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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 décembre 1848

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 345) M. Dubus procède à l'appel nominal à une heure et quart.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« L'administration communale d'Ichteghem prie la chambre d'allouer, au budget de la guerre, un crédit destiné aux frais de détachement d'un gendarme à pied dans les communes populeuses et notamment dans celle d'Ichteghem. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre.


« Plusieurs habitants de Wercken demandent que le tribunal de première instance de Furnes soit transféré à Dixmude. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les président et juges du tribuns! de commerce de l'arrondissement de Gand présentent des observations contre le projet de loi sur la compétence en matière civile et commerciale. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le conseil communal d'Iseghem et les administrations communales de Cachtem et d'Emelghem demandent que le chef-lieu du canton d'Ingelmunster soit transféré à Iseghem. »

M. Rodenbach. - Messieurs, je suis chargé de déposer sur le bureau la pétition des conseils communaux d'Iseghem, d'Emelghem et de Cachtem ; j'ai été également chargé de faire distribuer aux membres de la chambre la demande d'un transfert de la justice de paix du chef-lieu du canton d'Ingelmunster à Iseghem ; c'est ce dont je me suis acquitté. Je propose le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Basiez, instituteur communal, à Laplaigne, prie la chambre de lui accorder la remise du droit d'enregistrement qui lui a été réclamé pour son acte de naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Les avoués près le tribunal de première instance de Turnhout présentent des observations sur le projet portant révision des tarifs en matière civile, et demandent un tarif uniforme pour tous les tribunaux de première instance. »

M. Dubus. - M. le ministre de la justice, dans son exposé des motifs à l'appui du projet de loi portant révision des tarifs en matière civile, maintient, en ce qui concerne les honoraires des officiers ministériels près des tribunaux de première instance, la division de ces tribunaux en différentes classes, tandis qu'il n'admet qu'un seul tarif pour les trois cours d'appel et un seul tarif pour toutes les justices de paix du royaume.

La requête de MM. les avoués près du tribunal de première instance de Turnhout a pour but de faire admettre la taxe uniforme en matière civile, c'est-à-dire un seul tarif pour tous les tribunaux de première instance. Les motifs allégués par les pétitionnaires à l'appui de leur demande sont très fondés, et je ne doute pas que la chambre n'y ait égard; je demande donc que cette pétition soit renvoyée à la section centrale, chargée de l'examen du projet de loi des tarifs en matière civile, et, en outre, qu'elle soit déposée sur le bureau pendant la discussion de ce projet.

- Adopté.


Par messages du 21 et du 22 décembre, le sénat informe la chambre qu'il a adopté les projets de loi relatifs :

1° A l'augmentation du nombre des notaires à Bruxelles;

2° A la délimitation entre les communes de Reckheim et d'Uyckhoven;

3° A la délimitation entre les communes de Seny, Ellemelle et Warzée;

4° A l'érection de la commune de Pepinster ;

5° A la réduction des traitements des membres de la cour des comptes ;

6° A la prorogation de la loi du 18 juin 1842, relative au transit.

- Pris pour notification.

M. Thiéfry demande un congé.

- Adopté.

Projet de loi accordant des crédits provisoires aux ministères de la justice, de l'intérieur, des travaux publics, de la guerre et des finances

Dépot

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dès à présent, messieurs, l'on peut considérer comme certain que les budgets des dépenses de l'exercice 1849 ne seront pas votés avant le 1er janvier prochain.

Le gouvernement se voit donc dans la nécessité, pour assurer les services, de venir réclamer des crédits provisoires.

J'ai, en conséquence, l'honneur de soumettre à la chambre, d'après les ordres du Roi, un projet de loi tendant à allouer :

1° Au département de la justice, un crédit provisoire de 1,000,000 fr.

2° Au département de l'intérieur, 990,000 fr.

3° Au département des travaux publics, 2,775,000 fr.

4° Au département de la guerre, 5,000,000 fr.

5° Au département des finances, 1,100,000 fr.

6° Au même département, pour les services compris au budget des non-valeurs et des remboursements, 160,000 fr.

Les budgets de l'intérieur, des travaux publics et de la guerre, ne devant, selon toute probabilité, pas être votés avant le milieu et même la fin de février, les crédits pour ces départements sont établis à raison de deux douzièmes de leurs budgets. Ils le sont sur le pied de un douzième pour les ministères de la justice et des finances, l'examen du budget de ces deux départements étant terminé dans les sections.

Vu l'urgence que présente ce projet, je me permets, messieurs, d'insister pour que vous vouliez bien en faire l'objet de vos prochaines délibérations.

- La chambre décide que ce projet de loi sera examiné séance tenante par une commission à nommer par le bureau.

La commission désignée par le bureau est composée de MM. Henri de Brouckere, T'Kint, de Man, Prévinaire et Van Hoorebeke.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, hier un membre du cabinet a témoigné le désir que vous poursuiviez vos travaux pendant le cours de la semaine prochaine; cette demande est motivée sur la convenance de hâter la solution des projets de loi qui nous sont soumis. Quant à moi, je pense que si la chambre compte prendre ses vacances, à l'époque du renouvellement de l'année, comme elle est accoutumée à le faire, il serait préférable de fixer ces vacances à commencer de demain. En effet, plusieurs jours fériés se présentent d'ici à dix jours; il me semble qu'il y a lieu d'en profiter afin d'économiser du temps, et dans l'intérêt même de nos discussions. Plusieurs de nos collègues sont déjà rentrés dans le sein de leurs familles, d'autres sont décidés à partir; nous risquons de nous trouver à peine en nombre. Or il me semble que la chambre ne peut discuter dans une situation semblable des projets aussi importants que ceux qui tendent à modifier les lois des patentes et des pensions. Ces projets demandent à être discutés mûrement et sans précipitation. Peut-être objectera-t-on que nous avons résolu peu de questions depuis le commencement de cette session, que nous avons peu travaillé.

Quant à moi, je le déclare, nous nous sommes livrés à des travaux pénibles et nombreux.

Ce sont les travaux des sections qui ont absorbé presque tout notre temps, et ces travaux, moins brillants que des discours en séance publique, n'en sont pas moins utiles ; bien au contraire, il sont souvent beaucoup plus féconds. Je ne me rappelle pas de m'être jamais livré à des travaux aussi multipliés et aussi variés en aussi peu de temps. En effet, la discussion des budgets, et une discussion plus approfondie que de coutume, s'est trouvée entremêlée avec l'examen de projets qui soulèvent des questions sociales, administratives et financières. Tous les jours je me suis trouvé dans ce palais avec d'honorables collègues, depuis 11 heures jusqu'à 5 heures; il nous est arrivé de passer ici la journée presque entière, et que reste-t-il à faire aux membres qui sentent le besoin de quelque étude préparatoire? Il ne leur reste que d'y sacrifier une partie de leurs nuits.

J'ai donc quelque droit de dire, avec de nombreux collègues, que nous avons besoin de quelques jours de repos pour nous préparer à de nouveaux travaux. J'ai l'honneur de vous proposer en conséquence de nous ajourner au 9 janvier prochain.

M. le président. - Avant que la chambre statue sur cette proposition, je crois devoir lui rappeler ce qui figure à l'ordre du jour. C'est (page 346) d'abord le projet de loi des patentes qui doit être votée avant le 1er janvier; puis le projet de loi des pensions qu'il importerait aussi de voter avant cette époque ; vient ensuite le rapport sur deux pétillons présentées par des négociants et armateurs d'Anvers, au sujet d'une loi dont les effets expirent le 31 décembre. Ce sont les pétitions au rapport de M. Vanden Branden, sur lesquelles la chambre a décidé qu'elle prendrait une résolution avant la fin de ce mois; viennent enfin la proposition de M. de Pouhon, à laquelle vous avez reconnu déjà un caractère d'urgence, les crédits provisoires pour les divers départements, le crédit supplémentaire pour la justice, que nous ne pouvons pas nous dispenser de voter avant de nous séparer.

Maintenant, messieurs, que vous connaissez les travaux urgents qui sont à l'ordre du jour, vous pouvez peser le pour et le contre , et prendre une résolution sur la proposition d'ajournement faite par l'honorable M. de Man.

M. Cans. - Je crois qu'il n'y a aucun inconvénient à ajourner la discussion de la loi sur les patentes. Les déclarations vont être faites dans les premiers jours de janvier; il faudra un certain temps pour faire le travail, et la loi pourra être votée avant qu'il ne soit mis entre les mains des répartiteurs, de sorte qu'on peut sans inconvénient renvoyer l'examen de cette loi aux premiers jours de janvier.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne puis partager l'opinion de l’honorable membre. Si la loi sur les patentes n'est pas votée avant le 1er janvier, il serait difficile, sinon impossible, de la mettre à exécution dans le cours de l'année 1849.

Les opérations préliminaires de la confection des rôles doivent commencer immédiatement après le 1er janvier. Il y a nécessité de s'occuper de la loi avant la fin de l'année.

M. Delfosse. - Si la chambre décide qu'elle tiendra séance la semaine prochaine; je serai à mon poste, mais je crains bien qu'un grand nombre de nos collègues ne s'y trouvent pas, il y en a déjà plusieurs qui sont partis, nous sommes à peine soixante et dix. Lundi c'est fête, mardi on ne sera probablement pas en nombre ; il n'y aurait donc séance que les quatre derniers jours de la semaine prochaine, et des projets très importants seraient examinés en l'absence d'un grand nombre de nos collègues.

Si l'on veut absolument des vacances, il est préférable de les prendre immédiatement que les ajourner au mois de janvier, il y aura moins de temps perdu et les travaux de la chambre seront plus sérieux. Ou il ne faut pas de vacances, ou il faut les prendre la semaine prochaine.

L'expérience a démontré que l'on retarde plutôt qu'on n'avance le vote des budgets, en faisant siéger la chambre pendant la dernière semaine de l'année. L'observation que je soumets à la chambre est uniquement présentée dans l'intérêt de ses travaux ; je suis prêt, pour ma part à siéger tant qu'on voudra et même à renoncer aux vacances.

Je reconnais du reste avec M. le ministre des finances, qu'il importe que le projet de loi sur les patentes soit voté avant la fin de l'année.

M. Mercier. - J'appuie les observations des honorables MM. Delfosse et de Man d'Attenrode. Mais il me semble qu'on pourrait discuter la loi des patentes, loi provisoire, présentée, en attendant qu'une loi provisoire puisse être discutée. Cette loi ne donnera lieu qu'à une très courte discussion.

M. de Man d'Attenrode. - Je me rallie à cette proposition qui a pour objet de faire discuter la loi provisoire des patentes avant l'ajournement.

M. Dedecker. - Parmi les questions qui devraient être discutées avant la fin de l'année, et dont M. le président vient de lire la liste, figure celle qui fait l'objet de deux pétitions envoyées récemment par des négociants d'Anvers. La discussion sur la question importante de la relâche à Cowes pourrait être très longue, si elle était approfondie. Mais elle pourrait être prévenue par une déclaration du gouvernement. Si le gouvernement déclarait qu'il n'entend pas rendre définitive la loi provisoire qui a été votée en mai dernier, toute discussion deviendrait inutile.

Je demande donc que le gouvernement veuille bien s'expliquer sur ses intentions.

M. de Haerne. - Appuyé ! Si M. le ministre des affaires étrangères voulait faire cette déclaration, toute discussion deviendrait inutile, et l'on pourrait facilement s'ajourner aujourd'hui.

M. Osy. - Il me paraît que les partisans des deux systèmes opposés tomberaient facilement d'accord. La commission propose le dépôt au bureau des renseignements. Je crois que, sans discussion, nous serions d'accord pour renvoyer la pétition à M. le ministre des affaires étrangères qui l'examinerait.

Il s'agit d'une loi qui expire au 1er janvier. C'est au gouvernement à voir ce qu'il veut faire. Le renouvellement ou le non-renouvellement de la loi dépendra des événements politiques.

Je ferai remarquer que la chambre, avant de se séparer, doit voter le projet de loi de crédit supplémentaire demandé par le département de la justice, parce qu'il comprend un achat très avantageux que le gouvernement a fait et qui doit être ratifié.

Je demande que l'on commence par là. Il n'y aura pas de discussion.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Dedecker vient d'interpeler le gouvernement de déclarer ce qu'il entend faire relativement à la relâche a Cowes. La loi du mois de mai 1848 expire le 31 décembre. Le gouvernement n'a pas présenté de projet de loi pour la proroger. Il me semble qu'il a suffisamment annoncé par là ses intentions.

La loi du mois de mai a été dictée par des circonstances spéciales, exceptionnelles, qui sont énoncées dans l'exposé des motifs. Ces circonstances ne sont pas les mêmes aujourd'hui. Si elles venaient à se représenter, le gouvernement aviserait.

M. Dedecker. - Je suis satisfait.

M. Vanden Branden de Reeth. - Je demanderai qu'on n'ouvre pas la discussion avant d'avoir entendu le rapport.

M. Cools. - Je crois que tout ce que nous avons à faire pour le moment, c'est de passer à la discussion des objets à l'ordre du jour. Il paraît que la chambre désire prendre des vacances, après la discussion du projet de loi sur les patentes. C'est le deuxième objet à l'ordre du jour. Lorsque ce projet sera voté, l'honorable M. de Man pourra reproduire sa proposition.

M. le président. - Je crois aussi que ce qui est le plus convenable, c'est de passer à l'ordre du jour. L'honorable M. de Man pourra représenter plus tard sa proposition.

Projet de loi accordant des provisoires aux budgets des ministères de la justice, de l'intérieur, des travaux publics, de la guerre et des finances

Rapport de la commission

M. T'Kint de Naeyer. -La commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi portant demande de crédits provisoires aux départements de la justice, de l'intérieur, des travaux publics, de la guerre et des finances (exercice 1849), a l'honneur de vous en proposer l'adoption avec une majoration d'un douzième au département des finances.

Le rapporteur de la section centrale pour le budget du département des finances a été nommé aujourd'hui seulement. Son travail sera fort long, vu le nombre très considérable de documents dont il devra prendre connaissance et présenter l'analyse.

Il n'est pas probable que le budget des finances puisse être voté par la chambre et par le sénat avant le commencement de février.

Il est bien entendu que le rapporteur du budget des finances ne veut d'aucune manière se prévaloir de la latitude que le projet de loi lui accordera. Il s'engage à présenter son travail à la chambre dans le plus bref délai possible.

Je conclus, messieurs, en vous proposant l'adoption du projet de loi avec la modification du crédit provisoire du département des finances qui serait porté à 2,200,000 fr.

- La chambre décide qu'elle s'occupera immédiatement du projet.

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la commission ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai aucune raison de m'y opposer, M. le président.

- Personne ne demandant la parole, la chambre passe à la délibération sur les articles.

Discussion des articles

« Art. 1er. Des crédits provisoires, à valoir sur les budgets des dépenses de l'exercice 1849, sont ouverts :

« 1° Au département de la justice, de un million de francs : fr. 1,000,000. »

- Adopté.

« 2° Au département de l'intérieur, de neuf cent quatre-vingt-dix mille francs : fr. 990,000. »

- Adopté.

« 3° Au département des travaux publics, de deux millions sept cent soixante et quinze mille francs : fr. 2,775,000. »

- Adopté.

« 4° Au département de la guerre, de cinq million, de francs : fr. 5,000,000. »

- Adopté.

« 5° Au département des finances, de deux millions deux cent mille francs : fr. 2,200,000. »

- Adopté.

« 6° Au même département, pour les divers services compris au budget des non-valeurs et remboursements, de cent soixante mille francs : fr. 160,000. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1849. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 73 membres présents.

Ce sont : MM. Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pilleurs, de Pouhon, de Renesse, de Royer, Desoer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Dubus, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Jullien , Julliot, Lange , le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Mascart, Mercier, Moreau , Moxhon, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, T'Kint de Naeyer, Troye, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Anciau, Anspach, Boedt, Bruneau, Cans, Clep, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Breyne, de Brouckere (Henri), Debroux, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Denterghem, de Haerne et Verhaegen.

Proposition de loi relative à l’encaisse du caissier de l’Etat

Développements

(page 347) M. de Pouhon. - Messieurs, la situation générale du trésor, arrêtée à la date du 1er septembre dernier, révèle pour la fin de l'année un découvert de 30 millions. En déduisant la réserve de l'amortissement et les 6 millions de billets de banque mis en circulation pour compte de l'Etat, on trouve une insuffisance de ressources de 18,400,000 francs.

Le gouvernement se propose d'y pourvoir par l'émission des 6 millions de billets de banque dont il peut encore disposer, et par 10 millions de bons du trésor.

J'aime à croire que M. le ministre des finances ne fera pas usage des billets de banque sans être pénétré que c'est la ressource la plus extrême et la plus dangereuse à laquelle il pût recourir; la chambre voudra sans doute lui éviter la nécessité d'aller plus avant dans cette voie.

Les bons du trésor offrent maintenant à nos capitalistes le plus solide placement à échéance fixe, et je ne doute pas que les 10 millions que M. le ministre a demandé la faculté d'émettre, se placeront bien vite; mais encore faut-il que de graves circonstances ne viennent point arrêter le retour vers la confiance qui se manifeste déjà.

Admettons toutefois que ces dix millions de bons du trésor soient négociés, supposons de plus qu'ils le soient immédiatement, et nous devrons encore reconnaître que le trésor ne pourra se mouvoir avec toute la facilité désirable.

Il importe d'empêcher à tout prix que le service du trésor montre le moindre embarras dans ses allures; le crédit et la dignité de l'Etat en souffriraient trop. Il faut éviter que les entrepreneurs, les fournisseurs, les ayants droit quelconques puissent faire entendre dans le public des plaintes sur la lenteur des payements. L'Etat doit être considéré comme le débiteur le plus exact à se libérer, afin que l'on travaille pour lui à meilleur compte ; il doit l'être surtout en vue de sa considération et de son crédit.

Si je me trompais sur l'importance des ressources qui sont à la disposition du trésor, je prierais M. le ministre des finances de vouloir rassurer la chambre à ce sujet. Je serais heureux de le voir repousser ma proposition ; parce qu'il aurait des moyens très larges et à moi inconnus. Mais jusqu'à ce que j'aie des apaisements à cet égard, je ne pourrai me baser que sur ce qui résulte des chiffres exposés, soit une caisse trop peu garnie à l'entrée de la saison où les impôts directs ne se perçoivent pas, à la veille du payement du semestre de la dette de 2 1/2 p. c. et de l'échéance d'une somme importante de bons du trésor au 2 janvier.

Dans son exposé de la situation du trésor, M. le ministre des finances indique des ressources dont il ne pourrait, dit-il, disposer qu'en vertu d'une autorisation des chambres; c'est cette faculté que je vous propose, messieurs, de voter.

Je ne conseillerais certainement pas de réaliser maintenant les 4 p. c. et les 2 1/2 p. c. belges, provenant de l'ancien encaisse et de la liquidation avec la Hollande, puisque la vente aux cours actuels serait onéreuse ; mais la libre disposition de ces titres mettrait le gouvernement à même d'emprunter la somme dont il pourrait avoir besoin, soit dans le pays, soit à l'étranger, pour un an ou un plus long terme.

Et si enfin les circonstances s'amélioraient par la suite à ce point que le gouvernement pût réaliser ces valeurs à des conditions normales, il pourrait, étant préalablement autorisé, le faire avec bien plus d'avantages que si la présentation et la discussion d'un projet de loi devaient avertir le public longtemps à l'avance de l'imminence de l'opération.

Je ne terminerai pas, messieurs, sans faire valoir une considération qui, à elle seule, devrait engager M. le ministre des finances à se rallier à ma proposition quelles que soient les ressources dont il peut disposer ou qu'il peut trouver dans un mouvement intelligent du service du trésor. C'est qu'il ne suffit pas, pour emprunter à des conditions favorables, que l'emprunteur soit très solide ; il faut encore que l'on sache que ses moyens de remboursement sont assurés; qu'à l'échéance de ses promesses, il pourra, lors même que ses espérances de rentrées seraient déçues, réaliser des valeurs disponibles pour payer à jour fixe. Quand un emprunteur est dans ces conditions, il trouve des prêteurs empressés et à des taux d'intérêts plus bas.

Ainsi, lors même que M. le ministre des finances ne se proposerait pas de disposer des titres qui font l'objet de ma proposition, la disponibilité de ces valeurs lui faciliterait le placement de ses bons du trésor , car le public y verrait une garantie des moyens de parer à toutes éventualités.

- La proposition est appuyée.

La chambre prend en considération la proposition, qui est renvoyée aux sections.

Projet de loi modifiant les lois sur les patentes

Discussion générale

M. le président. - La section centrale propose l'adoption du projet du gouvernement: seulement elle demande qu'on intercale entre les paragraphes 5 et 6 de l'article 3 ce qui suit :

« Cette vérification ne peut avoir lieu que moyennant une autorisation spéciale du ministre des finances. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à cet amendement.

- La discussion générale est ouverte.

M. Allard. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour motiver mon vote qui sera négatif.

Dans l'exposé des motifs de la loi en discussion, le gouvernement reconnaît qu'il est nécessaire d'apporter de notables modifications à la législation en vigueur sur les droits de patente, et nous annonce que les chambres législatives seront saisies, dans le courant de cette session,, d'un projet complet sur cette matière.

Dans la prévision, cependant, que les affaires plus urgentes, dont la législature est déjà saisie, ne permettraient pas l'examen et le vote d'une loi aussi importante, le gouvernement a cru devoir proposer quelques dispositions transitoires.

D'après la loi du 21 mai 1819, les artisans désignés aux tableaux n°1 et 12 sont soumis aux droits de patente alors même qu'ils travaillent seuls, qu'ils exercent leur profession sans le concours d'ouvriers, ne faisant pas partie de la famille.

Le gouvernement nous propose par l'article premier de les exempter du droit de patente. Déjà, messieurs, par l'article 3 de la loi du 21 mai 1819, la plupart de ces artisans sont exempts de ce droit, et certes si quelques-uns n'en sont pas exemptés, lorsqu'ils ne peuvent pas payer, le gouvernement ne les fait pas poursuivre et leurs cotes sont portées en non valeurs.

Je vous ferai remarquer, messieurs, qu'il est impossible que certains artisans que l'on veut exempter du droit de patente lorsqu'ils travaillent seuls, puissent réellement le faire.

Les briquetiers, les tuiliers, les potiers de terre, les faïenciers, les forgerons et maréchaux ferrants, les potiers d'étain, les plombiers, les constructeurs de billards et beaucoup d'autres ne peuvent pas travailler sans un ou plusieurs aides. Ces artisans passeront dans une classe inférieure et obtiendront une diminution de patente. Ainsi, ces artisans lorsqu'ils travailleront avec un seul ouvrier payeront 80 ou 50 centimes de patente !!! Ils ne payeront pas de patente lorsqu'ils travailleront avec leurs enfants seulement; mais, messieurs, pour exercer la profession de forgeron et de maréchal ferrant, de potier d'étain, de plombier, de constructeur de billards, il faut avoir un certain capital ; il n'y a pas lieu de diminuer la patente déjà si minime de ces artisans.

Il en est de même de la plupart des patentes des artisans compris au tableau annexé au projet de loi. On nous propose, par exemple, d'exempter du droit des patentes, lorsqu'ils travaillent seuls ou avec leur femme et leurs enfants, les selliers, les tapissiers, les ébénistes, les miroitiers et d'autres encore. Mais, messieurs, toutes ces professions sont lucratives et ne doivent pas être assimilées, comme elles le sont actuellement, aux faiseurs de balais, par exemple. Pour fixer le droit de patente, il y a injustice d'assujettir sans distinction tous les artisans à un droit égal pour un nombre égal d'ouvriers. Le forgeron, le plombier, le miroitier, le tapissier, et beaucoup d'autres artisans font, avec un certain nombre d'ouvriers, plus de bénéfices que certains artisans n'en font avec le même nombre. Il ne faut donc pas les mettre dans la même classe, et leur faire payer la même patente.

C'est cependant ce qui existe : les miroitiers, les ébénistes,, les constructeurs de billards, les pelletiers, fourreurs, manchonniers, les fabricants de tabac, les tailleurs d'habits, les imprimeurs, etc., sont mis dans la même classe que les rémouleurs, les vidangeurs, les tueurs de porcs, les faiseurs de balais, etc.

En adoptant la loi, on va dégrever une grande partie des contribuables, qui ne doivent pas l'être, et, de plus, messieurs, pour combler le vide que ce dégrèvement va faire dans le trésor public, les différents taux des tarifs, modifiés par la loi du 6 avril 1823, seront augmentés de 5 p. c. Toutefois, il y aura exemption pour les trois derniers degrés inférieurs de chacun des tarifs.

Il paraît, messieurs, que chaque fois que l'on dégrèvera une certaine classe de contribuables, ce sera toujours le commerce et l'industrie qui devront combler le déficit que les dégrèvements occasionneront.

Il y a peu de temps, on a aboli le timbre des journaux ; c'est le commerce et l'industrie qui ont été chargés de combler le vide que cette suppression d'impôt aurait occasionné au trésor. Aujourd'hui on veut exempter du droit de patente des artisans qui n'ont pas des droits à en être exemptés, et dont la plupart de ceux qui y ont droit ne payent réellement pas, puisque là où il n'y a rien le roi perd ses droits; et s'il faut encore exiger que le commerce et l'industrie viennent combler le déficit, je ne puis pas consentir, messieurs, à dégrever les uns au préjudice des autres.

La loi sur les patentes doit être révisée; il y a urgence, celle loi est vicieuse. Il y a beaucoup d'injustices à réparer. Si nous adoptons la loi en discussion, il est probable que la loi que l'on nous annonce ne sera pas présentée dans le courant de cette session. Si je n'avais pas d'autres motifs pour la rejeter, celui-là seul m'y déciderait.

M. Vermeire. - Messieurs, le projet de loi sur lequel nous allons délibèrer sert, pour ainsi dire, de loi transitoire à une nouvelle législation sur les patentes, si vivement et si impatiemment attendue. La législation actuelle répartit si inégalement et si peu équitablement cet impôt, qu'en désigner quelques points où elle fait défaut, c'est la condamner complètement. Ensuite elle est préjudiciable à l'intérêt du trésor, parce que, par une répartition plus équitable, elle créerait de nouvelles ressources et ferait cesser de graves abus.

Je ne sais, messieurs, ce n'est pas ici le moment de discuter les bases sur lesquelles le nouvel impôt de patente devra être assis. Cependant je ne puis m'empêcher d'examiner brièvement l'injuste assiette de la loi des patentes, d’après laquelle on perçoit aujourd'hui cet impôt.

La loi du 21 mai 1819, qui règle le mode de répartition entre les diverses classes de patentables, nous régit encore. Elle a cependant été modifiée, quant à son tarif, par les lois du 6 avril 1823, pour les diverses branches d’industrie et de commerces, et par celle du 19 novembre 1842, pour les bateliers.

(page 348) D'après ces bases,

1 artisan avec 2 ouvriers paye par ouvrier 6 fr. 72 c.

1 fabricant avec 100 ouvriers paye par ouvrier, 1 fr. 59 c., avec 300 ouvriers 1 fr. 27 c., avec 500 ouvriers 76 c. et avec 1,000 38 c.

Or il est reconnu généralement que le grand industriel qui occupe un grand nombre d'ouvriers, doit relativement être dans une voie plus prospère que l'artisan qui, au moyen d'un pénible travail, y trouve une rémunération à peine suffisante à l'entretien de sa famille.

« Un haut fourneau, dont la valeur est de près de fr. 300,000, qui vend des produits pour plus de fr. 800,000, paye une patente qui varie de 46 fr. à 84 fr. Moyenne 65 francs. » (Extrait d’une brochure intitulée « Revenu de 2 millions pour l’Etat par une répartition plus équitable de l’impôt patente. » Liège, N. Redouté, rue d la régence, 27, 1847).

Le batelier dont, dans une discussion récente, nous avons exposé la position précaire, paye pour le transport par les eaux intérieures :

à la première section : Transport de toute espèce de marchandises 75 c.

à la deuxième section : transport limité au charbon de terre, chaux, légumes, décombres, eaux, drêches, boues, engrais, roseaux et joncs, à raison de 45 c.

En moyenne 60 c.

Ainsi un bateau de canal de Mons jaugeant en moyenne 200 tonneaux, et ayant une valeur de 10,000 fr. paye pour patente 120 fr.

1 haut fourneau, comme il est dit ci-dessus, ne paye que 45 fr.

Exposer ces faits, c'est embrasser d'un seul coup d'œil tout ce que cette loi a de défectueux, et combien il importe, tant dans l'intérêt du trésor que dans celui des patentables, qu'une loi injuste dans son origine et dans son application soit promptement révisée.

J'arrive à la loi temporaire ou transitoire qui nous est soumise. Elle repose sur deux motifs. Le premier sur la justice qu'il y a à exempter du droit de patente 148 catégories de patentables que la loi actuelle atteint injustement. Ce motif est plausible, il a toutes mes sympathies. Le deuxième motif, c'est de couvrir partiellement par une augmentation de 5 p. c. sur les cotes des autres patentables, et de porter de 1 1/3 à 1 2/3 la patente des sociétés anonymes perçue tant sur les intérêts que sur le bénéfice net, ou plutôt de fixer ou de régulariser à cet égard la législation actuelle interprétée de diverses manières.

La quatrième section, à laquelle j'appartiens, désirant connaître l'importance que pouvait avoir ces augmentations projetées, chargea son rapporteur près de la section centrale, de demander au gouvernement :

1° Quel était le produit actuel des patentes reprises au tableau d'exemption, après déduction des cotes irrécouvrables?

2° La somme qu'on perçoit actuellement des sociétés anonymes et à combien s'élèvent les intérêts payés aux actionnaires, le droit de patente paraissant actuellement ne pas se percevoir sur ces intérêts , ceux-ci étant regardés par les sociétés anonymes comme frais et non comme dividendes :

Les 5 p. c. d'augmentation s'élèveraient à 94,500 fr.

A déduire pour non application de cette augmentation sur les trois derniers degrés du tarif, 38,022 fr.

Reste 56,478 fr.

Produit de l'augmentation de 1/4 sur le droit de patente des sociétés anonymes qui, en 1837 s'est élevé en principal à 264,000 fr. : 66,000 fr.

Total 122,478 fr.

Les réductions s'élèveraient à 106,464 fr. 27 c.

Profit pour le trésor : 16,000 fr.

Mais il est à remarquer que la cote irrécouvrable n'est pas comprise dans ces chiffres. Or il n'est pas à supposer que de pauvres artisans qui sont si injustement frappés par la loi sur les patentes, ne figurent pour une bonne part dans cette cote. Je suppose qu'elle s'élève à la moitié, soit 53,232 fr. 14.

Dans la supposition que les sociétés anonymes ne payent pas le droit de patente sur les intérêts qu'ils regardent comme frais et non comme dividendes ; et dans la deuxième hypothèse que les dividendes sur lesquels sont perçus les droits de patente s'élèvent à 2 p. c. en moyenne, et que les intérêts distribués aux actionnaires sont de 4 p. c., il y aurait de ce chef, d'après la nouvelle loi, un nouvel accroissement d'impôt de 528,000 fr.

A y ajouter le 1/4 d'augmentation ou 132,000 fr.

Ensemble : 600,000 fr.

Mais dans la supposition toute gratuite du reste (car je ne conçois pas pourquoi l'une société payerait un droit de patente plus élevée que l'autre société) que la moitié des sociétés payent les patentes sur les intérêts et les dividendes, il y aurait à déduire 330,000 fr.

Augmentation totale : 399,232 fr. 14

De cette énorme augmentation à une diminution dans les recettes, ainsi que le porte l'exposé des motifs, il y a certes une grande différence.

Je dois le dire, messieurs, j'applaudis de tout cœur à l'exemption du droit de patente d'un grand nombre d'artisans compris dans le tableau que nous a soumis le ministère ; de ces honnêtes travailleurs qui trouvent dans un pénible labeur le moyen de pourvoir à une existence précaire. Cette mesure est utile et nécessaire et semble commandée par de hautes vues de philanthropie et d'humanité. Mais autant me sourit ce premier motif, autant je repousse le second, parce que je ne puis donner mon assentiment à une nouvelle aggravation d'impôt, alors surtout qu'elle frappe si inégalement et si peu équitablement de nombreuses classes de la société.

Je voterai contre la loi, telle qu'elle nous est présentée.

M. Anspach. - Messieurs, en attendant une loi définitive sur les patentes, le gouvernement vous a présenté des modifications à introduire dans le système actuel ; je donnerai mon entière approbation à celle de ces modifications qui tend à exempter du droit de patente un nombre considérable de petits artisans, et à reporter le déficit qui en résulte sur les patentes plus élevées au moyen d'une répartition juste et équitable. Ce principe de dégrever les classes nécessiteuses doit être admis autant que possible dans tous les impôts, et je vois avec plaisir le gouvernement entrer dans cette voie et en faire l'application.

Il est pourtant, relativement aux sociétés anonymes, une interprétation donnée à ce qu'on entend par bénéfices annuels, à laquelle je ne puis me rallier. Avant d'entrer dans cette discussion, je dois faire remarquer que la section centrale avait demandé à M. le ministre; quel était le montant des intérêts qui actuellement n'entrent pas en ligne de compte ; elle n'a pas obtenu ce renseignement. C'était pourtant un des éléments, je dirai plus, c'était le seul élément absolument nécessaire pour savoir quel serait le résultat de la mesure. Cela est si vrai que la section centrale ne porte en augmentation des droits de patente que 66 mille francs, tandis qu'avec les droits sur les intérêts cela monterait à plus de 500 mille francs! Une instruction aussi incomplète aurait dû engager la section centrale à adopter l'avis de la cinquième section qui demandait le retranchement du paragraphe 2 de l'article 3 «’les intérêts des capitaux engagés’, jusqu'à la présentation de la loi générale sur les patentes.

Je reviens à l'article 3. Le paragraphe 2, dit qu'on entend par bénéfice les intérêts des capitaux engagés. Mais, messieurs, les intérêts ne sont pas des bénéfices, les capitaux portent avec eux comme accessoires leurs intérêts, et dans le commerce jamais cela n'est entendu autrement; il n'y a de bénéfice qu'après déduction des intérêts du capital employé. En effet le capital n'est qu'un moyen nécessaire à toute industrie, mais un moyen qui a ses charges et qui entre et qui doit entrer comme frais généraux dans le prix de revient d'un objet fabriqué quelconque. Ouvrez les livres de toutes les sociétés anonymes industrielles, de tous les fabricants en tous genres, vous y verrez invariablement établi le même mode d'évaluation.

Cette distinction entre les intérêts et les bénéfices était reconnue partout. La version française de la loi de 1823 l'établissait; et c'était cette version qui avait force de loi chez nous; depuis la crise industrielle survenue à la fin de 1838, beaucoup de sociétés anonymes ne faisant aucun bénéfice, voulurent cesser le payement des intérêts ; les actionnaires prétendirent que, d'après les statuts, les intérêts étaient dus, qu'il y eût ou qu'il n'y eût pas de bénéfices; les tribunaux intervinrent et décidèrent que les intérêts n'étaient dus qu'autant qu'il y aurait des bénéfices, parce que sans cela ce serait un commencement de liquidation.

D'après ce jugement, quelques sociétés décidèrent qu'elles ne donneraient plus que des dividendes, confondant ainsi les intérêts et les bénéfices. C'est ce qui a amené le prédécesseur, au ministère des finances, de l'honorable M. Veydt, à vouloir introduire, dans la loi des patentes, les intérêts des capitaux comme devant supporter le droit, ce qui constitue un véritable impôt sur le revenu appliqué à une seule espèce de capitaux.

La fixation des patentes pour les négociants est déterminée par les bénéfices présumés qu'ils sont censés faire ; d'un autre côté, beaucoup de sociétés anonymes industrielles ne payent plus d'intérêts, bien loin de donner des dividendes; cela vous prouve que les chances aléatoires de l'industrie pèsent sur elles au moins aussi fortement que sur les négociants. Pourquoi voudriez-vous les mettre dans une position pire? Il me semble que la justice veut qu'on les mette sur la même ligne. Faites-leur payer une patente en les mettant dans la classe la plus élevée, en faisant même une classe nouvelle, s'il le faut; mais que ce soit un droit fixe. J'en fais même la proposition formelle.

M. de Breyne. - Messieurs, chaque année, à l'occasion de la discussion du budget des voies et moyens, des réclamations se sont élevées demandant une révision de la loi sur les patentes. Enfin le gouvernement semble disposé à faire droit à ces réclamations, et M. le ministre des finances, dans le discours prononce à l'occasion de la présentation des budgets pour l'exercice prochain, nous annonce que la loi sur les patentes sera entièrement révisée et que déjà tous les éléments du travail sont préparés. Mais comme le gouvernement a pensé que la discussion de ce projet serait impossible avant le premier janvier prochain, il a cru ne pas devoir retarder la présentation d'une mesure qui peut recevoir immédiatement sou effet; mesure tendant à affranchir plus de 50,000 artisans de l'impôt des patentes.

Messieurs, j'ose espérer que M. le ministre des finances, fidèle à (page 349) promesse et ne reculant pas devant les complications et les difficultés qu'une révision complète de la loi sur les patentes doit faire surgir, nous présentera, dans le cours de cette session, un projet qui vienne faire cesser les nombreux abus que l'on ne cesse d'attribuer à la loi qui nous régit maintenant.

Messieurs, le projet de loi transitoire qui nous est soumis me semble un progrès, en ce qu'il tend à affranchir d'un impôt une certaine classe de la société qui mérite toute notre sympathie, et qui n'eût jamais dû être appelée à verser, dans la caisse de l'Etat, une part d'un salaire gagné à la sueur du front, salaire aujourd'hui plus que jamais insuffisant à faire face à ses propres besoins et à ceux de sa famille.

Si j'approuve, messieurs, le dégrèvement que le projet apporte à l'impôt de l'artisan, je ne puis que difficilement admettre la charge plus lourde qui en résultera pour les autres classes de contribuables soumises au droit de patente.

En effet, messieurs, rien de plus facile que de décharger les uns pour en charger les autres ; et, je le dis franchement, il ne fallait pas un grand effort d'imagination pour créer l'article 2 du projet, qui augmente de cinq p. c. les différents taux des tarifs, modifies par la loi du 6 avril 1823, pour l'application du droit de patente.

Je vous le demande, messieurs, cette aggravation de charges n'atteindra-t-elle pas nécessairement une autre classe de la société, qui mérite non moins toute notre sollicitude, surtout dans les circonstances actuelles, la classe voisine de l'artisan, la classe des petits détaillants?

Vous en êtes tous convaincus, messieurs, cette classe si nombreuse qui supporte une large part dans nos impôts directs et indirects se trouve, par suite des circonstances, dans une position précaire ; pourquoi donc ne pas la ménager, quand déjà elle semble fléchir sous le poids des charges de toute nature.

M. le ministre des finances, dans sa sollicitude pour le trésor, sollicitude que j'approuve et à laquelle j'applaudis, ne pouvait-il pas trouver d'autres moyens de combler le déficit que sa proposition faite en faveur de l'artisan doit apporter aux ressources de l'Etat?

N'y a-t-il pas une profession honorable et très souvent lucrative, jouissant d'une exemption qui ne me semble aucunement fondée ?

Pourquoi ne pas soumettre cette profession à la règle générale ?

Quand la loi n'exempte ni le médecin, ni le notaire, ni l'huissier, pourquoi l'avocat doit-il jouir d'une faveur?

Quand un artisan , chargé d'une famille nombreuse, est soumis à la patente, parce qu'il est obligé de se faire assister par un ou deux aides; quand le plus petit boutiquier, pour un débit insignifiant, est forcé de céder une quote-part de ses faibles bénéfices pour alimenter le trésor de l'Etat, pourquoi l'avocat ne serait-il pas soumis à la patente ?

El l'anomalie que l'on ne cesse de signaler, par rapport au nombre d'ouvriers que l'on emploie, ne pouvait-elle pas être redressée au profil du trésor et à la décharge des classes moyennes?

L'intérêt des nationaux n'exige-t-il pas que l'on cherche une augmentation de ressources dans la patente des étrangers, et surtout des sociétés anonymes étrangères qui viennent exploiter le pays?

Ce peu de citations, messieurs, suffiront pour vous prouver que l'on avait sous la main les moyens suffisants pour combler le déficit, sans devoir recourir à une augmentation de 5 p. c. sur l'impôt actuel ; et je vois avec regret que le gouvernement ait cru devoir nous proposer les dispositions de l'article 2 du projet de loi, qui ne tend pas seulement à remplacer le déficit probable, mais aussi à augmenter les charges de tous ceux qui sont sujets à l'impôt des patentes.

M. Osy. - Messieurs, depuis les lois de 1819 et de 1823, qui ont établi un droit de patente sur les sociétés anonymes, on n’a jamais fait payer un droit de patente sur les intérêts. La législation a toujours été entendue ainsi sous l'ancien gouvernement et sous le gouvernement actuel jusqu'au ministère de l'honorable M. Malou. L'honorable M. Malou a cru trouver dans la loi de 1819, qu'on devait faire payer le droit de patente sur les intérêts.

L'honorable M. Malou, par une circulaire du mois de décembre 1845, a donné l'ordre à tous les receveurs, de faire payer le droit de patente sur les intérêts des sociétés anonymes. Dans tout le pays, on s'est ému de cette circulaire qui n'était pas même un arrêté royal. Toutes les députations se sont opposées à la circulaire. A Anvers seulement, on avait commencé par adopter le principe, qu'il fallait se conformer à la circulaire ministérielle, sans décider la question de la légalité.

Mais lorsqu'une seule société, qui n'était pas môme anonyme, a fait une réclamation, la députation permanente a décidé que cette société n'avait pas à payer le droit de patente sur le dividende ; ainsi à Bruxelles, à Gand, à Liège, à Anvers, partout la question a été résolue de même. De manière qu'en réalité jusqu'ici on n'a pas payé le droit de patente sur le dividende.

Aujourd'hui, M. le ministre des finances, ayant recours à la voie légale, nous le propose dans le projet en discussion; c'est ce que je viens combattre.

Messieurs, il se forme une société anonyme, un grand établissement de coton par exemple; on lève un capital de 2 millions; eh bien, dans presque toutes ces sociétés le capital, du chef duquel on a à payer des intérêts aux actionnaires, va dans la construction de la fabrique et dans les machines ; et presque toujours la société doit lever de l'argent, pour avoir un capital routant. Ainsi un capital mort doit payer un droit de patente sur ses intérêts à payer.

J'irai plus loin. Je suppose deux personnes qui ont chacune une fortune de 100,000 francs. L'une achète des fonds publics avec les 100,000 francs; elle n'aura absolument aucun droit à payer sur ces fonds publics. L'autre personne qui possède la même fortune , l'engage dans l'industrie ; elle court grand risque de perdre une partie de ce capital, et on veut l'obliger à payer un droit de patente sur l'intérêt du capital. Je demande si ces deux personnes, qui ont la même fortune, courent les mêmes chances.

Que deviendrait notre industrie si, par suite de l'adoption de la proposition ministérielle, les capitaux belges allaient se retirer de l'industrie, qu'on se bornât à les faire valoir comme simple rentier?

Les sociétés anonymes sont taxées à un droit proportionnel sur les bénéfices; les particuliers payent un droit fixe. Eh bien, les particuliers travaillent avec beaucoup plus d'avantages que les sociétés anonymes, parce qu'elles ont plus de frais et que leurs affaires sont moins bien dirigées que celles du particulier qui les fait lui-même. S'il y a des bénéfices chez l'un et chez l'autre, la société anonyme doit payer une patente très considérable, tandis que le particulier n'en aura qu'une très petite à payer. J'admets, dans les deux suppositions, un bénéfice de 50,000 francs; la société anonyme aura à payer une patente de près de 1,000 francs.

Je demande, messieurs, s'il ne vaudrait pas mieux rester dans les termes de la justice, en n'exigeant pas le droit de patente sur les intérêts; car les intérêts ne constituent pas un bénéfice net, ils sont destinés à faire aller la fabrique.

Par ce motif, j'ai proposé un amendement portant ceci :

« On entend par bénéfices les dividendes, y compris ceux qui sont affectés à l'accroissement du capital, et le fonds de réserve. »

Je trouve très juste qu'on fasse payer un droit de patente sur ce qui est réparti aux actionnaires et même sur ce qui est porté à la réserve qui doit servir à couvrir les pertes éventuelles. Mais je ne puis consentir à| ce qu'on fasse payer le droit de patente sur les intérêts des capitaux. Après les sociétés anonymes, je parlerai des compagnies d'assurance qui, pour la garantie des assurés, sont obligés d'avoir un capital; chaque actionnaire porte son argent ou ses actions pour les convertir en obligations. L'intérêt de ce fonds de garantie est payé au dépositaire. Eh bien, M. le ministre propose de faire payer le droit de patente là-dessus.

Nous avons une masse d'agents appartenant à des compagnies étrangères qui ne payent pas ce droit de patente, et qui font considérablement d'affaires en concurrence avec les nôtres. Ces compagnies étrangères signent des polices en Belgique et ne payent rien ; ce qui cause d'autant plus de préjudice aux nationaux. Ce sont ces agences qu'on devrait frapper d'impôt, tandis qu'on devrait en exempter les capitaux qui alimentent l'industrie.

Je demande le retranchement de ces lignes: on entend par bénéfices les intérêts des capitaux engagés et généralement toutes les sommes réparties à quelque titre que ce soit.

Ces derniers mots sont tellement élastiques que je ne puis en aucune façon les admettre, car au moyen de cette disposition on pourrait faire payer le droit de patente sur le remboursement du capital. En effet, au moyen des mots élastiques qu'elle contient, une compagnie, dont la situation serait assez prospère pour qu'elle put rembourser une partie de son capital, au moyen de son fonds de réserve, on lui ferait payer le droit de patente sur ce remboursement qu'on considérerait comme une distribution faite aux actionnaires.

M. Toussaint. - Messieurs, il y a dans la loi qui nous est soumise quatre objets différents. Le premier est la diminution de la patente perçue sur les petits ouvriers travaillant sans auxiliaires, ou travaillant avec leur famille. Ce premier objet, je pense, ne rencontrera aucune opposition; je n'ai pas à m'en occuper. Le deuxième est relatif au recouvrement du dégrèvement dont je viens de parler, c'est-à-dire aux 5 p. c. à prélever sur les classes supérieures de patentables. Plusieurs membres ont exprimé l'opinion qu'en attendant la loi nouvelle des patentes, il n'y a pas lieu de reporter sur d'autres patentables la diminution de recettes résultant du dégrèvement accordé. A moins d'explications satisfaisantes de M. le ministre des finances, je suis disposé à partager cette opinion.

Le troisième objet concerne les sociétés anonymes. Je ne suis ni de l'avis de M. Osy, ni de celui de M. Anspach quant aux sociétés anonymes. Je pense que le principe dont le gouvernement demande la consécration est d'une souveraine justice; c'est un principe que je voudrais voir introduire dans tous les impôts. C'est un droit perçu sur le revenu net. On ne peut pas prétendre que ce droit calculé sur les intérêts soit une injustice. Sur la propriété foncière, vous demandez l'impôt sur le revenu brut sans même tenir compte des charges hypothécaires dont le bien est affecté et vous portez l'impôt jusqu'à 12 p. c. de ce revenu brut.

Je dis que le principe est juste, sous le rapport de la proportionnalité. Il serait juste, ne fût-ce que comme payement du privilège exceptionnel octroyé à la société anonyme. Elle jouit des bénéfices de la mainmorte; elle se constitue sans payer de droit de mutation pour les portions de biens dont on fait apport, elle paye un droit fixe de 3 francs quand bien même elle posséderait pour des millions de biens; chaque fois que vous voulez transmettre une portion de votre droit dans la société, c'est-à-dire dans les propriétés qu'elle possède, vous ne payez rien sur cette transmission, tandis que pour la propriété foncière, à chaque transmission et à chaque emprunt sur l'immeuble, vous payez toujours et en toute circonstance de très gros droits; la société anonyme a le privilège de ne pas engager les personnes, mais seulement l'avoir de l'être fictif, de l'être moral.

A l'égard des patentables en général on est obligé de procéder par approximation : ne connaissant pas le revenu exact du patenté, on cherche à atteindre le revenu par les classifications qui ne font aucune distinction du capital qu'il faut dans l'entreprise, et des fruits particuliers du travail, objet de la patente.

(page 350) L'honorable M. Osy a fait remarquer que jusqu'à une certaine époque on n’ rien payé sur les intérêts. C'était là une fausse application de la loi; et je pense que le ministre des finances qui l'a relevée et l'a fait cesser en partie, a fait acte de courage et a bien mérité du trésor et du pays.

L'honorable membre a établi une comparaison entre ce que l'on fait payer aux intérêts produits par les sociétés anonymes, et le sort plus favorable fait aux fonds publics. Il prend précisément pour point de comparaison ce qui échappe à tout impôt. Cette exemption de tout impôt est un grief que nous avons contre les fonds publics et qui sera cause du dissentiment qui existera entre nous, quant au serment qu'on veut déférer en matière de succession.

Je n'insisterai pas sur cette question. Le sentiment d'équité qui règne dans cette chambre suffira, le principe étant indiqué, pour que vous lui donniez votre adhésion.

Le quatrième objet, qui n'a pas été touché jusqu'à présent dans cette discussion est le recours en cassation que le projet propose d'ouvrir en matière de patente. Ce recours n'a pas eu lieu jusqu'ici; on a cru nécessaire de l'ouvrir précisément à cause de la divergence d'opinion sur le point dont je viens de parler entre les députations permanentes. La proposition peut être favorable au fisc et il peut lui être avantageux d'établir une jurisprudence uniforme en matière d'impôt. Mais je crois que pour le pays, pour les contribuables, c'est un très mauvais cadeau.

Je préférerais que le gouvernement, chaque fois qu'il y a divergence d'opinion, vînt, comme il le fait en ce moment, demander la solution au pouvoir législatif qui a voté la loi d'impôt, et qui doit savoir mieux que personne quelles ont pu être ses intentions. Nos lois se font un peu à la course. Il est difficile que les corps judiciaires, habitués à l'application stricte et littérale des lois, trouvent dans les nôtres, des textes tellement précis, qu'ils puissent saisir avec certitude la pensée du législateur. D'autre part, le fisc, chaque fois qu'il a à plaider contre un patentable, a des avocats payés à l'année ou par abonnement. En aucun cas, il n'a de frais à payer, pas même des frais d'avocat, tandis que le patentable, pour soutenir son droit à l'exemption d'un droit de patente généralement minime devra payer des frais d'avocat et autres bien supérieurs au montant du droit qui fait généralement l'objet du procès La partie ne sera donc pas égale.

Les patentes ne s'élèvent pas à plus de 12 fr. en moyenne. Le recours en cassation sera toujours une occasion de frais, jamais de réparation pour les patentés.

Je préfère que le législateur ait à s'occuper, une fois ou deux par an, d'un vote interprétatif, que de maintenir ce recours.

J'ai compulsé un grand nombre d'arrêts rendus par la cour de cassation en matière d'enregistrement; j'y ai vu que la moyenne des droits était généralement inférieure à l'ensemble des frais de toute espèce résultant de la procédure.

Bien que homme de loi moi-même et si excellent que soit notre personnel judiciaire, je ne conseillerai à personne de recourir aux voies judiciaires. Elles valent mieux sans doute que les duels, et que les combats en champ clos qu'elles ont remplacés; mais les procès n'en restent pas moins des malheurs pour ceux qui y sont entraînés, surtout si c'est malgré eux. La procédure est une haie d'épines où le plaideur laisse toujours un peu de la laine de son manteau. Après cela, il n'est pas exact de dire que l'intervention de la cour de cassation fixera d'emblée l'uniformité de jurisprudence; car les arrêts et les jugements n'ont de valeur absolue que pour les parties entre lesquelles ils sont rendus; et les mêmes questions peuvent se représenter et être jugées diversement.

Je me résume : je voterai l'article premier; j'attends les explications de M. le ministre des finances sur les augmentations décrétées par l'article 2 et qui doivent compenser le montant des réductions; j'admettrai même l'élévation à 2 p. c. du droit de 1 2/3 demandé aux sociétés anonymes.

Quant au recours en cassation, je voterai contre.

M. Gilson. - Je ne croyais pas, messieurs, pouvoir prendre la parole dans cette discussion. Je n'y suis nullement préparé; j'éprouve pourtant le besoin de motiver en quelques mots le vote que je pourrais avoir à émettre s'il était possible que le débat fût clos dans la présente séance. Il ne m'appartient pas, messieurs, de blâmer la résolution qui vient d'être prise par la chambre, mais il m'est bien permis de regretter l'espèce d'empressement avec lequel on veut enlever une loi qui à mes yeux est de la plus haute importance.

Je ne crains pas de dire que la chambre a parfois consacré trois séances entières à la solution de difficultés moins sérieuses que celles qui nous sont soumises en ce moment.

J'applaudis de tout cœur , messieurs , à l'élan de philanthropie qui animait le ministère alors qu'il est venu nous proposer de dégrever de l'impôt les plus petits patentés.

Tous, dans cette chambre, nous sommes animés du même esprit. Nous voulons faire le bien et venir en aide aux malheureux. Ces sentiments, je les éprouve aussi vivement que qui que ce soit, mais je crois pourtant pouvoir vous demander, messieurs, si vous pensez qu'il soit équitable que le bien que vous voulez opérer soit en même temps une cause d'aggravation pour le commerce et l'industrie. Il eût été plus juste, selon nous, que le sacrifice que s'impose le trésor fût supporté par le pays tout entier. Ne perdez pas de vue, messieurs, que tout récemment des charges nouvelles sont venues peser sur le commerce en général : le timbre sur les lettres de change, celui sur les lettres de voiture pourront devenir une charge assez lourde; cette charge, nous avons consenti à la supporter de bonne grâce, mais ce n'est pas trop demander que d'engager la chambre à rester dans de sages limites. Nous répétons qu'à notre avis il eût été de bonne justice de nous épargner les 5 p. c. additionnels dont on nous menace.

Quelques mots maintenant, s'il vous plait, messieurs, sur les sociétés anonymes. Dans mon sens, il n'est pas douteux que lorsque les lois de 1819 et de 1823 sur les patentes ont été votées, la législature n'ait voulu faire peser l'impôt que sur les bénéfices et non pas sur l'intérêt des capitaux engagés ; l'expression hollandaise dividende ne peut s'appliquer aux intérêts.

Vous savez, messieurs, que dans plusieurs des sociétés anonymes hollandaises on distribuait à l'actionnaire à la fois et des coupons d'intérêt et des coupons de dividende.

Il est certain que c'est sur ces derniers seulement qu'on a voulu baser la quotité du droit.

A cette époque, les sociétés anonymes étaient peu nombreuses et toutes, peut-être, étaient en bonne position; on entrevoyait des bénéfices partout. Depuis lors, nous avons parcouru un immense chemin, nous avons eu de bons et de mauvais jours, et il n'est que trop vrai que toutes les associations ne se sont point trouvées toujours à même de donner à leurs intéressés autre chose que l'intérêt du capital. Faudrait-il dans ce cas décider pourtant que pareille association devrait se trouver par là exemptée de l'impôt-patente? Cela me paraîtrait évidemment injuste. On trouverait dans le pays certains établissements créés au capital de 8 à 12 millions qui viendraient encombrer nos marchés de leurs produits industriels, et qui pourtant se soustrairaient à l'effet de la loi fiscale, alors qu'ils se borneraient à distribuer à la fin de l'année l'intérêt seul du capital engagé.

Ce serait là une faveur qui ne peut point être accordée aux sociétés anonymes. Le particulier qui expose ses capitaux dans une usine manufacturière quelconque doit à l'Etat, à la fin de l'année, le montant de sa patente, quelles que soient les mauvaises chances qu'il ait eu à courir.

Il est une autre anomalie qui ne fait à mes yeux que grossir la difficulté de la question et qui me jette, quant à moi, dans une complète incertitude: il se trouvera dans une même ville deux établissements montés sur la même base et opérant avec plus ou moins de succès ; celui dont l'administration aura été assez prévoyante pour assurer à ses actionnaires ou un dividende sur les bénéfices ou même, d'après le système du gouvernement, un simple intérêt du capital engagé, celui-là sera soumis à l'impôt; l'autre en sera exempt, par cela seul que le même succès ne serait pas venu couronner des efforts peut-être moins bien dirigés.

Je n'ai fait, messieurs, que vous exposer des doutes; je me garderai bien, au point où en est la discussion, de me prononcer d'une manière formelle. Il reste pourtant, dans l'un et l'autre système exposé, des arguments tellement spécieux qu'il est bien permis d'en conclure que la base adoptée est fausse et qu'il serait à désirer qu'on pût en trouver une autre plus généralement équitable.

Il reste un dernier point sur lequel je dois prémunir la chambre; la loi qui nous est présentée a un côté plus fiscal qu'on ne paraît le supposer généralement, et si je fais cette dernière remarque, c'est que, représentant particulièrement dans cette enceinte les intérêts commerciaux et industriels, je veux qu'il n'y ait point d'équivoque sur le nouveau sacrifice qui nous serait imposé.

M. de Denterghem. - Je veux simplement demander à M. le ministre des finances, d'avoir la bonté de nous dire quand il sera à même de nous présenter un projet définitif sur les patentes. Il est incontestable que le projet qui nous est soumis est défectueux. M. le ministre des finances, lorsqu'il l'a présenté, n'avait pas les documents nécessaires pour être éclairé. Aujourd'hui il en est saisi. Nous devons donc supposer qu'il sera dans peu de temps à même de présenter un projet fixe.

Je fais cette demande parce qu'il est certain que le projet actuel impose des sacrifices à certaines classes spéciales de la société. Ces sacrifices pourront être appréciés, lorsque nous saurons combien de temps la loi qui nous est soumise sera en vigueur. C'est afin de pouvoir faire cette appréciation que j'adresse ma demande à M. le ministre, car je reconnais qu'il est urgent d'apporter des modifications à la législation en vigueur sur le droit de patente, mais le projet de loi qui nous est soumis le fait d'une manière peu équitable.

M. Dumont. - Messieurs, l'honorable M. Gilson vient de faire une comparaison entre les sociétés anonymes et les particuliers. Il a dit que si les particuliers ne faisaient pas des bénéfices, ils n'en étaient pas moins soumis à payer l'impôt des patentes. Il en a conclu qu'il était juste aussi que les sociétés anonymes, lors même qu'elles ne feraient pas de bénéfices, lors même qu'elles seraient en perte, payassent aussi le droit de patente. Mais je crois qu'il y a une grande différence entre les cas qui ont été posés par l'honorable M. Gilson.

Au négociant, à l'industriel, la loi ne demande pas la quotité de ses bénéfices. Elle fait une sorte de forfait avec lui. Elle lui dit: Quels que soient les résultats de vos affaires, qu'il y ait perte, qu'il n'y ait pas perte, vous payerez le droit de patente; et lorsque vous ferez des bénéfices considérables, vous ne payerez pas davantage.

Mais pour les sociétés anonymes, on a suivi une tout autre base. On a voulu prendre une quotité des bénéfices. Il s'agit donc de savoir ce que l'auteur de la loi qui est encore en vigueur a voulu entendre par bénéfices.

L'honorable M. Osy, je pense, a prouvé qu'il n'avait entendu que les bénéfices nets. C'est ainsi, vous a-t-il dit, que la loi a été constamment entendue, et par les contribuables et par le gouvernement, jusqu'au ministère de l'honorable M. Malou.

Si c'est ainsi, messieurs, qu'on a interprété la loi jusque-là, pourquoi risquons-nous de changer un principe, de contrevenir à la volonté de la loi encore en vigueur par une loi transitoire, loi que vous allez voter un peu à la légère, parce que le jour de prendre des vacances est venu. Cette considération suffirait pour ajourner au moins cette question.

Fau- il comprendre dans les bénéfices des sociétés anonymes les intérêts des capitaux engagés? Pour moi, je crois que quand vous aurez bien (page 351) examiné la question, vous séparerez les intérêts des bénéfices, et que vous demanderez seulement une quotité des bénéfices. En effet, messieurs, l'impôt patente produit en total 2,700,000 fr. Les sociétés anonymes payent le dixième de cet impôt. Est-il probable que les bénéfices des sociétés anonymes s'élèvent à un dixième des bénéfices généraux qui se font dans le royaume tant par l'industrie que par le commerce. Ainsi, messieurs, en supposant qu'on ne doive imposer, comme on n'a imposé jusqu'ici, que les bénéfices nets, déjà cette classe de contribuables paye un dixième de la totalité des patentes. Je pense qu'il n'est pas possible que le législateur ait pu vouloir imposer à cette espèce d'industrie une charge plus lourde. Ce serait évidemment la surtaxer. Il n'y aurait pas d'égalité dans cette répartition.

Je ne pense pas plus qu'on puisse considérer les capitaux engagés dans les sociétés anonymes comme ne faisant que la dixième partie des capitaux engagés dans le commerce et l'industrie de la Belgique.

Cependant, messieurs, cette part considérable qu'on lui fait prendre dans l'impôt des patentes, ne suffit pas aux yeux de M. le ministre des finances. En faisant porter l'impôt sur les capitaux engagés, ce ne sera probablement pas le dixième, ce sera peut-être le quart du produit de l'impôt patente que supporteront les sociétés anonymes. On ne peut pas vouloir une disproportion aussi grandes.

La majorité de la section centrale répond à la minorité qui avait voulu ajourner cette question, que le projet de loi doit faire recouvrer au trésor ce que le dégrèvement lui fera perdre et qu'il ne peut faire d'ailleurs en faveur de ces sociétés une exception, alors que la diminution provenant de la réduction sera répartie sur d'autres contribuables.

Je pense que les auteurs de cette réponse étaient tout à fait dans l'erreur, qu'ils avaient mal compris le projet de loi. Car je suis parfaitement de leur avis. Dans une loi dont on se plaint généralement, qui repartit l'impôt de la manière la plus inégale, la plus inique, on voudrait répartir le déficit résultant de l'article premier d'une manière proportionnelle, Soit. Mais alors n'ayez qu'un poids et qu'une mesure; que la proportion soit égale pour tous. Ainsi, si vous ne faites pas d'exception, appelez les sociétés anonymes à payer aussi 5 p. c. de plus sur ce qu'ils payent maintenant. Mais lorsque vous demandez à la généralité des patentables une augmentation de 5 p. c, vous demandez une augmentation de 25 p. c. aux sociétés anonymes, si vous vous bornez aux bénéfices; et si vous y faites entrer l'intérêt des capitaux, l'augmentation sera peut-être de 600 p. c.

L'honorable M. Toussaint nous a dit que le revenu foncier payait l'impôt. C'est très vrai. Il en a conclu aussi que le revenu des capitaux devait également payer une part d'impôt. Je le veux bien; mais alors que l'on soit juste; que l'on appelle à contribuer aux charges de l’Etat, non pas une seule espèce de capitaux mobiliers, mais tous les capitaux mobiliers. Il a dit que si l'on ne prélève pas d'impôt sur les capitaux placés dans la dette publique, c'est parce qu'il est impossible de le faire; mais, messieurs, il y a d'autres capitaux encore que ceux-là ; les capitaux prêtés par exemple. Ainsi une société anonyme emprunterait un capital pour augmenter son capital primitif; eh bien, elle ne payera pas d'impôt sur les sommes qu'elle aura empruntées et si, au lieu de les emprunter, elle demande ces sommes à ses actionnaires, si elle place ce capital en actions, alors elle payer à l'impôt.

C'est donc sur une seule espèce de capitaux mobiliers que vous faites peser l'impôt ; or je crois que tout impôt bien réparti doit avoir un caractère de généralité. Il y aurait, messieurs, la même injustice à frapper une seule espèce de capitaux mobiliers qu'à percevoir l'impôt foncier sur certaines propriétés et a en exempter certaines autres.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le projet de loi qui est en ce moment soumis à vos délibérations, aurait dû être précédé peut-être, dans cette discussion, de quelques considérations générales de ma part, afin de bien faire comprendre l'idée en vertu de laquelle je procède dans la révision de nos lois d’impôt. Le projet soumis à vos délibérations n'est pas, en effet, une sorte d'accident né des circonstances. C'est à la suite d'études profondes, c'est à la suite d'un système préconçu et que je désire appliquer, que ce projet de loi a été formulé.

Le temps nous presse, et il ne me serait pas possible d'exprimer complétement mes idées à ce sujet. Je dirai cependant que selon moi nous devons conserver, dans notre système financier, les diverses catégories d'impôts qui s'y trouvent ; nous devons maintenir les impôts directs et les impôts indirects. Je parle d'une manière générale; je ne spécialise pas ; je ne m'occupe point de tel ou tel impôt en particulier qui pourrait être supprimé, qui devrait subir des modifications ou qu'il faudrait remplacer par tel autre impôt; je dis seulement qu'en thèse générale, les deux grandes catégories d'impôts que nous avons doivent être conservées, mais qu'il faut les améliorer, les perfectionner et extirper de nos lois les vices qui s'y rencontrent.

Qui doit-on affranchir l'impôt direct? L'impôt direct ne doit être demandé qu'aux contribuables qui peuvent le plus facilement en faire l'avance; il faut autant que possible dégrever de cet impôt les citoyens dont les revenus sont précaires, incertains ou très modiques. Ce n'est pas que l'on puisse espérer par là de changer d'une manière radicale la condition des citoyens ; je ne me fais pas de pareilles illusions ; car l'impôt, payé directement, n'est pas nécessairement une diminution de bénéfice pour celui qui le paye ; ce n'est, en thèse générale, qu'une avance que fait le contribuable et qu'il récupère sur le consommateur; le consommateur seul, en temps normal; et lorsque les contributions sont également réparties, acquitte en définitive l'impôt.

Mais, ainsi que je viens de l'énoncer, il est d'une extrême importance de bien distinguer quels sont les contribuables qui peuvent le plus facilement faire l'avance des impôts. Un prélèvement trop considérable paralyse souvent les moyens que l'on aurait de le récupérer s'il avait été plus modique.

Il est clair pour tout le monde que les artisans énumérés dans le projet, de loi et qui sont au nombre de 60,000, ne sont pas régulièrement en position de faire cette avance. A la vérité, l'impôt est extrêmement minime; on ne peut pas dire que ces artisans ne puissent pas le payer, surtout s'ils étaient prévoyants, s'ils payaient par petites fractions, chaque mois, la faible quotité qui leur est réclamée; mais c'est précisément cette prévoyance qui leur manque; ils laissent arriver la dernière échéance, et alors c'est une journée de salaire, deux journées de salaire que l'on vient leur enlever.

C'est par ce motif que je crois utile, que je crois indispensable de les affranchir de la contribution directe. Il en est ainsi pour la patente et il en sera de même pour la loi sur la contribution personnelle que j'ai annoncée et qui sera déposée incessamment. Là aussi il y a des contribuables qui ne peuvent pas facilement faire l'avance de l'impôt direct, ils en seront également affranchis.

Mais si nous appliquons cette idée, si on la trouve bonne, et sur ce premier point l'on paraît unanime, il faut cependant que le produit de l'impôt, nécessaire pour faire face aux dépenses publiques, soit trouvé; or après avoir approuvé le dégrèvement, voici que, tous les orateurs s'accordent à blâmer les moyens que nous proposons pour récupérer ce qui manquera au trésor, et malheureusement il en sera trop souvent ainsi. Cependant je ne puis que faire remonter le niveau de l'impôt direct; ce niveau est trop bas, il doit être élevé, il doit atteindre les classes supérieures. C'est le but de la loi qui est soumise à la chambre, c'est ce que fera la loi sur la contribution personnelle.

M. Toussaint. - Si les classes supérieures étaient trop peu imposées.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est justement parce que j'ai la conviction que les classes supérieures sont trop peu imposées, que je fais aujourd'hui une proposition pour les atteindre. Et, messieurs, il ne faut pas écarter facilement cette idée ; il ne faut pas que, sous la préoccupation des plaintes que je comprends, le législateur se montre trop facile à se dispenser d'avertir en temps utile les classes supérieures de la société, qu'elles ont des sacrifices à faire; il faut y procéder avec sagesse, lentement, par petites parties, parce que tous les froissements en ces matières sont extrêmement dangereux, mais il faut y marcher, il faut y marcher résolument.

Il faut que les classes inférieures de la société soient dégrevées; elles ne peuvent l'être que par un sacrifice imposé aux classes supérieures. Le sacrifice que nous demandons aujourd'hui est pour ainsi dire homéopathique; Nous exemptons les trois dernières catégories de chacun des tableaux des patentables, de sorte que nous commençons à n'atteindre que les patentables payant 5 francs ; eh bien, le patentable qui acquitte aujourd'hui 5 fr. de patente doit être considéré comme étant dans une position relativement satisfaisante. Or, pour être utile à des artisans incontestablement beaucoup plus malheureux, le patentable à 5 fr. payera 25 centimes de plus. Voilà toute l'aggravation.

Que si nous passons de celui qui paye 5 fr. à celui qui paye la patente exceptionnelle de 500 fr., nous trouverons un individu qui est légitimement présumé dans une position d'acquitter 25 fr. pour aider à dégrever 60,000 artisans.

Ainsi, messieurs, voilà la pensée générale du projet, l'idée générale en vertu de laquelle je procède, l'idée que j'applique dans ce moment à la loi des patentes, l'idée qui sera appliquée à la loi de la contribution personnelle.

D'honorables membres ont pensé que les prélèvements que nous allons faire pour récupérer la perte atteindraient, dans une proportion considérable, les autres patentables; et un des honorables préopinants a été jusqu'à dire que le gouvernement allait récupérer a- delà du dégrèvement opéré en faveur des artisans, une somme de 500,000 fr. (Interruption.)

L'honorable M. Vermeire me dit qu'il a seulement supposé cela; je sais bien que c'est une pure supposition de sa part, mais il a supposé manifestement une grosse erreur, et je suis d'autant plus étonné qu'il se soit ainsi trompe, que l'honorable membre analysait, transcrivait pour ainsi dire textuellement dans son discours le rapport de la section centrale et l'annexe qui y est jointe ; or, de cette annexe il résulte clairement que la seule augmentation, au profit du trésor, serait de 16,000 francs. Il est vrai que l'honorable membre a fait ce raisonnement : « Les patentes qu'on exempte aujourd'hui n'acquittaient pas leur cote, cela tombait généralement en non-valeurs; la somme totale dont le dégrèvement est indiqué, 84,000 francs, doit donc être considérée comme un accroissement. »

Mais le fait n'est pas exact, tous les contribuables de la catégorie dont nous nous occupons, ne s'affranchissaient pas de l'impôt, un très grand nombre d'entre eux l'acquittaient. Or, à supposer que la totalité de l'impôt tombât en non-valeurs, ce serait 84,000 francs à ajouter aux 16,600 francs. C'est bien loin des 500,000 francs dont parle l'honorable membre.

L'honorable membre a supposé encore que dans la somme de 264,000fr. indiquée comme étant le produit du droit de patente, perçu sur les sociétés anonymes, on n'avait pas compris les intérêts. C'est encore une erreur. La somme de 264,000 fr., c'est le montant des rôles calculés dans la supposition de la perception du droit établi sur les intérêts.

Et ici vous remarquerez que si vous ne comprenez pas les intérêts parmi les sommes qui doivent entrer en ligne de compte pour asseoir la patente vous aurez un très notable déficit, car ou peut dire que la somme de (page 352) 164,000 fr. se composerait en général de la perception de la patente sur les intérêts. Il n'y a pas un très grand nombre de sociétés anonymes qui distribuent quelque chose aux actionnaires au-delà des intérêts. J'avertis la chambre que si les intérêts ne doivent pas être compris dans les éléments qui servent de base à la patente des sociétés anonymes, il n'y aurait presque aucune perception de ce chef. On peut rayer l'article.

Messieurs, ceci m'amène à m'occuper de la question principale que soulève ce débat, je veux parler de la question relative aux sociétés anonymes.

D'honorables membres ont dit tout à l'heure que, depuis la loi de 1819 jusqu'en 1845, la loi avait toujours été interprétée et appliquée en ce sens, que les intérêts n'étaient pas compris au nombre des éléments qui servent de hase à la fixation du droit de patente pour les sociétés anonymes.

C'était un premier point que les honorables membres auraient dû établir, mais ils se sont bien gardés de le faire. Je n'admets pas avec eux, que depuis 1819 jusqu'en 1845, on n'ait pas pris pour base les intérêts. Il se peut qu'il y ait eu des compagnies, et même en assez grand nombre, qui n'aient pas compris les intérêts; mais il y en a d'autres à l'égard desquels on a tenu compte des intérêts. Et pourquoi, messieurs, en aurait-il été autrement? Quels étaient les intérêts qu'il aurait fallu déduire ? Il y a des sociétés qui, dans leurs contrats, n'ont aucune stipulation quant aux intérêts, qui les distribuent en dividendes et les qualifient de dividendes ; ainsi celles-là ne peuvent rien déduire pour intérêts. Voilà donc des sociétés qui paient sur tous les bénéfices, qu'elles réalisent.

Il y a des sociétés qui stipulent deux pour cent d'intérêts; peut-être celles-là ont-elles déduit deux pour cent; mais il y en a d'autres qui stipulaient quatre, d'autre en stipulaient cinq ; il n'y aurait pas de raison pour n’en pas stipuler dix. (Interruption.)

Les statuts sont approuvés par le gouvernement ? Qu'est-ce que cela signifie ? Il dépendrait donc du gouvernement, en rayant des statuts la distinction qui y serait faite entre les intérêts et les dividendes ou en approuvant les stipulations de ce genre, d'accroître ou de réduire l'impôt ! Est-ce que cela seul ne prouve pas la fausseté du principe que je combats?

Après avoir contesté en fait ce qui est allégué par mes contradicteurs pour prétendre que toujours la loi aurait été appliquée uniformément par toutes les sociétés anonymes depuis 1819, je me demande ce que la loi de 1819 avait exigé. Remarquez que je ne veux pas innover dans la disposition du projet soumis à vos délibérations. Il ne s'agit que d'appliquer le principe de la loi de 1819. Que porte cette loi ?

« Les sociétés désignées... sous la dénomination de sociétés anonymes qui se livrent à des spéculations... seront cotisées à raison de 2 p. c. du montant cumulé des dividendes et accroissements de capitaux. Les administrateurs seront tenus, chaque fois qu'ils feront des distributions de dividendes d'en faire... la déclaration aux fins d'établissement du droit du chef de ces distributions. »

Voilà la loi de 1819. Remarquez qu'à la différence de tout ce qui a servi de thème au débat, il n'y est question ni d'intérêts ni de bénéfices; la loi ne parle que de dividendes. La loi du 6 avril 1823 a modifié cette cotisation, elle a réduit le droit payé en ajoutant ce qui suit :« Seront désormais considérés comme dividende donnant ouverture au droit les remboursements et accroissements de capitaux. Cependant le droit ne sera pas dû sur les sommes remboursées lorsque les sociétés feront conster de la première mise de fonds et des remboursements qui ont eu lieu depuis, de manière à ce que les remboursements de capital placé ou fourni peuvent être suffisamment distingués des dividendes. »

Vous voyez que l'objection quant au remboursement des capitaux n'est pas à craindre, la loi a statué.

Et maintenant, qu'est-ce qu'un dividende? Est-ce que la loi a entendu par dividende autre chose que ce qu'on entend par ce mot dans la langue usuelle ? Evidemment non. Or, quelle est la définition de ce terme ? Ouvrez le dictionnaire et vous trouverez que c'est la quotité d'intérêt ou de bénéfice attribuée aux actions dans une compagnie de commerce ou de finance. Voilà comment le dictionnaire définit le mot dividende.

M. Le Hon. - Ce n'est pas le dictionnaire industriel.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je présume que l'on voudra bien m'indiquer dans quel dictionnaire le mot dividende est expliqué d'une manière différente que dans le dictionnaire de la langue usuelle; je serais charmé d'entendre cette curieuse définition. Mais je pense qu'on ne la trouvera nulle part. Le dividende comprend tout le bénéfice qui est à partager. Veut-on se mieux pénétrer encore de la portée légale de cette expression? Examinons la loi de 1821. Nous y voyons que le droits de patente a pour base un droit sur le bénéfice que chaque industrie peut offrir. Ainsi, pour le législateur, le bénéfice que les capitaux peuvent présenter dans les sociétés anonymes, c'est un dividende. Il n'y a, et, à proprement parler, il ne peut pas y avoir d'intérêts à payer aux actionnaires. Il y a à répartir entre eux des bénéfices, des dividendes, c'est-à dire tout le produit des capitaux employés. Il ne tombe pas sous le sens que le propriétaire, qui fait valoir un captlal, ne considère comme bénéfice que ce qu'il perçoit au-delà d'une certaine somme d'intérêts.

Quand j'emploie un capital à l'achat d'un bien fonds que je loue, je donne le nom de bénéfice au loyer que je tire de ma propriété, et je ne déduis pas les intérêts pour connaître ce que mon capital m'a rapporté. D'ailleurs, je le répète, c'est un mot qui embrasse tout que celui dont la loi se sert, c'est le mot dividende. On me disait tout à l'heure que ma définition n'allait pas au langage industriel et que j'avais eu tort d'aller la chercher dans le dictionnnaire de la langue française. Je pourrais demander à l'honorable membre s'il accepterait comme autorité J.-B. Say.

M. Ch. de Brouckere. - Non.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On ne l'accepte pas. Un de nos collègues, savant économiste, récuse donc J.-B. Say; soit. « Les capitaux, dit-il, sont les fonds d'où sortent les revenus de leurs possesseurs....... Tout le monde sait que fort souvent un capitaliste cède à un manufacturier, à un commerçant les profits, le revenu qu'il pourrait tirer de son capital, s'il voulait le faire valoir... Il en paye un prix fixe et convenu qui forme pour le vendeur un revenu certain et déterminé. » (Interruption.)

C'est juste, me dit-on. Je le sais; mais c'est précisément ce que l'on conteste. S'il est prouvé que les intérêts constituent le bénéfice que l'on tire du capital et que le dividende est tout le bénéfice que le capital procure, le dividende entier, sans distraction des intérêts, doit servir de base à la patente.

Messieurs, tout à l'heure je vous disais quels étaient les termes de la loi. Elle n'a donc employé qu'un seul mot, celui de dividende. En rédigeant la loi, on a tenu compte des faits.

Or, voyons ce que le législateur avait à considérer à cette époque. Il existait dès lors en Hollande et chez nous avant la loi de 1823 diverses sociétés anonymes. Nous possédions : la société des assurances mutuelles établie en 1819, la société de l'Escaut fondée en 1821, la société des propriétaires fondée en 1821. En 1823, la loi s'est expliquée aussi clairement qu'en 1819. Or, les statuts de ces sociétés ne parlent point d'intérêts, tous les bénéfices à répartir y sont compris sous le nom de dividendes.

Ce n'est qu'en 1822 que la Société Générale, et plus tard en 1824, les compagnies d'assurances sur la vie stipulèrent qu'on prélèverait sur les bénéfices 5 p. c. d'intérêts. On voit naître ici la pensée à l'aide de laquelle on a cherché à éluder la loi.

Voyons en effet ce qui s'était passé antérieurement en Hollande.

En 1814 fut fondée la banque des Pays-Bas dont le capital fut doublé en 1819. L'article 7 des statuts confond les intérêts avec le dividende ou plutôt il ordonne la répartition de tous les bénéfices sous la dénomination de dividende.

En 1818, le gouvernement des Pays-Bas approuve les statuts de la société pour la garantie des rentes viagères, et encore une fois, les intérêts n'y sont pas séparés des dividendes.

A l'époque où l'on s'est occupé de la loi des patentes, les statuts de toutes les sociétés anonymes disposaient que la part des bénéfices revenant à chaque actionnaire était qualifiée dividende. Ces sociétés, quelque peu industrielles, n'en déplaise à l'un de mes honorables interrupteurs, avait donc employé le mot dividende dans son sens grammatical; or, ce sens grammatical est aussi le sens légal.

Maintenant voulez-vous savoir comment la loi est appliquée en Hollande? Le gouvernement hollandais attribue à l'expression dividende la même signification que celle que nous lui donnons. Il serait impossible d'interpréter la loi autrement. Son but n'a-t-il pas été d'atteindre tous les profils que l'on peut retirer des capitaux engagés dans les compagnies de finance, d'industrie ou de commerce? La loi sur les patentes du 11 février 1816 (art. 27) imposait les sociétés anonymes à raison des capitaux sans s'occuper des bénéfices. Or, en changeant cette base pour les mêmes sociétés dans la loi de 1819, le gouvernement a déclaré qu'il y substituait le revenu net dont les intéressés jouissent.

Le revenu net dont les intéressés jouissent dans une société anonyme, ce n'est certes pas seulement ce qu'ils reçoivent en sus de l'intérêt, c'est tout ce qu'ils reçoivent, c'est le dividende.

Si l'on devait distinguer entre les intérêts et une autre portion des bénéfices que l'on qualifierait de dividende, quelle serait la base de l'impôt? Les sociétés qui ont promis une partie des gains sous le nom d'intérêt et une autre partie sous le nom de dividende ne payeront-elles l'impôt que sur cette dernière quotité ? Il faut qu'on s'explique.

Quant à celles qui n'ont pas fait de distinction, leur fera-t-on payer la patente sur la partie des dividendes qui représente les intérêts? Serait-ce juste? Y aurait-il là une égale répartition de l’impôt? Peut-on admettre que le législateur ait eu la pensée, en décrétant un impôt, d'insérer dans la loi une disposition qui permît au contribuable de s'affranchir de l'impôt en tout ou en partie, selon son gré, sous le bon plaisir du gouvernement qui approuve les statuts ou les modifications aux statuts des sociétés anonymes ?

Si l'on essaye d'échapper à cette difficulté, en déduisant une certaine somme pour les intérêts, je demanderai en vertu de quoi se fera cette déduction? L'intérêt légal, direz-vous ! ainsi ce sera pour les uns, l'intérêt civil 5 p. c; pour les autres, l'intérêt commercial 6 p. c Serait-ce là une égale répartition de l'impôt? Peut-on supposer que tel ait été le vœu du législateur? Et toutefois nous ne sommes pas encore tirés d'embarras. Que ferez-vous à l'égard des compagnies qui, usant du droit que leur donne la loi, laquelle fixe seulement un maximum, auront stipulé un intérêt de 2 ou 3 p. c? (Interruption.) Ah ! pour celles-là vous admettrez ce qu'elles auront stipulé....

M. Osy. - C'est clair.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Alors la répartition égaie de l'impôt n'est plus possible; l'impôt varie au gré des compagnies. La concession que me fait M. Osy, prouve la faiblesse du principe sur lequel on s'appuie; elle condamne nécessairement le système que je combats.

On a dit tantôt : Mais si la société anonyme doit payer l'impôt sur les intérêts, elle ne sera pas dans les mêmes conditions que le particulier. Je (page 353) n’admets pas ce point de départ ; l'assimilation ne me paraît possible sous aucun rapport. La société anonyme est dans une condition privilégiée; elle doit son existence à la loi, elle jouit d'avantages énumérés tantôt avec beaucoup de raison par l'honorable M. Toussaint. Dans sa position exceptionnelle et privilégiée, elle ne peut prétendre à une position semblable à celle du simple particulier.

Mais à part cette considération, je soutiens que la base de l'impôt pour les sociétés anonymes a été ainsi déterminée par le législateur parce qu'on avait le moyen de porter ses investigations sur leurs opérations sans froisser de justes susceptibilités.

Pour agir de môme à l'égard des particuliers, il faudrait pénétrer dans le secret de leurs affaires ce qui provoquerait de légitimes répugnances.

Il n'en est pas de même pour les sociétés anonymes; placées sous les yeux du gouvernement, l'autorité publique a toujours le droit d'examiner leurs affaires, l'intérêt public y est engagé.

Il n'y avait aucune raison de soustraire les écritures des sociétés anonymes aux investigations des agents de l'autorité. Quant à elles, on a donc pu statuer que les droits seront perçus sur un dividende dûment constaté, sur le revenu net dont les intéressés jouissent. Cela n'est pas possible pour les particuliers. On se révolterait contre une loi fiscale qui investirait les agents de l'administration du pouvoir de se livrer à des investigations dans les livres, dans les affaires d'un négociant.

Ainsi, on conçoit parfaitement bien que l'on ait fait pour les sociétés anonymes ce qu'on ne peut pas faire pour les particuliers, et il n'y a pas à conclure, de ce qui existe pour ceux-ci, contre ce qui a été décrété pour celles-là.

Il y a encore une autre réponse.

Le législateur pouvait parfaitement bien, et ceci répond à ce que disait, l'honorable M. Dumont, lorsqu'il avait concédé aux sociétés anonymes des privilèges exorbitants, certains avantages en dehors du droit commun, leur imposer, au profit du fisc, des charges plus onéreuses que celles qui sont imposées aux particuliers. C’était là un avantage très légitime attaché à la concession faite à ces établissements.

Mais à des hypothèses on peut répondre par des hypothèses. On peut démontrer très facilement que si l'on ne tenait pas compte des intérêts pour asseoir le droit de patente des sociétés anonymes à tous les privilèges dont elles jouissent déjà on ajouterait encore le privilège de ne pas payer l'impôt, tandis que de simples particuliers, dans des situations analogues, se trouveraient obligés de l'acquitter.

Je ne puis mieux faire que de reproduire è cet égard, l'exemple invoqué par un de mes honorables prédécesseurs, discutant la même question dans cette chambre : Je compare, dit-il, deux professions exercées par une société anonyme et par des particuliers. Je suppose, par exemple, une banque agissant avec un capital de 10 millions, et dix banquiers agissant avec un capital de 1 million ; je suppose que les uns et les autres tirent de leur industrie un intérêt de 5. c. ; les dix banquiers payeront une patente d'environ six mille francs, et la société anonyme, d'après le système préconisé par l'honorable M. Osy, ne payera rien, lorsqu'elle ne donnera que 5 p. c. Je suppose que les dix banquiers faisant les mêmes opérations, agissant avec le même capital, aient perdu le quart de ce capital; les dix banquiers payeront leur patente de 6,000 francs, et la société anonyme, qui, loin d'avoir fait des pertes, aura fait des bénéfices, ne payera pas de patente, d'après l'honorable M. Osy.

A l'égard des particuliers, comme il est impossible de savoir chaque année, exactement, précisément, quels sont leurs bénéfices, on les a établis d'après des présomptions. On a pris une sorte de moyenne, on s'est tenu dans un milieu aussi équitable que possible ; et il arrive parfois que les particuliers acquittent cependant l'impôt, alors qu'ils ne font aucune espèce de bénéfice. Ils sont donc, sous ce rapport, dans une condition beaucoup plus défavorable que les sociétés anonymes qui jamais, dans aucun cas , ne l'acquittent que sur des bénéfices certains, reconnus, accusés par elle.

Et le prélèvement fixé par la loi est-il considérable? II avait été fixé en 1810 à 2 p. c. Il a été abaissé à 11/3, en 1823. Nous proposons de le porter à 1 2/3; c'est encore moins que ce qu'on a exigé en 1819.

Le gouvernement s'est aussi déterminé à proposer une augmentation sur les patentes en général; et nos motifs satisferont peut-être l'honorable M. Toussaint.

Les patentes ont été fixées en 1819 à un chiffre beaucoup plus élevé qu'elles ne le sont aujourd'hui.

Cependant en 1819 on sortait d'une crise épouvantable née de la chute de l'empire. On venait de traverser les années calamiteuses de 1816 et de 1817. Eh bien, en 1819 toutes les patentes avaient été fixées à un tiers plus haut qu'elles ne le sont encore aujourd'hui.

En 1823 seulement il y a eu une diminution. Depuis, il n'y a pas eu de changement dans le taux des patentes. Peut-on soutenir qu'un accroissement de 5 p. c. sur les patentes soit une aggravation qu'il faille repousser, si l'on considère que de 1819 à 1823 les mêmes patentables ont payé un tiers de plus qu'ils ne payent aujourd'hui?

M. le président. - M. le ministre, je vous demande pardon de tous interrompre. Je vois que la discussion se prolonge, et avant que des membres quittent la salle, je dois leur faire observer qu'il est impossible de terminer aujourd'hui, sans avoir une séance du soir. Six amendements se trouvent déposés sur le bureau.

M. de Theux. - Les opinions doivent être maintenant formées.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je crois avoir rencontré les objections principales qui ont faites dans cette discussion. Je n'insiste donc plus sur les questions que je viens de discuter ; la chambre appréciera.

- La clôture de la discussion générale est demandée.

M. Cans. -Je n'insisterai pas pour avoir maintenant la parole, si elle m'est réservée sur l'art. 3.

M. Osy. - Véritablement, messieurs, je ne conçois plus nos discussions. Tous les jours, lorsqu'il est trois heures et demie ou quatre heures, on veut étouffer la discussion. Je ne vois pas pourquoi nous ne continuerions pas mardi cette discussion. Quant à moi, je m'oppose à la clôture, et je demande que, si nous n'avons pas une séance du soir, nous nous réunissions mardi. Notre devoir est d'examiner mûrement les projets qui nous sont soumis.

M. Toussaint. - On peut clore la discussion générale et accorder la parole aux honorables membres sur les articles.

- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er.Les artisans qui travaillent seuls ou assistés seulement de leur femme et de leurs enfants et qui exercent l'une des professions énumérées au tableau annexé à la présente loi, sont exempts du droit de patente. »

( Tableau annexé : 1 Faiseurs de boucles. 2. Cloutiers. 3 Ceux qui taillent les fanons de baleine. 4 Boutonniers en os. 5 Tourneurs en rouets à filer. 6 Faiseurs de métiers et cardes. 7 Fabricants de sérans. 8 Pareurs de cardes. 9 Ficheurs de cardes. 10 Fabricants de peignes. 11 Cordiers en menus cordages. 12 Voiliers. 13 Faiseurs de boussoles. 14 Mâteurs. 15 Poulieurs. 16 Pompiers en bois. 17 Fabricants de pelles et cuillers en bois. 18 Formiers. 19 Ceux qui font des manches de vilebrequins. 20 Sabotiers. 21 Scieurs de long. 22 Faiseurs de douves. 23 Faiseurs de cerceaux. 24 Charbonniers. 25 Nattiers en paille ou joncs. 26 Nattiers en roseaux. 27 Ceux qui font des ruches d'abeilles. 28 Faiseurs de balais et brosses de bruyères. 29 Faiseurs de filets à pêcher. 30 Saleurs de peaux. 31 Ceux qui hachent la racine de chicorée. 32 Fabricants d'alun. 33 Fabricants de pipes à fumer. 34 Briquetiers, tuiliers, etc. 35 Potiers de terre. 36 Faïenciers. 37 Polisseurs de diamants. 38 Polisseurs de corail. 39 Paveurs. 40 Forgerons et maréchaux ferrants. 41 Serruriers. 42 Eperonniers. 43 Fourbisseurs. 44 Fondeurs de menus objets en cuivre. 45 Polisseurs de cuivre. 46 Chaudronniers. 47 Etameurs. 48 Potiers d'étain. 49 Plombiers. 50 Fondeurs de lames de plomb. 51 Batteurs d'étain. 52 Miroitiers. 53 Etameurs de miroirs et glaces. 54 Lanterniers. 55 Fabricants de lampes. 56 Vernisseurs en laque. 57 Vernisseurs de chapeaux. 58 Selliers. 59 Peintres de voitures. 60 Carrossiers. 61 Charrons, brouettiers. 62 Tapissiers. 63 Faiseurs de chaises bourrées. 64 Constructeurs de billards. 65 Ebénistes. 66 Coffretiers, malletiers. 67 Ceux qui font des caisses d'emballage. 68 Bimbelotiers. 69 Mouleurs de figures de cire. 70 Ciseleurs en bois. 71 Sculpteurs en bois. 72 Graveurs en bois. 73 Eventaillistes. 74 Faiseurs de parapluies, parasols. 73 Tireurs et fileurs d'or et d'argent. 76 Galonneurs en or et en argent. 77 Brocheurs en or, argent et soie. 78 Pelletiers, fourreurs, manchonniers. 79 Plumassiers. 80 Faiseurs de lits de plume. 81 Matelassiers en crin. 82 Faiseurs de bourrelets d'enfants. 83 Bandagistes. 84 Ceinturonniers. 85 Culottiers et gantiers en peaux. 86 Brossiers, vergettiers. S7 Ceux qui établissent les plans des jeux de crosse. 88 Stucateurs. 89 Marbriers, tailleurs de pierre. 90 Graveurs, polisseurs de glaces. 91 Fabricants de tabac. 92 Jardiniers fleuristes. 93 Charpentiers. 94 Menuisiers. 95 Ceux qui font des cercueils. 96 Tonneliers. 97 Faiseurs de cadres. 98 Tourneurs de chaises. 99 Tourneurs en bois et en formes. 100 Boisseliers. 101 Faiseurs de cages, de souricières. 102 Faiseurs de tamis et bluteaux. 103 Empailleurs de chaises. 104 Vanniers. 105 Faiseurs de grillages et treillages. 106 Couvreurs en chaume. 107 Couvreurs en ardoises. 108 Maçons. 109 Couvreurs en tuiles. 110 Plâtriers et badigeonneurs. 111 Carreleurs. 112 Scieurs de marbre et de pierre. 113 Vitriers. 114 Faiseurs de sacs à grain. 115 Peintres en bâtiments et navires. 116 Peintres en fer-blanc. 117 Ferblantiers. 118 Magniers ou droirineurs. 119 Rémouleurs. 120 Ramoneurs. 121 Vidangeurs. 122 Tueurs de porcs et bestiaux. 123 Emballeurs. 124 Jardiniers (travaillant pour les particuliers ). 125 Bottiers. 126 Cordonniers. 127 Faiseurs de mules et pantoufles. 128 Gainiers. 129 Bourreliers. 130 Faiseurs de bonnets de cuir, velours. 131 Tailleurs de corps de jupes ou corsets. 132 Tailleurs d'habits. 133 Lingères. 134 Modistes. 135 Fabricants de chapeaux de paille. 136 Teinturiers en chapeaux de paille. 137 Boutonniers, passementiers. 138 Faiseurs de fleurs artificielles. 139 Perruquiers. 140 Faiseurs déboîtes en carton. 141 Bouchonniers. 142 Artificiers. 143 Ceux qui font le sirop pour le café. 144 Fabricants de café artificiel. 145 Blanchisseurs de linge. 146 Imprimeurs. 147 Imprimeurs en planches de bois. 148 Régleurs.)

(page 354) « Le droit de patente dû par les artisans compris au même tableau et qui exercent leur profession avec un seul ouvrier, est réduit aux taux respectivement applicables à la nouvelle classification, savoir :

« Pour les artisans désignes sous les n 1 à 39, 16ème classe du tarif A.

« Pour ceux désignés sous les n°48 à 92, 13ème classe du tarif B.

« Pour ceux désignés sous les n°93 à 148. 14ème classe du tarif B. »

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, je ne m'oppose pas à l'adoption de l'article premier. Mais je crois devoir faire remarquer au gouvernement que l'adoption de cet article va rompre l'économie de la loi sur les prud'hommes. Aujourd'hui, en vertu de cette loi, les conseils de prud'hommes se composent d'un certain nombre de patrons, de contremaîtres et d'ouvriers patentés. Or, d'après la loi, il n'y a d'ouvriers patentés que les artisans. Vous supprimez la patente de ces artisans, je le veux bien, mais ne leur enlevez pas le droit d'être représentés dans les conseils de prud'hommes ; sinon, vous mettez le faible à la merci du fort et vous n'aurez plus que des patrons dans les conseils de prud'hommes.

Je demande que le gouvernement prenne cette observation en sérieuse considération.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il y a un très grand nombre d'ouvriers qui ne sont point patentés. Tous les ouvriers qui travaillent pour un maître ne sont point patentés. Quel est l'objet de la loi ? C'est de faire tomber dans la même classe des ouvriers aussi ces artisans qui travaillent seuls ou assistés seulement de leur femme et de leurs enfants, c'est-à-dire, messieurs, les ouvriers qui ne travaillent pas pour un maître. L'observation de l'honorable M. de Brouckere me paraît donc avoir très peu d'importance ; tous les autres artisans, lorsqu'ils travaillent seulement avec un ouvrier, continuant à être patentés, ceux-là continueront à faire partie des conseils de prud'hommes. L'observation de l'honorable membre ne s'applique qu'à 53,000 ouvriers, qui rentrent dans la catégorie où se trouvent déjà des centaines de mille ouvriers. En tous cas, si l'observation a une importance réelle, elle prouverait seulement la nécessité de réviser la législation sur les conseils de prud'hommes.

M. Ch. de Brouckere. - Encore une fois, messieurs, la loi dit que les conseils de prud'hommes se composent de patrons, de contremaîtres et d'ouvriers patentés. La loi fixe le nombre d'ouvriers à la moitié moins un des membres des conseils. En France, depuis le 28 février, on est revenu sur cette loi, on a fortifié l'élément ouvrier en le portant à la moitié des membres des conseils de prud'hommes. Nous au contraire, en affranchissant de la patente les artisans auxquels la loi s'applique, nous repoussons, nous excluons les ouvriers, car ceux qui travaillent avec un ou deux ouvriers sont des patrons. Il en résultera évidemment que les ouvriers ne seront plus représentés dans les conseils de prud'hommes et que vous aurez, je le répète, abandonné le faible à la merci du fort, converti une loi salutaire en monstruosité.

M. Delfosse. - Pour concilier les deux opinions, ne pourrait-on pas ajouter, après les mots : « Sont exempts du droit de patente », ceux-ci : « Néanmoins ils pourront continuer à faire partie des conseils de prud'hommes. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On ne peut pas introduire une semblable disposition dans une loi sur les patentes ; il faut charger la loi sur les conseils de prud'hommes.

M. Rousselle. - Messieurs, le plus grand nombre des patentables dont il s'agit dans l'article premier se trouvent dans l'impossibilité de payer la patente, et sont compris dans l'état de carence; on pourrait donc peut-être pourvoir par une simple mesure administrative, à ce que le gouvernement propose de faire sanctionner par la loi. Il y a des non-valeurs dans les patentes pour une somme de 80,000 francs, et c'est à peu près le montant du dégrèvement, qu'il s'agit de régulariser par l'article en discussion. Il est à croire que la plus grande partie des patentables que nous allons affranchir, est déjà comprise dans l'état de carence. C'est l'administration communale qui les y porte, parce qu'elle les considère comme incapables de payer l'impôt. Eh bien, le gouvernement pourrait demander par une instruction administrative, que l'on eût encore un peu plus de ménagement; de cette manière, on atteindrait le but que l'article premier a en vue, et l'on résoudrait la difficulté soulevée par l'honorable M. de Brouckere, et qui ne me paraît pas de nature à être tranchée aussi facilement qu'on voudrait le faire en ce moment, si l'article est adopté.

M. de Theux. - Ce que demande l'honorable membre c'est de donner au gouvernement l'autorisation extra-constitutionnelle d'abolir une loi par une instruction ministérielle. Que l'on range dans les individus non-solvables ceux qui évidemment ne peuvent pas payer; que, dans le doute encore, on se prononce pour la non-solvabilité, je le conçois; mais ceux qui sont notoirement solvables, on ne peut pas les dégrever de l'impôt lorsque la loi les y soumet.

D'un autre côté, le système de l'honorable M. Rousselle conduirait à un nouveau déficit dans les finances, car sa conclusion est nécessairement le rejet de la loi; dès lors, il n'y aurait rien pour remplacer le déficit résultant du dégrèvement des patentables dont il s'agit.

- L'article premier est mis aux voix et adopté.

Article 2

» Art. 2.Les différents taux des tarifs, modifiés par la loi du 6 avril 1823, pour l'application du droit de patente, sont respectivement augmentés de 5 p. c. Les fractions de franc inférieures à 50 centimes sont négligées ; les tractions de 50 centimes et au-dessus sont comptées pour un franc.

« Sont exceptés de cette augmentation les trois degrés inférieurs de chacun des tarifs. »

M. Toussaint. - Messieurs, j'avais pensé que M. le ministre des finances démontrerait que les classes supérieures des patentables ne sont actuellement pas assez taxées, et que la proposition d'élever leur patente de 5 p. c. est justifiée par la position de ces patentables. Ce fait n'ayant pas été établi, je ne puis pas admettre qu'on reporte sur les patentables des classes supérieures le montant du dégrèvement accordé aux cotes inférieures déjà irrécouvrables aujourd'hui. Ce serait faire de l'impôt des patentes un impôt de répartition, comme l'impôt foncier; ce serait dire : Il faut que l'impôt des patentes produise telle somme, et alors prendre cette somme où on peut la trouver. J'admets bien qu'il y ait des inégalités dans l'état actuel de l'impôt des patentes, mais je ne pense pas que ces inégalités puissent être effacées par un prélèvement supplémentaire de 5 p. c. sur toutes les cotes indistinctement.

Je pense que cela ne peut être régularisé qu'au moyen de la loi organique nouvelle qui nous est annoncée et il me semble que M. le ministre des finances pourrait très bien attendre jusque-là pour recouvrer au profit du trésor la somme qui va manquer par suite du dégrèvement peu considérable que nous venons de voter.

Ce que vient de dire un honorable député de Mons relativement aux états de carence semblerait indiquer que tout le montant de la taxe supprimée par l'article premier ne doit pas être recouvré, attendu que dès à présent une grande partie des cotes supprimées par cet article sont irrécouvrables.

J'ai, messieurs, un autre motif pour désirer la suppression de l'article 2. Quatre de mes honorables collègues ont déposé avec moi un amendement tendant à porter à 2 p. c, somme ronde, c'est-à-dire au taux de la loi de 1819 la patente à payer par les sociétés anonymes. De ce chef le droit des patentes serait augmenté de 20,000 francs de plus que le montant intégral des suppressions de patente décrétées par l'article premier. Cette disposition sera plus juste que celle qui fait l'objet de l'article 2. En effet, nous avons là des patentables qui jouissent du privilège de n'être frappés qu'à raison du revenu net, régulièrement constaté, et tout démontre que leur patente actuelle est trop minime.

Vous avez dans la loi des successions introduit un principe qui tend à frapper la mainmorte d'un droit particulier en compensation des droits de mutation qu'elle ne paye pas. Les sociétés anonymes jouissent de la même faveur; par conséquent, en supposant, ce que je n'admets pas, que le droit de 2 p. c. fût un peu fort, vous auriez un motif pour le décréter dans la loi.

Je dis donc que si mon amendement a quelque chance de succès, le trésor y trouvera une compensation suffisante à ce qu'il recevra en moins du chef de l'article 2.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je crois que nous devons maintenir l'augmentation de 5 p. c. sur les patentes, par les considérations que j'ai fait valoir. Je dis qu'il y aura évidemment nécessité, dans la révision générale de notre système d'impôts, de faire monter le niveau de la perception des impôts directs.

Il faut dégrever les classes inférieures de la société et s'adresser aux classes supérieures. Eh bien, nous commençons par une première application dans des limites très modérées; des aggravations extrêmement minimes, faites lentement, répétées plusieurs fois, ne nuiront pas aux contribuables. On se préoccupe trop, et je pense que c'est un véritable malheur, d'un peu de froissement individuel qui peut résulter de ces mesures; il faut que nous nous placions à un point de vue plus élevé ; il faut que nous considérions quel est l'intérêt général, l'intérêt du pays; n'est-ce pas ainsi qu'il faut procéder? Ne faut-il pas avertir les classes supérieures qu'elles ont de notre temps des devoirs à remplir, et que ces devoirs procèdent par sacrifices ? C'est la première application de ce principe; elle est extrêmement modérée.

J'ai fait valoir une seconde considération, c'est que dès 1819, le droit de patente était à un taux plus élevé d'un tiers qu'il ne l'est aujourd'hui ; et on venait de traverser les guerres de l'empire, les années calamiteuses de 1816 et de 1817. Peut-on prétendre que l'augmentation de 5 p. c. est une aggravation sensible? Je ne le pense pas.

- L'article 2 est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Le droit de patente des sociétés anonymes est fixé à 1 2/3 p. c. du montant des bénéfices annuels.

« On entend par bénéfices, les intérêts des capitaux engagés, les dividendes et généralement toutes les sommes réparties à quelque titre que ce soit, y compris celles affectées à l'accroissement du capital social et les fonds de réserve.

« Pour l'exécution de cette disposition, les directeurs ou administrateurs des sociétés anonymes, soumises au droit de patente, sont tenus d'indiquer dans la déclaration l'époque à laquelle le bilan annuel doit être arrête.

« Dans le délai d'un mois à partir de cette époque, un exemplaire du bilan, dûment certifié, doit être remis, contre récépissé, au contrôleur des contributions directes.

« Le collège des répartiteurs peut faire vérifier le bilan dans les livres de la société, par un membre de ce collège, assisté du contrôleur.

« Toute contravention au présent article donne lieu à l'amende comminée par l'article 57 de la loi du 21 mai 1819. »

M. le président ; - La section centrale propose, entre les paragraphes 5 et 6 de l'article 5, ce qui suit :

« Cette vérification ne peut avoir lieu que moyennant une autorisation spéciale du ministre des finances. » *

M. le ministre des finances s'est rallié à cette addition.

(page 355) Voici les amendements qui ont été proposés à l'article 3 :

(Amendement de M. Osy.) « 2ème paragraphe. On entend par bénéfices les dividendes, y compris ceux affectés à l'accroissement du capital social et les fonds de réserve. »

(Amendement de M. Cans.) « Le droit de patente des sociétés anonymes est fixé sur les bases déterminées pour les autres établissements ou industries de même nature. »

(Amendement de M. Anspach.) « Les sociétés anonymes sont soumises à un droit de patente dont la hauteur sera proportionnelle à leur importance; le collège des répartiteurs fera l'application de la loi. »

(Amendement de MM. Toussaint, le Bailly de Tilleghem, Moxhon et Delescluse) : « Nous proposons de porter à 2 p. c. le droit porté au n°1 de l'article 3. »

(Amendement de M. Charles de Brouckere. ) « Je propose de fixer le droit de patente pour les sociétés anonymes à 4 p. c. sur toute distribution soit d'intérêts, soit de bénéfice. »

M. Toussaint. - Je demande la priorité pour l'amendement de l'honorable M. Osy.

M. Osy. - Je crois qu'on devrait voter l'article, paragraphe par paragraphe, avec les amendements qui s'y rapportent.

M. Cans. - Je crois qu'on devrait commencer par mon amendement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L’amendement de l'honorable M. Cans et celui de l'honorable M. Anspach se confondent; ces deux amendements ne peuvent être admis, ils sont inexécutables.

Il me semble que la seule question à examiner est celle de savoir ce que l'on doit entendre par dividende, si l'on doit comprendre les intérêts et les bénéfices de toute nature, ainsi que l'indique le projet de loi, ou si l'on doit en omettre quelque chose, comme l'indique M. Osy. Cela décidé, on réglerait en conséquence les dispositions de la loi.

M. Anspach. - Je déclare me rallier à l'amendement de M. Cans.

- Les quatre amendements présentés sont appuyés.

M. Cans. - Messieurs, je ne comprends pas l'argument par lequel M. le ministre des finances a voulu repousser mon amendement. La loi de 1819 était suivie de 15 tableaux. La disposition relative aux sociétés anonymes fait l'objet du neuvième tableau, c'est ce que je propose de modifier; au lieu de faire payer à ces sociétés la patente à raison de leurs bénéfices, elles payeraient patente comme tous les autres établissements industriels de même nature. On peut appliquer aux hauts-fourneaux, filatures, raffineries de sucre, banques, etc., fondés sous le régime de la société anonyme les dispositions de la loi des patentes, pour les hauts fourneaux, filatures, raffineries et maisons de banque gérés par des industriels ou capitalistes. Il y a quelque chose d'injuste à faire sortir les sociétés anonymes du droit commun. Les lois d'impôt doivent être égales pour tous: c'est un principe dont on ne devrait pas se départir. Je ne dirai que deux mots pour prouver que les dispositions de la loi des patentes ne présentent pas cette égalité de charges, et pour vous engager à donner la préférence à mon amendement.

Je suppose trois filatures, ayant le même nombre de broches et occupant le même nombre d'ouvriers ; l'une fondée sous le régime de la société anonyme avec un capital d'un million paiera à ses actionnaires 5 p. c. d'intérêt, et admettant qu'elle fasse une répartition de 2 p.c. de dividende, sera imposée d'un droit de patente de 1,200 fr.

Une autre également constituée en société anonyme, mais avec cette différence que n'étant pas propriétaire des locaux qu'elle prend à loyer un capital moins considérable lui suffit pour ses opérations, soit 500 mille francs; supposant les mêmes bénéfices de 5 p. c. et 2 p. c. elle payera une patente de 600 francs, tandis que la première en paie 1,200; la troisième gérée par un particulier ou constituée en société en commandite, est régie par le tableau n°1 : elle payera en raison du nombre d'ouvriers employés, 400 francs environ. Voilà trois établissements mettant en œuvre les mêmes moyens de production, devant faire par conséquent les mêmes bénéfices et payant trois patentes différentes: 4, 6 et 1200 fr. La même anomalie se présente pour les autres industries.

Qu'une banque se fonde en Belgique au capital de 30 millions, si elle donne à ses actionnaires 5 p. c. d'intérêt et 1 p. c. de dividende, elle devra payer 24 mille francs de patente. Je suppose maintenant qu'à la suite des événements de février MM. Rothschild ou Hottinger soient venus transporter leur établissement à Bruxelles ; comme banquiers de première classe ils auraient payé 450 francs environ de patente, et certes, ils pourraient faire autant d'affaires que les banques établies en Belgique. Je ne crois pas nécessaire d'entrer dans de plus grande détails.

On dit que les sociétés anonymes ont des avantages et qu'il faut les leur faire payer ; mais ces avantages ne sont pas pour les actionnaires qui sont dans la même position que les actionnaires des sociétés en commandite; ces avantages ne sont que pour les directeurs dont la responsabilité n'est pas personnellement engagée , mais qui payent toujours patente d'après le tableau n° 11, indépendamment du droit imposé à la société, qu'elle ait fait des bénéfices ou qu'elle soit en perte.

Quand la loi sur les patentes a été faite, en 1819, il n'existait guère en Belgique de sociétés anonymes industrielles. Je crois qu'il n'y avait pas même une seule compagnie d'assurances; les associations industrielles formées depuis, ont donné naissance à un ordre de choses tout nouveau. Nous ne pouvons donc pas nous en rapportera la loi de 1819 pour savoir ce que nous devons faire aujourd'hui.

L'industrie n'a pris un grand développement en Belgique que depuis que des sociétés se sont formées ; ce n'est que par l'association qu'elle peut prospérer et lutter contre l'industrie étrangère. C'est l'association qui a fait la fortune de l'Angleterre. Nous devons entrer dans la même voie et favoriser la réunion de tous les capitaux grands et petits. Les malheurs d'il y a dix ans, ont déjà beaucoup trop contribué à diminuer la faveur dont jouissaient les sociétés, nous devons les encourager au lieu de les frapper.

J'ajouterai encore un mot. L'honorable M. Toussaint disait que le capital doit être imposé parce que l'impôt foncier grève la propriété territoriale. La conséquence n'est pas rigoureuse, La terre, pour le cultivateur n'est pas ce que le capital est pour l'industrie ; elle est plutôt sa matière première, comme le coton pour le filateur. Le capital du cultivateur, ce sont ses bestiaux, ses instruments aratoires; pour l'un comme pour l'autre, le capital n'est qu'un instrument de travail, vous ne devez pas le frapper

M. Ch. de Brouckere. - Je serais enchanté, à mon point de vue personnel, de voir adopter l'amendement de notre collègue M. Cans, mais comme député, je ne puis lui donner mon assentiment. Il n'a pas été fort heureux dans les exemples qu'il a choisis pour montrer l'inégalité du droit de patente. Il a comparé deux sociétés anonymes, l'une propriétaire des immeubles, de la fabrique, ayant un capital d'un million, l'autre n'étant que locataire et n'ayant que 500 mille francs de capital, distribuant l'une et l'autre 7 p. c. par an aux actionnaires.

Il vous a dit : La première payera 1,200 francs, tandis que celle qui serait locataire des bâtiments qu'elle occupe et qui n'aurait besoin que d'un capital de 500,000 francs, en donnant 7 p. c. à ses actionnaires, ne payerait pour la patente que 600 francs. Cela est vrai, mais les deux sociétés ne sont pas dans les mêmes conditions. La première, après avoir perdu 500,000 francs, sera encore aussi riche que l'autre, tandis que celle-ci, quand elle aura perdu 500,000 francs, n'aura plus rien que la propriété d'autrui. Voilà la différence ! Toutes les fois qu'on se pose sur le terrain des hypothèses, il faut en examiner toutes les chances, et ne pas prendre la seule qui vous soit favorable.

J'ai l'air de me rallier au principe qu'a défendu M. le ministre des finances, en demandant que l'intérêt et le dividende servent l'un et l'autre de base à la contribution des patentes. Mais cette opinion ne m'est point suggérée par les arguments qu'a fait valoir M. le ministre ; car je ne puis admettre l'argument qu'il a tiré d'une définition bien juste de J.-B. Say : l'intérêt, c'est le loyer du capital. Mais ce n'est pas sur le loyer qu'il faut faire peser la patente; c'est sur les bénéfices réalisés au-delà du loyer au moyen des capitaux et de l'industrie.

Que j'emprunte un capital, tout le monde conviendra que je dois en servir les intérêts, sans que le fisc puisse considérer comme un bénéfice la rente d'une dette ; il doit en être de même quand je travaille avec mon propre capital, j'ai le droit d'en percevoir le loyer que m'en payerait un tiers si je le lui prêtais, sans qu'on puisse prétendre que c'est là un bénéfice. Or la loi de 1821, invoquée par M. le ministre, dit que la patente doit avoir pour base les bénéfices.

Les capitaux aussi bien que le travail recueillent des bénéfices, et c'est parce que l'action du capital produit des bénéfices qu'on le loue. On conçoit que, dans la vie pratique, il est impossible de séparer le bénéfice du capital de celui du travail, de l'industrie, de manière à faire à chacun sa juste part.

Mais jamais on n'a compris l'intérêt dans les bénéfices. Le loyer est en dehors des bénéfices : Say, que l'on cite comme autorité, l'a entendu ainsi.

Je demande cependant que l'on frappe à la fois les intérêts et les bénéfices, chose qui (il faut bien le dire) ne s'est jamais faite, chose qu'a voulu mettre à exécution le prédécesseur de M. le ministre des finances, dont il vous a lu l'opinion, mais dont la volonté a été repoussée par un pouvoir plus fort, le pouvoir judiciaire.

Généralement parlant, à très peu d'exceptions près, et qui sont dues à l'ignorance de quelques directeurs, aucune société, depuis 1819 jusqu'à ce jour, n'a payé le droit de patente sur les intérêts du capital. Lors donc que je vous propose 1 p. c. sur l'intérêt des capitaux et sur le dividende, remarquez bien que c'est une aggravation considérable de charges que j'impose aux sociétés anonymes.

Maintenant pourquoi veux-je à la fois atteindre et l'intérêt du capital et les bénéfices? C'est parce que les sociétés anonymes sont des associations, non de personnes, mais de capitaux, parce que la société anonyme est d'une nature tout à fait spéciale, parce que l'intérêt n'y est pas obligatoire.

Remarquez-le bien, les sociétés anonymes stipulent des intérêts; mais quand elles n'ont pas réalisé de bénéfice brut, elles n'en payent pas : les tribunaux ont jugé cela aussi. La stipulation est donc en quelque sorte illusoire. Cela veut dire : Vous aurez des intérêts pour votre capital, si la société peut en servir. La société se fait entre capitaux. Ce ne sont pas des prêts ; ce sont des capitaux engagés dans une entreprise, sans aucune responsabilité personnelle. On en tire ce que l'industrie rapporte. Appelez le intérêt ou dividende, peu importe.

Par suite de la crise de 1838, il s'est trouvé dans le pays un grand nombre de sociétés qui, momentanément, n'ont pas pu payer d'intérêts. Dans tous les statuts nouveaux le gouvernement exige qu'on ne fasse plus mention des intérêts. On paye un premier dividende de 5 p. c. pour équivaloir (page 356) aux intérêts, puis un second dividende. Si vous distinguez en ne frappant que les dividendes, vous frappez les sociétés inégalement.

Celles qui ont des statuts qui n'ont pas été modifiés depuis 1840 ne payeront que sur la partie du dividende excédant 5 p. c. Celles dont les statuts ont été modifiés, depuis 1840 , payeront surtout les dividendes aussi bien sur ce qui représente l'intérêt que sur le bénéfice réel.

Il y a plus, c'est que les intérêts ne sont pas réglés au même taux dans toutes les sociétés. Il y en a où l'on a stipulé que l'intérêt sera de 4 p. c, d'autres où l'intérêt est de 8 p. c, non pas 6 comme a voulu le faire entendre M. le ministre des finances ; car il ne s'agit pas ici d'intérêts commerciaux. Il ne pourrait s'en agir qu'à l'égard des prêts effectués par des tiers, tandis que les capitaux sont associés et participent aux bénéfices. C'est l'intérêt civil que l'on perçoit : non l'intérêt commercial, si tant est que l'on perçoive un intérêt, car, encore une fois, la société anonyme ne peut payer un intérêt que si elle gagne.

Par ces motifs, pour qu'il y ait égalité entre toutes les sociétés, je demande que l'on frappe d'un p. c. toutes les répartitions sous quelque nom que ce soit, dividende, intérêt, bénéfice. Je le répète, cela aggrave considérablement le sort des sociétés anonymes, car la plupart ne retirent guère que 5 p. c; un très petit nombre arrive à 6 ou 7. Vous atteindriez celles-ci pour un dividende d'un ou deux en vertu des lois existantes; par la loi nouvelle, vous les atteindriez toutes pour 5, et celles qui gagnent davantage payeront en outre pour les dividendes. L'impôt, malgré la diminution apparente du taux, rapportera quatre ou cinq fois plus que par le passé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un mot d'abord sur la proposition de l'honorable M. Cans. L'honorable membre, pour démontrer qu'elle peut être mise à exécution, dit : « On appliquera aux sociétés anonymes le régime qu'on applique aux particuliers. » J'avais déjà d'avance réfuté un pareil système, je vais vous en faire apprécier le vice.

D'après la règle, appliquée aux particuliers en vertu de la loi de 1819, la patente la plus élevée est, si je ne me trompe, de 600 fr. environ. Telle société anonyme qui a payé 4,0000 fr. payerait désormais 600 fr. Voilà le système de M. Cans, il me semble qu'il est jugé.

M. Cans. - Cela ne prouve pas qu'il soit injuste.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela prouve que c'est un système un peu différent de celui que le législateur a voulu consacrer et auquel il n'y a pas de motifs de renoncer. Quoi qu'en dise l'honorable M. Cans, il ne serait pas juste; mais pour le prouver il me faudrait revenir sur tous les arguments que j'ai présentés. Je passe. C'est chose jugée pour la chambre.

Maintenant l'honorable M. de Brouckere est d'accord avec moi. Il reconnaît qu'il n'y a pas de distinction à faire, pour les sociétés anonymes, entre ce qu'on payera à titre d'intérêts, de bénéfice, de dividende ou sous tout autre nom.

Tout ce qui est à répartir aux actionnaires, déduction faite des charges qui grèvent l'être moral qu'en appelle société anonyme, tout ce qui est à diviser entre eux, s'appelle dividende et doit être soumis à l'impôt.

Nous sommes d'accord à cet égard. C'est un point important. L'honorable membre dont vous connaissez tous la compétence en pareille matière, reconnaît que tel est, tel doit être le véritable sens de la loi de 1819. (Interruption.) La concession que vous m'avez faite, me suffit ; je vais le démontrer ; et votre esprit est trop éclairé , votre jugement est trop bon, pour que vous ne reconnaissiez pas immédiatement la vérité de mon assertion.

En effet, pour écarter la loi de 1819, qu'avez-vous fait? Vous avez substitué un mot à celui qui s'y trouve. Vous avez supposé que dans la loi de 1819 comme dans la loi de 1823, il était question des bénéfices. Or, ces lois se servent du mot dividende, et c'est ce qui condamne le système contraire à celui que je défends.

M. Ch. de Brouckere. - J'ai entendu parler des dividendes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La loi de 1819 se sert du mol dividende et cela suffit pour prouver ce que j'avais l'honneur de dire, que : ce mot dividende comprenait tout ce qui était à répartir. Comme l'a dit l'honorable membre, l'être moral qui est possesseur des capitaux répartit les bénéfices qui en résultent, et ces bénéfices sont ce qu'on appelle des dividendes. Si cet être moral avait emprunte des capitaux, on en déduirait l'intérêt, parce qu'il y aurait une dette résultant de l'emprunt contracté. C'est ce qui a été prévu et stipulé par les lois de 1819 et de 1823.

Nous voici donc d'accord sur le principe. Il ne s'agit plus que de savoir quelle sera la quotité du droit.

Je crois que celle que propose l'honorable membre est insuffisante. A ses yeux pourtant c'est une notable aggravation de charges pour les sociétés anonymes. Mais voyons ce que procurent à l'impôt toutes les sociétés anonymes réunies. C'est là qu'il faut chercher la solution de la question.

Si les sociétés anonymes n'avaient pas obtenu restitution des sommes qui ont été perçues du montant de leur cotisation assise sur l'intérêt, elles auraient dû acquitter 264,000 fr. au trésor. (Dénégation.)

Je puis vous certifier qu'avant de venir à la séance de ce jour, je me suis fait rendre compte de nouveau, d'une manière expresse, de ce point. J'ai demandé formellement à mes employés si la somme de 264,000 fr. représentait le montant des rôles, c'est-à-dire le montant de la cotisation assise d'après le principe que nous soutenons, le montant des rôles formés sur les intérêts et les dividendes, et l'on m'a affirmé qu'il en était ainsi.

264,000 fr. représentent donc le montant total des patentes assises sur les intérêts et les dividendes. Ce n'est pas ce qui est entré au trésor, parce qu'il a fallu faire restitution, en suite des décisions des députations permanentes, des sommes que portaient sur les intérêts.

Si donc vous vous bornez à une quotité de 1 p. c, comme le propose l'honorable membre, il y aura un déficit, car pour compenser le montant du dégrèvement, nous avons compté et sur un droit assis sur les intérêts et sur une augmentation de la quotité. Le tantième de 1 1/3 p. c. ne procurerait que 264,000 fr. en prenant les rôles de 1847.

Je propose 1 2/3. Si vous n'admettez pas cette quotité, qui rapporterait 264,000 fr., augmentés d'un quart, c'est-à-dire de 66,000 fr., j'aurais assurément un déficit. Il est évident qu'il faut que la quotité aille au-delà d'un p. c. pour que l'équilibre entre nos recettes et nos dégrèvements soit maintenue.

M. Toussaint. - Je demande la permission de faire remarquer que le taux de 2 p. c. que je propose était le taux fixé par la loi de 1819 et par un gouvernement qui a continué de considérer les intérêts comme sujets aux droits de patente.

Je demande donc uniquement le rétablissement du système de la loi de 1819; et je le demande avec d'autant plus de fondement que tous les autres patentables payent le droit tel qu'il a été établi par cette loi organique. La loi de 1819 n'a été modifiée que dans l'intérêt des seules sociétés anonymes. Il y a des sociétés anonymes qui ont un capital de soixante millions; les parts de propriétés dans ces sociétés se transmettent par la voie des titres au porteur, et sans jamais payer de droit de transmission. Il est juste qu'elles payent au moins le droit de patente comme il a été réglé par la loi organique de tout le système des patentes.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Le Hon. - Je ne pourrais pas comprendre que la chambre fermât la discussion sur une question de cette gravité et de cette importance pour beaucoup de nos établissements industriels, et cela sous la pression d'abord du temps, ensuite des considérations qu'a présentées M. le ministre des finances que si l'on faisait la moindre réduction sur le chiffre qu'il a présenté, il y aurait un déficit. Messieurs, on ne change pas les bases d'un impôt et surtout les conditions de beaucoup d'établissements industriels par des motifs comme ceux-là. Vous devez avoir du temps à donner à l'examen d'une question aussi grave, surtout lorsque les faits ne sont pas encore présentés dans leur vrai jour ou que quelques-uns du moins sont altérés.

Ainsi l'honorable M. Toussaint vient de dire qu'il présente un amendement qui porte à 2 fr. le droit et qu'il l'a emprunté à un gouvernement qui a eu pour système de faire porter la cotisation sur les intérêts comme sur les dividendes.

Eh bien, cela n'est pas exact. Le gouvernement n'a jamais appliqué la loi comme on le dit. il n'y a pas d'établissements industriels en Belgique, qui aient eu l'intelligence de leurs droits et de la législation, qui aient payé la patente sur les intérêts.

Aujourd'hui on veut changer la situation. J'ai des raisons à donner à M. le ministre des finances, et sur la manière dont il entend la loi de 1819, et sur le langage législatif employé lorsqu'on a dit : les produits nets, c'est-à-dire, tout ce qu'on produirait au-delà des frais. Vous verrez l'erreur de M. le ministre des finances sur ce point.

Je vous prie d'avoir égard aux considération très sérieuses qu'on peut avoir à présenter.

- La clôture est demandée par plus de dix membres.

M. Le Hon (contre la clôture.) - Je suis fâché de rencontrer la clôture face à face deux fois de suite. Mais enfin dans cette discussion, je n'ai pas pris une seule fois la parole. J'avais demandé la parole avant la clôture de la discussion générale. Je me suis réservé de parler sur l'article 3. Quand j'ai vu un aussi grand nombre d'amendements, j'ai voulu en entendre les développements. J'avoue que je ne m'attendais pas à ce qu'on voudrait clore et voter immédiatement.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

L'amendement de M. Cans est d'abord mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'amendement de M. Osy est ensuite mis aux voix; il n'est pas adopté.

M. le président. - Nous avons maintenant l'amendement de M. de Brouckere et celui de M. Toussaint; l'amendement de M. de Brouckere est celui qui s'éloigne le plus de la proposition principale.

- Plusieurs membres ; - Il faut commencer par le chiffre le plus élevé.

M. le président. - Le gouvernement propose 1 2/3, M. Toussaint propose 2, M. de Brouckere propose 1.

- Des membres. - Il faut commencer par l'amendement de M. de Brouckere.

M. Delfosse. - L'usage constant de la chambre, lorsqu'il s'agit de chiffres, est de commencer par le chiffre le plus élevé.

M. le président. - Est-on d'accord pour commencer par l'amendement de M. Toussaint ? (Adhésion.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je maintiens le chiffre de 1 2/3.

L'amendement de M. Toussaint est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement de M. de Brouckere.

- Plusieurs membres. - Non c'est la proposition du gouvernement.

M. le président. - Il reste un amendement.

M. Cools. - Messieurs, nous avons décidé que nous suivrons l'usage (page 357) constant de la chambre, qui est de commencer par le chiffre le plus élevé. Il faut donc mettre maintenant aux voix le chiffre du gouvernement.

M. Rousselle. - il me semble, messieurs, qu'il y a ici deux questions. Des amendements ont été présentés au projet du gouvernement; ces amendements doivent être mis aux voix d'abord. (Interruption.) Je comprends que quand il s'agit de dépenses, on commence par le chiffre le plus élevé, mais je ne comprends pas qu'on suive le même système quand il s'agit d'impôts. Je puis très bien vouloir l'impôt de un et ne pas vouloir celui de 1 2/3; si maintenant le chiffre de un n'est pas voté; nous pourrons peut être en venir à un et une autre fraction, inférieure à 2/3, pour en venir ensuite au chiffre du gouvernement, si ce chiffre intermédiaire était également écarté.

M. de Theux. - On a toujours commencé par le chiffre le plus élevé, par ce motif bien simple que c'est le seul moyen de donner à chacun la liberté de son vote; nous voulons l'impôt le plus élevé. Eh bien, messieurs, si nous rejetons l'amendement de M. de Brouckere et qu'ensuite ceux qui trouvent le chiffre du gouvernement trop élevé rejettent aussi ce chiffre, il en résultera qu'il n'y aura pas d'impôt du tout. La marche que l'on suit constamment pour les dépenses doit également être suivie pour les recettes. C'est la raison même qui l'indique.

M. Ch. de Brouckere. - Je veux simplement faire remarquer à la chambre qu'en vertu du règlement les amendements doivent avoir la priorité sur la proposition principale. On ne peut pas écarter l'amendement en votant d'abord sur la proposition principale-

M. Cools. - Messieurs, il y a une grande distinction à faire entre des amendements qui se rapportent à un texte de loi par exemple et ceux qui se rapportent à un chiffre. (Interruption.) Les observations que vient de faire l'honorable M. de Theux démontrent qu'en fait d'impôts comme en fait de dépenses, on ne peut procéder qu'en descendant.

Il faut donc mettre d'abord aux voix la proposition du gouvernement; de cette manière tout le monde sera libre ; ceux qui préféreront le chiffre proposé par M. de Brouckere voteront contre la proposition du gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est évident que le système mis en avant par quelques honorables membres pourrait conduire à ce résultat qu'il n'y aurait plus d'impôt. Or toute la chambre veut un impôt. Le gouvernement et ceux qui partagent sa manière de voir, repousseront l'amendement de M. de Brouckere comme portant un chiffre trop peu élevé; les deux propositions rejetées par la chambre, reste zéro. Dans l'autre système au contraire, si le chiffre du gouvernement est rejeté, ceux qui l'appuyaient se rallieront nécessairement au chiffre proposé par M. de Brouckere, car il vaut mieux encore recevoir 1 p. c. que de ne rien recevoir du tout.

Il faut donc accorder la priorité au chiffre le plus élevé si l'on veut arriver à un résultat.

- La chambre décide qu'elle votera d'abord sur le chiffre du gouvernement.

Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.

L'article est ensuite adopté dans son ensemble.

Article 4

« Art. 4. Par modification à l'article 28 de cette dernière loi, le recours en cassation peut être exercé, soit par le contribuable, soit par l'administration des contributions, contre les décisions des députations permanentes en matière de patente.

« Les parties intéressées doivent se pourvoir dans le délai de quinze jours après la notification.

« La déclaration du pourvoi est faite en personne, ou par fondé de pouvoirs au greffe du conseil provincial, et les pièces sont envoyées immédiatement au procureur général près la cour de cassation.

« Le pourvoi est notifié, dans les 10 jours, à la partie contre laquelle il est dirigé.

« Les actes de cette procédure sont exempts des frais de timbre, d'enregistrement et d'amendes.

« Si la cassation est prononcée, la cour renvoie la cause à la députation permanente d'un autre conseil provincial. »

M. Lelièvre a proposé l'amendement suivant :

« Le pourvoi est notifié dans les dix jours à peine de déchéance, à la partie contre laquelle il est dirigé.

« Les actes de cette procédure sont exempts des frais de timbre et d'amende. Le rejet du pourvoi ne donnera pas lieu à l'indemnité énoncée à l’art. 58 de la loi du 4 août 1832. »

M. Lelièvre. - La disposition dont nous nous occupons exempte le demandeur en cassation de la consignation de l'amende, mais il le laisse soumis, en cas d'échec, à l'indemnité de cent cinquante francs au profil de la partie défenderesse.

Cependant les motifs qui appuient l'exemption de l'amende justifient aussi la dispense du payement de l'indemnité fixée en règle générale par l'article 58 de la loi du 4 août 1832. En effet, on a voulu faciliter le recours en cassation, le rendre moins dispendieux et mettre les parties à même d'obtenir justice sans frais notables, alors surtout qu'il ne s'agit souvent que d'intérêts peu importants.

Or, messieurs, ne serait-il pas exorbitant de frapper d'une indemnité de cent cinquante francs le contribuable qui, convaincu de son droit, a cru pouvoir former un pourvoi en cassation ?

Ce qui justifie de plus en plus mon amendement, c'est que, d'après une jurisprudence constante, le demandeur qui, même avant toute plaidoirie, se. désiste du pourvoi, ne peut échapper à l'indemnité. Or, on conviendra que ce résultat est trop rigoureux dans la matière que nous traitons.

D'un autre côté, les contestations de la nature de celles prévues par le projet ne nécessitent devant la cour régulatrice qu'une procédure rapide et sommaire, elles ne donnent lieu qu'à des questions d'une discussion facile. Sous ce rapport, un pourvoi ne peut occasionner à la partie qui triomphe des frais et honoraires aussi élevés qu'en matière ordinaire.

Il me semble donc équitable de n'astreindre le demandeur qui succombe qu'au payement des dépens passant en taxe et non pas à l'indemnité de cent cinquante francs, qui d'ordinaire dépasserait singulièrement la valeur de l'objet contesté.

- L'amendement de M. Lelièvre est appuyé.

M. Toussaint. - Je prie M. le ministre des finances de vouloir bien retirer l'article 4, et de le différer jusqu'à la loi nouvelle qu'il a promis de nous présenter dans quelques mois. Il faut espérer que grâce à la disposition contenue dans l'article 3, il n'y aura pas d'ici à quelques mois des difficultés graves; jusque-là je crois qu'on peut se borner à l'intervention delà députation permanente qui est un corps électif, et parfaitement régulier, dans lequel le fisc et les contribuables peuvent avoir toute confiance,

J'engage vivement M. le ministre des finances à ne pas insister pour le moment pour l'adoption de l'article 4.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le principe énoncé à l'article 4 est très bon, et il y a lieu de l'étendre à nos autres lois fiscales. Aussi le reproduirai-je dans le projet de loi sur la contribution personnelle. C'est une grande garantie donné aux contribuables, que le recours à la députation permanente, d'une part, et de l'autre, à la cour de cassation.

Le recours à la députation permanente, corps électif, sauvegarde les intérêts des contribuables; le recours en cassation sauvegarde l'intérêt qui consiste ici à établir une égale répartition de l'impôt.

C'est consacrer les principes les plus arbitraires que de laisser des corps comme des députations permanentes, créer des jurisprudences spéciales, applicables seulement à leurs provinces, et souvent contradictoires: c'est ce qui s'est présenté notamment dans la question dont nous nous sommes occupés tantôt. Telle députation avait décidé dans un sens, telle autre avait prononcé dans un autre sens. Le gouvernement a cru devoir user de la disposition de la loi provinciale qui l'autorise à annuler les décisions des députations permanentes. L'on a décidé avec raison que le gouvernement n'avait pas le pouvoir d'annuler les résolutions des députations permanentes, lorsque celles-ci statuent sur le contentieux de ce genre en matière d'impôts.

Il est résulté de là qu'il pourrait y avoir en quelque sorte autant de jurisprudences différentes que de provinces.

Quant à l'amendement présenté par l'honorable M. Lelièvre, je puis d'autant mieux m'y rallier, qu'il rentre tout à fait dans la pensée du gouvernement. Ou peut étendre la dispense des droits de timbre, d'enregistrement et d'amende que le gouvernement propose, à l'indemnité que la partie doit payer, lorsqu'elle succombe.

- L'article 4, avec l'amendement de M. Lelièvre, est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. Les dispositions en vigueur sur le droit de patente auxquelles il n'est pas explicitement dérogé par les présentes, demeurent maintenues. »

- Adopté.

Second vote des articles et vote sur l'ensemble

La chambre déclare l'urgence.

L'amendement de M. Lelièvre est mis de nouveau aux voix et adopté.


On passe à l'appel nominal pour le vote sur l'ensemble du projet de loi.

68 membres répondent à l'appel nominal.

2 membres s'abstiennent.

54 ont répondu oui.

12 ont répondu non.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Renesse, de Royer, de Theux, de T'Serclaes , Devaux, Dubus, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Pirmez. Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Toussaint. Troye, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Vilain XIIII, Ansiau, Boedt, Clep, Cools, Coomans, Cumont, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Dedecker, de Denterghem, de Haerne et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. de Pouhon, Destriveaux, Faignart, Gilson, Osy, Schumacher, Van Iseghem, Vermeire, Allard, Anspach, Cans, de Bocarmé.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention,

M. Lesoinne. - Je me suis abstenu d'une part parce que le projet de loi intéressait un grand nombre de petits contribuables et de l'autre parce que je n'ai pas eu le temps de me former une opinion précise sur la portée de la loi.

M. Bruneau. - Je me suis abstenu à cause de ma qualité de directeur d'un grand établissement industriel.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice

Discussion générale

(page 358) M. Delfosse. - Il s'agit, messieurs, de crédits supplémentaires s'élevant à plus de six cent mille francs; le rapport vient seulement d'être distribué, on n'a pas eu le temps de l'examiner. Si le projet de loi est voté aujourd'hui, je devrai m'abstenir.

M. Gilson. - Le gouvernement après la présentation du projet qui vous est soumis a indiqué lui-même quelques changements qui ont été adoptés par la section centrale, nous pouvons donc voter sur le projet qui vous est soumis en ce moment. Le rapport ne vous a été remis il est vrai qu'aujourd'hui; mais c'est par une cause qui m'était toute personnelle et je regretterais qu'il pût pour cela ne point y avoir un vote immédiatement, car M. le ministre de la justice y attache une très grande importance : il a pour objet notamment de le mettre à même d'exécuter le contrat d'acquisition d'une propriété destinée à un établissement agricole pour les jeunes mendiants, acquisition que le gouvernement considère comme très avantageuse au pays.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mon collègue M. le ministre de la justice a acquis en exécution de la loi du 9 avril dernier décrétant l'établissement d'une école de réforme, une propriété à un prix extrêmement avantageux. D'après les conditions du contrat, il est indispensable de payer avant la fin de cette année une partie du prix d'acquisition; c'est pour ce motif qu'une somme de 171,500 fr. figure dans le crédit soumis à la délibération de la chambre. Il y aurait sans doute une perte pour l'État si on ajournait ce projet.

M. Rousselle. - Je suis disposé à voter le projet présenté par le gouvernement pour le mettre à même de remplir ses engagements pour toutes les dépenses obligatoires, mais dans le projet, je vois deux articles relatifs à des constructions et réparations de prison faites en sus des crédits alloués et qui portent pour 1846 60,000 fr. et pour 1847 139,000 fr. Ensemble 199,000 fr.

Si ces deux articles étaient disjoints pour faire l'objet d'un projet de loi spécial, je voterais pour le projet en discussion mais si la disjonction que je demande n’avait pas lieu, comme il s’agit de sommes considérables dont la justification n’a pas été présentée à la section centrale, je serais obligé de m’abstenir. (Aux voix ! aux voix !)

- La clôture est prononcée.

Discussion des articles

Article premier

« Article premier. Les crédits ouverts aux budgets du département de la justice, pour les exercices 1846 et 1847, sont diminués, savoir :

« Exercice 1846

« Chapitre I, art. 5 Frais de toute et de séjour des fonctionnaires et employés : fr. 2,000.

« Chapitre II, art. 5. Tribunaux de première instance et de commerce (personnel) : fr. 16,500.

« Chapitre II, art. 6. Justice de paix (personnel) : fr. 1,500.

« Chapitre III, art. 1er. Traitement de la haute cour militaire : fr. 10,500.

« Chapitre III, art. 3. Traitement des auditeurs militaires et prévôts : fr. 4,000.

« Chapitre IV, art. 1er. Frais de justice : fr. 17,000.

« Chapitre V, art. 1er. Palais de justice {constructions) : fr. 67,000.

« Chapitre VII, art. 1er. Pensions civiles : fr. 26,500.

« Chapitre VIII, art. 2, Traitement du clergé inférieur : fr. 87,000.

« Chapitre VIII, art. 5. Traitement des ministres du culte israélite : fr. 2,000.

« Chapitre IX, art. 2. Subsides pour les établissements de bienfaisance : fr. 11,000.

« Chapitre IX, art. 3. Subsides pour l'exécution des dépôts agricoles : fr. 30,000.

« Chapitre IX, art. 4. Subsides pour les enfants trouvés, etc. : fr. 40,000.

« Chapitre X, art. 4. Frais de bureau dans les prisons : fr. 3,000.

« Chapitre X, art. 6. Achat de matières premières pour les ateliers des prisons : fr. 35,000.

« Chapitre X, art. 7. Gratifications aux détenus : fr. 4,000.

« Ensemble : fr. 357,000. »

« Exercice 1847

« Chapitre I, art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 1,000.

« Chapitre II, art. 4. Matériel des cours d’appel : fr. 1,000.

« Chapitre II, art. 5. Tribunaux de première instance et de commerce (personnel) : fr. 7,000.

« Chapitre III, art. 1. Traitement du personnel de la haute cour militaire : fr. 10,000.

« Chapitre III, art. 3. Traitements des auditeurs militaires et prévôts : fr. 5,000.

« Chapitre V, art. 1er. Palais de justice (constructions) : fr. 42,000.

« Chapitre VII, art. 1er. Pensions civiles : fr. 27,000.

« Chapitre VIII, art. 2. Traitement du clergé catholique : fr. 68,000.

« Chapitre IX, art. 4. Subsides pour l'exécution des dépôts agricoles : fr. 20,000.

« Chapitre X, art. 2. Traitement des employés des prisons : fr. 9,000

« Chapitre X, art. 6. Achat de matières premières pour les ateliers : fr. 60,000.

« Chapitre X, art. 7. Gratifications aux détenus : fr. 4,000

« Chapitre X, art. 8. Frais d'impression et de bureau dans les prisons : fr. 3,000.

« Ensemble : fr. 257,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Les sommes de 357,000 francs et de 250,000 francs retranchées des budgets de 1846 et de 1847, s'élevant en totalité à 614,000 francs, serviront à couvrir l'insuffisance des crédits alloués au budget du département de la justice, pour les exercices 1846, 1847 et 1848.

« Exercice 1846

« Chapitre IX, art. 1er. Frais d'entretien et de transport de mendiants dont le domicile de secours est inconnu, jusqu'à concurrence de fr. 10,500.

« Chapitre X, art. 1. Frais d'entretien, de nourriture et d'habillement des détenus, jusqu'à concurrence de fr. 62,000.

« Chapitre X, art. 5. Constructions et réparations dans les prisons, jusqu'à concurrence de fr. 60,000.

« Ensemble : fr. 132,500.

« Exercice 1847

« Chapitre IV, art. 1er. Frais d'instruction et d'exécution en matière criminelle, etc. : fr. 40,000.

« Chapitre IX, art. 1er. Frais d'entretien et de transport de mendiants dont le domicile de secours est inconnu : fr. 11,000.

« Chapitre X, art. 5. Frais de constructions et réparations dans les prisons : fr. 139,000.

« Ensemble : fr. 190,000

« Exercice 1848

« Chapitre IV. art. 1er. Frais d'instruction et d'exécution en matière criminelle, etc. fr. 50,000.

« Chapitre IX, art. 6. Etablissement de réforme pour les mendiants et vagabonds âgés de moins de 18 ans : fr. 171,500.

« Chapitre X, art. 1er. Frais d'entretien, de nourriture et d'habillement des détenus : fr. 70,000.

« Ensemble : fr. 291,500.

- Adopté.

M. le président. - Il va être procédé au vote de l'ensemble du projet.

Ordre des travaux de la chambre

M. H. de Brouckere. - Avant de voter, je demande la parole. La section centrale chargée de l'examen du budget de la justice a terminé son travail. Le rapport n'est pas encore approuvé, si la chambre m'y autorise je convoquerai la section centrale et quand le rapport sera approuvé, je le ferai imprimer et distribuer de manière qu'il pourra être mis en discussion pour la rentrée.

M. de Man d'Attenrode. - J'ai fait une motion d'ordre au commencement de la séance, je désire qu'on la mette aux voix avant l'appel nominal parce qu'après je crains que la chambre ne soit plus en nombre. Par la même occasion, je demanderai qu'on mette un peu d'empressement à distribuer les développements des travaux publics; car, sans ces développements, le budget est incompréhensible.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On s'en occupe très activement.

M. de Man d'Attenrode. - Hier encore, plusieurs pièces indispensables pour compléter les développements du budget des travaux publics manquaient à l'imprimeur ; il importe que ces développements' nous soient distribué sans retard, à défaut de ces documents l'examen du budget est impossible.

Je demande que la chambre s'ajourne au 9 janvier.

- Cette proposition est adoptée.

M. de Man d'Attenrode. - Je demande que les budgets , sur lesquels le rapport sera prêt d’ici à notre rentrée soient mis en première ligne à l'ordre du jour;

M. Dumortier. - On pourrait commencer par le budget de la justice.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui. Je demande pour cela que l'on hâte la distribution du rapport.

Il serait à désirer que les sections centrales achevassent, pendant les vacances, l'examen des budgets; car si vous ne discutez pas les budgets en janvier, les budgets de 1850 vous seraient présentés avant que vous eussiez voté ceux de 1849. Un pareil état de choses n'est pas tolérable.

M. le président. - Je préside la section centrale du budget de la guerre, qui a eu dix ou onze séances. Je préside également la section centrale du budget de l'intérieur, qui s'est également réunie plusieurs fois. Je voudrais consacrer toutes nos vacances à l'examen de ces budgets. Malheureusement les membres de la section centrale n'appartiennent pas en général à Bruxelles; quelque désir que j'aie de hâter ce travail, il sera probablement impossible qu'il avance pendant les vacances.

M. Delfosse. - La section centrale chargée de l'examen du budget des finances a terminé son travail. M. le rapporteur, l'honorable M. t'Kint (page 259) profitera des vacances pour préparer son rapport et il faut espérer qu'il pourra déposer dans les premiers jours qui suivront la reprise des séances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous concevez que les budgets de 1850, ne seraient guère formulés d'une manière satisfaisante avant le vote des budget de 1849. Comment y procéder, en effet, si nous ne connaissons pas les intentions de la chambre sur les propositions, les réductions et en général le système qui a présidé à la formation des budgets de 1849.

M. le président. - La chambre prenant des vacances, le président ne peut prendre sur lui de faire marcher les travaux en sections. Du reste les sections centrales du budget de la guerre et du budget de l'intérieur seront convoquées.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous sommes loin de mettre en doute le zèle de M. le président. Tous nous y rendons hommage. Mais nous insistons pour que les rapports sur les budgets soient présentés dans un assez bref délai pour que les budgets puissent être votés avant la fin de janvier.

M. le président. - Mon observation n'avait qu'un but, c'était de prouver que c'était impossible.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice

Vote sur l’ensemble du projet

- Il est procédé au vote par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi de crédit supplémentaire, concernant le département de la justice, qui est adopté à l'unanimité des 60 membres qui prennent part au vote.

5 membres (MM. Pirmez, Rousselle, Lesoinne, Delfosse et Deliége) s'étant abstenus.

Ont pris part au vote : MM Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pouhon, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Dubus, Dumont, Dumortier, Frère-Orban, Gilson, Jacques, Jouret, Julliot, Lebeau, Mascart, Mercier, Moreau, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Schumacher, Sinave, Toussaint, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom. (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Vermeire, Allard, Ansiau, Anspach, Boedt, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Breyne , de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne et Verhaegen.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les; motifs de leur abstention.

M. Delfosse. - J'ai dit les motifs qui m'ont forcé à m'abstenir.

M. Deliége ; - Le projet de loi m'a paru très important. Je n'ai pas eu le temps de l'examiner. J'ai donc dû 'm'abstenir.

M. Dubus. - Je ne savais pas sur quoi l'on votait.

M. Lesoinne. - J'ai dû m'abstenir, parce que je n'ai pas eu le temps d'examiner le projet.

M. Pirmez. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Rousselle. - J'ai expliqué mes motifs dans la discussion. .

Formation de la députation au roi

Cette députation est composée de M. le président et de onze membres.

Le sort désigne MM. Troye , Prévinaire, de Man d'Attenrode, Vanden Berghe de Binckum, Vilain XIIII, H. de Brouckere, de T’Serclaes, Van Hoorebeke, Lebeau, Cans et Anspach.

- La séance est levée à 5 heures 3/4.