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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 1 mai 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1333) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à midi et et demi.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Christian, notaire à Passchendaele, demande que le projet de loi qui réduit certaines pénalités en matière de timbre, etc., contienne une disposition autorisant les notaires à énoncer dans leurs actes des actes non-enregistrés. »

- Sur la proposition de M. A. Vandenpeereboom, renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Plusieurs habitants de Frasnes demandent que le gouvernement maintienne une garnison à Marienbourg. »

Sur la proposition de M. de Baillet-Latour, qui a des explications à demander à M. le ministre de la guerre au sujet de cette pétition, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un rapport avant la clôture de la session.


Sur la proposition de M. T'Kint de Naeyer, la chambre ordonne le renvoi à la commission permanente des finances du projet de loi relatif la déchéance des récépissés d'emprunt forcé, présenté hier par M. le ministre des finances.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l’exercice 1851

Rapport de la section centrale

M. T'Kint de Naeyer, au nom de la section centrale qui a examiné le budget des finances, dépose le rapport sur ce budget.

Projet de loi portant le budget du dministère des affaires étrangères de l’exercice 1851

Rapport de la section centrale

M. de T'Serclaes, au nom de la section centrale qui a examiné le budget des affaires étrangères, dépose le rapport sur ce budget.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Jacques dépose le rapport au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi de crédit supplémentaire de 44,000 francs au département de la guerre.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. de Perceval, au nom de la commission des naturalisations, dépose des rapports sur plusieurs demandes de naturalisation.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi sur l’enseignement moyen

Discussion des articles

Titre I. Dispositions générales

Article 6

M. David (pour une motion d’ordre). - Je viens réclamer une rectification au compte rendu de la séance du 29 avril.

Elle me paraît nécessaire afin de faire cadrer la rédaction des articles, tels qu'ils ont été votés en détail, avec le texte de la loi tel qu'il sortira de la discussion. Je lis ce qui suit aux Annales parlementaires :

« M. le président. Voici maintenant le second paragraphe de l'article 6 : « Par suite de la présente loi, les communes auront à décider, endéans les trois mois, si elles entendent maintenir, etc. »

Nous avons voté, conformément à l'amendement de la section centrale : « Les communes auront à décider endéans les six mois.» Je demande donc que les mots six mois soient substitués aux mots trois mois.

M. le président. - Ce ne sont pas les Annales qui font foi ; c'est le procès-verbal. L'erreur que vous signalez sera rectifiée dans les Annales parlementaires.

Titre II. Des établissements dirigés par le gouvernement

Chapitre premier. Dispositions communes aux établissements des deux degrés
Article 11

M. le président. - M. Le Hon a déposé un amendement à l'article 11 ; il est ainsi conçu :

« Art. 11. La direction des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement, qui en nomme tout le personnel sur une liste de trois candidats à présenter par le bureau local d'administration.

« Le gouvernement pourra toutefois, pour des causes graves et dans l’intérêt de l'enseignement, faire des nominations en dehors des candidats présentés.

« Dans ce cas, les nominations n'auront lieu que de l'avis conforme du conseil supérieur institué à l'article 33. »

M. Le Hon a aussi présenté un amendement à l'article 33. J'en donnera lecture lorsque nous arriverons à cet article.

La discussion continue sur l'article 11 et les amendements.

M. Loos. - Messieurs, en présentant mon amendement à l'article 11, j'ai oublié d'expliquer les motifs de la différence de régime que j'établis entre les écoles moyennes et les athénées royaux. Si je revendique seulement l'intervention de la commune pour la nomination du personnel des athénées royaux, c'est qu'en effet, messieurs, j'ai considéré que s'il y avait des droits acquis en faveur des communes qui ont jusqu'à présent géré leurs athénées, qui ont eu la nomination de tout le personnel, qui ont ainsi en leur faveur un droit de possession, il n'en était pas de même pour les écoles moyennes. Les écoles primaires supérieures ont été fondées par le gouvernement qui de prime abord s'est réservé le droit de nomination du personnel.

D'un autre côté, messieurs, les communes participent pour une très faible part dans la dépense des écoles primaires supérieures. En général, les communes ne fournissent que le local sans subsides aucuns. C'est le cas pour la plupart des villes du pays. La recette des minervales qui s'opère dans ces établissements couvre en général les frais.

Ainsi pour les écoles primaires supérieures qui deviendraient des écoles moyennes, le gouvernement continuerait à supporter la plus forte part de la dépense. Les communes n'ont jamais participé à la nomination des professeurs. Ce n'est donc pas un droit que vous leur ravirez.

Je pense donc qu'il peut être fait une distinction entre les écoles moyennes et les athénées.

Messieurs, la même chose, à peu près, existe pour les écoles primaires, les écoles communales. Là on a réservé à la commune, qui supporte toute la dépense, la nomination de tout le personnel ; le gouvernement ne s'est réservé aucun droit d'intervenir ; seulement pendant les quatre premières années, le gouvernement avait la faculté d'approuver les choix, mais aujourd'hui déjà les communes ne sont plus astreintes à demander cette approbation ; elles peuvent choisir dans le cercle du personnel qui leur est tracé, c'est-à-dire parmi les jeunes gens sortant des écoles normales. Là la commune exerce donc en liberté son choix, sans consulter le gouvernement.

Après cela, messieurs, il y a les universités, qui se trouvent à peu près dans le même cas que les écoles primaires supérieures. Les villes où sont situés ces établissements n'ont à fournir que des locaux ; le gouvernement fait toute la dépense et il s'est réservé le choix des professeurs.

J'ai donc consulté ce qui existe aujourd'hui pour faire ma proposition quant au régime des athénées.

Pour les athénées, messieurs, le projet de loi dit que l'Etat supportera les deux tiers de la dépense. Un de mes honorables amis a déjà fait remarquer hier, qu'en définitive, le tiers mis à la charge de la commune équivaudrait à la moitié. En effet, je n'ai qu'à consulter ce qui existe dans ma localité : la dépense de l'athénée s'élève à 55,000 francs; le gouvernement donnerait 30,000 francs, ce serait 25,000 francs pour la commune, plus les locaux. Vous voyez donc, messieurs, qu'en réalité les communes participeraient pour moitié dans la dépense, et peut-être leur part sera-t-elle plus élevée encore. Il peut advenir de cette loi ce qui est avenu de la loi de 1842 : là l'article 23 disait en termes formels que des subsides de la part de la province et de l'Etat seraient acquis à la commune du moment où ses dépenses pour l'enseignement primaire atteindraient le montant de deux centimes additionnels aux contributions directes; eh bien, messieurs, on a trouvé à interpréter cet article de telle façon que, la commune qui se trouve dans ce cas n'obtient aucun subside ni de la part de la province ni de la part de l'Etat. On a prétendu que, d'après la loi, le subside n'est obligatoire que lorsque la situation financière de la commune n'est pas assez prospère pour qu'elle puisse pourvoir exclusivement à la dépense de l'enseignement primaire.

Eh bien, messieurs, la manière dont on a interprété la loi sur l'enseignement primaire me met quelque peu en défiance des promesses qui sont faites aujourd'hui quant à la participation de l'Etat dans les dépenses, et je crois qu'il n'y a aucune exagération à dire que les villes où sont situés les athénées royaux payeront au moins la moitié de la dépense.

Messieurs, comme je l'ai dit hier, j'ai tenu compte, dans mon amendement, des avantages que peut produire la nomination directe par le gouvernement, de l'unité dans la direction du personnel. Mon amendement diffère en ceci de l'amendement présenté par l'honorable M. Fontainas : l'honorable membre demande la présentation de candidats par le conseil communal, et n'autorise pas le gouvernement à choisir en dehors des présentations ; toute la faculté qui lui est réservée, c'est de demander une seconde liste ; j'ai voulu être plus conciliant; j'ai voulu reconnaître qu'il existe, en effet, des avantages en faveur de la nomination directe par le gouvernement.

J'ai dit que pour des motifs graves, dans l'intérêt de l'enseignement, le gouvernement pourrait ne pas tenir compte des propositions faites par le bureau d'administration. On m'a répondu : A quoi, en définitive, cela revient-il? Vous défaites d'une main ce que vous avez fait de l'autre; vous en revenez purement et simplement à ce que proposait la section centrale, c'est-à-dire à l'avis du bureau d'administration.

Remarquez, messieurs, qu'il y a là une très grande différence. Que signifie la prérogative que la section centrale veut accorder au bureau d'administration? C'est de donner un avis sur le candidat que le gouvernement a l'intention de nommer, c'esl-à-dire sur un nom qui lui sera envoyé.

(page 1334) Eh bien ! qu'arrivera-t-il? Le bureau d'admission, sur quoi fondera-t-il un avis défavorable? Evidemment, c'est quand il serait reconnu, d'une manière patente, que l'individu ne possède pas les qualités requises sous le rapport de la science, ou que sa moralité laisse à désirer.

Vous comprenez combien ces questions sont délicates, et avec quelle peine un bureau d'admission se hasardera à donner un avis tout à fait défavorable, quoique cet avis soit justifié par les renseignements confidentiels dont il se serait entouré; tandis que, par mon amendement, je réserve au bureau d'admission une espèce d'initiative ; il n'aura pas à se prononcer sur un seul candidat envoyé par le gouvernement ; il aura lui-même à chercher des candidats et à proposer celui qui lui paraîtra convenir le mieux aux fonctions vacantes; et si, en définitive, le bureau s'est trompé, si, malgré les renseignements dont il s'est entouré, il a fait fausse route, il s'est trompé, le gouvernement l'arrêtera en chemin.

Ce que j'ai voulu, par mon amendement, c'est, avant tout, la conciliation; je n'ai pas hésité à reconnaître que la nomination directe par l'Etat présentait des avantages; j'ai voulu, autant que possible, laisser au gouvernement les coudées franches, si je puis m'exprimer ainsi ; s'il a des motifs sérieux pour préférer un candidat à un autre, il peut le prendre, en justifiant de sa préférence vis-à-vis du bureau d'administration.

Pourquoi les communes se montrent elles jalouses de cette prérogative? Je l'ai déjà dit hier : pour ma part, si j'étais convaincu de voir constamment au pouvoir l'opinion qui y est aujourd'hui, je serais parfaitement rassuré; mais l'expérience nous a fait connaître que ces nominations par l'Etat pourraient être fatales aux établissements; nous n'avons pas toujours vécu sous le régime de l'opinion qui est assise au pouvoir. Sans avoir besoin d'indiquer des localités où l'on a eu des griefs à articuler sous ce rapport, je demanderai à la chambre entière : Ne s'est-on pas plaint des nominations qui ont été faites à certaine époque, par le gouvernement, pour remplir les chaires vacantes dans les universités?

Pour ma part, je suis très peu initié à ce qui s'est pratiqué alors, mais j'ai vu la presse se plaindre, c'était le grief qu'on faisait à l'Etat de ne pas prendre pour guide l'intérêt de l'enseignement dans les nominations à faire pour remplir les places vacantes dans l'enseignement supérieur ; on l'accusait d'agir par esprit de parti, on l'accusait de faire en sorte d'avantager d'autres établissements concurrents; ne pensez-vous pas que le même reproche pourra lui être adressé, qu'on pourra, à tort ou à raison, attribuer ces nominations à des intentions malveillantes du gouvernement? Ne trouvez-vous pas aussi que la commune, qui a su conserver son indépendance, gérer avec intelligence ses établissements, soutenir la concurrence avec succès, qui a produit aux concours des élèves d'une supériorité constatée, peut avoir des appréhensions sur les destinées futures de ses établissements ?

Par mon amendement, en sauvegardant l'intérêt des établissements communaux, j'ai voulu qu'une initiative pût exister de la part de la commune. Si ce que j'ai proposé ne convient pas à tout le monde, si le même but peut être atteint par d'autres moyens, je suis prêt à les accueillir. Je ne mets aucune passion dans cette question, qu'on me donne le moyen d'atteindre mon but. c'est tout ce que je demande.

L'amendement de l'honorable M. Fontainas me semble s'éloigner davantage de la conciliation, et présenter d'ailleurs dans son application des conséquences fâcheuses. Ces conséquences, je vais les indiquer tout de suite à la chambre. Vous savez ce que c'est que des nominations faites par un corps nombreux. Nous en avons fait l'expérience; il fut un temps où nous faisions la nomination des membres du jury d'examen. Ces nominations se faisaient-elles avec impartialité? Au contraire, c'est l'esprit de parti qui dirigeait toutes les nominations; et c'était le pouvoir exécutif qui contrebalançait quelque peu les mauvaises nominations faites par la chambre.

Il en est ainsi de tous les corps nombreux qui font des nominations; on nomme à bulletin fermé; si la nomination est mauvaise, personne n'en accepte la responsabilité.

Les nominations faites par un conseil communal, pas plus que celles faites par la chambre, ne présentes de garanties suffisantes, la présentation de candidats faite par le bureau où chacun vote à haute voix, présente plus de garantie qu'une nomination faite par un corps nombreux.

J'ai entendu faire à mon système cette objection , je crois, par l'honorable ministre de l'intérieur : Si vous vous mettez en défiance vis-à-vis de l'Etat, l'Etat peut se mettre en défiance vis-à-vis des autorités communales; vous prétendez que si l'opinion qui siège au pouvoir devait y rester toujours, vous n'auriez aucune défiance; je pourrais vous répondre que si le corps communal était toujours composé comme il l'est aujourd'hui, je n'aurais non plus aucune défiance.

Eh bien, voici la différence : c'est que si, en effet, l'administration communale se laisse guider par des sentiments autres que ceux qui doivent présider à son choix, dans l'intérêt des études, c'est-à-dire par l'esprit de parti, par l'esprit de coterie locale, elle ne fera tort qu'à elle-même, c'est-à-dire aux habitants de la commune qui pourront faire cesser le mal en mettant à la tête de l'administration des hommes qui agiront autrement. Si c'est du gouvernement que vient cette mauvaise influence, elle s'étendra sur tout le pays ; il faudra un assez long espace de temps avant que le pays puisse rectifier la position où l'on sera engagé. Nous l'avons vu pendant les 15 années que nous avons passées.

Mais, dit-on, si vous ôtez de la loi la nomination des professeurs par l'Etat, que restera-t-il? Pourquoi l'opinion libérale, tout entière, a-t-elle tant désiré le vote d'une loi sur l'enseignement moyen? Mais, abstraction faite de la direction de l'Etat, de la nomination du personnel, l'enseignement moyen ne réclame-t-il pas un grand nombre d'améliorations? A-t-on oublié la situation de cet enseignement? C'est l'arbitraire; le gouvernement accorde des subsides, là où il veut, à un établissement aux dépens des autres. Cette situation est une infraction flagrante à l'article 17 de la Constitution. Aux termes de cet article, l'enseignement donné aux frais de l'Etat doit être réglé par la loi. L'enseignement moyen public doit donc être réglé d'une manière légale. C'est le but essentiel de la loi.

D'un autre côté, l'article 17 de la Constitution porte que l'enseignement est libre. Cette liberté est entendue de différentes manières. Pour moi, j'ai compris qu'il fallait aux pères de famille la liberté de choisir entre des enseignements différant essentiellement entre eux, entre l'enseignement libre et l'enseignement public.

Ainsi, dans la localité à laquelle j'appartiens, nous avons une instruction donnée par une corporation religieuse à côté de l'instruction donnée dans un établissement communal. Pour ma part, je le dis franchement, je serais très au regret de voir tomber l'enseignement donné par la corporation religieuse. Je crois qu'en fait d'instruction, la concurrence est très avantageuse. C'est le plus sur garant de l'émulation et du succès. Je désirerais la voir exister partout. Je crois qu'il ne peut exister entre le gouvernement et les établissements libres aucun antagonisme.

Le gouvernement doit être aussi désireux que qui que ce puisse être de voir les établissements libres prospérer; c'est une garantie que les siens prospéreront. En fait d'enseignement, le gouvernement peut être le rival des établissements libres; il ne doit jamais en être l'ennemi.

Il existait un différend très important entre les membres de cette chambre au sujet de l'article 8, relatif à l'enseignement religieux. Ou est arrivé, après des explications, à un résultat heureux. J'exprime le vœu de voir, après les explications qui seront données, adopter également l'article 11, avec la même unanimité, avec les modifications que nous avons proposées.

M. Dedecker. - Quand, dans la discussion générale, j'ai parlé de la liberté communale et que j'ai annoncé vouloir prendre la défense de cette liberté, ce n'a pas été de ma part un vain mot, une tactique. Je tiens à le prouver par les considérations qui suivent :

Nous voici arrivés à la troisième étape de la voie de monopole tel qu'on veut l'organiser par la loi.

Les articles 2 et 3 règlent l'établissement d'un vaste réseau d'institutions d'instruction destiné à couvrir la surface du pays.

L'article 6 donne le droit de vie ou de mort sur lous les établissement qui ne sont pas gouvernementaux.

L'article 11 réserve au gouvernement la direction exclusive des établissements dits gouvernementaux.

La pensée qui a présidé à la rédaction de ces différents articles est toujours la même, parce que le point de départ est le même.

D'après le gouvernement, il s'agit toujours de diriger l'enseignement public; le gouvernement ne comprend l'enseignement public donné aux frais de l'Etat que pour autant qu'il soit dirigé par l'Etat. Eh bien, je suis persuadé que cette pensée (il faut le répéter, puisqu'on n'y renonce pas] n'est pas conforme à l'esprit qui a dicté l'article 17 de la Constitution. Je n'en veux pour preuve que l'interprétation officielle donnée à cet article pendant les cinq ou six années qui ont suivi le vote de le Constitution par le Congrès. Alors, on était convaincu qu'à part la création de quelques établissements modèles, l'action du gouvernement devait surtout consister en subsides aux communes et aux particuliers.

On n'a qu'à lire le rapport de M. Lesbroussart, le rapport publié par la commission de 1832, par la commission de 1833, pour comprendre la portée à accorder à l'action du gouvernement. Le projet même de 1834 reposait sur la même interprétation ; car, en 1834, l'honorable M. Rogier voulait lui-même que « les établissements d'enseignement moyen, même lorsqu'ils recevraient des subsides du gouvernement, seraient librement administrés par les communes. »

Aujourd'hui, il faut encore, autant que possible, se rapprocher du même principe. Nous ne pouvons donc pas admettre la pensée du projet. Elle n'esl pas conforme à l'article 17 de la Constitution. Elle est, de plus, dangereuse, parce qu'elle tend à accorder au gouvernement central une prépondérance sur l'enseignement tout entier, c'est-à-dire qu'il fait dépendre la situation de l'enseignement moyen de toutes les fluctuations de la politique. C'esl ce que nous devons tous éviter.

A entendre le langage de M. le ministre de l'intérieur, on dirait que la commune n'est plus rien. Pour M. le ministre l'enseignement, donné aux frais de l'Etat, ne concerne plus la commune. Il semble que la commune ne fasse plus partie de cet être moral qu'on appelle l'Etat. Cependant on avait commencé par dire que par le mot « Etat » on entendait tous les pouvoirs constitutionnels du pays.

On échappe à cette inconséquence en disant qu'on a, jusqu'à un certain point, respecté l'intérêt communal, les prérogatives du pouvoir communal par l'établissement d'un bureau. L'honorable M. Loos vient tout à l'heure encore de vous dire combien cette garantie est illusoire pour la commune. Cet avis qu'on demanderait au bureau avant de procéder à la nomination du professeur, ne constitue aucune espèce de garantie pour la commune. La commune ne pourra pas, dans la plupart des cas, discuter d'une manière sérieuse les titres de candidats qu’elle ne (page 1335) connaîtra pas; elle sera arrêtée aussi par des considérations de délicatesse pour dire franchement sa manière de voir sur les divers candidats.

D'ailleurs, ce sera là une source de collisions entre l'Etat et les communes : si le conseil communal pouvait présenter des candidats et que l'Etat dût choisir parmi eux, il n'y aurait pas d'antagonisme possible. Mais lorsque le gouvernement voudra imposer des candidats à la commune qui devra se borner à donner un avis, si cet avis n'est pas suivi, ce sera une source de collisions et de conflits.

Messieurs, c'est une singulière chose que la différence des systèmes soutenus par les défenseurs du projet, d'après la différence des situations dans lesquelles ils se sont trouvés depuis quelques jours.

A l'article 6, et aujourd'hui encore, on reconnaît les communes parfaitement capables d'organiser l'internat. Pour l'internat il ne faut ni autorisation ni approbation; il ne faut aucune espèce de direction de la part de l'Etat ; et cependant, je crois que, de l'avis de tout le monde, l'organisation des internats est une affaire au moins aussi importante, aussi délicate même que l'organisation de l'enseignement proprement dit. D'une part, on reconnaît donc la parfaite aptitude de la commune dans la matière la plus délicate; d'autre part, au contraire, il semble que les communes n'aient plus aucune espèce d'aptitude.

Autre inconséquence. Par l'article 6, on a voulu empêcher les conventions avec le clergé, afin que les communes ne puissent pas vendre leurs droits au clergé. Aujourd'hui, que propose-t-on ? C'est de les vendre au gouvernement. C'est également une abdication des droits de la commune. Mais cette fois, cette abdication, vous l'imposez aux communes. Car lorsqu'une commune fait une convention avec le clergé, au moins elle use parfaitement de toute sa liberté, tandis qu'ici vous imposez aux communes une abdication; vous n'accordez des subsides qu'à cette condition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ainsi l'Etat ne peut pas avoir d'écoles?

M. Dedecker. - Je ne dis pas cela; mais je crois que le gouvernement peut avoir ses établissements, tout en respectant les prérogatives de la commune. Vous croyez, vous, qu'il est indispensable, pour qu'il y ait un enseignement public, que le gouvernement ait seul la direction exclusive de l’établissement; et c'est cette prétention que je combats.

La Constitution s'oppose donc à ce qu'on donne au pouvoir central l'action que le gouvernement propose de lui accorder.

En pratique, peut-on dire que l'intérêt des établissements, que l'intérêt de l'enseignement exige les nominations de professeurs exclusivement par le gouvernement? Je crois qu'ici encore tous les motifs militent contre les prétentions du gouvernement et en faveur des prétentions des communes.

Certes, messieurs, si les ministres eux-mêmes s'occupaient personnellement des nominations de professeurs, j'avoue qu'ils seraient en général bien placés pour faire de bous choix. Mais nous savons tous ce qui en est. Rarement les ministres s'occupent de ces nominations; c'est une question de bureaucratie. (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Allons donc!

M. Dedecker. - M. le ministre a beau se récrier; je crois que c'est un fait constaté par une triste expérience.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vous assure que toutes les nominations dans mon département, qui a un personnel très nombreux, sont faites par moi et après un sérieux examen.

M. Dedecker. - C'est l'exception. Mais au point de vue des nominations dont il s'agit ici, il est certain que gouvernement est synonyme de coterie. C'est une petite coterie bureaucratique qui fera les nominations.

Or, des coteries de ce genre sont dangereuses au point de vue politique, comme elles sont déplorables sous le rapport de l'enseignement.

Les communes, a dit hier M. le ministre, sont-elles donc infaillibles? Non sans doute. Mais si je ne veux pas leur accorder un brevet d'infaillibilité, je ne veux pas non plus leur donner par la loi un brevet d'incapacité. Les communes sont parfaitement aptes à faire d'excellents choix ; car, remarquez qu'il s'agit ici des principales communes du pays. Oserait-on dire que, dans les conseils communaux des villes les plus importantes du pays, il n'y a pas d'hommes capables de faire d'excellents choix pour le personnel du corps professoral de leurs établissements? Ne sait-on pas que, dans tous ces conseils, on forme des commissions chargées spécialement de tout ce qui concerne l'instruction publique, et dont les membres font de cette question d'enseignement une étude particulière, pour la solution desquelles ils ont reçu une mission expresse de leurs collègues? Je le demande à tout homme impartial : pourquoi ces commissions ne seraient-elles pas aptes à faire d'aussi bons choix que les agents de l'administration centrale de Bruxelles?

De plus, il y a d'autres garanties en faveur des choix à faire par les communes : ces choix ont pour elles un intérêt tout particulier et leur imposent une responsabilité toute particulière.

Peu importe, en définitive, à l'administration communale que tel ou tel établissement prospère ou ne prospère pas; mais ceux qui sont surtout et directement intéressés à la prospérité des établissements communaux, ce sont les pères de famille dont le conseil communal est pour ainsi dire une émanation. La plupart des conseillers communaux ont même des enfants dans l’établissement; ils ont donc un intérêt d'affection, un intérêt spécial à la prospérité et à la bonne direction de cet établissement. Ils ont aussi une responsabilité devant tous leurs concitoyens, qui devient une vérité, surtout aux époques périodiques des élections. Il y a un contrôle incessant de la part des électeurs; car le conseil communal étant un corps électif, s'il avait oublié les intérêts de la commune, les électeurs sauraient y mettre bon ordre et sauvegarder ainsi leurs intérêts.

Enfin, il est évident que les choix faits par les conseils communaux inspireront toujours plus de confiance aux pères de famille que ceux qui viendront de l'administration centrale. L'honorable M. Loos vous l'a encore dit tout à l'heure, très souvent ces dernières nominations ont été considérées comme fatales pour les établissements, parce qu'elles reposaient sur des arrangements généraux dans lesquels l'intérêt local n'entrait pour rien.

Messieurs, soyons francs : le but principal de l'article 11, c'est de permettre au gouvernement de créer une corporation de professeurs. C'est la pensée fondamentale de cet article; c'est cette même pensée qui s'était fait jour aux articles 2 et 3, lorsqu'on proposait la création de collèges royaux. C'est encore cette même pensée qui préside aujourd'hui à la défense de l'article 11. Ce qu'on veut, c'est créer un corps professoral, une corporation, une université.

Je ne crois pas qu'une telle création soit dans les vues de la chambrer ni dans les traditions du pays.

Certes, il n'entre aucunement dans mes intentions de m'opposer à ce qu'on fasse pour les professeurs de l'enseignement moyen tout ce qu'on peut faire, qu'on leur assure une carrière, un avenir. Ce sont des hommes de dévouement et d'intelligence, qui rendent n'immenses services au pays. Si l'on peut créer pour eux un système de pensions comme il en existe un pour les professeurs de l'Etat, ou si l'on peut créer des caisses particulières pour eux, tant mieux, j'y donnerai volontiers les mains. Je veux, comme M. le ministre de l'intérieur, qu'on fasse quelque chose pour les professeurs. Mais ce que je ne veux pas, c'est la constitution d'un corps professoral.

Je sais bien qu'on essaye de justifier la création de cette espèce d'université, en disant qu'il faut pouvoir accorder aux professeurs de l'avancement, qu'il faut établir entre eux une certaine émulation. Mais ne dirait-on pas qu'aujourd'hui il n'existe aucun moyen d'émulation et d'avancement?

Voyons les faits tels qu'ils se passent.

Lorsqu'une place devient vacante à tel ou tel établissement, croyez-vous qu'il n'y ait pas concurrence et concurrence véritable entre les professeurs venant de divers établissements? Croyez-vous qu'aujourd'hui surtout, depuis l'établissement des concours (car les concours sont établis pour stimuler et glorifier les professeurs autant que les élèves), le mérite des professeurs ne soit pas universellement reconnu ? Quand une place est vacante, le conseil communal cherche presque toujours, pour remplir dignement ces fonctions, un professeur qui appartient à un autre établissement. N'est-ce pas là ce que nous voyons tous les jours? Pour les établissements que je connais spécialement, les professeurs sont rarement pris dans l'établissement même. Presque toujours on les fait venir d'autres établissements où ils ont fait leurs preuves et où les succès de leurs élèves ont consolidé leur réputation.

Ainsi l'émulation existe. Quant à l'avancement, mais par le même motif il existe aussi. Quand aujourd'hui il y a une place vacante de directeur, de préfet des études, de professeur de rhétorique ou de seconde, on prend presque toujours le titulaire dans un autre établissement. C'est dans la nature des choses, Pour atteindre ce but, il ne faut pas une immense organisation entre les mains exclusives du pouvoir. Peut-être même, messieurs, ne faut-il pas exagérer chez les professeurs ce désir d'avancement; car si, d'un côté, il y a du bon, d'autre part il y a aussi un grand mal dans ce besoin de s'élever toujours. Nous sommes aujourd'hui sur une pente fort dangereuse. Personne ne s'attache plus à sa position; au bout de quelque temps, on s'en fatigue; on se croit apte à tout; on rêve toujours mieux ; de là des prétentions exorbitantes et d'insatiables ambitions.

On craint aussi, messieurs, que les conseils communaux, dans les choix à faire, ne se laissent entraîner par des considérations locales. Je ne vois pas où serait ici le mal; car, en définitive, que faut-il surtout consulter dans ces choix, si ce n'est la prospérité de l'établissement ?

Eh bien, les parents auront plus de confiance dans un professeur dont ils connaissent la famille, dont ils apprécient les antécédents, dont ils ont suivi en quelque sorte toute la carrière. Aujourd'hui il arrive souvent que des professeurs ne sont pas suffisamment connus dans la localité. C'est un inconvénient. Plus il y aura d'occasions de prendre, dans la ville même, des hommes de talent et de considération, mieux ce sera, pour la prospérité de l'établissement, parce que tout le monde les connaîtra, tout le monde aura confiance en eux.

Ainsi, messieurs, d'abord les principes mêmes exigent que nous maintenions ici le droit de la commune contre le gouvernement, qui exagère les droits de l'Etat. Ensuite, au point de vue pratique, de la prospérité des établissements, je crois qu'il n'y a pas un seul motif qui puisse nous engager à prêter les mains à la création d'un vaste corps professoral.

Du reste, messieurs, je vois, dans cette enceinte, tous les représentants de nos grandes villes qui réclament contre cette exagération des droits de l'Etat : C'est l'honorable M. Loos, bourgmestre d'Anvers; l’honorable M. Fontainas, échevin à Bruxelles; l'honorable M. Delehaye (page 1336) conseiller communal à Gand; l'honorable M. Le Hon, échevin à Tournay ; tous réclament contre cette exagération et je crois qu'ils sont dans le vrai. Nous devons respecter les droits de l'Etat, à condition qu'il respecte, à son tour, les droits de la commune.

M. Devaux. - Messieurs, voici une vingtaine de jours que nous discutons la loi sur l'enseignement moyen. De quoi s'est-il agi jusqu'à présent? De questions politiques, de susceptibilité religieuses. De quoi va-t-il s'agir maintenant? A ce qu'il semble, il va être question d'amours-propres d'autorités locales. Quand nous faisons une loi d'enseignement moyen, serait-ce être trop exigeant de demander une place, une très petite place dans la discussion, pour des considérations qui ont trait à la constitution d'un bon enseignement moyen, à l'intérêt scientifique et littéraire des collèges? Car enfin, ce n'est pas pour le plaisir de faire de la politique que nous faisons une loi d'enseignement moyen. Ce n'est pas non plus pour l'enseignement religieux seul, quelque respectable qu'il soit, qu'il y a des collèges, car s'il ne s'agissait que de l'enseignement religieux, les jeunes gens ne devraient pas passer six ou sept ans à l'école.

Ainsi, messieurs, occupons-nous un peu, ne fût-ce qu'en passant, ne fût-ce que d'une manière secondaire, de l'enseignement moyen en lui-même; et voyons quel est, considérations politiques à part, amour-propre d'autorité locale à part, quel est l'intérêt de l'enseignement de collège?

Je conçois qu'on soit en dissidence sur le nombre d'établissements qu'on veut laisser à l'Etat ; je conçois que les uns en veulent 3, que les autres en veulent 10, d'autres 20; mais une fois le nombre des établissements du gouvernement fixé, nous devrions être bien vite d'accord sur les règles d'administration de ces établissements. Il est bien évident que si le gouvernement a des établissements, il faut qu'il en ait la direction, et il n'en aurait pas la direction s'il n'avait pas la nomination pure et simple des professeurs, s'il devait les nommer sur présentation de candidats; ce serait détruire d'une main ce qu'on fait de l'autre; ce serait créer un enseignement communal et non pas un enseignement de l'Etat.

Aussi, messieurs, malgré ce qu'on a dit tout à l'heure sur l'esprit du Congrès, que l'on méconnait singulièrement, dès 1834, quand dans le projet de loi de cette époque on a donné des établissements à l'Etat on a laissé le gouvernement nommer les professeurs de ces établissements. On donnait 3 athénées au gouvernement et le gouvernement nommait les professeurs directement, sans présentation de candidats. On a créé l'école militaire, l'école vétérinaire, les écoles de navigation et partout le gouvernement a nommé, seul, les professeurs. L'honorable M. de Theux a présenté un projet de loi, d'après lequel le gouvernement dirigeait 10 athénées; qui est-ce qui nommait les professeurs ? Le gouvernement, sans présentation.

Mais, messieurs, cela est clair. Il suffit d'être dans une administration pour savoir qu'il ne peut en être autrement. Donner la nomination ou la présentation des candidats aux communes, c'est faire des établissements communaux.

On l'a dit hier, messieurs, détruisez la nomination par le gouvernement et je demande ce qu'il restera en faveur du progrès de l'enseignement? Quelle est l'amélioration qui restera dans la loi pour les collèges. Ai-je besoin de répéter, messieurs, que c'est le seul intérêt du progrès de l'enseignement qui est le but de cette loi ?

Tout le monde s'est plaint de l'enseignement moyen. Voyez ce que disent les rapports des jurys d'examen, consultez les professeurs de l'université de Louvain aussi bien que des autres universités, et vous verrez que l'état de l’enseignement moyen laisse beaucoup à désirer.

Eh bien, quel est le seul moyen efficace que présente la loi, pour l'améliorer? C est de transporter la nomination des professeurs des mains de l'autorité locale dans les mains du gouvernement. Otez ce moyen-là, il ne reste plus rien dans la loi qui vaille la peine d'une discussion.

Quant à moi, je voudrais bien savoir pourquoi les libéraux veulent une loi, quel avantage ils en attendent si ce n'est pas le gouvernement qui a la nomination des professeurs. Et je n'appelle pas nomination ce système bâtard qui consiste à nommer sur une liste de deux candidats. Me demande-t-on quels sont les effets si favorables de la nomination par le gouvernement? Je vais en exposer quelques-uns. Je ne ramènerai sans doute pas à mon opinion ceux qui redoutent que la concurrence avec les établissements de l'Etat ne soit trop difficile, c'est-à-dire que l'enseignement n'y soit trop bon. Je m'adresse à ceux qui veulent le progrès de l'enseignement de l'Etat aussi bien que de tout autre.

Aujourd'hui qu'arrive-t-il des professeurs que les communes nomment? Il arrive que ces professeurs sont nommés en quelque sorte, pour leur vie, à la place qu'on leur donne; ils restent dix, vingt ou trente ans dans une chaire; il n'y a d'avancement pour eux que quand un de leurs collègues de même établissement vient à mourir; le déplacement, c'est l'exception. Il arrive de là que tel professeur explique, pendant vingt ou trente ans, quelques pages de Cornélius Nepos et de Phèdre; il a beau avoir du mérite, être un homme très distingué ; il a beau être capable de faire une rhétorique, il reste dans sa classe, parce qu'il n'y a dans le collège que six chaires, occupées par des hommes qui n ont pas la complaisance de laisser la place libre.

Voilà la mort de l'enseignement. Il n'y a pas d'émulation. Le professeur ne travaille pas. Pourquoi travaillerait-il, avec la perspective de faire la même chose pendant 20 ou 30 ans sans espoir de changer sa position? Adoptez, au contraire, le principe de la nomination par le gouvernement, et le jour même où la loi est promulguée, la vie rentre dans l'enseignement. Le mur qui emprisonnait l'horizon de chaque professeur vient à tomber. Chacun a l'espoir de voir ses efforts récompensés. Il a l'espoir de passer d'un collège inférieur à un collège supérieur; le gouvernement, qui a dix établissements, lui offre dix fois plus de chances d'avancement que la commune.

Un second avantage, c'est d'avoir, par la nomination directe du gouvernement, des choix plus éclairés. Vous voulez que le gouvernement nomme seulement sur la présentation d'une liste de candidats! Auxquelles de nos lois empruntez-vous cela? Quand l'administration centrale nomme-t-elle sur une liste de candidats? Cela se fait pour la cour d'appel, pour la cour de cassation; cela se fait encore pour les avoués, pour les commissaires de police, pour les huissiers et pour les gardes champêtres.

Pourquoi cela se fait-il? Pour une raison très simple : c'est que l'autorité qui, dans ces cas-là, présente des candidats, est plus près d'eux et plus éclairée sur leur aptitude que le gouvernement lui-même.

Les cours d'appel, par exemple, ne connaissent-elles pas mieux que le gouvernement les juges dont elles reçoivent chaque jour les jugements; ne savent-elles pas mieux quels sont ceux qui sont dignes d'être promus à la cour?

M. Dedecker. - C'est pour les tribunaux une question d'indépendance.

M. Devaux. - Cela est vrai ; mais vous ne voulez pas donner aux professeurs une position d'inamovibilité; telle indépendance convient à merveille à la magistrature, mais ce n'est pas la position qu'on consentirait à faire aux professeurs de l'enseignement moyen. Je fais la même observation pour les avoués : le tribunal connaît mieux que le gouvernement quels sont les hommes de la localité qui conviennent le mieux pour remplir les fonctions d'avoué.

Il en est encore ainsi pour les commissaires de police, les huissiers et les gardes champêtres ; dans chacun de ces cas l'autorité qui présente les candidats les connaît mieux que le gouvernement, parce qu'elle en est plus rapprochée.

Mais pour les professeurs, c'est tout le contraire; quand il y a une place vacante, le gouvernement, qui a dix établissements sous la main, connait bien mieux que l'autorité locale les candidats les plus aptes à occuper cette place.

Le gouvernement a, pour s'éclairer, les rapports de ses inspecteurs, ceux de ses dix préfets des études, ceux des dix bureaux d'administration, ceux du conseil de perfectionnement, les rapports des jurys des examens, ceux des juges des concours. La commune n'a pas même un inspecteur spécial pour connaître les professeurs de son propre établissement, et pour connaître les candidats qui se trouvent dans les autres; elle n'a que les renseignements que veulent bien lui donner des autorités locales, aussi peu désireuses de voir se déplacer ceux de leurs professeurs qui ont du mérite que de conserver les autres.

Ce n'est pas tout : d'abord je pose ce fait (car j'ai contribué à des choix de professeur), que c'est chose très difficile qu'un choix de professeur; car, on a beau avoir constaté qu'un homme a de l'instruction, on n'a pas constaté par là son aptitude à l'enseignement; souvent un homme est apte par le titre, qui ne l'est pas par le fait ; il ne s'agit pas seulement d'avoir de la science, il faut avoir l'art de la communiquer.

Une commune nomme un professeur; je suppose qu'elle se trompe; au bout de quelques mois, elle découvre que le professeur nommé est réellement un mauvais choix, qu'il ne convient pas à l'enseignement, qu'il ne sait pas conduire sa classe, qu'il dégoûte ses élèves de l'étude. Si cet homme est honorable, s'il se conduit bien et s'acquitte exactement de sa tâche, la commune ne pourra pas le destituer: elle fera ce que l'ont les communes maintenant. Je suis sûr qu'il y en a des exemples fort bien connus des auteurs des amendements, car dans presque tous les collèges communaux, il y a de ces choix peu brillants, de ces hommes insuffisants qu'on est obligé de subir, parce qu'il serait trop dur d'ôter le pain à des hommes honnêtes el laborieux.

Mais quand le gouvernement nomme, s'il a commis une erreur, s'il a nommé par exemple, pour l'enseignement de l'histoire, un homme qui convenait seulement pour le grec, il trouvera plus facilement qu'une commune à placer cet homme convenablement ailleurs ; que si ce professeur est impropre à l'enseignement, il peut en faire un surveillant, un préfet des études; que s'il ne convient pas encore à ces fonctions, le gouvernement pourra l'employer aux archives, dans une bibliothèque, ou dans un bureau du ministère.

Ce que je dis des effets de la nomination du gouvernement quant à la capacité du professeur, je puis le dire à d'autres égards encore. Un professeur, par exemple, aura commis certains actes qui ne sont pas de nature à l'exposer au mépris public, mais qui peuvent nuire à son autorité; quand pareille chose arrive pour le clergé, que fait-on? Destitue-t-on toujours les titulaires? Non, lorsque la faute est légère, on les change de localité, on sauve la considération d'un homme; il en sera de même du gouvernement ; mais la commune, que peut-elle faire, sinon destituer, ou laisser en place un homme dont l'autorité est ébranlée ?

Il y a encore une autre considération, c'est qu'il est extrêmement difficile à des hommes de localité, je ne dirai pas volontairement, mais involontairement, lorsqu'il y a à choisir entre plusieurs candidats de ne pas se sentir porter de préférence vers l'homme de la localité, eût-il moins de titres pour être nommé. Le gouvernement est au-dessus de ces considérations, il n'en est pas touché, il entend la voix locale, l'apprécie, mais elle ne décide pas.

Messieurs, dans une matière si délicate faut-il en venir à un genre de nomination qui annule pour ainsi dire la responsabilité de tout le monde?

(page 1337) Vous demandez tous un enseignement organisé d'une manière bien scrupuleuse avec des intentions bien sévères, et vous iriez soumettre la nomination des professeurs à deux autorités qui neutralisent mutuellement leur responsabilité. Si de mauvais choix sont faits, le gouvernement dira : Je n'ai pas été libre, la commune a présenté de mauvais candidats. La commune dira de son côté : Ce n'est pas moi qui ai nommé, le gouvernement a nommé le mauvais candidat; j'aurais nommé l'autre. Vous viendrez vous plaindre qu'il existe un mauvais collège, un collège impie, un collège athée, pour me servir de vos expressions, un collège sans moralité. Le gouvernement vous répondra : La faute n'en est pas à moi, je ne suis pas libre dans mes choix; et vous aurez beau blâmer, il n'y aura pas de remède, il faudra que les chambres votent des fonds et des institutions qu'elles condamnent.

Vous voulez une surveillance sévère de l'enseignement de l'Etat et vous voulez remettre les nominations à un pouvoir irresponsable; vous craignez des conflits avec le clergé, vous désirez que le gouvernement marche toujours d'accord avec lui et vous ne lui donnez pas le moyen d'empêcher les nominations qui pourraient être les plus désagréables au clergé.

Si vous voulez que les choix soient faits avec conscience, avec rigueur, il faut qu'ils émanent d'une autorité responsable. Ce serait le système le plus déplorable que celui qui permettrait à la commune et au gouvernement de s'en renvoyer mutuellement la responsabilité.

Messieurs, je crois avoir prouvé que le seul système conciliable avec une bonne administration, un bon enseignement, c'est la nomination pure et simple du gouvernement. Il faut que celui qui dirige nomme, et qu'il ait toute la responsabilité de ses nominations.

M. Dumortier. - Je dois commencer par repousser un reproche qui nous a été adressé par un honorable membre quand il s'est écrié qu'il n'était pas dupe de nos intentions. Personne ne peut supposer que nous ayons voulu faire des dupes en prenant la défense des libertés communales, nous qui les avons défendues pendant vingt ans.

M. Loos. - Ce n'est pas à vous personnellement que mon observation s'adressait.

M. Dumortier. - Je remercie l'honorable M. Loos.

J'ai toujours été le défenseur des libertés communales; j'ai été le rapporteur de la loi communale en 1836; j'ai défendu alors comme toujours les libertés de la commune; dans aucune circonstance je ne leur ferai défaut.

Comment se passent les choses actuellement, comment se passaient-elles sous le gouvernement hollandais, sous le régime du monopole hollandais? Le gouvernement hollandais avait organisé l'enseignement de l'Etat, il n'en voulait pas d'autre; il avait supprimé l'enseignement libre, eh bien sous le gouvernement hollandais, les régences des communes où étaient les athénées, présentaient deux candidats.

- Un membre. - Le bureau.

M. Dumortier. - Soit, le bureau !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais qui nommait le bureau?

M. Dumortier. - Le gouvernement. Je crois que ce sera encore la même chose.

Le roi Guillaume ne pouvait nommer que sur une présentation, il était vinculé par la présentation. Cette observation prouve combien manquent de fondement toutes les observations présentées par l'honorable M. Devaux. M. Van de Weyer en faisait de même dans son projet.

A la suite de la révolution, la liberté fut donnée aux communes, et, par la loi communale, les communes furent investies du droit définitif de nommer les professeurs attachés à leurs établissements. Dans le projet de loi du 2 avril 1833, je pense, on n'accordait à la commune que le droit de nommer les instituteurs salariés par la commune; mais la section centrale proposa d'accorder à la commune le droit de nommer les professeurs et instituteurs attachés aux établissements communaux d'instruction publique.

Cette proposition a été adoptée par la chambre. C'est donc une des libertés communales qu'il s'agit de révoquer maintenant.

Voici comment s'exprimait la section centrale dans son rapport, au sujet de cette disposition :

(L'orateur donne lecture de ce passage du rapport.)

Ceci répond aux observations faites à la séance d'hier, que les établissements patronnés étaient jusqu'ici illégaux. On a donc laissé à la commune le droit de nomination de ses professeurs.

La commune en a-t-elle mésusé? A-t-elle fait de mauvais choix? Je dis que ces choix sont entourés de plus de garanties, sont plus éclairés, sont plus dans l'esprit des populations que ceux que ferait le gouvernement. Quand un conseil communal nomme ses instituteurs, il fait toutes les enquêtes, toutes les investigations possibles sur la science et la moralité des candidats; et jusqu'ici nous n'avons pas entendu de plainte du chef de ces nominations.

Que répond M. Devaux? C'est une question d'amour-propre d'autorité locale. C'est une manière excessivement commode de trancher les plus graves questions de liberté, en en faisant des questions d'amour-propre.

Au moyen d'un pareil argument, on peut détruire toute la loi communale. Chaque fois que vous réclamerez, au nom de la liberté communale, on vous dira : Question d'amour-propre ! Que le gouvernement prenne tout, qu'il ne laisse rien aux communes, on vous dira : Question d'amour-propre ! Avec un pareil argument, vous pouvez frapper de mort toutes les libertés politiques et réduire à rien la liberté communale.

Qui a le plus d'intérêt à faire prospérer un établissement d'instruction moyenne? Evidemment le conseil communal; or, en vertu de la loi, l'action du conseil communal est littéralement nulle; car le conseil n'a qu'à présenter les membres du bureau tous les trois ans, et à donner son avis sur les dépenses qu'on lui fait voter.

Et ici la question se complique avec l'article 20 de la loi. C'est le lieu de vous faire remarquer que cet article renferme une flagrante inconstitutionnalité; car le conseil communal n'est pas appelé à voter les dépenses de son collège. Les dépenses sont votées, par qui? Par le gouvernement; c'est une violation formelle de l'article 110 de la Constitution, qui porte :

« Aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal. »

M. Tesch. - Il y a des dépenses que la loi communale déclare obligatoires pour la commune.

M. Dumortier. - Les dépenses obligatoires doivent être discutées. Mais vous ne pouvez, sans violer la Constitution, donner à un ministre le droit de faire la part des dépenses de la commune. C'est ce que vous faites par l'article 20.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Et la loi sur l'instruction primaire!

M. Dumortier. - Elle ne dit rien de semblable.

Elle a simplement fixé un minimum de traitement.

M. Jullien. - Mais elle met à la charge des communes les dépenses de l'instruction primaire ; et la loi communale met au nombre des dépenses obligatoires pour la commune, les frais que la loi sur l'instruction publique met à la charge des communes.

M. Dumortier. - Sans doute. Mais nous ne voulons pas que ce soit le ministre qui impose ces dépenses aux communes.

- Plusieurs membres. - C'est la loi !

M. Dumortier. - Pardon! Toute votre loi n'est qu'une délégation d'autorité au ministre.

Revenons à la question de nomination. Quelle est l'objection de l'honorable M. Devaux à l'amendement que j'ai présenté? C'est d'abord l'intérêt d'un bon enseignement. L'enseignement moyen, dit l'honorable M. Delfosse, laisse beaucoup à désirer. Je le crois aussi. Mais pourquoi l'enseignement moyen laisse-t-il à désirer?

Parce qu'on veut faire trop ; parce qu'on multiplie outre mesure les matières d'enseignement ; parce qu'avec le pouvoir central vous faites des livres élémentaires que les élèves ne comprennent pas.

J'ai vu des élèves qui m'ont avoué qu'ils n'avaient compris qu'en rhétorique les livres élémentaires qu'on leur mettait entre les mains en cinquième el en quatrième. Rendez votre enseignement élémentaire comme il était autrefois ; réduisez le nombre des matières d'enseignement.

Ainsi, vous élèverez le niveau des études. Mais quand vous mettez entre les mains des jeunes gens des livres qu'ils ne peuvent comprendre, quand vous augmentez à l'infini le nombre des matières d'enseignement, loin d'élever le niveau des études, vous l'abaissez, vous amenez l'affaiblissement des études.

Ce n'est donc pas l'action du gouvernement qui va fortifier les études moyennes, quand tous ses efforts n'ont pu aboutir à ce résultat.

Mais, dit l'honorable M. Devaux, le mal vient surtout de ce que les professeurs ne peuvent pas passer d'un établissement à un autre. Pour que l'honorable membre s'exprime ainsi, il faut qu'il ignore ce qui se passe dans nos établissements communaux : toutes les fois que dans un conseil communal une place devient vacante, le conseil communal s'empresse de rechercher l'homme le plus capable de l'occuper; on fait des annonces dans les journaux.

J'en appelle au témoignage des bourgmestres qui siègent dans cette chambre, les administrations communales ne font-elles pas les plus grands efforts, ne font-elles pas même des offres d'argent considérables pour obtenir des professeurs d'un mérite éminent ?

Ainsi, à Tournay, il y a deux ans, la place de principal était vacante : on est allé à Liège chercher M. Martin pour le mettre à la tête de l'athénée.

A Bruxelles, la chaire de rhétorique est venue à vaquer. On est allé chercher à Mons M. Petit, qui avait fait ses preuves, pour la lui confier. Je crois qu'un des honorables auteurs de l'amendement n'est pas étranger à cette nomination qui lui fait le plus grand honneur.

Les nominations par le conseil communal sont exemptes d'intrigues. Mais avec la nomination par le gouvernement, vous aurez toutes sortes d'intrigues; ce seront les hommes les plus favorisés par les bureaux, par le ministère qui obtiendront la préférence, tandis qu'avec la nomination par le conseil communal, vous avez toujours des hommes capables.

Avec le système qu'on vous propose, vous tuez l'enseignement, parce que le vrai mérite n'est plus rien. Le vrai mérite se cache; le conseil communal va le chercher. Le ministre, absorbé par la politique, n'ira pas le chercher, ne fera pas les démarches nécessaires.

Je maintiens donc que l'amendement, présenté par les honorables MM. Fontainas et Delehaye, mérite à tous égards le vote de l'assemblée.

J'ajouterai une autre considération, c'est qu'avec la nomination par le gouvernement, ce qui arrivera infailliblement, c'est qu'on accaparera tous (page 1338) les professeurs dans les grandes villes, on mettra toutes les médiocrités dans les petites villes.

Le système proposé par les honorables MM. Fontainas et Delehaye est complètement en harmonie avec la loi communale, car, dans la loi communale, nous n'avons cessé d'exiger, comme garantie, la présentation par le conseil communal.

Ainsi, lorsque le gouvernement demandait la nomination pure et simple des officiers de sapeurs-pompiers, nous avons voulu que la nomination fût faite sur la présentation du conseil communal.

Or, la nomination d'un professeur d'athénée est une chose beaucoup plus importante pour une ville que la nomination d'un officier de sapeurs-pompiers.

Lorsque le gouvernement demandait la nomination pure et simple des gardes champêtres, nous avons porté le respect pour les libertés communales jusqu'à ce point que nous avons voulu que ces nominations fussent faites par les gouverneurs sur une liste double, présentée par les conseils communaux. Toujours nous avons voulu que les conseils communaux intervinssent dans les nominations; et certes, il n'y a pas de nominations qui touchent de plus près les intérêts communaux, les intérêts des pères de famille, qui soit plus en rapport avec les intérêts que les conseils communaux ont à diriger, que celles des professeurs attachés aux établissements d'instruction.

Je voterai donc pour l'amendement de l'honorable M. Delehaye, ou pour celui de l'honorable M. Loos, ou pour tout autre amendement qui donnera à la commune le droit d'intervenir dans la nomination des professeurs. Je regarde cette question comme étant de la plus haute importance pour le bien-être de l'instruction. Je crois que ce que nous demandons, loin d'être défavorable à l'enseignement, lui sera au contraire excessivement favorable. Car personne n'est plus éclairé pour son propre établissement que le conseil communal d'une grande ville.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, après ce que mon honorable ami, M. Devaux, vient de dire sur la portée de la disposition, j'aurai peu de mots à ajouter.

Nous croyons qu'il est indispensable pour la bonne direction des études, pour l'amélioration du sort des professeurs, que leur nomination reste dans les mains de l'Etat. Il s'agit, en effet, de créer aux professeurs de l'Etat une carrière nouvelle, des perspectives nouvelles, de ne pas les laisser condamnés à l'état de simples employés communaux, sans autres perspectives d'avancement que celles qui leur sont tracées par les limites mêmes du collège.

Nous pensons que cette disposition de la loi sera accueillie avec reconnaissance par toutes les personnes qui s'intéressent à un bon enseignement donné par l'autorité publique, non seulement les professeurs, mais tous les pères de famille. C'est une des améliorations qui sont réclamées avec le plus de fondement qui sont attendues avec le plus d'impatience.

On appellera, messieurs, les professeurs ainsi organisés une corporation. Soit ; le mot de corporation ne nous effraye pas, et nous ne voyons pas trop pourquoi ce mot corporation serait l'attribut exclusif des corporations religieuses. Les professeurs formeront corps ensemble; ils seront animés du même esprit, ils auront les mêmes sentiments, les mêmes tendances. Nous n'en doutons pas, ces sentiments seront moraux et nationaux, ces tendances généreuses; et plus vous relèverez les fonctions de vos professeurs, plus aussi l'instruction qu'ils donneront sera relevée et profitera à tous. Il ne faut pas que l'enseignement public se renferme dans les limites étroites de nos communes ; l’enseignement public doit être relevé à la hauteur d'un intérêt public, d’une mission nationale.

Messieurs, tout en faisant cette part à l'influence du sentiment général, nous reconnaissons aussi qu'il faut faire une part à la commune où existe l'établissement, à l'entretien duquel la commune concourt. Sous ce rapport, nous apportons au régime existant une grande amélioration ; nous rendons à la commune une influence qui lui manque aujourd'hui.

Car, envisagez l'instruction primaire dans ses rapports avec la liberté communale dont on vient encore de nous parier. Que devient la liberté communale dans la loi d'instruction primaire? Elle est enchaînée à chaque article. La liberté communale, en ce qui concerne les écoles primaires supérieures, est entièrement anéantie. La commune n'intervient que pour donner les bâtiments et les subsides ; le gouvernement se réserve exclusivement l'administration, la nomination, je ne saurais trop le répéter. Qu'apporte la loi nouvelle à la commune? Elle lui apporte une large part d'influence dans l'administration et la direction de l'école primaire supérieure, qui s'appellera à l'avenir école moyenne. La commune nommera un bureau d'administration auprès de l'école primaire supérieure. Ce bureau d'administration n'aura pas de faibles attributions. La loi lui en assigne déjà un certain nombre ; on peut encore les accroître.

Donc la loi est un hommage rendu à l'influence communale, comme, sous un autre rapport, elle est un hommage rendu à la liberté religieuse.

On nous dit que, d'après la loi communale, la commune nomme les professeurs. Eh bien, la commune continuera de nommer ses professeurs dans les établissements entretenus par elle. Elle nommera les professeurs dans les établissements communaux même subsidiés par l'Etat. Elle les nommera et révoquera, tandis qu'aux termes de la loi d'instruction primaire, la commune ne peut pas même révoquer ses professeurs.

Ne dites donc pas que c'est nous qui venons porter atteinte à la liberté communale. Si des atteintes ont été portées à la liberté communale , de votre assentiment, c'est dans la loi d'instruction primaire. Quant à nous, nous restituons sous ce rapport à la commune le part d'influence qui lui revient et qu'on lui avait ôtée.

Nous n'avons, messieurs, aucun motif de nous méfier des communes. C'est de là qu'est parti ce grand mouvement qui a amené dans cette chambre une majorité si nombreuse. Nous avons pleine confiance dans nos communes. Ce n'est pas de nous qu'elles doivent attendre des lois de défiance et de réaction.

On est venu, messieurs, nous citer encore comme modèle le régime hollandais. Je pensais qu'on avait renoncé à ce système d'argumentation rétrospective. Mais ce régime hollandais, ainsi qu'on vous l'a déjà dit, en deux mots qu'était-il ? C'était l'absorption de l'instruction publique par le gouvernement.

Le gouvernement consentait à demander des candidats au bureau administratif. Mais qu'étaient ces bureaux? Ils étaient directement nommés par le gouvernement, révocables par lui. C'étaient ses propres agents que le gouvernement consultait.

Voilà le régime qu'on nous propose comme modèle. Voudrait-on l'établir dans la loi actuelle?

Aime-t-on mieux le système des honorables MM. de Theux. Malou et Dechamps? En quoi consistait ce système? Il y avait des athénées que le gouvernement administrait, qu'il dirigeait, où il faisait toutes les nominations. Quant au bureau d'administration, il n'en était pas question. L'honorable M. de Theux s'en est expliqué dans cette discussion, il n'aime pas cet intermédiaire; il n'en était pas question dans le projet de l'honorable M. de Theux et de ses amis. Sous ce rapport nous allons beaucoup plus loin; nous faisons une large part à la commune. Nous l'appelons à nommer un bureau d'administration. Nous aurons à régler ses attributions. La loi en règle déjà quelques-unes qui sont importantes. La section centrale propose d'attribuer au bureau d'administration le droit de donner son avis sur toutes les nominations. Nous nous sommes ralliés à cette proposition de la section centrale.

C'est beaucoup, messieurs, que ce droit de donner son avis sur les nominations ; c'est en quelque sorte le droit de présenter des candidats ; c'est en quelque sorte le gouvernement qui veut offrir des candidats à la commune ; seulement il a l'initiative, ce qui est tout pour lui.

Maintenant trouve-t-on que la commune n'est pas suffisamment représentée dans la composition du bureau? Veut-on y fortifier l'élément communal? Eh bien, cherchons ensemble les moyens d'atteindre ce but. Nous n'avons, nous, aucun motif de nous défier de l'influence communale. Nous sommes prêts à accepter un bureau d'administration fortement constitué, au point de vue de la commune. Nous demandons seulement de conserver au gouvernement, avec la responsabilité qui lui incombe, la part de liberté qui lui revient.

Le bureau administratif est tout naturellement composé si l'on veut : en général, les établissements de la commune sont administrés par le collège échevinal ; le collège échevinal pourrait donc former le bureau d'administration de l'athénée. Cela est-il trop pour lui. Veut-on que le collège échevinal soit secondé par l'adjonction de quelques hommes spéciaux? Eh bien, nous y consentons. Si l'on veut que le bureau d'administration soit composé de quatre à six membres et que le collège échevinal en fasse partie de plein droit, si l'on veut cela, j'y consens. Dans les communes où le collège échevinal est composé de cinq membres, on pourrait porter le nombre des membres du bureau administratif à six, en dehors du collège échevinal ; dans les communes où ce collège est composé de trois membres, les autres membres du bureau seraient au nombre de quatre. Aujourd'hui déjà, d'après le système du projet, le bourgmestre préside le bureau administratif, eh bien, il viendrait s'y joindre avec les échevins.

Je ne vois pas le moindre inconvénient à renforcer l'influence communale dans le bureau administratif, par la présence du collège échevinal tout entier. Je pense qu'alors la part faite à la commune sera assez large.

Maintenant, venons-en à l'exécution, car enfin toutes les question doivent se résoudre par l'exécution. Lorsque le gouvernement aura à faire des nominations dans un athénée ou dans une école moyenne, il enverra au bureau administratif une liste des personnes qu'il croit aptes à faire partie de l'établissement auquel le bureau est attaché.

Le bureau fera ses observations sur ces candidats ; il pourrait même arriver que le bureau indiquât...

M. Delehaye. - Est-ce qu'il peut en indiquer d'autres?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Certainement. Le bureau est là pour éclairer le gouvernement de toutes les manières : il donnera son avis, il aura le droit de dire : Tel professeur ne convient pas, nous pensons que tel autre conviendrait. Le bureau sera entièrement libre de donner son avis comme il l'entendra. C'est ainsi que les choses se passent quand le gouvernement consulte une autorité quelconque. On ne se borne pas toujours à donner un avis sur la proposition du gouvernement, il peut arriver aussi qu'on indique d'autres propositions.

Voilà donc, messieurs, comment les choses se passeront. Tout ce que nous demandons, et d'une manière tout à fait absolue, c'est de laisser au gouvernement, avec la responsabilité, l'initiative et la sanction définitive des nominations.

(page 1339) Lorsque nous arriverons à la composition du bureau administratif, on pourra, si on le veut, introduire la modification qui consistera à déclarer que le collège échevinal fera partie, de plein droit, du bureau administratif.

M. Tesch. - Fera partie du bureau, mais seulement pour donner un avis sur les nominations?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Non, pour toutes les affaires.

M. Loos. - Messieurs, lorsque j'ai proposé par mon amendement de donner au bureau le droit de présenter des candidats, je laissais d'un autre côte au gouvernement la faculté de nommer en dehors des candidats proposés, c'est-à-dire que si, pour des motifs graves ou dans l'intérêt de l'enseignement, le gouvernement ne jugeait pas à propos de nommer les candidats du bureau d'administration, il pourrait passer outre. Des explications que l'honorable ministre de l'intérieur vient de donner, il semble résulter que le bureau administratif n'a pas à se prononcer seulement sur le mérite d'un seul candidat auquel on destinerait la place, mais que le gouvernement lui soumettra la liste des personnes qui se présentent et qu'il croit aptes à remplir les fonctions dont il s'agit; d'un autre côté, si le bureau administratif trouve qu'il existe, en dehors des candidats sur lesquels il est consulté, d'autres personnes d'un mérite supérieur, il pourra également éclairer le gouvernement à cet égard. Cette déclaration de M. le ministre remplit le but de mon amendement (interruption), le but que moi je m'étais proposé; je ne sais pas quel est celui que d'autres avaient en vue. (Nouvelle interruption). Je fais une déclaration en mon nom, et ne m'occupe pas des intentions de ceux qui sont venus appuyer mon amendement.

Du moment que les choses doivent se passer comme M. le ministre de l'intérieur vient de l'expliquer, je suis satisfait et je retire mon amendement.

M. Fontainas. - Quand j'ai déposé et développé mon amendement, j'ai eu grand soin d'ajouter que j'accepterais toute modification, toute transition sage et raisonnable.

Le gouvernement, par l'organe de M. le ministre de l'intérieur, vient de faire un pas en avant et de proposer une transaction. S'il est vrai que la proposition du gouvernement ne m'accorde pas tout ce que je demande, ils est vrai aussi qu'elle constitue une concession de sa part.

Je le répète, je ne m'entête pas pour mon amendement; je n'en fais pas une question d'amour-propre, moins encore d'opposition.

Partisan de la loi prise dans son ensemble, je n'entends pas entraver la discussion ni contrarier le gouvernement.

Je serai conciliant et j'accepte la transaction présentée par M. le ministre de l'intérieur.

M. Delehaye. - Messieurs, j'aurais certainement préféré la proposition que j'avais eu l'honneur de soumettre à la chambre ; mais puisque, dans cette chambre, on a fait un appel si fréquent à la franchise, je serai très franc. Le gouvernement a déclaré qu'il ne voulait pas de ma proposition; dès lors, il ne me reste plus qu'à améliorer la loi, autant que possible, dans le sens que j'ai indiqué. L'autorité communale intervient d'une part, dans la direction des écoles moyennes; d'autre part, selon la déclaration que vient de faire M. le ministre de l'intérieur, le collège des bourgmestre et échevins serait adjoint au bureau administratif. D'après cela, je proposerai tout à l'heure de formuler d'une autre manière l'article 11.

M. le président. - Le premier amendement de MM. Fontainas et Delehaye est retiré.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, je ferai observer à l'honorable M. Delehaye que ce que propose le gouvernement est beaucoup plus large que ce que l'honorable membre va proposer lui-même. D'après la proposition annoncée par l'honorable M. Delehaye, le collège des bourgmestre et échevins ne serait adjoint au bureau d'administration que pour un objet déterminé; le gouvernement pense, au contraire, que le collège doit toujours faire partie du bureau d'administration ; et alors il pourra donner son avis, non pas seulement sur les nominations, mais sur les questions financières et sur toutes celles qui rentrent dans les attributions du bureau.

M. Orts. - Messieurs, je suis très disposé à entrer dans la voie de conciliation qu'on vient d'ouvrir, d'autant plus que je n'étais pas aussi disposé que les auteurs des amendements à étendre, outre mesure, l'influence de la commune en cette matière. Mais je désirerais ne transiger qu'en obtenant des garanties certaines. Il conviendrait de discuter d'abord les articles 12 et 13, sauf à revenir ensuite à l'article 11, lorsqu'on aurait déterminé la composition du bureau d'administration et réglé ses attributions.

Je fais une proposition dans ce sens.

M. Delfosse. - Messieurs, je ne doute pas de l'accomplissement de la promesse que M. le ministre de l'intérieur vient de faire, et je crois que l'honorable M. Orts ne peut pas en douter non plus; je ne vois donc pas le moindre inconvénient à discuter l'article 11 avant les articles 12 et 13; cependant il n'y en a pas non plus à commencer par ces derniers articles. Ce sera d'autant mieux que l'honorable M. Delehaye pourra produire en temps utile l'amendement dont il vient de parler. L'amendement de l'honorable membre ne peut pas venir à l'article 11; on ne peut pas parler à un article d'un bureau d'administration dont il n'a pas encore été question ; il faut d'abord décider s'il y aura un bureau et quelles seront ses attributions.

M. Le Hon. - Messieurs, j'ai demandé la parole sur la motion d'ordre, pour faire observer que la discussion de l'article 11 n'a porté jusqu'ici que sur une partie des amendements, tandis que, pour procéder régulièrement et ne pas fatiguer l'attention de la chambre par une suite de débats partiels, il faudrait que l'ensemble des arguments de la discussion, pût s'appliquer à tous les amendements et que par conséquent tous fussent développés, à mesure qu'ils se produisent.

M. le président. - Voici ce qui s'est passé, M. Le Hon; quand vous avez déposé votre amendement, je vous ai inscrit, et j'ai eu soin de dire que vous développeriez votre amendement à votre tour de parole; il avait été entendu précédemment qu'en déposant un amendement, on ne pourrait pas intervertir le tour de parole ; vous alliez développer votre amendement au moment où on a fait la motion d'ordre.

M. Delfosse. - Il est certain que la chambre peut ajourner momentanément l'article 11, et passer aux articles 12 et 13; mais l'honorable M. Le Hon aura le droit de développer son amendement lorsqu'on reviendra à l'article 11. L'honorable membre n'y perdra rien.

- La motion de l'honorable M. Orts est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - La chambre ajourne en conséquence l'article 11 et passe à l'article 12.

Article 12

« Art. 12. Le bureau, formant le conseil administratif de l'athénée ou de l'école moyenne, se composera, outre le bourgmestre, ou l'échevin délégué par lui, qui sera président de droit, de deux membres au moins et de six membres au plus, qui seront nommés par le gouvernement, sur une liste double de candidats, présentés par le conseil communal. La moitié des candidats sera prise en dehors du conseil communal.

« Le bureau est renouvelé tous les trois ans, les membres sortants peuvent être nommés de nouveau.

« Le gouverneur de la province pourra présider le bureau de l'athénée chaque fois qu'il le jugera convenable. Il en sera de même du commissaire de l'arrondissement à l'égard de l'école moyenne, dans les communes placées sous sa juridiction.

« Les fonctions de membre du bureau sont gratuites.

« Le bureau est assisté, dans toutes ses réunions, par le secrétaire trésorier. Il n'a pas voix délibérative. »

Deux amendements ont été présentés à l'article 12.

(Amendement présenté par M. de Brouckere.)

« Paragraphe premier : … de quatre membres au moins et de six au plus … par le conseil communal.

« Paragraphe 3. Le gouverneur de la province pourra présider le bureau de l'athénée et celui de l'école de commerce et d'industrie chaque fois qu'il le jugera convenable. »

(Amendement présenté par M. Osy.)

« Je propose de supprimer le n°2° de l'article 2, et de rédiger l'article 12 comme suit :

« Paragraphe premier. Le bureau, formant le conseil administratif de l'athénée, de l'école moyenne, des écoles primaires supérieures et des écoles industrielles et commerciales, se composera, etc. » (Comme au projet.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose, pour exprimer la pensée qui a été émise par mon honorable collègue de l'intérieur, de rédiger ainsi l'article en discussion :

« Le bureau, formant le conseil administratif de l'athénée ou de l'école moyenne, se composera :

« 1° Du collège des bourgmestre et échevins. Le bourgmestre ou l'échevin délégué par lui sera président de droit,

« 2° De quatre membres au moins et de six membres au plus qui seront nommés…

« (Le reste comme au projet de la section centrale.) »

M. le président. - On a renvoyé à l'examen de la section centrale les deux amendements de MM. Hyacinthe de Baillet et Osy, sur lesquels le rapport n'a pas encore été fait. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dequesne, rapporteur. - Messieurs,

Les délibérations de la section centrale, dans la séance d'hier et après la discussion qui vient d'avoir lieu, ont porté sur les amendements à elle renvoyés et relatifs aux articles 12 et 13.

C'est du résultat de ces délibérations que nous avons, en ce moment, à rendre compte à la chambre.

L'article 12 a donné lieu à deux amendements, l'un de M. Osy, l'autre de M. de Brouckere.

L'honorable M. Osy, qui voulait, ainsi que la chambre se le rappelle, laisser les écoles primaires supérieures sous le régime de la loi de 1842, modifiait cependant ce régime en les dotant, comme le fait le projet actuel, d'un bureau administratif ; l'adoption de l'article 2 a rendu cet amendement inutile.

L'honorable M. de Brouckere propose de composer le bureau, outre le bourgmestre ou l'échevin délégué, de quatre membres au moins et de six au plus.

Il propose d'un autre côté la suppression de la phrase finale du premier paragraphe, ajoutée par la section centrale, et ainsi conçue : « La moitié des candidats sera prise en dehors du conseil communal. »

La section centrale n'a adopté ni l'une ni l'autre de ces propositions.

(page 1340) La majorité de la section centrale, après la discussion qui vient d'avoir lieu, est disposée à composer le bureau de manière a ce que le collège des bourgmestre et échevins en fasse partie, de droit. On y adjoindrait quatre membres au moins et six membres au plus, à prendre par le gouvernement sur une liste double de candidats présentés par le conseil communal et dont moitié serait choisie en dehors du conseil.

A l'article 13, M. Hyacinthe de Baillet propose d'ajouter le paragraphe suivant :

« Il intervient dans le choix des livres mis à l'usage des élèves. Il peut suspendre, pour des causes graves, les fonctionnaires de l'établissement de leurs fonctions pour un terme de trois jours, à charge d'en donner immédiatement connaissance au collège des bourgmestre et échevins qui pourra prolonger cette suspension de huit jours, à la charge d'en informer, endéans les vingt-quatre heures, le ministre de l'intérieur. »

La section centrale a été d'avis, à l'unanimité, que rien ne s'opposait à ce que le bureau eût une certaine surveillance sur les ouvrages admis dans l'établissement. En conséquence, elle propose de placer avant les mots : « de donner son avis sur la nomination du personnel, » ceux-ci : « de faire des observations sur les livres employés dans l'établissement. »

Quant au droit de suspension, à la majorité de six voix contre une, elle a pensé qu'il y aurait de graves inconvénients à insérer ce droit dans la loi et à lui donner un caractère irrévocable. Cette faculté qui doit être accordée ou retirée suivant que l'expérience en démontrera la nécessité, sera mieux placée dans les règlements intérieurs que dans la loi elle-même.

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 12 et les amendements qui s'y rattachent.

M. Osy me fait observer que, par suite de la décision prise quant aux écoles primaires supérieures, son amendement vient à tomber.

Il n'y a plus que celui de M. de Baillet et celui de M. le ministre des finances.

M. Dequesne, rapporteur. - La section centrale se rallie à l'amendement de M. le ministre des finances.

M. Dedecker. - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, nous avons assisté à un petit drame qui a donné lieu à quelques scènes assez tragiques entre le gouvernement et l'opposition.

Dans la séance de ce jour, ce drame a eu le dénouement que nous avions tous, je crois, prévu : le drame s'est terminé en comédie; on s'est embrassé et tout est fini.

Je suis très édifié de cette réconciliation et du nouveau pacte d'alliance conclu entre le gouvernement et l'opposition ; mais encore doit-il être permis d'examiner les conditions de ce traité de paix. Ceux qui s'étaient posés en défenseurs des libertés communales ont-ils gagné quelque chose par les propositions nouvelles du gouvernement?

On s'applaudit d'une transaction; mais, transaction suppose concession réciproque; or le gouvernement fait-il une concession qui justifie le retrait des amendements des honorables défenseurs du pouvoir communal?

Voyons donc quelles modifications on a apportées à cet article du projet qui a donné lieu à de si vifs débats à la séance d'hier. Le gouvernement prétend avoir fait deux concessions : l'une relative à la composition du bureau d'administration ; l'autre relative aux attributions de ce bureau.

Quanta la composition du bureau, quelle concession at-on faite? Le bourgmestre faisait déjà partie du bureau, on adjoint les échevins, c'est-à-dire qu'on a renforcé, non pas l'élément communal, mais l'élément gouvernemental; car les échevins sont nommés par le gouvernement. Quand M. Dumortier a dit que, sous le régime hollandais, le bureau présentait des candidats, qu'a-t-on répondu? Qu'à cette époque le bureau était composé des hommes du gouvernement. Eh bien, ce qu'on vient d'accorder à la commune, c'est d'adjoindre au bureau des créatures du gouvernement... (Interruption), c'est-à-dire des personnes tenant du gouvernement leurs fonctions d'échevins.

Auparavant la commune était quelque chose dans le bureau, car l'intérêt communal était représenté par la majorité du bureau; par les propositions nouvelles, il est dominé par l'intérêt du gouvernement.

Quant aux attributions, qu'a-t-on gagné? Est-ce que le gouvernement s'est engagé à tenir compte de l'avis du bureau? Non, il est libre aujourd'hui comme il l'était hier. Il n'y avait qu'un moyen d'assurer l'efficacité de l'action communale, c'était de circonscrire l'action du gouvernement dans la nomination des professeurs par la présentation de candidats. Aujourd'hui vous arrivez à un système plus bâtard encore et plus incohérent, à un système de présentation de candidats par le gouvernement, système qu'on trouvait absurde hier sur les bancs ministériels.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai dit que cela valait mieux que le système contraire.

M. Dedecker. - Toujours est-il qu'il est convenu que le gouvernement présentera une liste de candidats sur lesquels il demandera l'avis du bureau d'administration.

Le gouvernement aura égard à cet avis ou il n'en tiendra aucun compte. S'il y a égard, je ne vois pas ce que le gouvernement gagne à la combinaison nouvelle; s'il n'y a pas égard, je ne vois pas ce qu'y gagne la commune, et je ne comprends pas la satisfaction qu'éprouvent les honorables membres qui ont commencé par défendre les droits de la commune. Des deux choses l'une : ou il y a malentendu aujourd'hui, ou il y a eu hier, je ne trouve pas d'autre mot, une mystification. (Interruption.)

Quant à moi, qui avais pris au sérieux la défense des intérêts communaux, je comptais appuyer l'amendement de MM. Fontainas et Delehaye. En ce moment même, si j'avais quelque chance de le voir passer, je reprendrais cet amendement, je le représenterais comme destiné à sauvegarder les intérêts du pouvoir communal et ceux mêmes de l'enseignement moyen. Mais ces chances ont disparu. Maintenant il ne me reste qu'à me résigner, et à déplorer que les défenseurs des libertés communales, que l'histoire nous montre si fermes et si énergiques, aient dégénéré à ce point.

M. Loos. - Messieurs, d'après l'honorable préopinant, je me serais prêté à la représentation d'un drame ou d'une comédie. Je viens protester contre une pareille insinuation. C'est très sérieusement que j'ai pris la défense des libertés communales, et je n'autorise personne à en douter.

M. Dedecker. - Le pays jugera.

M. Loos. - C'est précisément ce que j'allais dire. J'ai demandé qu'une certaine initiative fût laissée à la commune dans la nomination du personnel des athénées, M. le ministre m'a répondu que la commission n'aurait pas seulement à émettre son avis sur l'homme qu'il se proposait de nommer, mais sur la liste entière des candidats qui se présentent, et même que si le bureau trouvait un candidat plus méritant il pourrait le recommander au gouvernement; cela m'a satisfait ; c'était le but de mon amendement; j'ai déclaré que si mon amendement ne plaisait pas, j'étais prêt à me rallier à tout moyen proposé qui atteindrait mon but.

S'il se joue une comédie, c'est celle que représente l'opposition, et le but de cette comédie n'est un secret pour personne ; c'est au profit des élections prochaines. J'ai dû protester quand on a voulu m'associer à une manœuvre indigne de moi. Je n'ai entendu jouer la comédie ni devant la chambre, ni devant le pays. Si quelqu'un joue la comédie, je le répète, c'est vous, pour arriver à vos fins dans les élections, pour les faire tourner à votre profit. Je dis donc comme vous; le pays jugera.

M. Fontainas (pour un fait personnel). - Soyez-en convaincus, messieurs, et je le dis bien haut ; quel que soit mon respect pour le caractère de l'honorable M. Dedecker, je ne suis pas venu ici pour recevoir ses leçons.

Je comprends mes devoirs; partout et toujours je saurai défendre ma dignité méconnue.

J'ai dit loyalement, quand je développais mon amendement, que j'accepterais toute transaction raisonnable.

Le gouvernement en propose une: ma loyauté me commande d'être conséquent et je me rallie au sous-amendement présenté spontanément par M. le ministre de l'intérieur.

M. Delehaye (pour un fait personnel). - J'ai le droit de m'étonner des reproches que nous adresse l'honorable M. Dedecker. Cet honorable membre, dès le commencement de la discussion, n'a pas fait autre chose qu'appeler le gouvernement dans la voie de la transaction; et il se plaint de ce que nous ayons fait une proposition qui a été acceptée par le gouvernement, et qui fasse l'objet d'une transaction. Comment! l'honorable membre convie le gouvernement à transiger avec son parti, et il ne comprend pas que nous, les amis du ministère, nous transigions avec lui! C'est vraiment intervertir les rôles.

Je reste convaincu, je ne le cache pas, que l'amendement que nous avons eu l'honneur de présenter était préférable. On le verra plus tard. Mais pourquoi l'ai-je abandonné? Je le dirai franchement. Ce n'est pas seulement par esprit de conciliation. C'est parce que mes collègues qui siègent au conseil communal ont cru pouvoir adopter cette proposition. La chambre ne doit pas ignorer que le conseil communal de Gand a mûrement délibéré sur le projet de loi relatif à l'enseignement moyen. Il avait demandé une modification au projet dans le sens de la proposition que nous avons eu l'honneur de faire à la chambre. Une commission du conseil communal a été reçue par le ministre de l'intérieur; elle s'est ensuite présentée devant le conseil communal à qui elle a fait part des explications que lui avait données le ministre. Le conseil communal s'est déclaré satisfait de ces explications, ou du moins n'a pas pensé qu'il fallût faire de nouvelles démarches. Dans ces circonstances, et tout en conservant, comme membre de la chambre, une opinion plus avancée, je n'ai pas cru cependant devoir repousser le moyen de conciliation qui était offert par le ministère el accueilli par mes amis.

Je crois, messieurs, que nous ne devons laisser échapper aucune occasion de faire régner la conciliation dans le pays. Elle est plus que jamais nécessaire. Nous ne réussirons pas en frappant constamment de suspicion les opinions de nos adversaires.

Respectons-nous les uns les autres. C'est le plus sûr moyen de nous faire respecter par le pays.

M. de Luesemans (pour un fait personnel). - J'ai été froissé par une parole qui vient d'échapper à l'honorable M. Dedecker. L'honorable membre a dit que les collèges des bourgmestres et échevins étaient composés de créatures du gouvernement. C'est contre cette expression que je viens protester, en principe et en mon nom personnel : en principe, parce qu'on ne devient échevin que quand on a passé par le baptême électoral, parce qu'on est conseiller communal avant de devenir échevin; en mon nom personnel, je déclare que je considère mon indépendance comme ma propriété, et que si un membre de cette chambre pouvait légitimement supposer qu'en acceptant les fonctions d'échevin d'une grande ville j'aie aliéné ma liberté, je prierais le gouvernement de reprendre à l'instant même le mandat qu'il m'a confié.

(page 1341) M. Dedecker (pour un fait personnel). - La chambre comprendra que je dois répondre aux explications qui viennent d'être données.

L'honorable M. Fontainas a déclaré qu'il n'a pas de leçons à recevoir de moi. Jamais il n'est entré dans ma pensée de donner des leçons à aucun de mes collègues. Nous sommes ici, non pour nous donner des leçons, mais pour nous éclairer les uns les autres. L'honorable membre a dit aussi que s'il a présenté un amendement ce n'a pas été dans le but de rendre service à mon parti. Je le crois volontiers ; mais il voudra bien convenir que nous n'avons pas réclamé ses services. Je n'ai eu, dans tous les cas, d'autre tort à son égard que d'avoir pensé que son amendement était sérieux et que l'auteur de cet amendement avait la ferme volonté de défendre les droits de la commune.

L'honorable M. Delehaye ne comprend pas comment nous, qui avons parlé de conciliation, nous lui reprochions aujourd'hui de faire de la conciliation. D'abord, dès le début de la discussion, j'ai déclaré que je ne considérais pas la conciliation comme probable, à voir la tournure des débats et la position prise par le gouvernement. Sous ce rapport, je n'ai cédé à aucune illusion. D'ailleurs, la plupart des articles du projet soulèvent des questions de principe tellement essentielles, que, pour moi, je ne voyais pas là de transaction possible.

Mais, dit l'honorable M. Delehaye, pourquoi repousser la conciliation? Il s'étonne que je ne souscrive pas, comme lui, à ce qu'il appelle une transaction. Je lui répondrai que. pour moi, son amendement était une transaction entre les droits de l'Etat et ceux de la commune, mais que dans les propositions qu'il vient d'accepter, je ne puis voir une transaction; je n'y vois que le sacrifice déguise des droits de la commune.

L'honorable M. Loos a dit que, s'il y a ici une comédie c'est celle qui se joue par mes amis à la chambre et dans le pays. Il suppose que toute cette agitation dans le parlement et dans le pays n'est qu'une manœuvre électorale.

Je proteste contre cette assertion. Pour prouver combien peu elle est fondée, je n'ai qu'à rappeler les faits, tels qu'ils se sont passés. Qui a présenté le projet de loi? Dans quel moment l'a-t-on présenté? Qui a insisté pour qu'il fût discuté à la fin de la présente session, à la veille des élections? Ce n'est pas nous, à coup sûr. Beaucoup d'amis du ministère trouvaient cette discussion inopportune, et cependant elle a eu lieu. Qui donc a pesé sur le gouvernement? Des membres mêmes du cabinet ont déclaré eux-mêmes qu'en présentant le projet ils n'avaient pas cru que la discussion eût lieu dans cette session. Qui donc a insisté ? Ceux qui voulaient opérer une agitation électorale, ceux qui croyaient avoir intérêt à passionner les esprits. Si, aujourd'hui, cette agitation des esprits tourne contre vous, ayez du moins la bonne foi d'avouer que c'est à vous-mêmes qu'il faut vous en prendre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Dedecker insiste sur le mot qui lui a paru sans doute très joli, et dont il use pour accuser la majorité de cette chambre d'avoir joué la comédie.

M. Loos. - Le drame.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Hier c'était un drame, mais aujourd'hui c'est une comédie. Hier on a versé des larmes, la scène était tragique ; mais aujourd'hui elle est devenue comique. En effet (montrant la droite), elle est devenue très comique pour ce côté de la chambre. Depuis que la discussion de cette loi est ouverte, on épiait de ce côté l'occasion d'opérer une scission dans la majorité. On savait parfaitement....

M. de Liedekerke. - Allons donc!

M. Dedecker. -Vous nous croyez bien naïfs!

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vais vous raconter votre histoire, vous verrez quels sont ceux qui jouent la comédie.

Eu accusant le gouvernement de vouloir attenter aux idées religieuses, vous saviez parfaitement que la majorité de la chambre ne se laisserait pas prendre à un piège aussi grossier et que personne ne s'éloignerait de nous pour aller aider l'opposition.

M. Dumortier. - Vous appelez la question religieuse un piège grossier?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vous dis que lorsque vous accusiez le gouvernement de vouloir proscrire la religion, lorsque vous l'accusiez de vouloir détruire l'enseignement religieux, vous compreniez que la majorité ne vous écouterait point et que le pays ne vous croirait pas. La séance d'hier aura dessillé bien des yeux sur la tactique pratiquée quant à la question religieuse.

Vous ne pouvez guère espérer non plus que, sur un point capital du projet, sur les articles 6 et 32 relatifs à ces établissements libres qui disposent des immeubles et des deniers de la commune; sur cette partie importante de la loi qui vous touchait le plus, mais que vous avez laissée prudemment dans l'ombre lorsque vous avez essayé d'agiter l'opinion publique, vous ne pouviez guère espérer que vous réussiriez à rallier à tous une fraction notable de nos amis.

Qu'avez-vous imaginé? Vous avez soulevé la question de la liberté communale ; vous avez dit et répété, vous avez essayé de persuader au public que les libertés communales étaient menacées!

Ici commence la comédie.

Comment! messieurs, vous voulez vous poser vis-à-vis du pays en défenseurs de la liberté communale. Nous ne parlerons pas de certaines individualités, nous les mettrons encore à l'écart; mais nous prendrons le gros du parti. Vous alliez dire au pays, et vous pensiez qu'il vous croirait, que vous étiez devenus les défenseurs des libertés communales! Mais le pays se souvient apparemment que c'est vous, défenseurs des libertés communales, qui êtes venus proposer, en haine des élections communales, qui vous déplaisaient, le fractionnement des collèges électoraux!

Oh ! quel amour, quel respect pour les libertés communales !

Vous, messieurs, qui aviez demandé de soumettre à l'approbation du gouvernement les budgets de toutes les villes, et cela en défiance de la liberté communale; vous, les défenseurs de la liberté communale!

Vous, messieurs, qui, vaincus dans les élections de la commune, ne trouvant plus parmi les élus des hommes dignes de votre choix, avez réclamé et obtenu le droit de nommer le bourgmestre en dehors du conseil ! Car il y avait eu tant de protestations, tant d'insurrections morales dans le pays contre votre domination pendant quinze années, que partout, dans les collèges communaux des grandes villes, et jusque dans les collèges communaux des villages, partout il y avait hostilité contre vous! Il fallait, tant il y avait de répulsion contre vous, vous faire armer du droit de prendre en dehors du conseil communal, non pour des causes administratives et avouables, mais dans des vues politiques, les chefs des administrations communales. Et vous vous proclamez les défenseurs de la liberté communale!

Vous, messieurs, les défenseurs de la liberté communale! Vraiment, nous sommes étonnés d'avoir à repousser vos accusations sur ce point, nous qui pendant dix ans en dehors de cette enceinte ou ici, par nos amis, avons constamment protesté contre vos empiétements successifs!

Vous êtes les défenseurs des libertés communales, vous qui avez voté des deux mains la loi d'enseignement primaire faite en défiance de la commune !

M. de Liedekerke. - Vos amis l'ont votée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ceux d'entre mes amis qui ont voté la loi ont été déterminés surtout par cette considération qu'une loi défectueuse valait peut-être mieux encore que pas de loi sur l'instruction primaire; mais, lisez la discussion de cette loi, il n'y a pas un seul de leurs discours qui ne vous accuse et ne vous condamne.

M. de Mérode. - Quel mal a fait cette loi ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je réponds, M. de Mérode, à ceux qui, se posant en défenseurs des libertés communales, jouent la comédie devant le pays.

Vous avez voté cette loi d'enseignement primaire qui enlève tout droit à la commune; cette loi d'enseignement primaire qui intéresse plus particulièrement les pères de famille, et cette fois vous avez oublié ces droits des pères de famille que vous invoquez aujourd'hui; vous ne les avez pas reconnus capables d'administrer ces établissements qui les intéressent à tant de titres! Et même, au point de vue religieux, vous n'avez pas inséré dans la loi un seul article qui mît l'autorité religieuse en relation avec l'autorité communale! (Interruption.)

L'honorable M. de Liedekerke aura beau faire des signes de dénégation ; les faits que je cite n'en seront pas moins positifs.

M. de Liedekerke. - Vous avez toujours la prétention de nous donner vos affirmations comme positives.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce qui est certain, c'est qu'on ne les détruit pas. M. de Liedekerke aime beaucoup à interrompre; il annonce souvent qu'il va répondre, mais ses réponses se font attendre.

Vous avez, défenseurs des libertés communales, institué les écoles primaires supérieures, et vous avez, en défiance de la commune, exclu de leur administration l'influence locale ; vous ne lui avez rien laissé ; vous n'avez laissé à la commune que l'obligation de payer toutes les dépenses sauf un subside de 3,000 fr. !

Vous avez présenté un projet de loi sur l'enseignement moyen, défenseurs des libertés communales, et vous vous êtes réservé par ce projet le droit exclusif de nomination des professeurs, et de tout le personnel de l'établissement sans aucune espèce d'intervention de la commune!

C'est un vrai scandale de vous entendre argumenter contre nous au nom de la liberté communale !

Mais, on l'espérait du moins, c'était le seul moyen d'égarer l'opinion publique sur la question qui nous occupe ; vous n'y réussirez pas. Contre l'action que vous avez soulevée il y a déjà réaction, et, je vous le prédis, elle tournera contre vous ! (Applaudissements dans les tribunes.)

M. le président. - Si ce désordre se reproduit, je ferai évacuer les tribunes. J'invite les huissiers à faire leur devoir et à expulser quiconque donnera des signes d'approbation ou d'improhation.

M. de Theux. - Messieurs, ce n'est pas sans surprise que nous avons entendu M. le ministre des finances dire que, de ce côté de la chambre, on épiait sans cesse les occasions d'opérer une scission dans la majorité. Messieurs, cette occasion ne nous a-t-elle pas été offerte diverses fois et notamment dans la discussion du budget de la guerre, dans cette session et dans la session dernière ? Et encore, messieurs, dans cette loi, l'occasion nous a-t-elle manqué lorsque nous avons voté contre l'amendement présenté par l'honorable M. Vandenpeereboom et ses collègues, amendement combattu par le ministère ? Nous avons alors voté avec le gouvernement et contre ses amis.

M. le ministre des finances a parlé des libertés communales; d'un côté sont les adversaires de ces libertés, de l'autre sont ses défenseurs. Eh bien, messieurs, reprenons cette question à son origine.

J'ai été membre de la commission chargée de préparer le projet de la loi communale et de la loi provinciale. Dans cette commission il y avait beaucoup de libéraux, de libéraux haut placés. Eh bien, dans cette commission, pour la loi communale comme pour la loi provinciale, j'ai (page 1342) constamment défendu les libertés de la commune et de la province contre ceux qui voulaient les restreindre. J'ai conservé les procès-verbaux de cette commission.

Mais en 1842, c'est de ce côté qu'on est venu apporter des modifications à la loi communale.

Non, messieurs, en 1839, le chef de la division communale et provinciale est venu me présenter à signer une circulaire, demandant aux gouverneurs des provinces et aux commissaires de district quelles modifications il convenait d'apporter à la loi communale en faveur du gouvernement. Moi, ministre de l'intérieur, j'ai refusé de signer cette circulaire. Mais qu'cst-il arrivé? Sous le ministère de 1840, la circulaire que j'avais refusée a été signée par mon successeur, et c'est l'instruction faite sur cette circulaire qui a amené la présentation des projets de loi de 1842.

Voilà la vérité des faits.

Le gouvernement demandait le droit d'approuver les budgets des communes. Pour moi, je n'ai pas été partisan de cette proposition. Elle n'a pas été discutée. Mais savez-vous pour quels motifs elle a été présentée? Parce que le gouvernement était sollicité d'intervenir, pour l'octroi de plusieurs millions (on n'en demandait pas moins de 12) au profit de la capitale dont l'administration communale avait embarrassé les finances.

Voilà l'origine de cette présentation. Pourquoi encore? Parce que plusieurs communes refusaient de payer les dettes qu'elles avaient contractées et qu'il fallait ou chercher un moyen de payer les dettes des communes ou empêcher les communes d'en contracter. Ces questions sont venues à tomber, parce que le gouvernement a octroyé à la ville de Bruxelles 6 millions de francs.

La nomination des bourgmestres en dehors du conseil communal! Mais, messieurs, sur cette question nous n'avons pas été seuls : dans le cabinet actuel il y a un membre très influent qui a partagé cette opinion à diverses époques. Et dans la loi actuelle cette mesure n'existe-t-elle point? Elle y existe avec moins de sincérité que dans la loi antérieure, parce que maintenant le gouvernement se met à l'abri derrière la députation permanente. Et qui donc, en 1842, a proposé de placer les secrétaires communaux sous la dépendance de l'autorité supérieure? Un libéral !

L'enseignement primaire! Mais, messieurs, vous avez tous voté cette loi, tous vos anciens amis l'ont votée....

M. Delfosse. - Non.

M. de Theux. - M. Delfosse, M. Verhaegen el M. Savart étaient les trois seuls opposants. Ainsi je puis dire que tous les anciens membres de l'opinion libérale ont voté cette loi. Pourquoi? Parce qu'ils ont toujours voulu la centralisation en matière d'enseignement. Voilà, messieurs, le vrai motif.

L'enseignement moyen! Mais qui a encore pris l'initiative de la centralisation? Un de nos honorables amis, l'honorable M. Van de Weyer et le projet que nous avons présenté en 1846, après la retraite de cet honorable membre, allait beaucoup moins loin dans l'absorption des droits et des intérêts des communes.

Je n'avais point proposé la formation de bureaux d'administration. Eh bien, la commission de 1834 ne l'avait pas non plus proposée, et aujourd'hui, je n'en suis pas plus partisan qu'en 1846; je vous attends à cet égard à l'expérience; vous verrez si le système présenté par la commission de 1834, dans laquelle figuraient M. Devaux et M. Ernst, n'était point préférable au système qui a été présenté à la chambre par l'honorable M. Rogier et dans lequel le gouvernement se réservait exclusivement la nomination et l'administration ; vous verrez si ce système ne présentait pas plus d'avantages que le système des bureaux d'administration.

Messieurs, je ne pousserai pas plus loin cette digression, mais je ne pouvais pas laisser sans réponse les attaques de M. le ministre des finances.

M. Dumortier. - Messieurs, il me semble que les rôles sont singulièrement intervertis. (Interruption.) Je vois bien que mes paroles vous gênent, mais vous les entendrez.

Comment ! on viendra dire que c'est de ce côté de la chambre qu'on a joué la comédie en ce qui concerne les libertés communales! Mais qui donc dans cette enceinte a défendu ces libertés dans toutes les occasions? Quand vous êtes venus ici en 1833 proposer la nomination des bourgmestres et des échevins en dehors du conseil, quand vous avez demandé le droit de destituer les bourgmestres et les échevins, sans les entendre et sans entendre les députations permanentes, le droit de suspendre les bourgmestres et les échevins, sans les entendre et sans entendre les députations permanentes, quand vous avez demandé le droit de dissoudre les conseils communaux et le droit de nommer à leur place des agents pour administrer les communes, quand vous avez combattu la publicité des séances des conseils communaux, qui donc alors s'est élevé contre ces propositions, et qui les a appuyées? Sont-ce nos amis qui les ont combattues? Répondez. Non, ce sont vos amis qui les ont soutenues el c'est nous, nous seuls qui les avons combattues avec quelques hommes honorables du libéralisme.

Il ne faut pas que les rôles soient intervertis. Il ne faut pas que le pays soit induit en erreur sur les événements passés. Beaucoup de personnes, toutes les personnes qui n'ont pas plus de trente ans ignorent les luttes que nous avons soutenues pour la liberté communale, et il doit nous être permis de rappeler que, pendant deux guerres consécutives, nous avons été sur la brèche pour la défendre.

Quand il s'est agi, par exemple, d'enlever au peuple la nomination directe des bourgmestres et des échevins, eh bien, tous vos amis se sont levés pour appuyer cette proposition et tous nos amis se sont levés pour la combattre. Chaque fois qu'il s'est agi des libertés communales, ce sont précisément les amis du ministère actuel qui les ont combattues, et c'est nous qui les avons défendues.

Ne venez donc pas représenter les faits sous de fausses couleurs; ne venez pas nous jeter à la face des actes dont vous êtes seuls coupables.

M. le président. - Il y a encore trois orateurs inscrits. Je dois faire observer à la chambre que cet incident, si c'est un incident, n'a que trop duré, et je crois qu'il faut y mettre un terme, sauf à reprendra la discussion de l'article 12. (Adhésion.)

Ainsi, l'incident est clos.

M. Delfosse. - Je renonce volontiers à la parole. J'avais cependant bien des choses à dire.

M. le président. - Nous sommes à l'article 12. M. de Mérode a demandé la parole.

M. de Mérode. - C'était sur l'incident, mais il est terminé.

M. Delfosse. - Messieurs, il faudrait introduire un léger changement à l'article 12. Le dernier paragraphe porte : « Le bureau est assisté, dans toutes ses réunions, par le secrétaire trésorier. » Cela suppose qu'il y aura toujours un secrétaire trésorier. Mais la section centrale a proposé à l'article 14 un amendement qui suppose le contraire. On pourrait dire : « Le bureau est assisté dans toutes ses réunions par un secrétaire qu'il désigne. » On pourrait aussi supprimer le paragraphe. J'en propose la suppression.

M. Le Hon. - Messieurs, la modification apportée par M. le ministre de l'intérieur à la rédaction du premier paragraphe de l'article 12, et formulée par M. le ministre des finances, ne m'a pas donné une idée nette et précise de la composition complète du bureau d'administration. J'ai bien compris qu'on y fait entrer, outre le bourgmestre, le corps échevinal ; mais quant aux autres membres, je n'ai pas saisi parfaitement comment ils seront nommés, quel sera leur nombre, ni quelle proportion sera réservée parmi eux aux membres du conseil.

M. le président. - La proposition de M. le ministre de l'intérieur porte que le bureau sera composé :

1° Du collège des bourgmestre et échevins ;

2° De quatre membres au moins et de six membres au plus, qui seront nommés par le gouvernement sur une liste double de candidats présentés par le conseil communal.

M. Le Hon. - Ainsi l'élément communal prédominera, comme dans l'article amende par la section centrale; cela suffît.

- La discussion sur l'article 12 est close.

L'amendement de M. de Brouckere est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'amendement de M. Osy, étant devenu sans objet, n'est pas mis aux voix.

Le premier paragraphe de l'article 12, tel qu'il a été amendé par M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.

Le second paragraphe est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je mets aux voix le troisième paragraphe, mais je crois qu'on devrait substituer le mot « surveillance » au mot « juridiction », à la fin du paragraphe.

M. Rousselle. - L'intention du gouvernement a été sans doute d'attribuer aux gouverneurs la présidence du bureau d'administration de l'athénée, ainsi que des écoles moyennes dans leurs provinces respectives, s'ils trouvaient bon d'aller présider le bureau. Il faudrait donc ajouter après le mot « athénée », ceux-ci : « et de l'école moyenne ».

M. Orts. - Je ferai remarquer que la phrase ne correspond pas à l'interprétation de M. le président; les commissaires d'arrondissement n'ont pas juridiction sur toutes les communes de leur ressort; ainsi le chef-lieu de l'arrondissement est soustrait à leur action.

M. Dequesne, rapporteur. - On pourrait mettre : « dans les communes de son arrondissement. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je crois qu'il faut conserver la rédaction du projet. D'après cette rédaction, le gouverneur pourra présider le bureau de l'athénée; le commissaire, celui des écoles moyennes placées dans n'importe quelle commune de son arrondissement. Si on ne conservait pas la rédaction du projet, il arriverait que, pour les écoles moyennes placées dans des villes où les commissaires d'arrondissement n'ont pas de juridiction, l'autorité supérieure ne pourrait pas présider. Or, ce n'est pas l'intention du projet.

M. Rousselle. - Messieurs, je pense qu'il faut maintenir la rédaction de la section centrale. Dans les villes qui ne sont pas placées sous l'autorité des commissaires d'arrondissement, c'est le bourgmestre qui préside le bureau de l'école moyenne; il ne conviendrait pas que, dans ces villes, le commissaire d'arrondissement fut placé au-dessus du bourgmestre.

M. Bruneau. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour présenter l'observation que vient de faire l'honorable M. Rousselle; il me paraît aussi qu'on ne peut donner la présidence de droit au commissaire d'arrondissement dans une ville où il n'exerce aucune autorité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je pense que l'on mettra tout le monde d'accord par cette rédaction-ci :

« Le gouverneur pourra présider le bureau de l'athénée ou de l'école moyenne chaque fois qu'il le jugera convenable. Il en sera de même des commissaires d'arrondissement à l'égard de l'école moyenne dans les communes placées sous sa surveillance. »

(page 1343) - Le troisième paragraphe, ainsi rédigé, est adopté.

Le paragraphe 4 de l’article est ensuite mis aux voix et adopté.

« Les fonctions de membre du bureau sont gratuites. »

- Adopté.

M. Delfosse a proposé la suppression du dernier paragraphe ; cette suppression est prononcée.

L'ensemble de l'article 12, tel qu'il a été amendé, est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 13

« Art. 13. Indépendamment des autres missions qui pourront lui être confiées par les règlements généraux ou particuliers, le bureau aura pour attributions spéciales de donner son avis sur la nomination du personnel, de dresser le projet de budget et les comptes de l'établissement, de préparer le projet de règlement intérieur et d'en surveiller l'exécution. Ces budgets, comptes et règlements, ne seront arrêtés par le gouvernement qu'après avoir été soumis à l'avis du conseil communal et de la députation permanente.

M. H. de Baillet a proposé à cet article un amendement ainsi conçu : « Il intervient dans le choix des livres mis à l'usage des élèves. Il peut suspendre, pour des causes graves, les fonctionnaires de l'établissement de leurs fonctions pour un terme de trois jours, à charge d'en donner immédiatement connaissance au collège des bourgmestre et échevins qui pourra prolonger cette suspension de huit jours, à la charge d'en informer, endéans les vingt-quatre heures, le ministre de l'intérieur. »

La section centrale, dans son dernier rapport, présente un amendement à sa première rédaction ; elle propose d'ajouter après les mots : « attributions spéciales, » ceux-ci :« de faire ses observations sur les livres employés dans l'établissement. »

M. Dequesne, rapporteur. - Messieurs, dans mon rapport, j'ai donné les motifs pour lesquels la section centrale a donné son approbation à cette partie de l'amendement de M. H. de Baillet.

M. H. de Baillet. - M. le ministre ayant déclaré que, dans le règlement intérieur, il serait fait droit à la seconde partie de mon amendement, je la retire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai dit dans la discussion générale que le gouvernement se réservait d'attribuer au bureau pour certains cas spéciaux, pour des cas graves, sauf à en référer au gouvernement, le droit de suspendre un professeur; c'est une attribution fort importante qui pourra lui être confiée, mais pour des circonstances exceptionnelles. Nous sommes bien d'accord.

M. H. de Baillet. - C’est comme cela que je l'entendais.

M. Dumortier. - Cet article tranche la question soulevée par MM. Fontainas et Delehaye, à l'article 11, la question de la présentation. La section centrale se borne à dire que le bureau donnera son avis sur la nomination du personnel. Nous ne pouvons pas voter cette disposition sans savoir si nous n'adopterons pas l'amendement de M. Fontainas à l'article 11. Il faut commencer par examiner cet article, les amendements qu'on y a présentés ne sont pas retirés; au reste tout le monde peut reprendre l'amendement de M. Fontainas s'il est abandonné par son auteur.

M. le président. - Nous allons tenir en suspens l'amendement de la section centrale, en ce qui concerne la nomination du personnel, jusqu'après le vote de l'article 11.

M. Dumortier. - Il est un autre point sur lequel je veux appeler l'attention de la chambre, c'est sur la dernière partie de l'article : « Ne seront arrêtés par le gouvernement qu'après avoir été soumis à l'avis du conseil communal et de la députation permanente. » Au lieu d'avis, je propose le mot « vote ».

M. Delfosse. - C'est une dépense obligatoire !

M. Dumortier. - Cette dépense obligatoire, c'est le gouvernement qui la fixe; il est insolite de refuser au conseil communal le vote des dépenses communales.

Le conseil a toujours été appelé à voter les dépenses même obligatoires. Comment voulez-vous qu'une dépense soit portée au budget de la commune sans qu'elle l'ait votée? Il est indispensable d'adopter ma proposition.

Voyons l'article qui se réfère à ceci :

L'article 20, par lequel la ville où sera établi l'athénée contribuera pour un tiers dans la dépense, c'est un principe , nous pouvons l'admettre dans la loi; mais le deuxième paragraphe ajoute : L'allocation portée annuellement au budget de l'Etat en faveur des athénées, ne pourra excéder 50 mille francs.

La section centrale propose de dire : en moyenne. Il en résultera qu'on pourra mettre à la charge du budget de la commune 20, 30 mille francs, 55 mille fr., vous a dit l'honorable M. Loos, et vous voulez que la commune n'ait pas à voir à de pareilles dépenses !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le budget de la commune comprendra les dépenses de l'athénée.

M. Dumortier. - Oui, mais je ne veux pas que le gouvernement puisse imposer d'office une pareille dépense à la commune, sans que celle-ci l'ait contrôlée.

Si la liberté communale n'est pas ici en jeu, je n'y comprends plus rien. C'est le bureau qui propose le budget; le gouvernement le fait et l'arrête ; il n'y a qu'un simple avis.

M. Le Hon. - Voulez-vous me permettre une observation?

M. Dumortier. - Volontiers.

M. Le Hon. - Lorsque l'honorable M. Dumortier était colonel de la garde civique de Tournay, il envoyait le budget de la garde civique au conseil communal qui ne le discutait pas et se bornait à le porter au budget de la ville.

M. Dumortier. - Je vous demande bien pardon, on le discutait, et si bien que, sur votre proposition, il a même été réduit à presque rien.

M. Le Hon. - On a supprimé des dépenses pour des services qui n'existaient pas.

M. Dumortier. - Toujours est-il que vous avez réduit le budget à presque rien, à 2 ou 3 cents francs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est de la liberté communale.

M. Dumortier. - Aussi l'ai-je acceptée. Mais je veux également de la liberté communale, lorsqu'il s'agit de 55 mille francs. On ne peut imposer une charge pareille à la commune, sans qu'elle ait voté. Pour mon compte, je ne puis admettre pareille chose.

On me dit : Il y a deux budgets : le budget communal et le budget de l'athénée. Mais remarquez que, dans le budget communal, la commune n'a à émettre qu'un vote global sur le chiffre, elle n'a pas à examiner les détails.

S'il plaît au bureau ou au gouvernement de faire des dépenses exagérées, la commune devra les voter, ou rejeter toute la dépense que le gouvernement portera d'office au budget comme dépense obligatoire. Ce système est déraisonnable. Il ne me semble pas possible qu'il soit celui de l'honorable M. Rogier.

Je dis qu'il faut que le budget des dépenses de l'établissement d'enseignement moyen soit soumis au vote du conseil communal. Autrement les villes pourraient être grevées de dépenses qui excéderaient leurs ressources. Je sais qu'il y a des villes comme Bruxelles, Gand et Anvers qui peuvent payer. Mais il y a des villes peu importantes qui ont aussi des athénées. Je citerai Arlon et Hasselt.

M. Tesch. - Nous ne vous demandons rien.

M. Dumortier. - Je crois que vous demandez un athénée du gouvernement. Quand vous aurez, dans cet athénée, un enseignement tellement complet que la commune ne pourra payer, il faudra que vous vouliez des centimes additionnels.

Il est doux de se faire du bien,

surtout quand il n'en coûte rien.

Le bureau, qui n'aura pas à payer, fera les choses grandement. C'est une violation du droit communal.

Je demande que le budget soit soumis au vote du conseil.

M. Delfosse. - La question soulevée par l'honorable M. Dumortier n'a pas la moindre importance. L'honorable M. Dumortier, qui a contribué à faire la loi communale, doit savoir qu'aux termes de l'article 123, si le conseil communal refuse d'allouer une somme quelconque, ou alloue une somme insuffisante, pour des dépenses obligatoires, il y est pourvu par arrêté royal. C'est donc en définitive le gouvernement qui fixera le montant de la dépense. Vous tenez, je le sais, vous en particulier, M. Dumortier, différent en cela de la plupart de vos amis, vous tenez aux libertés communales. Mais ici, en vertu de la loi communale, que vous avez contribué à faire, le gouvernement aura le droit de fixer la quotité delà dépense à supporter par la commune.

On pourrait, du reste, dire que le budget sera soumis au conseil communal et à la députation permanente.

M. Dumortier. - Je me rallie à cette proposition.

M. de Theux. - La rédaction proposée par l'honorable M. Delfosse me paraît satisfaisante. Du reste c'est de droit; quoique ce soit une dépense obligatoire, le conseil communal est appelé à délibérer : il discute le quantum, la nécessité des dépenses, fait ses objections. Mais il y a l'intervention de la députation el du gouvernement qui décide en dernier ressort.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous sommes entièrement d'accord sur le fond, le budget sera soumis au conseil communal, mais je crois que la rédaction du gouvernement est meilleure; la rédaction de l'honorable M. Delfosse pourrait faire supposer qu'on pourrait se passer de l'avis du conseil communal. Pour que le conseil donne son avis, les membres voteront; on demandera aux conseillers : Etes-vous d'avis d'approuver le budget? Ils répondront oui ou non. Tout avis suppose un vote.

M. Delfosse. - Je crois ma rédaction bonne, mais je n'y tiens pas.

M. de Theux. - S'il est entendu que le conseil communal délibère sur toutes les dépenses de son budget, la rédaction importe peu. Mais aux termes de la Constitution et de la loi communale, on ne peut soustraire au conseil communal le vote sur un objet d'intérêt communal.

M. Rousselle. - J'appuie la réduction de l'honorable M. Delfosse, que je trouve absolument conforme au texte de la loi communale, qui porte :

« Art. 75. Le conseil règle tout ce qui est d'intérêt communal; il délibère sur tout autre objet qui lui est soumis par l'autorité supérieure. Les délibérations sont précédées d'une information, toutes les fois que le gouvernement le juge convenable, ou lorsqu'elle est prescrite par les règlements. »

Donc si l'objet est soumis au conseil communal, en vertu de la loi, ce sera pour qu'il en délibère.

(page 1344) M. Delfosse. - Je ne tiens pas à ma rédaction, je l'ai déjà dit.

M. le président. - Je mets aux voix l'article, mais en laissant momentanément de côté les mots : « de donner son avis sur la nomination du personnel, » et en y ajoutant ceux-ci : « de faire ses observations sur les livres employés dans l'établissement. »

- L'article, sous la réserve indiquée par M. le président, est adopté.

Article 11

M. le président. - Nous revenons à l'article 11. La parole est à M. Le Hon.

M. Le Hon. - Messieurs, après la modification notable qu'a subie l'article 11 et en considérant, d'une part, le retrait des amendements présentés par mes honorables collègues MM. Loos et Fontainas ; d'autre part, le nombre de dissidents que la concession du ministère a rallié au système de cet article, je n'ai que de très courtes explications à donner sur mon amendement.

D'abord, je tiens à établir qu'il ne tend pas à défendre les libertés communales contre les atteintes que les adversaires de la loi ont imaginées comme moyen d'opposition. Je l'ai dit dans la discussion générale ; la loi, bien loin d'attaquer les droits de la commune, est destinée à les protéger, par la concurrence légale de l'instruction publique, contre le monopole qui les envahissait.

J'ai voulu, dans l'application des principes adoptés, me placer sur le terrain neutre de la science et de l'enseignement. Mon amendement, dans ses deux parties, forme un système nouveau; il a sa sanction dans le changement que j'apporte à l'article 33. En voici le texte :

«. Art. 11. La direction des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement qui en nomme tout le personnel sur une liste de trois candidats à présenter par le bureau local d'administration.

« Le gouvernement pourra toutefois, pour des causes graves ou dans l’intérèt de l'enseignement, faire des nominations en dehors des candidats présentés.

« Ces nominations n'auront lieu que de l'avis conforme du conseil supérieur institué à l'article 33. »

« Art. 33. § 1er. Un conseil supérieur de l'instruction moyenne est établi auprès du ministre que cet objet concerne.

« Ce conseil est composé, sous la présidence du ministre, de dix membres nommés comme suit :

« 1° Un membre de chacune des cours d'appel siégeant à Bruxelles, à Gand et à Liège, élu par ses collègues respectivement;

« 2° Deux membres de l'Académie, l'un de la classe des lettres, l'autre de la classe des sciences, élus par leur classe respective ;

« 3° Les autres membres sont nommés par le gouvernement.

« Les membres des deux premières catégories sont élus pour six ans.

« Ils sont indéfiniment rééligibles.

« § 2. Ajoutez après ces mots... les programmes des études... ceux-ci : sur les nominations à l'égard desquelles il est consulté. »

Cet amendement m'a été inspiré par l'expérience des inconvénients graves qu'entraînent également, en cette matière, l'esprit de localité et l’esprit de parti : l'esprit de localité, dans la commune ; l'esprit de parti, dans les sommités du pouvoir.

Quand ces deux forces sont séparées, ne s'entraident pas, leur action isolée, indépendante, blesse souvent l'intérêt gênerai : elles le servent merveilleusement, au contraire, quand on parvient à les combiner.

J'ai cherché à obtenir ce résultat d'abord, en faisant intervenir le bureau administratif de l'athénée ou du collège, non seulement pour un avis préalable, mais encore pour la présentation de trois candidats. C'était un frein ou, si l'on veut, une entrave à l'arbitraire des choix politiques. Puis, comme l'esprit de localité pouvait prévaloir injustement dans les présentations, j'ai voulu que le gouvernement pût à son tour rétablir là balance en faveur de l'intérêt général; et dans ce but, j'ai proposé qu'il eût la faculté de nommer en dehors des candidats présentés, en stipulant, comme garantie morale, l'avis conforme du conseil supérieur.

Ce conseil supérieur, dans le système de mon amendement, se compose de deux éléments, l'un électif, l'autre à la nomination ministérielle.

Quoi qu'on fasse, la loi d'enseignement présentera toujours, aux yeux des partis, le caractère d'une loi politique : son exécution aura aussi pour eux une couleur publique, puisque, tantôt, c'est une opinion, et, tantôt, c'est une autre qui exerce le pouvoir: naturellement l'opinion dirigeante est suspecte à l'autre.

Il m'a paru que, pour assurer quelque autorité morale à ce conseil qui est appelé à donner son avis sur les programmes des études, sur le choix des livres, enfin sur toutes les questions qui se rapportent au progrès de l'enseignement, il fallait y introduire un élément indépendant, capable de faire une sorte de contrepoids à l'influence gouvernementale, et, dans tous les cas, d'inspirer de la confiance dans l'impartialité de ses résolutions et de ses avis.

Pour cela j'ai composé le conseil, que j'appelle supérieur, de dix membres, dont cinq délégués par certains corps, et cinq choisis par le ministère.

M. le président. - C'est l'article 11 qui est en discussion; ne vous occupez-vous pas prématurément de l'article 33?

M. Le Hon. - Ces explications sont indispensables pour faire comprendre dans quel esprit a été conçu mon amendement. Je veux que l'on sache bien qu'il n'a pas eu pour but de sauver la liberté communale de dangers qui, dans ma conviction, ne le menacent pas; que je me suis placé au point de vue exclusif de l'intérêt de l'enseignement et que j'ai cherché de bonne foi les moyens les plus efficaces de le servir.

Il existe trois cours d'appel dont la juridiction se partage toutes nos provinces. Chacune d'elles est appelée à élire dans son sein un membre du conseil supérieur.

Les deux autres membres appartiennent à l'Académie, et sont pris l'un dans la classe des lettres, l'autre dans la classe des sciences.

Je crois fermement que si l'on faisait entrer cet élément dans le conseil supérieur, même abstraction faite de mon amendement sur l’article 11, on accorderait des garanties morales à toutes les opinions, sans que l'influence du pouvoir central cessât d'être prépondérante, puisqu'il aurait, outre la nomination de cinq membres, la présidence du ministre ou de son délégué.

Les amendements que je voulais modifier ont été retirés, et je le comprends, en présence de la concession faite par le gouvernement sur l'article 12.

Dans l'état de la discussion, je ne pourrais insister sur mon amendement à l'article 11, sans repousser la transaction offerte par le ministère et acceptée par plusieurs de mes amis politiques. Je le retire, maintenant que je vous en ai expliqué le but et la portée.

Au reste, je le répète, le gouvernement fera bien d'avoir particulièrement égard, pour les nominations, aux avis des conseils d'administration, parce que notre pays est peut-être celui où ces avis doivent avoir le plus de poids et le plus d'autorité. Vous savez sans doute que ni en France, ni en Angleterre, ni en Allemagne, les établissements d'instruction moyenne viennent tous prendre part à un concours national. C'est une circonstance dont on n'a point parlé dans le débat, et qui pourtant est la source d'une émulation très louable et très vive dans toutes les villes qui possèdent des athénées ou des collèges. Cette émulation associe l'esprit de localité aux efforts du gouvernement de l'Etat pour le progrès général de l'enseignement moyen.

M. le président. - M. de Baillet persiste-t-il dans son amendement?

M. H. de Baillet. - J'ai développé hier mon amendement; je n'ai pas confiance dans sa réussite, mais je laisse à la chambre de statuer.

- L'amendement de M. de Baillet est mis aux voix; il n'est pas adopté.

M. le président. - Vient l'article 11 proposé par la section centrale; mais il serait entendu que si la chambre adopte la proposition, on replacera dans l'article 13 les mots : « donner son avis sur la nomination du personnel, » qui avaient été réservés sur l'observation de M. Dumortier.

M. Dumortier. - Je demanderai à M. le ministre si par ce mot « personnel » on entend aussi parler des ouvriers, gens de service, etc. (Interruption.) C'est aussi un personnel. (Nouvelle interruption.) Mais alors il faut dire : « personnel enseignant. »

M. Delfosse. - L'article 14 répond à cette observation.

- L'article 11 est mis aux voix par appel nominal.

91 membres sont présents.

72 adoptent.

19 rejettent.

En conséquence, l'article 11 est adopté, et les mots : « donner son avis sur la nomination du personnel » sont rétablis dans l'article 13.

Ont voté l'adoption : MM. Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, de Royer, Desoer, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dubus, Dumont (Guillaume), Fontainas, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Jullien, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mercier, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Veydt, Allard, Anciau, Anspach, Boedt, Bruneau, Caens, Christiaens, Clep, Cools, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, Debroux, Delehaye et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. de Liedekerke, de Meester, de Mérode, Dumortier, le Bailly de Tilleghem, Moncheur, Osy, Rodenbach, Thibaut, Van den Branden de Reeth, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Boulez, Coomans, de Baillet (Hyacinthe), Dedecker, de Denterghem et de Haerne.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1851

Rapport de la section centrale

M. Orts dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de la justice pour 1831.

- Ce rapport sera imprimé et distribué; la discussion en aura lieu à la suite des objets qui se trouvent déjà à l'ordre du jour.

Projet de loi accordant la grande naturalisation à quelques habitants des communes de Molenbeersel et de Kinroy

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. de Haussy) présente un projet de loi ayant pour objet d'accorder la grande naturalisation à certains habitants des communes de Molenbeersel et de Kinroy, qui ont cessé d'appartenir à la Belgique par suite du traité de démarcation.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet, et le renvoie à la commission des naturalisations.

Projet de loi sur l’enseignement moyen

Discussion des articles

Titre II. Des établissements dirigés par le gouvernement

Chapitre premier. Dispositions communes aux établissements des deux degrés
Articles 14 à 17

« Art. 14. Le personnel employé dans les athénées royaux et dans les écoles moyennes se divise en personnel administratif et en personnel enseignant.

« Le personnel enseignant se compose d'un préfet des études pour l'athénée, d'un directeur pour les écoles moyennes, des professeurs, des régents et des maîtres.

« Le personnel administratif se compose des membres du bureau, et, s'il y a lieu, d'un secrétaire-trésorier et des maîtres d'études ou surveillants. »

- Adopté.


« Art. 15. Les attributions du préfet des études de l'athénée et du directeur de l'école moyenne seront l'objet de règlements généraux ou particuliers.

« Il pourra être établi dans les athénées une réunion périodique des professeurs, pour la marche à imprimer aux études. »

- Adopté.


« Art. 16. Le secrétaire-trésorier sera chargé, entre autres fonctions, de tenir la comptabilité de l'établissement, de surveiller le matériel, d'inscrire les élèves sur le registre matricule, d'opérer la recette des rétributions. Il restera à la disposition du préfet des études ou du directeur, sous d'autorité et la responsabilité duquel il fera toutes les opérations ci-dessus.

« Les maîtres d'étude et surveillants, dans le cas où il y aurait des études en commun pour les externes, sont également placés sous l'autorité du préfet des études ou du directeur. »

- Adopté.


« Art. 17. Les traitements du personnel des athénées ainsi que des écoles moyennes sont fixés par le gouvernement, d'après l'importance des localités.

« Ils se composent, quant aux membres du corps enseignant, d'une partie fixe et d'un casuel. Ils sont susceptibles d'un minimum el d'un maximum. »

- Adopté.

Article 18

« Art. 18. Le budget des recettes des athénées et des écoles moyennes comprend :

« 1° L'allocation payée par le trésor public ;

« 2° Le subside payé sur la caisse communale ;

« 3° Le produit tic la rétribution payée par les élèves ;

« 4° Le produit des donations, fondations et legs affectés spécialement à cet objet.

« Le taux de la rétribution des élèves (dite minervale) est propose par le bureau d'administration et arrêté par le gouvernement.

« Le règlement spécial, sur lequel le bureau sera entendu, déterminera, pour chaque établissement, les conditions d'admission gratuite ou à prix réduit. »

M. Dumortier. - Messieurs, il s'agit ici d'une disposition qui intéresse le corps professoral. C'est la question de la fixation du minerval. Je demanderai que le corps professoral de chaque athénée soit entendu sur ce point. Cela me paraît de toute justice. La question intéresse, avant tout, les professeurs : ce sont eux qui perçoivent le minerval. Il serait fort désagréable qu'on le supprimât. Je demanderai à M. le rapporteur s'il s'agit d'en priver les professeurs. Si c'est ainsi qu'on l'entend, je proposerai une disposition dans la loi pour conserver le minerval aux professeurs.

M. Dequesne, rapporteur. - Messieurs, d'après le système de la loi, le minerval n'est plus touché par les professeurs. Ce produit entre dans la cause de l'établissement. C'est le système qui a été adopté pour les écoles primaires supérieures; là, le minerval n'est pas touché par les professeurs; il entre dans la caisse de l'école.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le traitement du professeur se composera d'une partie fixe et d'un casuel ; or rien n'empêchera, en vertu de l'article 17, de proportionner ce casuel au nombre d'élèves qui fréquentent la classe du professeur.

M. Dumortier. - Messieurs, vous savez que, d'après la loi de l'enseignement supérieur, le minerval payé par les élèves appartient aux professeurs. C'est là un des plus grands moyens d'émulation pour le corps professoral. Il est certain que le corps professoral, profitant de l'augmentation du nombre des élèves, fait des efforts incessants pour améliorer l'enseignement. Messieurs, il ne faut pas négliger un objet semblable dans la loi que nous discutons. Je demanderai que le minerval continue à être attribué aux professeurs.

Remarquez que ce minerval est compté aux professeurs comme une partie intégrante de leur traitement ; faire passer maintenant ce produit dans la caisse de l'école, cela ne me paraît pas raisonnable. Vous pourriez arriver à ce résultat, d'augmenter d'autant le traitement des professeurs, sans leur donner une émulation égale. Le minerval, comme la distribution en est réglée aujourd'hui, est à la fois une augmentation de traitement pour le professeur, et un stimulant pour que sans relâche il pousse son enseignement dans la voie du perfectionnement.

Je considérerais comme une faute grave la suppression du minerval; je veux que le minerval reste attribué aux professeurs. Veuillez remarquer que cela se passe ainsi dans la plupart de nos établissements. (Interruption.)

Je sais bien que le minerval a été supprimé à Bruxelles ; mais il serait difficile de citer une autre ville où le minerval a été supprimé. Je verrais avec regret qu'on changeât cet état de choses par le projet de loi; ce serait d'autant plus fâcheux, qu'il faudrait, je le répète, augmenter d'autant le traitement des professeurs, et que ce serait en définitive le trésor public qui aurait à supporter cette augmentation. (Interruption.)

L'article 17 dit bien qu'il y aura une partie fixe et un casuel; mais il ne dit pas si le minerval appartient ou non aux professeurs. Je veux que le minerval appartienne intégralement aux professeurs.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, il est impossible de dire autre chose que ce qui est écrit dans la loi.

L'honorable M. Dumortier se trompe, lorsqu'il suppose que l'abandon du minervale aux professeurs a été adopté comme règle générale dans les athénées de Belgique.

D'ailleurs, il y a deux observations importantes qu'il ne faut pas perdre de vue : la première, c'est que là où cette règle existe, c'est la caisse des minervales qui supporte des frais de diverse nature, par exemple, les frais des distributions de prix ; or, cela n'est pas convenable : il vaut mieux que ces frais soient supportés par le budget des dépenses de l'établissement.

La seconde observation, c'est que, si vous réglez par la loi que les minervales appartiendront en totalité au personnel enseignant, il faut dès lors régler aussi, par la loi, dans quelle proportion ils seront répartis entre les divers professeurs; en effet, tel professeur qui donne peu de leçons par semaine ne peut équitablement recevoir une part égale à celle qui sera donnée au professeur qui en donnera un nombre double, à moins que la rareté des leçons ne soit compensée par l'importance de l'enseignement. Aussi la proportion dans laquelle les professeurs participent aux minervales est-elle très diverse.

Tout cela ne peut être réglé par la loi. Il vaut beaucoup mieux qu'on abandonne au gouvernement le soin de fixer le casuel d'après le mérite de chaque professeur.

M. Dumortier. - On peut mettre au moins : « le corps professoral entendu. » Il me semble qu'on ne peut pas se refuser à entendre les professeurs.

M. Rousselle. - Messieurs, je crois que la disposition doit être abandonnée entièrement au règlement intérieur de l'établissement; c'est là que la mesure à prendre relativement aux minervales trouvera mieux sa place. Mais je demanderai un léger changement au dernier paragraphe.

La section centrale a-t-elle voulu un règlement particulier pour les matières contenues à l'article 18? Je ne le pense pas, et dès lors il me semble qu'il faut les comprendre dans le règlement intérieur; en conséquence je dirais : Le « règlement intérieur », au lieu de « règlement spécial, déterminera, etc. » Mais je reprendrais la rédaction du gouvernement; le règlement intérieur étant soumis au bureau en vertu d’une autre disposition, il est inutile de le dire ici.

M. le président. - M. Dumortier propose d'ajouter : « le corps professoral entendu. »

- Cet amendement n'est pas appuyé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La proposition de M. Rousselle peut être adoptée ; cette disposition peut être comprise dans le règlement intérieur sur lequel le bureau d'administration est consulté ; au lieu de faire un règlement spécial sur les admissions gratuites, cet objet serait compris dans le règlement intérieur.

M. Dumortier. - Il s'agit dans cet article du règlement des finances. Or le règlement dont parle M. Rousselle ne trouve pas la place dans cet article.

- L'article 18, amendé par l'honorable M. Rousselle, est mis aux voix et adopté.

Article 19

« Art. 19. Le budget des dépenses des athénées et des écoles moyennes comprend :

« 1° Les traitements du personnel enseignant et administratif ;

« 2° L'entretien annuel du mobilier classique ;

« 3° Les fais de la distribution des prix.

« 4° Les frais de chauffage et d'éclairage, les gages de domestiques et de portiers et les menues dépenses.

« Toutes les dépenses imputables sur le budget de l'athénée ou de l'école moyenne, sont liquidées sur mandat signé par le président du bureau d'administration, et acquittées par le secrétaire-trésorier.

« Les secrétaires-trésoriers, rendent compte de leur gestion, dans la même forme que les autres agents comptables de l'Etat. »

M. Delfosse propose de dire au dernier paragraphe, « le secrétaire trésorier ou celui qui en fait les fonctions, etc. »

- L'article 19 ainsi amendé est mis aux voix et adopté.

Chapitre II. Dispositions spéciales aux athénées royaux
Article 20

« Art. 20. La ville où l'athénée est établi met à la disposition du gouvernement un local convenable, muni d'un matériel en bon état, et dont l'entretien demeure à sa charge. Elle contribue, en outre, aux frais de l'établissement par une subvention annuelle qui ne peut être inférieure au tiers de la dépense.

« L'allocation portée annuellement au budget de l'Etat, en faveur des athénées, ne pourra excéder la proportion, en moyenne, de 30,000 francs par athénée.

(page 1346) M. de Brouckere propose à cet article l'amendement suivant :

« Les villes où les athénées et les écoles de......par une subvention annuelle au moins du tiers et au plus de la moitié de la dépense. »

M. de Theux. - Messieurs, l'article 20 est d'un très grand intérêt. Je pense que le gouvernement doit avoir en vue de favoriser également l'instruction dans toutes les villes où se trouvera le siège d'un de ses athénées. Ainsi je citerai les provinces de Limbourg, de Luxembourg et de Namur; d'après la rédaction de la section centrale, il paraît que les grosses allocations passeront aux grands centres de population; les cours y étant mieux rétribués, attireront les professeurs d'élite; les autres localités recevront les professeurs qui n'ont pas pu être goûtés par les grandes villes; ces localités, n'ayant pas une population aussi forte que les grandes villes, n'ayant pas autant de ressources, ne pouvant pas faire autant de dépenses, ne recevront que de faibles subsides et il n'y aura là que de petits athénées, très mal rétribués, ayant un personnel mal composé, tandis que nous aurons quatre athénées magnifiques.

La justice exige que tous les athénées, étant des établissements modèles, soient mis sur le même pied.

Je demanderai le retranchement des mots « en moyenne ». Je désire que toutes les villes où il y aura un athénée entretenu aux frais du gouvernement soient mises sur le même pied, quant à la hauteur de l'enseignement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La pensée de l'auteur de l'amendement serait-elle d'attribuer obligatoirement à chaque athénée la somme de 30,000 fr.?

M. de Theux. - Je désire que l'allocation en maximum soit fixée à 30 mille fr.; de cette manière le gouvernement n'aura pas intérêt à soustraire aux villes les moins importantes pour reporter aux villes les plus riches.

Je propose de dire : L'allocation ne pourra excéder 30 mille fr. par athénée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer que l'amendement de M. de Theux ne pourrait remplir son but. L'honorable membre craint une répartition injuste de l'allocation destinée à l'enseignement moyen.

En fixant un maximum de 30,000 francs, il dépendra du gouvernement de favoriser ce qu'il appelle les grandes villes et de donner aux petites villes un minimum de 5 à 6 mille francs. Sous ce rapport, l'amendement proposé sera complètement insignifiant. En général, le gouvernement accorde des subsides élevés aux grands établissements des grandes villes, mais dans des cas particuliers il pourra porter son attention sur de petites villes et leur accorder des subsides assez élevés. La difficulté est que la ville doit payer le tiers des dépenses qui s'accroîtra en raison de l'allocation du gouvernement. Il faut concilier toutes ces circonstances.

Mais je ne dis pas qu'un collège d'une petite localité ne puisse avoir droit à un subside élevé. Aujourd'hui plusieurs villes peu importantes, comme Hasselt et Arlon, ont des subsides plus élevés que d'autres villes plus considérables. Je n'ai pas de motifs particuliers pour réduire ou pour augmenter les allocations en faveur de ces localités.

Nous tâcherons de répartir les fonds de la manière la plus profitable pour l'enseignement moyen en général. C'est le but de la loi de faire de l'enseignement moyen, non plus une chose d'intérêt purement local, mais une chose d'intérêt général. Les fonds seront distribués en vue du progrès général des études moyennes, abstraction faite des intérêts locaux.

M. de Theux. - L'honorable ministre de l'intérieur dit que quelques localités ont des subsides plus élevés que ceux auxquels elles pourraient avoir droit d'après leur importance, il a cité la ville de Hasselt qui a un subside de 12,000 fr.

J'ai proposé le maximum de 30,000 fr., je suis du reste convaincu que les athénées de Namur et de Liège se contenteraient de ce maximum. Mais que voulez-vous? Vous voulez 300 mille francs à la disposition du ministre de l'intérieur. Pour moi je crains beaucoup, dans l'administration comme dans la chambre, les voix les plus retentissantes. Si le ministre dispose de 300 mille francs, je crains que les voix les plus faibles soient le moins écoutées.

M. Devaux. - L'amendement de l'honorable M. de Theux n'atteindra nullement son but. Il n'aura qu'un résultat, celui de réduire l'allocation totale; car on ne peut arriver à l'égalité. Il est tout simple qu'un établissement comme celui de Bruxelles, qui a 500 élèves, doit coûter plus qu'un établissement comme celui de Hasselt qui n'en a que 140. Il y a à Bruxelles une section commerciale et une section littéraire. La loi permet de les séparer, ce qui augmente les frais. Il y a des cours qui ont plus de 100 élèves qu'il faut dédoubler.

Il faut alors deux professeurs au lieu d'un. Je ne parle pas de la cherté de la vie qui est différente dans chaque localité. L'allocation n'est pas trop forte. J'opine pour qu'on maintienne le chiffre du projet.

M. de Mérode. - On arrivera plus facilement à l'égalité en attribuant à chaque athénée un maximum de 30 mille fr. Mais avec la disposition du projet, un athénée pourrait avoir jusqu'à 100 mille fr..; car pour donner à l'un on peut retrancher aux autres. Si l'on veut faire des économies, il faut qu'elles tournent au profit du contribuable. Nous n'avons pas tant d'argent. Avec toutes vos lois de dépenses vous allez devoir proposer de nouveaux impôts. Je ne sais si votre rôle sera aussi facile, même vis-à-vis de vos amis, lorsque vous voudrez faire payer cette instruction centralisée qu'il s'agit de faire payer aujourd'hui.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Voilà le fantôme des contributions, des millions qu'il faudra voter à la suite du projet de loi. C'est un fantôme qu'on a évoqué et qui a disparu à la clarté du jour. Le chiffre de 300,000 francs est un maximum. Le gouvernement pourra rester au-dessous de cette somme, il ne pourra la dépasser. Il faut qu'il soit pourvu convenablement et d'une manière libérale à l'enseignement moyen, voilà comment nous entendons exécuter la loi; du reste, ces questions viendront se résoudre au budget de l'intérieur.

M. de Mérode. - Vous disposerez de tout.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Avec le contrôle des chambres ; au lieu qu'aujourd'hui nous disposons de tout sans le contrôle des chambres.

- Plusieurs membres ; - La clôture !

M. Dumortier. - Messieurs, il s'agit d'un article important qui concerne les finances. Je désirerais savoir à quoi le pays s'engage.

Je désirerais avoir pour la séance de demain un tableau approximatif des dépenses qu'occasionnera la loi; il sera facile à M. le ministre de l'intérieur de nous fournir ce tableau imprimé pour demain.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

M. Dumortier. - Je demande que la discussion soit renvoyée à demain. La chambre d'ailleurs n'est plus en nombre.

- La clôture est prononcée.

M. le président. - Je mets l'amendement de M. de Theux aux voix.

M. Dequesne, rapporteur. - Il y a aussi un amendement de M. de Brouckere.

M. Orts. - Il ne faut pas faire à l'amendement de l'honorable M. de Brouckere l'injure de le rejeter, alors qu'il ne peut plus être en discussion et que son auteur, s'il était présent, le retirerait. Cet amendement tenait à un système dont il n'était que l'application, celui de la division, dans les grandes villes, de l'athénée en deux sections, un athénée commercial et un athénée d'humanités.

M. Delfosse. - Je veux bien qu'on ne s'occupe plus de l'amendement de l'honorable M. de Brouckere; mais je ne puis considérer le rejet d'un amendement comme une injure.

M. le président. - On paraît d'accord qu'il ne peut plus être question de l'amendement de M. de Brouckere. Il nous reste à voter sur celui de M. de Theux.

- L'appel nominal est demandé.

En voici le résultat :

55 membres sont présents.

18 votent pour l'amendement.

37 votent contre.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Mérode, de Theux, Dubus, Dumortier, Jacques, le Bailly de Tilleghem, Mercier, Moncheur, Orts, Rodenbach, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Ernest), Van Renynghe, Boulez, Clep, de Bocarmé, Dedecker et de Haerne.

Ont voté le rejet : MM. Delfosse, Deliége, de Perceval, Dequesne, de Royer, Devaux, d'Hont, Dumont (Guillaume), Fontainas, Frère-Orban, Jouret, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Rolin, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, Vandenpeereboom (Alphonse), Allard, Ansiau, Anspach, Boedt, Bruneau, Cans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne et Verhaegen.

- L'article, tel qu'il est proposé par la section centrale, est adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.