerait ce résultat.

Je comprends que quand un cimetière entier est bénit, certaines susceptibilités s'élèvent chez les membres du clergé, quand on donne la sépulture dans ce cimetière à un catholique qui a répudié, pendant sa vie, les doctrines catholiques ; n'admettant pas ces susceptibilités pour ma part, je les comprends. Mais du jour où le cimetière ne sera plus qu'un lieu de sépulture civil, où le clergé se bornera à bénir les tombeaux au moment de l'inhumation, ce jour-là aucune susceptibilité ne pourra plus naître de la part du clergé ; parce qu'à côté d'une fosse bénite on viendra enterrer un individu qui n'est pas mort pur dans le sein de l'Eglise.

Je crois que c'est dans cet ordre d'idées qu'on pourra trouver la solution de questions toujours très délicates, entraînant souvent de regrettables conflits, au grand préjudice du sentiment religieux, qu'il importe tant de consolider. Mais je le répète, je ne veux pas pour le moment discuter ces questions à fond ; je me borne à exprimer le désir que M. le ministre de la justice porte son attention particulière sur la suite à donner au projet que son honorable prédécesseur avait préparé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, dans les mêmes termes que mon honorable collègue, M. la ministre de la justice, j'accepte le renvoi à mon département, avec demande d'explications

Je prierai, en outre, M. le rapporteur de vouloir bien me dire si les pétitionnaires ont reproduit la demande adressée au gouvernement, de faire procéder de force à l'exhumation de celui qui a été enterré dans le cimetière catholique.

En dehors de la pétition dont la Chambre est saisie, il y a eu des réclamations très vives de la part du curé-doyen de Ninove qui a adressé plusieurs lettres à M. le ministre de la justice, ainsi qu'à moi ; dans ces lettres, cet honorable ecclésiastique insiste beaucoup pour que le gouvernement fasse procéder à l'exhumation du cadavre. Or, il a été répondu à M. le doyen de Ninove que cela n'était pas possible. Si donc cette demande avait été reproduite dans la pétition adressée à la Chambre, nous ne pourrions, en aucune manière, accueillir cette partie de la demande.

Je pense que la Chambre tout entière partagera sous ce rapport la manière de voir du ministère. Je ne me rappelle pas qu'à aucune époque une exhumation ait été ordonnée. Je sais que sous mon honorable prédécesseur, il y a eu un moment une sorte d'hésitation ; mais on n'a pas donné suite à l'intention que l'on avait semblé avoir de faire procéder à une exhumation.

M. de Decker. - Il a été question de cela au ministère de la justice ; mais le département de l'intérieur n'était pas d'avis qu'il y eût lieu de faire procéder à l'exhumation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En tout cas, dans l'opinion du ministre actuel, dans les circonstances qui se rattachent à cette réclamation, il n'y a pas lieu de faire procéder à l'exhumation.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, voici ce que je lis dans la réclamation des pétitionnaires :

« Cet acte (l'enterrement dans le lieu bénit) ne constitue-t-il pas une violation d'un lieu consacré au culte, inconciliable avec la liberté garantie par notre charte constitutionnelle ? »

Les pétitionnaires ne demandent pas l'exhumation ; ils se bornent à signaler l'acte accompli comme une espèce de profanation d'un lieu destiné à l'enterrement de ceux qui meurent dans le sein de l'Eglise catholique.

M. de Naeyer. - Messieurs, je regrette de devoir prendre encore la parole ; mais il m'est impossible d'admettre avec plusieurs honorables membres que cette question n'a rien de commun avec la question de la propriété du cimetière.

Je ne veux pas examiner ce point d'une manière approfondie ; je me bornerai à une seule observation. Pour soutenir l'opinion que je combats, on argumente de l’autorité qui est conférée aux administrations communales par l'article 16 du décret du 23 prairial an XII ; eh bien, il clair comme le jour que l'autorité dont les administrations communales sont investies par ce décret n'annule en aucune façon le droit de propriété des fabriques d'églises, ne saurait mettre obstacle à ce que les anciens cimetières soient affectés principalement au culte catholique sous la réserve de fournir une partie séparée pour ceux qui n'appartiennent pas à la communion catholique. Pour s'en convaincre, il suffit de lire l'article 16 de ce décret qui est conçu comme suit :

« Les lieux de sépulture soit qu'ils appartiennent aux communes soit qu'ils appartiennent aux particuliers seront soumis à l'autorité, police et surveillance des administrations municipales. »

Vous voyez donc que les cimetières, appartenant aux particuliers, sont placés, « en ce qui concerne l'autorité conférée à l'administration communale, » sur la même ligne que les cimetières appartenant aux communes. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que si l'administration communale a le droit de disposer des terrains du cimetière, lorsqu'il appartient à la commune, ce n'est pas en vertu de l'autorité qui lui est conférée par l'article susmentionné, mais c'est en vertu du droit de propriété. Cela veut dire encore que cette autorité 'n'implique pas le droit de disposer de ces terrains, parce que ce droit s'étendrait alors aux cimetières appartenant à des particuliers, ce qui serait absurde ; personne n'admettra qu'en vertu de l'article 16, l'autorité communale puisse disposer d'un cimetière appartenant à des particuliers.

Vous voyez donc, messieurs, que le droit dont il s'agit n'absorbe, n’annule en aucune façon le droit de propriété ; qu'il s'agit ici d'une autorité purement réglementaire qui ne confère pas le droit de disposer du terrain, alors qu'elle n'est pas accompagnée du droit de propriété. En constatant que les anciens cimetières appartiennent aux fabriques d'église, j'ai voulu prouver que ces cimetières ont une destination spéciale qui doit être respectée par les administrations communales, et qu'en ce qui concerne l'usage de ces cimetières, les droits des administrations communales se bornent à réclamer un lieu de sépulture convenable pour ceux qui meurent en dehors de la religion catholique. Je me bornerai à justifier complétement cette manière de voir.

M. de Decker. - Messieurs, dans les quelques paroles que l'honorable ministre de l'intérieur vient de prononcer, il a semblé insinuer que son prédécesseur aurait pris une position tranchée dans cette question.

Voici les faits ;

Tout le monde se rappelle que des difficultés se sont élevées au sujet d'uue inhumation qui a eu lieu, en 1856, je crois, à Saint-Pierre-Cappelle.

Cette affaire fut traitée au département de la justice.

Cependant, comme ces mêmes difficultés ne tardèrent pas à se produire dans un certain nombre de localités, vers les derniers temps du ministère précédent, mon honorable collègue du département de la justice et moi, nous étions à peu près convenus de faire examiner d'une man ire approfondie toutes les questions soulevées à propos des inhumations et d'en conférer avec l'autorité ecclésiastique.

Je me rappelle qu'à cette occasion j'ai pris connaissance du travail élaboré par la commission que les honorables MM. Rogier et de Haussy avaient instituée, travail qui doit reposer dans les archives du département de la justice et qui, si je ne me trompe, est dû à la plume savante d’un de nos honorables collègues, M. Orts.

Je pense aussi que quand la Chambre sera appelée à discuter cette question à fond, elle pourrait très utilement prendre connaissance du travail de cette commission, composée de personnes parfaitement à même, par leur position et par leurs études, d'apporter des lumières dans le débat.

Mais il faut attendre, avant tout, les explications que le gouvernement s'est engagé à nous donner, pour se livrer avec fruit à la discussion que ces explications vont probablement amener.

Puisque j'ai la parole, je tiens à dire un mot relativement à une observation présentée par M. Muller.

Je ne sais pour quel motif l'honorable membre a cru pouvoir prétendre que le clergé a manifesté, depuis un certain temps, en matière d'inhumations, des exigences exorbitantes, inusitées. Je ne vois pas, pour ma part, que le clergé ait manifesté de prétentions nouvelles, soit en théorie, soit dans la pratique.

A toutes les époques le clergé s'est quelquefois refusé à l'enterrement en terre sainte de personnes qu'il était autorisé à croire mortes en dehors de la communion catholique ; mais on est forcé de reconnaître que la conduite du clergé a été, en général, marquée au coin d'une extrême prudence. Le clergé a toujours montré une grande déférence pour l'honneur et la considération des familles. Chaque fois qu'il y avait possibilité d'admettre par une présomption, par un commencement de preuve, qu'il n'y avait pas eu, de la part du défunt, intention de refuser |les secours de la religion et de mourir en dehors de la communion catholique, le clergé s'est prêté à l'inhumation en terre bénite.

Mais un fait nouveau s'est produit depuis quelques temps. Des personnes manifestent d'une manière formelle, par leurs paroles, par leurs écrits, leur volonté de ne plus appartenir au culte catholique et déclarent qu'elles n'entendent pas recevoir les secours de l'église.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela s'est vu de tout temps.

M. de Decker. - Pouvez-vous exiger que le clergé se prête à l'inhumation de ces personnes en terre bénite ?

Une personne, dit-on, est née dans le culte catholique, elle a été baptisée, c'est une affaire entre Dieu et elle de savoir si elle a persévéré ; vous n'avez pas le droit de dire qu'elle n'est pas catholique.

Dans de pareilles circonstances, la conduite à tenir par l'autorité religieuse est délicate et difficile ; mais, je le répète, cette conduite a été généralement pleine de modération et de prudence. Mais je demande quelle doit être la conduite du clergé, quand une personne a exprimé la volonté expresse de ne pas mourir dans la foi catholique ?

(page 856) Prétendez-vous, sur la foi de je ne sais quelle notoriété publique, que cette personne ayant été baptisée était catholique, alors qu'elle avait déclaré elle-même ne l'être plus et ne pas vouloir recevoir les secours de la religion ? Vous ne pouvez donc pas enterrer cette personne dans la partie consacrée aux catholiques.

Vous ne pouvez pas l'enterrer non plus dans la partie réservée aux protestants ; ceux-ci n'en veulent pas, ils vous disent : Nous ne voulons pas recevoir le rebut des catholiques, notre ministère n'a pas cette destination.

La difficulté provient donc de ce que certaines personnes meurent en dehors de tout culte positif.

C'est à cette catégorie de décédés qu'il faut consacrer la troisième partie généralement réservée dans nos cimetières. Dans beaucoup de localités, cette troisième partie n'est pas assez décente, et il faut éviter qu'il y ait une certaine humiliation pour les familles à y voir enterrer un de leurs membres.

J'attendrai, du reste, les explications annoncées par le gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En prenant la parole tout à l'heure, j'avais voulu constater que mon prédécesseur, dans des circonstances analogues à celles qui se présentent, n'avait pas cru devoir faire procéder à l'exhumation. Nous sommes d'accord sur ce point. Quant à la question qu'il vient de soulever, nous la considérons comme d'une solution très difficile, si on veut satisfaire à tous les besoins, à toutes les susceptibilités, à toutes les convenances. Le décret de l'an XII, que notre devoir est de faire observer, ne va pas aussi loin que le voudrait l'honorable préopinant ; il assigne des divisions du cimetière aux divers cultes des personnes qui habitent la commune, mais quand on a assigné un compartiment au culte catholique, qui décidera si l'habitant de la commune qui est décédé doit être enterré dans ce compartiment ? Sera-ce le bourgmestre ou sera-ce le curé ? Ce compartiment subira-t-ii une nouvelle division pour les bons catholiques et pour les mauvais catholiques ? L'honorable M. de Decker admet dans la division catholique, ceux qui nés et baptisés catholiques, ont protesté contre le caractère de catholique qui leur avait été attribué par la naissance et le baptême ; ceux-là, l'honorable M. de Decker est assez disposé à les admettre dans le cimetière catholique.

M. de Decker. - C'est comme cela que ça se passe !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Non pas ; il est arrivé souvent que des individus nés et baptisés catholiques, pour n'avoir pas fait acte de catholiques à leur dernier moment ont été repoussés par le clergé qui a voulu les exclure du cimetière catholique.

Une grande difficulté existe et existera toujours si l'on veut donner satisfaction à toutes les convenances, à toutes les susceptibilités, aux nuances infinies que la liberté des cultes peut faire naître dans notre pays. Il ne sera jamais possible d'arriver à cette extrême justice distributive qu'on réclame pour tous les cultes.

Il y a quelque chose de pratique, ce serait de laisser à l'autorité locale le soin de l'inhumation, de recevoir au cimetière sans distinction tous les individus décédés, à la condition que chacun y soit reçu au même titre, en laissant chaque culte accomplir les cérémonies qu'il lui conviendra de faire dans le cimetière. La question présente des difficultés, chacun le reconnaît ; et en attendant, qu'une solution pratique conforme à la Constitution puisse se produire, j'exprime le vœu que les ministres des différents cultes s'entendent et se mettent autant que possible d'accord avec les autorités pour épargner aux populations des spectacles douloureux et parfois scandaleux. Nous devons recommander aux autorités communales et aux autorités ecclésiastiques de tâcher d'arriver à une bonne entente pour épargner à leurs communes ces spectacles dont nous avons été témoins, et qui ne peuvent profiter ni à l'ordre public ni à la religion.

M. B. Dumortier. - Si les abus qui ont été signalés depuis quelque temps ne peuvent profiter à l'ordre public ni à la religion, ils profiteront encore moins à ceux qui les posent. Le respect au champ du repos a été chez tous les peuples, chez toutes les nations un des devoirs les plus sacrés. Chacun est libre de choisir le culte qui lui convient et même de n'en pratiquer aucun ; mais dans tous les pays il y a un lieu de sépulture spécial pour chaque culte. Aussi, comment serait accueilli un habitant catholique ou protestant d'Amsterdam qui ' s'aviserait de vouloir se faire enterrer dans le cimetière des juifs ? Eh bien, les constitutions modernes ayant proclamé la liberté des cultes, il a fallu prendre une mesure pour laisser à chacun son champ de repos.

Qu'a-t-on fait ? Les décrets de l'empire ont ordonné qu'il y eût des enclos séparés pour y enterrer soit des catholiques, soit des juifs, soit des protestants, etc. Cela existe dans un grand nombre de communes ; cela existe particulièrement là où des violations de cimetière ont eu lieu ; il en est ainsi notamment à Ninove, il en est encore ainsi à Fosses, à ce que j'ai entendu dire. Or, comment se fait-il que des abus comme ceux qu'on nous signale puissent se produire ?

Comment est-il possible qu'un bourgmestre s'empare d'un cimetière sur lequel il n'a point d'autorité, puisque le cimetière n'est pas la propriété de la commune... (Interruption), pour faire des inhumations en violation de toutes les lois ? (Nouvelle interruption).

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il a exécuté la loi.

M. B. Dumortier. - C'est précisément la question. Vous le pensez ; moi je crois le contraire ; je crois que la loi a été violée de la manière la plus manifeste.

Maintenant, qu'est-ce que la propriété des cimetières ? Mais, vous le savez, en vertu des décrets et de la jurisprudence, les cimetières ont été rendus au culte ; c'est, par conséquent, le culte qui a la police des cimetières.

- Voix nombreuses : Non ! non !

M. B. Dumortier. - J'entends parler des anciens cimetières.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ils ne sont pas moins que les nouveaux soumis à la police des communes.

M. B. Dumortier. - Les anciens cimetières ne sont que des dépendances des églises ; or, dès l'instant où celles-ci ont été rendues au culte, elles ont nécessairement eu la police des cimetières.

Au surplus, messieurs, que voulons-nous ? C'est qu'un dissident ne soit pas enterré dans le terrain consacré aux catholiques ; nous voulons qu'on n'inhume pas dans une terre bénite un individu qui, pendant qu'il était encore en vie, aurait déclaré ne vouloir pas y être enterré. Comment ! voilà un homme qui a renié son église, qui n'a pas voulu recevoir ses secours à l'heure suprême de la mort, qui a suffisamment manifesté par là qu'il n'était plus chrétien ; et vous iriez, faisant violence aux sentiments de la nature et à la liberté des cultes, l'enterrer dans le champ de repos des chrétiens ! Non, messieurs, cela n'est pas admissible.

Quant à moi, je ne puis pas comprendre qu'on trouve légal qu'un bourgmestre puisse ainsi violer la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Etes-vous partisan de l'exhumation ?

M. B. Dumortier. - C'est une autre question. Je ne sors pas des termes de la pétition, et je dis que je ne puis pas admettre qu'un bourgmestre méconnaisse ses devoirs à ce point de se croire autorisé à faire inhumer un dissident dans une partie consacrée aux catholiques, alors qu'il y a une partie réservée aux personnes qui ne meurent pas dans le giron de l'église catholique. Quoi que l'on puisse dire, je considère cela comme une atteinte manifeste à la liberté des cultes.

- La Chambre ordonne le renvoi à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur avec demande d'explications et sous la réserve des observations qu'ils ont présentées sur le caractère de ce renvoi.


M. le président. - Avant de continuer, je prie la Chambre de fixer le jour et l'heure de sa prochaine réunion.

- Plusieurs membres. - A mardi, à deux heures.

- Cette proprosition est adoptée.

Projets de loi établissant divers conseils de prud’hommes

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi ayant pour objet l'établissement de conseils de prud'hommes à Mouscron, à Ostende, à Thielt, à Audenarde, à Eecloo, à Grammont et à Verviers.

- Ce projet sera imprimé et distribué et envoyé à l'examen des sections.

Rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, des directrices d'écoles dentellières, à Rupelmonde, réclament l'intervention de la Chambre pour rester affranchies de tout droit de patente.

Cette pétition, messieurs a été déjà soumise à la Chambre, et comme la pétition est conçue dans les mêmes termes que les précédentes, la commission se borne à vous proposer d'en ordonner le renvoi à M. le ministre des finances.

- Ces conclusions sont adoptées.

La séance est levée à 4 heures et demie.