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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 décembre 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 245) M. de Perceval procède à l'appel nominal à une heure et demie.

La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Perceval fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées la chambre.

« Le sieur de Goer sollicite la place de conseiller vacante à la cour des comptes. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Les membres d'une société littéraire, à Louvain, prient la chambre de voter au budget de l'intérieur un subside annuel en faveur de la veuve du poète flamand Van Ryswyck.

« Même demande des membres d'une société littéraire établie à Iseghem. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Le sieur Armand Dupré, directeur des houillères à Jumet, né à Paris, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Plusieurs pharmaciens de Vilvorde demandent la révision de la loi du 12 mars 1818 et de l'arrêté royal du 31 mai suivant qui régissent l'art de guérir. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Jamotte, avocat, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir l'arriéré d'un traitement d'attente comme magistrat en disponibilité et par suite une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Verstappen, commis aux accises, réclame l'intervention de la chambre pour qu'on le remette en activité de service, »

- Renvoi à M. le ministre des finances.


M. Le Bailly de Tilleghem demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Projet de loi, amendé par le sénat, modifiant la législation sur les faillites et les sursis

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé à ce vote par appel nominal.

60 membres y prennent part.

58 membres répondent oui.

1 membre répond non.

1 membre s'abstient.

Le projet de loi est adopté et sera transmis au sénat.

Ont répondu oui :

MM. Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delescluse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, de Steenhault, de Theux, de Wouters, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dumon (Auguste), Frère-Orban, Jacques, Landeloos, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Van Renynghe, Vilain XIIII, Anspach, Cans, Clep, Cools, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), Debroux et Verhaegen.

M. Coomans a répondu non.

M. le président. - M. Dumortier a la parole pour faire connaître les motifs de son abstention.

M. Dumortier. - Je me suis abstenu, parce qu'il y a dans la loi quant aux sursis des dispositions que je ne puis admettre.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1851

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du budget.

La parole est à M. Van Grootven.

M. Van Grootven. - Messieurs, vous avez pu voir, dans la situation générale du trésor public, que les produits connus de cet exercice nous permettent d'espérer que l'ensemble des évaluations des recettes présumées de 1850 sera dépassé. Ce résultat a lieu de nous satisfaire, surtout quand nous prenons en considération les temps difficiles et incertains que nous traversons. Nous n'avions pas oublié combien la crise alimentaire de 1846 et 1847 avait pesé sur notre budget des recettes, quand la crise politique de 1848, bien autrement grave, vint tarir davantage encore les ressources de l'Etat et nous occasionner un surcroît de dépenses considérable auxquelles nous n'avons pu faire face qu'au moyen de deux emprunts forcés.

Aujourd'hui, messieurs, nous marchons, qu'il nous soit permis de l'espérer, vers une situation plus normale, qui nous laisse favorablement augurer du produit du budget des voies et moyens de 1851. La section centrale, dont j'ai eu l'honneur de faire partie, a pensé qu'elle pouvait admettre, en présence du résultat probable des recettes de 1850, les prévisions de l'exercice prochain et clore en conséquence le budget de 1851 avec un excédant de recette sur les dépenses ordinaires réclamés pour les divers services publics.

S'il est exact de dire, et les résultats d'ailleurs ne tarderont pas, je pense, à confirmer mes prévisions, que nous pourrons accuser un excédant de recette sur nos prévisions de 1850, et que tout nous fait entrevoir un résultat aussi satisfaisant pour 1851 ; il est aussi de toute évidence, et il ne fait doute pour aucun de ceux qui connaissent les exigences du trésor, que les recettes ordinaires du budget des voies et moyens sont insuffisantes pour faire face aux dépenses de tous les services de l'Etat.

Malgré toutes les économies, malgré les réductions nombreuses et importantes, quoi qu'on en dise, que quelques budgets ont déjà subies, il nous est de toute impossibilité de couvrir, avec nos recettes actuelles, les dépenses ordinaires et celles qu'on appelle supplémentaires et extraordinaires, et dont la moyenne, depuis plusieurs années, s'élève de 5 à 6 millions par an. Nous ne pouvons plus, comme par le passé, couvrir notre insuffisance de ressources au moyen de bons du trésor. Ce système si périlleux est usé chez nous, parce qu'on s'en est servi de manière à nous tenir constamment exposés à de graves dangers financiers. Il est temps, messieurs, si on ne peut pas encore l'abandonner complètement, de ne plus y avoir recours que par exception et pour des sommes peu importantes. Mieux vaut régulariser une bonne fois, et nous le pouvons, notre situation financière, autrement que par l'emploi à d'autres dépenses des fonds destinés aux amortissements des emprunts et par des levées continuelles qu'il faut finir par consolider tôt ou tard. C'est bien là le système qu'on a suivi, si onéreusement pour le trésor, jusqu'à ce jour. Le signaler aujourd'hui suffira, je pense, pour en démontrer les inconvénients et le faire abandonner.

Ceux d'entre nous qui ont examiné l'exposé de la situation du trésor ont pu se convaincre que notre découvert, déjà considérable, a encore augmenté cette année de deux millions environ, ce qui l'élève actuellement à la somme de 31,325,299 fr. 12 c.

Qu'il me soit permis de vous dire, messieurs, que si nous ne régularisons pas notre situation, si nous ne mettons pas nos recettes en rapport avec nos dépenses, cette dette flottante déjà si élevée, contre laquelle on se récrie avec raison, augmentera tous les ans et deviendra un jour un grave embarras pour le gouvernement. Je répète ce que j'ai eu l'honneur de vous dire, messieurs, dans une session précédente, on n'allonge pas indéfiniment et sans danger une situation financière aussi tendue que le moindre événement politique peut rendre très compromettant pour le crédit national.

Je ne dirai rien des deux emprunts forcés créés par les lois des 26 février et 6 mai 1848. Si nous ne pouvons les rembourser il faudra finir par les consolider et pourvoir à leur amortissement. Mais pour l'amortissement de ces emprunts et de votre dette flottante, il faudra des ressources nouvelles, nous n'avons pas de crédit dans le budget pour faire face à cette charge nouvelle.

L'état de nos finances, que nous pouvons améliorer encore au moyen d'économies, est dans ce moment le plus puissant argument que l'on peut faire valoir contre ces demandes de certains travaux publics si importants et si coûteux que l'on réclame sans cesse de tous les côtés du pays. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'ère des travaux publics, dont quelques-uns sont d'une utilité incontestée, doive se fermer en Belgique. Non sans doute, messieurs. Mais j'envisage vivement ceux de nos honorables collègues qui appuient avec un zèle louable, auprès du gouvernement et des chambres, des demandes analogue, à vouloir se convaincre qu'avant que leurs vœux puissent être réalisés, ils doivent nous aider à diminuer nos dépenses, ou bien à augmenter nos ressources si le premier moyen leur paraît insuffisant.

Nous avons tous, messieurs, la conviction que la situation du trésor doit être améliorée et régularisée d'une manière conforme aux vrais principes d'une bonne et régulière comptabilité ; et qu'au lieu de marcher avec une insuffisance notoire sur nos dépenses, c'est avec un excédant de recette assez considérable que nous devrions clore notre budget des voies et moyens.

Ne permettons plus que nos ressources soient, comme par le passé, toujours en dessous de nos besoins ; ne couvrons plus au moyen de création de bons du trésor nos déficits de chaque année. Que le passé nous serve de leçon pour l'avenir et nous engage à mettre un terme à un pareil état de choses.

L'honorable ministre des finances comprend depuis longtemps les dangers d'une pareille situation : il ne veut plus, et je l'en félicite, en assumer la responsabilité. Rien en effet ne serait plus facile pour nous (page 346) et pour lui que de suivre l'exemple de ses devanciers, en demandant une nouvelle autorisation d'émettre des bons du trésor, les 15 millions autorisés par la loi du 30 décembre 1849 étant émis, on irait encore bien des années avec ce déplorable système dont on a trop longtemps abusé. Mais j'aime à croire que la chambre, avertie du danger qu'il présente, examinera avec soin toutes les proposions qui nous seront présentées pour sortir de cette voie difficile et dangereuse ; et qu'avant la présentation du budget des voies et moyens de 1852, nous serons parvenus à établir un budget de recette suffisant pour couvrir toutes nos dépenses.

S'il est désirable, s'il est urgent, et cela ne fait doute pour personne, que la situation du trésor public soit enfin régularisée, alors, messieurs, se présente naturellement la question de savoir comment et à quels moyens il faudra avoir recours pour atteindre ce but.

Comment combler le découvert existant ? Pourra-t-on, au moyen des économies et des réductions, satisfaire aux exigences de la situation ? Pourra-t-on augmenter nos ressources reconnues insuffisantes en faisant produire aux impôts existants plus qu'ils ne produisent aujourd'hui ? Faudra-t-il rétablir des impôts abolis ou réduits ? Voilà autant de questions, messieurs, qu'il faudra mûrement examiner et approfondir.

Il me suffit pour le moment d'avoir appelé l'attention du gouvernement et de la chambre sur l'insuffisance bien constatée de nos ressources et de prier l'honorable ministre des finances de nous faire connaître, dans le courant de la présente session, son opinion concernant le produit des impôts existants et les économies nouvelles qu'il croira pouvoir introduire.

M. Cools. - Messieurs, en demandant la parole, je désire seulement dire quelques mots sur deux ou trois catégories de recettes extraordinaires que je regrette de ne pas voir encore figurer au budget.

Au printemps dernier, je demandais à M. le ministre des finances où en était la question des intérêts de l’encaisse. Le gouvernement a toujours soutenu que le caissier de l'Etat devait des intérêts pour avoir conservé l'encaisse du mois de septembre 1830 au mois de décembre 1833.

La créance a toujours été déniée par la Société Générale. Je viens remercier M. le ministre des finances de l'énergie qu'il a encore montrée en cette circonstance ; grâce à cette énergie, il est parvenu à mener la question de l'encaisse à bonne fin ; il a obtenu une solution devant laquelle tous ses prédécesseurs avaient reculé ; ils avaient successivement réclamé cette créance à la Société Générale ; la Société Générale refusait de payer, et l'affaire en restait toujours là.

Aujourd'hui, par l'intervention de M. le ministre des finances, la cour des comptes a été saisie directement de l'affaire, et nous savons, par le cahier de la cour des comptes qui nous a été distribué, que par un arrêt en date du mois de mars dernier, la société a été condamnée à payer à l'Etat la somme de un million huit cent mille francs, pour intérêts de l'encaisse. C'est là un résultat dont M. le ministre et nous tous avons à nous applaudir, puisque la légitimité de la créance, en présence d'un arrêt de la cour compétente, ne saurait plus être mise en question par personne,

A la vérité la question n'est pas vidée irrévocablement ; la société a jusqu'au 17 janvier prochain pour se pourvoir en cassation. Ainsi, il est inutile de s'occuper pour le moment de l'exécution qui sera donnée à l'arrêt de la cour des comptes ; mais je suis convaincu que, quand le moment sera venu, M. le ministre des finances ne montrera pas moins de résolution pour l'exécution qu'il en a montré pour l'obtention de l'arrêt. Au reste, l'année prochaine nous verrons dans le cahier de la cour où en sera l'affaire ; j'espère que tous les obstacles auront été écartés et que nous verrons figurer cette recette d'une couple de millions dans le budget de 1852.

Je passe à une autre nature de créance que le gouvernement est en droit de faire valoir à charge de son caissier actuel.

En 183I la caisse a été enlevée chez l'agent de Turnhout à l'époque de l'invasion hollandaise. De ce chef il y a eu un déficit dans la caisse. La Société Générale prétend qu'il y a eu force majeure. Le gouvernement l'a toujours contesté.

Je désire savoir où en est cette affaire. La question serait résolue depuis longtemps si nous n'avions pas appris, il y a quelques années, que M. le ministre des finances éprouvait quelques doutes sur l'interprétation à donner à une disposition de la loi de comptabilité.

M. le ministre des finances a des doutes sur la question de savoir si la Société Générale est tenue de faire tous les ans un compte de gestion qui doit être soumis à la cour des comptes.

Une discussion s'est élevée à cet égard dans la session de 1848 ; M. le ministre a dit qu'il n'avait pas d'opinion arrêtée, qu'il examinerait de nouveau la question. J'avoue que l'hésitation de M. le ministre m'étonne en présence de l'article 49 de la loi de comptabilité, qui me paraît bien clair. Voici ce que parle cet article :

« Tout receveur ou agent comptable des diverses administrations financières, rend annuellement, et avant le 1er mars, à la cour des comptes, le compte de sa gestion. »

Eh bien, le caissier de l'Etat est un comptable ; je crois que cela n'est pas contesté ; cet article lui est donc évidemment applicable. Si, pour l'année 1831, époque à laquelle a eu lieu l'enlèvement de la caisse de Turnhout, le compte avait été rendu comme il devait l'être, le déficit aurait paru d'abord, et la marche était tracée par la loi de comptabilité ; la cour force en recette, et les moyens d'exécution sont assurés par la loi.

Quoi qu'il en soit, à défaut de ces moyens, il en est d'autres, et je demanderai à M. le ministre où eu est cette créance ; elle n'est pas aussi considérable que celle à laquelle je viens de faire allusion tout à l'heure ; cependant je crois qu'elle s'élève à quelques centaines de mille francs ; c'est encore là une ressource assez précieuse pour qu'on ne la dédaigne pas.

Puisque je me suis permis de passer brièvement en revue les recettes extraordinaires (je crois qu'on admettra que ce n'est pas inopportun dans la situation financière où nous nous trouvons), j'attirerai l'attention sur une autre nature de recettes extraordinaires, dont il m'est impossible de déterminer le chiffre, mais qui me paraît devoir être d'une certaine importance.

Tout comptable doit, à l'expiration de ses fonctions, rendre ses comptes au gouvernement ; c'est une règle admise et qui ne peut être contestée ; la manière dont les comptes doivent être rendus est encore réglée par la loi de comptabilité.

Comme cette loi est seulement en voie d'exécution, je crois que les comptes des receveurs qui se sont succédé ne sont pas encore arrêtés par la cour des comptes ; je crois que c'est un travail à faire.

S'il en est ainsi, il y a un certain nombre de liquidations de comptes qui doivent présenter des reliquats. Je désirerais avoir à cet égard des éclaircissements.

S'il en était ainsi, il y aurait encore là un élément de ressources pour le gouvernement.

La question concerne indirectement la cour des comptes ; car l'article 50 de la loi de comptabilité est en rapport avec l'article 5 de la loi des comptes qui porte :

« Art. 5. La cour est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous les comptables envers le trésor. »

Mon interpellation éveillera donc également l'attention de la cour des comptes. J'espère que dans le cahier qu'elle nous distribuera, l'an prochain, elle nous donnera quelques explications à ce sujet.

Pour le moment, je me bornerai à demander une explication à M. le ministre des finances.

M. Thiéfry. - On a défriché des terrains au camp de Beverloo ; on en a converti en prairies ; je prie M. le ministre des finances de vouloir examiner si le produit des herbes figure au budget des voies et moyens.

Les baraques des généraux et autres officiers supérieurs sont entourées de magnifiques pelouses ; je demanderai aussi si le produit de ces herbes y figure également.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas besoin, je pense, de dire que je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Van Grootven. Je suis d'accord avec lui qu'il faut apporter des remèdes à notre situation financière. Je l'ai déclaré à différentes reprises. Le fait n'étant pas contesté, je ne crois pas devoir entrer dans des explications sur ce point.

Le budget des voies et moyens, tel qu'il vous est soumis, comparé aux recettes, présente d'après la section centrale un excédant de recettes de 3,008,649 fr. 90 c. La section centrale a soin de faire remarquer qu'elle a compris dans ce relevé les recettes pour ordre ; elle a soin de faire remarquer aussi que, dès ce moment, j'ai annoncé qu'il y a lieu de porter au budget des dépenses pour ordre une somme de 1,500,000 fr. ce qui fait que, d'après les calculs mêmes de la section centrale, il n'y aurait plus un excédant d'environ 1,500,000 fr.

Je ne puis pas admettre, comme mode régulier d'opérer, que l'on fasse entrer en ligne de compte les recettes et les dépenses pour ordre dans l'évaluation des revenus dont l'administration peut disposer. Il se pourrait qu'ayant à faire des recettes pour ordre d'une assez notable importance, on n'eût pas, dans le cours de la même année, des dépenses pour ordre d'une égale importance, et si l'on induisait de la balance qu'on a une somme disponible de quelques millions, on se tromperait évidemment.

Lorsqu'on règle le compte général des opérations de l'Etat, que l'on y fasse entrer les recettes pour ordre et les dépenses pour ordre, rien de mieux ; mais dans l'évaluation des ressources disponibles et des dépenses à faire ou ne peut faire entrer en ligne de compte des recettes pour ordre et des dépenses pour ordre.

Quoi qu'il en soit, comme par événement, dans les circonstances actuelles, les recettes pour ordre sont balancées par des dépenses pour ordre d'une somme égale, le résultat est à peu près le même.

D'après le relevé que j'ai fait, je ne suis pas exactement d'accord avec la section centrale. L'excédant des recettes qui serait d'environ 1,500,00 francs, d'après la section centrale, ne serait, d'après moi, que de 1,400,490 fr. 71 c. Il y a une différence dans l'estimation du chiffre du budget de l'intérieur.

Du reste, je ne mentionne ce fait que pour l'exactitude. L'observation, que je voulais présenter est celle-ci : c'est que, bien que nous ayons, dès ce moment, un excédant de 14 à 1,500,000 fr. disponible, il est également certain, dès aujourd'hui, que nous avons des dépenses à imputer sur cet excédant qui l'absorberont et bien au-delà. Ainsi divers crédits supplémentaires qui sont déjà connus au département des finances, s'élèvent à 2,372,000 fr. ce qui nous constituerait immédiatement, et dès ce jour, en déficit de 911 ;500 fr. 27 c. ; et ce déficit serait destiné à s'accroître encore d'une somme assez notable, parce qu'il y aura lieu à régulariser certaines dépenses relatives à l'ancienne caisse de retraite.

L'ancienne caisse de retraite a été fondue dans la caisse générale des (page 247) pensions, instituée par la loi de 1844. Mais dans l’intervalle de 1837 à 1844, le trésor a fait des avances pour la caisse de retraite, qui s’élèvent à 800,000 fr. Ces avances ont été prises sur la caisse et n’ont pas jusqu’à présent été régularisées, elles n’ont pas fait l’objet d’un crédit. C’est une dépense qu’il faudra nécessairement soumettre à la chambre un peu plus tôt un peu plus tard.

Diverses dépenses arriérées, qui ne sont pas encore exactement constatées jusqu'à présent, s'élèvent à une somme approximative aussi de 810,000 fr. ; ce qui fait que l'excédant des dépenses sur les ressources accusées en ce moment peut être estimé à environ 2,500,000 fr.

La chambre remarquera que, dans les indications que je viens de donner, je n'annonce aucune espèce de dépenses nouvelles ; qu'aucune espèce d'éventualité n'est prévue. Il suffit du moindre accident pour augmenter encore ce déficit dans une forte proportion.

Nous pouvons ajouter encore que les dépenses devront s'accroître au budget de l'intérieur, d'une manière assez notable, pour la mise à exécution de la loi sur l'enseignement moyen.

L'honorable M. Cools m'a adressé quelques questions relativement à l'enlèvement de la caisse de Turnhout et aux déficits des comptables. En ce qui concerne l'enlèvement de la caisse de Turnhout, les dispositions que le gouvernement doit prendre pour assurer la rentrée de cette somme, n'ont pas été négligées. Lorsque le moment sera venu, nous rendrons compte à la chambre des démarches que nous aurons faites, des poursuites qui auront été exercées pour obtenir la restitution d'une somme que nous tenons pour nous être légitimement due.

Quant aux intérêts de l'encaisse, la cour des comptes a été saisie de la contestation depuis assez longtemps, elle a prononcé son arrêt, elle a condamné la Société Générale à payer les intérêts de l'encaisse.

La Société Générale, pendant que le litige existait devant la cour des comptes, avait attrait le gouvernement devant la juridiction civile ordinaire pour faire déclarer qu'elle n'était pas débitrice. Nous avons soutenu l'incompétence des tribunaux ; nous soutenons qu'à la cour des comptes seule il appartient de régler ce différend ; nous soutenons que la cour des comptes a statué.

En même temps la Société Générale s'est pourvue par voie d'opposition devant la cour des comptes contre l'arrêt de cette cour, et la cour des comptes vient, il y a peu de jours, de rejeter l'opposition de la Société Générale. L'affaire n'est donc pas encore réglée : il reste à attendre la décision des tribunaux, et nous n'avons pas, dès à présent, à faire état au budget de la somme due par la Société Générale.

Quant aux déficits des comptables, ces déficits sont réglés. Peut-être tous les comptes ne sont-ils pas arrêtes par la cour des comptes ; cela est même présumable ; mais ils sont régulièrement examines el apurés par l'administration des finances. Même avant ce règlement définitif de la cour des comptes on sait à combien s'élèvent ces déficits. En somme les déficits ne sont pas très considérables ; eu égard au temps qui s'est écoulé et à l'importance des recettes opérées depuis 1830 la fraction que le déficit représente est extraordinairement minime. Je n'ai point le souvenir du chiffre, mais je puis affirmer qu'il est peu important.

L'honorable M. Thiéfry m'adresse deux questions auxquelles il m'est impossible de répondre. Il demande si le produit des herbages des terres défrichées au camp de Beverloo el le produit des foins de certaines pelouses sont compris au budget des voies et moyens. Je l'ignore, mais avant la discussion de cet article, je serai probablement en mesure de répondre d'une manière catégorique aux questions posées par l'honorable membre.

M. Mercier. - J'étais loin de supposer, messieurs, que l'honorable M. Cools se joindrait à ceux qui ne peuvent adresser un hommage au ministre actuel sans lancer en même temps une sorte de dénigrement sur ses prédécesseurs, à l'occasion des intérêts de l'ancien encaisse du caissier général de l'Etat. L'honorable M. Cools, qui a lu le cahier d'observations de la cour des comptes, n'aura pas manqué de prendre connaissance du passage où il est question de l'intervention des anciens ministres dans cette affaire. D'abord, ceux des anciens ministres des finances qui ont pu s'en occuper sont seulement l'honorable M. Malou et moi, car avant le traité du 5 novembre 1812, aucun ministre n'avait rien à y voir. Or, bientôt après la mise à exécution de ce traité, j'ai invité la Société Générale à admettre en compte les intérêts sur le solde existant dans ses mains depuis le mois d'octobre 1830 jusqu'à la date de la convention du 8 novembre l833.

J'ajouterai que lorsque la Société Générale m'a envoyé les comptes de l'année, je les ai transmis à la cour des comptes, en lui remettant en même temps la question des intérêts. La Société Générale m'a fait à cet égard des représentations ; par dépêche du 5 mars 1844, en lui accusant réception des documents qu'elle avait fournis pour constater son encaisse au 30 septembre 1830, j'ai fait réserve des dispositions de l'arrêt à intervenir de la part de la cour des comptes après examen et vérification du compte, et, bien entendu que la question relative aux intérêts dus antérieurement à la convention du 8 novembre 1833 demeurait intacte.

C'est donc bien à tort que l'honorable membre reproche aux anciens ministres des finances, d'avoir reculé devant cette question : cela n'est pas plus exact pour l'honorable M. Malou que pour moi ; le cahier d'observations de la cour des comptes constate également que mon successeur immédiat au ministère des finances n'est pas resté inactif dans cette affaire.

M. Cools. - Messieurs, je m’étonne de ce que vient de dire l’honorable préopinant ; je n’ai adressé de reproche à personne ; je me suis borné à constater des faits. Nous avons tous sous les yeux le cahier d'observations de la cour des comptes, et il résulte à l'évidence des explications qui y sont contenues, qu'aucun des prédécesseurs du ministre des finances actuel n'est parvenu à régler l'affaire dont il s'agit : il est vrai que d'anciens ministres ont agité la question, qu'ils ont adressé des demandes à la Société Générale : mais la Société Générale a agi alors, comme elle a continué à agir envers le ministre actuel, c'est-à-dire qu'elle a dit bien haut qu'elle ne devait rien ; et puis l'affaire en restait là. L'honorable M. Frère, lui, a passé outre.

J'étais donc parfaitement en droit de féliciter le ministre actuel d'avoir montré un peu plus de résolution que ses prédécesseurs : le ministre actuel ne s'est pas arrêté devant l'opposition de la Société Générale : il a directement saisi la cour des comptes de la question, et nous voyons le résultat favorable qu'il a obtenu ; j'ai cru qu'il y avait lieu de féliciter M. le ministre de ce résultat.

M. Mercier. - Je ne veux rien retrancher aux hommages que l'honorable M. Cools rend à M. le ministre des finances ; mais l'honorable membre a avancé tout à fait gratuitement que les prédécesseurs du ministre actuel n'avaient rien fait pour amener la solution de cette question.

Or, dès 1844, l'affaire a été soumise à la cour des comptes, et s'il n'a pas été statué plus lot, cela tient à des causes qui me sont étrangères.

L'honorable M. Frère était déjà depuis plus de deux ans aux affaires quand l'arrêt de la cour a été rendu ; si l'honorable ministre s'était retiré avant la date de cet arrêt, l’honorable M. Cools, pour être conséquent avec ce qu’il vient de me répondre, devrait lui faire les mêmes reproches qu’il adresse aujourd’hui à ses prédécesseurs, puisque cet honorable ministre ne serait pas plus que ses prédécesseurs arrivé à une solution.

M. Malou. - Messieurs, je n'ajouterai qu'un mot à ce que vient de dire l'honorable M. Mercier : c'est que l'honorable M. Cools pourra voir, par le cahier d'observations de la cour des comptes, que l'arrêt a été rendu sous mon administration.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dois faire observer à l'honorable M. Malou, que l'arrêt dont il s'agit en ce moment n'a pas été rendu sous son administration. Pendant que l'honorable membre était aux affaires, la cour des comptes a rendu un arrêt qui réserve la question des intérêts. L'honorable M. Cools parle uniquement de l'arrêt qui statue sur la question des intérêts. Or, ce dernier arrêt a été rendu récemment.

M. Malou. - Messieurs, voici comment l'affaire s'est présentée : lorsque je suis entré au ministère des finances, la Société Générale et le gouvernement n'avaient pu encore fournir à la cour des comptes tous les éléments nécessaires pour fixer le solde de l'encaisse de 1830. Si ma mémoire est fidèle, c'est au mois de janvier 1847 qu'a été rendu le premier arrêt, fixant le solde, et le fixant à la somme qui avait été indiquée par la Société Générale elle-même.

Dans cet arrêt, la cour des comptes avait inséré une réserve, quant à la question des intérêts de l'encaisse ; cette réserve a donné lieu à une correspondance dont une partie se trouve reproduite dans le cahier d'observations de la cour des comptes ; mais cette question n'a pu être résolue par la cour des comptes que longtemps après que j'avais quitté le ministère des finances.

Toutefois, la question n'a jamais été perdue de vue par le gouvernement.

M. De Pouhon. - Les valeurs dont la loi a autorisé la vente sont encore existantes, en très grande partie du moins. Je n'en fais pas de reproche à M. le ministre des finances ; j'ai compris ses hésitations quand la vente de ces fonds publics eût été possible et qu'il recevait des offres ; j'ai apprécié l'inutilité de ses efforts dans des moments inopportuns.

Je ne prendrais pas la parole s'il s'agissait d'une opération consommée ; mais il m'est impossible de m'abstenir, quand je considère que les valeurs mises à la disposition du gouvernement sont encore à réaliser et à réaliser au meilleur produit possible, et surtout que la marche suivie par M. le ministre des finances révèle tout un système que je condamne de toute la force de mes convictions.

Après avoir laissé échapper les occasions qui se sont présentées de traiter des 13 mille obligations 4 p. c. belge, M. le ministre des finances a fait faire des démarches auprès des capitalistes. Première et grande faute.

Un gouvernement doit toujours s'abstenir, autant que possible, d'aller au-devant des capitalistes spéculateurs. C'est d'abord superflu ; car ceux-là savent bien ce que le gouvernement a à vendre, et s'il leur convenait de traiter l'affaire, ils le lui feraient bien savoir. Ensuite, des ouvertures ont pour conséquence inévitable de refroidir les dispositions des banquiers et de les rendre d'autant plus exigeants.

Après avoir essayé vainement de vendre des 4 p. c, M. le ministre a accusé la nature du fonds de l'insuccès de ses tentatives. C'est chez lui un préjugé de trois années. Il est désirable qu'il s'en dépouille ; c'est nécessaire pour l'avenir du crédit de l'Etat. Le 4 p. c. est un effet délaissé, parce qu'il y en a trop peu dans la circulation. Pendant longtemps, on ne trouvait que très accidentellement et de loin en loin des vendeurs, et le fonds a fini par être tout à fait négligé par les rentiers. Il faut remédier à cet inconvénient, et le moyen, c'est de mettre dans la circulation les 13 mille obligations qui sont à la disposition du gouvernement. Dans l'impuissance de trouver des acheteurs pour les 13 mille (page 248) obligations de 4 p. c, on a sondé les dispositions des capitalistes pour une partie de 10 millions de 3 p. c. Autre faute grave.

Le moment n'y était pas, pas plus pour le 3 que pour le 4, et c'est l'opportunité qui importe surtout en affaires financières, elle existe un jour, elle n'y est plus le lendemain, sauf à se reproduire peu après.

C'est se méprendre grandement que de croire qu'en Belgique on trouverait, dans les circonstances actuelles, une maison de banque, qui voulût prendre pour 6 à 7 millions de fonds publics les plus solides. On la chercherait avec moins de succès à Anvers qu'à Bruxelles. Les démarches faites dans ce but ne pouvaient avoir aucune utilité.

Voulez-vous en savoir les conséquences inévitables ?

Ceux à qui on offre des 3 p. c. et ceux qui en acquièrent la connaissance, se disent : « Nous savions bien que le gouvernement avait à vendre des 4 p. c. et des 2 1/2 p.c. belge, mais nous n'avons pas appris qu’aucune loi l'ait autorisé à réaliser des 3 p. c. Comment se fait-il qu’il cherche un acheteur de 10 millions ? Ah ! nous nous rappelons d’avoir vu dans un document officiel que la caisse des consignations possédait des 3 p. c. Il est ainsi probable que si le ministre vendait ce 3 p. c, il le remplacerait à la caisse des consignations par des 4 p. c. Le 3 ne nous convient pas plus que le 4 p. c. Mais la caisse des consignations possède aussi des 3 et des 4 1/2 p. c. On vendra de l’un et de l’autre, hâtons-nous de réaliser pour prévenir les ventes du ministre des finances. »

Voilà, messieurs, le raisonnement tout logique que font ceux à qui le gouvernement donne connaissance de son désir de vendre, et M. le ministre des finances ne devrait pas avoir attendu jusqu'à présent pour reconnaître l'inanité et les dangers du système dans lequel il persévère.

Dès sa première démarche, il aurait dû reconnaître la nécessité de changer de plan de conduite.

En effet, la situation générale du trésor qui nous a été distribuée renseigne le produit d'un million de l'emprunt de 2 1/2p. c. belge vendu ; j'ai eu connaissance de l'opération qui s'est faite au cours le plus élevé que le 2 1/2 p. c. ait atteint dans le courant de cette année. Il rendait 51 p. c. pour titres au porteur. Dans le même moment, M. le ministre des finances se met en rapport avec une maison de banque célèbre pour lui vendre sa partie de 2 1/2 p. c., et le premier effet de ses ouvertures est le signal de la baisse du cours du 2 1/2 p. c. belge.

Il n'aurait pas dû falloir, à un homme aussi perspicace que M. le ministre des finances, une seconde épreuve de l'intervention des grands financiers pour lui faire apercevoir qu'il venait d'entrer dans une fausse voie. Mais, je le sais, on ne revient pas facilement d'une idée préconçue. Je suis autorisé à croire que, sans cette fausse démarche, l'acheteur du million réalisé aurait pris encore, non pas toute la partie, mais plusieurs millions successivement.

Qu'est-il arrivé, au contraire ? C'est que la baisse du 2 1/2 p. c. a bientôt débordé le taux minimum de 30 p. c. fixé par la loi et que la réalisation des onze millions du trésor est devenue impossible quant à présent.

Il est donc bien évident que, loin d'obtenir aucun résultat utile, M. le ministre des finances s'est éloigné du but qu'il poursuivait ; je signale les faits et j'en déduis les conséquences immédiates, parce que je suis persuadé qu'ils ne peuvent échapper à sa pénétration et que c'est le seul moyen de l'engager à y réfléchir sérieusement.

Vous me demanderez, messieurs, ce qu'il aurait fallu faire ? Rien de plus simple au monde : c'était de faire ce que d'honorables prédécesseurs de M. le ministre des finances ont fait avec un succès éclatant, avec profit et grand honneur pour le pays. Ouvrir une souscription publique pour les 13,438 obligations 4 p. c. belge.

Ce mode, convenable en tout temps, était surtout indiqué par les circonstances.

Depuis 1848, peu de maisons de banque auraient voulu se charger de 13 millions de fonds les plus solides du continent, sans doute, mais par cela même et par l'absence de jeu, d'un écoulement assez lent. Je suis même surpris qu'il ait été fait des offres pour la partie de 4 p. c.

Mais si vous ne trouvez pas des acheteurs de 13 mille, ni même de mille obligations, la souscription en convie et en attire une très grande quantité de 10, 20, 50, de 100 obligations. Ce sont les rentiers. Les capitalistes qui ont de l’argent oisif prennent aussi pour emploi temporaire, avec l’idée de réaliser un léger profit sur le cours indépendamment de l’intérêt. Des ordres de l'étranger viennent aussi concourir.

Une souscription pour les 13 mille obligations 4 p. c. ouverte en juin dernier, à 80, en juillet à 82 p. c, quand le 4 1/2 était à 92 p. c, aurait eu la plus grande chance de succès, l'amortissement continuant à fonctionner régulièrement.

Que l'on se pénètre bien d'une chose : c'est que les banquiers ne sont que les intermédiaires entre le gouvernement et le public. Ils ne font une opération que lorsqu'ils voient un public derrière eux pour la reprendre en détail à des prix plus élevés. Le public, au contraire, répondra à l'appel du gouvernement quand les banquiers y resteront sourds. Il y a pour lui toute la différence du bénéfice que devrait faire le banquier intermédiaire.

Si M. le ministre des finances veut prendre conseil de l'expérience acquise depuis la conquête de l'indépendance belge, il se convaincra que le public est le meilleur banquier du gouvernement.

Il pourra s'adressera lui avec plus d'assurance quand l'opportunité d'une souscription se représentera, car alors il aura un point d'appui dans la Banque Nationale et le succès ne lui paraîtra plus douteux.

Appréciant les services que ce nouvel établissement est destiné à rendre aux intérêts privés et à l'Etat, j'ai vivement regretté le retard inexplicable que M. le ministre a mis à l'organiser. Il aurait pu fonctionner dès le mois de juillet, el déjà le pays, le gouvernement surtout en auraient éprouvé les bienfaits.

Nous ne sommes pas envoyés ici pour n'y faire que des choses agréables ; j'ai obéi à un devoir pénible en présentant des observations critiques sur des actes de M. le ministre des finances. La même impulsion me porte encore à blâmer les errements d'une institution où l'un de nos honorables collègues doit exercer une influence que ses capacités financières légitiment.

Lorsque la commission de surveillance des caisses d'amortissement et de consignations fut instituée, on fut porté à y voir une garantie de la régularité des rachats de la dette publique. Cette attente a été déçue.

Le mode d'opérer l'amortissement était parfaitement déterminé dans le rapport que M. le ministre des finances présenta à la chambre dans la séance du 27 avril dernier. L'action de l'amortissement, disait-il, doit être publique, etc.

« L'action de l'amortissement doit être publique. Cette condition est nécessaire pour maintenir la confiance. Il faut mettre les citoyens à même de voir comment se font les opérations.

« Il a été pris pour règle de n'acheter qu'au parquet de la bourse, d'y afficher un bulletin portant la date et le taux des achats, l'époque de la jouissance el le capital nominal.

« Une mesure non moins importante, due à l'initiative de la commission de surveillance, et qui, en règle générale, a obtenu mon assentiment, a été mise en pratique dès le mois de juin 1848. Elle consiste à diviser les fonds de l'amortissement en autant de parties qu'il y a de jours de bourse dans l'année. Elle est fondée sur cette considération qu'en faisant journellement emploi d'une somme déterminée, en acceptant les bonnes comme les mauvaises chances, en écartant toute idée de spéculation, de la part de l'Etat, on évite de produire, dans le cours des fonds, ces brusques variations qui favorisent l'esprit d'agiotage, et l'on donne aux porteurs d'obligations la certitude de trouver toujours à la bourse un acheteur : la caisse d'amortissement. De telles mesures ne peuvent que fortifier le crédit national. »

Ces prescriptions ont bien été observées pour les emprunts 5 p. c. et 4 1/2 p. c, mais elles sont restées inexécutées quant aux 4 et 3 p. c. On remarque depuis longtemps l'absence absolue de rachats en ces effets.

Ceux qui fréquentent la bourse ont l'habitude d'observer et de chercher l'explication des faits qui se passent sous leurs yeux ou de l'absence de ceux auxquels ils s'attendent. Ainsi, on a fait attention au commencement de cette année à des achats faits en 5 p. c. de 1848, qui semblaient être effectués pour le trésor, et l'on en a inféré que la caisse des consignations remplaçait par des titres de l'emprunt forcé des titres de 4 et 3 p. c. qu'elle transférait à la caisse d'amortissement.

Je n'ai pas douté qu'il en fût ainsi, moi qui connais l'opinion de M. le ministre des finances et de l'honorable baron Osy., et sur l'amortissement et sur la valeur relative des fonds publics à intérêts divers.

Je n'hésite pas à blâmer ces mutations d'une caisse à l'autre excepté dans l'hypothèse que j'établirai tantôt. Le principal motif de ma désapprobation, c'est que ce mode enfreint les règles que l'usage général et les déclarations de M. le ministre des finances ont consacrées, il ne faut pas, messieurs, que ceux qui ont basé un placement ou même une spéculation sur les effets naturels des engagements de l'Etat soient trompés dans leur attente par des déviations aux règles établies.

Voyez combien on s'est égaré par l'abandon de l'amortissement du 4 et du 3 p. c.

Il est indubitable que si l'achat de l'amortissement n'avait pas été interrompu sur ces deux fonds, on serait arrivé à la fin du semestre sans avoir trouvé à acheter pour le quart de la dotation, et ainsi on aurait pu transférer ce qui manquait de la caisse des consignations à la caisse d'amortissement.

Le résultat que l'on se proposait aurait été atteint, si on eût maintenu le prestige de l'amortissement, et la bonne contenance de ces deux fonds aurait soutenu les autres.

Il y avait un très grand motif pour suivre cette marche dans l'intention du gouvernement de vendre son 4 p. c. J'ai toujours vu que pour vendre avantageusement une grande partie de fonds publics, on soutenait le cours par des achats en détail.

Je ferai valoir une autre considération. La place d'Amsterdam a été depuis deux ans un marché important pour le 2 1/2 p. c. belge. L'année dernière, il le prenait avec un écart de 4 à 5 p.c. sur le cours du 2 1/2 p. c. hollandais. Cette année-ci l'écart a été de 7 à 8 p.c. N'était-il pas important de rapprocher la distance de prix de nos 4 et 3 p.c. avec les 4 à 5 p. c. hollandais, pour habituer les capitalistes de ce pays voisin à une meilleure valeur relative des fonds belges ? N'eût-ce pas été un moyen de faciliter l'écoulement de nos 2 1/2 et d'influer sur le cours de tous les titres de la dette belge ?

La marche qui a été suivie n'a fait que jeter la démoralisation dans les fonds belges. M. le ministre des finances et la commission de l'amortissement ont beau ne considérer la valeur des fonds belges que d'après la rente qu'ils donnent, ils n'empêcheront pas une grande partie des rentiers et capitalistes de considérer notre 3 p.c. avec sa puissante dotation d'amortissement, comme trop bas à 63 p. c., comparativement au 5 p.c. à 98, et de raisonner le cours de celui-ci en raison du cours de celui-là.

L'emprunt en 3 p. c. a été contracté à 73 1/2 quand les troupes hollandaises venaient de violer le territoire belge dans le Luxembourg.

Je le sais, les événements de 1848 ont réduit la valeur relative des fonds à bas intérêts ; c'est une considération pour le capitaliste (page 249) particulier, mais elle n'a pas la même force pour un Etat, qui doit avoir foi dans son avenir. Quant à moi, je me plais à ne pas douter que la caisse d'amortissement rachètera dans peu d'années, avec une augmentation de 30 p. c, les 3 p. c. qu'elle fait réaliser à la caisse des consignations à 63 p. c.

M. Osy. - Messieurs, comme membre de la commission de surveillance de la caisse d'amortissement des consignations et de cautionnements, je ne suis pas du tout embarrassé de répondre à l'honorable M. De Pouhon.

Je ne parlerai pas de la négociation de l'emprunt à 2 1/2 p. c. et à 4 p. c pour lequel nous n'avons absolument aucune opération à faire, et sur lequel M. le ministre des finances peut donner des renseignements.

Je ne m'occuperai donc que des attaques auxquelles on vient de se livrer contre la commission de surveillance de la caisse d'amortissement et des consignations. Ces mêmes attaques se sont produites à plusieurs reprises pendant l'intervalle de la session.

Vous aurez vu que la commission de la caisse n'a pas été plus embarrassée que je ne le suis aujourd'hui pour donner des explications au gouvernement. J'ai sous les yeux une explication qui a été admise par M. le ministre des finances, et je pense que l'honorable M. De Pouhon la connaît parfaitement. Cependant, comme plusieurs honorables membres paraissent ne pas y avoir fait attention, permettez-moi, messieurs, de vous la résumer.

J'ai été nommé et par la chambre et par le gouvernement à deux surveillances, à celle de la caisse d'amortissement d'un côté, de l'autre à la surveillance de l'emploi des fonds de cautionnements et des consignations.

Pour ce qui est de l'amortissement, on a fixé des règles générales, c'est-à-dire l'achat, autant que possible, au cours de la bourse. Pour ce qui concerne la caisse de surveillance des cautionnements et des consignations, il n'y a pas de règle fixe, positive. Nous avons dû veiller à ce que les opérations de cette caisse pussent satisfaire à ses obligations, c'est-à-dire à ce qu'elle pût payer aux comptables et aux particuliers qui ont versé de l'argent, un intérêt de 4 p. c. pour leurs cautionnements et leurs consignations.

Nous avons prouvé qu'on avait employé la somme de 16 millions, entre autres en 10 millions à 3 p. c, les autres à un taux excessivement élevé et qui se rapproche de 5 p. c.

Je ne veux pas critiquer les actes posés par les prédécesseurs de M. le ministre des finances qui ont autorisé un pareil achat ; mais, nous nous sommes dit : Pour un emprunt de 30 millions dont un tiers déjà est colloqué dans une seule caisse, avec les intérêts et l'amortissement de 3 p. c, vous parviendrez à un taux tellement élevé qu'il y aura une perte considérable pour l'Etat.

Nous avons donc dû calculer sur les intérêts que nous devions verser à l'Etat et nous n'avons pas voulu spéculer, comme on l'a fait anciennement, sur une augmentation de capital. Nous avons trouvé qu'il était beaucoup plus convenable, en faisant l'opération dont a parlé l'honorable M. De Pouhon, d'être utile à l'Etat, c'est-à-dire à la caisse d'amortissement.

La caisse des cautionnements et consignations a droit, comme tout particulier, de vendre à la bourse les fonds qu'elle a en sa possession, soit pour remboursement ou si elle trouve convenable de réaliser un fonds pour en acheter un autre, afin d'avoir un revenu plus élevé ; eh bien, c'est ce que nous ne faisons pas ; nous n'avons pas engagé le gouvernement à réaliser dix millions de 3 p. c, ce qui aurait pour effet de faire la baisse à la bourse ; nous avons réalisé du 3 p. c. par l'entremise de la caisse d'amortissement au fur et à mesure des besoins pour employer cet argent à acheter du 5 p. c. de l'emprunt forcé.

Outre l'intérêt dont je viens de parler que nous avions à agir ainsi, nous avions un intérêt moral ; vous savez que pour l'emprunt forcé, il y avait une masse de coupures de 20 francs, très gênantes pour la circulation et pour la réalisation ; comme nous n'avions pas au budget de la dette publique de fonds d'amortissement pour le cinq pour cent de l'emprunt forcé, nous avions préféré racheter ces petites coupures ; nous soulagerons les petits créanciers de l'Etat, qui avaient besoin de réaliser leurs créances et qui, sans cette mesure, auraient dû perdre beaucoup plus qu'on ne peut perdre aujourd'hui.

Nous avons employé ainsi une forte somme que nous nous sommes procurée en réalisant des valeurs de la caisse d'amortissement. Je pense que la proposition que nous avons faite à M. le ministre des finances, et qu'il a admise, était dans l'intérêt de l'Etat et du public. J'espère que le gouvernement ne nous retirera par l'autorisation qu'il nous a donnée et que nous pourrons continuer à suivre la marche que je viens d'indiquer.

J'engagerai mes honorables collègues à lire l'article que nous avons publié au Moniteur et qui a été approuvé par le gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les explications que vient de donner l'honorable M. Osy sur les opérations de la caisse d'amortissement me dispensent d'entrer dans aucun détail. Il est incontestable que le système conseillé par la commission de surveillance et suivi par le gouvernement, était non seulement parfaitement légal, parfaitement licite, mais que c'est un système favorable à l'Etat. Il se peut que d'autres aient à se plaindre de ce mode d'opérer ; mais le gouvernement doit se placer, lui, à un point de vue particulier ; il s'agit de savoir si l'Etat doit faire de mauvaises affaires pour que des particuliers puissent en faire de bonnes. Le gouvernement est d'avis que l'Etat ne fasse pas de mauvaises affaires, qu'il ne fasse pas passer sans profit son argent en mains tierces.

M. De Pouhon a fait une espèce d'acte d'accusation contre le ministère à propos de la vente du 4 et du 2 1/2 p.c. mis à sa disposition. Selon l'honorable membre, le ministre des finances aurait laissé échapper l'occasion qui s'est présentée de pouvoir réaliser ces valeurs.

Je demande quand cette occasion a existé, quand elle s'est présentée ? Jamais.

Jamais le gouvernement n'a reçu une seule proposition qui soit digne d'être mentionnée, qui fût acceptable ; jamais, à aucune époque, cela ne s'est présenté.

Selon l'honorable membre, j'ai fait faire des démarches auprès des capitalistes ; et de la sorte je me suis fourvoyé. L'honorable membre a mis son imagination à la place de la réalité.

Je n'ai pas fait des démarches auprès de capitalistes, je ne me suis adressé à personne, on s'est adressé à moi ; quelques personnes m'ont demandé si je voulais réaliser le 4 et 2 1/2 p. c, ce que tout le monde savait, car il y avait une enseigne assez apparente pour que personne ne l'ignorât ; il y avait la loi de 1849 qui m'autorisait à vendre ces valeurs ; on m'a demandé si je voulais les réaliser ; je répondis et je réponds encore affirmativement ; dans quelles conditions, on le sait. Or, dans ces conditions des offres m'ont-elles été faites ? Jamais.

L'honorable membre prétend que j'ai contre le fonds 4 p. c. une prévention, un préjugé, que je ne l'aime pas. Je lui donne l'assurance que j'aime ce fonds-là tout autant qu'un autre ; je désire seulement trouver un acheteur pour ce fonds.

Quoique ce fonds ait été coté à 85 p. c, je n'ai pas eu d'offres à 80 p. c ; si ce prix m'avait été offert, j'aurais examiné si je devais céder à cette limite extrême.

Voilà toute la vérité.

Il y a un autre grief : j'ai fait des démarches pour réaliser 10 millions de 3 p. c. Eh bien, je n'ai fait aucune espèce de démarche pour réaliser 10 millions de 3 p. c. ; je n'ai fait aucune démarche, jamais !

Cela dit, si considérant les circonstances, les nécessités de la situation, j'avais trouvé plus d'avantage, plus de facilité à réaliser certaine partie de 3 pour cent au lieu de 4 que je n'aurais pas pu vendre, il se peut que j'aurais opéré un transfert avec la caisse des dépôts ; j'aurais donné du 4 du pour 5, afin de le vendre, et j'aurais fait une opération très simple, très bonne, que tout le monde aurait approuvée.

Selon l'honorable membre, j'ai un moyen que j'aurais pu employer c'était de recourir à une souscription nationale. L'honorable membre, qui me suppose fort gratuitement hostile aux souscriptions nationales, ne m'aurait pas conseillé, à l'époque du mois de juin 1849, d'ouvrir une souscription pour des fonds publics

Il est certain que j'aurais échoué dans cette tentative ; et elle aurait été fatale pour les fonds que j'avais à vendre. Je ne me serais pas engager dans cette voie avec la chance d'échouer, j'aurais voulu pour la tenter avoir des chances considérables de succès. Les souscriptions ont quelquefois des conséquences défavorables pour le trésor ; j'en sais quelque chose.

Il suffit de consulter la cote des fonds publics pour se convaincre qu'il a été impossible au gouvernement de réaliser au cours qui a été fixé par la loi ; je ne parle pas du 4 ; tout le monde le sait ; mais voyez le 2 1/2 p. c, je n'ai pas de titre au porteur ; ce qui est à vendre, c'est une inscription ; eh bien, une inscription ne se vend pas comme un titre au porteur, elle se vend à un taux moins élevé. A quelle époque ce fonds s'est-il trouvé à un taux assez élevé pour qu'on pût réaliser l'inscription, à quelle époque ?

Il y a eu un moment (du 25 juin 1850 au 5 août) où les fonds ont atteint le taux de 51. Eh bien, dans ces conditions-là, quelqu'un m'a-t-il fait des offres, pour toute cette partie ? Ai-je refusé les offres partielles qui m'ont été faites ? J'ai vendu un million qui m'a été demandé. Mais m'a-t-on offert davantage ? M'a-t-on offert de vendre au simple cours de 56 ? Nullement.

Ainsi les griefs de l'honorable membre sont purement chimériques ; ils reposent sur des faits qu'il imagine, sur des suppositions tout à fait gratuites ; les fois que je viens d'exposer sont l'exacte vérité.

M. De Pouhon. - Je répondrai par une observation générale à ce qui a été dit par l'honorable baron Osy.

Il est sans doute bien libre à la commission de surveillance de la caisse des dépôts et consignations de diriger l'emploi des fonds suivant l'intérêt de cette caisse. Mais mes observations portaient sur les opérations de la caisse d'amortissement.

L'usage de tous les pays où il y a un amortissement, les engagements contractés par l'Etat envers ses prêteurs impliquent l'obligation de racheter journellement et à la bourse. J'ai en mains une obligation de l'emprunt en 4 p. c. et j'y lis : L'emploi de la dotation consacrée à l'amortissement de l’emprunt s'opérera au moyen de rachats faits à la bourse lorsqu'ils pourront s'effectuer au pair ou au-dessous du pair ; en cas contraire, l'amortissement se fera publiquement à Bruxelles, à la trésorerie générale du royaume par tirage au sort.

Ces rachats se font-ils ? Je le demande ; et ainsi les engagements vis-à-vis des prêteurs sont-ils remplis avec l'exactitude désirable ?

Si je condamne le mode des transferts au lieu des rachats, c'est que j'ai la certitude que si l'on avait continué les achats de 4 et 3 p. c, on. serait arrivé à la fin des semestres sans avoir acheté pour le quart de la somme affectée à cette destination et que le transfert d'une caisse à l'autre aurait pu s'opérer tout en profitant de l'effet de l'amortissement.

Je puis le savoir aussi bien que qui que ce soit, puisque c'est l'étude de tous mes instants.

(page 250) Ainsi, j’ai eu un ordre d'achat de dix obligations 4 p. c. pour Berlin ; il m'a fallu deux mois pour le trouver.

En 1848, il y en a eu, parce qu'une société de chemin de fer qui avait fait son cautionnement en 4 p. c. a réalisé ; mais ces 4 p. c. se sont écoules.

Si l'amortissement avait continué son action, l'agent du trésor aurait pu vendre des 4 et 3 p. c. si on lui en avait donné l'ordre.

Le résultat eût été le même, et le bon effet de l'amortissement eût été obtenu.

On suppose que j'ai pris en considération les intérêts des spéculateurs ; je vous assure que cet intérêt ne me touche pas plus que vous ; j'ai probablement moins de sympathie que vous pour les spéculateurs. Mais voici la nature des spéculations qui se font en 3 p. c. et qu'il faut respecter. Un père de famille se dit : Le 3 p. c. finira par s'élever à 90 ou par être remboursé au pair. Je me contenterai d'un intérêt moindre pour laisser un capital plus considérable à mes enfants. Voilà une spéculation très honorable qui se faisait sur le fonds 3 p. c.

Remarquez que le 3 p. c. peut être considéré comme très bas à 63 p. c. puisqu'il a été émis à 73 1/2 p. c.

Je vous rappellerai un fait qui, je crois, ne vous est pas connu.

Au printemps de 1833, le 5 p. c. venait à peine d'atteindre le pair, et il ne l'avait atteint que parce qu'il avait été fait une proposition de conversion qui n'était pas très favorable pour l'Etat, quand j'eus l'occasion de dire que je procurerais six millions comptant pour ce que l'on voulait concéder gratuitement.

On pouvait me trouver bien généreux de millions, moi qui à cette époque n'avais pas le sou. Mais, peu de jours après, je rapportais l'offre positive des 6 millions comptant faite par des premières maisons de banque de Paris. On refusa, sur mon conseil, et peu après je fus chargé de l'offre de convertir les 100 millions 3 p. c. en 5 p. c. au taux de 75 p. c. L'honorable M. Osy a connu l'association des premières maisons de banque de Paris qui ont fait cette offre ; il ne prétendra pas que les financiers qui ont fait ces offres n'eussent pas au suprême degré l'intelligence de ce qu'ils faisaient.

Ceci prouve qu'ailleurs on n'établit pas absolument la valeur d'un fonds public dans la proportion de la rente qu'il donne.

M. le ministre des finances dit qu'il ne lui a pas été fait d'offres au sujet des 4 p. c. Je puis déclarer qu'il m'a été dit qu'il a été fait des offres de cette nature.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'en ai aucune connaissance.

M. De Pouhon. - Une autre offre a été faite. Cela m'a été assuré par un membre de cette chambre. Il était tantôt sur son banc, je ne doute pas qu'il va confirmer ce que j'ai avancé et qu'il a encore ratifié ce matin même. Cet honorable collègue m'a assuré qu'une maison étrangère de sa connaissance avait offert de prendre la partie de 4 p. c.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Que ce membre se lève et qu'il parle ; qu'il fasse connaître la nature de la proposition qui m'a été soumise.

M. Veydt. - Je demande la parole, quoique cette interpellation ne s'adresse pas à moi.

M. De Pouhon. - Je répète qu'un membre de la gauche m'a déclaré que des propositions avaient été faites au gouvernement.

M. Thiéfry. - Nommez ce membre !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit qu'aucune proposition ne m'avait été faite ; j'ai dit qu'on ne m'en avait fait aucune digue d'être mentionnée.

M. De Pouhon. - Si l'honorable collègue, qui m'a parlé du fait, était dans cette enceinte, je l’engagerais à se nommer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'est pas convenable de parler ainsi sans citer des faits positifs.

M. De Pouhon. - M. le ministre des finances nie que des propositions aient été faites pour le 3 p. c. Mais lorsqu'un agent du gouvernement, agent direct du ministre des finances, va faire des ouvertures à Anvers pour le placement de 10 millions de 3 p. c, et qu'il s'annonce comme agissant pour le gouvernement, on peut considérer sa démarche comme si elle était faite par le ministre lui-même.

M. le ministre des finances vous a dit que le 2 1/2 p. c. était monté un instant à 51, mais que depuis lors il n'avait plus été à ce taux.

Ce fait est naturel, et c'est précisément pour cela que j'ai critiqué les ouvertures qui avaient été faites à des banquiers. C'est par suite de ces ouvertures que le 2 1/2 p. c. a fléchi bientôt de manière à tomber au-dessous du minimum fixé par la loi.

M. Osy. - Dans la première réponse que j'ai faite à l'honorable M. De Pouhon, j'ai mis toute la réserve possible ; mais après ses nouvelles attaques, je suis obligé de dire quelque chose de plus.

Comme l'a très bien dit l'honorable ministre des finances, de tout temps avant l'installation de votre commission de surveillance pour la caisse d'amortissement, on a spéculé sur le trésor. C'est pourquoi l'honorable M. de Man d'Attenrode et moi, pendant six ans, nous avons insisté pour avoir une commission de surveillance de la caisse d'amortissement, des consignations et des cautionnements.

En effet, messieurs, il n'y avait au ministère des finances aucune règle fixe ; tout se faisait dans l'ombre. Je ne sais quels sont les ministres qui ont pris part à cette opération ; mais on leur a conseillé d'acheter continuellement du 3 p c, et nous en avons trouvé dans la caisse jusqu'à concurrence d'une somme de 10,000,000.

Comme le dit très bien l'honorable M. De Pouhon, un petit rentier se contente volontiers d'un petit intérêt pour laissera ses enfants un grand capital. Mais l'opération qu'on avait conseillée à M. le ministre des finances n'était pas morale, en ce sens que si le 3 p. c. venait à se relever à 80 ou 90, on aurait déjoué le but auquel tendaient ceux qui avaient donné ce conseil ; car vous comprenez qu'aussitôt que le gouvernement aurait pu faire un emprunt en 3 p. c. à un taux beaucoup plus favorable qu'en 5 p. c, on n'aurait plus créé du 5 p. c., mais du 3 p. c.

D'après le contrat d'emprunt de 50,000,000 3 p. c. on est obligé de faire moitié de l'amortissement à Paris ; mais depuis plusieurs années il n'y a plus de 3 p. c. belge à Paris ; le tout se trouve en Belgique. Que faisaient certains agents de la personne qui devait procéder à l'amortissement à Paris ? Elles achetaient pendant le semestre à des bas prix tout ce dont on avait besoin pour l'amortissement qui se faisait à Paris à jour fixe ; ce jour-là on cotait des prix très élevés et on donnait à la caisse d'amortissement belge à des prix très élevés ce qu'il y avait à racheter.

Voilà ce qui se faisait. Nous avons voulu mettre un terme à de pareilles opérations, et, je le déclare, c'est moi qui ai demandé à mes collègues de la caisse d'amortissement de proposer à M. le ministre des finances un moyen pour déjouer ces manœuvres.

Que faisons-nous ? Nous prenons dans la caisse des cautionnements et des consignations le montant de ce qu'il faut racheter, et nous l'envoyons à Paris pour l'amortissement.

Cette opération est très régulière, car nous avons deux caisses : une caisse des cautionnements et une casse d'amortissement ; la caisse des cautionnements peut vendre et l'autre peut acheter. Nous restons ainsi dans les termes du contrat, et nous déjouons toutes les spéculations qui se sont faites depuis tant d'années au ministère des finances et qu'on aurait voulu continuer au détriment de la fortune publique.

Quant à ce fait que le 3 et le 4 p. c. seraient montés à un taux très élevé, je dirai que ce n'étaient pas des cours réels. La preuve en est que lorsque le cours du 4 p. c. est coté à 84 et 85, M. le ministre des finances, qui en a à vendre à 80, ne trouve pas d'acheteur ; et en effet, je dis que vous ne pourriez en ce moment vendre à 80, puisque le 5 p. c. se trouve-au-dessous du pair.

Je crois, messieurs, que l'opération que nous avons proposée à M. le ministre des finances est une opération morale ; qu'elle ne nous fait pas sortir des conditions du contrat et qu'elle nous permet de déjouer les manœuvres de la spéculation.

M. Veydt. - Messieurs, depuis que j'ai demandé la parole, je doute que je sois bien appelé à prendre part à cette discussion. En effet, il me semble déjà démontré à la chambre que ce n'est pas à moi que l'honorable M. De Pouhon a fait allusion. Ensuite, je ne vois pas l'utilité de parler d'affaires qui n'ont eu aucune suite, surtout quand on est amené à dire que nos fonds publics n'ont provoqué que des offres d'achat, qui n'ont pas été jugées suffisantes pour être accueillies. Ils méritent une entière confiance, sans doute, et je prendrai à tâche d'éviter tout ce qui tendrait à leur porter préjudice.

Quoi qu'il en soit, j'ai eu connaissance d'une de ces propositions ; j'y ai même été accidentellement mêlé et je puis dire à la chambre avec une entière franchise ce qui s'est passé.

Voici les souvenirs que j'en ai conservés :

Au mois de juillet dernier, le chef d'une maison de banque établie à Paris écrivit à Bruxelles pour annoncer qu'il serait disposé à traiter des 13,400 obligations de l'emprunt 4 p. c, au minimum fixé par la loi, moitié payable comptant, moitié en option à deux ou trois mois ; et il demandait si la Société Générale prendrait éventuellement une part dans cette opération.

La lettre arriva dans mes mains. Par les raisons que l'on connaît, c'est-à-dire à cause du placement moins facile, moins courant de l'emprunt de 4 p. c., la Société Générale préférait que la cession comprît une partie seulement de ce fonds et une autre partie en 3 p. c. et 2 1/2 p. c. calculés au prorata.

Je fus chargé de voir M. le ministre des finances. Le délai d'option demandé pour se prononcer sur l'achat de la moitié réservée souleva de prime abord une objection de sa part ; il me fit entendre qu'il ne pourrait y consentir. Quant à l'achat en lui-même, avec la combinaison d'y mêler d'autres fonds que le 4 p. c., il me témoigna le désir d'y réfléchir, et il fut convenu que nous nous verrions le lendemain. La seconde visite eut pour résultat qu'il y avait lieu d'inviter le chef de maison établie à Paris à venir à Bruxelles, enfin d'entrer en relations et de s'assurer si on pourrait pat venir à s'entendre ; mais M. le ministre se prononça, plus résolument encore que la veille, contre toute vente à terme, avec faculté d'option.

La conférence eut lieu ; j'y fus présent. Les offres ne furent pas accueillies. D'une part, on insistait pour avoir du 3 p. c. à 60, du 2 1/2 à 50 p. c. et du 4 à 80 p. c, sans vouloir dépasser ces taux, et de l'autre on consultait le cours du jour et on ne désespérait pas d'obtenir mieux. C'est là une affaire d'appréciation ou d'inspiration que je n'entends pas juger. Pour moi, j'aurais été enclin à vendre ; mais l'opinion contraire avait aussi de bons motifs en sa faveur. Nous étions précisément à une de ces époques de cette année où l'horizon politique était le plus serein et pouvait faire présager plus de calme et de stabilité dans l'avenir.

M. le ministre attendait mieux pour son 4 p. c. et il préféra le garder pour une autre occasion. Ce fonds ainsi mis hors de cause, j'intervins encore dans une proposition relative au 2 1/2 p. c, au pair, mais avec des facilités de payements, en les échelonnant de manière à liquider avant la fin de 1850. C'était afin de trouver une compensation aux frais qu'il fallait faire pour convertir des inscriptions nominatives en certificats au porteur. Cette proposition, qui portait sur 2,200,000 francs, valeur nominale en 2 1/2 p. c, fut faite à M. le directeur général du trésor, (page 251) M. le ministre étant en conseil ; et le lendemain il fut répondu qu'il ne pouvait y être donné suite.

C'est ainsi, messieurs, que les choses se sont passées, suivant mes souvenirs. Je n'en ai parlé ici à aucun de mes collègues de la chambre, et je crois être dans le vrai en affirmant qu'il ne n'est pas arrivé d'en parler hors de l'enceinte de la Société Générale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, sur certains détails de l'affaire dont vient de nous entretenir l'honorable M. Veydt, mes souvenirs ne concordent pas exactement avec les siens. Je ne pense pas qu'il se soit agi de la totalité de la partie de 13,000,000 nominal ; mais je tiens les souvenirs de M. Veydt comme plus exacts que les miens ; j'accepte donc les faits tels qu'il les a posés, et ils me suffisent pour prouver l'exactitude de ce que je disais à la chambre, que jamais il n'y avait eu d'offre digne d'être prise en considération. La seule qui ait été faite est celle dont vient de parler l'honorable membre.

Vous avez entendu, messieurs, qu'il s'agissait de vendre une partie ferme et une partie à option ; c'était une condition sine qua non. Eh bien, il est de toute évidence que cette opération ne pouvait être que défavorable au trésor : de deux choses l'une, ou les fonds auraient monté ou ils auraient baissé ; si les fonds augmentaient, l'acheteur prenait la partie pour laquelle il avait le droit d'option ; s'ils baissaient, cette partie restait pour compte de l'Etat. Il était donc impossible d'accepter cette offre.

Mais, messieurs, il y avait une deuxième condition, c'est que pour la partie vendue ferme, il fallait accorder crédit, et j'ai demandé quelle contre-valeur on me donnerait ; car enfin, je ne dispose pas de mon bien, et quelle que soit la solvabilité de la personne qui propose une pareille affaire, on comprend parfaitement que je ne puis pas, sans garantie, remettre 6 ou 7 millions en mains tierces.

La personne qui était dans mon cabinet s'était réservé, si nous tombions d'accord sur les autres points, de traiter avec la Société Générale, mais jamais elle n'a annoncé qu'elle fût disposée à donner une contre-valeur.

Ainsi, sous ce double rapport, la proposition était entièrement inacceptable, et elle n'aurait jamais été approuvée par la chambre.

Pour la proposition relative au 2 1/2 p. c, il est clair que je ne pouvais pas vendre à ces conditions-là : outre que le temps était évidemment trop favorable pour céder au taux offert, ce cours aurait encore été au-dessous du minimum fixé par la loi .Je devais donc aussi rejeter cette offre, et c'est ce que j'ai fait.

M. De Pouhon (pour un fait personnel). - Je commencerai par vous dire, messieurs, que la proposition à laquelle j'ai fait allusion n'est pas celle dont vient de parler l'honorable M. Veydt et que j'ignorais complètement. J'avais en vue deux autres propositions. J'ai eu connaissance de l'une par un de nos honorables collègues. Quant à l'autre, j'ai fait appel à un honorable membre de cette chambre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sont des propositions anonymes.

M. De Pouhon. - L'honorable M. Osy a parlé de spéculations qui se faisaient au ministère des finances. Je me plais à croire qu'il n'a pas entendu faire allusion à moi, car j'aurais à lui opposer des preuves qui sont très claires. A aucune époque je n'ai engagé le ministère des finances à acheter tel ou tel fonds ; quand j'étais l'agent du trésor, je me bornais à exécuter les ordres que l'on me donnait, sauf à moi de faire mes conjectures. Je sais qu'il a été acheté des 3 p. c. avec les fonds de cautionnements remboursés par la Hollande, et je supposai que l'on donnait la préférence au 3 p. c. parce qu'il était question de faire alors un grand emprunt en 3 p. c. C'était bien vu, me paraît-il.

En 1844, j'ai publié une brochure où j'engageais le gouvernement à faire les achats pour l'amortissement tout juste comme les fait exécuter la commission de surveillance.

L'agence du trésor à la bourse n'était probablement pas une source de spéculations fructueuses, puisque de mon propre mouvement et par une considération d'intérêt public, j'y renonçai en août 1844.

M. Osy. - Messieurs, dans tout ce que j'ai dit de la caisse dont vous m'avez fait l'honneur de me nommer commissaire surveillant, vous comprenez parfaitement que je n'ai fait allusion à personne. Je n'ai parlé que de faits ; je ne sais pas qui a donné des conseils ; je n'entre pas dans ces détails ; je me borne aux faits. Je répète que nous avions trouvé dans la caisse des consignations une somme de 10 millions qui rapportait à peine les intérêts que nous devons servir d'après le budget ; eh bien, nous devions trouver convenable, dans l'intérêt de l'Etat, de faire une conversion en fonds publics, qui donnât un intérêt plus considérable.

Maintenant, pour l'amortissement, j'ai simplement énoncé l'opération qui se faisait dans le pays ; j'ai dit que pendant les six mois que la caisse n'achetait pas, des particuliers achetaient et spéculaient sur la caisse ; opérations qui se faisaient au grand détriment du trésor ; c'est d'après ce que nous avions vu, que nous avons proposé à M. le ministre des finances d'adopter le système actuel qui, suivant moi, doit être maintenu.

M. Malou. - Messieurs, je crois que mon honorable ami M. Osy a tout à l'heure employé plusieurs fois une expression qui va sans doute beaucoup au-delà de sa pensée, mais qui cependant doit être rectifiée. L'honorable membre a dit qu'avant l'institution de la commission d'amortissement, on spéculait au ministère des finances au détriment du trésor public.

M. Osy. - Je ne parle que de l'achat du 3 p. c.

M. Malou. - Voici, messieurs, comment les choses se passaient au ministère des finances avant l'installation de la commission qui a été établie, si je ne me trompe, sous mon administration ; la loi au moins a été votée pendant que j'étais chargé du département des finances.

Lorsqu'il y avait à faire emploi de fonds, soit pour faire agir l'amortissement, soit par suite de versements opérés dans la caisse des consignations, on consultait le ministre sur les achats à faire, et on lui produisait ensuite le bordereau des achats faits. Voilà à quoi se bornait l'intervention du ministre ; dans cet état de choses, il était impossible qu'on fît jamais une spéculation au ministère des finances ; il n'y avait que des placements faits.

Je me rappelle encore un fait : c'est que dans la pensée qui me dirigeait, le 4 p. c. qui est devenu un fonds non coursable et qui le restera, quoi qu'on fasse ; le 4 p. c, dans une bonne organisation de nos finances, de notre crédit, devait disparaître ; et j'avais donné pour instruction d'acheter, autant que faire se pouvait, du fonds de 4 p. c, pour le faire arriver dans les caisses dont le gouvernement avait alors la libre administration.

Quant à l'amortissement du 3 p. c, il était impossible, d'après le contrat, d'empêcher certains faits.

- La discussion est close.

On passe au vote des articles du budget des voies et moyens.

Discussion du tableau des recettes (I. Impôts)

Contributions directes, douanes et accises

Foncier

« Principal : fr. 15,500,000.

« 3 centimes additionnels ordinaires : fr. 465,000.

« 2 centimes additionnels pour non-valeurs : fr. 310,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,550,000.

« 5 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 534,750.

« Total : fr. 18,359,750. »

- Adopté.

Personnel

« Principal : fr. 8,364,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 836,400.

« Total : fr. 9,200,400. »

M. Mercier. - Messieurs, la section centrale a cru devoir demander à M. le ministre des finances quelle était la cause du retard apporté à l'examen du projet de loi sur la contribution personnelle. Il semble résulter de la réponse de M. le ministre des finances, quoique je ne pense pas que telle ait été son opinion, mais il semble, dis-je, résulter de cette réponse que le retard doit être attribué à la demande de nombreux renseignements qui lui avait été faite par la section centrale. Sans doute ces renseignements exigent un certain temps pour être recueillis, je crois cependant qu'un mois ou six semaines eussent pu suffire. Ce serait donc à tort qu'on chercherait à rendre la section centrale responsable du retard apporté à l'examen du projet de loi sur la contribution personnelle.

Je crois d'autant plus devoir faire cette observation, qu'un journal qui a quelquefois la pensée ministérielle, a attribué spécialement ce retard à l'un des membres de la section centrale ; or, ce membre n'est pas même l'auteur de la demande de renseignements que la section centrale a faite à M. le ministre des finances bien qu'il ait adhéré comme ses collègues à cette demande.

M. le ministre a annoncé qu'il soumettrait à la section centrale quelques modifications au projet de loi sur la contribution personnelle. Si ces modifications avaient une certaine importance, j'engagerais M. le ministre à les présenter à la chambre même ; ces amendements seraient alors imprimés, et la chambre pourrait les renvoyer à la section centrale si elle le jugeait convenable.

De cette manière, les amendements recevraient de la publicité, et la section centrale, dont j'ai l'honneur de faire partie, ne serait pas abandonnée à ses seules lumières : elle pourrait consulter aussi l'opinion qui se ferait jour sur ces nouvelles dispositions.

Je le répète, je ne fais cette invitation que pour le cas où les modifications annoncées auraient une certaine importance, la loi en ayant une très grande en elle-même.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il n'est nullement entré dans ma pensée, et les termes de ma réponse le constatent suffisamment, d'attribuer à la demande de renseignements que m'a faite la section centrale, les retards que l'examen de la loi subit. Mais il est incontestable que des renseignements ayant été demandés, on a dû les recueillir, et qu'il a fallu pour cela un certain temps. J'ai ajouté que, profitant des observations déjà faites, on avait procédé à une application fictive de la loi, afin de constater les perfectionnements dont le projet de loi serait susceptible. Maintenant je crois que l'ensemble du travail est terminé, et comme je l'ai annoncé, il sera incessamment soumis à la section centrale

Si les amendements avaient eu une importance telle, qu'on eût pu les considérer comme un changement de système, je conçois que les propositions auraient dû être soumises à la chambre ; mais il ne s'agit que de modifications secondaires : les principes généraux, admis dans le projet de loi, sont maintenus.

- Le chiffre est mis aux voix et adopté.

Patentes

(page 252) « Principal : fr. 2,819,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 281,900.

« Total : fr. 3,100,900. »

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, il y a deux ans, nous avons discuté une loi qui a modifié l'impôt des patentes. A cette époque, 60,000 petits patentables ont été dispensés de payer cet impôt. M. le ministre des finances, lors de la discussion, nous a annoncé un projet de loi complémentaire ; car il semblait que la loi que nous examinions alors. était un premier pas qu'en voulait faire dans un système de répartition plus équitable.

Je demanderai à M. le ministre des finances s'il compte présenter, dans le cours de cette session, le projet de loi complémentaire qu'il nous a annoncé dans cette circonstance.

Messieurs, il est un principe dont on ne peut s'écarter sans injustice, en fait d'impôt, c'est que l'impôt soit proportionnel ; c'est que la richesse soit atteinte en raison de son importance. Mais l'impôt patente n'est pas réparti en Belgique d'après cette règle de justice. Plus on gagne et moins on paye ; plus le capital engagé est considérable et moins on est imposé.

L'impôt décroit en raison de l'importance de l'entreprise.

La petite industrie fait presque tous les frais de l'impôt. La grande, le haut commerce n'acquitte pas l'impôt dans la même proportion.

La petite industrie est chargée de 2 p. c, la haute industrie ne paye pas 1 p. c.

Ce que je demande donc, c'est la proportionnalité de l'impôt.

Je vais prouver par des exemples que ma demande est équitable.

L'industriel qui emploie cinq cents ouvriers ou mille ouvriers ne paye pas plus de patente qu'un industriel qui n'en occupe que trois cents.

Un batelier qui fait usage d'un bateau qui vaut dix mille francs est frappé d'un impôt égal à celui qui pèse sur le propriétaire d'un haut fourneau estimé à 300,000 fr. Il en est de même d'un colporteur. Un colporteur est frappé par l'impôt patente pour une charrette et une baraque à la foire, comme un haut fourneau, dont le propriétaire est rangé dans la grande industrie. Il y a là des anomalies à faire disparaître ; que la grande industrie soit traitée comme la petite, et le trésor trouvera des ressources dont il a grand besoin.

Je demanderai donc que M. le ministre des finances nous dise s'il compte déposer le projet de loi qu'il nous a annoncé il y a deux ans.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais pas si l'honorable membre se prononce pour le système de l'impôt proportionnel, ou s'il se prononce pour le système de l'impôt progressif.

M. de Man d'Attenrode. - Pour l'impôt proportionnel, cela résulte de mes paroles.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pour que l'impôt soit juste, il doit être proportionnel, dit l'honorable membre ; mais il ajoute qu'il doit progresser en raison de la richesse. Quoi qu'il en soit, pour répondre à ce que demande l'honorable membre il me suffit de m'appuyer des explications qui ont été données par la section centrale, et où j'ai annoncé que l'on s'occupait activement et depuis longtemps de l'examen de cette loi fort difficile. Il faut s'entourer de beaucoup de renseignements, il faut recueillir un grand nombre de faits afin de pouvoir arriver à une bonne loi.

Personne ne conteste qu'il n'y ait des anomalies, qu'il n'y ait des abus à faire disparaître, c'est précisément pour cela que nous nous occupons d'un projet de révision.

La chambre aura-telle le temps de s'en occuper. C'est là une question.

Je désire bien vivement que ce projet de loi soit présenté aussi promptement que possible et qu'il soit de même adopté par la chambre le plus promptement possible.

- Le chiffre de 3,100,910 fr. est adopté.

Redevances sur les mines

« Principal : fr. 180,000.

« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 18,000.

« 5 centimes sur les deux sommes précédentes, pour frais de perception : fr. 9,500.

« Total : fr. 207,900. »

- Adopté.

Droit de débit des boissons alcooliques

« Droit de débit des boissons alcooliques : fr. 900,000. »

- Adopté.

Douanes

« Droits d'entrée (16 centimes additionnels) : fr. 11,400,000.

« Droits de sortie (16 centimes additionnels) : fr. 300,000.

« Droits de transit (16 centimes additionnels) : fr. 40,000.

« Droits de tonnage (16 centimes additionnels) : fr. 450,000.

« Timbres : fr. 35,000.

« Total : fr. 12,225,000. »

- Adopté.

Accises

« Sel (sans additionnels) : fr. 4,600,000.

« Vins étrangers (20 centimes additionnels et timbres collectifs) : fr. 2,100,000. »

« Eaux-de-vie étrangères (sans additionnels) : fr. 250,000.

« Eaux-de-vie indigènes (sans additionnels) : fr. 3,750,000.

« Bières et vinaigres (26 centimes additionnels et timbres collectifs) : fr. 6,300,000.

« Sucres : fr. 3,500,000.

« Timbres sur les quittances : fr. 5,000.

« Timbres sur les permis de circulation : fr. 1,000.

« Total : fr. 20,500,000. »

- Adopté.

M. de La Coste. - Je désirerais savoir si on va s'occuper des accises en général ou s'il y aura une discussion sur chaque article suivant leur ordre ?

M. le président. - Sur quoi voulez-vous prendre la parole ?

M. de La Coste. - J'ai quelques observations à faire sur l'accise de la bière. Est-ce le moment de les présenter ? (Oui ! oui ! parlez !)

Messieurs, j'ai vu dans le rapport de la section centrale que l'on avait exprimé le désir de voir percevoir l'accise sur les bières, non à raison de la capacité des cuves matières, mais de la quantité de liquide produit. M. le ministre des finances, à qui cette observation a été communiquée, a paru annoncer des changements dans la perception de l'accise sur les bières, mais en même temps pressentir les difficultés que le système indiqué pourrait rencontrer.

A proprement parler cependant, il n'y a rien en discussion puisque aucune proposition n'est faite ; nous pouvons réserver notre opinion pour le temps où un projet de loi sera présenté ; c'est alors qu'il y aura lieu d'examiner s'il faut toucher à l'accise, si les propositions faites sont ou non acceptables. Je n'ai donc pas l'intention d'entrer dans le fond de la question.

Cependant comme l'opinion à laquelle je viens de faire allusion et que M. le ministre des finances n'accepte ni ne repousse, se bornant à faire mention des difficultés qu'elle peut présenter ; comme cette opinion, dis-je, a été mis en avant et n'a pas rencontré d'opposition ; comme quelquefois de ce qu'une opinion a été mise en avant et n'a pas rencontré d'opposition parce qu'on ne l'a pas discutée, on induit un préjugé en sa faveur, je crois devoir vous rappeler, messieurs, que souvent la tentative de remplacer la perception de l'accise sur la bière dans son mode actuel par la perception sur le liquide produit a été faite et que ce mode a toujours été repoussé par l'assemblée, comme il a toujours rencontré une grande opposition dans le pays. En un mot, on le considère, à juste titre, comme la substitution du régime des droits réunis français au régime belge.

Je n'en dirai pas davantage pour le moment, à moins qu'on ne juge à propos d'engager la discussion sur cette question.

M. Osy. - J'ai demandé la parole, mais c'est pour parler sur l'article sel ; si on veut d'abord vider la quesîion en ce qui concerne la bière, je prendrai ensuite la parole sur l'article Sel.

M. Rousselle. - J'ai demandé la parole pour dire quelques mots sur l'article Bières. Une section avait émis le vœu que l'on posât au ministre des finances la question de savoir s'il ne serait pas préférable de faire payer le droit sur la quantité des bières fabriquées plutôt que sur la cuve-matière. Cette pensée n'était pas acceptée par la section centrale ; elle ne l'était pas plus par le gouvernement. M. le ministre des finances a simplement expliqué que le gouvernement était d'avis qu'il y avait lieu d'apporter des modifications à la législation sur les bières, les faits n'étant plus les mêmes qu'en 1822 ; mais il croit que le système auquel on fait allusion pourrait présenter de sérieuses difficultés dans la pratique.

A cet égard, la section centrale est dans le même sentiment. Elle n'a pas pu présenter des considérations particulières sur l'un ou l'autre mode de percevoir l'accise sur les bières, en présence surtout de la pensée formulée dans le rapport, qu'elle devait attendre les propositions du gouvernement pour examiner les questions financières. L'honorable membre peut donc être persuadé que rien n'est préjugé sur la question, soit de la part de la section centrale, soit de la part du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La question faite par un membre d'une des sections, et à laquelle le gouvernement a répondu dans les termes que vient de rappeler l'honorable M. Rousselle, avait été inspirée, sans doute, par l'examen de ce fait constant, très fâcheux, de la décroissance, qui ne s'arrête pas, du produit de l'accise sur les bières.

Au budget de 1840, l'estimation du produit de l'accise sur les bières était de 7,500,000 francs ; le produit n'a été que de 7,300,000 francs. En 1841, l'évaluation a été de 7,500,000 francs et la recette n'a été que de 7,100,000 fr. En 1842, l'évaluation était de 7,500,000 fr. et la recette n'a été que de 7,100,000 francs. En 1843, l'évaluation a été abaissée à 7,052,000 francs et la recette est descendue à 6,787,000 francs. En 1844, les prévisions ont été abaissées à 6,930,000 francs et les recettes n'ont été que de 6,700,000 francs. En 1845, les prévisions ont été abaissées à 6,800,000 francs et les recettes n'ont été que de 6,500,000 francs. En 1848, les prévisions ont été ramenées à 6,500,000 francs et les recettes sont descendues à 6,300,000 francs.

Je ne tiens pas compte de l'année 1847, car la crise alimentaire et aussi, en partie en 1846, a dû nécessairement exercer une notable influence sur les produits de cette accise. Ainsi les prévisions avaient été de 6,500,000 fr.et les receltes n'ont atteint que le chiffre de 5,300,000 fr. En 1848 les prévisions étaient de 6,500,000 fr., et les recettes ne se sont élevées qu'à 6,100,000 fr. ; en 1849 les prévisions étaient également de 6,500,000 fr., et les recettes ne se sont élevées qu'à 6,200,000 fr. ; en 1850 les recettes probables s'élèveront à 6,300,000 fr.

Ainsi, en 1848, 1849 et 1850, les produits sont loin d'augmenter et (page 255) même de se trouver au point où ils étaient en 1840. Il y a là un état de choses alarmant pour le trésor qui appelle la sérieuse attention du département des finances, qui a éveillé la sollicitude de mes prédécesseurs et n'a pas échappé à mon attention. Je ne dis pas que je m'arrêterai à tel système plutôt qu'à tel autre ; mais il y a des vices dans le système actuel, et ces vices, il faut les faire disparaître. Il faut incontestablement remédier à un état de choses aussi préjudiciable au trésor.

- La discussion est close sur l'article Bières.

M. Osy. - J'ai demandé la parole pour dire quelques mois sur l'article Sel. M. le minisire des finances a proposé un amendement par lequel il réduit de 200 mille francs l'évaluation du produit de l'accise sur le sel.

Depuis les changements introduits en France sur cet article important de consommation, il est certain que nous devons exporter moins de sel en France, et notre recette sur cet objet doit diminuer. Mais il y a une autre considération dont ne parle pas M. le ministre des finances et qui concerne encore plus M. le ministre des affaires étrangères.

Lorsque nous avons fait la convention en 1845 avec la France, nous avons accordé 12 p. c. de déchet sur le sel français ; effectivement alors, le sel français avait beaucoup plus de déchet que le sel de Liverpool. Il ne pouvait être livré directement à la consommation, mais nous sommes dans un siècle de perfectionnement ; en France on a profité de notre faiblesse qui nous a fait admettre ce déchet, et aujourd'hui l'importation du sel français va toujours croissant. En 1848, on nous a importé 42 millions de kilogrammes de sel, dont 36,700,000 d'Angleterre et seulement 5,000,000 de Portugal et d'Espagne. De France rien. En 1849, 30,000,000, dont 17,000,000 d'Angleterre, et des autres provenances 6,500,000. Ainsi déjà, en 1849, il y a eu une grande augmentation des autres provenances. Pour les dix premiers mois de 1850, c'est bien autre chose ! Les importations d'Angleterre s'élèvent à 17,000,000, celles des autres provenances à 8,700,000 Ainsi la France s'est perfectionnée et bientôt elle nous enverra autant de sel que l'Angleterre, pour laquelle il n'y a pas la remise de 12 p. c. qui existe pour la France.

Vous voyez dans le rapport de la section centrale que jusqu'à présent le gouvernement a maintenu cette remise de 12 p. c. Si nous continuons à importer du sel de France au détriment du sel d'Angleterre, vous concevez que ce sera une très grande perte pour le trésor belge.

Le traité avec la France doit se renouveler l'an prochain, j'engage donc M. le minisire des affaires étrangères à se mettre d'accord avec son collègue des finances pour examiner la question que je viens de soulever.

J'ai déjà en d'autres occasions fait connaître mon opinion sur le traité de 1845 dans ses rapports avec l'industrie linière ; je m'étais réservé d'appeler, dans cette discussion, l'attention du gouverncmeul sur cette perte qui est considérable ; car le sel qu'on nous apporte de France ne doit pas subir chez nous l'opération du raffinage.

Il y a une autre perte : le droit est de 18 fr., le drawback est de 18 fr. 75 c. Si maintenant le sel importé n'est pas raffiné en Belgique, nous payons 75 centimes de plus que nous ne recevons. J'engage donc M. le ministre des finances à n'autoriser le remboursement des droits que lorsqu'on est certain que le sel a été raffiné en Belgique ; autrement c'est du sel qui transite et sur lequel nous perdons 75 centimes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Lorsque le traité de 1845 a été fait avec la France, les sels qui provenaient de ce pays étaient dans de mauvaises conditions ; ils ne pouvaient être livrés directement à la consommation ; ils devaient être raffinés. On supposa que le déchet au raffinage pouvait répondre à 12 p. c. de droits. En conséquence, on stipula une remise de 12 p. c. pour les importations de France, pour déchet au raffinage. Depuis, le sel, qui provient de presque toutes les localités de France, est beaucoup meilleur ; il peut être directement livré à la consommation. Il en résulte que le trésor devra essuyer une perte assez notable sur toutes les importations venant de France. Ces importations se sont accrues, et je crois qu'elles sont destinées à s'accroître encore. Le traité de navigation a donné, sous ce rapport, des facilités qui n'existaient point auparavant.

Le gouvernement, qui a reconnu la perte que subit le trésor, a pris immédiatement la résolution de ne plus accorder la déduction de 12 pour cent qu'après constatation qu'il y a eu raffinage.

Mais, selon toutes les prévisions, ces mesures seront insuffisantes, parce que le déchet au raffinage est insuffisant. De sorte qu'il existera toujours, pour le sel de France, une véritable prime, aussi longtemps que le traité de 1845 existera.

Je crains que la perte ne soit assez notable ; elle sera plus forte que celle indiquée dans mes propositions. Il y aura de ce chef très probablement un mécompte.

- L'article Accises est mis aux voix et adopté.

Garantie

« Droits de marque des matières d'or et d'argent : fr. 130,000. »

- Adopté.

Recettes diverses.

« Droits de magasin des entrepôts, perçus au profit de l’État : fr. 225,000. »

« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 30,000.

« Total : fr. 255,000. »

- Adopté.

Enregistrement et domaines

Droits additionnels et amendes

« Enregistrement (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 10,500,000.

« Greffe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 300,000.

« Hypothèques (principal et 26 centimes additionnels) : fr. 1,650,000.

« Successions (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 6,000,000.

« Timbre (principal sans additionnels) : fr. 3,000,000.

« Naturalisations : fr. 5,000.

« Amendes en matière d'impôts : fr. 140,000.

« Amendes de condamnation en matières diverses : fr. 135,000.

« Total : fr. 21,730,000. »


M. d'Hondt. - Messieurs, souvent déjà des notaires se sont adressés à la chambre pour demander des modifications à la loi du 22 frimaire an VII concernant l'enregistrement. J'ai vu avec plaisir, dans le rapport de la section centrale qui a examiné récemment le projet de loi partant réduction de certaines pénalités en matière de timbre, d'enregistrement, etc., que M. le ministre des finances nous a promis de présenter un projet de révision de cette branche de notre législation. A l'occasion de cette prochaine révision, je me permettrai d'appeler l'attention de l'honorable ministre des finances sur les expertises en matière d'enregistrement. Vous savez, messieurs, que d'après la législation actuelle, la régie peut réclamer l'expertise des immeubles quand le prix déclaré dans le contrat translatif de propriété lui paraît inférieur à leur valeur réelle. De là une foule de tracasseries, de contestations, auxquelles il serait bon, dans l'intérêt public, d'obvier.

Car, messieurs, vous n'ignorez pas qu'à tout bout de champ on voit des acquéreurs de bonne foi, engagés dans des luttes toujours frayeuses et inégales, je dis frayeuses parce que ces frais d'expertise peuvent s'élever à 300, 400 et 500 fr. Je dis inégales parce que le particulier doit plaider sur sa propre bourse, tandis que la régie plaide avec les deniers de tous.

Aussi, bien souvent les notaires et les parties ne savent à quel chiffre s'arrêter dans la détermination de la valeur des immeubles. Aujourd'hui surtout, messieurs, on n'est jamais sûr de ne pas être exposé à des poursuites en expertise, puisque d'après les décisions existantes, lors même que l'on devient acquéreur dans une vente publique ou dans une vente par expropriation forcée, on n'est pas encore à l'abri des rigueurs de la régie ; aux yeux de l'administration, ces sortes de ventes ne suffisent même pas pour déterminer la véritable valeur vénale de l'immeuble.

Encore, messieurs, concevrait-on jusqu'à un certain point, des contestations de ce genre, lorsqu'il s'agit d'immeubles de quelque importance. Mais ne perdons pas de vue qu'il y a des agents du fisc qui se laissent parfois entraîner par un zèle exagéré, dégénérant en véritable fiscalité, et qui, dans le but de se signaler à la faveur de leurs supérieurs, vont jusqu'à lancer des menaces d'expertise contre de misérables acquisitions de quelques centaines de francs, jusqu'à exiger des suppléments de prix, d'une trentaine ou d'une vingtaine de francs.

Eh bien ! qu'arrive-t-il dans de semblables cas ? C'est que le petit acquéreur, de peur de s'engager dans une lulle inégale contre le fisc, se voit moralement contraint de délier sa bourse et de payer un supplément souvent non dû. Ce n'est là ni plus ni moins qu'une contribution déguisée, un nouveau genre d'impôt, une véritable levée forcée de fonds.

C'est cependant le petit acquéreur qu'il importe avant tout de protéger contre la fiscalité ou le zèle outré des agents de l'administration.

Je prierai donc M. le ministre des finances de bien vouloir de plus en plus examiner la question de savoir s'il n'y aurait pas moyen d'établir dans la loi même un maximum de la valeur vénale présumée des immeubles.

Je sais que cette question n'a pas échappé à la sagacité de M. le ministre des finances, et je reconnais qu'elle offre des difficultés ; mais on pourrait peut-être se baser sur le revenu cadastral dont on prendrait la valeur 40, 50 ou 60 fois, c'est là un examen à faire et un calcul à établir, peu importe le chiffre. Mais alors du moins il y aurait une base fixe. On pourrait laisser à l'acquéreur la faculté de se référer à ce maximum, et dans ce cas-là, le déclarer à l'abri de toutes poursuites. L'expertise ne serait autorisée que dans les cas où la déclaration serait en dessous de ce maximum.

Alors du moins les acquéreurs sauraient qu'il existe un moyen quelconque de se soustraire aux exigences du fisc, tandis qu'aujourd'hui, quelque précaution que l'on prenne, même celle de n'acheter que dans les ventes aux enchères publiques, l'on n'est jamais sûr de ne pas se voir inquiété.

Ce sont là des observations que je soumets à l'honorable ministre des finances, pour qu'il veuille bien, s'il les en juge dignes, les prendre en considération dans le projet de révision qu'il nous a annoncé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, les modifications qui peuvent être introduites dans la législation sur les droits d'enregistrement ne sont pas d'une extrême importance. La loi du 22 frimaire an VII, tout le monde le sait, est une bonne loi. Il est fort difficile d'y toucher, il y aurait souvent danger à le faire. Tous les principes fondamentaux de cette loi doivent, en règle générale, être maintenus.

Les modifications dont j'ai eu occasion de parler portent sur certains points secondaires. Il s'agit d'éviter que les droits ne soient éludés dans certains cas. Il s'agit aussi de réduire quelques droits, afin de mieux en assurer la perception, par exemple ceux qui sont perçus sur les baux.

Cette réduction, selon moi, serait dans l'intérêt de l'agriculture.

- Un membre. - Et dans l'intérêt du fisc.

(page 254) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et dans l'intérêt du fisc peut-être ; mais j'estime que la réduction qui serait faite de ce chef ferait subir tout d'abord une perte d'environ 70,000 fr. Cependant il y a lieu d'espérer que, donnant plus de facilité pour l'enregistrement des baux, cet enregistrement se multiplierait, et que par conséquent après un certain temps, cette perte serait compensée.

Quant au fait dont vient de parler l'honorable préopinant, l'expertise doit, je pense, être nécessairement maintenue.

Le principe de la loi du 22 frimaire an VII est d'asseoir la perception du droit d'enregistrement sur la valeur vénale des propriétés. Le législateur ne s'est pas occupé du prix auquel on les achète, du prix d'affection qu'elles peuvent avoir pour les particuliers.

Le législateur s'occupe uniquement, exclusivement de la valeur vénale. Comment déterminer cette valeur vénale ? On sait combien de fraudes ont lieu en matière de droits d'enregistrement. Comment déterminer cette valeur autrement que par une expertise ?

L'honorable membre voudrait que l'on s'arrêtât à des évaluations tirées du cadastre. Mais ces évaluations tirées du cadastre ne sont nullement en rapport avec la valeur vénale.

Il est constaté que dans telles localités, dans telles circonscriptions, la vente des propriétés se fait à raison de 40 fois le revenu cadastral, que dans d'autres elle se fait à raison de 60 fois le revenu cadastral, que dans d'autres encore elle se fait à raison de 80 fois le revenu cadastral.

Comment déterminer une base fixe en présence de pareilles différences ? Si l'on voulait établir une moyenne, il y aurait évidemment injustice. Les propriétés dont la valeur serait inférieure à cette moyenne supporteraient un droit trop élevé. Les propriétés d'une valeur supérieure à la moyenne payeraient des droits trop faibles.

Cette question a été mûrement examinée, et on n'a pu lui donner la solution indiquée par l'honorable membre.

Dans la pratique, ces expertises sont faites avec soin, avec discrétion.

Il est constamment recommandé de ne pas s'attacher aux choses minimes, aux affaires insignifiantes pour lesquelles la perception des droits ne vaudrait certainement pas les frais auxquels on s'exposerait.

Je ne pense pas qu'on ait des motifs de se plaindre. Je n'ai pas entendu de réclamations bien vives dans le public.

Ces réclamations ne se sont pas produites dans la presse ; elles ne se sont pas produites dans cette enceinte. La manière de procéder de l'administration est, je crois, fort sage et fort convenable. L'honorable membre paraît supposer que l'on abandonne à la discrétion des receveurs qui y ont un intérêt direct le soin de requérir des expertises. Il se trompe. Les receveurs n'ont que le droit de proposer des expertises ; ils sont obligés d'accompagner cette proposition d'éléments propres à éclairer la religion d'agents supérieurs de l'administration. Ces éléments, qu'ils ont sous la main, ce sont les ventes faites dans la localité ou dans le voisinage pendant un certain nombre d'années.

Il est assez naturel d'induire de faits positifs, de faits constants que la valeur de l'immeuble a été dissimulée ou qu'elle n'a pas été fixée à son taux réel, alors même qu'il n'y aurait pas eu dissimulation.

Ce que je dis que la perception des droits d'enregistrement est basée sur la valeur vénale, explique comment, pour des acquisitions faites en ventes publiques ou dans des ventes par expropriation forcée, il peut y avoir lieu à recourir à l'expertise.

Mais tout le monde comprend que dans la circonstance d'une adjudication publique ou d'une expropriation forcée, où la fraude ne peut plus facilement se présumer, il est beaucoup plus difficile de faire admettre l'expertise. Il faut des circonstances tout à fait exceptionnelles.

Il m'est arrivé d'autoriser des expertises même lorsque des ventes avaient eu lieu par expropriation forcée. Par exemple, une vente est faite sous le coup des événements de 1848 en mars ou avril 1848 ; le vendeur était obligé de vendre, l'acheteur avait fait une bonne affaire, mais il n'avait pas acheté à la valeur vénale. Il ne suffit pas que l'on renseigne tout le prix donné de la chose, il s'agit de savoir si ce prix est, oui ou non, la valeur vénale. Il est arrivé qu'en pareil cas un supplément de droit a été versé ; mais je le répète, ce sont là des circonstances tout à fait exceptionnelles et fort rares ; pour qu'une expertise soit autorisée, il faut qu'il y ait réellement des motifs tout à fait suffisants pour le faire.

Remarquez d'ailleurs, messieurs, que ce n'est pas le fise qui prononce ; s'il y a contestation, ce sont les tribunaux. On a recours à la justice et c'est elle qui décide si la valeur déclarée était la valeur réelle.

Je recommanderai, du reste, comme je n'ai cessé de le faire, d'agir dans ces affaires avec la plus extrême circonspection.

M. Dumortier. - Messieurs, je dois appuyer l'observation qui a été faite tout à l'heure par l'honorable M. d'Hont au sujet des expertises faites surtout lorsque la vente a été faite aux enchères. Je ne conçois pas, pour mon compte, comment la valeur vénale peut s'établir autrement que par la vente publique.

Mais, dit M. le ministre des finances, en février 1848 une propriété a été vendue à un prix très bas, et celui qui l'a achetée a fait une bonne affaire ; il n'a donc pas payé la valeur vénale. Je soutiens, moi, qu'il a réellement payé la valeur vénale, ce qui était alors la valeur vénale à raison des circonstances, et en effet, messieurs, si la révolution avait pris de l'extension, si le socialisme avait triomphé, si la guerre avait éclaté, évidemment celui qui avait acheté, aurait fait une très mauvaise affaire.

Il n'y a, messieurs, rien au monde de plus intelligent que les capitaux ; si dans les moments de crise les propriétés ne se vendent pas aux prix auxquels elles se vendraient dans un moment de paix profonde, cela provient uniquement des chances auxquelles l'acquéreur s'expose ; mais la valeur vénale n'en est pas moins celle que donnent à la propriété toutes les circonstances qui occasionnent ou qui entourent la vente.

Pour mon compte, je dois le dire, messieurs, il n'y a dans tout le pays que des réclamations unanimes contre le système qui est suivi de faire des expertises à tout propos. Et puis, que vient dire l'administration ?

« Si vous ne voulez pas vous soumettre, vous plaiderez. »

Mais, messieurs, la partie est-elle égale ? Le gouvernement plaide avec les deniers publics, le particulier doit plaider avec ses propres deniers. Je dis que rien n'est plus déplorable que de voir ainsi les petits propriétaires mis en opposition avec le fisc et dans la nécessité de soutenir des procès où toutes les mauvaises chances sont de leur côté.

Il ne faut faire l'expertise que lorsqu'il est bien démontré qu'il y a abus, mais il ne faut pas que l'expertise soit en quelque sorte la règle.

Si, comme l'a dit notre honorable collègue, M. d'Hont, il était possible d'établir le droit d'après le revenu cadastral, ce serait une excellente chose ; celui qui voudrait acquérir une propriété saurait d'avance quel droit il y a à payer, et il n'y aurait jamais de contestation possible.

Je me rallie tout à fait à l'observation de l'honorable M. d'Hont.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La fraude doit être poursuivie, tout le monde est d'accord sur ce point ; personne n'entend approuver la fraude. Si l'on soupçonne la fraude, il faut employer les moyens légaux pour la réprimer ; or, dans le cas dont nous nous occupons, le moyen légal c'est l'expertise. Eh bien, l'administration de l'enregistrement, quand requiert-elle l'expertise ? Elle la requiert lorsqu'elle est convaincue, ou bien qu'il y a eu dissimulation, ou bien que le prix déclaré, même tel qu'il a été payé, n'est pas en rapport avec la valeur vénale.

L'honorable M. Dumortier nous dit : Mais rien ne présente plus de sécurité que la vente par adjudication publique, et lorsqu'il y a eu vente par adjudication publique, on devrait s'en tenir au prix déclaré.

Je dis d'abord, messieurs, qu'en règle générale, cela présente beaucoup de garantie, qu'en règle générale, il n'y a pas lieu de requérir l'expertise lorsque la vente a eu lieu publiquement, aux enchères ; mais l'honorable membre se trompe s'il suppose que jamais il ne puisse y avoir d'achat au-dessous de la valeur vénale, alors que la vente a eu lieu de cette manière : je suppose que dans une vente par expropriation forcée, un créancier inscrit se présente pour acquérir l'immeuble ; il doit nécessairement l'acquérir pour couvrir sa créance ; si les concurrents sont bien convaincus que le créancier inscrit veut faire l'acquisition, ils n'enchériront pas et alors la vente se fera à un prix tout à fait insuffisant. Dans ce cas il est bien évident que l'on devrait faire l'expertise parce que l'acquéreur n'aurait pas payé la valeur vénale.

Toutefois, je le répète de nouveau, messieurs, l'expertise n'est autorisée que lorsqu'il y a des éléments suffisants de preuve et presque toujours, si pas dans tous les cas, l'administration obtient gain de cause en pareille matière.

L'honorable M. Dumortier dit qu'il n'y a qu'un cri dans le pays contre les expertises. Je ne sais qui a entendu ce cri si ce n'est l'honorable membre ; le fait est que les contestations vont toujours en diminuant et lorsqu'on discutera le budget de mon département je le prouverai. Mon opinion est que l'administration ne doit plaider que lorsqu'elle a évidemment raison. L'administration ne doit pas s'exposer à perdre son procès. Il arrive quelquefois qu'il y a une question de principe à décider et alors il faut bien recourir aux tribunaux, mais, suivant moi, l'administration ne doit plaider que lorsque le succès paraît évident.

M. Dumortier. - Messieurs, il m'est impossible d'admettre le système de M. le ministre des finances.

Il vient nous dire que lorsqu'une propriété est vendue publiquement aux enchères, la valeur vénale n'est pas, pour cela, déterminée, qu'il peut se faire que, même aux enchères, l'immeuble ait été vendu au-dessous de sa valeur. Cela peut arriver, mais il n'en est pas moins vrai que le prix obtenu est bien réellement la valeur vénale. Que si au contraire, par l'effet d'une concurrence extraordinaire, par exemple, une propriété se vendait au-dessus de sa valeur, oh ! alors, vous seriez mal reçu si vous veniez dire au fisc : « J'ai payé cette propriété 25 p. c. au-dessus de sa valeur ; vous allez me réduire de 25 p. c. sur le prix de l'achat. » Vous le voyez, messieurs, il y a ici deux poids et deux mesures.

Mais, dit M. le ministre des finances, les réclamations dont parle M. Dumortier ne sont parvenues qu'à cet honorable membre.

Chacun de vous, messieurs, a pu entendre ces réclamations.

Il est un fait incontestable ; c'est que le gouvernement perd en justice une très notable partie des procès qu'il intente. Cela prouve à la dernière évidence que ces procès ne sont pas aussi fondés que M. le minisire des finances vient de le dire.

Je maintiens que, dans un pays libre comme la Belgique, tout ce qui ressemble à des vexations fiscales doit être banni ; et qu'il n'y a pas de vexation plus criante que celle qui consiste, quand une vente publique a eu lieu, à exiger des droits d'enregistrement, à raison d'un prix d'achat supérieur à celui auquel l'achat a eu lieu réellement.

C'est principalement sous ce dernier rapport que j'appuie l'observation de l'honorable M. d'Hont, à savoir : qu'il serait préférable que le droit d'enregistrement pût être calculé à raison de la valeur cadastrale.

M. Cools. - Messieurs, j'ajouterai, à mon tour que, quoi qu'en dise M. le minisire des finances, des plaintes nombreuses s'élèvent dans le (page 255) pays, en ce qui concerne la fixation du droit que réclament les receveurs pour la transmission des propriétés. Rien n'est plus incertain ni d'une appréciation plus difficile que la valeur vénale.

Je crois qu'il y a quelque chose à faire. Il faudrait tâcher d'arriver à une règle d'appréciation. C'est un objet que je recommande à l'attention de M. le ministre des finances. Bientôt nous nous occuperons du projet de loi sur le crédit foncier, qui a quelque rapport avec la question dont il s'agit. Ce projet détermine de quelle manière on arrivera à l'appréciation de la valeur d'après laquelle on fixera les créances hypothécaires. Il y a à examiner si on ne pourrait suivre une marche analogue pour ce qui concerne la redevance du droit d'enregistrement et de transmission. Je le répète, c'est un objet à examiner. Peut-être arriverait-on, en modifiant légèrement le projet relatif au crédit foncier, à former un registre terrier général. Mais en tout cas, des plaintes nombreuses s'élèvent dans le pays sur l'arbitraire qui règne dans la fixation des droits de mutation et bien souvent ces plaintes sont fondées.

- L'article Enregistrement est mis aux voix et adopté.


M. le président. - M. Osy a demandé la parole sur l'article Successions.

M. Osy. - Messieurs, dans le budget des voies et moyens, on porte, à raison des successions, un chiffre de 6 millions, basé sur les lois actuellement en vigueur. Or, vous vous rappelez qu'il y a deux ans, on vous a présenté un projet de loi sur les successions, et qu'à la presque unanimité la chambre l'a ajourné, avec le consentement du gouvernement. Personne n'ignore que le pays se préoccupe beaucoup de ce point. Pour ma part, je ne veux pas d'impôt en ligne directe. Je désirerais savoir ce que M. le ministre des finances compte faire du projet de loi dont la chambre n'a pascessé d'être saisie ; je serais fort heureux d'apprendre que le gouvernement est dans l'intention de le retirer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la section centrale du budget des voies et moyens m'a soumis une question analogue à celle qui vient de m'être faite par l'honorable M. Osy. Ma réponse a été celle-ci : « Vous connaissez la situation tout aussi bien que moi ; vous l'avez constatée ; vous savez si elle exige des remèdes. Le gouvernement a proposé des mesures ; il ne s'arrête pas à ces mesures ; il doit nécessairement en proposer d'autres. Si quelqu'un dans la chambre croit pouvoir indiquer de meilleurs projets, des mesures plus efficaces, pouvant donner les mêmes ressources à l'Etat (c'est le point capital) nous ne demandons pas mieux que de nous y rallier. » Je ne puis que répéter cette déclaration.

Pour le projet de loi spécial dont vient de s'occuper l'honorable préopinant, il est complexe. Le projet s'occupe d'abord de l'impôt en ligne directe, puis du serment ; ensuite il introduit une série de modifications qui ont bien aussi leur importance.

Le gouvernement a saisi la chambre de ce projet de loi ; la chambre en a ajourné l'examen : il reste à l'ordre du jour de la chambre. L'assemblée, lorsqu'elle le jugera convenable, discutera le projet, ou le gouvernement, quand il croira le moment opportun, pourra demander que la loi soit remise en discussion ; et alors la chambre appréciera ce qu'elle croit devoir faire.

Mais je répète encore une fois ce que je disais dans la discussion même de la loi sur les successions : si l'on peut indiquer des ressources suffisantes, efficaces, complètes, ayant le même caractère de justice et d'équité, je ne demande pas mieux que d'adhérer aux propositions qui seront faites. Jusqu'à présent, je n'en ai pas vu se produire ; je ne vois qu'une chose : c'est une répuguanec invincible pour toute espèce d'impôt.

Je suis malheureusement convaincu que toute proposition faite sera une proposition mauvaise ; que la proposition bonne sera celle qui ne sera pas faite. On condamnera toute espèce d'impôts nouveaux, en faisant un appel à d'autres améliorations.

Tenez, messieurs, je vous en fais juges. Jetez les yeux sur le rapport de la section centrale : la section centrale, avec la meilleure volonté du monde, sans doute, que vous dit-elle, à propos des ressources à créer ? Après avoir elle-même constaté, d'accord avec moi, quelle était véritablement la situation, la section centrale nous dit que lorsqu'on aura réglé le tarif des chemins de fer, revisé les droits d'enregistrement, de timbre, de douanes et d'accises, on verra ce qu'on pourra faire pour créer des ressources qui sont indispensables au trésor !

Créer des ressources au trésor ! Ce n'est pas cela que l'on veut ; ce qui se manifeste, ce qui se traduit par là, c'est la répugnance à voter de nouveaux impôts. Mais croit-on donc que nous n'avons pas nous-mêmes cette répugnance, croit-on que ce soit de gaieté de cœur que nous venons réclamer de nouveaux impôts ? N'est-ce pas parce que nous sommes en face d'une nécessité impérieuse ? Et n'avons-nous pas fait, quant aux économies, tout ce qu'il était humainement possible de faire ? A quelle époque a-t-on fait plus sous ce rapport ? Quelqu'un en demande-t-il davantage ?

Est-ce que aujourd'hui même, quant au budget de la guerre, nous n'avons pas fait preuve de l'esprit le plus conciliant et le plus modéré ?

Nous désirons faire complètement, utilement, loyalement les affaires du pays. C'est pour cela que nous demandons des impôts. S'il n'y avait pas la plus grande nécessité à le faire, nous ne viendrions pas en réclamer.

Je prie la chambre d'être attentive à cette situation. Le péril n'est pas toujours à la frontière ; on périt aussi par les finances. Il y a là un danger très réel.

Qui donc ignore notre situation, messieurs ? Vous avez un découvert de 31 millions ; ce découvert de 31 millions, ce n'est pas sans doute une chose bien épouvantable.

Mais avec quoi pouvez-vous y faire face ? En empruntant une certaine somme. Eh bien ! lorsque vous aurez éteint une partie de votre passif à l'aide de cette réalisation, votre situation au fond ne sera nullement améliorée. Il vous restera toujours des dépenses plus considérables que vos recettes. Veut-on laisser subsister un pareil état de choses ? Peut-il convenir à une majorité libérale, représentée au pouvoir par un cabinet libéral, de laisser une situation pareille se perpétuer et s'aggraver ? Je ne le pense pas. Quant à moi, je crois qu'il y va de son honneur, de sa dignité de faire tout ce qui est possible pour assurer une position convenable au pays.

M. Osy. - Vous voyez, messieurs, que M. le ministre des finances ne tient pas beaucoup à sa loi. Il nous engage à indiquer d'autres ressources au trésor. Mais il est impossible à aucun membre de la chambre de présenter une loi d'impôt. Cela appartient à l'initiative du gouvernement. Mettons-y de la franchise, si le gouvernement annonçait franchement le retrait du projet de loi sur les successions, ce serait à lui à proposer d'autres impôts ; mais il n'en cherchera pas aussi longtemps qu'il aura l'espoir que ce projet de loi passera.

D'après la grande répugnance de la chambre sur cet impôt en ligne directe, j'engage le gouvernement à déposer un arrêté royal portant retrait du projet de loi. Alors, connaissant la situation financière, il cherchera les moyens d'augmenter les impôts.

M. d'Elhoungne. - Je dois prier l'honorable préopinant de ne pas perdre de vue le caractère de la loi sur les successions qui a été soumise à la chambre par l'honorable ministre des finances et qui figure encore à son ordre du jour.

Cette loi est complexe, parce que non seulement elle s'occupe des successions en ligne directe, mais elle s'occupe encore des successions en ligne collatérale, et elle apporte à tout ce régime de l'impôt en matière de successions de notables améliorations de détail.

Il est absolument impossible que le gouvernement vienne, même s'il suivait le système de l'honorable M. Osy, nous déclarer qu'il renonce à la loi sur les successions.

Le ministère ne saurait lui-même préjuger la question de l'impôt des successions en ligne directe.

La nécessité de l'impôt en ligne directe ne sera que la conséquence, en effet, des résultats financiers que vous obtiendrez de la révision générale de la législation sur les droits de succession.

Si la chambre est portée à augmenter la quotité de l'impôt en ligne collatérale, ce sera une raison pour le gouvernement de ne pas tenir à l'augmentation de l'impôt en ligne directe. Si, d'un autre côté, pour prévenir les fraudes qui se commettent, on prenait d'autres mesures qui rendissent les dispositions actuelles plus productives, ce serait encore un motif de plus pour amoindrir et même pour abandonner l'impôt proposé en ligne directe.

Pour apprécier l'importance financière de cette mesure, on pourra enfin avoir égard à d'autres propositions qui seraient faites. Mais quant à présent, toute résolution prise de retirer le projet de loi, toute déclaration de principe serait chose prématurée. Je crois que le gouvernement ou les chambres auraient tort de s'engager dans la voie où l'honorable M. Osy les convie à entrer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne veux rien ajouter aux explications qui viennent d'être données par l'honorable M. d'EIhoungne. La loi ne peut pas être retirée. Je veux seulement relever un mot de M. Osy. Cet honorable membre demande de la franchise ; je crois n'en avoir pas manqué ; je n'ai rien tu, rien dissimulé ; je me suis expliqué sans détours ; de telle sorte que chacun a pu parfaitement comprendre que mes propositions subsistent. Aussi longtemps qu'on ne m'aura pas indiqué d'autre ressource, je n'aurai aucune raison de changer. Je sais parfaitement qu'un membre ne peut combiner une loi d'impôt pour en saisir la législature ; aussi dis-je que tant qu'on ne m'aura pas indiqué d'autres ressources sérieuses, réelles, justes, équitables, d'une efficacité incontestable, je serai obligé de rester dans la situation où j'ai été jusqu'à présent, et je maintiendrai les propositions qui ont été faites à la chambre.

M. Dumortier. - Ce n'est pas à nous à prendre l'initiative des lois de finance et à faire le métier de ministre. Si des impôts nouveaux doivent être établis, c'est au ministre à nous les proposer, à nous de les accepter ou de les rejeter. Il ne faut pas intervertir les rôles ; le rôle de député n'est pas de dire : Vous devez demander tel ou tel impôt, mais de juger si les impôts proposés par le gouvernement sont nécessaires d'abord, et en second lieu, s'ils sont justes dans leur application. Chaque fois que nous repoussons un impôt nouveau, parce que nous le trouvons injuste ou mal établi, on nous répond : Indiquez-nous d'autres ressources ; et chaque fois que nous avons indiqué d'autres ressources, comme celles qu'on peut tirer du chemin de fer, le gouvernement nous a toujours combattus, a toujours repoussé nos propositions.

Je n'accepte donc pas la position que M. le ministre veut nous faire. C'est à lui, je le répète, à nous proposer les impôts qu'il croit nécessaires, à nous de les rejeter ou de les accepter. Au reste, quand nous arriverons à l'article du chemin de fer, j'aurai l'honneur de faire remarquer qu'il est très possible d'augmenter les revenus de l'Etat sans établir de nouveaux impôts.

- La discussion est close.

L'article est mis aux voix et adopté,

M. le président. - Nous passons au chapitre des péages.

(page 256) - Un grand nombre de voix. - A demain ! à demain !

- La discussion est renvoyée à demain.

M. le président. - M. le ministre de la justice a fait parvenir au bureau des amendements au projet de loi relatif au régime hypothécaire.

- Ces amendements seront imprimés et distribués.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur informe la chambre que des renseignements ont été pris sur la pétition datée de Windeghem, et que le nom du signataire de cette pétition y est inconnu.

- La séance est levée à 5 heures.