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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 14 décembre 1848

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 241) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à 1 heure.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Luesemans fait l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Massart, chef de division au ministère des finances, qui se présente comme candidat à la place vacante de conseiller à la cour des comptes, soumet à la chambre un exposé des services qu'il a rendus dans l'administration des finances. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Le conseil communal d'Oolen demanda l'abrogation de la loi du 10 février 1843, qui met à charge des riverainsune partie des dépenses du canal de la Campine.


« Même demande de plusieurs habitants de la commune de Gheel. »


- Renvoi à la commission des pétitions.

« Plusieurs débitants de boissons distillées de la commune d'Heusies demandent l'abrogation ou du moins la révision de la loi du 18 mars 1838, qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »


- Même renvoi.

« Les employés attachés à la direction du trésor dans la province de Namur prient la chambre d'assurer leur position et leur avenir. »


- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des finances.


« Plusieurs habitants de Warneton prient la chambre d'ajourner la discussion du projet de loi sur l'érection de la commune de Ploegsteert, ou bien d'ordonner une nouvelle enquête. »

- Renvoi à la commission chargée d’examiner le projet de loi.


« Les sieurs Piéton et Canonne, président et secrétaire de la commission des maîtres de poste, demandent que les maîtres de poste soient dégrevés de la contribution personnelle sur les chevaux qu'ils tiennent en vertu du règlement. »

- Dépôt au bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.

Proposition de loi fixant le traitement des membres des députations permanentes provinciales

Lecture

M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition de loi déposée hier sur le bureau.

La parole est à M. Christiaens, l'un des auteurs de cette proposition.

M. Christiaens. - En vertu de l'art. 35 du règlement, nous avons l'honneur de soumettre à la chambre la proposition de loi suivante :

« Art. 1er. Le traitement de chaque membre de la députation permanente du conseil provincial est fixé, dans chaque province, à deux mille cinq cents francs.

« Art. 2. Sauf cette dérogation, l’article 103 de la loi du 30 avril 1836 continuera à recevoir son exécution.

« Christiaens. Lelièvre. »

M. le président. - Quand la chambre veut-elle entendre les développements de cette proposition?

M. Osy. - Après la discussion du budget des voies et moyens.

- La chambre décide qu'elle entendra les développements de la proposition après la discussion du budget des voies et moyens.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1849

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. Rodenbach.

M. Rodenbach. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour dire quelques mots sur la question des Flandres. On pourra me dire que le moment n'est pas opportun, qu'il s'agit du budget des voies et moyens. Mais comme les Flandres continuent à payer des contributions et dos emprunts, malgré leur extrême misère, je crois qu'il ne sera pas inopportun d'interpeller M. le ministre.

Je lui demanderai d'abord si le cabinet est disposé à nous présenter un projet de loi sur la formation d'une société d'exportation. La création de cette société est nécessaire pour diminuer l'extrême misère des Flandres.

Autrefois, messieurs, notre industrie linière avait des débouchés considérables en Espagne et en Portugal, et aussi en France. Aujourd'hui, au contraire, nos exportations se réduisent à bien peu de chose. Il faut nécessairement que le gouvernement, pour aider nos malheureux concitoyens, cherche à avoir des exportations outre-mer.

On me dira peut-être, messieurs, que la misère a beaucoup diminué, en 1848, d'autant plus que les vivres sont à très bon marché. Ce fait est exact; il y a diminution de la misère, je dois le déclarer.

Mais il n'en est pas moins vrai que lorsqu'on examine les chiffres de la mortalité, on voit qu'ils s'élèvent encore au double et au triple de ceux des naissances. Messieurs, c'est une chose effrayante, je dirai presque que c'est une chose atroce que de voir dans un pays civilisé les décès s'élever an double et au triple des naissances.

Messieurs, les communes font dans les Flandres de très grands sacrifices pour venir au secours des malheureux ouvriers sans ouvrage. Ces communes, notamment dans mon arrondissement, ont voté des impôts beaucoup plus considérables que ceux qu'on paye au gouvernement.

Pour me résumer, messieurs, je demande au gouvernement quels sont les moyens auxquels il se propose de recourir pour améliorer le sort des infortunés habitants des Flandres et pour leur donner de l'ouvrage ; car le travail manque. Je lui demanderai s'il se propose, entre autres moyens, de nous présenter, dans un bref délai, un projet de loi relatif à l'organisation d'une société d'exportation.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, les questions que vient de faire l'honorable préopinant s'adressent bien plus particulièrement à mes collègues de l'intérieur et des affaires étrangères qu'à moi; elles me touchent pourtant en un point : l'honorable membre désire savoir si le gouvernement est disposé à présenter un projet de loi pour constituer une société d'exportation. Le gouvernement a fait connaître ses intentions à cet égard ; le gouvernement a dit qu'un projet de loi serait présenté.

M. Rodenbach. - Quand?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quand ? Je vais le dire. Il sera présenté quand vous aurez mis à la disposition du gouvernement les fonds nécessaires pour créer une société d'exportation. Je ne connais pas de moyen de créer une société d'exportation sans argent. Il en faut et beaucoup. Or ce n'est pas avec des réductions d'impôt ou le rejet de projets de lois d'impôt que vous parviendrez à établir une telle société. Nous ne pouvons donc qu'attendre les résolutions de la chambre sur les propositions de cette nature qui lui sont soumises par le gouvernement.

Quant à la situation des Flandres, chacun sait que le gouvernement, y porte la plus sérieuse attention, qu'il n'a pas cessé de s'en préoccuper. C'est une justice que tout le monde lui rendra, et l'honorable préopinant en particulier, que les efforts du gouvernement n'ont pas été jusqu'à présent tout à fait stériles, il y a, incontestablement, tous les rapports l'attestent, une amélioration sensible dans la situation des Flandres. Aujourd'hui la situation, par exemple, de la première ville manufacturière des Flandres et une des premières du pays, la situation de la ville de Gand est beaucoup meilleure. Je pense donc que le gouvernement a prouvé sa sollicitude pour les intérêts des Flandres, et c'est un gage de ce qu'il entend faire à l'avenir.

M. Verhaegen remplace M. Delfosse au fauteuil.

M. Delfosse. - Messieurs, M. le ministre des finances a présenté l'exposé de notre situation financière avec une franchise dont ses devanciers n'avaient pas toujours donné l'exemple e». dont il faut lui savoir gré.

Cette situation peut être considérée comme bonne si on la compare à celle d'autres pays, que l'agitation révolutionnaire a profondément remués. Examinée en elle-même, abstraction faite de ce qui se passe ailleurs, elle paraît moins rassurante.

L'existence d'un découvert de plus de 30 millions, après que le trésor a perçu 37 millions à titre d'emprunt forcé, est un fait grave, de nature à nous inspirer de sérieuses réflexions.

Ce découvert de plus.de 30 millions s'aggravera, M. le ministre des finances en convient avec franchise, des crédits supplémentaires qui devront être demandés pour les exercices antérieurs à 1849.

A quelles sommes ces crédits supplémentaires s'élèveront-ils? M. le ministre des finances ne le dit pas, et probablement il ne le sait pas lui-même. Je crains, messieurs, qu'elles ne soient considérables; déjà M. le ministre de la justice nous a demandé, de ce chef, plus de 600,000 fr.

D'autres faits dont il n'a pas, que je sache, été tenu compte, viendront encore aggraver le découvert. Tels sont, par exemple, les déficits de certains comptables dont l'insolvabilité a fait peser sur le trésor des pertes résultant de leur gestion infidèle. On m'a assuré qu'il y en a à peu près pour un million.

Nous avons, pour faire momentanément face à une partie de ce découvert, la réserve de la caisse d'amortissement, s'élevant à 5,800,000fr.

Nous avons, en outre, les 12 millions de billets de banque créés par la loi du 22 mars 1848. Mais l'emploi de cette dernière ressource n'est pas sans péril, et nous devons hâter de tous nos vœux et de tous nos efforts le moment où il nous sera possible d'y renoncer.

D'après M. le ministre des finances, le trésor possède encore, pour venir en déduction du déficit, 4,000 actions du chemin de fer rhénan, et en outre (c'est M. le ministre des finances qui parle), une inscription nominative au capital de 11,990,000 fr., à l'intérêt de 2 1/2 p. c. que l'on présume devoir rester disponible sur celle de 7 millions de florins après (page 242) la liquidation définitive des créances mentionnées à l'article 64 du traité conclu entre la Belgique et les Pays-Bas, le 5 novembre 1842.

M. le ministre des finances oublie ici que le produit annuel de ces valeurs, qui ne sont pas, d'ailleurs, d'une réalisation très facile, figure déjà en recette au budget des voies et moyens, et qu'il y a par conséquent lieu de les assimiler aux 13,438 obligations 4 p. c. provenant de l'encaisse que M. le ministre des finances s'abstient avec raison de porter en déduction du découvert.

L'existence de ce découvert de plus de 30 millions, nonobstant les 37 millions perçus à titre d'emprunt forcé, est, je le répète, un fait grave et de nature à nous inspirer des inquiétudes. Il faut à tout prix empêcher le déficit de croître. Là est notre salut. Trop longtemps on a eu recours à des palliatifs ; le moment est venu d'employer des remèdes énergiques,

M. le ministre des finances a compris, et je l'en félicite, que la cause du mal résidait surtout dans la présentation de budgets dont les recettes n'excédaient pas ou n'excédaient que de très peu les dépenses. L'expérience a démontré que ce faible excédant se transformait presque toujours, à la fin de l'exercice, en un déficit considérable.

Justement frappé des inconvénients du système suivi par ses devanciers, M. le ministre des finances nous a présenté, pour 1849, des budgets dont les recettes dépassent les dépenses de plus de six millions.

Il a paru avec raison à M. le ministre des finances qu'un excédant de six millions est nécessaire pour parer aux éventualités fâcheuses qui peuvent survenir dans le cours d'un exercice.

L'œuvre de M. le ministre des finances ne laisserait rien à désirer, s'il n'avait obtenu cet excédant qu'à l'aide d'économies. Malheureusement, il a cru ne pouvoir l'obtenir qu'en recourant en partie à de nouveaux impôts.

Je ne suis pas injuste, comme M. le ministre des travaux publics l'a cru à tort l'autre jour, au point de méconnaître l'importance des économies proposées par le gouvernement. Je lui en sais, au contraire gré, et je l'en remercie hautement ; mais j'ai la conviction sincère qu'on peut sans danger, et qu'on doit en réaliser de plus fortes. L'une des économies proposées par le gouvernement, et c'est la plus importante, n'est d'ailleurs due qu'à un changement dans le mode de comptabilité de la dette publique, et elle n'étendra pas ses effets au-delà de l'année 1849.

Avant la révolution de février, les charges publiques paraissaient déjà lourdes, elles le sont bien plus aujourd'hui que les événements produits par la crise révolutionnaire ont abaissé le niveau de la plupart des fortunes.

Il ne faut pas, messieurs, juger du pays entier par Bruxelles. A Bruxelles, luxe et prospérité, j'en conviens. Mais ailleurs il n'y a que trop de gêne et de misère. Bien loin de créer de nouveaux impôts, il faudrait, si cela était possible, réduire ceux qui existent. Puisons à d'autres sources les .moyens de faire face aux besoins du trésor.

Il est, messieurs, une classe de la société que les événements n'ont pas atteinte, dont ils ont même amélioré la situation : c'est la classe des fonctionnaires. Leurs traitements, en apparence restés les mêmes, se sont en réalité accrus de la dépréciation des autres valeurs. Avec les mêmes sommes ils peuvent se procurer plus de choses.

N'est-il pas juste que celle classe épargnée, favorisée par les événements, vienne en aide, au moins par un sacrifice temporaire, à nos embarras financiers. Est-ce trop présumer de son patriotisme que de supposer qu’elle se soumettra sans murmurer à la retenue que je vais avoir l'honneur de vous proposer.

Je me suis d'abord demandé si cette retenue serait proportionnelle ou progressive. Pour la retenue progressive, nous avons l'antécédent posé par le congrès en 1831. Nous avons en outre le vote récent de la loi du second emprunt forcé, mais, on ne saurait se le dissimuler, des objections extrêmement graves ont été soulevées; des répugnances très vives se sont manifestées dans les derniers temps contre le système de l'impôt progressif, qui a paru à de bons esprits receler des germes destructifs de la propriété, et par conséquent du travail.

J'ai donc préféré la retenue proportionnelle.

Cette retenue, qui serait de 5 p. c, taux fort modéré à coup sûr, ne porterait que sur les traitements de 2,000 fr. et au-dessus. Elle ne prendrait cours qu'à partir du 1er mai pour finir le 31 décembre 1849, à moins que les circonstances n'en exigent le maintien ultérieur.

Les traitements des officiers en activité de service, à partir du grade de capitaine, seraient passibles de la même retenue. Il m'a paru qu'en temps de paix, cette catégorie d'officiers peut, sans inconvénient, être assimilée aux fonctionnaires de l'ordre civil.

Si, messieurs, je prends pour point de départ le 1er mai 1849, c'est que la retenue qui s'opère pour le second emprunt forcé ne cessera qu'à cette époque. Les huit mois produiraient, d'après des calculs que j'ai lieu de croire exacts, environ 600,000 francs, ressource qui n'est pas à dédaigner.

Une autre ressource importante pourrait encore être procurée au trésor, sans que l'on eût recours à de nouveaux impôts. Vous savez, messieurs, que la Société Générale et la banque de Belgique ont été autorisées, par la loi du 20 mars 1848, à émettre, la première 20 millions, la seconde 10 millions de billets de banque ayant cours forcé. C'est là un immense avantage qui leur a été concédé; c'est à peu près comme si l'Etat leur avait prêté 30 millions de francs.

On aurait très bien pu exiger un intérêt en échange de cet avantage qui n'était pas mis danger pour le pays. Car une émission considérable de papier-monnaie n'est jamais sans danger. Elle peut, dans un moment donné, dans un moment de crise, amener des catastrophes et des ruines. Si la concession a été gratuite (je ne regarde pas la création de la caisse d'escompte comme une charge), c'est parce que la loi a été votée sous l'influence d'une panique, avec une précipitation sans exemple.

Ce que l'on n'a pas fait dans le principe, on pourrait le faire aujourd'hui. La Société Générale, remarquez-le bien, messieurs, doit payer pour les billets de la seconde émission, autorisée par la loi du 22 mai 1848, un intérêt de 4 p. c. Pourquoi la première émission continuerait-elle à en être exempte ?

Un intérêt de 3 p. c. seulement donnerait au trésor un produit annuel de 900,000 fr. La mesure aurait en outre cet effet salutaire que les banques feraient probablement des efforts plus énergiques, pour retirer leurs billets de la circulation, et que le retour à un ordre de choses normal et régulier serait plus prochain.

Si cette mesure était adoptée, il conviendrait peut-être de réduire à 3 p. c. l'intérêt que la Société Générale paye pour la seconde émission. Il y aurait ainsi un taux d'intérêt uniforme, et la mesure présenterait encore au trésor un avantage de 700,000 fr. J'attendrai sur ce point des explications de M. le ministre des finances.

En attendant j'ai l'honneur de déposer sur le bureau la proposition relative à la retenue sur les traitements des fonctionnaires:

« J'ai l'honneur de proposer à la chambre d'insérer au tableau du budget des voies et moyens, l'article suivant: Produit d'une retenue temporaire sur les traitements et pensions mentionnées à l'article 3 de la loi, 600,000 fr.; et d'ajouter au projet de loi du même budget après l'art. 2, un article nouveau qui deviendrait l'article 3 et qui serait ainsi conçu :

« A partir du 1er mai jusqu'au 31 décembre 1849, il sera opéré sur les traitements et remises de 2,000 fr. et au-dessus, ainsi que sur les pensions de toute nature s'élevant au même chiffre, une retenue définitive de 5 p. c.

« Les traitements des officiers en activité de service, ayant au moins le grade de capitaine, seront passibles de la même retenue. »

M. Cools, rapporteur. - Messieurs, j'ai une observation à soumettre à la chambre avant que la discussion continue.

J'ai été amené, dans mon rapport, à soulever quelques questions d'une nature assez délicate. Je tiens à convaincre la chambre que j'ai été surtout exact, et que, si des erreurs avaient été commises, il ne faudrait s'en prendre qu'à la précipitation avec laquelle il a fallu rédiger le rapport. Mais si des erreurs apparentes ont été commises, il faut le déclarer aussi pour qu'il ne s'établisse pas de préventions.

Messieurs, au commencement de mon rapport, j’ai donné un tableau indiquant le mouvement ascendant de la circulation des bons du trésor.

J'ai puisé ces renseignements, en ce qui concerne l'année 1846, dans la dernière publication officielle du gouvernement, en ce qui concerne l'année 1847, dans une demande de crédit supplémentaire pour les intérêts des bons de cette année, qui a été présentée à la chambre dans le courant de février dernier. Les renseignements s'arrêtaient au 31 décembre 1847. Pour les époques postérieures j'ai consulté les documents joints au projet de loi sur le deuxième emprunt.

J'ai trouvé là que le montant des bons du trésor, échéant postérieurement à la date du 1er avril, s'élevaient à la somme de 28,162,415 francs, comme je l'ai indiqué. Quand nous sommes arrivés, dans la section centrale, à l'article du projet de loi, nous avons demandé au gouvernement un état des bons du trésor successivement amortis postérieurement à la date du l" février. Cette année est arrivée à la section centrale lorsque la première partie était déjà livrée à l'impression.

Nous avons vu qu'à la date du 1er mars, le montant des bons du trésor en circulation s'élevait à 27,259,000 fr., comme nous l’avons dit dans le rapport. Mais dans l'intervalle du 1er mars .au 1er avril, il paraît que des remboursements ont eu lieu, car à cette dernière date la circulation n'était plus que de 23,620,500 fr. Le rapport doit être rectifié dans ce sens.

Le seul but, messieurs, des observations que je viens de présenter est de faire connaître une inexactitude, qu'il était impossible d'éviter. Je tenais cependant à les présenter.

- La discussion générale est close.

La chambre passe à l'examen des articles.

Discussion des articles (I. Impôts)

Contributions, directes, cadastre, douanes et accises, etc.

Foncier

« Principal, fr. 15,500,000. »

- Adopté.

« 3 centimes additionnels ordinaires : fr. 465,000. »

- Adopté.

« 2 centimes additionnels pour non-valeurs : fr. 310,000. »

- Adopté.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,550,000. »

- Adopté.

« 3 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 534,750. »

- Adopté.

Personnel

« Principal : fr. 8,364,000. »

- Adopté.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 836,400. »

- Adopté.

(page 243) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai une simple ration à faire sur l'ensemble de l'article Personnel. L'évaluation de cet article a été considérée par la section centrale comme étant peut-être un peu élevée; elle n'est qu'exacte ; les circonstances ne peuvent guère influer sur le produit de cet impôt. Le chiffre est établi sur des calculs approximatifs, mais aussi positifs que possible.

« Patentes

« Principal : fr. 2,819,000. »

- Adopté.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 281,900. »

- Adopté.

Redevances sur les mines

« Principal : fr.180,000. »

- Adopté.

« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 18,000. »

- Adopté.

« 5 centimes sur les deux sommes précédentes, pour frais de perception : fr. 9,900. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la section centrale, dans son rapport, fait remarquer, quant à cet article, que le produit n'est pas en proportion de la richesse minérale de notre pays, que l'on devrait obtenir une somme plus considérable, et elle fait allusion à un engagement qui, selon elle, aurait été pris par le ministre des finances actuel, qui était alors ministre des travaux publics, de présenter un projet de loi sur cette matière. La plupart d'entre vous, messieurs, ont souvenir de la discussion qui s'est élevée deux fois dans cette enceinte, à l'occasion de la redevance sur les mines ; une fois à propos du budget des travaux publics, une autre fois à propos du budget des voies et moyens. La question a été discutée alors assez vivement. Je me suis empressé de reconnaître, et je reconnais encore aujourd'hui, qu'il serait possible d'obtenir un produit plus élevé que celui qui figure au budget des voies et moyens ; mais j'ai contesté qu'il fût possible d'obtenir un produit plus élevé par les moyens que d'honorables membres avaient indiqués, et qui consistaient à élever purement et simplement la redevance de 2 1/2 à 5 p. c.

J'ai dit, messieurs, qu'il s'agirait de mieux atteindre le produit net sur lequel l'impôt pouvait être assis. Mais pour y réussir, il y a des difficultés très grandes; elles n'ont été dissimulées par l'administration à aucune époque depuis dix-huit ans.

Mon honorable collègue le ministre des travaux publics s'est, à son tour, occupé de cette question et, adoptant l'opinion que nous avons émise dans cette discussion, il a pris la résolution d'employer des moyens efficaces pour arriver à déterminer le véritable produit net et à obtenir ainsi tout ce que l'impôt peut et doit produire. Je ne pense pas qu'il ait été question d'un projet de loi à présenter sur cette matière ; on a indiqué des mesures administratives à prendre et qui, incontestablement, seront prises. Maintenant veuillez tenir compte, messieurs, des circonstances au milieu desquelles nous nous trouvons; l'impôt viendrait atteindre les produits miniers précisément à une époque de très grande souffrance pour cette industrie, car c'est peut-être en Belgique, avec la grande industrie des fers, celle qui souffre le plus.

Les autres industries sont dans une situation, je ne dirai pas florissante, prospère, mais relativement très bonne; l'industrie des draps n'est pas dans une mauvaise situation ; l'industrie qui s'occupe des autres tissus de laine n'est pas, en général, dans une mauvaise situation; l'industrie cotonnière n'est pas dans une mauvaise situation; l'industrie des armes n'est pas dans une mauvaise situation; l'industrie des clous n'est pas dans une mauvaise situation. Aussi l'honorable M. Delfosse, tout à l'heure, me paraissait se tromper gravement lorsqu'il indiquait un état de choses prétendument alarmant, au point de vue de l'industrie, en disant, et selon moi, c'est un grand tort, que la misère est grande, extrême...

M. Delfosse. - Je n’ai pas dit « extrême ».

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est là le sens des paroles de l’honorable membre. Il a dit : « A Bruxelles tout est luxe, tout est prospérité, mais il ne faut pas juger de la situation du pays par la situation de la capitale; partout ailleurs il y a une grande misère. »

M. Delfosse. - Il y a trop de misère.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y en a toujours trop. Mais il s'agit de savoir si notre situation relative est telle que l'on essaye de la dépeindre.

Eh bien, puisque je suis ici amené à dire mon opinion sur ce point, permettez-moi de déclarer que les assertions de l'honorable préopinant sont complètement inexactes. Je ne sais trop si, dans l'espace de ces 18 dernières années, la situation du pays, en général, a été plus satisfaisante, ou si l'on veut, moins difficile qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Je vais jusque-là. A quels signes, - sortons des affirmations, mon honorable ami affirme une chose, j'en affirme une autre, cela ne prouve rien, il faut des faits,- à quels signes reconnaît-on l'état plus ou moins satisfaisant d'un pays? C'est, je pense, en consultant notamment le produit des impôts de consommation. A toutes les époques de misère il a éprouvé une réduction; c'est ce que vous avez vu dans les années 1846, 1847. Aujourd'hui le produit des impôts de consommation est réellement excellent. Voilà un signe certain, infaillible d'un état qui n'est pas alarmant.

Maintenant vous parlez de la situation même de la classe ouvrière.

Eh bien, depuis un grand nombre d'années les monts-de-piété n'ont pas présenté la situation qu'ils offrent aujourd'hui. Depuis un grand nombre d'années, jamais il n'y a eu moins d'engagements, j'en appelle aux honorables membres qui peuvent être en rapport avec les administrations des monts-de-piété... (Interruption.) Cela n'est pas exceptionnel pour Bruxelles, mais s'applique aux autres villes importantes du pays. Le renseignement qui a été demandé par mon honorable collègue et ami le ministre de l'intérieur, a été donné par la plupart des grandes communes et présente un résultat analogue.

Mais il ne faut pas s'arrêter à cette circonstance, qu'il y a eu un nombre plus restreint d'engagements que dans d'autres années ; on pourrait objecter qu'il n'y a plus rien à donner en gage. Cette réponse, on l'a déjà faite, il faut bien qu'on cherche à expliquer des faits aussi significatifs afin de les mettre d'accord avec les lamentations que l'on fait entendre. Eh bien, consultons les dégagements.

Ils n'ont jamais été plus considérables à Bruxelles depuis un grand nombre d'années, et tout nous autorise à croire qu'il en est de même dans les autres grandes villes du pays. Voilà donc une situation satisfaisante. Je ne prétends pas que la Belgique soit dans un état de prospérité extrême. Je ne viens pas contester des faits trop réels ; il y a des souffrances. Mais, encore une fois, n'exagérons pas le mal; on le double en l'exagérant.

Un honorable membre dont la parole peut faire autorité, M. de Pouhon, disait, dans un discours remarquable qu'il a prononcé dans une précédente discussion, que toutes ces lamentations sur la situation fâcheuse du pays font plus de mal au pays que le mal lui-même.

Je reviens à la question pour laquelle j'ai pris la parole, concernant la redevance des mines; il y a lieu d'obtenir de cette redevance un produit plus considérable, en constatant d'une manière plus exacte le produit sur lequel la redevance est assise. M. le ministre des travaux publics n'a pas perdu de vue cette question ; il est déterminé à employer les moyens qui sont en son pouvoir pour faire produire à cette redevance la somme qu'elle doit donner. J'ai toutefois une observation à présenter encore : d'après la législation en vigueur, le produit de la redevance sur les mines doit former un fonds spécial qui est destiné à couvrir les frais d'administration.

Quand, dans l'administration des mines, toutes les dépenses susceptibles d'être supprimées l'auront été, nous verrons si la redevance ne couvre pas intégralement le service qu'elle a pour objet de rétribuer ; c'est là un aperçu qui n'est pas à négliger dans cette question.

En effet, si ce produit devait être appliqué à d'autres services, il s'agirait de la transformation de la redevance en un véritable impôt. Depuis le 21 avril 1810, elle n'a pas existé à titre d'impôt, mais à titre de fonds spécial, destiné à un objet déterminé. Si la législature le juge utile, elle pourra sans doute transformer la redevance en un véritable impôt, ce qui aggravera d'autant le prix de cette matière essentielle à nos industries. C'est une des faces de la question que je signale à l'attention de la chambre.

M. le Bailly de Tilleghem. - Messieurs, je dois dire à M. le ministre des finances qu'il m'est impossible d'admettre que la situation du pays soit aussi satisfaisante qu'il le prétend. Pour ma part, je dois dire que, dans les Flandres, il y a plus de (erratum, page 256) 200,000 personnes qui meurent de faim ; dans ma province, la classe ouvrière est dans un dénuement absolu. Je puis vous citer un fait : Une famille flamande, qui s'est rendue à Paris, a déclaré qu'elle avait quitté le pays, parce qu'elle n'y trouvait pas de quoi vivre. C'est une situation alarmante à laquelle il est urgent que le gouvernement se fasse un devoir de pourvoir.

M. Cools, rapporteur. - M. le ministre des finances conteste que, dans la session dernière, il ait pris l'engagement de saisir la chambre d'un projet de loi, en ce qui concerne la redevance des mines. Je ne m'attendais pas à ce que la discussion eût marché avec autant de rapidité ; sans cela je me serais muni de documents plus complets; mais je puis dire que j'ai consulté les débats de l'année dernière dans le Moniteur, et que si M. le ministre n’avait pas pris l'engagement positif de présenter un projet de loi, je n'oserais pas l'affirmer en ce moment, il a du moins reconnu que le montant de la redevance pouvait être augmenté, qu’il y avait des mesures à prendre. Et ce qui le prouve, c'est la note même qui a été fournie par M. le ministre et que j'ai reproduite dans mon rapport. J'aurais désiré que M. le ministre eût confirmé aujourd'hui cette espèce d'engagement, pris envers la chambre, de faire augmenter le produit de la redevance.

En ce qui concerne le taux même de la redevance, faut-il que la redevance soit destinée uniquement à couvrir les frais d'administration, ou faut-il en faire une source de produits ? C'est une question que la section centrale n'a pas dû examiner. C'est une question que nous discuterons lorsque nous aurons reçu une proposition quelconque de la part du gouvernement.

M. Delehaye. - Messieurs, mon intention n'est pas de provoquer, dans la discussion actuelle, des paroles irritantes. On sait bien que, relativement à la situation du pays, je diffère essentiellement d'avec le ministère ; toutefois je suis heureux de dire cette fois-ci que, sous ce rapport, je diffère d'avec un des honorables préopinants. Il n'est pas exact de dire que la population des Flandres meure de faim en ce moment ; il n'est pas exact de prétendre que la mortalité soit aussi grande qu'elle l'a été précédemment; ce serait une injure adressée aux habitants des Flandres. Je repousse cette opinion au nom de mon pays; et au prix où sont arrivées aujourd'hui les denrées alimentaires, je (page 244) suit heureux de déclarer qu'il est impossible que quelqu'un meure de faim dans les Flandres.

Cependant c'est une grave erreur de croire avec M. le ministre des finances que sur tous les points du territoire se remarque la prospérité que nous voyons dans la capitale. Si vous en exceptez quelques-unes, les industries en général sont dans un état de langueur, Je n'en fais pas un reproche au gouvernement ; mais certaines industries, l’industrie linière, l'industrie dentellière dans les Flandres, sont en ce moment dans un état de stagnation effrayante.

On nous a cité l'industrie cotonnière, mais si l'on travaille un peu dans cette industrie, s'il y a eu un peu de prospérité, c'est parce qu'un grand nombre d'établissements ne travaillent pas du tout.

Au reste, je bénis le ciel, et je remercie même le gouvernement de continuer à cette prospérité. Je serai toujours heureux de saisir l'occasion de donner mon appui au ministère qui est sorti de nos rangs ; qu'il soit bien persuadé que s'il m'arrive de n'être pas d'accord avec lui sur des questions importantes, c'est que ma conviction m'en fait un devoir. Quand je pourrai l'appuyer, je le ferai toujours avec empressement ; mais qu'il n'attende pas de moi de vaine faiblesse.

Je dirai donc ma pensée tout entière. Je ne comptais pas prendre la parole dans cette discussion, et sans une espèce de provocation de M. le ministre des finances, je me serais tenu assis sur mon banc, donnant un vote approbatif au budget des voies et moyens.

On vous a dit que les dépôts aux monts-de-piété étaient plus considérables que précédemment. Mais on perd de vue que, dans le plus grand nombre des communes rurales des Flandres, il n'y a pas de monts-de-piété; que d'ailleurs il n'y aurait rien à y déposer; qu'un grand nombre d'habitants vivent en partie d'aumônes; nous sommes heureux de le dire, ces aumônes sont abondantes ; et malgré toutes les misères, et malgré la terrible épidémie qui a sévi chez nous, la charité fait face à tout.

Voici le motif pour lequel j'ai cru devoir relever les paroles de M. le ministre des finances : c'est que, dans l'opinion de M. le ministre, il faut en venir à de nouveaux impôts; je combattrais les nouveaux impôts de toutes mes forces. Je dirai que rien n'est plus nuisible au travail, au travail national, que les impôts.

Il est très vrai que les impôts ont été très régulièrement payés. Mais on ne remarque pas que s'ils ont été régulièrement payés, on le devait à l'effet d'une bonté toute divine qui nous a dotés cette année d'une moisson abondante ! Pourquoi y a-t-il moins de misère que les années précédentes? C'est que les denrées alimentaires sont à vil prix ; les prix sont tellement bas, que quelques-uns songent à proposer un droit protecteur pour l'industrie agricole. Je ne sais pas si déjà la section centrale, ou quelques membres, d'accord avec le gouvernement, ne sont pas disposés à proposer un léger droit d'entrée sur les denrées alimentaires, on me dit un droit de 50 centimes.

Quand ce projet sera soumis à la chambre, je ferai connaître mon opinion. Toujours est-il qu'un jour il faudra peut-être donner à cette industrie une véritable protection.

Ce qui me fait un devoir de combattre les propositions du gouvernement, c'est que je ne veux pas de nouveaux impôts. Savez-vous quel a été le résultat des impôts dont on a frappé le pays? Une véritable stagnation des affaires. J'appartiens à une des principales villes du pays, à une ville éminemment industrielle. Il n'y a eu dans cette ville qu'une voix pour dire que les impôts dont nous avons été frappés ont arrêté un grand nombre d'opérations commerciales. Pourquoi ai-je encore combattu les impôts extraordinaires? C'est que j'ai eu foi dans le bon sens, dans la moralité du pays.

J'ai pensé que nous n'avions rien à craindre au sein de la Belgique, qui trouvait une garantie d'ordre dans les excès mêmes des républicains nos voisins.

J'ai dit que tous les armements qu'on voulait faire n'auraient aucun objet. Les événements sont venus prouver que j'avais raison de tenir ce langage, ils ont eu pour conséquence d'arrêter l'industrie. Les maçons, les charpentiers, les peintres, tous ces hommes qui vivent à la journée ont vu cesser leur travail. (Interruption.)

Comme moi, l'honorable M. Lebeau a le défaut d'interrompre. J'ai cet avantage sur lui, que je le fais de manière à me faire comprendre.

Je regrette que l'honorable membre m'ait interrompu. Si cela m'arrive quand il parle, c'est pour lui donner occasion de me répondre. Je ne dirai plus qu'un mot. Je persiste dans cette déclaration que, quand le ministère viendra proposer d'établir de nouveaux impôts, je les repousserai, parce que, dans mon opinion, la Belgique ne peut plus supporter de nouveaux impôts; si on réclame une réduction dans les dépenses, ce n'est pas pour que Pierre perde un peu plus ou un peu moins que Paul, c'est pour que nous arrivions à une situation normale qui nous empêche de tomber dans ce gouffre du déficit dont a parlé l'honorable M. Delfosse, et où pourraient aller s'engloutir et nos ressources et notre indépendance.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Lorsque j'ai pris la parole à propos de la redevance sur les mines, j'ai été amené, en quelque sorte contre ma volonté, à répondre à diverses observations faites par mon honorable ami, M. Delfosse, sur la situation du pays. J'espère que la chambre a parfaitement compris, non seulement mes paroles, mais mon intention ; j'ai voulu démontrer que la situation, sans être extraordinairement prospère assurément, n'était pas, certes, aussi mauvaise que quelques personnes se plaisent à le répéter. C'est dans ces termes de modération et de vérité que je me suis exprimé. J'ai instamment demandé que l'on évitât toute exagération; j'ai demandé surtout que l'on voulût bien renoncer à ce langage désolé, qui ferait croire à l'étranger que la Belgique, formée d'un peuple de mendiants, expire sous le poids d'une misère qui la presse de toutes parts.

C'est là, j'en appelle à vous, messieurs, c'est là le sens de toutes mes paroles. Et si j'ai été obligé à contredire de malheureuses et d'inexactes assertions, c'est qu'elles me paraissent exposer le pays à un danger réel. Il y a dans ces lamentations la preuve d'une défaillance morale, pénible à considérer, et qui serait fatale si elle pouvait atteindre nos populations. Croit-on sauver le pays, croit-on lui être utile en lui répétant chaque jour : Tu es malheureux, tu es misérable, tu péris de misère ! Si vous êtes sincèrement convaincu que le pays est en péril, croyez-vous donc que c'est en lui parlant de la sorte que vous parviendrez à le sauver? Est-ce ainsi que l'on vient au secours d'un malade? Ne faut-il pas, au contraire, relever son énergie en lui disant : Tu peux aller encore, tu marcheras, tu vivras! Et, s'il n'est sauvé, il vivra plus longtemps; car la puissance de la volonté peut aller jusque-là.

L'honorable préopinant vient de vous répéter les choses les plus contradictoires.

Il prétend me répondre et protester contre mes observations! Est-ce bien sérieux ? Ne l’avez-vous pas entendu? Oh ! j'ai transcrit ses propres paroles : « Si la misère, a-t-il dit, n'a pas été aussi grande cette année que les années précédentes, il faut l'attribuer au bas prix des denrées alimentaires. » Ai-je donc contesté les causes auxquelles nous devons de pouvoir constater que la misère est moins grande aujourd'hui que les années précédentes? J'ai seulement énoncé le fait, j'ai proclamé cette vérité : vous vous êtes levé pour la combattre; et maintenant vous la confirmez par des aveux qui vous sont arrachés par l'évidence de la situation.

Mais, je le comprends : si l'honorable membre se complaît à parler de la situation misérable du pays, ce n'est pour lui qu'un prétexte destiné à nous avertir qu'il ne votera pas de nouveaux impôts. Quand nous sommes venus demander avec courage (il en faut toujours pour demander des sacrifices aux contribuables), quand nous sommes venus demander l'autorisation de recourir aux contribuables pour faire face aux besoins du pays, l'honorable membre a protesté. Il s'est écrié que les emprunts ne seraient point payés... (Interruption). Oui, vous avez dit dans cette chambre que les emprunts ne seraient point payés, et le Moniteur, modifiant ces paroles, vous a fait dire seulement que ces emprunts ne pourraient pas être payés. Or, le pays a démenti vos prédictions ; il a répondu avec empressement à notre appel ; tout ce qui a été réclamé de lui a été acquitté promptement, non seulement avec bonne volonté, mais avec dévouement. Nous gardons l'espoir que, s'il doit faire encore un courageux effort, il écoutera de nouveau la voix de ceux qui ont eu l'honneur de diriger les affaires dans ces temps difficile; car il sait que nous lui disons la vérité, il sait que nous n'avons d'autre intérêt que l'intérêt du pays.

Certes, si l'on était libre de créer ou de ne pas créer de nouveaux impôts; si la nécessité impérieuse n'était pas là plus forte que nos répugnances ; si l'on n'avait à consulter que ses fantaisies ou ses désirs, qui songerait à demander de nouveaux impôts? Le ministère viendrait-il sans motifs solliciter de nouveaux impôts?

Eh! si quelque impôt est réclamé, c'est que le gouvernement y est contraint, c'est qu'il y est douloureusement forcé. Il y est forcé ! Et aurais-je tort de dire qu'il y est forcé notamment par les honorables membres qui déclarent qu'à l'avenir ils ne voteront pas de nouveaux impôts ! Ne sont-ce pas en effet ces honorables membres qui nous répètent chaque jour : Sauvez les Flandres! Secourez l'industrie linière! Créez une société d'exportation !

Et comment donc voulez-vous que les Flandres soient sauvées, que l'industrie linière soit soutenue, que la société d'exportation soit créée?

Avec des économies..... Hélas! en fait d'économies, nous avons été jusqu'aux limites qu’il ne nous a pas paru possible de franchir sans danger. Vous irez peut-être plus loin encore. Nous n'avons peut-être pas fait assez ! Vous en jugerez ! Vous déciderez ! Mais, nous le proclamons avec conviction dès aujourd'hui, quoi que vous fassiez, quelles que soient les limites que vous imposiez à la réduction des dépenses publiques, vous n'arriverez pas à établir une bonne situation financière, sans recourir à de nouvelles ressources. Je ne puis ni ne veux les signaler, moins encore les discuter aujourd'hui ; je ne veux dire qu'une chose : ces ressources il les faudra.

Cependant, s'il vous convient d'admettre un état financier vacillant; s'il vous convient de persuader au ministère qu'il doit se bercer d'illusions, vivre d'expédients, d'emprunts au jour le jour, et qu'il fera sagement de recommencer la situation des bons du trésor, vous pourrez, messieurs, lui donner vos conseils ! Ah ! le ministère peut vivre ainsi un an deux ans, peut-être, la vie enfin d'une existence ministérielle! Mais trouvez-vous que son honneur lui permettrait d'accepter en silence une pareille situation ? Croyez-vous que lorsqu'il a pris la direction des affaires, c'était pour le vain plaisir d’être au pouvoir, et non pour remplir une mission sérieuse? Croyez-vous que nous n'avons pas pris la direction des affaires avec la ferme volonté de préparer au pays une situation financière vraie, loyale, puissante, à l'abri de laquelle il pût reposer avec confiance?

Je n'ai pas besoin de jurer, j'imagine, que le ministère n'a aucune espèce de fanatisme pour les impôts ; qu'il n'est pas même passionné pour tel impôt plutôt que pour tel autre; s'il en propose, c'est d'abord que son devoir le lui commande ; s'il fait un choix, c'est que les impôts qu'il préfère lui paraissent meilleurs que ceux que l'on voudrait y (page 245) substituer, et qu'il croit que dans la situation où nous sommes, ce sont ceux-là qui doivent le moins peser sur le pays.

Si d'autres ressources ne sont pas découvertes, c'est à l'impôt qu'il faudra recourir, et nous avons la conviction que les chambres, pénétrées des difficultés de la situation, ne failliront pas à leur mission et laisseront dans l'isolement les protestations anticipées de l'honorable préopinant.

M. le président. - Je dois rappeler à la chambre que la discussion générale est close, et que nous sommes parvenus à l'article Mines. Si je n'ai pas interrompu l'honorable M. Delehaye, c'est qu'il répondait à M. le ministre des finances.

Du reste la chambre peut, si elle le juge convenable rouvrir la discussion générale.

M. Delehaye (pour un fait personnel). - Il m'est en effet arrivé de dire à l'occasion du second emprunt, et non pas du premier, que les contribuables ne le payeraient point. Interpellé par un membre du cabinet, je répondis que ce ne serait point par opposition, par mauvaise volonté, mais par défaut de numéraire, ce second emprunt dépassant leurs forces. Eh bien, messieurs, pour vous qui êtes répandus sur toute la surface de la Belgique, mon opinion a-t-elle été si loin du vrai? Qu'est-il arrivé? C'est que la plupart des contribuables ont été obligés de passer par les exigences de quelques spéculateurs avides qui ont cherché à bonifier 20, 30, 40 p. c. sur les cotes. Qu’avons-nous vu encore? C'est que dans certaines communes, messieurs, des personnes usant noblement de leurs fortunes, ont payé les cotes des petits contribuables.

Mais, messieurs, combien cet emprunt n'a-t-il pas fait souffrir de malheureux ! Combien n'a-t-il pas vu suspendre de travaux? Et combien d'ouvriers, maçons, peintres, charpentiers, n'ont pas, eu à souffrir par suite d'économies qu'un grand nombre de contribuables ont dû s'imposer par suite des impôts!

Messieurs, prévoyant le gouffre du déficit qui nous menace, bien convaincu que le seul danger qui nous menace, c'est celui qui pourrait résulter de nos impôts, j'ai proposé, dès mon entrée dans cette enceinte, des économies considérables. Si on les avait adoptées alors, ne vous trouveriez vous pas aujourd'hui dans une position de sécurité complète ?

Si, l'année dernière déjà, le ministre de la guerre avait adopté la proposition de mon honorable ami, M. Manilius, proposition que le ministère a repoussé, alors que nous croyions être arrivé à ce bonheur d'une paix perpétuelle, et que l'on adopte aujourd'hui que l'Europe est menacée partout ; ne serions-nous pas bien plus à l'aise?

N'allons pas si loin, il y a quelques jours seulement, n'est-ce pas avec la plus grande difficulté que nous avons obtenu une économie de 4,000 francs sur les légations allemandes que l'on avait cru irréalisable deux jours avant !

J'engage la chambre à comprendre sa position, celle du pays ; ne reculons devant aucune mesure d'économie, acceptons toutes celles qui sont réalisables et par ce moyen seul nous écarterons le danger qui nous menace.

M. le ministre vous dit que les Flandres réclament impérieusement l'organisation d'une société d'exportation, que c'est pour répondre à ce désir qu'il demande de nouveaux impôts; je lui répondrai que pour moi, partisan depuis mon entrée dans cette enceinte d'économies, économies qu'il est facile de réaliser dans l'armée, alors qu'aucun danger ne nous menaçait, je pourrais me renfermer dans ce système qui donnerait largement de quoi faire face aux dépenses que l'organisation de la société d'exportation pourrait entraîner. Mais je dirai que l’organisation de cette grande et utile mesure ne doit être rangée que parmi les objets exigeant des dépenses extraordinaires, et que c'est par des ressources extraordinaires qu'il faut y faire face, et non par des impôts qui sont permanents et destinés à répondre aux besoins ordinaires. Il y a d'ailleurs, messieurs, d'autres ressources. N'avez-vous pas la question des assurances par l'Etat et d'autres encore auxquelles plus d'un ministre a attaché tant d'importance?

Il y a quelques jours, lors de la discussion du budget des affaires étrangères, le cabinet n'est-il pas venu vous dire, à l'occasion des missions d'Allemagne, qu'il ne lui était plus possible de consentir a la moindre réduction?

M. le président. - Je dois faire remarquer à l'orateur qu'il ne s'agit plus dans ses observations d'un fait personnel.

M. Delehaye. - M. le président, pour obéir à votre désir, je vais finir. Je me borne à faire remarquer que la semaine dernière le ministère est venu nous dire qu'il n'y avait plus de réduction possible sur le chiffre pour les missions d'Allemagne, et qu'avant-hier il est cependant venu consentir à une réduction nouvelle de 4,000 fr.

Vous voyez que si le ministère l'avait voulu, ry ici je ne m'adresse pas seulement au cabinet actuel, je m'adresse aussi à tous ses devanciers, cette question des économies aurait été examinée depuis longtemps, et nous ne nous trouverions pas en présence du déficit qui nous menace.

M. le président. - Nous reprenons la discussion des articles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dois dire un mot en l'absence de M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre n'a pas dit, l'année dernière, qu'il ne lui serait plus possible de faire et qu'il ne ferait plus d'économies dans l'avenir. Au contraire, il' a déclaré à la chambre et que tous ses efforts, comme ceux de ses collègues, tendraient à introduire successivement de nouvelles économies.

Voilà qu’elle a été la déclaration de M. le ministre de la guerre, et cette promesse a été, je pense, très loyalement accomplie.

« Redevances sur les mines. Principal : fr. 180,000. »

- Adopté.

« Dix centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 18,000. »

- Adopté.

« Cinq centimes sur les deux sommes précédentes, pour frais de perception : fr. 9,900. »

- Adopté.

Douanes

« Droits d'entrée (10 centimes additionnels) : fr. 10,000,000. »

- Adopté.


« Droits de sortie (id.) : fr. 400,000. »

- Adopté.


« Droits de transit (id.) : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Droits de tonnage (id.) : fr. 450,000. »

- Adopté.


Timbre

« Timbres : fr. 35,000. »

M. Toussaint. - Messieurs, originairement: le droit de timbre a été établi en l'an VI et l'an VII sans aucuns additionnels. Depuis lors, le droit de timbre s'est successivement transformé, tantôt en droit ayant des additionnels, tantôt en droit sans additionnels.

On a ajouté successivement d'autres additionnels pour arriver au droit tel qu'il est fixé maintenant.

A peine établi, le droit de timbre a subi l'augmentation du décime de guerre, qui a existé depuis l'an VI de la République française jusqu'à présent ; héritage de la guerre qui s’est perpétué à travers les circonstances les plus pacifiques.

L'honorable M. Delfosse nous; a signalé tout à l'heure un état financier grave. Je ne le crois toutefois pas aussi grave qu'il nous l'a dit, et lorsque nous en arriverons à discuter la proposition de notre collègue, nous aurons occasion d'élucider quelques-uns des points qu'il a touchés. Cependant, messieurs, la situation, sans être extrêmement grave, sans être accablante, dangereuse, exige la création de toutes les ressources que nous pouvons nous procurer sans gêner la perception actuelle de l'impôt et sans tarir les sources de la prospérité publique. Si l'on a, avec raison, établi le décime de guerre en l'an VI, et si cet impôt a continué à se percevoir pendant la paix, je pense qu'aujourd'hui, en présence des circonstances exceptionnelles où nous nous trouvons, nous pourrions, avec tout autant et même avec plus de raison, décider que' sur tous les droits de timbre, tant en matière de douane et d'accise qu'en matière civile, commerciale et judiciaire, il sera, pendant un an, à raison de ces circonstances exceptionnelles perçu 10 p. c. d'additionnels.

Le droit actuel s'élève, pour la douane, à 35,000 fr.; pour l'accise, à 6 ou 7,000 fr.; pour le timbre proprement dit, à 3 millions. Le tout peut faire 3 millions et quelques cent mille francs. Dix pour cent sur ce droit procurerait donc 300 et des mille francs, et cela sans tarir aucune source de travail, aucune source de revenu, et sans compromettre d’une manière sensible le revenu lui-même. Il pourrait peut-être résulter de cette mesure qu'on prendrait un peu moins de timbres ; mais je ne crois pas que la diminution resterait infiniment loin du produit des 10 p. c. additionnels que je voudrais voir établir.

J'attendrai les explications que voudra bien me donner M. le ministre des finances, soit dans cette séance, soit dans une séance prochaine, lorsque nous arriverons à l'article du timbre proprement dit, pour voir si je dois faire une proposition dans ce sens.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne pense pas qu'il serait sans inconvénient d'accroître les droits de timbre. Je ferai remarquer qu'on a réduit, par une loi récente, le timbre des effets de commerce. Il ne serait pas rationnel de l'augmenter aujourd'hui. Je ne me prononce pas, cependant, d'une manière absolue sur l'idée qu'émet l'honorable M. Toussaint. J'examinerai si l'on peut, sans inconvénient-, tirer quelque chose de ce produit.

M. Mercier. - Messieurs, je crois qu'il y aurait beaucoup d'inconvénients à établir des centimes additionnels sur le timbre. On doit se rappeler que lorsque les centimes, qui existaient précédemment, ont été supprimés, le droit a été augmenté proportionnellement. C'est pour éviter cette complication de centimes additionnels variables de leur nature, et qui peuvent affecter tous les approvisionnements de timbre qui se trouvent en magasin, qu'on a jugé utile d'exempter les droits de timbre de centimes additionnels.

Pour recouvrer immédiatement le produit que l'on aurait en vue, si la proposition de l'honorable préopinant était convertie en loi, l'administration, des finances éprouverait de très graves difficultés. Car naturellement il peut y avoir beaucoup de papier timbré en magasin; il est timbré au taux actuel; il faudrait soumettre tout ce matériel à un nouveau timbre pour en augmenter le prix, en admettant du reste que la mesure en elle-même n'entraîne pas de graves inconvénients, ce qui certes est très contestable.

Pour ma part, je ne puis appuyer la proposition de l'honorable M. Toussaint.

(page 246) M. Toussaint. - Je ne demande pas la parole pour vider la question en ce moment; je désire seulement répondre deux mots à l'honorable M. Mercier, dont les paroles pourraient produire d'autant plus d'effet qu'il a été chargé au département des finances, entre mille autres objets, de faire exécuter les lois sur le timbre. L'honorable ex-ministre a négligé de dire à la chambre que la même circonstance que celle qu'amènerait ma proposition, s'est présentée très souvent sous le régime hollandais, qu'elle s'est présentée plusieurs fois depuis 1830 et que toujours on s'est tiré parfaitement d'affaire quant aux difficultés matérielles.

Il y a évidemment un léger inconvénient à ce que le droit soit augmenté. Mais il y a un inconvénient plus grave, c'est celui qui naît de la situation financière que vous a fait connaître M. le ministre des finances et qui vient d'être si éloquemment dépeinte devant vous.

On dit que l'augmentation du droit amènerait des difficultés dans le débit du timbre. Mais je ne crois pas qu'il s'attache une difficulté d'exécution sérieuse à ajouter, dans la perception, 10 p. c. au prix marqué sur le timbre en lettres rouges ou en lettres noires. Si vous achetez un timbre de 45 centimes, il ne faut pas une opération d'arithmétique bien difficile pour savoir que les 10 p. c. donnent 4 centimes 1/2, soit 5 centimes pour arrondir; ce qui fait avec le principal 50 centimes, taux qui ne ferait pas vendre un seul timbre de moins.

Le troisième inconvénient, c'est l'obligation de timbrer au moyen d'une griffe particulière les timbres qui se trouvent en magasin. Or cela s'est produit vingt fois depuis l'établissement du timbre. Ce n'est donc pas encore là un inconvénient sérieux.

La seule chose à examiner, c'est le point de savoir si l'établissement d'un décime en sus doit avoir pour effet de diminuer notablement l'emploi du papier timbré, et surtout si l'établissement de ce décime n'aurait pas l'inconvénient très grand d'être considéré comme le retrait de la diminution de charges qu'on a voulu accorder récemment pour les effets de commerce. Eh bien, je n'hésite pas à me prononcer pour la négative; et je ne pense pas que les personnes qui se servent de timbres trouveront un inconvénient bien grave à payer quelques centimes de plus pour aider à rétablir les finances du pays sur un pied régulier. Au point où nous en sommes, lorsque nous faisons tant d'efforts pour trouver 20.000 ou 25,000 fr. sur un budget, je pense que nous ne devons pas négliger une somme de 300,000 fr. que l'on pourrait percevoir sans aucune difficulté sérieuse.

M. Osy. - Messieurs, il y a peu de mois nous avons voté une loi qui réduisait quelque peu le droit de timbre, mais nous avons établi en même temps des mesures qui rapportent beaucoup plus que les 10 centimes additionnels que propose l'honorable membre. Nous avons décidé que tous les endosseurs seraient passibles de l'amende, et je suis persuadé que depuis la promulgation de cette loi on ne fait plus un seul effet sur papier libre. Tout le monde soumet maintenant au timbre même les effets étrangers qu'on n'y avait jamais soumis auparavant. Si M. le ministre des finances voulait nous donner un relevé de ce que le timbre rapporte, vous verriez, messieurs, que l'augmentation est bien plus considérable que de 10 p. c. Je l'engage beaucoup à nous communiquer un semblable relevé.

M. Mercier. - Je ne m'oppose nullement à ce que la question soulevée par l'honorable M. Toussaint soit examinée par M. le ministre des finances mais il me semble que les considérations dans lesquelles vient d'entrer l'honorable M. Osy méritent une sérieuse attention ; j'ajouterai que c'est en partie à cause des difficultés que présente la perception de centimes additionnels qu'on a modifiée, en 1838, la loi sur le timbre ; on a compris alors tous les additionnels dans le principal. Je ne puis voir dans cette circonstance un motif pour augmenter l'impôt du timbre plutôt que tout autre impôt, à l'égard duquel on a laissé subsister les centimes additionnels dans leur forme primitive.

- Le chiffre de 35 mille francs est mis aux voix et adopté.

Droit de consommation sur les boissons distillées

« Droit de consommation sur les boissons distillées : fr. 900,000. »

M. d'Hondt. - Messieurs, je prends la parole uniquement pour relever ce que je crois être une erreur de la part de la section centrale. Vous vous rappelez que vous avez renvoyé à l'examen de la section centrale une masse de pétitions qui demandaient l'abolition du droit de consommation sur les boissons distillées. Cependant la section centrale nous dit à cet égard ce qui suit :

« La section centrale a examiné avec attention les réclamations que la chambre lui avait renvoyées de la part d'un grand nombre de cabaretiers et débitants de boissons de Tournay, d'Assche, d'Audenarde, etc., contre l'assiette de l'impôt sur le débit des boissons distillées. Toutes ces réclamations tendent à faire ressortir l'exagération du chiffre, dans la plupart des cas, de cette patente supplémentaire, et l'injustice résultant de l'uniformité du chiffre de l'impôt, quelle que soit l'importance ou la modicité du débit. »

De là, messieurs, vous pourriez inférer que l'on demandait simplement la révision de la loi actuelle ; eh bien, je crois devoir vous faire observer que, d'après l'analyse qui s'en trouvait au Moniteur, toutes ces pétitions demandent formellement, les uns, l'abolition pure et simple du droit lui-même, les autres, son remplacement par une augmentation des droits sur la fabrication. Ce n'est pas le moment d'examiner le fond de cette question, et je me borne à constater que c'est là ce que demandent les nombreux pétitionnaires qui se sont adressés à nous.

Seulement j'ajouterai que cet impôt, quelle que soit la modification que vous y apportiez, n'en sera pas moins toujours une seconde, une double patente, d'autant plus injuste, qu'elle n'entre point en ligne de compte pour former le cens électoral, quoique directement versée dans la caisse du trésor.

Je n'ai donc fait ces observations que pour faire ressortir la véritable portée de la grande majorité, je dirai de la totalité des (erratum, page 256) réclamations, et afin que l'erreur qui me semble régner dans le rapport de la section centrale ne produise point sur les dispositions, sur l'esprit de l'honorable ministre des finances, une influence qui ne soit pas en harmonie avec le vœu réel des nombreuses pétitions.

Je termine, messieurs, en appelant toute l'attention de l'honorable ministre des finances sur l'examen du point de savoir s'il n'y aurait pas moyen de nous proposer, dans le projet immédiat de loi qu'il nous a annoncé, non pas la simple modification, mais la suppression du droit de consommation sur les boissons distillées, sauf à la remplacer, soit par une augmentation du droit sur la fabrication , soit par une autre voie,

M. Rodenbach. - L'honorable membre vient de dire que toutes les pétitions demandent que l'impôt sur les boissons distillées soit remplacé par une augmentation de droits sur les distilleries. Depuis plusieurs années la chambre a reçu une foule des pétitions à cet égard, mais ces pétitions demandent bien plutôt une répartition plus juste que la suppression de l'impôt. Je citerai notamment la pétition des débitants de Bruxelles, qui est très bien faite; cette pétition fait observer qu'il est inique de faire payer à celui qui vend pour une centaine de francs, autant qu'à celui qui vend pour 7,000 ou 10,000 fr. Je pense aussi qu'on ne peut pas ainsi sacrifier le petit au fort.

La question soulevée par l'honorable député d'Audenarde est extrêmement grave. Il faudrait changer la loi sur les distilleries, et il s'agirait de savoir si, en augmentant de 25 ou 30 p. c. le droit sur les boissons distillées dans le pays, on n'amènerait pas, comme précédemment, l'introduction de spiritueux étrangers. Autrefois les spiritueux nous arrivaient de la Hollande, ils nous arrivaient de la Prusse et de la France. Nous avons des précédents. Il y a quelques années, on avait organisé une fraude active sur ces trois frontières. C'est pour cela même qu'on a dû changer la loi.

Je crois que l'intention de M. le ministre des finances est de présenter un projet de loi, consacrant une répartition plus juste. On payerait à proportion de la vente; les grands débiteurs pourraient payer de 300 à 400 fr.

M. Cools, rapporteur. - Messieurs, l'analyse que l'honorable M. d'Hont vient de présenter des pétitions dont la section centrale s'est occupée, est fort exacte. Je tiens seulement à faire remarquer que la contradiction qu'il croit avoir trouvée entre le contenu de ces pétitions et le rapport de la section centrale, n'est qu'apparente. La section centrale dit que toutes ces réclamations tendent à faire ressortir l'exagération du chiffre, dans la plupart des cas, de cette patente supplémentaire, et l'injustice résultant de l'uniformité du chiffre de l'impôt, quelle que soit l'importance ou la modicité du débit. C'est, en effet, le thème de toutes les pétitions. Seulement la section centrale n'a pas cru qu'il fût nécessaire d'ajouter que les pétitionnaires demandent la suppression de l'impôt, pour que cette conclusion ressorte des prémisses.

Maintenant la section centrale n'a pas cru pouvoir appuyer le vœu de ces pétitions, afin de persévérer dans le système de réserve et de prudence qu'elle avait adopté et qui lui était imposé par la position financière du pays ; elle n'a pas pu conseiller au gouvernement de supprimer purement et simplement l'impôt sur les boissons distillées ; elle a cru arriver, d'une autre manière, au résultat désiré par les pétitionnaires. A l'article « accises », vous remarquerez que la section centrale désire que l'impôt des distilleries soit modifié, à l'effet de lui faire rapporter 25 p. c. de plus, augmentation qui remplacerait l'impôt sur le débit des boissons distillées.

M. Delehaye. - J'appuie les observations de l'honorable M. d'Hont. L'impôt sur les boissons distillées est tout à fait fâcheux; il ne frappe que les petits. Quand viendra la discussion du nouveau projet de loi que le gouvernement a promis sur cette matière, je demanderai la suppression d'un impôt des plus immoraux. Par l'ancienne loi, on a eu en vue de diminuer le nombre d'établissements de cette nature ; et on l'a, au contraire, augmenté. Il s'est formé, dans une foule de localités, des cabarets où l'on vend clandestinement du genièvre.

Ce qui m'a engagé à prendre la parole, c'est l'opinion émise par l'honorable rapporteur. Je m'opposerai toujours de toutes mes forces à ce qu'une section centrale vienne dire : Telle industrie devrait payer autant. C'est une marche des plus désastreuses. La première année, l'opinion est isolée; la seconde année, elle se fait jour; la troisième année, elle s'accrédite et finit par s'ériger en loi. C'est l'histoire de l'impôt sur les sucres.

J'ai la conviction qu'avec l'impôt indiqué par la section centrale, les distilleries ne pourraient se soutenir, et une partie du pays serait inondée de genièvre hollandais.

Je le répète, la marche que je combats est des plus désastreuses. Le commerce a déjà été souvent lésé. Nos lois ne sont pas assez stables pour lui donner une grande sécurité. Depuis quelques années, on a modifié des lois importantes cinq ou six fois. C'est un grand mal dont souffre en définitive la classe ouvrière.

(page 247) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant appuie les observations de l'honorable M. d'Hont, qui a fait remarquer que les pétitions, analysées dans le rapport de la section centrale, demandent, non la transformation, mais la suppression de l'impôt sur les boissons distillées; l'honorable membre pense qu'il faut opérer par voie de suppression.

L'honorable M. Delehaye combat, d'un autre côté, les indications données par la section centrale et qui tendraient à substituer au droit de consommation un accroissement de l'accise sur les boissons distillées. L'opinion de l'honorable membre se résout donc en ceci : suppression d'un revenu d'environ un million de franc.

Le gouvernement ne croit pas que ce soit le moyen de rétablir la situation financière, qui, pour le moment, paraît peu préoccuper l'honorable membre. Le gouvernement croit qu'il n'y a pas lieu d'abandonner cet impôt ; mais il pense que l'impôt, tel qu'il est établi, n'est pas équitable.

Il y a lieu d’opérer la révision de la loi, en étendant le nombre de classes des patentables. A l'ouverture de la session, le gouvernement a annoncé l'intention de présenter un projet de loi sur cette matière, et cette intention, il la réalisera, d'après la base que je viens de rappeler.

M. d'Hondt. - Messieurs, M. le ministre des finances est dans l'erreur quand il suppose que j'ai demandé actuellement la suppression de l'impôt sur les boissons distillées. Je n'ai pas réclamé cette suppression. J'ai été le premier à dire que ce n'était pas le moment d'examiner cette question, qui peut être très grave. J'ai voulu seulement rétablir la vérité des faits. Et ici je réponds en même temps et à l'honorable M. Rodenbach et à l'honorable rapporteur de la section centrale. On prétend que les anciennes pétitions demandaient, non pas la suppression, mais la révision du tarif sur la consommation des boissons distillées.

Il est possible, messieurs, que ces anciennes pétitions aient demandé cela. Je n'en disconviens pas. Mais ce que j'ai voulu établir, c'est que les pétitions récentes, c'est-à-dire celles qui ont fait l'objet du renvoi à la section centrale du budget actuel, et qui émanent des villes d'Audenarde, Tournay, Soignies, Enghien, et d'une infinité d'autres localités, demandaient non pas une simple révision du tarif, mais la suppression complète du droit sur le débit. J'ai eu soin d'ajouter que plusieurs de ces pétitions proposaient le remplacement par une élévation du droit d'accise sur la distillation, et que je livrais la question à l'examen sérieux de l'honorable ministre des finances. Or, en remplaçant le droit par le moyen indiqué il n'y aurait certes aucune perte pour le trésor. Veuillez jeter les yeux sur les pétitions analysées dans les séances des 7, 15, 28, 30 novembre et 5 décembre et vous vous convaincrez, messieurs, que j'étais bien dans le vrai en disant qu'il y avait erreur dans l'énoncé de la section centrale. Je n'ai donc point voulu que l'honorable ministre des finances versât dans cette erreur que les nombreux pétitionnaires qui réclamaient contre la loi sur le débit de boissons distillées se fussent bornés à en demander seulement la révision.

Quant à la discussion de la question au fond, je me réserve de faire valoir mes raisons alors que le nouveau projet de loi nous sera présenté par le gouvernement. Dès à présent je m'estime heureux d'avoir rencontré l'appui de l'honorable M. Delehaye, et la promesse du concours de ses efforts ultérieurs contre la plus odieuse, la plus inique de nos lois fiscales.

M. Cools, rapporteur. - Un honorable député de Gand a reproché à la section centrale d'avoir indiqué des industries qui plus que d'autres pouvaient rapporter de nouveaux impôts ; il aurait préféré sans doute qu'elle proposât des diminutions. Ce serait un système très facile ; mats la section centrale des voies et moyens a pris sa tâche au sérieux; elle a pensé que les sections l'avaient chargée d'une mission plus pénible, mais plus utile, celle d'examiner s'il était possible dans la situation présente de se rallier à la demande des débitants de boissons distillées et de supprimer purement et simplement l'impôt contre lequel ils réclament; elle est arrivée à cette conclusion qu'elle ne pouvait pas prendre sur elle de proposer cette modification.

Je prie l'honorable député de Gand d'être convaincu qu'elle ne s'est pas prononcée à la légère. Elle a examiné si l'impôt, en maintenant le système actuel, était susceptible d'augmentation ; elle a reconnu que non, aussi n'a-t-elle pas adopté la proposition de l'augmenter de 25 centimes additionnels, proposée par l'une des sections. Cela prouve qu'elle a agi avec beaucoup de prudence et de circonspection. Mais elle a pensé qu'il en était tout différemment si on modifiait le système de l'impôt, en établissant l'impôt sur une base nouvelle ; elle a cru qu'il était passible d'arriver à cette augmentation de produits de 25 p. c., et si elle en a fait la proposition, c'est qu'elle ne s'est pas laissé guider uniquement par un intérêt financier; elle a cru qu'il s'y mêlait un intérêt de moralisation. Le mal ne serait en effet pas grand, si on buvait un peu moins de genièvre parce qu'il coûterait un peu davantage, et en conséquence, elle a fait une proposition dans ce sens; mais le gouvernement annonce qu'il a un autre système, qu'il proposera un changement au droit de patente des débitants de boissons distillées. Ce que nous avons maintenant de mieux à faire, c'est d'attendre les propositions du gouvernement.

Je pense en avoir dit assez pour justifier les propositions de la section centrale.

- L'article est adopté.

Accises

« Sel (sans additionnels) : fr. 4,800,000. »

- Adopté.


« Vins étrangers (20 centimes additionnels et timbrés collectifs) : fr. 2,100,000. »

- Adopté.


« Eaux-de-vie étrangères (sans additionnels) : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Eaux-de-vie indigènes (id) : fr. 3,800,000. »

- Adopté.


« Bières et vinaigres (26 centimes additionnels et timbres collectifs) : fr. 6,500,000. »

- Adopté.


« Sucres : fr. 3,000,000. »

M. Cools. - A l'occasion de cet article, je demanderai la permission de me dépouiller pour un instant de ma qualité de rapporteur de la section centrale, pour parler comme simple représentant. C'est pour abréger la discussion autant que cela dépendra de moi.

Je pense que le moment n'est pas venu de nous livrer à un examen approfondi de la question des sucres. Je trouve que cet impôt ne donne pas des produits assez considérables; le ministère est d'une opinion contraire.

C'est une question que nous examinerons dans une occasion plus favorable, et j'admets que jusqu'alors toutes les opinions doivent être réservées. J'ai saisi la chambre d'une proposition sérieuse, et je ferai tous mes efforts pour qu'elle aboutisse à un résultat utile pour le pays. En attendant, je suis prêt à voter le chiffre porté au budget, en laissant toutefois au gouvernement la responsabilité de ses évaluations. A cet égard, je maintiens toutes les observations que j'ai fait valoir dans une autre séance, de même que M. le ministre des finances maintiendra probablement les siennes. Le temps nous apprendra lequel de nous deux aura été le plus près de la vérité.

Je dois maintenant ne plus ajouter qu'un mot au sujet de la proposition spéciale dont je suis l'auteur. Je ne m'écarterai pas ainsi de l'article en discussion.

Je suis d'avis, et je l'ai dit dans mes développements, que la législation sur les sucres doit être modifiée, quelles que soient les ressources que le trésor pourra trouver dans une amélioration des autres branches de revenus.

Ainsi, dans ma pensée, la proposition que j'ai faite ne se rattache à aucune des propositions qui sont émanées ou qui pourront encore émaner de l'initiative du gouvernement.

Le ministère a parlé d'un ensemble de projets, d'un plan général d'amélioration de nos finances, qu'il a un intérêt politique à faire accepter par la chambre. Il demande qu'on lui laisse à cet égard une certaine liberté d'action. Je sais toutes les difficultés qu'un ministère éprouve en toute circonstance à faire décréter de nouveaux impôts, même alors que le public est suffisamment convaincu que ces nouveaux impôts sont indispensables. Sous ce rapport, je ne me sens nulle envie de contrarier un cabinet qui me paraît répondre aux besoins de la situation, et qui a toute ma sympathie. Que le ministère expose et défende son plan, qu'il parvienne même à le faire accepter par la chambre, je n'y porterai pas obstacle.

Je dirai cependant que j'aurais désiré que l'exécution de ce plan n'eût pas commencé par des dégrèvements, lorsqu'on est encore à se demander si on parviendra à se mettre d'accord sur les recèdes nouvelles qu'il convient d'y substituer. Mais soit. Les mesures les plus importants ne sont pas encore examinées. J'ai d'autant moins d'intérêt à en retarder la discussion, qu'il en est plus d'un et parmi ceux auxquels je pense que le cabinet attache le plus de prix, que je suis décidé à appuyer.

La discussion des budgets va se succéder sans interruption. Les lois financières du gouvernement seront examinées ensuite. Si cet examen se poursuit avec rapidité et qu'aucun incident ne survienne, je ne verrais, en ce qui me concerne, aucun inconvénient à ce que la question des sucres fut postposée. Je suis sous ce rapport aux ordres de la chambre. Cette question des sucres ne doit cependant pas rester trop longtemps indécise. Je ne fixe dès à présent aucun délai, parce que le règlement me garantit des moyens de faire commencer la discussion lorsque le moment sera opportun, si j'obtiens de la chambre qu'elle me prête son appui. Provisoirement et sans prendre cependant d'engagement, je pense que je ne m'opposerai pas à un délai d'un ou deux mois.

M. Osy. - L'honorable rapporteur propose de ne pas entrer maintenant dans le fond de la question. Nous serons d'accord, car je puis dire que la section centrale sera convoquée la semaine prochaine pour s'occuper des projets de MM. Cools et Mercier. Si aujourd'hui nous abordons la discussion, ce serait anticiper sur le travail de la section centrale. Nous ferons donc bien de nous abstenir d'entrer aujourd'hui dans la discussion de celle question.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La section centrale a dit quelque part dans son rapport qu'elle maintenait les chiffres indiqués par le gouvernement pour les évaluations des produits qui figurent au budget, sans cependant croire que toutes ces évaluations se réaliseraient. L'honorable M. Cools vient de répéter la même chose à l'occasion du chiffre relatif aux sucres; je présume que l'observation du rapport s'applique spécialement aux sucres.

M. Cools. - Dans son opinion elle s'applique au produit des sucres, mais elle s'applique aussi à d'autres produits. Si vous voulez, je les indiquerai.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A l'occasion de cet article, vous pourrez les indiquer, car je tiens essentiellement à justifier les évaluations qui figurent au budget. Je les crois parfaitement motivées.

Je n'ai pas fait des évaluations uniquement pour présenter un (page 248) résultat plus ou moins satisfaisant. Mais j'ai cherché à les établir sur des bases sérieuses. Je pense que nous avons donné la preuve à la chambre de notre intention à cet égard, en fournissant des documents de telle nature qu'il paraît difficile, sinon impossible de ne pas admettre toutes les évaluations du gouvernement. Aussi sont-elles toutes adoptées par la section centrale, comme elles l'ont été par toutes les sections.

Toutefois nous n'avons garde de nous croire infaillibles. Si quelque évaluation paraît trop élevée, nous la réduirons. Nous n'avons pas le désir de nous faire illusion en présentant des résultats meilleurs en apparence qu'ils ne le seraient réellement.

C'est, du reste, ce qui résulte des opinions de la section centrale qui nous a reproché, par exemple, de n'avoir fait figurer au budget que 400,000 fr. pour intérêts des billets de banque émis par la Société Générale, tandis que ces intérêts, sur la foi même d'une note donnée par le gouvernement, auraient pu aller jusqu'à 540,000 fr. Nous avons dit les raisons pour lesquelles nous nous étions bornés à la somme de 400,000 francs.

Je signale ces détails pour indiquer dans quel esprit ont été faites les évaluations du gouvernement.

En ce qui concerne particulièrement le chiffre relatif aux sucres, nous avons la croyance que notre évaluation se réalisera.

Après cela, vous comprenez, messieurs, que pour aucune des évaluations du budget, le ministre des finances ne se porte garant qu'elle entrera, à sous et deniers près, dans les caisses de l'Etat. Nous nous bornons à dire que les évaluations sont établies sur des bases rationnelles.

L'honorable M. Cools n'a qu'un motif pour critiquer l'évaluation de 3 millions, c'est qu'elle ne se réalisera qu'au moyen de payements faits par anticipation. Mais qu'importe au trésor, si l'on perçoit 3 millions ? Que la recette se fasse au moyen de payements anticipatifs ou par des payements, à l'échéance, les 3 millions entreront-ils moins dans les caisses de l'État ?

Je sais que l'honorable M. Cools, dans les développements qu'il a donnés à son opinion dans le rapport de la section, centrale se livre à des considérations étendues pour démontrer les inconvénients attachés aux payements anticipatifs. Mais qu'il y ait lieu de les discuter maintenant, nous nous en expliquerons en temps opportun.

Je me bornerai, comme lui et l'honorable M. Osy, à faire mes réserves. Je n'admets en aucune façon, au fond, l'opinion de l'honorable M. Cools. J'arrive à des conséquences entièrement opposées à celles qu'il a déduites des faits. Je dirai seulement que l'administration a acquis la conviction qu'en supprimant le commerce d'exportation (la seule chose intéressante ans la question des sucres, comme chacun le sait), le produit à obtenir ne peut pas aller au-delà de 4 millions.

Je répète donc que nous faisons nos réserves sur ce point. L'opinion du gouvernement sera nettement défendue, lorsqu'il s’agira des propositions des honorables MM. Cools et Mercier,

- L'article Sucres est adopté avec le chiffre de 3 millions.


« Timbre sur les quittances : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Timbre sur les permis de circulation : fr. 1,000. »

- Adopté.

Garantie

« Droits de marque des matières d'or et d'argent : fr. 130,000. »

M. Toussaint. - Je demande à faire une observation sur les formalités auxquelles donne lieu sur nos frontières le contrôle des matières d'or et d'argent, formalités très gênantes dans l'état de nos relations multipliées. On saisit sur les voyageurs les bijoux qu'ils portent, lorsqu'il s'y trouve de l'or ou de l'argent. Les voyageurs sont obligés de continuer leur voyage après s'être dessaisis de cet objet. Les objets d'or et d'argent sont envoyés à Bruxelles où le voyageur doit séjourner pendant quelque temps pour en attendre la remise.

Le fisc pourrait très bien se dispenser de pousser le zèle du contrôle jusqu'à saisir les bijoux que portent les voyageurs qui n'en font pas étalage ou commerce. Il pourrait se borner à pratiquer la saisie au domicile et dans les magasins des personnes qui font commerce ou débit de ces objets.

Plusieurs fois, des réclamations ont été élevées à ce sujet. Il convient d'éviter aux voyageurs cette vexation à laquelle le fisc n'a pas un intérêt important.

Je crois que le gouvernement devrait retirer les instructions qu'il a données pour qu'on saisisse sur les voyageurs les matières d'or et d'argent, et que l'on devrait renoncer au dessaisissement qu'on exige des voyageurs porteurs de ces objets.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il serait impossible d'accéder .au vœu exprimé par l'honorable M. Toussaint. Ce serait contraire à la loi, contraire au but de la loi. Le droit de marque des matières d'or et d'argent est établi, non pas dans des vues fiscales, mais en vue de donner la garantie que les matières d'or et d'argent qui peuvent entrer dans le commerce soient au titre déterminé par la loi.

Si l'on ne faisait pas déposer les objets pour les diriger sur le bureau de la garantie qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies, la loi serait inutile; elle serait complètement éludée. Le moyen indiqué par l'honorable membre de s'occuper uniquement des objets présentés à la vente, et de laisser passer les objets dont les voyageurs seraient porteurs, rendrait la loi illusoire : le voyageur porteur de ces objets les ferait considérer comme étant à son usage et en ferait ensuite un objet de trafic dans l'intérieur du pays. Il est donc évident qu'il faut que l'on continue d'exécuter la loi comme on le fait. On ne pourrait établir un bureau de garantie à la frontière, il en faudrait alors à tous les bureaux de douane; ce qui n'est pas admissible.

M. Toussaint. - Messieurs, je demande pardon à la chambre d'insister sur cet objet ; je ne le fais que parce que la mesure dont je me plains occasionne à la frontière de regrettables froissements, M. le ministre des finances l'avoue lui-même. Il s'agit, non d'un impôt, mais en quelque sorte d'une question d'ordre matériel du genre de celles que soulève la législation des poids et mesures.

Messieurs, à l'intérieur du pays, le gouvernement se borne à saisir les objets non contrôlés qui se trouvent exposés en vente ; il ne saisit pas le bijou que porterait un particulier. Or le voyageur qui entre en Belgique et qui ne vend pas des objets d'or et d'argent, se trouve dans la même position que le particulier dans l'intérieur du pays.

Le fisc a deux occasions de s'assurer que les objets d'or et d'argent sont contrôlés : c'est d'abord lorsqu'il y a vente par les orfèvres; chez eux, il a le droit de faire des visites ; c'est en second lieu lorsque les objets se vendent par ministère d'officier public; alors l'officier public est obligé de faire, la veille de la vente, la déclaration des objets, et le contrôleur peut s'assurer que ces objets sont contrôlés. Mais jamais, dans l'intérieur du pays on ne demande à un particulier, quelle que soit la circonstance où il se trouve, en cas de succession ou autrement, si les objets d'or et d'argent qu'il possède sont contrôlés. Il s'agit, en effet, là d'objets qui ne concernent que le particulier, .et celui-ci sait fort bien distinguer le similor de l'or véritable.

- L'article est adopté.

Recettes diverses

« Droits de magasin des entrepôts, perçus au profit de l'État : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Recettes accidentelles : fr. 10,000. »

- Adopté.

Enregistrement et domaines

Droits, additionnels et amendes

« Enregistrement (30 centimes additionnels) : fr. 10,200,000. »

- Adopté.


« Greffe (id.) : fr. 300,000. »

- Adopté.


« Hypothèques (26 centimes additionnels) : fr. 1,600,000. »

M. Lebeau. - Messieurs, mon attention a été appelé sur l'exécution qui est donnée depuis un assez grand nombre d'années par le département des finances à une loi déjà ancienne sur les transcriptions. Il est résulté pour moi de cet examen, auquel je me suis livré seulement aujourd'hui, ne pensant pas que nous marcherions avec une telle rapidité dans la discussion du budget des voies et moyens, il est résulté, dis-je, de graves doutes sur la légalité de l'interprétation qui a été donnée à la loi de 1824. Je suis porté à croire, sauf examen ultérieur, que l'interprétation qui a prévalu depuis un assez grand nombre d'années, est contraire à la loi et porte au trésor public un dommage assez notable.

Je ne suis pas en mesure de présenter aujourd'hui mes observations. Je demanderai que cet article soit renvoyé à demain. Il nous reste encore une quarantaine d'articles à voter; je crois que, quelle que soit l'activité qu'y mettra la chambre, elle ne pourra terminer aujourd'hui l'examen du budget.

- La chambre remet à demain la discussion de cet article.


« Successions : fr. 7,000,000. »

M. le président. - La section centrale, eu égard à cette circonstance que le projet de loi sur les successions n'est encore qu'en section centrale, propose le chiffre de 5,300,000 fr.

M. le ministre se rallie-t-il à cet amendement?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il nous est évidemment impossible de discuter incidemment le système proposé par le projet qui est soumis à la chambre. Il faut donc soustraire du chiffre proposé par le gouvernement celui de 1,800,000 fr., montant du produit probable pour 1849 de la loi proposée ; je dis pour 1849, car il est bon de faire remarquer en passant que le produit présumé est bien supérieur à 1,800,000 fr. Le produit de cette loi devrait s'élever de 2,500,000 à 2,800,000 fr. dans l'année qui suivrait sa mise en vigueur.

Nous ne nous opposons pas à ce qu'on diminue de la proposition actuelle le chiffre de 1,800,000 fr.

M. le président. - Le chiffre serait ainsi réduit à 5,200,000 fr.

M. Cools, rapporteur. - La section centrale a proposé le chiffre de 5,300,000 fr., en se basant sur la moyenne des dernières années. Cette moyenne est de 5,241,100 fr. Elle a arrondi le chiffre et propose 5,300,000 francs. Comme ce sont de simples évaluations, la différence d'une centaine de mille francs est sans importance.

- Le chiffre de de 5,300,000 fr. est adopté.


« Timbre (sans additionnels) : fr. 3,000,000. »

M. Toussaint. - Je demande que la discussion de cet article soit également remise à demain.

- Cette proposition est adoptée.

Recettes diverses

(page 249) « Indemnités payées par les miliciens pour remplacement et pour décharge de responsabilité de remplacement : fr. 70,000.3

- Adopté.


« Amendes en matière de simple police, civile, correctionnelle, etc. : fr. 140,000. »

- Adopté.


« Produits des examens : fr. 85,000. »

- Adopté.


« Produits des brevets d'invention : fr. 15,000. »

M. Dedecker. - Messieurs, tout le monde croyait que la discussion générale du budget des voies et moyens prendrait toute la séance, et l'on ne se trouve pas préparé pour l'examen des articles. Je pense entrer dans les vœux de la chambre en demandant remise de la discussion à demain.

- Plusieurs membres. - A demain !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On pourrait toujours voter aujourd'hui les articles qui ne sont pas contestés.

M. Orts. - Je ne crois pas que ce soit sérieusement que, lorsque le pays attend avec impatience les décisions de la chambre, on veuille lever la séance à 4 heures. Plusieurs honorables membres sont disposés à prendre la parole sur le chapitre des péages; on pourrait concilier toutes les opinions en commençant immédiatement la discussion de ce chapitre et en ajournant le reste.

M. Dedecker. - Certes, le zèle ne me manque pas plus qu'à l'honorable M. Orts, mais je ne pense pas qu'on puisse entamer la discussion 'sur les péages en l'absence de M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le budget des voies et moyens renferme beaucoup d'articles qui ne peuvent donner lieu à aucune discussion; je demande que la chambre s'occupe de ce travail en quelque sorte matériel, qui consiste à homologuer les articles non contestés. (Adhésion.)

M. le président. - Nous en sommes aux brevets d'invention.

M. Rodenbach. - Messieurs, il nous arrive journellement des pétitions demandant la révision de la loi sur les brevets d'invention; déjà plusieurs de ces requêtes ont été renvoyée au gouvernement. Je demanderai à M. le ministre si l'intention du gouvernement est de modifier cette loi qui soulève des réclamations quotidiennes et qui donne lieu à des abus réels. Je désirerais savoir si nous serons saisis d'une proposition à cet égard.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la question des brevets d'invention a été examinée longuement et avec beaucoup de soin par une commission spéciale. Un projet de loi est prêt à être déposé, mais je crois que la chambre a déjà en ce moment assez de projets à examiner, sans qu'on vienne encore en ajouter d'autres.

- Le chiffre est mis aux voix et adopté.


« Produits des diplômes des artistes vétérinaires : fr. 1,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (II. Péages)

Domaines

Les articles relatifs aux péages sont ajournés à demain.

Travaux publics. Postes

« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 2,830,000. »

M. Gilson. - Messieurs, je n’ai demandé la parole que pour faire une simple réserve. Je désire qu'il soit fait, pour le chapitre des postes, ce qui vient d'être fait pour les successions et pour les sucres. Il y a pour ces trois objets, des projets de loi particuliers soumis en ce moment à la chambre. Ils feront prochainement l'objet de ses délibérations. Jusqu'à, le vote émis à l'occasion du budget des voies et moyens n'est émis bien entendu que sous des réserves bien légitimes.

- Le chiffre de 2,830,000 fr. est mis aux voix et adopté.


« Port des journaux et imprimés : fr. 110,000. »

- Adopté.


« Droits de 5 p. c. sur les articles d'argent : fr. 25,000. »


- Adopté.

« Remboursements d'offices étrangers : fr. 170,000. »


- Adopté.

« Emoluments perçus en vertu de la loi du 19 juin 1842 : fr. 65,000. »


- Adopté.

Marine

« Produits du service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 312,000. »

- Adopté.

Discussion des articles (III. Capitaux et revenus

Travaux publics

Les articles relatifs au chemin de fer sont renvoyés à demain.

Enregistrement et domaines

« Rachat et transfert de rentes, y compris l'aliénation de rentes constituées : fr. 1,500. »

- Adopté.


« Capitaux du fonds de l'industrie : fr. 120,000. »

- Adopté.


« Capitaux de créances ordinaires : fr. 200 000. »

- Adopté.


« Prix de vente d'objets mobiliers ; transactions en matière domaniale; dommages et intérêts; successions en déshérence ; épaves : fr. , 200,000. »

- Adopté.


« Prix de vente de domaines, en vertu de la loi du 27 décembre 1822, payés en numéraire en suite de la loi du 28 décembre 1835, pour l'exécution de celle du 27 décembre 1822 et des lois des 30 juin 1840, 18 mai 1845 et 27 février 1846 : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Prix de coupes de bois, d'arbres et de plantations; vente d'herbes ; extraction de minerai de fer, de terre et de sable : fr. 1,100,000. »

M. David. - Messieurs, s'il devait être question d'un nouvel impôt, je ne le réclamerais pas. La mesure que j'aurai l'honneur de proposer, a déjà été demandée plusieurs fois par notre honorable président. Il s'agit des foins aigres de la forêt de Soigne. On vendait précédemment ces foins qui servaient aux cultivateurs des villages voisins de la forêt à améliorer leurs terres. La raison pour laquelle l'administration forestière, à ce qu'il paraît, n'a plus continué à autoriser la vente de ces foins est celle-ci : l'administration forestière a voulu ménager le gibier.

Je crois qu'on pourrait augmenter le chiffre en discussion de 25 à 50,000 fr., en autorisant de nouveau ces ventes. On ferait par là chose utile au trésor et à l'agriculture.

M. Mercier. - Messieurs, il n'est pas du tout exact de dire que la raison, alléguée par l'administration forestière, pour interdire la récolte de ces foins aigres, a été puisée dans l'intérêt de la conservation du gibier. Jamais cette raison n'a été mise en avant, ni ici, ni ailleurs. On a simplement reconnu que ceux qui étaient autorisés à faire cette récolte causaient un dommage considérable à la forêt. Voilà ce qui a été démontré par l'administration forestière.

Je ne conseille pas à la chambre d'adopter, sans un examen approfondi, la proposition qui vient d'être avancée.

M. David. - Messieurs, je n'ai plus qu'un mot à dire, c'est que dans une foule d'autres forêts de l'Etat, on a fait de ces coupes de foins aigres, et on ne s'est pas plaint que cela nuisît à la forêt.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne puis admettre cette proposition qui a déjà été plusieurs fois produite et toujours repoussée par la chambre. L'honorable M. David veut augmenter de 25,000 ou 30,000 fr. le chiffre en discussion. Je ne veux pas même m'occuper du point de savoir s'il y a de bonnes raisons pour mettre en vente ces foins aigres. Mais sur quoi se fonde une pareille évaluation? On dit 25,000 ou 30,000 fr. Pourquoi ne pas dire 100,000? Si le gouvernement proposait une allocution quelconque, sans autre preuve qu'une affirmation de sa part, la chambre ne l'accorderait pas; à plus forte raison doit-elle agir de même à l'égard d'une proposition d'un de ses membres qui ne donne aucune preuve à l'appui de son assertion.

- M. David n'insistant pas, le chiffre de 1,100,000 francs est mis aux voix et adopté.

« Fermages de biens-fonds et bâtiments, de chasses et de pêches, arrérages de rentes ; revenus des domaines du département de la guerre : fr. 400,000. »

- Adopté.


« Produits de l'école vétérinaire et d'agriculture : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Intérêts de créances du fonds de l’industrie et de créances ordinaires : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Restitutions et dommages-intérêts en matière forestière : fr. 100. »

- Adopté.


« Restitutions volontaires : fr. 100. »

-Adopté.


« Abonnements au Moniteur et au Recueil des lois : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Produit du quart des salaires des conservateurs des hypothèques sur les transcriptions d'actes de mutations : fr. 25,000. »

-Ajourné.

Trésor public

« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, vente de vieux effets) : fr. 120,000. »

- Adopté.


« Intérêts de 13,438 obligations de l'emprunt de 30 millions de francs à 4 p. c, provenant de l'emploi de l'encaisse de l'ancien caissier général, sans préjudice aux droits envers le même caissier, dont il est fait réserve expresse : fr. 537,520. »

- Ajourné.


« Intérêts des capitaux tenus en réserve jusqu'à la liquidation définitive des créances mentionnées à l'article 64 du traité conclu entre la Belgique et le royaume des Pays-Bas, le 5 novembre 1842 : fr. 299,500. »

- Adopté.


(page 250) « Produits de l'emploi des fonds de cautionnements et consignations : fr. 480,000. »

- Adopté.


« Produits des actes des commissariats maritimes : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Produits des droits de pilotage et de fanal : fr. 575,000. »

- Adopté.


« Produits de la fabrication de pièces de cuivre : fr. 145,000. »

M. Osy. - Messieurs, je crois qu'il sera bientôt temps de nous arrêter dans la fabrication de pièces de cuivre. Il est possible que dans le plat pays et à la frontière, on ait besoin de monnaie de cuivre; mais dans les environs de nos grandes villes. les paysans qui viennent y vendre leurs produits, se plaignent de recevoir trop de pièces de cuivre et de ne pouvoir s'en débarrasser. Je sais même qu'à Charleroy en a fait des échanges de billets de banque contre du cuivre.

Ne trouvant pas d'autre article au budget pour ce qui concerne la monnaie, je crois pouvoir faire ici à M. le ministre des finances l'interpellation que j'ai à lui adresser.

Nous avons voté une loi, il y a deux ou trois ans; à cette occasion il y a eu grand débat, il a été prouvé que le poids relatif de nos pièces d'or était de beaucoup inférieur à celui des pièces de 10 florins ; par conséquent, qu'il y avait grand bénéfice pour celui qui les fabriquerait. Le gouvernement s'était réservé la fabrication de ces pièces, il ne devait pas la donner à des particuliers. Ma section a chargé son rapporteur de prendre des renseignements pour savoir si on ne pourrait pas porter en recettes le bénéfice de cette fabrication, je trouve la réponse à la page 19 du rapport, que le gouvernement a autorisé le directeur à fabriquer pour son compte de la monnaie d'or jusqu'à concurrence de dix millions de francs, moyennant quoi il devra fournir certains objets qui manquent à l'hôtel des Monnaies; mais il est stipulé que le directeur reste propriétaire de ces objets, de manière qu'en quittant l'hôtel, le directeur pourra les reprendre ou se les faire payer par son successeur.

Il en résulte que nous aliénons un grand avantage quant à la fabrication de la monnaie d'or, pour une simple avance de fonds à faire par le directeur. Le bénéfice sur les pièces d'or est considérable, je ne veux pas entrer dans des détails à cet égard. Mais comme il reste encore pour dix millions de francs à fabriquer, je prierai M. le ministre de ne pas faire de contrat sans que le trésor ait une bonne part. Je sais que le directeur répond toujours à ceux qui lui offrent de l'or : Je ne peux pas donner davantage, je suis obligé de faire de trop grands sacrifices pour remplir les conditions que le gouvernement m'a imposées. M. le ministre a fait connaître à la section centrale que les 10 millions qui restaient à battre ne seraient fabriqués que par 2 à 3 millions à la fois. Je demande qu'on fasse pour cette fabrication un traité qui assure une part du bénéfice à l'Etat.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Osy s'étonne que j'aie maintenu le produit d'une fabrication présumée de monnaie de cuivre. Je sais, messieurs, qu'il pouvait y avoir des inconvénients à multiplier la monnaie de cuivre; mais il peut être démontré, dans le courant de l'année, qu'il y a insuffisance et qu'il est indispensable d'en fabriquer; il faut alors qu'une allocation soit, à cet effet, mise à la disposition du gouvernement, et de là la recette présumée au budget des voies et moyens. En tenant compte des observations de l'honorable M. Osy, je dois cependant faire droit aux réclamations de certaines localités qui se plaignent soit du manque de menus monnaie, soit de l'envahissement du cuivre étranger. Malgré les mesures prises pour le repousser, car il y a un droit prohibitif sur l'entrée de ce cuivre; il en circule néanmoins parce que la nécessité est là.

Quant à la monnaie d'or dont a parlé l'honorable membre, le gouvernement a été autorisé à en faire fabriquer pour 20 millions de francs ; une première fabrication de 10 millions a été consentie; l'arrêté en vertu duquel le directeur a été chargé de cette fabrication se trouve aux annexes du rapport de la section centrale. Il y a des conditions onéreuses, l'honorable M. Osy ne le méconnaît pas; le directeur est obligé de fournir un certain nombre d'objets indiqués dans l'arrêté. Il est vrai qu'il pourra les enlever quand il se retirera ; mais il est obligé de les fournir, de les entretenir et de les remplacer s'il y a lieu ; ce sont là des conditions onéreuses. Pour les 10 millions qui restent à fabriquer, ils ne le seront que par parties de 2 à 3 millions.

J'ai autorisé la fabrication de 3 millions, sous la condition de fabriquer en même temps des petites pièces d'argent; c'est encore une condition onéreuse. Cela constitue la participation du gouvernement dans le bénéfice que peut présenter la fabrication des pièces d'or. Au reste, ce bénéfice quel est-il? C'est une chose très difficile à apprécier, car il faut pour et la déterminer le prix de l'or, la prime, les frais, etc., ce qui est fort variable. Il ne m'a pas été démontré après avoir examiné avec scrupule une foule de documents et de correspondances concernant des achats d'or pendant un long espace de temps, qu'il y ait un bénéfice qui dépasse ce qui est alloué par la loi pour frais de fabrication. A plus forte raison si l'on tient compte des conditions onéreuses que je viens d'indiquer. S'il était constaté qu'il y a un bénéfice dépassant les frais de fabrication, non compensé par d'autres conditions, le gouvernement devrait y prendre part; si je trouve ultérieurement que le bénéfice est plus considérable, j'y aurai égard dans les conditions que je stipulerai pour la fabrication du reste des 20 millions de monnaie d'or.

M. Rodenbach. - Je n'ai demandé la parole que pour dire quelques mots relativement à la monnaie de cuivre. L'honorable député d'Anvers dit qu'à Anvers et dans les environs des grandes villes, la quantité de monnaie de cuivre est plus que suffisante. Mais je lui ferai observer qu'à Tournay et sur toute la frontière de France on se plaint d'en manquer. Le gouvernement devrait faire arriver notre monnaie de cuivre sur ces points, soit au moyen de la banque, soit en payant la troupe ; il pourrait ainsi chasser la mauvaise monnaie française, les sous blancs qu'on fabrique pour en inonder ces contrées.

M. Osy. - Sans doute on a imposé des conditions onéreuses au directeur de la monnaie en l'autorisant à fabriquer des pièces d'or. Mais on aurait pu stipuler que les objets qu'il fournirait resteraient à la Monnaie, autrement ce n'est qu'une simple avance de fonds qu'on lui impose.

Pour les millions de monnaie d'or dont M. le ministre des finances vient d'autoriser la fabrication, je conviens que la fabrication de petites pièces d'argent, sur laquelle il y a perte, constitue une compensation.

Mais je prierai M. le ministre des finances de ne pas voir seulement les calculs du directeur de la monnaie, de prendre d'autres renseignements ; il pourra s'assurer qu'il a de très beaux bénéfices.

Pour les 7 millions qui restent, je crois qu'il y aura une recette à faire pour le trésor. Je ne fais pas de proposition. Je suis convaincu que M. le ministre ne négligera pas cet objet.

M. Veydt. - L'annexe C au rapport de la section centrale donne la copie d'un arrêté que j'ai pris pendant que le portefeuille du ministère des finances m'était encore confié.

Déjà mon honorable successeur a démontré que l'autorisation de frapper les dix premiers millions de pièces d'or n'avait pas été accordée à titre purement gratuit. Mais, je vous l'avouerai, messieurs, je me suis moins préoccupé d'un avantage direct à procurer à l'Etat, que de l'utilité de multiplier la circulation des espèces. Veuillez jeter les yeux sur la date de l'arrêté. Il est du 30 mars 1848. Peu de jours auparavant, la législature avait adopté une loi qui donne un cours forcé aux billets de banque. Il m'a paru qu'il importait d'avoir le plus possible de monnaie métallique. J'aurais, au besoin, accordé une prime pour atteindre ce but. L'arrêté a suffi. Le délai qu'il fixait n'a pas été nécessaire. Déjà les neuf millions de pièces de 25 francs sont frappés. Ils ont été le premier élément de l'activité imprimée à la monnaie de l'Etat qui, favorisée par les circonstances, prend chaque jour de nouveaux développements dont nous devons nous applaudir. A présent je reconnais que la position n'est plus la même et que par conséquent de nouvelles conditions peuvent et doivent même être faites pour les dix autres millions autorisés par la loi.

- L'article est adopté.


« Intérêts attribués au trésor par la loi du 22 mai 1848, sur les émissions de billets de banque de la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale : fr. 400,000. »

- Adopté.


« Moitié des intérêts du cautionnement de 2,000,000 de fr. de la société de la Dendre : fr. 42,780. »

- Adopté.


« Produit de la retenue de 1 p. c. sur les traitements et les remises donnant lieu à une pension civile ou ecclésiastique : fr. 240,000. »

M. Delfosse. - Je demande le renvoi à demain de la discussion de cet article après lequel vient mon amendement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'amendement de l'honorable membre absorbe-t-il cet article?

M. Delfosse. - Non. Il s'agit ici d'une retenue permanente. Celle que je propose ne l'est pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce que je voulais savoir.

- La discussion de l'article est renvoyée à demain.

Discussion des articles (IV. Remboursements)

Contributions directes, etc.

« Prix d'instruments fournis par l'administration des contributions : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Frais de perception des centimes provinciaux et communaux : fr. 100,000. »

- Adopté.

Enregistrement et domaines

« Recouvrements de reliquats de comptes arrêtés par la cour des comptes : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Bénéfice éventuel produit par la fonderie de canons à Liège, sur la fabrication d'armes de guerre à exporter pour l'étranger : fr. 25,000. »

- Adopté.

Avances faites par le ministère des finances

« Frais de poursuites et d'instances : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Recouvrements sur les communes, les hospices et les acquéreurs de biens domaniaux pour frais de régie de leurs bois : fr. 135,000. »

- Adopté.


« Frais de perceptions faites pour le compte de tiers : fr. 6,000. »

- Adopté.


(page 251) « Frais de perceptions faites pour le compte des provinces : fr. 7,000. »

- Adopté.

Avances faites par le ministère de la justice

« Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de simple police, etc. : fr. 160,000.

- Adopté.


« Frais d'entretien et de transport de mendiants, d'indigents et d'enfants trouvés, etc. : fr. 1,000. »

- Adopté.


Avances faites par les ministères de l’intérieur, de la guerre et de travaux publics

« Frais de justice devant les conseils de discipline de la garde civique : fr. 100. »

- Adopté.


« Pensions à payer par les élèves de l'école militaire : fr. 54,200. »

- Adopté.


« Annuités à payer par les propriétaires riverains du canal de la Campine, première et deuxième sections du canal d'embranchement vers Turnhout et de la première section du canal de Zelzaete : fr. 148,300. »

M. Coomans. - Messieurs, dans ce chiffre figurent environ 50 mille francs que devraient payer les riverains du canal de la Campine. J'espère que cette recette décrétée par la loi du 10 février 1843 ne sera pas réalisée ; et cela par une raison toute naturelle; c'est qu'on ne pourrait la percevoir sans commettre une injustice, et sans nuire à des intérêts que nous tenons tous à voir prospérer plus que jamais; je veux parler des intérêts de l'agriculture.

Je me réserve de revenir sur ce point lorsque la commission des pétitions aura fait un rapport sur un certain nombre de pétitions qui lui ont été renvoyées sur ma proposition.

Je me bornerai à prier le gouvernement de promettre aux riverains du canal de la Campine que, pour 1849, on ne les inquiétera pas plus qu'on ne l'a fait dans les années précédentes.

Jusqu'à présent, cet article du budget n'a produit que 90 fr. et quelques centimes, et vraiment, il ne peut pas produire davantage.

M. de Theux. - La loi qui établit le concours des propriétaires riverains du canal a fait une réserve pour les exceptions qui seraient reconnues justes à un principe trop absolu en lui-même. Par suite, le gouvernement a institué une commission chargée d'examiner les réclamations qui lui seraient adressées. Cette commission n'a pas terminé ses opérations. Si je suis bien informé, elle a résolu de se transporter sur les lieux l'année prochaine, et de formuler une résolution définitive. Je crois que, jusque-là, aucune recette ne peut être opérée. Le gouvernement sera mis à même de statuer par le rapport de la commission. Ce vote est donc sans préjuger les dispositions que présentera le gouvernement à la suite de l'enquête à laquelle il s'est livré par l'intermédiaire d'une commission.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si les honorables membres se bornaient à faire une réserve de leurs opinions sur les réclamations des riverains des canaux de la Campine, je n'aurais rien à objecter. Mais lorsque l'honorable membre va jusqu'à me demander de promettre, au nom du gouvernement, de suspendre l'exécution de la loi, je suis forcé de répondre qu'il m'est impossible de prendre un tel engagement. Je suis au contraire obligé en toutes circonstances d'exécuter la loi.

L'honorable M. de Theux vous a dit que la loi contient une réserve relative aux réclamations auxquelles a pu donner lieu l'admission d'un principe juste, il le reconnaît, mais qui aurait des conséquences trop absolues; je n'ai pas souvenir des termes de la loi ; je ne suis guidé que par des souvenirs de l'époque où j'occupais le ministère des travaux publics; mais je ne crois pas que la mesure soit générale. La réserve est restrictive; elle ne s'applique qu'à certaines parties, mais pour toutes les autres le principe de la loi est plein, entier, absolue. Il faudrait donc que la loi fût réformée pour que je fusse dispensé de l'exécuter. Vous êtes saisis de réclamations. Ces pétitions seront rapportées dans peu de temps. Nous donnerons nos raisons ; la chambre examinera. Si la loi est modifiée ou suspendue, le gouvernement se conformera à la résolution des chambres. Mais si elle est maintenue, le gouvernement sera forcé de l'exécuter.

M. Coomans. - Messieurs, je ne pensais pas demander à M. le ministre des finances quelque chose d'exorbitant, en le priant de ne pas percevoir, l'année prochaine, des annuités que jusqu'ici on a cru équitable de ne pas exiger. Comme je sais que le gouvernement s'intéresse au progrès de l'agriculture, je croyais qu'il m'aurait donné une réponse plus satisfaisante. Je puis assurer que la seule menace de percevoir ces annuités est comme une épée de Damoclès suspendue sur la tête des riverains du canal de la Campine, et qu'elle empêche les défrichements. Le gouvernement et les chambres font des efforts louables pour exciter les populations à se livrer à cet excellent travail; cependant, aussi longtemps que la loi sera maintenue, on ne défrichera pas sur les bords du canal. On se fait aujourd'hui ce raisonnement très simple: « Le fisc ne peut pas exiger d’un hectare de terre, qui ne produit que 50, 60 ou 80 centimes, un impôt qui va jusqu'à 1 fr. 60 c. Aussi longtemps que la terre restera inculte, il sera assez juste de ne pas nous demander cet impôt. Mais si nous commençons à défricher, il viendra nous réclamer l'indemnité due de par la loi. Or, comme nous ne recueillerons les fruits du défrichement qu'au bout d'un certain nombre d'années, mieux vaut ne pas défricher. »

C'est pour entrer dans les intentions du gouvernement et de la chambre que je fais ces observations. Je voudrais que le gouvernement prononçât quelques paroles d'encouragement pour les riverains du canal. Cela n'engagerait à rien. Vous n'enlèveriez pas un sou au trésor, puisque vous ne recevez rien et que vous ne pouvez rien percevoir sans commettre une injustice et une faute; vous ne donneriez que ce que vous êtes sûrs de ne pas recevoir, et ce don ne vous ruinerait pas.

M. de Theux. - Je n'ai demandé qu'une seule chose, c'est que le gouvernement continuât à suspendre l'exécution de la loi jusqu'à ce qu'il eût statué sur le rapport de la commission qui a été instituée pour examiner les réclamations auxquelles cette loi a donné lieu.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas le pouvoir dont on veut que j'use. La chambre peut réformer la loi, mais tant qu'elle subsiste, je ne puis que l'exécuter. On ne peut me demander de déclarer officiellement devant la chambre et devant le pays que je n'exécuterai pas une loi.

M. Vilain XIIII. - La conséquence, c'est qu'il faut mettre M. Veydt en accusation.

M. Coomans. - Je me borne à demander à M. le ministre des. finances d'exécuter la loi en 1849 comme il l'a exécutée en 1848.

- Le chiffre est adopté.

Trésor public

« Recouvrement d'avances faites par le ministre de la justice aux ateliers des prisons, pour achat de matières premières : fr. 852,400. »

- Adopté.


« Recettes accidentelles : fr. 290,000. »

- Adopté.


« Versements à faire par les sociétés anonymes, les concessionnaires de chemins de fer, de routes, de canaux et de ponts : fr. 156,800. »

- Adopté.


« Abonnement des provinces, pour réparations d'entretien dans les provinces : fr. 23,600. »

- Adopté.

« Chemin de fer rhénan, dividendes de 1849 : fr. 100,000. »

- Adopté.

Fonds spécial

« Produit des ventes de biens domaniaux, autorisées par la loi du 3 février 1843 : fr. 900,000. »

- Adopté.

La suite de la délibération est renvoyée à demain.

Projet de loi relatif aux denrées alimentaires

Rapport de la section centrale

M. de Bocarmé présente le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif aux denrées alimentaires.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et figurera à la suite des objets à l'ordre du jour.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.