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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 8 avril 1859

Séance du 08 avril 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 905) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe fait l’appel nominal à 2 heures et demie.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur V.-E. Demily, caporal au régiment du génie, né à Seneffe, demande à recouvrer la qualité de Belge, qu'il a perdue en prenant du service à l'étranger. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Lanvaux présente des observations sur le rapport de la commission auquel a donné lieu sa pétition relative à l'avancement dans le corps de la gendarmerie, et prie la Chambre de soumettre sa demande à un nouvel examen. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des industriels, charbonniers et négociants de la basse Sambre et les administrations communales d'Aiseau, Tamines, Fleurus et Wanfercée-Baulet prient la Chambre d'autoriser le gouvernement à concéder le chemin de fer de Tamines à Landen par partie. »

- Même renvoi.

M. Sabatier. - La réclamation des pétitionnaires étant pressante, je demande que la commission soit invitée à présenter un prompt rapport.

M. Moncheur. - J'appuie cette pétition et la demande d'un prompt rapport, attendu que cette affaire présente un caractère d'urgence réelle. Il s'agit d'un chemin de fer déjà décrété par la législature, et pour une partie duquel on demande une disjonction, justifiée sous tous les rapports ; d'autant plus que les fonds pour construire cette partie de chemin de fer semblent être déjà faits.

M. Lelièvre. - Je me joins aux préopinants en appuyant la demande des pétitionnaires qui est fondée sur les plus justes motifs. Il s'agit d'un ouvrage d'utilité publique, dont l'établissement est réclamé par de nombreuses populations. Du reste, déjà la législature, s'est prononcée en faveur du chemin de fer en question. La nécessité de cette œuvre est généralement reconnue ; son exécution doit produire les meilleurs résultats.

M. le président. - La commission sera invitée à présenter un prompt rapport.


« Plusieurs tanneurs de Stavelot présentent des observations contre le projet de loi portant suppression du droit de sortie sur les écorces à tan, et demandent que ce droit soit porté à 12 p. c. »

M. Lelièvre. - J'appuie la pétition et je demande qu'elle soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'objet énoncé en la réclamation.

- Ce renvoi est ordonné.


« Des électeurs à Melsele prient la Chambre de rejeter la proposition de faire l'appel des électeurs par lettre alphabétique et demandent qu'il soit pris des mesures pour faciliter le vote des électeurs des communes rurales. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi modifiant quelques dispositions de la loi électorale relativement aux élections.


« Les sieurs Impens et Renson, président et secrétaire de la société d'agriculture de l'arrondissement d'Alost, prient la Chambre de modifier, les arrêtés qui règlent l'importation des produits exotiques de manière à établir l'équilibre transactionnel entre l'Angleterre, la France et la Belgique. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le sieur Vautier se plaint de la défense qui lui est faite par la police de Lessines de laisser voler des pigeons. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. de Ruddere de Te Lokeren, retenu chez lui par la maladie de son frère, demande un congé. »

-— Accordé.

Projet de loi relatif à la nouvelle répartition des représentants et des sénateurs

Discussion générale

M. Sabatier. - L'honorable M. Pirmez a présenté hier, au nom des députés de l'arrondissement de Charleroi, un amendement établissant que cet arrondissement devait avoir 5 représentants et que celui de Soignies n'en pouvait avoir que deux. Cet amendement, je dois le reconnaître, n'a pas obtenu sur les bancs de cette Chambre une bien vive sympathie, non pas que notre réclamation ne soit parfaitement fondée, mais parce que pour avoir complétement raison, il fallait que la Chambre enlevât un représentant à Soignies et que l'on a pour ainsi dire considéré que possession vaut titre.

M. Pirmez avait, dans son discours, indiqué les motifs qui devaient également faire attribuer à Charleroi le sénateur que l'on donne à Mons, sans insister cependant, et M. B. Dumortier a présenté, sous forme d’amendement, une répartition nouvelle qui attribue trois sénateurs à Charleroi et deux sénateurs à Mons.

Pas plus que M. Pirmez je n'abandonne l'amendement qu'il a présenté. Je sais cependant qu'il ne sera pas admis, par des raisons d'équité qui viennent, comme l'a dit l'honorable M. Dolez, tempérer la rigueur du droit. Mais c'est précisément pour cela que nous devons insister pour que l'amendement de M. Dumortier soit maintenant discuté à fond. Je reprends donc les développements donnés par cet honorable membre pour prouver qu'il n'y a cette fois ni considérations morales ni considérations de chiffres qui puissent nous donner tort.

Rien n'est brutal comme un chiffre, il donne même parfois trop raison, c'est ce qui est arrivé pour le député que nous demandions en plus ; mais pour le sénateur il ne s'agit plus de venir nous reprocher d’en enlever un à un autre district ; nous demandons que la nouvelle répartition se fasse suivant les règles du droit et de l'équité.

J'établis d'abord que nous devons poser nos chiffres de la même manière que l'a fait le gouvernement, c'est-à-dire que la population doit être prise non pas au 31 décembre 1858, mais au mois de juin de cette année, au moment des élections.

Le gouvernement a procédé de la sorte pour arriverait chiffre de 116 représentants. S'il s'était tenu au chiffre de la population au 31 décembre 1858 on ne pouvait élire que 115 représentants. Le gouvernement donc nous a tracé la ligne à suivre, et c'est de cette manière, ainsi que l'honorable M. Pirmez nous l'a dit hier, que l'on arrive en prenant pour base d'accroissement les deux années 1857 et 1858, aux résultats suivants :

C'est que l'excédant de population au 1er juin 1859 sera de :

22,096 habitants pour l'arrondissement de Charleroi.

21,674 habitants pour l’arrondissement de Mons.

C'est-à-dire que l'excédant de la population de Mons sur Charleroi qui était de 579 habitants au 31 décembre 1858, serait au 1er juin 1859, cette fois en faveur de Charleroi de 426 habitants.

On pourrait faire la réflexion que ces chiffres résultent seulement des deux dernières années, j'y réponds en indiquant les accroissements de population de Charleroi et de Mons pendant la période décennale de 1846 à 1856 :

La population de l'arrondissement de Mons était de :

En 1846 de 158,927 habitants et en 1856 de 175,652. En plus : 16,725 habitants.

La population de l'arrondissement de Charleroi était de :

En 1846 de 131,025 habitants et en 1856 de 170,6324. En plus : 39,299 habitants ;

Donc l'augmentation annuelle est de 3,929 habitants pour Charleroi, tandis qu'elle n'est que de 1,672 habitants pour Mons.

Pour 5 mois ces augmentations seront, toujours, en agissant comme l'a fait le gouvernement : de 1,655 habitants pour Charleroi et 690 pour Mons.

Si l'on ajoute ces derniers chiffres à la population excédante au 31 décembre 1858, nous arrivons à avoir, en faveur de Charleroi sur Mons, une différence de 367 habitants.

Enfin si nous prenons la période entière de 1846 à 1858, nous arrivons au résultat suivant :

Pour Mons un excédant de 5 mois de 750 habitants.

Pour Charleroi un excédant de 5 mois de 1,700 habitants.

En ajoutant ce chiffre à ceux de la population au 31 décembre 1858, et en différenciant les totaux, nous avons en faveur de Charleroi 392 habitants.

Les deux dernières années seulement donnaient 426, ce qui prouve que plus on approche de cette année et plus progresse l'accroissement que nous signalons.

De quelque manière que l'on opère, Charleroi présente donc l'avantage sur Mons, et en bonne justice nous aurions droit à un député et à un sénateur de plus ; nous demandons seulement un sénateur, et je ne comprendrais pas que la Chambre ne vînt pas sanctionner par un vote un résultat qui n'est obtenu qu'en suivant le gouvernement et la section centrale dans leurs calculs ; nous avons pour nous le droit et l'équité.

Je suppose cependant par impossible que l'on s'obstine à prétendre qu'il faille ne tenir compte que de chiffre de la population au 31 décembre 1858. Dans ce cas, j'invoque l'équité et je demande encore si en présence d'une différence de population de 579 habitants on peut donner à la fois à un arrondissement un sénateur de plus et un député de plus alors que l'on sait parfaitement que l'accroissement de la population est beaucoup plus considérable dans l'arrondissement de Charleroi que dans celui de Mons et que si l'on faisait un recensement à l'heure où nous parlons, l'avantage serait pour nous.

(page 906) Je ne m'étendrai pas davantage sur les considérations développées du reste déjà dans la séance d'hier quant à la double raison de droit et d'équité qui doit nous faire obtenir de préférence à Mons un sénateur de plus ; la Chambre doit être éclairée maintenant ; je crois donc inutile, quant à moi, de prolonger la discussion et je conserve la confiance que le vote qui interviendra nous sera favorable.

M. de Naeyer. - Messieurs, si je prends part à cette discussion, c'est surtout parce qu'en 1847, lorsqu'il s'est agi de faire la répartition des représentants et des sénateurs, j'ai eu à traiter pour l'arrondissement d'Alost une question identique à celle qui s'agite aujourd'hui entre l'arrondissement de Mons et celui de Charleroi.

Je crois qu'on est à peu près d'accord que la réclamation de Charleroi quant à l'arrondissement de Soignies n'est pas fondée. Je crois que cet arrondissement doit conserver ses trois représentants, non seulement en vertu du principe plaidé devant vous ; principe qui consiste à dire qu'en matière de représentants possession vaut titre, mais encore en vertu d'un principe de compensation. Si l'arrondissement de Soignies a une fraction de population privilégiée quant aux représentants, d'un autre côté il a une fraction de population négligée quant aux sénateurs. Sous ce rapport donc il a droit au maintien de ce qui existe et cela en vertu d'un principe de compensation qui est un principe d'équité.

Messieurs, en 1847, il s'agissait de savoir si un nouveau représentant devait être attribué à l'arrondissement d'Alost ou à l'arrondissement de Termonde.

En faveur de l'arrondissement d'Alost, nous invoquions les considérations qu'on fait valoir aujourd'hui eu faveur de l'arrondissement de Mons ; nous avions un excédant de population plus considérable que celui de l'arrondissement de Termonde. La différence même n'était pas de 400 ou 600 âmes, comme c'est aujourd'hui le cas pour Mons relativement à Charleroi, mais c'était une différence au moins de 2,000 âmes. Cependant nos réclamations n'ont pas été accueillies.

Ce n'est pas en vertu du principe de possession que nous avons été éconduits, puisque ni l'un ni l'autre arrondissement n'était en possession. Il s'agissait pour l'un et pour l'autre d'obtenir un représentant de plus ; c'était le cas de dire : « ambo certant de lucro captando ».

Ce n'était donc pas en vertu du principe de possession. On a prétendu qu'il n'y avait qu'un principe d'équité à faire valoir, celui qui s'appuie sur la possession. C'est une grave erreur, il y a un autre principe d'équité consacré par les antécédents de la Chambre.

Le principe de compensation consiste en ceci : il ne faut pas qu'un même arrondissement obtienne tout à la fois un représentant pour une fraction de population et un sénateur pour une fraction de population, lorsque dans la même province des excédants de population à peu près équivalents seraient négligés tout à la fois dans la répartition des représentants et dans la répartition des sénateurs.

Ce principe d'équité n'a pas seulement été appliqué en 1847 dans la contestation entre l'arrondissement d'Alost et celui de Termonde. Il a également été appliqué alors dans une contestation identique entre l'arrondissement de Verviers et l'arrondissement de Liège.

(erratum, page 931) Les députés d'Alost et de Verviers plaidaient absolument la même cause, c'est-à-dire qu'ils faisaient également valoir un excédant de population plus considérable que celui des arrondissements concurrents de Termonde et de Verviers. Mais ils ont été éconduits par l'application du principe de compensation que je viens d'indiquer. On leur a dit : Vous avez déjà un sénateur pour une population inférieure à 80,000 habitants. L'équité ne permet pas de vous accorder en outre un représentant pour une population inférieure à 40,000 habitants, alors que dans la même province, un autre arrondissement n'obtiendrait ni représentant, ni sénateur, pour un excédant de population qui n'est que peu inférieur.

Maintenant il est à remarquer que l'attribution d'un représentant de plus à l'arrondissement d'Alost en 1847 pouvait être beaucoup mieux justifiée que ne le serait aujourd'hui la double attribution d'un représentant et d'un sénateur de plus à l'arrondissement de Mons. Voici comment : c'est que d'abord nous étions en possession d'un sénateur, tandis que pour l'arrondissement de Mons il s'agit tout à la fois de conquérir un nouveau représentant et un nouveau sénateur.

Ensuite, c'est que nous avions un sénateur pour une fraction de population plus considérable. Nous avions pour nous un excédant de 58,000 habitants, tandis que pour donner un sénateur de plus à l'arrondissement de Mons, il n'y a qu'une fraction de population de 20,000 habitants ; enfin pour avoir un représentant de plus, nous l'emportions sur l'arrondissement rival d'environ 2,000 habitants, tandis qu'entre Mons et Charleroi il n'y a qu'une différence insignifiante de 500 à 600 habitants.

Vous voyez donc que, pour rester fidèle aux antécédents de la Chambre, et je crois qu'en pareille matière, il est indispensable de ne pas agir d'une manière absolument arbitraire, il me paraît évident qu'on ne peut pas tout à la fois attribuer à l'arrondissement de Mons un représentant et un sénateur.

Je sais qu'il y a quelques arrondissements, messieurs, qui sont doublement privilégiés, c'est-à-dire qui ont un représentant pour une fraction de population et en outre un sénateur pour une fraction de population.

Ainsi, l'arrondissement de Nivelles a un représentant pour une fraction de population d'à peu près 25,000 habitants, et un sénateur pour une fraction de population d'environ 65,000 habitants.

L'arrondissement de Roulers a un représentant pour 39,000 habitants et un sénateur pour une fraction de population de 79,000 habitants (chiffre rond).

L’arrondissement de Thielt a un représentant pour 25,660 habitants et un sénateur pour 65,666 habitants.

L'arrondissement de Huy a encore un représentant pour environ 34,000 habitants, et un sénateur pour environ 74,000 habitants.

L'arrondissement de Dinant a un représentant pour 39,496 habitants et un sénateur pour 79,476 habitants.

L'arrondissement de Namur, d'après le nouveau projet de loi de répartition sera aussi doublement privilégié ; il aura un représentant pour une fraction de 33,691 habitants et un sénateur pour une fraction de 73,691 habitants.

L'arrondissement de Tournai, enfin, est également privilégié sous le rapport de la double représentation. En combinant les cas d'un double privilège que je viens de citer et qui sont les seuls qui existent, on en voit ressortir clairement les principes suivants :

1° Pour qu' il y ait double privilège, il faut que la fraction de population excède la moitié du chiffre requis pour constituer un droit absolu ; et cela se vérifie dans tous les cas que je viens de citer. Partout où il y a attribution, à la fois, d'un représentant et d'un sénateur, l'attribution du sénateur n'a eu lieu que pour une fraction excédant 40,000 habitants.

C'est ce qui n'existerait pas pour Mons, puisque Mons aurait un représentant et un sénateur, tout à la fois, pour un excédant de 20,000 habitants environ, chiffre bien inférieur à la moitié de celui qui est requis pour créer un droit absolu.

2° Il faut que dans la même province il n'y ait pas pour un autre arrondissement des excédants de population à peu près équivalents, et pour lesquels on n'accorderait ni représentant, ni sénateur.

Au premier principe il y a une seule et unique exception ; cette exception se présente pour l'arrondissement de Tournai. Cet arrondissement a un représentant pour 28,000 habitants et un sénateur pour la même fraction de population.

Mais remarquez bien qu'ici l'exception se justifie par cette considération qu'il n'était pas possible de faire autrement : si l'on ne donnait pas ce sénateur à Tournai, on ne saurait à qui le donner, et cependant il faut bien le donner à un arrondissement quelconque, puisque d'après le chiffre de la population de la province de Hainaut, cette province a droit à 10 sénateurs ; en d'autres termes, aucun autre arrondissement du Hainaut ne pouvait faire sérieusement concurrence à celui de Tournai et l'on n'a pas négligé deux fois les excédants de population sensiblement équivalents dans la même province ; l'application des principes que j'ai indiqués est donc constante

Il me semble donc qu'il est impossible, si l'on veut rester fidèle aux règles qui ont été pratiquées jusqu'à présent, de ne pas faire droit aux réclamations des honorables députés de l'arrondissement de Charleroi quant à l'attribution à cet arrondissement d'un sénateur eu plus.

Remarquez bien qu'en agissant autrement, on créerait cette anomalie pour deux arrondissements de la même province. Mons aurait une représentation exagère au Sénat et à la Chambre, tandis que Charleroi serait trop peu représenté au Sénat et à la Chambre, et cela à raison d'excédants de population sensiblement les mêmes, résultat évidemment contrait et à l'équité ; c'est donc bien le cas d'appliquer le système de compensation en accordant à Mons une représentation privilégiée à la Chambre, et à Charleroi par compensation une représentation privilégiée an Sénat. Il n'y a pas d'autre moyen de rester fidèle aux principes de l'équité qui ont toujours prévalu.

Messieurs, j'ajouterai quelques considérations pour indiquer le motif qui m'empêche de me rallier au chiffre proposé par le gouvernement quant au nombre total des représentants pour tout le pays. Je ne pense pas que la Constitution nous permette de fixer le nombre des représentants à 116.

Messieurs, d'après le recensement qui a eu lieu à la fin de 1856, la population totale du pays était de 4,529,460 habitants, population suivant laquelle nous ne pouvions fixer rigoureusement le nombre des représentants qu'à 113, car si vous divisez 4,529,460 par 40,000, vous obtenez 113 24/100.

Or, la Constitution ne permet pas de forcer la fraction pour fixer le nombre total des représentants. D'un autre côté, 113 est encore un nombre qui ne peut être admis, étant incompatible avec l'exécution de l'article 54 de la Constitution, qui veut que le nombre des sénateurs soit égal à la moitié du nombre des représentants.

De manière qu'en se basant sur les résultats du recensement, on ne pourrait adopter que le nombre de 112.

Mais, messieurs, je ne crois pas qu'il faille s'en rapporter d'une manière aussi absolue aux résultats du recensement, parce qu'il s'est déjà écoulé plus de deux ans depuis que le recensement a eu lieu et je crois que cette circonstance nous autorise à nous écarter un peu du résultat du recensement.

Je pense donc que le nombre total pourrait être fixé à 114, mais il me paraît impossible d'aller au-delà sans méconnaître l'esprit de la Constitution.

Messieurs, comme il s'agit d'exécuter use disposition constitutionnelle, il importe de bien nous pénétrer de l'esprit qui a dicté cette disposition.

Or, voici ce que porte l'article 49 de la Constitution.

« La loi électorale fixe le nombre des députés d'après la population ; ce nombre ne peut excéder la proportion d'un député sur 40,000 habitants. »

Il n'y a là qu'une seule disposition impérative, c'est celle qui nous défend d'excéder la proportion d'un représentant par 40,000 habitants.

Le texte que je viens de citer ne nous commande aucunement d'avoir toujours un nombre de représentants formant la quarante millième partie de la population. La Constitution ne dit pas cela, et elle n'aurait pu le dire sans absurdité, car à tout moment nous serions en pleine violation de notre pacte fondamental.

Il y a donc là une latitude laissée au législateur pour apprécier si la population devant servir de base à la fixation du nombre des représentants a un caractère suffisant et de certitude et d'exactitude et de stabilité.

Eh bien, messieurs, je me demande, en présence de cette disposition claire et formelle de la Constitution, si nous pouvons nous appuyer sur un chiffre de population tout à fait présumé ? Nous savons qu'à l'heure qu'il est, il n'y a pas en Belgique la population rigoureusement nécessaire pour que le nombre des représentants soit porté à 116.

Cette population existerait-elle au mois de juin prochain ? C'est l'inconnu. Les lois que nous faisons ne doivent pas être basées sur l'avenir, qui est l'inconnu, mais sur le présent, sur l'actualité.

Ce n'est pas à ce point de vue seulement qu'on est dans l'incertitude, mais les états de population qu'on invoque ne m'inspirent pas une confiance suffisante pour que je puisse les adopter d'une manière absolue, comme base de l'opération, quand il s'agit de fixer le nombre des représentants et je m'appuie à cet égard sur l'expérience du passé.

Quelle était, au 31 décembre 1855, c'est-à-dire une année avant le recensement ; quelle était, suivant les états de population, la population du pays ? elle était de 4,607,066 habitants. Une année après, on a fait un recensement et l'on a trouvé 4,529,460 habitants, c’est-à-dire que la population, au lieu d'être augmentée, était considérablement diminuée ; (erratum, page 931 il y avait à peu 100,000 habitants de moins, et nous avions vécu une année de plus. Les états de population étaient donc évidemment erronés et je me rappelle, cependant, qu'en 1856 aussi on voulait les adopter pour base d'une nouvelle réparation. Dira-t-on que les états de population sont tenus aujourd'hui d'une manière plus régulière ?

Je sais qu'on a tenté d'améliorer cette branche du service ; mais nous n'avons pu encore expérimenter le résultat de ces améliorations ou changements pour que nous puissions prendre ce résultat pour base, quand il s'agit de savoir jusqu'où la Constitution nous permet d'aller, quand il s'agit de respecter une limite constitutionnelle.

Il y a d'autres circonstances qui m'inspirent une certaine défiance quant à ces états de population : c'est que je vois que, pendant les deux années qui se sont écoulées depuis le recensement, il y aurait eu un accroissement de population beaucoup plus considérable qu'auparavant.

Ainsi d'après les états de population, nous aurions eu chaque année, depuis 1856, (erratum, page 931) un accroissement de près de 50,000 habitants, tandis que pour les années immédiatement antérieures nous n'atteignons qu'un accroissement de 30,000 à 38,000 et encore le recensement a prouvé que ce chiffre étaitprobablement exagéré. Voici donc la position où nous nous trouvons.

En nous arrêtant au chiffre 114, nous sommes certains de respecter la Constitution ; en allant au-delà, nous nous exposons évidemment au danger de la violer. Dans une pareille situation, je n'hésite pas : je respecte la Constitution avant tout.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, l'honorable M. Pirmez était parfaitement dans son rôle, lorsque hier il a fait de persévérants efforts, à l'effet d'obtenir pour l'arrondissement de Charleroi un représentant de plus que ceux que lui attribue le projet de loi. Mais, malgré toute l'habileté de son plaidoyer, sa cause, comme vous l'a dit encore aujourd'hui son honorable collègue, M. Sabatier, sa cause n'a pas rencontré dans la Chambre de bien grandes sympathies.

Elle n'y a pas rencontré de grandes sympathies, parce qu'elle n'était pas juste, car évidemment, en pareille matière, ce qui est juste est accueilli avec bienveillance par la majorité de la Chambre.

Quoi qu'il en soit, l'arrondissement de Charleroi semble avoir renoncé à toute réclamation en ce qui concerne la répartition des représentants, il se contente des quatre représentants que le projet de loi lui attribue, il veut bien consentir à ne plus disputer à l'arrondissement de Soignies ni à l’arrondissement de Mons l'un des représentants qui leur sont attribués par la loi actuelle ou par le nouveau projet.

Dans cet état de choses est intervenu un honorable membre qui n'est représentant ni de Charleroi, ni de Mons, ni de Soignies, ni d'aucun arrondissement intéressé. Il est parfaitement dans son droit, je suis loin de le contester, mais il ne peut pas empêcher qu'on se soit demandé quel mobile le faisait intervenir dans une question qui ne l'intéressait que très indirectement.

M. de Naeyer. - Il est représentant du pays.

M. H. de Brouckere. - Je n'ai rien dit d'inconvenant, je pense ; alors permettez-moi de continuer.

Je disais donc que l'honorable membre n'a pas pu empêcher qu'on se demandât quel mobile pouvait avoir fait intervenir l'honorable membre dans une question qui ne l’intéressait que faiblement.

M. B. Dumortier. - L'intérêt général et la justice.

M. H. de Brouckere. - Permettez, je ne vous dis rien de désagréable. Ne m'interrompez pas et attendez.

On a fait certaines hypothèses ; j'en avais fait une aussi : je m'étais dit : Probablement l'honorable membre aura examiné quels étaient les sénateurs qu'envoie l'arrondissement de Charleroi et quels étaient les sénateurs qu'élisait l'arrondissement de Mons ; il se sera dit : J'ai plus de confiance dans l'arrondissement de Charleroi, quant au choix qu'il fait de ses sénateurs que dans l'arrondissement de Mons, comme il peut exister quelque doute entre Mons et Charleroi, je vais me prononcer on faveur de ce dernier arrondissement et je tâcherai que la majorité en fasse autant.

Mais le hasard m'a fait tomber entre les mains un exemplaire du Journal de Bruxelles du 5 avril, j'ai vu là l'explication du fait. Ce n'est pas l'honorable membre qui a fait la combinaison, mais la combinaison toutefois a été faite, j'ai tout lieu de le croire. Voici ce que je lis dans ce journal.

« On propose, en outre, d'accorder un sénateur de plus à Mons. Cette augmentation ne nous paraît pas admissible.

« Mons obtient déjà un représentant pour 20,659 habitants ; loin d'avoir droit à une compensation, il faut au contraire que, pour rétablir l'équilibre, cet arrondissement subisse une réduction quant à la représentation au Sénat ; cette réduction sera opérée si on n'augmente pas le nombre de ses sénateurs actuels.

« L'arrondissement qui a droit à un sénateur de plus, d'après le système de compensation, c'est l'arrondissement de Charleroi. Cet arrondissement aura déjà, il est vrai, un représentant de plus par la nouvelle répartition ; mais cette augmentation ne lui donne pas encore une représentation complète pour la Chambre, puisque, même avec quatre députés, 20,061 habitants restent non représentés.

« C est donc Charleroi qui doit avoir un sénateur de plus. Agir autrement, ce serait assurer à l'arrondissement de Mons une représentation plus forte qu'elle ne doit l'être et pour la Chambre et en outre pour le Sénat, tandis que l'arrondissement de Charleroi conserverait une représentation incomplète pour les deux Chambres législatives. »

Vous voyez que le discours de l'honorable M. Dumortier que nous avons entendu hier ressemble singulièrement à l'article que je viens de vous lire.

M. B. Dumortier. - Plus d'une fois vous avez prononcé des discours qui s'étaient trouvés dans des journaux auparavant.

M. H. de Brouckere. - Vous voyez que j'agis avec générosité, car je viens apporter les arguments produits au dehors contre la thèse que je défends.

Ces arguments, je les ai puisés dans un journal et vous voyez qu'ils sont parfaitement en harmonie avec ce que nous avons entendu ici ; on y a victorieusement répondu.

Mais, que dit-on de nouveau aujourd'hui pour étayer la prétention qu'on élève en faveur de l'arrondissement de Charleroi ? L'arrondissement de Mons, dit-on, est déjà favorisé quant aux membres de la Chambre ; il ne faut pas le favoriser encore quant aux membres du Sénat, cela ne s'est jamais fait ; on a toujours consacré le système contraire. Eh bien, cette assertion est si peu exacte que cela s'est fait pour plusieurs arrondissements, pour celui de Nivelles, pour celui de Thielt et, remarquez-le bien, pour celui de Tournai dont l'honorable M. Dumortier a été si longtemps le représentant, et pour celui de Roulers dont il est le représentant aujourd'hui.

M. B. Dumortier. - Complétement inexact !

HI. H. de Brouckereµ. - L'honorable M. Dumortier m'interrompt ; mais je puis lui assurer que, quand même je reconnaîtrais la possibilité de retirer un représentant à l'arrondissement de Roulers, je ne le ferais pas, de crainte que cette mesure ne retombât sur l'honorable membre. (Interruption.)

Je dis cela de très bonne foi, car je serais réellement désolé que Roulers eût un représentant de moins, et si la proposition en était faite, je la repousserais, parce que je tiens infiniment à ce que la Chambre conserve l'honorable M. Dumortier. (Nouvelle interruption.)

Je ne sais donc pas pourquoi l'honorable M Dumortier vient faire ici la guerre à l'arrondissement de Mons. Je l'ai toujours traité avec une indulgence extrême ; eh bien, je lui demande d'user de réciprocité à mon égard et de laisser mon arrondissement tranquille. (Interruption.)

Ainsi, messieurs, vous le voyez, on n'a aucune bonne raison à faire valoir contre nous. Je me trompe, j'oubliais un argument que vient de présenter l'honorable M. Sabatier ; les chiffres officiels, a-t-il dit, donnent gain de course à Mons ; cela n'est pas douteux.

Mais, messieurs, l'honorable membre escompte l'avenir. (Interruption.) Permettez ! L'honorable M. Sabatier exploite l'avenir. Il vous dit qu'il y a eu en elle année, dans l’arrondissement de Charleroi, une augmentation de population d'autant ; l'année suivante, d’autant ; total, dans un tel nombre d'années, autant ; qu'à Mons l'augmentation n'a été que d'autant par année, total, autant pour 10 années, chiffre inférieur à celui de Charleroi. Je ne nie pas du tout les chiffres du passé, mais je nie qu'on puisse en tirer des conséquences pour l'avenir. Qui donc ignore dans cette Chambre qu'il y a dans l'arrondissement de Charleroi une (page 908) population nomade... (interruption), une population nomade très considérable ?

Qu'est-ce qui attire cette population dans l'arrondissement de Charleroi ? C'est le chiffre élevé des salaires qu'on paye aux ouvriers ; les ouvriers, si j'en excepte les femmes et les enfants, y gagnent environ 5 francs par jour. Je tiens ce renseignement de l'honorable M. Pirmez lui-même. Vous comprenez donc bien qu'une foule d'ouvriers des autres provinces vont à Charleroi pour gagner ces salaires élevés ; mais survienne un événement politique ou un mouvement industriel et cet état de choses, au lieu d'aller en croissant, suivra une progression contraire. Ainsi, par exemple, si l'ouvrage diminuait un peu à Charleroi, quels seraient les premiers ouvriers qu'on renverrait ? Evidemment les étrangers.

Les étrangers n'ayant plus d'ouvrage dans l'arrondissement de Charleroi, ils retourneraient évidemment dans leurs communes natales. Il y a donc autant de chances pour que la population de Charleroi diminue, qu'il y en a pour qu'elle augmente.

La population de Mons, au contraire, est une population fixe ; c'est une population qui est établie sans aucune espèce d'idée de départ. S'il y a des exceptions, elles sont tellement minimes qu'elles ne méritent pas d'être prises en considération. Vous voyez donc qu'il n'est pas possible qu'on se base ici sur des hypothèses qu'on regarde comme plus ou moins probables et qu'il faut nécessairement s'en tenir aux chiffres actuels de la population.

Mais, supposons pour un moment, ce que je regarde comme complétement impossible, supposons que la majorité se prononce en faveur de l'amendement de l'honorable M. Dumortier ; elle déciderait donc ceci : il y aura à Charleroi un représentant et un sénateur de plus qu'à Mons qui a une population plus forte que Charleroi.

Eh bien, vous auriez alors cette incroyable anomalie que Charleroi aurait 4 représentants et trois sénateurs, et Mons aurait 5 représentants et 2 sénateurs.

Et puis, on viendra nous dire que c'est la population qui sert de base à la répartition des représentants et des sénateurs ! C'est-à-dire qu'un arrondissement qui, de par le chiffre de sa population, n'aurait droit qu'à 4 représentants, aurait droit, de par ce chiffre même, à 3 sénateurs, et qu'un autre arrondissement de la même province qui a une population suffisante pour 5 représentants n'aurait que deux sénateurs.

C'est là une contradiction tellement palpable, tellement choquante, tellement inconstitutionnelle, que si un étranger, après avoir lu la Constitution, lisait une semblable répartition de sénateurs et de représentants, il pourrait dire avec raison : Mais vous avez donc changé la Constitution depuis qu'elle a été mise en pratique ; car vous ne pouvez plus dire que c'est la population qui sert de base. Je vois bien qu'elle est consultée quant aux représentants ; mais quant aux sénateurs, il y a certainement une autre base, car il est impossible qu'un arrondissement puisse avoir 4 représentants et 3 sénateurs, et que l'arrondissement voisin envoie au parlement 5 représentants et 2 sénateurs. Cela est impossible.

M. Moreau, rapporteur. - Je ne crois pas, comme vient de le dire l’honorable M.de Naeyer, que la question qui est soulevée entre les arrondissements de Mons et de Charleroi soi. la même qui a été traitée en 1847 entre les districts d'Alost et de Termonde et entre ceux de Liège et de Verviers. C'est ce que je vais tâcher de démontrer.

Nous sommes, je crois, presque tous d'accord qu'il serait peu équitable de déposséder le district de Soignies d'un de ses représentants pour le donner à Charleroi, qui déjà aura un député de plus à nommer. Je considère donc la question que l'on a soulevée entre Soignies et Charleroi comme résolue et par conséquent comme ne devant exercer aucune influence sur l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Dumortier qui du reste partage mon opinion sur la répartition des représentants entre les districts de Charleroi et de Soignies.

Il reste maintenant la question de savoir à quel arrondissement, de Mons ou de Charleroi, il faut attribuer un sénateur de plus.

Chacun de ces districts peut invoquer eu sa faveur un excédant de population à peu près égal, je le reconnais ; en effet la population de Mons n'excède celle de Charleroi que de 576 habitants.

Je m'inquiète peu de ce que pourra être éventuellement le chiffre de la population de ces districts au moment des élections, parce que je crois que sous peine de nous livrer à l'arbitraire, nous ne pouvons prendre ici en considérations que la population telle qu'elle est indiquée dans les annexes du projet de loi.

En présence donc des faits signalés ci-dessus, des chiffres officiels, je me demande ce que nous devons faire ?

Nous avons d'un côté une population de 180,609 habitants pour le district de Mons et de l'autre celle de 180,061 habitants pour celui de Charleroi.

Il y a cinq sénateurs à répartir entre ces deux arrondissements, ce qui fait un sénateur pour 72,134 habitants. Or, en ne donnant que deux sénateurs à Mons et trois à Charleroi, le premier de ces districts n'aurait plus qu'un sénateur à raison de 91.304 habitants, tandis que Charleroi élirait un sénateur de plus par 60,020 habitants.

Si d'un autre côté, on attribue 3 sénateurs à Mons et 2 à Charleroi, on soutiendra avec raison que Mons aura un sénateur de plus à raison d'un chiffre moins élevé.

Dans ce cas, Mons aurait un sénateur pour 60,203 habitants, tandis que Charleroi ne nommerait qu'un sénateur pour 90,030 habitants.

Que résulte-t-il de ces calculs et de ces hypothèses ? C'est que tout ce qu'on peut dire en faveur de Charleroi s'applique également au district de Mons.

Car, en examinant la question telle qu'elle doit être posée, c'est-à-dire en se demandant uniquement quel est celui des districts de Mons ou de Charleroi qui doit avoir un sénateur de plus, les considérations qu'on peut invoquer en faveur de l'un de ces arrondissements sont applicables à l'autre.

Si Charleroi prétend que l'on commet une injustice en attribuant un sénateur de plus à Mons, Mons de son côté peut soutenir avec raison qu'il n'est pas équitable de favoriser Charleroi à son détriment.

Dans cette occurrence le district de Mons peut, ce me semble, faire valoir avec succès pour faire décider à son avantage la question, une considération puissante, c'est qu'il peut réclamer le bénéfice de la règle générale qui veut que, à moins de circonstances spéciales, on donne un sénateur de plus au district dont l'excédant de population est le plus élevé.

Et certes, quel que soit l'excédant minime de la population du district de Mons sur celle de Charleroi, il doit, nous paraît-il, lui donner, dans le cas dont il s'agit, la préférence sur Charleroi.

Je sais bien, messieurs, que pour enlever à Mons cet avantage, on objecte que c'est aussi une fraction peu forte qui fait attribuer à ce district un représentant de plus, et je comprends que s'il ne s'agissait que de faire une répartition de représentants et de sénateurs entre les districts de Mons et de Charleroi, cette objection serait sérieuse.

Ce serait alors le cas de dire que lorsque les excédants de population de deux districts diffèrent de peu, il y a lieu d'attribuer le représentant à l'un et le sénateur à l'autre ; pareille décision serait conforme aux précédents de la Chambre.

Mais veuillez bien le remarquer, telle n'est pas la question que vous avez à résoudre ; il y a lutte ici, si je puis le dire, entre trois arrondissements, quant à la répartition des membres des deux Chambres et non entre deux districts.

Il est clair que si vous enleviez un député à Soignies pour le donner à Charleroi, ce district ne pourrait plus réclamer le sénateur que l'honorable M. Dumortier veut lui attribuer par son amendement.

C'est donc parce que vous ne voudriez pas déposséder Soignies d'un de ses députés, que vous priveriez Mons d'un sénateur ; ce ne serait donc plus une compensation entre Mons et Charleroi que vous établiriez.

En agissant ainsi vous tiendriez compte évidemment de la position dans laquelle se trouve Soignies, pour la faire réagir défavorablement sur Mons, et ce serait ce district qui serait victime de cette combinaison et payerait, si je puis le dire, pour Soignies.

En résumé s'il était question d'établir seulement une compensation entre Mons et Charleroi, abstraction faite de tout autre district, je comprends que vous adoptiez l'amendement qui vous est proposé, parce qu'il y aurait des motifs suffisants pour faire exception à la règle qui exige que l'on attribue les excédants des membres de la législature aux fractions des plus fortes.

Mais ces motifs suffisants pour déroger à la règle n'existent plus, ce me semble, lorsque c'est, parce qu'on maintient l'étal de choses existant dans ub autre district, que l'on est amené à rechercher pour Charleroi une compensation et qu'on la demande à Mons qui devrait être, comme on dit, hors cause, puisqu'il est étranger au différend existant entre Soignies et Charleroi.

En envisageant la question sous ce point de vue, qui est, me semble-t- il, le véritable, je crois que vous devez décider que, puisque le district de Mons offre un excédant de population supérieur à Charleroi, c'est Mons qui doit élire un sénateur de plus.

M. B. Dumortier. - L'honorable député de Mons qui a parlé tout à l'heure a commencé par se demander quel intérêt j'avais à venir soulever ici la question qui fait l'objet de mon amendement. Il a voulu y voir un intérêt de parti ; il a supposé que, dans ma pensée, je me serais dit qu'il y avait plus de chance pour la droite d'avoir un sénateur à Charleroi qu'à Mons, et que c'était là le mobile qui m'avait guidé. Il a prétendu ensuite que j'avais puisé mon amendement dans un article du Journal de Bruxelles.

Messieurs, je dis que quand on n'a que des raisons semblables à donner pour réfuter un adversaire, on ne prouve qu'une seule chose : c'est l'excessive pauvreté de ses moyens. Evidemment quand une cause est bonne, quand elle a pour elle la justice, le droit, l'équité, la vérité, on n'a pas recours à ces petits moyens. On attaque sa cause et l'on n'entre pas dans de pareilles considérations. On n'accuse pas surtout les intentions d'autrui. Car c'est accuser mes intentions que de prétendre que j'aurais présenté un amendement dans un but étranger à la justice, à la vérité, à la sincérité.

Eh bien, l'honorable membre se trompe, et je prouverai tout à l'heure que ce qui m’a engagé à présenter mon amendement, ce n'est ni le Journal de Bruxelles, ni la pensée qu'il m'a prêtée, mais que ce sont les principes que j’ai défendus moi-même dans le rapport de 1847.

(page 909) Ainsi, messieurs, laissons de côté les allusions, les imputations de mauvaise intention ; c'est de mauvaise mise. Mais interrogeons les faits ; examinons les faits.

L'honorable membre prétend que déjà dans plusieurs districts des anomalies pareilles se sont passées : il a cité le district de Tournai ; il a surtout cité, à la grande satisfaction et à la joie de la gauche, le district de Roulers. Eh bien, je réponds à l'honorable membre : Vous avez écouté et vous n'avez pas lu. Effectivement l'honorable M. de Naeyer tout à l'heure s'est trompé de nom. Il a nommé le district de Roulers en voulant nommer un autre arrondissement que, quant à moi, je ne nomme pas ; et l'honorable M. de Brouckere s'est empressé de rappeler cela pour tâcher de me tourner un peu en ridicule.

Or, si l'honorable membre avait un peu plus réfléchi, s'il avait été un peu plus posé, s'il avait examiné un peu plus mûrement, il aurait vu que le district de Roulers, qu'il indique comme présentant des anomalies, a précisément son compte.

Le district de Roulers a une population de 178,992 habitants, c'est-à-dire qu’il ne lui manque que 1,008 habitants pour avoir droit à 2 représentants. Est-il possible d'être plus près du chiffre réel ? Il en est de même pour le sénateur.

Vous voyez donc qu'en voulait me mettre en jeu, vous vous y êtes mis vous-même et que vous m'avez fourni l'occasion de relever une grosse erreur que vous avez commise.

Quant aux journaux, nous ne sommes pas là pour nous occuper des articles qu'ils publient. A entendre l'honorable membre, mes observations se seraient trouvées dans le Journal de Bruxelles. On peut, par ce raisonnement, passionner la gauche ; cela a été mis dans le Journal de Bruxelles, donc il doit être écarté.

Mais si nous voulions raisonner ainsi, nous pourrions dire à la droite : cela a été mis dans l'Observateur ou dans l’Echo du Parlement qui n'est que la moitié de l'écho du parlement, tout au plus ; donc il faut le repousser.

Je vous le demande, où irait-on avec de pareilles raisons ?

Messieurs, ce n'est pas ainsi que se traitent des questions de cette gravité. La question qui nous occupe en ce moment est une des plus graves, une des plus sérieuses qu'un parlement ait à examiner. Car il s'agit de régler le nombre des députés de la nation et leur répartition entre les districts qui doivent les nommer. C'est là une question excessivement sérieuse, à l'occasion de laquelle on ne devrait pas se permettre toutes ces petites facéties dont je dois moi-même m'occuper pour me défendre.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une question de justice et d'équité. En droit constitutionnel, un district a droit à un député par 40,000 habitants et à un sénateur par 80,000 habitants. Voilà ce que porte la Constitution. Voilà le droit, voilà la limite du droit.

Pour que le district de Mons eût droit à 3 sénateurs, il faudrait qu'il eût 240,000 âmes et il n'en a que 180,000. Il lui en manque donc près de 60,000 pour qu'il ait un droit constitutionnel.

Mais comment procède-t-on à la répartition ? On prend d'abord le chiffre total de la population. Ce chiffre, on le répartit par province. Après l'avoir réparti par province, on attribue à chaque district un député par 40,000 âmes et un sénateur par 80,000 âmes. Mais il reste des excédants.

Ces excédants remarquez-le bien, n'appartiennent pas à un district, ils appartiennent à la province. Il faut pourtant les appliquer à quelqu'un. Or, est-il juste, lorsque deux districts ont une population qui se rapproche tellement que les nombres ne diffèrent que de 576 habitants, que l'un de ces districts absorbe tout le bénéfice des excédants de la province et que l'autre en soit complétement privé ? Voilà la question.

Le droit n'existe pas ; c'est une question d'équité, une question de justice ; et comment cette quesiton a-t-elle été résolue dans des occasions semblables ? Lors de la nouvelle répartition des représentai s et des sénateurs en 1847, la question s'est présentée tout à fait dans les mêmes termes, et pour les districts combinés de Termonde et Alost, et pour les districts combinés de Liège et Verviers.

Alors aussi, on aurait pu donner plus facilement au chiffre le plus élevé, à l'excédant de 2,000 à 3000 habitants, un sénateur et un représentant de plus, comme on veut le faire aujourd'hui pour Mons. Mais la Chambre a cru que quand les chiffres se balançaient à peu près, il fallait aussi égaliser les faveurs, car il ne s'agit ici que de la réunion de tous les excédants de la province ; il n'y a pas ici un droit formel.

Voici, messieurs, ce que disait le rapporteur de la section centrale ;

« L'attribution absolue d'un représentant et d'un sénateur à l'excédant le plus élevé, sans tenir compte du déficit, serait une véritable injustice envers d'autres districts, puisqu'on pourrait arriver à ce résultat, qu'un sénateur et un représentant dussent être attribués ensemble à un district qui n'aurait que quelques habitants de plus qu'un autre, bien que tous deux aient de forts excédants. D'ailleurs, appliquer le principe de la plus forte fraction et puis ensuite l'appliquer au sénateur, c'est cumuler les avantages d'un côté et les désavantages de l'autre. En pareille matière, en présence des deux districts dont les excédants se combattent, le système le plus juste est la compensation qui donne un sénateur à l'un et un représentant à l'autre. »

Celui qui écrivait ce rapport était précisément celui qui a l'honneur de vous parler en ce moment.

Vous voyez donc que mes observations ne me sont dictées ni par le Journal de Bruxelles ni par des intentions perfides, puisque le système que je défends aujourd'hui est celui que je défendais en 1847

Eh bien, messieurs, la Chambre a admis ce système ; elle a fait ce qu'avait fait le Congrès, elle a fait ce qui s'était toujours fait, elle a partagé les excédants qui, encore une fois, ne constituent un droit pour personne, elle les a partagés entre les districts concurrents,

Mais, messieurs, quel est donc l'excédant de Mous ? Pour avoir droit à un sénateur, il faut 80,000 habitants.

Or Mons a un excédant de 20,600 habitants et Charleroi a un excédant de 20,100 habitants et c'est parce que vous avez 500 habitants de plus, que vous voulez avoir un sénateur et un représentant de plus. Vous conviendrez, messieurs, que c'est là une souveraine injustice.

Je ne suis pas représentant de Charleroi, je ne prêche ni directement ni indirectement pour ma chapelle, mais je soutiens la thèse que la Chambre a toujours adoptée, à savoir que les excédants d'une province ne constituant un droit pour personne, il faut, lorsqu'il n'y a qu'une place, la donner au chiffre le plus élevé, mais lorsqu'il y a deux places, en donner une à l'un et une à l'autre.

La question se réduit donc à des termes excessivement simples : Mons n'a pas de droit, Charleroi n'a pas de droit ; le sénateur à nommer n'est pas le produit de leur population, il est le produit des excédants des autres arrondissements ; pourquoi voulez-vous donc, par une faveur exceptionnelle, par une faveur que repoussent les sentiments de justice et d'équité, attribuer à la fois un sénateur de plus et un représentant de plus à une ville qui n'a qu'un excédant de 20,600 habitants et ne rien accorder à une autre ville qui a un excédant de 20,100 habitants ?

On a prétendu qu'il y aurait une anomalie à donner un sénateur de plus à l'arrondissement qui a l'excédant le plus faible.

Eh b eu, messieurs, rien de plus facile que de faire droit à cette objection et je puis à l'instant même, si on le désire, modifier mon amendement sous ce rapport.

Ce qui demeure certain, messieurs, c'est qu'en présence des chiffres l'argumentation des députés de Mons est sans aucune espèce de valeur. Voyons, messieurs, quel serait le résultat de l'adoption de la disposition.

Le district de Charleroi a droit à 2 sénateurs 25/100, le district de Mons a droit à deux sénateurs 26/100. C'est pour cette différence de 1/100 que vous donneriez à Mons tout à la fois un sénateur de plus et un représentant de plus, et que vous n'accorderiez rien à Charleroi.

Je dis, messieurs, que la Chambre doit rester fidèle aux antécédents. Elle a toujours agi comme je propose de le faire ; agir en sens inverse, ce serait une chose déplorable.

Comme l'a dit avec raison l'honorable M de Naeyer, il est de la plus haute importance qu'en pareille matière la Chambre soit fidèle à ses précédents ; quand on suit les précédents, on ne fait de faveur à personne. Supposez maintenant que la proposition du gouvernement soit adoptée, vous aurez deux précédents contraires, et à quoi serez-vous exposés lorsqu'une question de même nature se présentera ?

Vous pourrez aboutir à ce que personne ne veut ici, à un vote de parti. Eh bien ! la Chambre ne peut pas créer une pareille situation ; il faut qu'elle soit fidèle aux antécédents, et les antécédents exigent l'adoption de ma proposition.

M. Ch. de Brouckere. - L'honorable M. Dumortier vient d'invoquer les antécédents ; s'il peut me citer un seul antécédent qui soit identique au cas qui nous occupe, je me rendrai ; mais y a-t-il dans le pays une seule province qui ait deux districts amenant l'un 4 députés, l'autre 5 députés et où, en même temps, le district qui a le moins do députés a le plus de sénateurs ? Cela n'est pas possible ; cela ne peut pas exister : d'après la Constitution le nombre des sénateurs est égal a la moitié du nombre des députés.

Quand nous aurons fixé pour chaque arrondissement le nombre des représentants,, nous ne pourrons pas donner 2 sénateurs à celui qui aura 5 représentants et 3 sénateurs à celui qui n'aura que 4 représentants. Ce serait aller à l'absurde.

Maintenant quelqu'un a-t-il dénié à l'arrondissement de Mons son cinquième député ?

Non, on ne dénie pas à l'arrondissement de Mons son cinquième député ; mais l'arrondissement de Charleroi demande un cinquième député et le demande à l’arrondissement de Soignies. Si la question était résolue en faveur de Charleroi je comprendrais que, chaque district ayant alors 5 députés, les deux arrondissements pusseut concourir pour avoir un troisième sénateur.

Mais si vous ne distrayez pas un député à l'arrondissement de Soignies et personne ne demandant à distraire un député à l’arrondissement de Mons, l'arrondissement de Charleroi, restant avec 4 députés, doit nécessairement se contenter de deux sénateurs. Or, j'ai entendu hier invoquer continuellement l'équité et rien que l'équité en faveur de l'arrondissement de Soignies : moi je trouve que la plus rigoureuse justice exige que l'arrondissement de Soignies conserve ses trois députés.

Mon argument est fondé sur des chiffres ; seulement j'interprète les chiffres autrement que tous les membres qui ont pris la parole dans la discussion. On a toujours fait des additions, on est arrivé à tel excédant pour l'un des deux arrondissements, à tel excédant pour l'autre arrondissement. Je raisonne autrement ; j'examine quelle est la population (page 910) des deux districts ; je trouve pour l'arrondissement de Soignies 99,184 habitants ; or, en ne laissant que deux représentants à l'arrondissement de Soignies, Soignies n'a plus qu'un seul représentant pour 49,600 habitants, tandis que l'arrondissement de Charleroi, avec ses quatre représentants, a un représentant pour 45,000 âmes.

La Constitution ne dit pas qu'il faut un député pour 40,000 habitants ; mais elle dit qu'il ne peut pas y en avoir plus d'un pour 40,000 habitants Eh bien, dans la répartition, il faut se rapprocher le plus possible de ce chiffre.

Serait-il juste qu'un arrondissement, n'ayant qu'un représentant pour 49,600 habitants, dût se sacrifier pour un arrondissement qui en a déjà un pour 45,000 habitants ? Je dis que l'arrondissement de Charleroi, avec quatre députés, est beaucoup mieux représenté que l'arrondissement de Soignies avec deux députés ; en supposant donc que le septième député ne fût pas déterminé, il faudrait nécessairement l'attribuer à l'arrondissement de Soignies, qui est le plus mal représenté.

Ainsi, le septième député étant conservé à l'arrondissement de Soignies, et l'arrondissement de Charleroi restant avec quatre députés, je défie l'honorable M. Dumortier de citer un seul antécédent d'après lequel on aurait attribué trois sénateurs à un district qui n'avait que quatre représentants

S'il s'agissait d'un second sénateur à nommer, je comprendrais qu'on attribuât un troisième sénateur à un arrondissement en possession de 5 députés ; je comprendrai que l'arrondissement de Charleroi eût 3 sénateurs pour 5 députés. Mais je ne pourrais jamais comprendre que là où à raison d'une population de 40,000 habitants par représentant on n'a droit qu'à 4 représentants, on puisse avoir droit à trois sénateurs.

M. Pirmez. - Messieurs, lorsque hier, j'ai abordé pour la première fois le débat qui nous occupe en ce moment, j'ai dit que l'arrondissement de Charleroi avait droit à un représentant et à un sénateur de plus que ceux que le projet en discussion lui assigne.

Le représentant, je le demandais à l'arrondissement de Soignies, dont l'excédant de population sur le nombre d'habitants suffisant pour lui faire obtenir, de plein droit, des mandataires à la Chambre, était le moins considérable ; j'ajoutais que l'arrondissement de Charleroi était, en outre, fondé à revendiquer à l'arrondissement de Mons le sénateur nouveau que le projet lui attribue, parce que la population de la première de ces circonscriptions était supérieure à celle de la seconde.

Je n'élevais alors aucune prétention contre la nomination d'un nouveau représentant pour Mons. La raison en est simple ; si un représentant de Soignies était reporté à Charleroi, la partie de sa population non représentée à la Chambre obtenait satisfaction et n'avait plus à entrer en lutte avec Mons que pour lui disputer un mandataire au Sénat. Mais il est parfaitement incontestable que si, faisant abstraction de la réclamation dirigée contre Soignies on considère seulement Charleroi placé en concurrence avec Mons, les raisons qui appuyaient la réclamation pour le sénateur de Mons devaient aussi lui faire attribuer le cinquième représentant que le projet lui accorde.

Je veux laisser Soignies en dehors du débat et mettre en regard la position de Mon et de Charleroi.

Quelle est celle de ces deux localités dont la population est supérieure à celle de l'autre ?

Si on tient compte de la population à la fin de l'année dernière, nous le reconnaissons, Mons a une population plus considérable.

Si, au contraire, on veut prendre la population au mois de juin prochain, la supériorité appartient à Charleroi. (Interruption.)

Je prouverai à l'évidence qu'il en est bien ainsi.

Est-ce au 31 décembre 1856 que la population doit être examinée ? Est-ce au mois de juin prochain ?

Voilà la question.

Eh bien, que dit l'exposé des motifs ? Il déclare que si l'on prenait la population au 31 décembre 1858, il y aurait impossibilité de nommer 116 représentants, comme le propose le projet de loi. Il faut, pour justifier ce nombre, majorer la population existante au 31 décembre 1858 de l'accroissement présumé jusqu'au mois de juin prochain.

Evidemment, il n'existe pas pour cette époque de statistique nous indiquant comme fait accompli le nombre d'habitants à une époque encore future, mais le gouvernement considère comme donnant une certitude complète les révélations des années antérieures.

Remarquons-le bien, dans l'ordre d'idées où le gouvernement admet la véracité, l'infaillibilité de ces révélations, il s'agit d'une décision extrêmement grave. Une défense constitutionnelle est engagée : la Constitution nous défend d'une manière absolue de fixer le nombre des représentants au-delà de la proportion d'un membre de la Chambre par 40,000 habitants. Mais la confiante qu'inspirent les résultats de la statistique des années antérieures est telle, qu'on ne craint pas de dire : « Nous pouvons élever le nombre des représentants à 116, sans craindre de violer la Constitution, ni le serment que nous avons prêté ; les faits constatés répondent de ceux qui n'ont encore pu l'être. »

Eh bien, si vous admettez cette certitude, lorsqu'il s'agit d'une décision si grave, pouvez-vous reculer, lorsque ce n'est plus un principe constitutionnel, mais une simple répartition qui se trouve en jeu ?

Evidemment non.

Est-il d'ailleurs douteux qu'aumois de juin prochain, la population de Charleroi excédera celle de Mons ?

Mon honorable ami M. Sabatier vous a présenté des calculs qui effacent jusqu'au plus léger doute.

Nous avons basé les calculs sur les dix ans qui se sont écoulés entre les recensements généraux de 1846 et de 1856, nous les avons basés séparément sur les années 1857 et 1858, enfin nous les avons refaits sur les douze ans formés de ces deux périodes. Le résultat a été le même. De toute manière il démontre que l'accroissement annuel de la population de l'arrondissement de Charleroi est tellement supérieur à celui de l'arrondissement de Mons, que les cinq premiers mois de l'année doivent nécessairement donner la supériorité de plusieurs centaines d'habitants à l'arrondissement de Charleroi.

Il est un fait remarquable dans cette statistique, c'est que la différence de l'augmentation annuelle entre l'arrondissement de Charleroi et celui de Mons est plus grande pour les deux dernières années que pour la période antérieure. Ainsi, bien loin d'avoir à craindre un ralentissement dans l'augmentation relative de la population de Charleroi, tirant une conclusion des faits constatés, il faut dire que cette augmentation sera plus grande cette année que les années précédentes ; nous pouvons donc considérer comme certain qu'au mois de juin prochain la population de Charleroi sera supérieue.

Ce point constaté en fait, revenons à la question principale.

Est-ce laflin de décembre, de mai, est-ce au prochain mois de juin que nous devons arrêter nos calculs ?

Mais si vous vous basez sur la population de juin, pour fixer le nombre des membres de la législature, comment les répartir d'après la population du mois de décembre ?

Est-il raisonnable de distribuer les différentes nominations d'après une population qui n'est pas celle qui donne lieu à ces nominations ?

Vos 116 représentants et vos 58 sénateurs ne peuvent être nommés que par l'accroissement de la population pendant les cinq premiers mois de cette année, et l'on ne voudrait pas les attribuer aux arrondissements qui ont eu cet excédant !

Voyez l'injustice, l'augmentation de notre population serait comptée pour augmenter le nombre total des membres de la législature, et ils seraient attribués à d'autres. Cette population serait comptée, mais Mons en aurait les bénéfices, tandis que si on n'augmentait le nombre des représentants et des sénateurs que d'après une statistique faite dans quelques mois seulement, nous en obtiendrons la nomination.

L'inadmissibilité d'un pareil résultat est frappante.

Maintenant quelle est l'objection qui nous est faite ? Qu'il y aurait, si l'amendement de M. Dumortier était admis, inégalité entre le nombre des représentants et des sénateurs, que l'équilibre des mandataires du pays aux deux corps législatifs n'existerait plus.

Le reproche s'adresse à notre modération. Si nous avions dit à Mons : « Nous devons prendre pour base la population du mois de juin, votre sénateur et votre représentant doivent nous être attribué, que deviendrait l'objection ? Nous aurions renversé les termes : les chiffres des représentants et des sénateurs attribués à Mons passeraient à Charleroi et ceux de Charleroi passeraient à Mons ; l'argument de MM. Charles et Henri de Brouckere viendrait à tomber.

Mais, parce que nous avons pensé que dans cette répartition entre Mons et Charleroi il y avait une sorte d'iniquité à donner tout à l'un et à tout reprendre à l'autre, parce que nous avons été équitables, on nous repousse, on nous dit : Parce que vous n'avez pas demandé tout, vous n'aurez n'en.

Est-il digne de la Chambre d'eu agir ainsi ? Se trouve-t-elle en présence d'un principe si rigoureux qu'il soit impossible de décider qu'un arrondissement aura le représentant, l'autre le sénateur ?

Messieurs, je le reconnais, généralement dans chaque district le nombre des sénateurs est en rapport avec le nombre des représentants, mais où est l'impérieuse nécessité qu'il en soit ainsi, l'obligation d'écarter pour y obéir toute considération d'équité ?

Les sénateurs et les représentants ne représentent pas tel ou tel arrondissement, mais le pays tout entier ; c'est dans l'ensemble que le nombre des sénateurs doit être égal à la moitié de celui des représentants ; mais pour chaque arrondissement il n'en est pas ainsi. Cette obligation existe tellement peu, que dans beaucoup d'arrondissements le nombre des sénateurs est inférieur ou supérieur à la moitié de celui des représentants.

Il faut être conséquent et reconnaître que l'inégalité peut exister pour Charleroi et pour Mons.

Je dirai que la singularité de la position qui nous est faite a été signalée d'une manière bien remarquable par M., Ch. de Brouckere. Si vous réussissiez, a-t-il dit, à enlever à Soignies un député, on examinerait s'il y a lieu de vous donner un sénateur de plus. Ce serait précisément parce que nous n'obtiendrions pas le représentant que nous n’urions pas de sénateur, de sorte que parce que d'un côté nous ne sommes pas assez représentés, nous ne devrions pas l'être de l’autre. Un pareil systèmeetst-il assez inique ?

Je me résume, messieurs.

Si nous voulions agir comme Mons et demander sénateur et représentant, nous avions le droit de le faire parce que au mois de juin, époque (page 911) pour laquelle la répartition est faite, nous aurons une population plus forte que celle de Mons ; mais, nous le reconnaissons, la différence ne sera pas assez grande pour qu'il soit équitable de nous attribuer ces deux mandataires ; mais dans cette position presque égale il y a une mesure de justice et d'équité à prendre, c'est d'attribuer le sénateur à l'un, le représentant à l'autre ; que Mons choisisse, mais qu'il ne prenne pas les deux.

La Chambre ne peut vouloir que nous soyons ainsi sacrifiés.

M. Van Iseghem. - Je ne viens pas demander qu'on enlève à tel ou tel arrondissement un représentant ou un sénateur, mais je désire dire quelques mots sur une question beaucoup plus simple, que je soumets à la Chambre. (erratum, page 931) Je désire que pour l'élection du sénateur, on détache l'arrondissement d'Ostende de Furnes et qu'on réunisse Dixmude à Furnes.

Nous avons dans la province de Flandre occidentale 3 arrondissements, qui ont une population inférieure à 80,000 habitants, et qui doivent élire ensemble 2 sénateurs. Il est juste de laisser voter seul l'arrondissement le plus populeux et, c'est l'arrondissement que j'ai l’honneur de représenter dans cette enceinte qui doit avoir la préférence.

C'est le principe qui a été admis par la loi de 1847 ; à cette époque c'était Dixmude qui devait avoir le choix, cet arrondissement avait une population plus forte que les deux autres arrondissements ; aujourd'hui cette position est changée. Voici les chiffres :

En 1846 l'arrondissement de Dixmude avait 46,915 habitants et celui d’Ostende seulement 43,990 habitants. Donc, en faveur de Dixmude 2,925 habitants.

Au 31 décembre 1858, Ostende a 47,157 habitants et Dixmude 45,050 habitants. Donc en faveur d’Ostende 2,107 habitants.

Ainsi, depuis 1846 la population de l'arrondissement d'Ostende est augmentée de 3,167 habitants, et celle de Dixmude a diminué de 1,865 habitants, et la population d'Ostende augmente annuellement.

C'est donc une justice que je viens réclamer. Outre le chiffre de la population, il y a encore d'autres arguments en faveur de l'arrondissement d'Ostende. Entre les villes de Dixmude et de Furnes il existe un chemin de fer et on y met une demi-heure pour y aller, tandis que pour se rendre d'Ostende à Furnes on doit mettre au moins, par la route ordinaire, deux heures.

Supposez un ballottage, si les deux arrondissements d'Ostende et Furnes restent réunis ; les scrutateurs d'Ostende ne peuvent jamais être à Furnes avant deux heures, et en conséquence être de retour à Ostende avant cinq heures de l'après-midi, donc trop tard pour commencer le même jour le ballottage, tandis que si mon amendement passe et que Dixmude est réunie à Furnes, le ballottage, le cas échéant, peut encore se faire le même jour.

D'un autre côté, les arrondisssements administratifs de Dixmude et Furnes appartiennent au même arrondissement judiciaire et les deux districts sont administrés par le même commissaire. Dixmude compte moins d'électeurs qu'Ostende. En 1846, le premier arrondissement avait 70 électeurs de plus, tandis que l'arrondissement d'Ostende a maintenant 62 votants de plus que Dixmude.

Par ces divers motifs, j'ai l'honneur de proposer l'amendement suivant :

« Arrondissement d'Ostende, 1 représentant, 1 sénateur.

« Arrondissement de Dixmude, 1 représentant.

« Arrondissement de Furnes, 1 représentant,

« Arrondissement de Dixmude et de Furnes, 1 sénateur.

« Le bureau pour l'élection du sénateur est établi à Furnes. »

- M. le président. - Je propose, pour la clarté de la discussion, de terminer d'abord la question en ce qui concerne le Hainaut. (Adhésion.)

La parole est à M. Dolez.

M. Dolez. - Je n'ai que quelques mois à dire ; je n'abuserai pas longtemps de la patience de la Chambre. Je conçois qu'elle soit fatiguée d'un débat que je considère comme complétement épuisé ; après les arguments qui ont été développés par l'honorable M. Henri de Brouckere et par M. Charles de Brouckere, la conviction de la Chambre doit être formée.

Je ne pense pas qu'elle puisse admettre cette situation étrange qui donnerait à en district 4 représentants et 3 sénateurs et à un autre district 5 représentants et 2 sénateurs. La logique de l’honorable M. Pirmez ne s'y est pas méprise. Aussi vous a-t-il à peu près demandé de doubler encore la dose de faveur qu'il réclame pour l'arrondissement de Charleroi, et il est assez digue d'intérêt de signaler quelle a été la marche de notre collègue dans ce débat.

Dans le discours qu'il a prononcé à la séance d'hier, l'honorable M. Pirmez nous disait :

« La Chambre sait que la répartition des représentants et des sénateurs se fait d'abord entre les provinces dans la proportion de leur population.

Cette première opération assigne à la province de Hainaut 20 représentants et 10 sénateurs.

« Parmi ces vingt représentants il en est 17 qui se trouvent attribués aux divers arrondissements sans contestation possible, parce que l'attribution est faite sur le nombre plein de 40,000 habitants.

« Il en reste 3 qui, d'après les principes indiqués dans l'exposé des motifs comme base du projet, doivent être nommés par les arrondissements dont l'excédant est le plus fort après qu'on a divisé le chiffre de la population par 40,000.

« Quels sont ces arrondissements ?

« D'après la population au 31 décembre 1858,

« Tournai a un excédant de 28,999 habitants., ce qui lui donne droit à 0,72 représentant.

« Mons a un excédant de 20,659 habitants, ce qui lui donne droit à 0,52 représentant,

« Charleroi a un excédant de 20,061 habitants, ce qui lui donne droit à 0,50 représentant.

« Soignies a un excédant de 19,184 habitants, ce qui lui donne droit à 0,48 représentant.

« Evidemment, les trois représentants qui ne portent pas sur des nombres complets doivent, d'après le principe admis, être attribués à Tournai, Mons et Charleroi. »

Hier le droit de Mons a un représentant de plus était évident pour l'honorable M. Pirmez et aujourd'hui il affirme que c'est par modération, par générosité que l'arrondissement de Charleroi ne réclamait pas pour lui-même ce représentant, puisque d'après ses calculs cet arrondissement devait obtenir par la loi nouvelle deux représentants et un sénateur de plus. Et cependant hier c'était au nom des principes que le projet attribuait un représentant de plus à chacun des arrondissements de Mons, de Tournai et de Charleroi ; selon lui, il ne pouvait y avoir de doute à cet égard.

Quant au sénateur, que disait hier M. Pirmez ? Après avoir posé des chiffres qui paraissaient de nature à établir certains droits pour Charleroi :

« Au 31 décembre dernier la population de l'arrondissement de Mons était supérieure à celle de l'arrondissement de Charleroi, de 600 habitants environ.

« Cette légère différence fait attribuer à Mons un représentant sénateur. Eh bien, si l'on calcule quelle doit être la population de Mons et de Charleroi au mois de juin prochain, on acquiert la conviction que la différence se renverse et que Charleroi devrait obtenir le sénateur assigné à Mons.

« Mons 1856 : 175,652 ; 1858 : 180,039 ; augmentation annuelle : 2,493 ; en 5 mois : 1,35 : excédant au 1er juin 1859 : 21,674.

« Cependant nous ne réclamons pas à ce sujet quoique nous soyons en droit de le faire, nous ne le faisons pas parce qu'il y a une raison pour une époque quelconque, tandis que pour Soignies il n'y en a aucune »

L'honorable M. Pirmez reconnaissait donc, hier, le droit de Mons à avoir un sénateur de plus, et il ne réclamait pas ce sénateur. Mais comme il voit qu'il ne peut conquérir sur le district de Soignies le représentants qu'il voulait lui enlever, il se retourne vers le sénateur que le projet attribue à Mons, avec l'assentiment de M. Pirmez lui-même et il vous demande de consacrer cette combinaison évidemment inadmissible parce que l'esprit de la Constitution la repousse, par laquelle un arrondissement qui aurait 4 représentants aurait un nombre à peu près égal de sénateurs tandis qu'un autre arrondissement qui aurait 5 représentants n'aurait que 2 sénateurs.

L'honorable M. Pirmez puise son grand argument dans l'accroissement présumé de la population du district de Charleroi d'ici au mois de juin. Je crois que l'honorable membre s'expose à un mécompte quand il calcule ainsi.

La population de Charleroi, dans les dernières années, a été notablement influencée par des circonstances qui n'existent plus dans cet arrondissement. Ces circonstances, ce sont les grands travaux d'utilité publique qui y ont été créés.

Ainsi dans ces dernières années, on y a, si je ne me trompe, exécuté l'élargissement des écluses du canal de Charleroi, l'approfondissement de la Sambre, le chemin de fer de Louvain à Charleroi et d'autres encore.

Il est évident que l'agglomération d'hommes appelés par ces grands travaux a eu une influence marquée sur l'accroissement de la population. Ces circonstances n'existent plus aujourd'hui ; Charleroi est rentré dans une situation normale, et il y a lieu de croire que l'accroissement de population qui s'est manifesté dans les années antérieures ne continuera pas tout à fait dans la même proportion.

Aussi, remarquez-le bien, le gouvernement ne propose-l-n pas la répartition enre les arrondissements d'après la population présumée au mois de juin ; il l'établit d'après la population certaine.

Il calcule d'après la population présumée quand il s'agit de la population générale, et il a parfaitement raison d'en agir ainsi, parce que la population qui se déplace d'un côté va se replacer de l'autre.

Je peux, messieurs, donner un argument décisif pour démontrer quelle est la différence entre la population de Mons et celle de Charleroi au point de vue du caractère sédentaire permanent de ces populations.

(page 912) La population nomade, celle qui n'est pas établie d'une manière permanente dans un arrondissement, ne fournit pas d'électeurs. Au contraire, la population stable, qui appartient réellement au territoire, qui ne l'abandonne pas, donne des électeurs en proportion de son nombre. Or, voici les chiffres comparatifs des électeurs de l'arrondissement de Mons et des électeurs de l'arrondissement de Charleroi. Aux dernières élections, il y avait dans l'arrondissement de Charleroi 2,991 électeurs et dans l'arrondissement de Mons il y en avait 3,676, c'est-à-dire près de 900 électeurs en plus.

Messieurs, ce fait n'est-il pas décisif pour renverser les arguments tirés par l'honorable M. Pirmez de l'accroissement futur et présumé de la population de l'arrondissement de Charleroi ?

Quant à nous, messieurs, nous ne tenons pas compte de ce que pourra être la population dans un temps donné ; nous prenons la population pour ce qu'elle est, telle que l'a constatée la statistique et d'après les constatations nous avons à Mons une population plus importante qu'à Charleroi. Dès lors le droit de même que la logique constitutionnelle s'élèvent en faveur de l'arrondissement de Mons.

Je ne veux pas pousser plus loin mes observations. Je crois que déjà les honorables MM. de Brouckere et d'autres membres avaient péremptoirement répondu à l'argumentation de l'honorable M. Dumortier et des honorables députés de Charleroi, et j'attends avec confiance la décision de la Chambre.

- La clôture est demandée.

M. Coomans (contre la clôture). - Si la Chambre veut en finir, elle en est la maîtresse ; mais j'aurais désiré présenter une observation qui n'a pas encore été produite et qui ne prendrait que deux minutes au plus.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée. En conséquence, la discussion générale continue.

M. Sabatier. - Messieurs, l'argument le plus péremptoire que nous ayons à présenter pour demander pour l'arrondissement de Charleroi le député et le sénateur que l'on veut attribuer indûment à l'arrondissement de Mons (nous le démontrons), consiste à examiner les chiffres de la population de l'arrondissement de Charleroi et de l'arrondissement de Mons, non pas à l'époque du 31 décembre, comme l’indique le tableau distribué à la Chambre, mais à l'époque indiquée par le gouvernement lui-même pour établir le chiffre de la population, qui lui a permis d'arriver au nombre de 116 députés.

L'honorable M. Dolez a parfaitement bien compris que c'était là un argument complétement sérieux ; l'honorable M. H. de Brouckere l'a si bien compris également que les deux députés de Mons cherchent à établir que le chiffre de la population de Charleroi n'est pas réellement celui que nous indiquons.

Ils ont dit que la population de Charleroi était une population nomade, qu'elle ne s'était accrue aussi considérablement depuis quelques années que parce l'on avait exécuté dans notre arrondissement de grands travaux, notamment l'élargissement des écluses du canal, l'approfondissement de la Sambre, puis enfin la construction du chemin de fer de Charleroi à Louvain et que ces travaux avaient attiré momentanément un grand nombre d'ouvriers que nous faisons entrer en ligne de compte dans la supputation du nombre d'habitants.

Je répondrai aux honorables membres qu'ils se trompent complétement, attendu que les écluses sont élargies depuis quatre ans ; le chemin de fer de Louvain est construit depuis quatre ou cinq ans, et quant à l'approfondissement de la Sambre, hélas, je regrette qu'il n'ait pas eu lieu.

Je voudrais qu'à cet égard les honorables députés de Mons eussent raison. Depuis longtemps déjà nous réclamons cet approfondissement et je désire vivement que le lapsus commis par l'honorable M. Dolez soit pour nous un heureux pronostic. Les travaux faits dans l'arrondissement de Charleroi ne sont donc pas la cause déterminante de l'accroissement de sa population et en tout cas du chiffre de sa population actuelle. Depuis quatre ans ces travaux sont terminés, et, ainsi que je l'ai démontré il n'y a qu'un instant, c'est dans les deux dernières années que notre population a le plus progressé.

Pour réfuter l'argument basé sur le chiffre de la population, argument que nous invoquons à l'appui de notre réclamation, après donc s'être occupé de la quantité, on se rejette pour ainsi dire sur la qualité des habitants de l'arrondissement ; on prétend qu'un grand nombre de Flamands viennent habiter momentanément l'arrondissement de Charleroi et puis disparaissent au bout de quelque temps ; que si l'industrie venait à péricliter, un certain nombre de ces ouvriers étrangers à l'arrondissement seraient obligés de retourner dans leurs foyers et que si alors on faisait un recensement, on trouverait une population beaucoup moindre.

C'est encore là une erreur. Un certain nombre d'ouvriers flamands sont venus s'installer dans les environs de Charleroi, notamment à Gilly il y a huit à dix ans et nous savons pour quels motifs ; c'est parce que la misère était tellement grande que les populations devaient abandonner leur foyer pour se transporter là où il y avait quelque argent à gagner et du pain à manger. Ces ouvriers ont contracté mariage, ont eu des enfants qui sont fixés dans l'arrondissement de Charleroi. Appelez-les Flamands si vous voulez ; mais ce ne sont pas moins des habitants de l'arrondissement et non pas des nomades.

L'honorable M. H. de Brouckere nous a dit : Tous les ouvriers gagnent 5 fr. par jour à Charleroi, et des ouvriers flamands doivent par suite de cette forte journée arriver en foule à Charleroi. C'est une erreur très grande, et la troisième que je relève ; l'honorable membre a été mal renseigné. Ouvrez les tableaux statistiques donnés par le gouvernement, et vous verrez que la journée des ouvriers des charbonnages, qui sont ceux qui gagnent le plus est en moyenne de 2 fr. 99.

M. H. de Brouckere. - C'est l'honorable M. Pirmez qui a adopté le chiffre de 5 fr.

M. Sabatier. - L'honorable M. Pirmez a parlé des ouvriers qui gagnent le plus ; mais il faut aussi tenir compte de ceux qui gagnent le moins, et ils sont nombreux.

J'en viens au dernier argument de l'honorable M. Dolez. C'est qu'il y aurait beaucoup plus d'électeurs dans l'arrondissement de Mons que dans l'arrondissement de Charleroi. Je demanderai à l'honorable membre depuis quand ce sont les électeurs seuls qui ont le droit d'être représentés.

Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il y ait plus d'électeurs dans l'arrondissement de Mons que dans l'arrondissement de Charleroi ; cet arrondissement à une ville plus considérable que celui de Charleroi, par conséquent l'arrondissement de Mous doit donner plus d'électeurs. Mais cela n'empêche pas que les habitants de Charleroi, à l'époque choisie, pour de bonnes raisons, par le gouvernement pour arriver au chiffre de 116 députés, ont aussi bien le droit d'être représentés que les habitants de l'arrondissement de Mons.

Je borne là mes observations ; elles prouvent surabondamment que le chiffre de la population de notre arrondissement doit être pris très au sérieux, et j'espère encore une fois que les sentiments de justice de la Chambre ne nous feront pas défaut pour qu'il soit fait droit à nos réclamations.

Nous avons droit à un député et à un sénateur de plus. Nous nous contentons du sénateur, le vote doit nous donner satisfaction sur ce point.

M. Coomans. - L'arrondissement de Mons a un excédant de 20,000 âmes. Pour cet excédant de 20,000 âmes on lui donne un représentant et un sénateur, et cet excédant n'existe que depuis peu.

L'arrondissement que je représente a un excédant de 25,000 et des âmes depuis dix à douze ans et, pour le dire en passant, on aurait bien pu tenir compte de la question de temps dans le projet de loi pour cet excédant de 20,000 et des âmes, on ne donne à Turnhout qu'un seul représentant.

Je ne me plains pas aujourd'hui, je ne demande pas de sénateur, je me tais, sans admirer la répartition proposée. Mais je suis étonné que l'arrondissement de Mons persiste à vouloir pour un moindre nombre d'habitants, un nombre plus considérable de représentants aux Chambres que d'autres districts n'en possèdent.

- La discussion, en ce qui concerne le Hainaut, est close.

Vote des articles (amendements)

M. le président. - MM Pirmez et Sabatier persistent-ils dans leur amendement, en ce qui concerne l'arrondi sèment de Soignies ?

M. Pirmez. - Nous le retirons.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. B. Dumortier.

- Plusieurs membres : L'appel nominal.

- L'amendement de M. B. Dumortier est mis aux voix par appel nominal.

94 membres prennent part au vote.

46 votent pour l'amendement.

48 votent contre.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, d'Hoffschmidt, Dubus, B. Dumortier, Henri Dumortier, d'Ursel, Faignart, L. Goblet, Janssens, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, Magherman, Malou, Moncheur, Nélis, Notelteirs, Pirmez, Rodenbach, Sabatier, Tack, Thienpont, Vanden brandon de Reeth, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Coomans, de Decker, De Fré, de la Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode et de Mérode-Westerloo.

Ont voté le rejet : MM. de Renesse, Devaux, de Vrière, Dolez, Frère-Orban, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lelièvre, Manilius, Mascart, Moreau, Muller, Orban, Orts, Pirson, Prévinaire, Rogier, Saeyman, Savart, Tesch, Thiéfry, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Vervoort, Wala, Allard, Ansiau, Coppieters t' Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Ch. de Brouckere, H. de Brouckere, Dechentinnes, Deliége, de Luesemans, de Moor et Verhaegen.


M. de Breyneµ. - Messieurs, je viens m'opposer à l'amendement présenté tout à l'heure par l'honorable représentant d'Ostende. Cet amendement avait été produit dans la sixième section ; cette section avait émis le vœu que la section centrale examinât la question ; la section centrale l'a examinée et s'est prononcée pour que les choses restassent dans le (page 913) statu quo ; c'est-à-dire pour que l'arrondissement de Dixmude continuât à nommer un sénateur, comme il le fait depuis 12 ans.

L'honorable représentant d'Ostende dit que la population de l'arrondissement de Dixmude a diminué et que celle d'Ostende a augmenté ; que la différence est aujourd'hui de plus de 2,000 âmes. Messieurs, je ne contesterai pas les statistiques qui ont été produites ; je reconnaîtrai, tout d'abord, que la population de l'arrondissement de Dixmude a diminué de quelques centaines d'habitants, parce qu'un grand nombre d'ouvriers sont allés en France, pour y gagner un salaire beaucoup plus élevé que celui qu'ils obtenaient chez eux ; mais, d'un autre côté, je demande si la statistique est bien exacte en ce qui concerne la population d'Ostende ; je demande s'il y a une ville dans toute la Belgique où la population soit plus flottante que dans ce port de mer.

M. Rodenbach. - C'est comme les flots de la mer.

M. de Breyneµ. - Par conséquent, messieurs, si, par suite de causes accidentelles, la population de l'arrondissement de Dixmude est plus ou moins diminuée, est-ce que les effets de ces accidents ne seront pas détruits peut-être dans un an, alors que la population d'Ostende serait diminuée à la même époque ? Il suffit d’un petit mouvement politique en Europe, pour éloigner d'Ostende toute la colonie anglaise qui compte pour une si large part, dans le chiffre des habitants de cette ville.

On nous dit, messieurs, que les intérêts de l'arrondissement de Furnes et ceux de l'arrondissement d'Ostende ne sont pas les mêmes. Je ne partage nullement cette manière de voir : Quel est la principale industrie de l'arrondissement d'Ostende ? C'est la pêche. Quelle est la principale industrie de l'arrondissement de Furnes ? C'est aussi la pêche.

Les deux arrondissements touchent à la mer. Ostende, Nieuport et la Panne ont les mêmes intérêts.

Quant à la distance et à la facilité des relations, il est vrai, messieurs, que nous avons aujourd'hui un chemin de fer qui rapproche Dixmude et Furnes, mais il y a aussi des communications très faciles entre Furnes et Ostende ; il y a plusieurs services de diligences entre ces deux villes.

Ostende, messieurs, n'a pas le droit de se plaindre. Ostende est une résidence royale, Ostende reçoit, tous les ans des avantages de toute espèce ; l'Etat fait des sacrifices considérables dans l'intérêt d'Ostende.

Mais je dirai avec un honorable député de Soignies que l’appétit vient en mangeant, et à mesure qu'Ostende reçoit des faveurs de l'Etat, Ostende demande toujours davantage. C'est ainsi que nous avons vu récemment se former, en cette ville, des réunions assez animées, pour demander la concession d'un établissement qui n'est pas nécessaire pour moraliser l'arrondissement ni la province.

Mon honorable ami M. Van Iseghem a soutenu qu'il n'y a pas de comparaison à établir entre l'importance de la ville d'Ostende et l'importance de la ville de Dixmude.

Eh bien, messieurs, je citerai à cet égard un fait qui se rattache directement au point en discussion. Pour élire un sénateur, il faut des éligibles. Je sais bien qu'on peut choisir dans le pays entier, mais un arrondissement tient toujours à honneur d'être représenté par des hommes à lui. Eh bien, messieurs, sur 105 éligibles au Sénat, l'arrondissement de Dixmude en compte 5 payant le cens complet et 5 qui figurent sur la liste supplémentaire, et savez-vous combien Ostende en compte ? Un seul, qui figure sur la liste supplémentaire.

Je n'en dirai pas davantage parce que la Chambre est impatiente d'en finir, mais j'insiste, messieurs, pour que vous repoussiez l'amendement de l'honorable M. Van Iseghem et que vous mainteniez les choses dans le statu quo.

- Quelques voix : La clôture !

M. Van Iseghem. - Je demande la parole.

- De toutes parts : Aux voix, aux voix.

M. Van Iseghem. - Je comprends que la Chambre soit impatiente d'arriver au vote et je lui promets d'être court.

Je ne dirai que quelques mots. Je commencerai par protester contre ce que l'honorable député de Dixmude vient de dire au sujet d'une démonstration qui a eu lieu il y a quelque temps à Ostende. Mes concitoyens ont trouvé que leurs intérêts étaient compromis par suite d'une certaine mesure prise pour le renouvellement d'une certaine concession, ils se sont émus et ils se sont réunis paisiblement pour la défense de leurs intérêts et (erratum, page 931) pour adresser sur leurs réclamations auprès du gouvernement ; cette réunion était très légale et très constitutionnelle.

On a tort de dire que ce qu'on réclame à Ostende est immoral, tandis que la même chose est autorisée ai leurs.

Pour ce qui regarde la population, (erratum, page 931) le recensement a été fait au 31 décembre à une époque où il n'y a plus de baigneurs ou de population flottante à Ostende. Ainsi les chiffres de la population qui se trouvent renseigné dans les tableaux annexés au projet de loi sont très réels. (La clôture, la clôture !)

- L'amendement présenté par M. Van Iseghem est mis aux voix et n'est pas adopté.

On passe au vote des articles du projet de loi.

Article premier

« Art. 1er. Le tableau de la répartition des représentants et des sénateurs, arrêté par le décret du 3 mars 1831 et successivement modifié par les lois du 3 juin 1839 et du 31 mars 1847, est remplacé par le tableau suivant :

« Province d'Anvers : 11 représentants et 6 sénateurs.

« Arrondissement d'Anvers : 5 représentants, 3 sénateurs.

« Arrondissement de Malines : 3 représentants, 2 sénateurs.

« Arrondissement de Turnhout : 3 représentants, 1 sénateur.


« Province de Brabant : 19 représentants et 10 sénateurs.

« Arrondissement de Bruxelles : 11 représentants, 6 sénateurs.

« Arrondissement de Louvain : 4 représentants, 2 sénateurs.

« Arrondissement de Nivelles : 4 représentants, 2 sénateurs.


« Province de la Flandre occidentale : 16 représentants, et 8 sénateurs.

« Arrondissement de Bruges : 3 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement d’Ypres : 3 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement de Courtrai : 3 représentants, 2 sénateurs.

« Arrondissement de Thielt : 2 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement de Roulers : 2 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement de Dixmude : 1 représentant, 1 sénateur.

« Arrondissement de Furnes : 1 représentant.

« Arrondissement d’Ostende : 1 représentant.

« Ces deux derniers arrondissements éliront ensemble un sénateur ; le bureau principal est établi à Furnes.


« Province de la Flandre orientale : 20 représentants et 10 sénateurs.

« Arrondissement de Gand : 7 représentants, 3 sénateurs.

« Arrondissement d’Alost : 3 représentants, 2 sénateurs.

« Arrondissement de Saint-Nicolas : 3 représentants, 2 sénateurs.

« Arrondissement d’Audenarde : 3 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement de Termonde : 3 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement d’Eecloo : 1 représentant, 1 sénateur.


(page 914) « Province de Hainaut : 20 représentants et 10 sénateurs.

« Arrondissement de Mons : 5 représentants, 3 sénateurs.

« Arrondissement de Tournai : 4 représentants, 2 sénateurs.

« Arrondissement de Charleroi : 4 représentants, 2 sénateurs.

« Arrondissement de Thuin : 2 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement de Soignies : 3 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement d’Ath : 2 représentants, 1 sénateur.


« Province de Liége : 13 représentants et 6 sénateurs.

« Arrondissement de Liége : 7 représentants, 3 sénateurs.

« Arrondissement de Huy : 2 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement de Verviers : 3 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement de Waremme : 1 représentant, 1 sénateur.


« Province de Limbourg : 5 représentants et 2 sénateurs.

« Arrondissement de Hasselt : 2 représentants, 1 sénateur.

« Arrondissement de Tongres : 2 représentants.

« Arrondissement de Maeseyck : 1 représentant

« Ces deux derniers arrondissements éliront ensemble un sénateur ; le bureau principal est établi à Tongres.


« Province de Luxembourg : 5 représentants et 2 sénateurs.

« Arrondissement d’Arlon : 1 représentant.

« Arrondissement de Bastogne : 1 représentant.

« Arrondissement de Marche : 1 représentant.

« Arrondissement de Neufchâteau : 1représentant.

« Arrondissement de Virton : 1 représentant.

« Les arrondissements réunis de Neufchâteau et de Virton éliront un sénateur ; le bureau principal est établi à Neufchâteau.

« Les arrondissements d'Arlon, de Bastogne et de Marche, éliront également ensemble un sénateur ; le bureau principal est établi à Arlon. »


« Province de Namur : 7 représentants et 4 sénateurs.

« Arrondissement de Namur : 4 représentants, 2 sénateurs.

« Arrondissement de Philippeville : 1 représentant, 1 sénateur.

« Arrondissement de Dinant : 1 représentant, 1 sénateur. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. La présente loi recevra son application dans toutes les provinces à partir du prochain renouvellement des Chambres.

« Dans les provinces de Hainaut et de Liége, le mandat des nouveaux élus expirera en même temps que celui des représentants et des sénateurs actuellement en foncions.

M. Malou. - Messieurs, je ne vois pas pourquoi on ne fixe dans la loi la date exécutoire qu'à partir des élections du mois de juin prochain. S'il y avait des élections dans l'intervalle, pourquoi la loi ne serait-elle pas appliquée à ces élections ?

M. Muller. - Je ferai observer que l'article 2 est mis en rapport avec la présomption presque certaine de l'augmentation de population jusqu'au mois de juin prochain.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 2 est mis aux voix et adopté,

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Voici le résultat de cette opération :

85 membres sont présents.

57 répondent oui.

12 répondent non.

16 s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. de Renesse, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Frère-Orban, Louis Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, Jos. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lelièvre, Manilius, Mascart, Moreau, Millier, Nélis, Orban, Orts, Prévinaire, Rogier, Saeyman, Savart, Tesch, Thierry, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Vau Iseghem, Van Leempoel, Van Renynghe, Vervoort, Wala, Allard, Ansiau, Coppietecrs 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Ch. de Brouckere, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, Deliége, de Moor et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. de Pitteurs-Hiegaerts, de Theux, d'Ursel, Janssens, Landeloos, Magherman, Notelteirs, Vanden Branden de Reeth, Vilain XIIII, de Liedekerke, de Man d'Attenrode et de Mérode-Westerloo.

Se sont abstenus : MM. de Muelenaere, de Naeyer, de Portemont, Desmaisières, Henri Dumortier, le Bailly de Tilleghem, Moncheur, Pirmez, Rodenbach, Sabatier, Tack, Thienpont, Vermeire, Verwilghen, Coomans, de Decker.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Muelenaere. - Messieurs, je me suis abstenu, parce qu'il ne m'est pas complétement démontré que le projet de loi respecte la disposition de l'article 4 jde la Constitution, d'après laquelle le nombre des députés ne peut excéder la proportion d'un députe sur 40,000 habitants.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole.

M. de Naeyer. - Messieurs, je n'ai pas voté contre le projet de loi parce que j'admets que, d'après le chiffre actuel de la population, il y a lieu d'augmenter le nombre des représentants et des sénateurs ; mais je n'ai pas voulu voter pour le projet, parce que je ne veux pas m'exposer au danger de violer la Constitution, de commettre une inconstitutionnalité, en fixant le nombre des représentants et des sénateurs d’après un chiffre de population qui ne me paraît pas suffisamment justifié.

M. le président. - La parole est à M. de Portemont.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. le président, j'ai demandé la parole.

M. le président. - Vous aurez la parole immédiatement après que les membres qui se sont abstenus auront fait connaître les motifs de leur abstention.

M. de Theux. - On ne peut pas séparer les abstentions du vote.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La parole ne peut m'être refusée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je suis obligé de me conformer au règlement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. le président, il y a autre chose que le règlement, il y a la Constitution qui donne le droit aux ministres d'être entendus quand ils le demandent...

- Un membre : Vous gênez la liberté des représentants.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne veux gêner en aucune manière la liberté des représentants. Mais on ne peut refuser la parole à un ministre, quand il la demande.

M. le président. - M. le ministre aura la parole, quand les orateurs qui se sont abstenus auront donné les motifs de leur abstention.

M. Dolez. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Messieurs, je comprends à merveille que jamais on ne doit prendre la parole pour interrompre un vote, et, sous ce rapport, s'il s'agissait d'interrompre un vote, je m'opposerais à ce que la parole fût accordée à M. le ministre de l'intérieur ; mais il ne s'agit plus du vote ; le vote a été émis…

(page 915) - Des membres. - Non ! Non !

- D'autres membres. - Si ! Si !

M. Dolez. - Le vote est acquis, cela est si vrai, que son résultat a été proclamé. Seulement il y a à demander à ceux qui se sont abstenus, c'est-à-dire à ceux qui n'ont pas voté, pourquoi ils n'ont pas voté. Eh bien, on leur demande de parler, parce que le règlement leur en fait un devoir et le président leur accorde successivement la parole. Or, avant d'accorder la parole à un membre de la Chambre, si un ministre la réclame, il a, de par la Constitution, droit de priorité. C'est une prérogative constitutionnelle du pouvoir qu'il représente, et cette prérogative ne peut être entravée.

Je crois donc que M. le ministre de l'intérieur est parfaitement dans son droit quand il réclame la parole avant les représentants, à qui le règlement l'impose, par suite de leur abstention de prendre part à un vote définitivement consommé.

M. de Theux. - Personne plus que moi dans toute ma carrière m'a donné de preuve de respect pour les prérogatives de la couronne ; mais aussi je défendrai toujours avec énergie les prérogatives de la Chambre. Il n'est permis à personne d'interrompre un vote ; et les abstentions sont le complément du vote.

Où nous mènerait la conduite contraire ? Si le ministre prétend répondre aux motifs d'abstention qui viennent d'être donnés ; s'il a le droit de répondre aux membres qui donnent les motifs de leur abstention, ces membres ont le droit de répliquer et vous aurez un débat interminable.

Je n »ai jamais entendu émettre une pareille prétention.

M. Devaux. - C'est une prérogative constitutionnelle du gouvernement qui est contestée et je m'étonne que ce soit un membre qui a été sept ou huit ans ministre qui vienne disputer à un organe du gouvernement le droit de parler quand il le demande. Ne sait-on pas que le gouvernement a le droit de prononcer la clôture de la session à tel moment qu'il juge opportun ? Et pour cela il faut bien qu'il obtienne la parole.

- Plusieurs voix. - Il faudrait un arrêté royal pour cela.

M. Devaux. - Sans contredit. La Constitution a voulu que le gouvernement eût toujours le droit de faire à la Chambre des communications dont lui juge l'urgence. (Interruption.)

Le vote était terminé quand M. le ministre de l'intérieur a réclamé la parole.

Il ne s'agissait plus que des explications de certains membres sur leur abstention ; le ministre pouvait donc user de son droit constitutionnel et il est seul juge de l'opportunité, car la Constitution dit qu'il a le droit d'être entendu quand il le demande ; je ne sache pas que jamais dans cette Chambre l'exercice de cette prérogative du gouvernement ait été entravé.

M. Henri Dumortierµ. - Je demanderai si les membres ont aussi le droit de lui répondre à leur tour.

M. Devaux. - M. le ministre à lui seul représente ici un des plus grands pouvoirs de l'Etat, et parle au nom de ce pouvoir ; il n'en est pas de même de chaque membre de la Chambre.

M. le président. - 16 membres se sont abstenus. Après avoir proclamé le résultat du vote, j'.i demandé aux membres qui s'étaient abstenus quels étaient les motifs de leur abstention ; après que deux membres les eurent donnés, M le ministre de l'intérieur a demandé la parole ; je me proposais de demander aux quatorze autres membres les motifs de leur abstention et j'aurais donné ensuite la parole à M. le ministre.

La question est de savoir si alors que deux membres avaient donné les motifs de leur abstention, le ministre ayant demandé la parole, il fallait interrompre l'opération pour la lui donner. J'ai pensé que je ne pouvais pas interrompre l'opération.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je fais observer que quand un ministre demande la parole il a le droit d'être entendu, c'est la Constitution qui parle.

M. le président. - Je dois faire observer le règlement ; il est possible que je me trompe, la Chambre décidera.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est un droit constitutionnel que j'invoque et pour lequel je fais mes réserves.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur fait ses réserves. Je vais consulter la Chambre ; la Chambre décidera.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il se peut qu'il y ait intérêt public à ce que le gouvernement s'explique instantanément, quand il le demande, il se peut qu'il demande la parole pour faire cesser un début qui met en péril la tranquillité publique. Le droit du gouvernement est manifeste ; il faut qu'il puisse l'exercer quand il le juge convenable.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La question dans le cas présent n'a pas une grande importance, mais je suppose qu'un membre eu donnant ses motifs d'abstention se livre à de graves accusations contre le gouvernement, émette une assertion mensongère qui puisse exercer sur l’esprit de la Chambre dans une discussion importante et sur l'esprit du public une impression profonde, c'est le devoir du ministre de détruire immédiatement l'effet de ces paroles. Et voilà pourquoi la Constitution réserve aux ministres avec raison le droit d'être entendu chaque fois qu'ils le demandent.

Quand j'ai entendu invoquer la Constitution, invoquer des scrupules constitutionnels, par l'honorable membre qui s'est abstenu, prévoyant que ces motifs allaient successivement être allégués par les autres membres, j'avais tenu à rappeler les antécédents et à établir que la loi n'avait rien d'inconstitutionnel. Voilà les motifs pour lesquels j'ai I demandé la parole ; je crois que j'avais le droit de la demander et que M. le président n'avait pas le droit de me la refuser.

Je ne veux pas grandir cette affaire, mais je maintiens mon droit dans toute son intégrité.

M. de Theux. - Les motifs que vient de donner M. le ministre de l'intérieur condamnent son système ; car ce serait introduire une discussion au milieu d'un vote. Vous ne pouvez pas séparer les abstentions d'un vote ; l'opération du vote n'est close que quand les motifs d'abstention ont été donnés. Depuis 1831, c'est la première fois qu'une pareille prétention a été élevée. Evidemment après l'opération terminée, M. le ministre avait le droit de s’expliquer sur les motifs d'abstention donnés, mais chaque membre avait le droit de lui répondre et de justifier ses motifs. C'était là une discussion qu'on ne pouvait pas intercaler dans l'opération du vote.

M. Orts. - Le gouvernement est parfaitement dans son droit ; il doit être entendu quand il le demande. On veut donner ici au règlement une interprétation qui ne nous appartient pas ; car il ne s'agit pas du règlement mais de la Constitution. L'article 88 de la Constitution a déclaré que dans une Chambre quelconque chaque fois qu'un ministre demanderait à parler, immédiatement on lui donnerait la parole, alors même qu'il voudrait interrompre un orateur ; des raisons de l'ordre politique le plus grave exigent qu'il en soit ainsi.

Du moment que le droit strict est invoqué, il n'y a pas deux manières de l'appliquer.

Je conçois que pour faciliter les rapports des Chambres et du gouvernement on s’entende, mais quand le principe est en discussion il ne peut pas être méconnu.

Il peut y avoir dans l'intervention du ministre pour interrompre celui qui motive son abstention de graves raisons, par exemple si les motifs donnés étaient tels qu'il y aurait pour tout le pays un danger que la Chambre reconnaîtrait à ce qu'ils fussent donnés en public ; ne serait-il pas fondé à demander le comité secret ?

Cela pourrait être nécessaire au plus haut degré.

Je comprendrais le système contraire, si nous avions un règlement comme celui du Sénat, si la Chambre devait juger l'usage que ses membres font du droit d'abstention ; au Sénat on ne peut s'abstenir qu'à la condition de faire admettre ses motifs par l'assemblée. Ici un membre les donne bons ou mauvais, on les admet ; le vote est terminé ; il ne s'agit plus de revenir, le résultat est acquis ; si la loi est adoptée, elle est renvoyée au Sénat avant que les abstentions aient été expliquées.

I1 n'y a pas chez nous cette éventualité qui peut se présenter au Sénat, que l'on n'admette pas les motifs d'abstention et que l'on force les membres qui ont voulu s'abstenir, à voter. Tout, ici, est consommé par le vote. Les motifs d'abstention chez nous sont du luxe ; ils ne peuvent avoir aucun effet sur le vote. Le droit des ministres est écrit dans la Constitution et je ne comprends pas qu'on le méconnaisse un seul instant.

M. Coomans. - Si la doctrine prêchée par le gouvernement était vraie....

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Prêchée ! Nous ne prêchons pas !

M. Coomans. - Vous en avez bien l'air en ce moment. Vous ne prêchez pas toujours bien, mais vous prêchez souvent. Je répète que si la doctrine prêchée par le gouvernement était vraie, il en résulterait, ainsi que vient de le dire l'honorable M. Orts, que des ministres pourraient interrompre même des discours. Encore une prétention nouvelle qui ne s'est jamais élevée dans cette Chambre ! Jamais un ministre n'a élevé la prétention de vouloir ôter la parole à un orateur et faire, au lieu du président, la police de l'assemblée. La parole ne peut être enlevée à un orateur que lorsqu'il en abuse, et dans ce cas ce n'est pas le gouvernement qui juge, c'est le président. Il y va, messieurs, de la liberté parlementaire.

Le président seul peut interrompre un orateur. Les auteurs de la Constitution n'ont pas écrit cette absurdité dans ces belles pages, que six ministres pourraient venir tour à tour ôter la parole à un orateur et renvoyer la fin de son discours au jour ou à la semaine suivante. Les exigences du cabinet sont étranges. A l'en croire, nos droits de député et le règlement de la Chambre seraient soumis à son bon plaisir.

Ii n'en est rien. Les représentants du Roi dans cette enceinte n'ont pas le droit de couper la parole à un orateur et de le réfuter avant qu'il est parlé. Or, un ministre ne peut pas interrompre un discours commencé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il le peut.

M. Coomans. - Je sais que tel est votre système, mais à mon sens un ministre n'a pas le droit d’interrompre un discours, et s'il en est ainsi, tous les motifs que vient d'alléguer l'honorable M. Rogier tombent. Car dans un discours, un orateur peut commettre toutes les imprudences auxquelles vient de faire allusion l'honorable ministre. Aussi (erratum, page 931) je reconnais que s'il a raison dans l'espèce actuelle qui nous occupe, il a raison aussi dans l'autre qui est beaucoup plus grave, qui serait le droit d'interrompre (page 916) un discours pour en prononcer un autre, ce qui serait en d'autres termes la suppression de la liberté parlementaire déjà trop blessée.

D'autre part, puisqu'un ministre ne peut pas interrompre un orateur et placer, comme parenthèse, un discours dans un autre discours, puisque le président seul est juge du danger, des inconvenances qui peuvent se produire dans un débat, il va de soi qu'un ministre ne peut pas non plus interrompre un vote. Or, mon abstention, c'est mon vote. Mon abstention est tellement mon vote, que si je n'avais pas le droit d'expliquer mon abstention, je ne m'abstiendrais jamais, ou je ne le ferais que très rarement. Ce droit donné aux membres de la Chambre de pouvoir expliquer leur abstention, c'est leur vote, et la votation n'est terminée que lorsque les abstentions ont été formulées.

Un autre ministre vient d'avancer un étrange argument en faveur de la thèse de son honorable collègue. « Quoi ! dit-il, nous n'aurions pas le droit de vous empêcher de parler, nous qui avons le droit de vous mettre à la porte ! » Holà, messieurs, vous n'avez pas ce droit-là.

Un ministre n'a pas le droit de clore la session séance tenante comme vous venez de le dire. J'espère que vous daignerez reconnaître qu'il faut au moins un arrêté royal. Or, en attendant que vous alliez chercher cet arrêté royal pour me fermer la bouche, moi qui ai obtenu la parole, j'aurai le temps de terminer mon discours. Vous voyez bien que votre allégation est inexacte et que vous avez tort de dire que, pouvant fermer la Chambre, vous avez a fortiori le droit de nous fermer la bouche.

Je ne puis pas m'opposer à ce que vous clôturiez la session, à ce que vous fermiez la porte du parlement ; mais il faut quelque chose qui vous mette en règle. Ce quelque chose, un arrêté royal, un détail qui a son importance, vous ne l'avez pas en ce moment.

L'honorable président vient de nous accorder, à moi et à quinze autres, la parole en nous invitant à expliquer les motifs de notre abstention. Je demande que nous puissions nous expliquer et user librement de notre droit. MM. les ministres parleront après, aussi longtemps et aussi souvent qu'ils le jugeront convenable. Ils ont, d'après la Constitution, le droit d’être entendus quand ils le demandent, mais ils doivent se conformer à notre règlement, qui est dans la Constitution tout aussi bien que MM. les ministres, puisque la Constitution, article 46, si je ne me trompe, donne à chacune des deux Chambres le droit de rédiger son règlement. En résumé, la prérogative royale est dans la Constitution, mais la prérogative parlementaire y est aussi, et j'y tiens beaucoup comme citoyen, et comme député.

Ce qui me paraît clair encore, c'est que de prétention ministérielle en prétention ministérielle nous allons excessivement loin, ce que je regrette et je désire que nous n'allions pas plus loin.

M. Devaux. - La seule raison qu'on donne pour suspendre la prérogative constitutionnelle du gouvernement, c'est qu'on ne peut rompre l'unité du vote et que les motifs d'abstention en font partie.

Que sont les motifs d'abstention ? Ce sont des discours dans lesquels on explique les motifs pour lesquels ou n'a pas voté, comme on explique dans la discussion les motifs pour lesquels on vote de telle ou telle manière. Il n'y a pas plus de liens entre les motifs d'abstention et le vote qu'entre les discours préalables et le vote, le vote ne comprend pas plus les uns que les autres. Il est complet avant l'énoncé des motifs d'abstention ; tellement complet que l'honorable président n'a pas attendu que les abstentions fussent motivées pour proclamer l'adoption du projet de loi et annoncer qu'il sera transmis au Sénat.

Il reste à quelques honorables membres à expliquer leur conduite comme d'autres membres l'ont fait avant qu'on ait été aux voix, mais cela est complétement distinct du vote lui-même.

En vertu de la Constitution, le gouvernement ayant le droit d'avoir le parole toutes les fois qu'il le demande, rien ne peut s'opposer à ce qu'il prenne la parole entre un vote et les abstentions ou entre les diverses abstentions, comme il peut la prendre entre la discussion et le vote ou entre les diverses parties de la discussion. Le droit est le même dans les deux cas.

Il n'y a donc aucun motif pour faire une exception à la Constitution, et assurément il en faudrait de bien graves et de bien clairs pour suspendre une prérogative constitutionnelle.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je constate d'abord que je n'ai pas interrompu les orateurs. Quand j'ai demandé la parole, le premier orateur avait fini de motiver son abstention.

J'avais le droit de demander la parole pendant que l'orateur parlait, j'aurais même eu le droit de l'interrompre soit pour déposer un projet de loi, soit pour faire à la Chambre une communication quelconque du gouvernement.

D'après le système qu'on nous oppose, les ministres ne pourraient pas interrompre un discours. Mais nous avons été témoins de discours qui ont duré pendant une séance, deux séances, trois séances. Irez-vous suspendre l'exercice du droit constitutionnel du gouvernement pendant ces trois jours, parce qu'il plaira à un membre du parlement de conserver la parole pendant tout ce temps ?

Vous le voyez, un tel système n'est pas seulement inconstitutionnel il est encore absurde. (Interruption.)

Eh bien, je ferai observer à l'honorable M. Le Bailly de Tilleghem dont j'attends aussi les motifs d'abstention, que le ministre a demandé la parole à M. le président et que M. le président, eu vertu de la Constitution, doit donner la parole au ministre qui la demande.

J'ai demandé la parole à M. le président...

M. le président. - Je n'ai pas refusé la parole à M. le ministre mais j'ai dit que je la lui donnerais lorsque les membres qui s'étaient abstenus auraient développé les motifs de leur abstention. Je me suis basé pour agir ainsi sur l'article 9 du règlement combiné avec l'article 45 de la Constitution.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Moi, je m'appuie sur l’article 88 de la Constitution.

M. Vervoort. - Messieurs, il importe de bien poser la question. Comment se présente-t-elle ? Un membre est invité, par M. le président, à donner les motifs de son abstention, conformément au règlement ; il se rassied, et M. le ministre de l'intérieur demande la parole. Que lui oppose-t-on pour l'empêcher de parler ? On dit que le vote ne peut être interrompu et qu'il ne sera complet que lorsque chacun aura donné ses motifs d'abstention.

Cela ne me paraît pas soutenable. Le vote est complet lorsque le président a proclamé le résultat de l'appel nominal.

D'après le règlement, quand l'appel nominal est terminé, chaque membre qui s'est abstenu, est invité par le président à donner ses motifs d'abstention ; mais cela n'empêche pas le vote d'être complet ; cela est si vrai que si tous les membres qui se sont abstenus se retiraient de la Chambre sans avoir fait connaître les motifs de leur abstention, le vote n'en serait pas moins valable et que le projet n'en serait pas moins transmis au Sénat.

L'argument développé par l'honorable M. Coomans ne résiste donc pas à l’examen.

L'article 88 de la Constitution permet aux ministres de se présenter au sein des Chambres, et décident que la parole doit leur être accordée lorsqu'ils la demandent. Or c'est à eux qu'il appartient de choisir le moment opportun. Ils peuvent avoir à faire les communications les plus graves et les plus urgentes. La Constitution leur accorde un droit, les circonstances peuvent amener la nécessité d'en user à un moment donné. L'appréciation de l'exercice de ce droit leur appartient ; certes des questions de convenance peuvent se présenter. Le règlement défend de prendre la parole entre deux épreuves et je ne pense pas que jamais un| ministre songe à interrompre une opération de cette nature qui exige toute l’attention du bureau ; mais le règlement ne défend pas aux ministres de demander la parole, lorsqu'un membre de la Chambre vient, sur l'invitation du président, de donner ses motifs d'abstention. Leur contester ce droit ce serait méconnaître la Constitution.

La raison de décider est inscrite dans l'article 88 dont le règlement ne saurait avoir pour effet de paralyser l'application. Le respect des principes constitutionnels et les convenances nous obligent de déférer à la demande de M. le ministre de l'intérieur.

- De toutes partsµ. - A demain ! à demain !

M. le président. - La Chambre doit se prononcer sur l'incident. Entend-on renvoyer à demain et l’incident et le développement des motifs d'abstention ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est entendu que j'ai demandé la parole.

M. le président. - Il est entendu que M. le ministre a demandé la parole et l'incident reste dans l'état où il se trouve en ce moment.

- La séance est levée à 5 heures et 1/2.