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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 7 mai 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1284) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Perceval lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les membres du conseil communal d'Esschen réclament l'intervention de la chambre pour que cette commune obtienne le payement des moyens de transport qu'elle a été obligée de fournir à l'armée hollandaise en 1830, et une indemnité pour les pertes qu'elle a essuyées à la même époque. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs cultivateurs de Borsbeek demandent une loi qui déclare non imposables les engrais et notamment les matières fécales. »

- Même renvoi.


« Plusieurs propriétaires demandent une loi qui facilite l'expulsion des locataires de maisons ou parties de maisons d'un loyer inférieur à 15 francs par mois. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Rumbeke demande que le projet d'un chemin de fer de Courtray à Ypres par Menin et Wervicq soit remplacé par une ligne de Deynze à Ypres, traversant Thielt et Roulers. »

- Même renvoi.


« Même demande des conseils communaux de Kemmel, Houthem, Woesten, Crombeke, Westvleteren, Messines, Neuve-Eglise et des habitants de Proven, Reninghelst, Comines, Houthem. »

- Même renvoi.


« Plusieurs propriétaires riverains de l'Escaut en amont d'Audenarde demandent le prompt achèvement du canal de Deynze à Schipdonck et sa continuation jusqu'au canal de Zelzaete, le creusement d'un canal de dérivation partant de Meirelbeke et rejoignant le bas Escaut à Melle, et l'ouverture à Gavre de voies d'écoulement secondaires. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Plusieurs industriels et commerçants de Mariembourg demandent que le gouvernement donne à la compagnie concessionnaire du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-.Meuse toutes les facilités possibles pour l'aider à construire la section de Walcourt à Vireux. »

« Même demande des industriels et commerçants de Dombes, Nismes, Olloy, Vierves, Treignes, Boussu-en-Fagne, Roussu-lez-Walcourt, Erpion, Froid-Chapelle, Oignies, Senzeilles, Mazée, Cerfontaine, Daussois et des conseils communaux de Treignes, Mesnil, Malagne, Senzeilles, Froid-Chapelle, Gimnée, Boussu-en-Fagne, Cerfontaine, Dombes, Fagnolle, Doische, Vierves, Nismes, Olloy, Niverlée, Muzée, Daussois, Soumoy, Matagne-la-Petite, Boussu-lez-Walcourt, Romérée, Erpion, Marienbourg, Villers-deux-Eglises et Frasnes. »

M. de Baillet-Latour. - Je proposerai à la chambre de renvoyer cette requête à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport et avec prière de comprendre dans ce rapport la pétition qui a été adressée précédemment à la chambre et dont la commission doit également s'occuper.

- Cette proposition est adoptée.


M. le Bailly de Tilleghem demande un congé.

- Accordé.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire pour régulariser l'avance faite en 1839 à la Banque d'industrie à Anvers

Dépôt

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire pour régulariser les avances faites par le trésor à l'ancienne caisse de retraite du département des finances

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) dépose deux demandes de crédits, l'un de 467,000 fr. pour régulariser l'avance faite en 1839 à la Banque d'industrie à Anvers ; l'autre de 815,936 fr. pour régulariser les avances faites par le trésor à l'ancienne caisse de retraite du département des finances.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets et les renvoie à l'examen des sections.

Motion d'ordre

Inondations de la vallée de l'Escaut

M. Liefmans (pour une motion d'ordre). - Messieurs, une pétition signée par quelques habitants de l'arrondissement d'Audenarde appelle l'attention de la chambre sur l'état désastreux où se trouvent les prairies de la vallée de l'Escaut. Cette pétition a été faite dans le courant de la semaine dernière, et j'ose affirmer que les pétitionnaires ont exprimé un vœu généralement formé par tous les habitants de notre arrondissement. C'est qu'alors les inondations étaient encore générales dans toute la vallée.

Cependant on signalait partout que les autres rivières étaient rentrées dans leur lit ; la Lys, la Dendre étaient tout à fait soulagées. Quant à l'Escaut lui-même, il ne présentait plus rien d'extraordinaire à Gand, mais il est à remarquer que depuis Tournay jusqu'à Audeiiarde, l'Escaut débordait en différents endroits, et que depuis Audenarde jusqu'aux portes de Gand l'inondation existait sur une immense étendue de terrain. Il y a trois semaines, nous avons eu, l'honorable M. Delehaye et moi, l'honneur de dire à M. le ministre des travaux publics qu'il existait un vice dans le système d'écoulement des eaux de l'Escaut, puisque à cette époque on constatait dans la ville de Gand une baisse de 20 à 25 centimètres, tandis que dans la ville d'Audenarde il y avait une hausse de 5 à 6 centimètres.

J'ai eu l'honneur d'appeler l'attention toute particulière de M. le ministre sur l'existence de certains obstacles, sur la réalité d'un vice qui se démontrait aussi aisément.

J'avais pris sur moi de lui prédire alors que les eaux qui sont restées stationnaires dans la vallée de l'Escaut pendant trois semaines ne se seraient point complètement écoulées avant le milieu du mois de mai, en admettant même que la saison aurait été favorable. Nous avions raison alors, mais aujourd'hui tout espoir doit disparaître, il ne nous reste que la certitude d'incalculables dégâts. Déjà une grande partie des récoltes est compromise, compromise pour les hautes prairies, totalement perdue pour les prairies basses.

Pendant tout le temps qui s'est écoulé depuis le 18 avril, il n'y a eu qu'une baisse de 3 à 4 centimètres à l'écluse d'Audenarde ; les eaux ont continué leurs ravages sans interruption. Malheureusement hier elles sont arrivées à Audenarde plus abondantes que jamais.

Les pluies violentes et toutes les eaux qui nous sont déversées par les canaux de France ont augmenté leur masse déjà effrayante et nous ont envahis de façon qu'à l'heure qu'il est, je puis affirmer qu'à Audenarde et dans les environs, il y a une crue tellement extraordinaire que de mémoire d'homme on n'en a pas vu de pareille à l'époque actuelle de l'année. Ce ne sont plus les prairies seulement que les eaux ont submergées. Entre Audenarde et Gand elles ont envahi les chemins publics, les terres ensemencées, les habitations. De nombreuses parties de froment, de colza disparaissent sous les eaux ; de grandes quantités de lins sont entièrement perdues ; les blanchisseries sont submergées et la navigation est devenue impossible.

Messieurs, dans ces circonstances, vous concevez l'intérêt qui s'attache à la pétition des habitants d'Audenarde ; vous comprenez combien il est urgent de prendre des mesures. Je n'en réclame pas pour le moment qui exigent de grandes dépenses et beaucoup de temps. L'occasion de les discuter devra se présenter bientôt ; mais je demande à M. le ministre des travaux publics si depuis que j'ai eu l'honneur de lui signaler l'une des cause des inondations, il a été avisé aux moyens de faciliter l'écoulement des eaux qui sont restées si longtemps stationnaires entre Tournay et la ville d'Audenarde. Je désire que M. le ministre puisse me déclarer positivement, comme je l'espère, qu'aucune écluse n'a empêché le prompt écoulement des eaux.

Messieurs, s'il en est ainsi, il reste un point à constater, et j'appelle sur ce point toute l'attention de la chambre. C'est que les eaux sont empêchées dans leur cours près de la ville de Gand ; et cela est vrai, puisque hier au soir, dans l'intérieur de cette ville, les eaux étaient encore peu élevées. Le mal provient de bas-fonds ou de barrages qui empêchent les eaux d'arriver à Gand. Ce mal, il vous est signalé, il faut y apporter un prompt remède. Je propose donc, tout en priant M. le ministre dés travaux publics de prendre toutes les mesures qui sont en son pouvoir pour délivrer notre arrondissement du fléau des inondations, d'engager la commission des pétitions à nous présenter aussitôt que possible un rapport sur la pétition dont l'analyse vous a été lue au début de la séance.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, chaque année, des inondations causent de très grands ravages dans les Flandres. Pour améliorer le régime des eaux, il reste un ensemble de travaux à exécuter. Cette question est à l'étude depuis très longtemps, et je suis persuadé que l'honorable ministre des travaux publics tiendra à honneur de lui donner une prompte solution.

L'honorable M. Liefmans s'est plaint de ce que les écluses auraient été fermées à Gand.

M. Liefmans. - Je demande pardon.

M. T’Kint de Naeyer. - Cette assertion n'est pas fondée ; hier, l'eau s'élevait à Gand à 51 centimètres au-dessus de la jauge d'été. Il ne suffirait pas d'améliorer le cours du haut Escaut ; si les eaux arrivent avec plus de rapidité à Gand, il faudra aussi se préoccuper des moyens de les dégager.

Sous ce rapport, le prompt achèvement du canal de Schipdonck sera un grand bienfait, mais il sera nécessaire de prolonger le canal jusqu'à Heyst, si l'on veut atteindre le but que l'on s'est proposé.

J'appelle sur ce point la sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics : il s'agit ici d'un intérêt vital pour les Flandres. Car non seulement, comme l'honorable M. Liefmans l'a fait observer, les campagnes sont ravagées ; mais, dans les villes, l'industrie et le commerce en souffrent. Il y a un nombre considérable d'usines à Gand, qui sont obligées de chômer.

Je me joins donc à l'honorable M. Liefmans pour engager le gouvernement à donner le plus tôt possible une solution à l'importante question de l'amélioration du régime des eaux dans les Flandres.

M. Delehaye. - Messieurs, déjà plusieurs fois j'ai eu occasion de le dire dans cette chambre : on se trompe singulièrement, quand on croit que des inondations dans la vallée de l'Escaut, notamment entre Tournay et Audenarde, proviennent de la fermeture des écluses à Gand ; pendant la crue des eaux, nos écluses n'ont pas été fermées et je puis en administrer la preuve immédiatement : c'est qu'alors qu'on se plaignait partout d'inondations aux environs de Tournay et (page 1285) d'Audenarde, on ne signalait pas de crue d'eau de Gavre à Gand, les eaux ne dépassaient pas le niveau ordinaire. Or, si les écluses avaient été fermées à Gand, il y aurait eu inondation en amont de cette ville ; cela est certain ; le gouvernement doit avoir plus que nous la preuve que l'Escaut ne peut plus satisfaire à tous ses besoins comme autrefois. On l'a déjà signalé.

Pour mettre un terme aux inondations d'Audenarde à Gand et d'Audenarde à Tournay, il avait été mis à la disposition du gouvernemenl une somme de cent et tant de mille francs pour faire des travaux dans le haut Escaut.

Ces cent mille francs étaient destinés à donner au haut Escaut une pente plus régulière. Avec cette somme, dont on n'a pas encore fait emploi, il serait facile de remédier aux inconvénients signalés. Il y a dans les Flandres quantité de travaux commencés qui sont sans utilité tant qu'ils ne sont pas achevés, et qui rendront de grands services quand ils seront terminés.

Des dépenses considérables ont été faites pour le canal de Schipdonck ; tant que ce canal ne sera pas poussé jusqu'à Heyst, il ne sera d'aucune utilité ; indépendamment de ce canal, il faut faire au haut Escaut les travaux que j'ai signalés tantôt. J'engage le gouvernement à mettre le plus tôt possible la main à l'œuvre dans le haut Escaut ; les fonds ont été votés par la chambre, il ne s'agit plus que d'exécuter les travaux. Je ne comprends pas qu'en présence de toutes ces pertes dont on se plaint, on n'ait pas encore songé à commencer.

Les Flandres, depuis 1830, ont perdu une partie des voies d'écoulement qu'elles possédaient ; leurs eaux s'écoulaient par le territoire hollandais. Cette voie nous a été enlevée. La chambre a compris que cet événement a porté atteinte à la prospérité agricole des Flandres.

Nous avons voté les fonds pour la première partie du canal de Schipdonck, comment se fait-il que le gouvernement ne songe pas à achever son œuvre ? Il satisferait aux besoins du Hainaut comme aux nôtres. Comment se fait-il que le gouvernement résiste aux réclamations universelles qui émanent des trois provinces ?

Ainsi l'obstacle à l'écoulement des eaux ne provient pas de la ville de Gand.

Si cela était, la ville de Gand en souffrirait la première. Les travaux à Gand ne seront pas utiles dans le sens qu’on l'entend à Gand. Nous sommes très heureux que tous nos travaux hydrauliques fonctionnent et permettent aux eaux de l'Escaut inférieur de se déverser vers la mer.

Je prie le gouvernement de ne pas perdre un instant pour faire les travaux en amont de Gand et, dans l'intérêt de la Flandre occidentale, de ne pas négliger les travaux qui restent à faire au canal de Schipdonck. Ce sont les seuls moyens de mettre un terme aux désastres qu'on luisignale.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne révoque pas en doute la gravité des faits que l'honorable M. Liefmans a signalés à la sollicitude du gouvernement. Il n'est que trop vrai que des dégâts considérables ont été occasionnés par la récente crue extraordinaire des eaux de l'Escaut.

Il est à remarquer, toutefois, que le gouvernement n'a pas perdu cet objet de vue. Depuis une dizaine, d'années l'on a consacré à l'amélioration de la vallée de l'Escaut des sommes considérables. Le barrage de Warcoing en construction doit absorber une somme d'environ deux cent mille francs. Il est à remarquer aussi que les ouvrages d'art pour le canal de Deynze à Schipdonck sont, je pense, achevés et qu'à la fin de cette année-ci ce canal sera en communication avec la Lys, de telle sorte qu'à partir de ce moment, lorsqu'on pourra débarrasser le bassin de Gand du trop plein des eaux de la Lys, on pourra aviser aux mesures qu'il conviendra de prendre dans l'intérêt de la vallée de l'Escaut ; on pourra alors, constatant les effets du canal de dérivation, accélérer l'arrivée des eaux de l'Escaut à Gand, en cas de crue extraordinaire.

Messieurs, dans les sommes qui sont portées annuellement au budget des travaux publics, il y a environ 700,000 fr. qui sont exclusivement destinés à des travaux extraordinaires en faveur des voies navigables.

Le gouvernement continuera à donner toute son attention à cet objet important.

M. Liefmans. - Mon intention, quand j'ai eu l'honneur de prendre la parole, n'a pas été d'accuser le ministère d'être resté inactif, ou d'accuser les administrations précédentes de n'avoir rien fait du tout. Les pétitionnaires eux-mêmes ont signalé qu'en présence des grands désastres qu'on a eu à déplorer depuis quelques années, le gouvernement avait entrepris certains travaux d'amélioration, s'était efforcé de remplir son devoir.

On signale seulement à la chambre que les travaux exécutés et ceux qui sont en voie de l'être n'obtiendront pas le résultat qu'on en attend. Les moyens proposés par les pétitionnaires tendent à faire voir que les mesures prises jusqu'ici sont insuffisantes.

Je n'ai pas eu non plus l'intention de dire que Gand avait retenu les eaux au détriment des propriétés supérieures. Tout au contraire, j'ai constaté que les eaux étaient extrêmement basses à Gand, précisément parce qu'on en a favorisé l'écoulement ; et à ce sujet j'ai été à même d'être suffisamment éclairé.

Partant de ce point, j'ai déclaré que je constatais ce fait, qu'il y avait un obstacle aux environs de Gand, puisque chez nous l'Escaut est complètement débordé, tandis qu'à Gand on est débarrassé du trop plein qui pourrait affliger la ville.

Je dis que si l'on a fait de grands travaux d'utilité publique, si l'on a dépensé des sommes considérables pour la construction du canal de Schipdonck, il est constant, d'un autre côté, que ces dépenses n'ont pas abouti. D'où cela provient-il ? C'est que nous sommes inondés, non par les eaux de la Lys, mais par les eaux qui viennent de la France, où l'on a fait de nombreux canaux ; et de là la conséquence que les eaux se déversent sur Audenarde en plus grande abondance et avec plus de rapidité que précédemment.

Les voies pour l'écoulement des eaux n'ont pas subi de changement notable à Audenarde. Elles ont même été rétrécies à Gavre, tandis que les barrages qu'on a construits en amont n'ont pas empêché les eaux d'arriver plus considérables et plus rapides que par le passé. Les eaux que les canaux de la France nous amènent doivent passer par Audenarde. Les ouvertures qui existent à Tournay, pour leur écoulement, sont dans la proportion de 100 mètres sur 66 à Audenarde et 55 à Gavre.

Je n'entends pas garantir l'exactitude de ce chiffre, mais je crois pouvoir le présenter comme chiffre approximatif. S'il est exact, il en résulte que les eaux sont retenues devant les écluses d'Audenarde, et doivent causer des inondations qui seront plus considérables encore près de Gavre, où les issues sont moins spacieuses encore que dans cette ville.

Mais ce qui est bien certain, messieurs, c'est que les eaux entre Gand et Audenarde n'ont plus les mêmes issues qu'autrefois ; c'est qu'à Gavre surtout les voies d'écoulement ne sont plus les mêmes ; elles ont été en partie supprimées et en partie rétrécies. C'est là une des causes des inondations ; car les travaux qui ont été faits jusqu'ici à l'Escaut n'ont eu pour effet que de faire arriver les eaux à Gavre plus rapidement qu'autrefois, et ces eaux, arrivées à Gavre, se trouvent refluées et occasionnent ces grandes inondations que nous déplorons en ce moment.

Je constate quelque chose de plus, c'est que près de Gand il doit y avoir un barrage plus considérable encore, et que les eaux ne peuvent même arriver ni facilement ni régulièrement à Gand. Ce qui le prouve, c'est que le mouvement de hausse et de baisse des eaux de l'Escaut n'est pas uniforme partout.

En effet, s'il n'en était pas ainsi, on conçoit que l'augmentation des eaux serait la même à Gand et à Audenarde ; il y a des obstacles évidemment : ce sont ces obstacles qu'il faut enlever.

Il ne faut pas croire, messieurs, qu'on ait encore les mêmes voies d'écoulement qu'antérieurement. On peut indiquer à Gavre les traces de fossés et aqueducs qui sont aujourd'hui fermés. On constaterait probablement la même chose ailleurs.

Messieurs, pour remédier à un état de choses aussi déplorable que celui dont les habitants de notre arrondissement ont à se plaindre, il ne faut pas des constructions qui peuvent entraîner des frais de plusieurs millions ; des travaux peu coûteux suffisent. Il ne s'agit pas de millions, mais de trois à quatre cent mille francs au plus.

Que l'on commence par rectifier le cours de l'Escaut en ce sens qu'on donne une issue plus facile aux eaux vers le bas Escaut, et soyez persuadés que l'on obtiendra des résultats plus avantageux que par le canal de Schipdonck et tous les travaux qu'on a entrepris jusqu'à nos jours. Ces dépenses peu importantes trouveront leur compensation dans l'immense bienfait qu'on procurera à la vallée si étendue et si riche de l'Escaut.

M. Delehaye. - Comme M. le ministre des travaux publics vous l'a dit, le canal de Schipdonck pourra certainement répondre en partie aux besoins qui ont amené sa création. Je suis convaincu qu'il aura pour effet de débarrasser l'Escaut des eaux de la Lys. Mais que M. le ministre des travaux publics soit persuadé qu'aussi longtemps que l'on n'aura pas rectifié le cours de l'Escaut, comme vient de le dire l'honorable M. Liefmans, on n'aura rien fait pour la partie supérieure de l'Escaut.

Quoi qu'on en dise, il est certain qu'il n'y avait pas d'inondation entre Gavre et Gand, alors qu'il y en avait de fortes aux environs de Tournay et d'Audenarde. Ce n'est donc pas à Gand qu'est le principal barrage, c'est à Gavre ; et je crois que c'est là que le gouvernement doit mettre immédiatement la main à l'œuvre pour rectifier le cours. C'est au barrage de Gavre qu'il faut attribuer en partie les inondations qui affligent les environs de Tournay et d'Audenarde.

Le canal de Schipdonck sera d'une haute utilité ; il allégera le bas Escaut en le débarrassant des eaux de la Lys. Mais en attendant, le gouvernement ferait bien de s'occuper de la rectification du cours de l'Escaut, et surtout à Gavre.

Messieurs, soyez d'ailleurs persuadés que l'obstacle à Gand ne peut être considérable. Car lorsque les eaux arrivent avec force à Gand, le premier résultat est de causer des inondations en amont de Gand. Or l'inondation en amont de Gand ou dans la ville de Gand, c'est la même chose. Car les principales écluses qui existent à Gand se trouvent non en amont de la ville, mais dans le milieu de la ville.

J'engage le gouvernement, dans l'intérêt de nos finances, car vous allez avoir des réclamations considérables pour obtenir l'exemption de la contribution foncière, je l'engage à prendre des mesures pour éviter, à l'avenir, ces grandes pertes. Il est temps, dans l'intérêt de l'agriculture, qu'on mette un terme à ces inondations. C'est ce que le gouvernement pourra faire s'il rectifie le cours de l'Escaut dans sa partie défectueuse.

M. Dumortier. - Messieurs, quoique député du district de Roulers, je crois ne pouvoir garder le silence dans une matière que j'ai souvent traitée dans cette enceinte. La question des inondations de l'Escaut, messieurs, est une des plus graves que vous puissiez discuter, et l'inondation qui a lieu en ce moment est d'une nature telle qu'il n'y a point d'exemple, depuis 1816, que la vallée de l'Escaut se soit trouvée dans un pareil état, depuis Tournay jusqu'à Gavre, c'est-à-dire sur une étendue de plus de vingt lieues. Il est indispensable qu'un remède (page 1286) immédiat soit apporté à un aussi grand mal. Il y a environ dix ans qu'une commission, nommée par les provinces de la Flandre occidentale et du Hainaut, avait été chargée d'examiner ce qu'il y avait à faire pour remédier aux inondations auxquelles la vallée de l’escaut est sujette. Cette commission avait présenté un système excessivement simple ; il s’agissait de faire un petit embranchement du canal depuis Zwynaerde jusqu’au bas Escaut.

Eh bien, que vous a-t-on dit ? Nos honorables collègues, les députés de Gand, vous ont dit : Faites le canal de Schipdonck, qui est le canal de la Lys, et vous n'aurez plus d'inondations de l'Escaut. Nous eûmes beau objecter que ce canal n'amènerait aucun changement, la chambre ne voulut pas nous entendre ; elle vota, sous prétexte des inondations de l'Escaut, un canal dispendieux fait exclusivement pour la Lys et la ville de Gand, et aujourd'hui l'Escaut se trouve dans une position plus fâcheuse que celle où elle s'est trouvée à une époque quelconque.

On dira peut-être que le canal n'est pas terminé. Mais que le canal soit cent fois terminé, il n'en résultera aucun avantage pour la vallée de l'Escaut. Ce n'est pas la Lys qui déborde, c'est l'Escaut ; et vous aurez beau faire un canal pour l'écoulement des eaux de la Lys, vous ne dégorgerez pas les eaux qui passent à Tournay et à Audenarde.

Où est le mal ? C'est excessivement simple ; il ne s'agit que d'ouvrir les yeux pour le voir ; le mal consiste en deux choses : le barrage de Gavre et l'élévation successive du thalweg de l'Escaut aux environs de Gand, ce qui fait qu'il entre moins d'eau dans la ville de Gand, minute par minute, qu'il n'en passe à Tournay et à Audenarde ; il résulte de là qu'une partie des eaux est forcée de se déverser sur les prairies et les terres avoisinantes et la situation de ces terres est telle que ce n'est pas dans un mois, en supposant qu'il ne tombe plus une seule goutte de pluie, que la vallée de l'Escaut pourra être débarrassée des affreuses inondations auxquelles elle est maintenant soumise ; et, les inondations terminées, arriveront les fièvres typhoïdes qui en sont la suite inévitable et qui frapperont les populations sur une étendue de 20 à 25 lieues.

Il me semble, messieurs, que la première chose à faire par le gouvernement, et j'insiste très vivement sur ce point auprès de M. le ministre des travaux publics, c'est de faire évaluer combien il passe d'eau par minute à travers les villes de Courlray et d'Audenaerde et à l'entrée de la ville de Gand ; alors il sera démontré à toute évidence qu'il passe beaucoup plus d'eau à travers les villes de Tournay et d'Audenarde qu'il ne peut en passer par la ville de Gand, et vous aurez là la clef des inondations. Elle n'est point dans la Lys, elle est dans l'embarras que les eaux éprouvent à entrer dans la ville de Gand, Or le premier remède à apporter à ce mal, c'est de faire une coupure à Gavre. (Interruption.) Gand serait inondé ! Mais c'est une loi positive que les régions inférieures doivent recevoir les eaux supérieures.

On nous dit : Nous ne voulons pas que Gand soit inondé ; nous avons le pouvoir et c'est vous qui resterez inondés. Voilà ce que signifie cette interruption. Mais si vous ne voulez pas être inondés, pourquoi donc le gouvernement a-t-il consenti, dans le temps, à l'élargissement de l'écluse d'Antoing, qui a amené dans notre pays les eaux des immenses marais de la Scarpe et de la Sensée ; ces terrains étaient sous les eaux et aujourd'hui ils sont complètement asséchés, en déversant leurs eaux sur les prairies de notre pays. Le gouvernement a, par une lâche complaisance.....(Interruption.) Ce n'est pas vous ; c'est le gouvernement précédent.

Ce n'est pas parce que M. Van Hoorebeke et M. Rogier sont au pouvoir que je m'exprimerai différemment. C'est par une lâche complaisance qu'on a consenti à sacrifier la vallée de l'Escaut aux vallées françaises de la Scarpe et de la Sensée ; et au même moment où l'on recevait ainsi cette immense quantité d'eau venant de France, on établissait dans l'Escaut, entre Tournay et Gand, une série extraordinaire de barrages, on établissait des écluses, des digues, des ponts, des jetées, toutes choses qui empêchent la circulation, le régime des eaux. Il est résulté delà un état de choses qui amène tous les trois ou quatre ans une perte de plusieurs millions.

Eh bien, messieurs, je le demande, est-il possible que toute une vallée de 25 lieues d'étendue reste dans une pareille situation ? (Interruption.) J'entends M. le ministre des travaux publics dire que si l'on fait une coupure à Gavre, l'eau arrivera trop vite à Gand. Eh bien, tant mieux ! Parce qu'alors la ville de Gand comprendrait qu'elle ne doit pas s'opposer aux vœux légitimes de toute une population ; alors, touchée par son propre intérêt, elle comprendrait la raison, elle comprendrait qu'il n'est pas juste, qu'il n'est pas légitime qu'une vallée de 25 lieues soit sacrifiée à une localité qui a d'ailleurs les facilités les plus grandes pour écouler les eaux qu'elle recevra. La ville de Gand n'a qu'à arrêter, pendant quelque temps, toutes ses usines en amont du bas Escaut ; elle n'a qu'à lever les vannes du pont, qui ne sont presque jamais levées, et les eaux s'écouleront avec rapidité, sans qu'elle en souffre le moins du monde. Il faut que le bas Escaut reçoive les eaux déversées dans le haut Escaut. C'est la loi de la nature.

Comme le disait fort bien l'honorable M. Liefmans tout à l'heure, il est incontestable que plusieurs bras de l'Escaut traversaient autrefois la ville de Gand, et aujourd'hui tout cela est obstrué. (Interruption.)

Il y a des bras de l'Escaut réduits à la valeur d'un simple ruisseau ; tel est, par exemple, le Viel-Escaut qui, jadis était le bras principal et le plus direct du fleuve. Prenez une ancienne carte de la ville de Gand, vous verrez que l'un des principaux bras de l'Escaut, arrivant du Hainaut et du haut Escaut est le Viel-Escaut celui que l'on traverse aujourd'hui quand on vient de la station et qui n'est plus qu'un simple petit ruisseau.

Je le répète, messieurs, la ville de Gand reçoit aujourd'hui minute par minute incomparablement moins d'eau qu'il n'en passe à Tournay et à Audenarde, et c'est là la seule cause des inondations. Or, cela ne doit pas être : toute l'eau qui vient en amont de Tournay passe à Tournay, toute l’eau qui vient en amont d'Audenarde passe à Audenarde ; l'eau n'est pas déversée dans les prairies à droite et à gauche d'Audenarde et de Tournay.

Tout ce qui passe à deux mètres au-dessus, à l'entrée de Tournay, tout ce qui traverse Audenarde devrait traverser Gand avec la même rapidité ; ce qui n'a pas lieu. De là les inondations ; de là ces affligeants débordements qui transforment la vallée du fleuve en une mer de 20 lieues de longueur sur plus d'un quart de lieue de largeur.

M. Delehaye. - M. Dumortier ne tient pas compte du barrage naturel qu'oppose la marée dans la partie du bas Escaut, aux eaux venant de Tournay, d'Audenarde et de Gand. Cet obstacle est d'autant plus grand qu'on en approche de plus près.

M. Dumortier ; - La marée se fait sentir jusqu'à Gand, je le sais ; c'est précisément pour cela que l'écoulement devrait être plus facile. L'honorable membre ignore-t-il qu'au moment où la marée baisse, il y a une chute d'eau qui permet un assèchement beaucoup plus considérable que s'il n'y avait pas de marée.

J'insiste sur ce point, que M. le ministre des travaux publics fasse immédiatement opérer des coupures à la digue de Gavre, afin de débarrasser le haut Escaut ; il n'est pas possible que le haut Escaut reste plus longtemps dans un pareil état.

En second lieu, il sera extrêmement facile au gouvernement de s'assurer de ce que je viens d'avancer, à savoir qu'il ne s'écoule pas autant d'eau, minute par minute, à Gand qu'à Audenarde et à Tournay.

Au reste, pour remédier au mal, il ne s'agit pas de dépenser des millions ; les fonds votés en 1847 suffisent. Si l'on croit que le canal de Swynaerde projeté dans le temps par une commission spéciale, est trop dispendieux, présente des difficultés, il est très facile d'arriver à une solution par un moyen très peu coûteux : c'est qu'on fasse, avant l'entrée à Gand, une rigole d'écoulement vers le bas Escaut et l'amener de l'autre côté de la ville ; il faut faire une simple coupure du haut au bas Escaut en dehors de la ville de Gand. Cela ne coûtera qu'une bagatelle, et par là, on préservera des inondations d'été une immense et riche vallée, on préviendra des pertes considérables, et on empêchera les maladies pestilentielles et la mortalité qui sont la conséquence des inondations, de désoler ces contrées.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, à en croire l'honorable M. Dumortier, il n'y a qu'une seule chose à faire pour débarrasser les Flandres des inondations, c'est d'améliorer le haut Escaut ; Gand résisterait à l'intérêt général, on y ferme les écluses, on y établit des barrages ! Je défie l'honorable M. Dumorlier de préciser de pareils faits, je me bornerai à lui dire qu'il y a, en ce moment, à Gand un nombre très considérable d'usines qui sont forcées de chômer.

Je répète que si on améliore le haut Escaut, il faudra aviser aux moyens de débarrasser la ville de Gand de la plus grande quantité d'eau qui y arrivera nécessairement.

Le canal de Schipdonck a été fait dans le but de recevoir les eaux de la Lys.

Les eaux de la Lys et celles du haut Escaut viennent se confondre dans le bas Escaut. Quand le canal de Schipdonck sera achevé, le bas Escaut ne recevra plus que les eaux du haut Escaut, ce sera une première amélioration. Mais il paraît certain que cela ne suffira pas.

Comme je le disais tout à l'heure, le canal de Schipdonck devra être prolongé jusqu'à Heyst.

M. de Bocarmé. - Je remarque l'impatience de la chambre de voir terminer l'incident qui a surgi ; j'y ferai droit et je ne serai pas long ; mais je dois déclarer qu'il est à ma connaissance que les désastres qui viennent d'avoir lieu par suite des inondations tardives de toute la vallée de l'Escaut, soit tels qu'ils viennent d'être relatés par les honorables préopinants ; je les connais, ils sont immenses et appellent toute l'attention, toute la sollicitude du gouvernement et de la législature ; il faut que tous les passages insuffisants soient rendus plus faciles, et qu'au moyen du canal de Schipdonck ou de tout autre débouché, les eaux, soit en amont soit en aval de Gand, s'écoulent avec plus de rapidité qu'elles ne le font aujourd'hui.

Le cours de la Scarpe, en France, a été amélioré, et ses eaux nous arrivent beaucoup plus rapidement en Belgique ; par suite, on a augmenté le cubage d'écoulement au pont d'Antoing ; s'il a été suffisant, il aura amoindri, non seulement les inondations dans le département du Nord, mais en Belgique, entre cette ville et celle de Mortagne. Je ne saurais blâmer la concession faite à nos voisins ; de tels services, de semblables égards se doivent de gouvernement à gouvernement, pourvu qu'immédiatement on prenne les mesures alors rendues nécessaires en faveur des localités qui pourraient, comme ici, en souffrir.

Je le répète, messieurs, il faut que l'on s'empresse d'apporter remède, à toutes les causes qui s'opposent à un écoulement suffisant des hautes eaux ; il faut que le gouvernement, renseigné parfaitement par ses ingénieurs, rencontre et combatte partout les difficultés, notamment à Gavre, à Audenarde, à Gand, comme aux abords de cette ville, qui ne peut se poser en égoïste vis-à-vis de nos localités ; les intérêts sont, en quelque sorte, identiques, cette puissante cité ne voudrait pas contribuer à de justes reproches à l'occasion du fleuve qui contribue, pour une grosse (page 1287) part, à sa prospérité, et j'ajoute une foi entière aux déclarations qui nous ont été faites, en ce sens, par mes honorables collègues MM. Delehaye et T'Kint de Naeyer.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l'intérieur, pour défrichements

Discussion générale

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, pour simplifier la discussion, je soumets à la chambre une proposition que je puis dire conciliante et qui répondra aux observations critiques qu'on a adressées à l'article 3.

Cet article avait pour but d'autoriser le gouvernement à faire remploi du crédit de 500,00 fr. demandé par le projet de loi, ainsi que des sommes qui devaient encore être remboursées sur le premier crédit de 500,000 fr.

L'on a trouvé ce mode de procéder peu régulier ; nous sommes de cet avis ; nous ne l'avons introduit dans la loi nouvelle que parce que nous l'avions trouvé dans l'article 18 de loi du 23 mars 1847.

Au fond, le résultat sera le même ; au lieu de faire remploi, sans un nouveau vote législatif, des sommes qui auront été dépensées sur le crédit de 500,000 francs, le gouvernement viendra demander un nouveau crédit lorsque les 500,000 francs seront épuisés. Les sommes rentrées au trésor n'en sortiront plus. Ce mode de procéder est plus régulier : je m'y rallie sans difficulté.

Nous ne demandons à faire remploi, ni des sommes à rembourser sur le premier crédit, ni du nouveau crédit de 500,000 francs. Mais, ainsi que je l'ai déjà dit dans la discussion, il y aurait des inconvénients à trop restreindre le crédit ; je demanderai donc que la chambre veuille bien le porter à 600,000 francs.

Le dernier paragraphe de l'article, relatif au compte à rendre annuellement par le gouvernement aux chambres, est maintenu.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose le retranchement des deux premiers paragraphes de l'article 3, et il demande que le crédit soit porté à 600,000 francs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dois faire observer à la chambre qu'avant l'extinction légale du crédit actuel, il doit rentrer certaines sommes dont nous nous croyons autorisés à faire le remploi. L'autorisation d'après laquelle le remploi des sommes rentrantes peut être fait, n'expirera que l'année prochaine. Je ferai donc le remploi des sommes qui viendront à être remboursées avant l'année prochaine.

- Plusieurs voix. - Oui ! oui !

M. de Perceval. - Je déclare tout d'abord que je voterai le crédit demandé par M. le ministre de l'intérieur pour mesures relatives au drainage, aux défrichements et aux irrigations, parce que je le crois utile à l'agriculture et favorable spécialement à l'une de nos provinces que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte. Je crois que le crédit de 600 mille francs que le gouvernement nous engage à lui allouer, est appelé à donner une vigoureuse impulsion à la grande et nationale question de défrichement dans la Campine anversoise et limbourgeoise. Toutes les mesures qui seront favorables à cette partie de notre pays, je les adopterai avec une patriotique satisfaction, parce que la Campine, cette partie de notre territoire, pour ainsi dire déshéritée jusqu'à ce jour, est en droit de compter sur la sollicitude de la législature.

Et à cette occasion, qu'il me soit permis d'exprimer mon étonnement de voir un honorable député comme moi de la province d'Anvers, se poser comme défenseur de l'agriculture d'un côté, et de l'autre refuser son vote au projet de loi qui nous est soumis par le ministre de l'intérieur.

Il me semble que quand on porte quelque intérêt à cette branche importante de l'industrie nationale, il ne faut pas se borner à le proclamer de vive voix dans la chambre, il faut encore que les actes, que les votes que l'on émet, correspondent aux paroles. Je n'imiterai donc pas la conduite de cet honorable membre. Je me déclare comme lui favorable aux intérêts agricoles, mais (et ici je n'imiterai pas sa conduite), comme conséquence logique de mon opinion, du principe que je professe, je voterai le projet de loi du gouvernement.

Dans le cours de ces débats, plusieurs observations ont été présentées. D'honorables orateurs, voulant être plus Campinois que les Campinois eux-mêmes, ont demandé l'abrogation de la loi du 10 février 1843. L'honorable ministre de l'intérieur nous a dit qu'au commencement de la prochaine session, il déposerait sur le bureau un rapport par lequel nous pourrions constater tous les faits qui se sont accomplis tant au département des travaux publics qu'au département de l'intérieur en ce qui concerne l'exécution de cette loi ; je ne veux donc pas anticiper sur le débat. J'attendrai ce travail qui est nécessaire aux yeux d'un grand nombre de mes collègues pour former leur opinion. Quant à moi, je n'hésiste pas à le dire, mon opinion est plus ou moins arrêtée, et il faudra des motifs bien puissants pour que je la modifie.

Je veux l'exécution complète et loyale de la loi du 10 février 1843.

J'ai dit qu'en demandant l'abrogation de la loi de 1843, plusieurs de mes honorables collègues voulaient être plus Campinois que les Campinois eux-mêmes. Je vais avoir l'honneur de présenter quelques arguments à l'appui de cette vérité. La loi de 1843, concernant la canalisation de la Campine, a donné lieu à de sérieux et importants débats dans cette assemblée ; elle a été votée à l'unanimité moins un membre, et ce membre opposant était M. Huveners.

Les députés de la Campine et l'honorable M. Vilain XIIII qui en demande aujourd'hui l'abrogation, ont voté à cette époque la loi qui décrétait la canalisation de la Campine.

Quel est le contrat qui a été passé alors, je ne dirai pas d'une manière tacite, mais d'une manière formelle, officielle, au grand jour, entre la législature et la Campine ? J'en trouve tous les détails dans la discussion même qui a eu lieu dans les sections, en section centrale et en séance publique.

Le rapport de la section centrale a été fait par M. Cogels, et j'y lis qu'un membre avait proposé ce que demandent actuellement MM. Vilain XIIII et Vanden Branden de Reeth, d'exempter de toute participation à l'œuvre de la canalisation les propriétés situées à un rayon de 5,000 mètres du canal de Bois-le-Due ; cette proposition ayant été repoussée par les sections et par la section centrale, elle a été reproduite en séance publique, et le même accueil négatif lui a été fait.

Chose étrange, les députés de la Campine à cette époque n'ont pas demandé que les propriétaires riverains fussent exempts de redevance. Ils ont dit, et tous leurs discours l'attestent : Donnez-nous le canal de la Campine et nous contribuerons aux dépenses de cette canalisation qui sera faite par l'Etat.

La législature vote les millions ; l'Etat remplit ses engagements d'un côté, et aujourd'hui les propriétaires voudront se refuser à s'acquitter des devoirs qui leur incombent par suite d'engagements formels pris en 1843, par la législature, de contribuer aux dépenses dont il s'agit ! Est-ce logique, est-ce loyal ?

Je pourrais m'étendre longuement sur cette considération qu'aujourd'hui la Campine n'est plus en droit de revenir sur le contrat qu'elle a conclu avec l'Etat par l'entremise des députés de cette partie de notre territoire.

Je pourrais donner lecture des discours prononcés par les partisans les plus chaleureux de la Campine quand ils ont réclamé, lors de la discussion de cette loi, la construction du canal. Jamais il n'est entré dans leur intention de demander que les propriétaires fussent exemptés de la redevance. MM. de Renesse, Cogels, Simons, Dubus et tant d'autres ont tous été d'avis que si d'un côté le canal était créé par l'Etat, de l'autre les propriétaires pouvaient et devaient payer une redevance. Ainsi pour moi la question est résolue, et j'aime à croire que le gouvernement fera exécuter cette loi. Il n'y a aucun motif pour l'abroger, il n'y a eu de surprise pour personne, car toutes les parties contractantes ont su à quoi elles s'engageaient.

L'Etat s'est acquitté d'une partie de sa charge, il est du devoir des propriétaires d'acquitter celle qui leur incombe.

Je passe à l'amendement que l'honorable M. David a présenté et qui établit de nouveau le principe de la redevance. Il y a un lien de parenté tellement intime entre l'amendement de mon honorable collègue et ami et la proposition que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre il y a un mois, que je manquerais à mon devoir si je ne lui donnais pas mon appui.

Messieurs, pour vous prouver qu'il importe de régler l'usage des eaux dans la Campine, il me suffira de vous donner lecture d'un passage du rapport de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi dont nous nous occupons. Je vois à la page 17 : « Dépenses non sujettes à remboursements.

« Augmentation du débouché des eaux de la Meuse vers les canaux, à Hocht, pour satisfaire aux besoins des irrigations concédées : fr. 16,000 »

«Rentrée des eaux du Dommel, dont le lit est encombré par les eaux qui ont servi aux irrigations, dans le canal principal : fr. 100,000 »

Je trouve la sanction de l'amendement de l'honorable M. David dans ces deux littera dont je viens de vous donner lecture. Dans mon opinion, je pense que l'administration n'a pas des idées très fondées, très fixes, très arrêtées sur les irrigations. D'après le rapport de M. l'ingénieur Kummer il faut, et actuellement on prend dans la Campine, trois litres d'eau par seconde et par hectare.

Je crois qu'il ne faudrait pour les irrigations qu'un litre d'eau par seconde et par hectare et qu'il y aurait lieu de conserver le surplus dans le lit du canal. L'on pourrait ainsi distribuer deux litres d'eau par seconde et par hectare à d'autres propriétaires, qui évidemment en feraient la demande à l'Etat.

Je suis d'avis qu'il y a actuellement dans la Campine gaspillage de l'eau et je suis d'autant plus fondé à le dire, que je trouve dans le rapport de la seclion centrale ce fait qui vient à l'appui de mon observation, c'est que les eaux d'irrigation encombrent aujourd'hui le lit du Dommel, qu'il est utile de dériver cette rivière, ainsi que deux de ses affluents, qu'il importe de faire entrer leurs eaux dans le canal de la Campine.

J'ai dit qu'il fallait des opinions fixes et arrêtées en matière d'irrigations ; à défaut de la mienne qui ne saurait constituer une autorité parce que je ne suis pas un homme du métier, je citerai des opinions d'ingénieurs et de praticiens des plus compétents et des plus estimés.

Dans un ouvrage très remarquable sur lequel j'appelle l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur, je trouve des principes qu'il importe de suivre en matière d'irrigation.

Voici ce que dit M. Nadault de Buffon, ingénieur en chef des ponts et chaussées en France, chef de la division des irrigations au ministère des travaux publics en 1844 :

« C'est à l'administration publique chargée de diriger l'emploi des (page 1288) eaux courantes vers le bien général, qu'il appartient de surveiller de près l'usage, si important, des eaux d'irrigation, et de n'accorder, en conséquence, que ce qui est reconnu être véritablement nécessaire ; car si l'on s'en rapportait, sur ce point, aux usagers, il n'en est pas un seul qui ne réclamerait, par mesure de précaution, trois ou quatre fois autant d'eau qu'il peut en consommer utilement, et, de cette manière, la majeure partie du volume des cours d'eau serait dérivée sans profit, ou plutôt au préjudice des ayants droit. »

C'est ce qui se pratique actuellement dans la Campine : les usagers, par excès de précaution, réclament trois fois autant d'eau qu'ils peuvent en consommer utilement, et ceci m'amène à dire à l'honorable M. Coomans, non pas que j'entends immédiatement lui faire cette concession, mais enfin je pourrais lui demander, si en livrant aux propriétaires un litre d'eau par seconde et par hectare, ces derniers ne pourraient pas payer les deux litres qu'ils prennent aujourd'hui en plus par seconde et par hectare, et dont ils n'ont pas besoin pour leurs terres ?

Que l'honorable M. Coomans me prouve que les propriétaires des prairies irriguées en Campine ont besoin de trois litres d'eau par seconde et par hectare, et je lui fais la promesse de ne plus jamais entretenir l'assemblée du principe de la redevance. Mais c'est parce qu'il y a abus, gaspillage des eaux, dans la Campine, c'est parce que le canal que vous avez construit à grands frais est à la veille de ne pouvoir suffire ni aux besoins de la navigation, ni aux charges des irrigations, que je ne puis trop insister sur le principe de la création de la redevance. Il importe donc que la législature l'établisse.

Ainsi, mon raisonnement est très simple : donnez, si vous voulez, aux propriétaires l'eau dont ils ont besoin pour irriguer leurs propriétés. Mais empêchez au moins l'excès, arrêtez l'abus. Quand je dis que la Campine n'a besoin que d'un litre d'eau par seconde et par hectare, je m'appuie sur les autorités les plus incontestées qui ont écrit sur la matière, telles que MM. Dumon, Puvis, Gasparin, Chevandier, Burger, Victor Rendu, etc. Je livre les écrits remarquables de ces hommes compétents aux méditations du département de l'intérieur et des travaux publics.

Evitez, messieurs, je vous en prie, le gaspillage des eaux. S'il suffit d'un litre d'eau par seconde et par hectare, pourquoi en livrer trois ? C'est, je le répète, un abus qu'il importe de faire disparaître.

M. Coomans. - Nous sommes d'accord.

M. de Perceval. - Je prends acte de cette interruption. L'honorable M. Coomans ne veut pas du gaspillage des eaux, alors ma cause est gagnée et il faut qu'il adopte avec moi le principe de la redevance.

L'Etat pourrait à la rigueur livrer gratuitement un litre d'eau par seconde et par hectare ; mais si l'on en consomme davantage, qu'on paye l'eau que l'on veut employer. Il restera au moins à l'Etat une quantité considérable d'eau qu'il pourra distribuera d'autres propriétaires.

Voilà, messieurs, à vous parler franchement, le but que j'ai voulu atteindre en vous entretenant, il y a un mois, du principe si juste, si équitable, de la redevance.

On a l'air de se récrier contre ce principe qui est, à mes yeux, d'une bonne administration. Mais dans tous les pays, la redevance existe : partout les irrigations sont imposées, en France, en Italie, en Piémont.

Voici de quelle manière on fait payer les propriétaires :

(L'orateur donne lecture des prix de l'arrosage en France sur les canaux des départements du Vaucluse, des Pyrénées orientales, etc.... en Piémont, en Lombardie, etc..)

Je pourrais, messieurs, continuer cette énumération, mais je craindrais de fatiguer votre attention.

Messieurs, la question des irrigations doit fixer sérieusement l'attention de la législature. Déjà le conseil central d'agriculture a émis un vœu tendant à établir le principe de la redevance. L'honorable ministre de l'intérieur nous disait il y a trois jours, dans son remarquable discours, que le conseil central d'agriculture est composé d'hommes expérimentés et instruits, qu'il importe de suivre les avis qu'il donne.

Eh bien, je demande que l'honorable M. Rogier veuille bien adopter les opinions de ce conseil si compétent. Dans les séances des 11 et 12 novembre 1846, voici la décision qui a été prise par le conseil supérieur d'agriculture. 17 membres étaient présents, la question suivante leur était posée :

Est-il désirable que le système qui a été appliqué à la construction des canaux de la Campine, et qui a pour but de faire contribuer les riverains aux frais de ces voies de communication, soit généralisé, et par conséquent étendu à toutes les voies de communication de quelque nature qu'elles soient ?

Résolu affirmativement à l'unanimité.

M. Coomans. - Cela est parfaitement raisonnable.

M. de Perceval. - J'aime à croire que l'honorable M. Coomans désire comme moi le défrichement des cent mille hectares de bruyères qui se trouvent dans la Campine. Eh bien, messieurs, si l'honorable députe de Turnhout veut faire disparaître les bruyères de la Campine, il doit signer avec moi une proposition tendant à établir la redevance.

Voici de quelle manière je prouve que si vous ne prenez pas une décision pareille, vous allez à l'encontre des intérêts de la Campine.

L'opinion que je professe, en cette matière, je l'ai puisée dans les documents officiels qui nous ont été distribués par le gouvernement. J'ai peut-être, j'ai même, je crois, le grand tort de les lire, de les prendre au sérieux. Mais enfin je me dis que l'envoi de ces documents a cependant un but, que les documents que le département de l'intérieur nous transmet et nous communique, c'est pour que nous y trouvions et puisions nos convictions.

Eh bien, ma conviction sur les défrichements et les irrigations en Campine, je l'ai puisée dans les rapports émanés de M. Kummer.

J'ai trouvé dans les travaux de cet ingénieur, datés des 3 décembre 1844 et 1er novembre 1846, que cent mille hectares étaient irrigables, en 10 ans, moyennant un crédit de 150,000 francs Mais, disait-il, pour que nos prévisiuns se justifient, n'opérons pas sur les 100,000 hectares ; descendons jusqu'au chiffre de 25,000 hectares.

Voilà donc 25 mille hectares qui peuvent être convertis en prairies irriguées et cela sans contestation aucune.

Dans le compte rendu de l'exécution de la loi du 27 mars 1847, sur le défrichement des terrains incultes, fait à la chambre l'année dernière par l'honorable ministre de l'intérieur, je remarque déjà que le chiffre descend ; on ne parle plus de 25,000 hectares, on n'accuse plus qu'un chiffre de 7,000 ; et même, ajoute l'honorable ministre, il semble prudent de ne soumettre à l'arrosage que 4,000 hectares.

Ainsi, les 100,000 hectares se réduisent d'abord à 25,000 ; les 25,000 hectares descendent ensuite à 7,000 ; les 7,000 hectares descendent encore aujourd'hui à 4.000, et pour irriguer ces 4,000 hectares, il faut augmenter immédiatement le débouché de Hocht.

En augmentant le débouché de Hocht, pourra-t-on irriguer les 4,000 hectares qui nous sont promis ? N'en croyez rien. L'exposé des motifs le déclare tout d'abord avec une franchise que j'admire.

Il faut, dit-il, élargir le débouché de Hocht pour satisfaire aux besoins des irrigations concédées. Et combien avez-vous de prairies irriguées, et qui sont concédées ? Vous n'en avez que 2,000 hectares ! Ainsi voilà les 100,000 hectares réduits à 2,000. Grâce au gaspillage des eaux du canal, vous ne pouvez déjà plus irriguer que 2,000 hectares, et vous devez élargir le débouché de Hocht. Mais quand vous atteindrez le chiffre de 4,000 hectares, quand vous voudrez aller jusqu'à 7,000 hectares, jusqu'à 25,000 hactares, quelle largeur donnerez-vous donc au débouché de Hocht ?

N'est-ce pas, messieurs, la preuve la plus évidente que la redevance est demandée dans l'intérêt même de la Campine ? Je dis aux propriétaires : Ne puisez dans le canal que l'eau dont vous avez besoin pour irriguer votre propriété ; abandonnez l'excès d'eau que vous gaspillez, et nous pourrons irriguer une plus grande surface de bruyères. Vous avez actuellement en Campine 2,000 hectares irrigués, tâchons d'atteindre les 7,000 hectares ; faisons nos efforts pour irriguer 25,000 hectares, et si c'est possible, atteignons le chiffre de 100,000 hectares.

Qui de nous deux, je le demande à vous tous, messieurs, est le plus grand ami de la Campine ? Est-ce l'honorable M. Coomans, qui veut maintenir l'état de choses actuel ? Ou est-ce moi, qui suis représenté dans les organes d'une certaine presse, patronnée par l'honorable député de Turnhout, comme l'ennemi de la Campine ?

Le système que je préconise dans cette enceinte est avantageux et utile pour la Campine. Je ne veux pas maintenir le statu quo. Le statu quo ne me donne que 2,000 hectares de prairies irriguées ; je veux étendre cette surface ; je veux qu'on atteigne, non pas le chiffre de 4,000 hectares, mais de 7,000, de 25,000, voire même de 100,000 ; et ce sera un beau jour pour moi, que celui où je pourrai voir toutes les landes de cette contrée converties en terres arables ou prairies.

Voilà ma réponse aux attaques injustes dont j'ai été l'objet dans la Campine.

Messieurs, je n'ai pas, trouvé dans les Annales Parlementaires qui nous ont été distribuées ce matin, une interruption que l'honorable M. Coomans a faite lorsque mon honorable collègue et ami M. David développait son amendement.

M. Coomans. - Ce n'est pas de ma faute.

M. de Perceval. - Je l'avais du reste recueillie, et puisque l'honorable député de Turnhout dit que ce n'est pas de sa faute...

M. Coomans. - Je n'ai pas corrigé les épreuves du discours de M. David.

M. de Perceval. - Je vais la prendre dans un journal qui la donne : l'honorable M. Coomans disait : Il ne manque pas d'eau dans le canal.

Je vais prouver à l'honorable membre que si l'on doit irriguer plus de 4,000 hectares de prairies dans la Campine l'eau va manquer complètement dans le canal.

Pour satisfaire à tous les besoins de la navigation et des irrigations, il a été construit une prise d'eau à Hocht d'un débouché total de 4 m.18 carrés. Cette prise d'eau devait assurer l'alimentation des canaux sans devoir recourir à l'écluse de Maestricht, appartenant à la Hollande.

Il résulte des rapports de M. Kummer que la prise d'eau à faire dans la Meuse ne devait être au maximum que de 4 m. 60 cubes, dont 2 m. 3 pour le canal de la Meuse à l'Escaut proprement dit, ses embranchements, les rivières canalisées et enfin pour les irrigations.

C’était donc en grande partie avec ce cube d'eau que M. Kummer assurait qu'on pouvait créer 100,000 hectares de prairies irriguées, puis au minimum 25,000 hectares.

Or, dans son rapport du 29 décembre 1849, il dit, à la page 126 :

« La section des rigoles d'alimentation a été calculée en raison de la surface qu'elles devaient irriguer, prenant pour point de départ une dépense d'eau de 0m3,003 décimètres ou 3 litres par seconde et par hectare. »

En raisonnant sur ce chiffre on arrive à trouver que pour irriguer les 100,000 hectares de bruyères qui, disait-on, pouvaient être convertis (page 1289) convenablement en prairies, il faudrait par seconde 300,000 litres d'eau, c'est à-dire, 300 mètres cubes ; un volume cinq fois plus considérable que toute l’eau de la Meuse à Maestricht. La Meuse ne débite à l'étiage à Maestricht que 60 mètres cubes et non 71 mètre cubes.

Pour les 25,000 hectares de prairies, surface de modération, il faudrait 75 mètres cubes ; toute l'eau de la Meuse et de tous les ruisseaux et rivières de la Campine.

Je trouve dans le compte rendu de l'exécution de la loi du 25 mars 1847, sur le défrichement des terrains incultes, fait à la chambre en 1850 par M. le ministre de l'intérieur, les passages suivants :

« L'administration a notamment fait étudier la question de savoir quelle étendue de bruyère peut être irriguées au moyen des canaux actuels.

« Il résulte des recherches faites à cet égard par M. Kummer, que cette étendue est de 7,000 hectares dont, en ce moment, il semble prudent de ne soumettre à l'arrosage que 4,000 hectares...

« L'administration a fait en même temps entreprendre des expériences pour constater la quantité d'eau nécessaire à l'arrosage en Campine. »

Sur quoi se basaient les promesses de création de 100,000. puis de 25,000 hectares de prairies ? On ne pouvait les appuyer sur aucune étude préalable, puisqu'on vient seulement de rechercher et la surface susceptible d'être irriguée et la quantité d'eau nécessaire à l'arrosage.

Cette surface est, dit-on aujourd'hui, de 7,000 hectares ; mais il semble prudent de n'arroser que 4,000 hectares.

Or, déjà pour arroser ces 4,000 hectares, on demande une somme de 16,000 fr. comprise dans le crédit de 500,000 fr. pour « augmentation immédiate du débouché de la prise d'eau de Hochl, afin de satisfaire aux besoins des irrigations concédées ».

Que sera-ce donc quand il faudra arroser les 7,000 hectares, puis les 25,000 hectares !!

Mais la Hollande ne s'opposera-t-elle pas à une prise d'eau dans la Meuse plus considérable que 4 mètres 60 cent, indiquée précédemment.

Pourquoi fait-on cette nouvelle prise d'eau à Hocht ? N'a-t-on donc pas le canal latéral à la Meuse pour alimenter le canal de la Campine ? Mais si on prenait à Liège le volume d'eau, dont on a besoin, la Meuse, entre cette ville et Maestricht ne serait plus navigable.

Il y a dans tous ces calculs une preuve évidente ou, d'une grande légèreté, ou d'une insouciance rare pour la vérité, ou ce que je n'ose admettre, d'une incapacité notoire.

Mais, dit-on, les eaux qui auront servi une fois à l'irrigation pourront être réemployés. Cette quantité sera bien faible, puisque les expériences pour constater le volume d'eau nécessaire à l'irrigation ont montré que la perméabilité du sol de la Campine est très considérable. Cette perméabilité est la condition sine qua non de la formation des bonnes prairies ; et en effet, on a reconnu qu'il faut défoncer le sol à une profondeur de 0m60 au moins. (V. rapport du 29 décembre 1849.)

D'après la pente du canal de Maestricht à Bois-le-Duc et de la Meuse à l'Escaut, sa largeur et sa profondeur, il ne peut livrer passage au maximum qu'à un cube d'eau de 8 mètres, et cette eau doit se mouvoir alors avec une vitesse qui dégraderait les berges du canal.

La vitesse à la surface serait 0m41 et celle au fond de 0m23 ; avec cette vitesse du fond le terrain dans lequel le canal est creusé serait entraîné par le courant.

Or, cette quantité d'eau ne peut servir exclusivement à l'irrigation. Il faut en soustraire les pertes résultant de l'évaporation et des filtrations, le volume nécessaire à la navigation.

Ainsi, en admettant que l'eau y soit charriée au commencement avec toute sa vitesse, on peut estimer qu'à Bocholt il ne passera plus que 6 à 7 mètres cubes d'eau par seconde. A cet endroit le canal se divise en deux parties, l'une vers Bois-le-Duc, l'autre vers l'Escaut. L'eau amenée doit ainsi alimenter ces deux canaux ; et, en supposant que le canal de Bois-le-Duc exige seulement 2 mètres cubes par seconde, il ne restera plus pour le canal de la Campine que 4 mètres cubes, devant satisfaire à toutes les pertes, à la navigation et aux irrigations !

Exagérations et contradictions, voilà ce que je rencontre dans plusieurs rapports des ingénieurs, et c'est cependant sur ces rapports que le gouvernement se repose pour opérer le défrichement dans la Campine anversoise et limbourgeoise.

L'honorable M. Coomans disait à M. David : Vous appelez déraisonnables ceux qui n'acceptent pas votre amendement ; eh bien, à la fin de la discussion vous verrez que vous serez à peu près seul de votre opinion et alors c'est vous qu'il faudra appeler déraisonnable.

Quant à moi, messieurs, je ne pense pas que les hommes déraisonnables soient assis sur le banc qu'occupe l'honorable M. David et je laisse à la chambre le soin d'apprécier si les déraisonnables ne siègent pas aux bancs du député de Turnhout.

Je passe à la question des reboisements.

Messieurs, la question des remboursements mérite la plus sérieuse attention de la législature, car elle a une utilité réelle au point de vue de l'agriculture, je suis d'avis que l'Etat seul est capable de s'occuper de cette question parce que seul il peut organiser les boisements et arrêter un plan d'ensemble.

Je vois figurer dans l'exposé des motifs les frais des comités et des agents de reboisement pour les provinces de Luxembourg, de Liége, de Namur, d'Anvers, de Limbourg. Je demanderai à l'honorable ministre de l'intérieur quelques détails sur ces comités et sur ces agents.

Quels services rendent-ils ? Ont-ils un plan arrêté ? Les différents boisements sont-ils reliés entre eux ? Je crains bien que l’on ne boise un peu à tort et à travers, sans avoir prévu les effets qui doivent résulter des boisements. Ne boise-t-on pas uniquement pour couvrir d'arbres une surface inculte sans études préalables ?

Je vois, à la page 29 des annexes de l'exposé des motifs que, dans son dernier rapport, M. Kummmer a annoncé qu'un acquéreur se présentait pour les bruyères qui ont été exposées en vente à deux reprises différentes sans trouver preneur ; que cette rentrée est assurée.

J'aime à croire que cet acquéreur existe réellement. Si M. le ministre de l'intérieur n'y voit pas d'inconvénient, je voudrais bien qu'il pût me dire le nom de cet acquéreur, puisque, après tout, la rentrée des fonds est assurée.

A la page 13, je trouve des remarques très fondées de la section centrale.

Elle a posé cette question à M. le ministre de l'intérieur : « Quelle est la part du crédit proposé, qui sera affectée à chaque nature de dépense : irrigations, défrichements, drainage, distribution de la chaux, traitement du personnel ? »

La réponse du gouvernement est un argument de plus en faveur de la redevance à établir pour l'usage de l'eau, car elle est conçue en ces termes :

« Le gouvernement ne saurait dès à présent régler, dans tous ses détails, l'emploi d'un crédit qui est destiné à durer cinq ans. On le comprendra sans peine par un exemple. Les nouvelles concessions de bruyères irrigables demandées en Campine jusqu'à ce jour, s'élèvent à peu près à 2,400 hectares. Si la transformation de ces terrains en prairies se fait en deux ans, et qu'après cette époque, on cesse d'accorder des concessions nouvelles, faute d'eau pour les desservir, les dépenses du service des irrigations pourront être considérablement réduites. »

Ainsi, le gouvernement annonce déjà qu'il y aura un manque d'eau pour desservir le nombre d'heclares concédés, et vous n'êtes qu'au chiffre de 2,400 hectares ; où sont les 7,000, les 25,000, les 100,000 hectares ?

Une chose m'a frappé dans les allocations nécessaires, pendant l'exercice 1851, au payement du personnel qui est chargé du service des irrigations et des défrichements dans la Campine, c'est que ces allocations s'élèvent à 28,800 fr. ; ce chiffre me paraît considérable. J'ignore jusqu'à quel point il conviendrait de réduire le personnel.

Je me bornerai à appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ce point. Peut-être ce crédit pourrait-il subir quelque réduction.

Plus loin, je rencontre encore des dépenses diverses et des dépenses imprévues. Je n'en apprécie pas tout le mérite. Des dépenses imprévues pour 20,000 fr. me paraissent excessivement exagérées et réclament des explications.

Enfin, messieurs, il me reste une dernière question à adresser à M. le ministre de l'intérieur ; elle se rapporte au drainage.

La section centrale a voulu que les dépenses dues à l'intervention de l'Etat, pour de nouveaux essais qui tendent à améliorer les propriétés particulières, ne fussent faites que sur l'avis conforme des comices et remboursées au trésor public.

Elle n'a fait d'exception à cette règle que pour les traitements et frais de route de deux ingénieurs.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il adhère à cette observation de la section centrale, si en effet des avances seront faites uniquement à la condition d'être remboursées au trésor public ? (Aux voix ! aux voix !)

M. Delehaye. - Messieurs, je comprends l'impatience de la chambre, de terminer cette discussion qui a déjà été assez longue ; cependant, comme je n'ai pas appartenu à la minorité de la section centrale, je prie la chambre de vouloir me prêter quelques moments d'attention.

La section centrale a eu cette fois cet avantage d'avoir pour organe un membre de la minorité ; je dois à la justice de dire que toutes les opinions qui se sont fait jour dans la section centrale, ont été reproduites avec une grande impartialité et beaucoup d'exactitude ; j'en remercie bien sincèrement l'honorable rapporteur.

Dans mon opinion, le projet de loi, tel qu'il a été présenté par le gouvernement, est la protection la plus utile, la plus efficace que le gouvernement puisse proposer en faveur de l'agriculture. Ici, personne n'a à se plaindre de la mesure ; les consommateurs n'en souffrent nullement, et la prospérité publique en reçoit un accroissement incontestable.

La section centrale, comme la chambre, se trouvait en présence d'un principe qui a répugné à la minorité de la section centrale, et qui n'a pas fait reculer la majorité. Ce principe, c'est le caractère que le gouvernement voulait donner au crédit qu'il demande ; dans notre opinion, quelque fût d'ailleurs ce caractère, nous avions pensé que les avantages assurés à l'agriculture par le projet de loi étaient tellement importants, qu'il fallait, à ce prix, passer par cette condition. Mais le gouvernement est venu aujourd'hui proposer à ce principe une modification qui aura pour conséquence infaillible l'adoption du projet de loi à une immense majorité.

Dans notre opinion, il n'y avait rien de dangereux dans l'adoption de ce principe ; nous le pensions surtout, parce que nous ne voulions pas admettre la proposition de la minorité, proposition qui consistait à porter annuellement un crédit au budget ; la minorité a pensé qu'en procédant de cette manière, on restait dans les termes de la loi sur la comptabilité. La majorité objectait à cela que, quand une dépense figure pendant quelques années au budget, elle acquiert un caractère définitif et devient une dépense permanente.

Mais enfin le gouvernement vient de modifier le caractère qu il avait donné à la loi ; cette modification doit assurer une majorité (page 1290) considérable au projet de loi qui, je le répète, est une mesure très favorabîe à l'agriculture, par le développement qui va être donné au défrichement et par la propagation des nouvelles méthodes.

Et puisque je parle de méthodes, je dirai deux mots du drainage. Le drainage ne doit pas s'effectuer au profit des propriétaires ; mais malheureusement en Belgique, le cultivateur, en général, n'innove sur aucun point ; il fait ce qu'il a vu faire. Il faut une persistance permanente, pour que le cultivateur adopte une amélioration.

Or, le gouvernement accordera des subsides à des comices, pour qu'on fasse des essais de drainage, à donner en exemple aux cultivateurs du ressort de ces comices. C'est ainsi qu'on introduira en Belgique une des plus grandes ressources que se soit créées l'agriculture anglaise. Partout où le drainage a été mis en œuvre, l'agriculture en a retiré un grand avantage., Ce procédé n'est pas suffisamment connu en Belgique ; il faut que, par le moyen des comices qui feront des essais, cette méthode vienne à la connaissance de nos cultivateurs, et les résultats de ces essais leur montreront tout l'avantage qu'ils doivent attendre de l'emploi de ce procédé.

Messieurs, que vous dirai-je de la chaux que le gouvernement distribue à prix réduit ? J'avoue que ce système est contraire aux principes que je professe ; mais pourquoi la chambre l'a-t-elle adopté ? Pourquoi y avons-nous donné la main ? Parce que nous avons voulu venir au secours d'une province où l'agriculture était très souffrante. Je crois que le gouvernement, après avoir fait encore un essai pendant un an, pourra abandonner ce système. Il a voulu faire dans le Luxembourg à l'aide de la chaux ce qu'il fera ailleurs à l'aide du drainage, prouver combien il était avantageux d'employer la chaux comme fumure. Envisagé sous ce rapport, comme système transitoire, il peut avoir une grande utilité ; j'y donne mon assentiment.

Je n'ai plus qu'un mot à dire.

Je crois que si la Campine veut être un jour entièrement délivrée de ses bruyères, elle ne doit pas reculer devant le payement de la redevance. Si, au prix d'une somme minime pour la généralité, nous parvenons à donner une valeur à des terres qui n'en avaient pas, il serait imprudent de repousser le principe de la redevance ; car je ne veux pas de la redevance au chiffre qui a été indiqué, il y a quelque temps, comme elle est admise dans quelques départements français ; je ne veux pas, par exemple, d'une redevance de 50 francs par hectare ; je ne veux pas non plus du chiffre porté dans l'amendement de M. David, mais je veux que le principe en soit admis. Si nous retirons quelque indemnité des dépenses que nous faisons pour tâcher de porter la prospérité dans certaines contrées du pays, nous serons plus disposés à en faire pour arracher à la stérilité les landes qui couvrent encore certaines parties de notre pays.

L'honorable auteur de la proposition admet une réduction de redevance pour les terres situées à la distance de 3,000 mètres d'un point donné ; mais qui dit que les bruyères situées à moins de 3,000 mètres auront un avantage plus grand à se servir des eaux du canal que celles situées à une plus grande distance ? Cela n'est nullement démontré. Il est plus probable même que les terres qu'il place dans la troisième catégorie et pour lesquelles il ne demande qu'une redevance de 5 francs tirant un plus grand avantage de ce moyen d'irrigation que les terres de la première catégorie. Je ne vois pas dès lors pourquoi on ne leur ferait payer qu'une redevance de moitié. Voilà un point sur lequel des explications n'ont point été données et seraient nécessaires.

Est-il juste, est-il raisonnable de faire payer pour des terres défrichées une redevance de dix francs par hectare quand l'impôt foncier le plus élevé, les prairies exceptées, ne dépasse pas ce chiffre ? Je ne crois pas que dans le Hainaut, où sont les plus belles terres, il y en ait qui payent plus de dix francs d'impôt ; je ne sache pas même qu'il y ait beaucoup de terres dans le Hainaut payant dix francs. Si vous frappiez les terres défrichées d'une redevance supérieure à l'impôt foncier, vous arrêteriez l'essor donné au défrichement, vous détruiriez les espérances qu'il avait fait naître dans la Campine.

Il faut, selon moi, établir une redevance, mais à un taux très bas et non la porter à un chiffre qui désespérerait ceux auxquels vous voulez venir en aide.

La modification apportée au projet par le gouvernement écarte tous les obstacles que le projet a rencontrés au sein de la section centrale ; elle les eût prévenus si elle avait été présentée dès le principe, à tel point que le projet eût été admis à l'unanimité. Plus de bien aurait pu être fait avec le crédit demandé, au moyen de la faculté de remployer les sommes rentrantes. L'inconvénient résultant de l'abandon de cette faculté est diminué par l'élévation du crédit à 600 mille francs ; d'un autre côté, le gouvernement satisfait aux réclamations de ceux qui demandaient plus de régularité dans la comptabilité de l'Etat.

- - Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. Coomans. - Je demande la parole contre la clôture.

Je désire que la discussion continue. J'aurais consenti à clore la discussion avant le discours de M. de Perceval...(interruption) et même après ; messieurs, mais quand je vois l'honorable M. Delehaye appuyer une proposition que je considère comme destructive de tous les avantages que le gouvernement veut accorder à la Campine, je demande la permission de répondre. Je profiterai de la circonstance pour relever quelques erreurs énormes avancées par M. de Perceval et indirectement ratifiées par l'honorable président de la section centrale. Dans tous les cas, j'aurais le droit de prendre la parole pour un fait personnel ; l'honorable M. de Perceval s’étant permis à mon égard une insinuation que je dois repousser comme injuste et déplacée.

M. de Renesse. - Je demanderai aussi la parole pour un fait personnel. J'ai le droit, ayant été nommé, de dire pour quels motifs j'ai voté la canalisation de la Campine.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. Coomans. - Messieurs, l'honorable M. de Perceval m'a injustement et peu parlementairement accusé d'avoir dit de lui, dans la presse, qu'il est un ennemi de la Campine.

Je n'ai jamais dit, ni écrit, ni pensé qu'il fût un ennemi de la Campine. Je ne me permettrai jamais d'adresser une aussi niaise injure à un adversaire politique, pas plus que je ne lui demanderai compte ici de qu'il dit de moi au-dehors. Il n'y a pas dans cette chambre d'ennemi de la Campine, je le sais bien ; la Campine n'a rien fait pour y compter des ennemis ; au contraire, j'admets que M. de Perceval soit un ami de la Campine, mais dès lors j'ai le droit de le ranger dans la catégorie des amis maladroits et, parlant, dangereux.

M. de Renesse. - Je demande la parole pour un fait personnel.

- Plusieurs voix. - On ne vous a rien dit de personnel.

M. de Renesse. - J'ai été cité, j'ai le droit d'expliquer les motifs de mon voté en 1843, l'honorable M. de Perceval ayant voulu établir une contradiction entre le vote que j'ai émis à cette époque sur le projet de loi de la canalisation de la Campine et la demande d'abrogation de la disposition de cette loi, établissant un impôt-concours.

J'ai fait partie de la section centrale chargée d'examiner le projet de loi de la canalisation ; j'ai alors combattu et voté contre cette charge extraordinaire que le gouvernement voulait imposer aux riverains du canal de la Campine.

Dès que les habitants de cette contrée ont eu connaissance de la disposition relative à cet impôt-concours, ils ont immédiatement envoyé des députations et des pétitions au gouvernement et aux chambres pour réclamer contre une disposition aussi exorbitante.

Si alors j'ai voté pour l'ensemble du projet de loi, c'est que j'avais la conviction que cette charge extraordinaire ne pouvait recevoir son exécution ; en effet, jusqu'à cette époque, quoique le gouvernement eût exécuté à ses frais, dans toutes nos provinces, des chemins de fer, canaux ou autres constructions d'utilité publique, jamais un pareil impôt-concours n'avait été stipulé ; l'on ne pouvait donc établir ce principe, en premier lieu, pour la Campine, contrée pauvre, n'offrant aucune ressource financière, et au lieu d'en retirer annuellement un capital de plus de 74,000 fr., il fallait, au contraire, chercher à y attirer des capitaux, pour y provoquer le défrichement de ses bruyères.

M. de Perceval (pour un fait personnel). - Pour ce qui concerne la question de savoir qui est le véritable ami de la Campine, le présent ne peut le démontrer ; l'avenir se chargera de le faire ; voilà ma réponse à l'honorable M. Coomans.

Pour ce qui concerne l'honorable M. de Renesse, du moment qu'il a voté la loi, avec la conviction que l'impôt n'était pas applicable, je n'ai rien à dire. J'avais cru jusqu'ici qu'il avait émis un vote sérieux : il déclare que son vote n'avait pas ce caractère, je rétracte dès lors toutes les observations que j'ai faites sur le discours de l'honorable membre.

Discussion des articles

Article premier

La discussion est ouverte sur l'article premier du projet de la section centrale comprenant l'augmentation de 100,000 fr. proposée par M. le ministre de l'intérieur ; cet article est ainsi conçu :

« Art. 1er. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de six cent mille francs (600,000 fr.), pour mesures relatives :

« A. Au défrichement et aux irrigations ; fr. 450,000 »

« B. A la délivrance de la chaux : fr. 75,000 »

« C. Au drainage : fr. 75,000 »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je puis me rallier à cette rédaction en faisant observer que cette division ne lie pas le gouvernement. Je l'accepte à titre d'indication.

M. Osy. - Aujourd'hui que le gouvernement retire les deux premiers paragraphes de l'article. 3, je puis voter et je voterai la loi.

Reste mon observation sur les litteras B et C. Je conçois que le gouvernement ayant fait dans le courant de l'année des arrangements pour le drainage, il faut bien que nous votions cette dépense.

L'an prochain, quand le gouvernement nous demandera un nouveau crédit, nous pourrons examiner le système du gouvernement et décider si, lorsque nous supprimons les primes aux diverses industries, il convient de les maintenir pour le drainage. Je voterai le littera B.

J'engagerai le gouvernement à ne donner des subsides pour le drainage que pour autant que tout le monde soit sur la même ligne, de ne plus en donner à une fabrique de poteries, quand il ne peut en donner à toutes. J'engage le gouvernement à ne donner des subsides que là où les particuliers sont impuissants et à mettre tout le monde sur la même ligne.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement ne viendra pas demander un nouveau crédit l'année prochaine ; il viendra rendre compte l'année prochaine de l'emploi qu'il aura fait d'une partie du crédit. Les six cent mille francs ne seront pas dépensés en un an ; ils le seront dans un intervalle de 4 à 5 ans. Seulement le gouvernement viendra rendre comple chaque année des dépenses qu'il aura faites l'année antérieure. Je rendrai compte dans un an de la dépense faite sur le (page 1291) crédit de six cent mille francs. Si la chambre juge alors qu'il y a lieu de faire cesser la distribution de chaux que je me propose de continuer pendant l'exercice courant, elle le décidera.

J'ai déjà dit, que le gouvernement se proposait de restreint ce moyen de défrichement à mesure qu'il s'étendrait de lui-même dans l'agriculture.

En ce qui concerne le drainage, les dépenses ont été minimes relativement aux résultats obtenus. Il n'a été accordé de préférences à personne ; les dépenses consistent surtout dans un traitement accordé à un ingénieur à raison de services spéciaux.

Les subsides accordés pour le drainage, en quoi consistent-ils ? Nous avons créé dans le pays un grand nombre de comices composés de propriétaire associés à des fermiers, à de simples artisans agricoles ; il faut que ces comices fassent quelque chose, on les engage, on les excite à s'occuper d'améliorations réelles.

On a engagé les comices à défricher chacun dans leur ressort les terrains qui paraîtraient le plus propres à être drainés, afin de pouvoir propager par l'exemple les bienfaits du drainage ; sur ces terrains, le gouvernement a fait certains frais insignifiants.

Voilà la marche que nous continuerons à suivre. Nous n'accordons de subsides à aucun particulier pour drainer, mais nous accordons des subsides aux comices, à ces collections d'individus pour que, sur certains terrains ils fassent des travaux de drainage et donnent ainsi l'exemple à tous les propriétaires. Voilà en quoi consistent les subsides que nous accordons. Les autres subsides sont accordés sous forme d'instruments destinés à fabriquer les tuyaux pour le drainage ; ceux qui se sont montrés dans cette enceinte le plus hostiles à l'intervention de l'Etat nous ont conseillé de répartir ces instruments sur divers points du pays où il ne s'en trouve pas, c'est cé que nous continuerons à faire.

Mais ces dépenses, qui n'ont pour but que de distribuer des choses qui n'existent pas et de stimuler par l'exemple, disparaîtront pour être remplacés par d'autres ; car le progrès est indéfini ; chaque jour amène un progrès nouveau. Il faut que le gouvernement, le pays sachent s'approprier les progrès qui se font dans d'autres contrées.

La somme indiquée par la section centralene sera pas dépassée. Je suis convaincu qu'avec 75,000 francs il sera possible de faire face aux besoins résultant du drainage.

Je prie la chambre d'être convaincue qu'il sera apporté la plus grande réserve, la plus grande économie et par dessus tout la plus grande impartialité dans la distribution de ces fonds. Nous sommes maintenant, je crois, parfaitement d'accord avec tout le monde pour ce qui concerne le principe même de la loi, puisque ceux qui dans le principe s'étaient montrés opposés à la loi viennent d'annoncer qu'ils la voteront.

M. David. - Dans la discussion générale, j'ai prouvé que ce crédit de 500,000 francs est trop élevé, qu'en laissant aux intérêts privés toute latitude, on obtiendrait le même résultat. Mes observations subsistent, elles justifient mon vote négatif contre le projet de loi.

Lorsque la chambre aura statué sur l'article premier, il y aura lieu de mettre aux voix l'article additionnel que j'ai eu l'honneur de proposer.

M. Dumortier. - Messieurs, je voterais volontiers des encouragements à l'agriculture ; mais l'état actuel de nos finances ne me permet pas d'émettre un vote favorable au projet en discussion. Ce n'est pas au moment où nous allons avoir à voter de nouveaux impôts que je crois pouvoir donner mon approbation à une dépense qui ne sera couverte que par l'emprunt. Car, remarquez-le bien, cette dépense n'est pas couverte par le budget ; c'est une véritable dépense de budget couverte au moyen de l'emprunt ; c'est une de ces dépenses qui devraient faire partie du budget et qui se trouve couverte par l'emprunt.

Pour ce premier motif, je le déclare, malgré mon désir, il m'est impossible d'émettre un vote favorable. Dans le moment où nous avons de nouveaux impôts à voter, ne cherchons pas à augmenter le déficit.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous avons proposé le mode introduit dans la loi du 25 mars 1847 ; c'est le même mode de payement, avec émission de bons du trésor.

M. Dumortier. - Mais on n'était pas alors en présence d'impôts nouveaux que la chambre était appelée à voter.

En second lieu, il y a une observation qui, depuis le commencement de cette discussion m'a singulièrement frappé.

Rappelez-vous, messieurs, qu'il y a quelque mois, mon honorable ami M. Delehaye et moi nous avons demandé que le gouvernement maintînt la prime de 5 p. c. qui était accordée à l'exportation des toiles fabriquées par les ouvriers des Flandres. On a repoussé notre demande à une immense majorité. On n'a pas voulu accorder pour les Flandres une prime de 5 p. c. dans l'intérêt du travail de nos malheureux ouvriers. Aujourd'hui on vient vous demander de voter 30 p. c. de prime dans l'intérêt du Luxembourg. Car lorsqu'on donne de la chaux à 30 p. c. en dessous du prix de revient, c'est une prime de 30 p. c. que l'on acorde.

Eh bien, il me semble que l'on devrait être conséquent avec soi-même : ou il faudrait ne pas repousser la prime que demandent les Flandres pour les ouvriers, ou il faudrait ne pas accorder une prime de 30 p. c. dans l'intérêt du Luxembourg. Il y a là une inconséquence grave. Quanta moi, je ne puis marier ces deux systèmes. Je ne puis marier une prime de 30 p. c. d'un côté et le refus d'une prime de 5 p. c. de l'autre. (Interruption.) J'entends parler du système du gouvernement ; le gouvernement n'a pas de système. Voici, puisqu'on me place sur ce terrain, la marche que suit le gouvernement.

En matière de fabrication, il a des droits protecteurs qu'il désire voir disparaître, et il refuse toute prime. En matière de céréales, il refuse tout droit protecteur et il accorde des primes.

Est-ce là un système ? Non ; c'est l'opposé d'un système ; vous accordez à l'un ce que vous refusez à l'autre, et vous refusez au premier ce que vous accordez de l'autre côté. Pour mon compte, je désire que le gouvernement ait un système.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - On donne où il y a des besoins.

M. Dumortier. - S'il y a des besoins, il n'y en a pas de plus grands que d'aider par tous les efforts possibles à l'exportation de tous les produits des Flandres. Nous sommes à la veille, M. le ministre des affaires étrangères doit le savoir mieux que moi, de l'expiration du traité avec la France. Le jour où ce traité cessera d'exister, toutes les toiles que nous envoyons aujourd'hui en France ne pourront plus s'y exporter.

Les ouvriers qui fabriquent ces toiles seront donc sans ouvrage, ils seront dans la misère, et cela à une époque où nous sommes menacés de grands désastres. Eh bien, dans ce moment, vous refusez une légère prime de 5 p. c. aux Flandres, et vous accordez une prime de 30 p. c. au Luxembourg.

Quant à moi, je ne veux pas voter une prime de 30 p. c. pour le Luxembourg dans le même moment où vous en refusez une de 5 p. c. pour mes électeurs. (Interruption.)

Messieurs, je parle avec franchise ; je ne parle pas comme ceux qui veulent les primes pour eux, et qui les refusent pour les autres ; je vous dis : Il faut nous accorder ce que vous voulez avoir pour vous, ou nous vous refuserons ce que vous réclamez en votre faveur. Je le répète, il n'est pas juste de refuser aux Flandres une prime de 5 p. c, lorsque vous accordez à d'autres parties du pays une prime de 30 p. c.

Article additionnel

M. le président. - Voici un amendement déposé par M. de Perceval.

M. de Perceval. - C'est un article additionnel qui prendrait la place de l'amendement de M. David, si celui-ci était rejeté.

M. le président. - « Les propriétaires des prairies irriguées au moyen des eaux du canal de la Campine payeront une redevance dont le département de l'intérieur fixera le taux d'accord avec le conseil des ponts et chaussées.

« L'on ne pourra irriguer qu'à des époques qui seront déterminées par le département de l'intérieur. » (Interruption.)

La parole est à M. de Perceval pour développer son amendement.

M. de Perceval. - Je pense l'avoir suffisamment développé dans mon discours. On me fait remarquer que cet amendement est plus ou moins inconstitutionnel. Je dois déclarer que je n'y vois rien d'inconstitutionnel. (Interruption.)

- - Un membre. - Les chambres votent seules votent les impôts.

M. de Perceval. - J'ai oublié d'insérer dans mon amendement que le taux de la redevance devra subir la sanction des chambres. Cela va soi.

Je demande que la chambre établisse le principe de la redevance. Si la chambre n'en veut pas, elle rejettera mon amendement.

- L'amendement de M. de Perceval n'est pas appuyé.

Article additionnel

M. Coomans. - Messieurs, l'honorable M. de Perceval a fait tout à l'heure une déclaration qui devrait nous mettre parfaitement d'accord, s'il en comprenait toutes les conséquences. L'honorable membre, et j'insiste là-dessus, pour finir le débat, a dit, renonçant au principe de la redevance : Je veux bien vous accorder l'eau qui vous est nécessaire, mais je ne veux pas vous donner un litre de plus ; je vous accorde gratis l'eau qui vous est nécessaire, c'est-à-dire un litre par seconde ; mais vous payerez l'eau dont vous n'aurez pas besoin.

Eh bien, je souscris pleinement à cette condition proposée par l'honorable membre. Nous ne demandons que l'eau dont nous aurons besoin. Cette eau, l'honorable membre nous l'accorde, je suis plainement satisfait et je le remercie de ne vouloir donner que cette portée à l'amendement de son honorable ami et frère d'armes M. David (interruption) ou plutôt je le remercie d'avoir ainsi annulé et détruit la motion fiscale de l'honorable député de Verviers.

Il est donc bien entendu que nous sommes pleinement satisfaits de la concession que nous fait l'honorable représentant de Malines. Il nous accorde un litre d'eau par seconde. C'est tout ce que nous demandons. Il nous accorde toute l’eau dont nous avons besoin. Nous renonçons volontiers à l'eau qui nous est inutile et que nous n'aurons pas la niaiserie de payer.

Messieurs, je n'ai guère dans ce débat parlé que de l'amendement de l'honorable M. David, parce qu'il le domine. Cet article additionnel détruit le projet du gouvernement ; au point que s'il était adopté, je voterais contre le projet parce que l'emploi de ces 500,000 francs serait du gaspillage pur ; si la chambre, ce que du reste elle ne fera pas, votait l'article additionnel, même mitigé, de l'honorable M. David, il serait inutile de discuter davantage.

Reprenez vos 350,000 francs : il est complètement superflu d'engager les défricheurs dans des entreprises qui, même aujourd'hui, ne leur (page 1292) offrent pas assez de chances de succès. Eh quoi ! messieurs, naguère il a été vendu des bruyères à Achel, au taux de 60 francs l'hectare, sans aucune concurrence ; ajoutez à ce prix la redevance annuelle de 10 francs, capitalisez-la, vous obtenez 300 francs, ce qui, avec le prix d'achat, donne 360 francs. Croyez-vous donc que lorsqu'il n'y a pas d'acheteurs pour un objet qu'on offre à 60 francs, il s'en présentera quand il faudra payer 360 francs ? C'est impossible, et c'est tout simplement là ce que veut l'honorable membre. Cela est-il raisonnable, et faut-il être déraisonnable, comme l'affirme M. David, pour repousser de si exorbitantes prétentions ?

L'honorable membre, voulant justifier le principe de la redevance, a cité une décision du congrès agricole de Belgique qui a émis le vœu que ce principe fût appliqué à d'autres travaux de ce genre, à tous les travaux de ce genre dans notre pays. Mais c'est aussi mon opinion. C'est aussi l’opinion de l’honorable M. Rogier, qui s’en est parfaitement expliqué l’autre jour, lorsqu’il a dit que le principe de la contribution pour acquisition de plus-value ne serait juste qu’étant généralisé, et que si l’on appliquait le principe de la redevance, il serait équitable de commencer par les provinces les plus riches, les plus avancées, les plus favorisées sous tous les rapports.

Le principe ainsi entendu, et l'on ne pourrait, sans injustice, l'entendre autrement, ce principe, nous l'admettons avec le congrès agricole ; mais l'honorable membre ne l'admettrait pas, car la ville de Malines entre autres, aurait un compte onéreux à régler avec le trésor belge, si elle devait lui donner une part des bénéfices que le chemin de fer lui a procurés.

L'honorable membre est allé dans le midi de la France et dans le Piémont quêter des faits qui n'ont aucun rapport avec ce qui nous occupe ; l'honorable membre nous cite des redevances de 16, de 25 francs au maximum, perçues sur des rivières qui produisent énormément chaque année et où l'eau est le principal engrais. L'engrais ordinaire, l'engrais proprement dit, que les sables de la Campine mangent si rapidement, est tout à fait accessoire dans ces contrées fertiles. Eh quoi ! parce qu'on lève un impôt volontaire de 25 francs sur les rivières du Piémont et de la Provence, vous voudriez lever, je ne dis pas 50 francs, chiffre que son auteur répudie aujourd'hui, je ne dis pas 25 francs, mais même 10 francs sur les sables caillouteux de la Campine ! Vraiment cela, n'est pas raisonnable, n'en déplaise à MM. David et de Perceval.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

- D'autres membres. - Laissez parler.

M. Julliot. - L'orateur se borne à répliquer.

M. Coomans. - Un mot encore, messieurs ; car je voudrais qu'on en finît une bonne fois avec cette éternelle redevance, et je ne demande pas mieux que de ne plus jamais devoir en dire un mot dans cette enceinte.

L'honorable M. de Perceval s'effraye de la perspective de voir 100,000 hectares irrigués dans la Campine et convertis en prairies. Mais qui donc a jamais songé à convertir 100,000 hectares de bruyères en prairies ? Qui consommerait toute cette herbe ? L'honorable membre peut se rassurer : 25,000 hectares de prés sont plus que suffisants pour l'agriculture campinoise, et si, d'ici à 25 ans, on transforme 25,000 hectares de landes en prairies, on aura fait un progrès immense que j'ose à peine espérer. Cette utile métamorphose est notre but. Malheureusement nous ne sommes pas près de l'atteindre, et pour peu que l'on entrave encore, d'année en année, les travaux qui se font, nous attendrons des siècles avant de justifier les étranges inquiétudes de M. de Perceval.

L'honorable M. Delehaye a fait une remarque accessoire, qui ne porte que sur la forme, mais qui prouve la légèreté avec laquelle l'honorable M. David a rédigé son amendement. L'honorable M. Delehaye a démontré que les propriétés situées à 6,000 mètres du canal retirent autant de profit des eaux fécondantes de la Meuse que les propriétés qui en sont le plus rapprochées. L'honorable M. David ne pourrait pas le nier, après y avoir un peu réfléchi. Mais il y a plus ; M. Delehaye n'a dit vrai qu'à demi. M. David demande une moindre redevance aux propriétés situées à 6,000 mètres du canal, et il frappe durement les propriétés riveraines. Le contraire serait moins déraisonnable. En voici le motif : c'est que l'eau, sortie du canal, passe sur les propriétés voisines et enlève les engrais qui y sont répandus à foison ; cette même eau devenue ainsi bien autrement fécondante qu'à sa sortie du canal, va arroser les propriétés situées à 4,000, 5,000 et 6,000 mètres.

Ces propriétés devraient donc payer le double, le triple, le quadruple, et ce sont précisément celles-là que l'honorable M. David veut ménager comparativement aux autres. Avais-je tort de dire que mes honorables adversaires ne connaissent pas l'œuvre des irrigations ?

J'aurais encore beaucoup d'autres observations critiques à présenter ; mais je ne veux pas abuser des moments de la chambre, qui, j'en ai la ferme conviction, repoussera le principe et le chiffre proposés par l'honorable M. David. J'attends avec une pleine confiance le jugement qu'elle va prononcer.

- La clôture est demandée et prononcée.

L'article premier, amendé par la section centrale et par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je mettrai maintenant aux voix l'article additionnel proposé par M. David.

M. Coomans. - Je demande l'appel nominal.

- La demande de M. Coomans étant appuyée par plus de cinq membres, il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

59 membres sont présents.

55 rejettent.

2 adoptent.

2 se sont abstenus.

En conséquence, la proposition de M. David n'est pas adoptée.

Ont voté le rejet : MM. T’Kint de Naeyer, Trémouroux, Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Anspach, Cans, Cools, Coomans, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, Debroux, de la Coste, Delehaye, Delescluse, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidl, Dolez, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Lange, Lesoinne, Liefmans, Loos, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Prévinaire, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry et Delfosse.

Ont voté l'adoption : MM. Ansiau et David.

MM. de Theux et de Perceval se sont abstenus.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Perceval. - Messieurs, je veux le principe de la redevance, par conséquent je n'ai pu rejeter l'amendement qui le contient ; mais je ne suis pas d'accord avec l'honorable M. David sur la question des chiffres ; par conséquent, je n'ai pas pu voter pour l'amendement.

M. de Theux. - Messieurs, comme je suis au nombre des défricheurs, je n'ai pas pu voter sur l'amendement, quoique je pense que la proposition n'eût pas pu avoir d'effet rétroactif ; mais pour l'avenir, la mesure eût été désastreuse et elle aurait complètement paralysé le défrichement.

Article 2

« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen d'une émission de bons du trésor en addition à celle autorisée par l'article 3 de la loi du 26 décembre 1850. »

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, bien que le crédit demandé soit destiné à certaines dépenses pour lesquelles je n'éprouve pas une bien vive sympathie, bien que ce crédit unique, sans division en articles, porte une dérogation aux principes indispensables pour la discussion régulière de propositions de loi de cette nature, je le voterai cependant, à cause de la concession importante qui nous a été faite par le gouvernement ; je veux lui en tenir compte.

La section centrale propose de supprimer le premier paragraphe de l'article 2 ; il me semble avoir remarqué que M. le ministre de l'intérieur s'est rallié à cette suppression. (Oui !)

Puisqu'il en est ainsi, il ne me reste qu'à dire un mot pour déterminer quel sera le caractère de ce crédit. Il me semble qu'il rentre dans la catégorie de ceux qui sont définis par les articles 31 et 32 de la loi sur la comptabilité. Ce sont des crédits spéciaux mis à la disposition du gouvernement pour plusieurs années jusqu'à l'achèvement complet d'un travail quelconque d'utilité publique. Ces crédits ne sont pas compris parmi les crédits des budgets. Il en est fait mention sous une rubrique spéciale.

Il faudra procéder pour ce crédit comme on a procédé pour les crédits des travaux publics, et notamment au chemin de fer.

Il s'agit ici d'un crédit de 600,000 francs ; eh bien, je suppose que, pendant cette année, on dépense une somme de 100,000 francs ; on rattacherait au compte de l'exercice 1851 une dépense de 100,000 francs, et un crédit de même somme et les 500,000 francs, restant disponibles sur le crédit, seraient reportés successivement de la même manière aux comptes subséquents.

Je crois, messieurs, avoir suffisamment caractérisé ce crédit ; c'est ainsi, je le répète, que l'on procède pour les crédits spéciaux accordés en dehors de ceux des budgets.

Il y a bien là une petite dérogation à nos principes de comptabilité, car cela n'a été admis jusqu'ici que pour des travaux publics. Mais je ne vois pas autre moyen de régularisation. J'espère du reste que ces lois de crédit exceptionnelles présentées en dehors du budget ne se reproduiront plus.

- L'article 2 est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Il sera rendu compte annuellement aux chambres des dépenses et recettes faites en vertu de la présente loi. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de la loi.

57 membres répondent à l'appel.

53 répondent oui.

3 répondent non.

Un membre (M. de Renesse) s'est abstenu.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Ont répondu oui :

MM. T'Kint de Nacyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Cans, Cools, Coomans, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, Debroux, de La Coste, Delehaye, Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, (page 1293) Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, Destriveaux, de Theux, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Lange, Lesoinne, Liefmans, Loos, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Prévinaire, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. David, Dumortier et Mascart.

M. de Renesse est invité à donner les motifs de son abstention.

M. de Renesse. - Quoique j'approuve en général les crédits demandés pour les améliorations agricoles, j'ai cependant cru devoir m'abstenir, parce que, pour faire face à ces dépenses, il faudra une nouvelle émission de bons du trésor en addition à celle autorisée par l'article 3 de la loi du 26 décembre 1850 ; émission déjà trop considérable sous le rapport de notre situation financière.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la chambre s'est occupée d'un projet de loi apportant des modifications aux lois relatives au timbre et à l'enregistrement des actes en matière de faillite, banqueroute et sursis ; après avoir voté les articles, elle a remis le vote sur l'ensemble après celui de la loi sur les faillites dont le sénat était saisi. La loi sur les faillites étant promulguée et obligatoire en ce moment, je demanderai que la chambre veuille bien mettre à l'ordre du jour de demain le vote sur l'ensemble de la loi que je viens d'indiquer.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 3 heures 10 minutes.