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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 16 décembre 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. A. Vandenpeereboom (page 259) procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.

La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom communique l'analyse des pièces adressées à la chambre :

« La dame Deriveau, veuve Huart, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le payement des indemnités qui lui sont dues par l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs cultivateurs et habitants à Pervyse présentent des observations sur le traité de commerce conclu avec les Pays-Bas et demandent une augmentation de droits d'entrée sur le bétail hollandais. »

« Même demande de plusieurs cultivateurs et habitants de Wulpen. »

- Sur la proposition de M. de Muelenaere, renvoi à la section centrale chargée d'examiner le traité.


« Les industriels et négociants d'Ensival et de Francomont prient la chambre de donner son assentiment au traité de commerce conclu avec les Pays-Bas. »

- Même renvoi.


« Plusieurs cultivateurs de Lampernisse prient la chambre de ne pas donner son assentiment aux stipulations du traité de commerce avec les Pays-Bas, relatives à l'entrée du bétail hollandais. »

- Même renvoi.


« Plusieurs fabricants et industriels de Leuze prient la chambre d’approuver le traité de commerce conclu avec les Pays-Bas, tout en sauvegardant les intérêts des fabricants d’huile. »

- Même renvoi.


« Les sauniers de Grammont prient la chambre de ne pas donner son assentiment aux stipulations du traité de commerce conclu avec l'Angleterre, qui ont pour objet l'assimilation quant aux droits de douane et d'accise du sel de source au sel brut, et la faculté de transit pour le sel de source. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le traité.


« Les avoués près le tribunal de première instance de Furnes prient la chambre d'adopter les modifications proposées par les avoués de Bruges, au projet de loi sur l'expropriation forcée. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du projet de loi.


« Le sieur Jean-Pierre Antogini, tailleur d'habits et instituteur à Wavre, né à Vairam (Suisse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur J. B. Biche, sergent-major au premier régiment de ligne, né à Eaux (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


M. le Bailly de Tilleghem, dont l'indisposition continue, demande une prolongation de congé.

- Accordé.

Projet de loi approuvant le traité de commerce conclu entre la Belgique et les Pays-Bas

Rapport de la section centrale

M. Malou, au nom de la section centrale qui a examiné le traité de commerce, conclu le 20 septembre dernier, entre la Belgique et les Pays-Bas, fait rapport sur le projet de loi relatif à l'approbation de ce traité.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

M. le président. - Le rapport ne pourra être distribué que vendredi soir ou samedi matin.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La discussion pourrait être fixée a lundi.

M. Dumortier. - Ne précipitons rien. On ne peut pas fixer dès à présent la discussion à lundi, alors qu'il n'est pas même certain que le rapport pourra être distribué vendredi. Il faut laisser aux députés le temps de lire un rapport aussi volumineux et aussi important. Cette question est des plus graves.

M. de Muelenaere. - On fixera l'époque de la discussion après la distribution du rapport.

M. Mercier. - Je demande qu'on ait au moins deux jours francs entre la distribution du rapport et la discussion et qu'on ne fixe pas maintenant l'époque de la discussion.

M. Rodenbach. - Le rapport sera distribué samedi. Ce jour-là, il y aura séance, on ne lira pas le rapport. Mias on pourra le lire lundi. Je demande donc que la discussion soit fixée à mardi.

M. Delfosse. - Je demanderai au gouvernement s'il n'y a pas urgence, s'il n'y a pas un délai dans lequel les ratifications du traité doivent être échangées.

M. Delehaye. - Oui, et ce délai expire le 31 de ce mois. Mais indépendamment des considérations qu'on a fait valoir, il y a un motif pour ne pas fixer la discussion du traité avant mardi, c'est que lundi, il y a une élection à Gand, et tous les députés de cette ville désireront y prendre part.

Je demande donc que la discussion soit fixée à mardi,

M. Rodenbach. - C'est ce que j'avais demandé.

- La chambre consultée fixe la discussion à mardi.

Projet de loi sur les salaires des conservateurs des hypothèques

Discussion des articles

M. le président. - Il nous reste à voter sur l'ensemble du projet.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on a procédé à l'adoption du projet de loi sur les salaires des conservateurs des hypothèques en mon absence. J'avais quelques modifications à introduire dans les articles. Je prie la chambre de vouloir bien me permettre de les présenter.

- La chambre, consultée, décide que la discussion sera rouverte.

Article premier

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'article 124 de la loi sur le régime hypothécaire prescrit certains actes aux conservateurs des hypothèques.

Afin de pourvoir à ce qui est indiqué par cette disposition, il y a quelques mots à ajouter au dernier paragraphe de l'article premier. Il serait rédigé comme suit :

« La disposition du n° 8 du même tableau est étendue aux certificats constatant la transcription ou la non-transcription de baux, de mutations et de concessions de droits réels. »

- L'article premier ainsi modifié est adopté.

Article 3

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les articles 39 et 62 du projet de loi sur les saisies immobilières déterminent aussi des formalités nouvelles et des certificats à délivrer par les conservateurs des hypothèques. Il devient nécessaire également d'en faire mention dans le projet de loi. Il est vraisemblable que ces dispositions seront accueillies par l'autre chambre, et dans tous les cas, si, par événement, ces dispositions étaient écartées, tout ce qui en résulterait, c'est que la loi dont nous nous occupons serait sans application sur ce point.

Je propose donc de rédiger le dernier paragraphe de l'article 3 comme suit :

« (erratum, page 277) Pour la mention à faire en conformité de l'art. 5 de la même loi, ainsi que pour les mentions autres que celle dont il s'agit au n° 12 du tarif du 21 septembre 1810, à faire en marge des transcriptions de saisie, cinquante centimes. »

- L'article 3 ainsi modifié, est adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet est adoplé à l'unanimité des 77 membres qui ont répondu à l'appel nominal ; il sera transmis au sénat.

Ont adopté : MM. Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, Dechamps, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehajc, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Royer, Desoer, Destriveaux, de Theux, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dumont (Auguste), Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, l.esoinne, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux,Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Er.), Van Iseghem, Van Hoorebeke, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Boulez, Bruneau, Cans et Verhaegen.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur les successions

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

La parole est à M. de Perceval, inscrit contre.

M. de Perceval. - Les modifications introduites par le sénat dans le projet de loi sur les successions en ligne directe reposent-elles sur un principe d'équité et de justice distributive ?

Telle est la question que je pose à l'assemblée, et que je vais avoir l'honneur de traiter devant elle avec la plus entière franchise.

J'ai donné mon assentiment au projet de loi lorsqu'il était soumis à l'examen de cette chambre, parce que, ainsi que le veut l'article 112 de la Constitution, il ne créait de privilège pour personne et qu'il consacrait le principe de l'égalité de tous devant l'impôt, parce que chacun était appelé à supporter sa part des charges publiques, l'industriel aussi bien que le commerçant, le propriétaire foncier aussi bien que le rentier qui possède sa fortune en portefeuille.

Toute loi qui reconnaît en matière d'impôt une inégalité, un privilège est mauvaise ; elle ne peut avoir qu'une existence précaire ; la (page 260) considération de l’opinion publique lui fera toujours défaut. C’est ce que fit très bien ressortir l’honorable ministre des finances dans la séance du 27 juin dernier quand il combattait les considérations présentées par plusieurs membres de cette chambre qui critiquaient l’impôt tel qu’il avait été combiné par le gouvernement.

« La loi sera démocratique, disait l’honorable M. Frère, si elle est juste. Elle sera injuste, quand vous exempterez de l’impôt les parts héréditaires de 7,000 fr. comme vous le faites, à plus forte raison les parts héréditaires de 25,000 francs, comme le fait M. Lelièvre. Elle sera détestable, elle constituera un odieux privilège, je la repousseai, et à coup sûr je ne l’exécuterai pas. Elle sera démocratique, ajoutait l’honorable ministre, elle sera juste, quelles que soient les fortunes qui soient atteintes par l’impôt, par cela seul qu’elle atteindra des fortunes, par cela seul qu’elle atteindra des capitaux accumulés, par cela seul qu’elle portera sur une richesse acquise.

Aujourd'hui que trouvons-nous dans le projet de loi tel que le sénat nous l'adresse pour que nous lui donnions notre assentiment ? Le privilège consacré par l'article 2 et la disparition de l'article 11, c'est-à-dire d'une part, l'exemption de l'impôt pour les valeurs mobilières autres que les créances hypothécaires, d'autre parr, la même exemption pour les biens que les couvents, les séminaires et les fabriques d'église acquièrent par donation.

Je m'adresse à l'impartialité de la représentation nationale, et je lui demande où est ici l'égalité de tous devant l'impôt ? Cette égalité a disparu ; le projet de loi tel qu'il est soumis actuellement à notre examen est donc injuste, et le caractère d'équité que nous lui avions donné par notre premier vote n'existe plus. Il importe de l'y rétablir, si nous voulons que cet impôt soit accepté par le pays.

La législature a-t-elle établi une exemption dans les impôts de consommation qu'elle a votés ? Y a-t-elle fait une exception en faveur des classes laborieuses en partant de ce principe si vrai que tout impôt de consommation est une réduction de salaire ? Non. Pourquoi exempterions-nous aujourd'hui de l'impôt la fortune mobilière, c'est-à-dire les banquiers et les rentiers, le haut commerce et la grande industrie, en un mot tout le capital industriel ?

Ah ! si vous voulez inscrire dans la loi un privilège, qu'il aille plutôt atteindre ceux qui ont à peine le nécessaire pour vivre, et non ceux qui se trouvent dans l'aisance et le bien-être, ceux qui ont des fortunes considérables en portefeuille.

L'honorable ministre de l'intérieur présenta au sénat les mêmes considérations, quand il s'exprimait ainsi dans la séance du 27 août dernier.

« Si nous avions à choisir entre les deux catégories d'impôts (impôts de consommation et impôts sur les successions en ligne directe), notre choix ne serait pas douteux, c'est encore à la ligne directe que nous auriors recours... el nous demanderions la suppression des lois d'impôt sur la consommation que vous avez votées tout récemment. »

On m'objectera probablement que nous devons accepter les modifications par esprit de conciliation et dans le but de terminer le conflit entre les deux chambres législatives.

Ainsi, une question d'amour-propre viendra dominer un principe de justice distributive.

Quanta moi, qui ne suis ni auteur ni responsable du dissentiment qui a éclaté entre les pouvoirs publics, parce que j'ai été conséquent et logique dans l'application de mes principes, je ne puis, en matière d'impôt surtout, me rallier à un système vicieux qui introduit un privilège exorbitant dans le projet de loi.

Ce qu'il importe de sauvegarder bien plus que l'amour-propre d'un corps délibérant, c'est une prescription constitutionnelle, c'est l'égalité de tous devant l'impôt.

Nous l'avions compris ainsi, nous, lorsque, faisant abstraction de nos sentiments ou de nos préférences personnels, nous avons voté le 28 juin dernier le droit de succession en ligne directe.

Je propose à la chambre de maintenir sa première décision, c'esltà-dire de demander l'impôt aux valeurs mobilières aussi bien qu'aux valeurs immobilières.

Serait-il juste, après tout, d'affranchir le commerce et l'industrie des charges publiques, pour faire tomber exclusivement sur la propriété foncière le poids de l'impôt ? Importe-t-il bien à la confiance dont les corps électoraux nous ont investis et à notre considération comme législateurs, de sanctionner des lois de privilège ?

Evidemment, non.

Partant de ces considérations, et puisque le sénat, grâce aux modifications qu'il a introduites dans le projet de loi, nous fournit l'occasion de nous occuper de nouveau des successions en ligne directe, je viens à mon tour présenter quelques idées qui, si elles sont acceptées par la législature comme elles le sont déjà par l'opinion publique, amélioreront notablement cette partie de notre système financier.

J'ai pensé que le moment était venu de vous les soumettre, maintenant que le droit de prélever l'impôt sur les successions a été reconnu et voté par le sénat à une très forte majorité, sous la dénomination de droit de mutation.

Dans mon opinion, il faut placer vis-à-vis du trésor public les familles de la petite et de la moyenne bourgeoisie sur un pied de parfaite égalité avec les familles de la haute bourgeoisie industrielle et commerçante, de même qu'avec celles de l'aristocratie financière et territoriale.

Dans la petite et même dans la moyenne bourgeoisie tout l'héritage échu aux enfants consiste fréquemment dans l'habitation qu'occupaient ou dans la terre qu’exploitaient les parents. C’est un immeuble dont la vente est obligatoire parce que la division en est impossible entre les héritiers au moyen d’un acte de partage passé devant notaire, alors que cette dernière formalité peut toujours avoir lieu et est pratiquée 90 fois sur 100 par les héritiers des familles riches en possession de biens immeubles nombreux et d’un partage facile. Ici, il n’y a pour ainsi dire jamais nécessité de vendre pour sortir d’indivision, tandis que les héritiers des petites fortunes n’y peuvent échapper, en règle générale.

Pour être juste, nous devons, dans la loi sur des successions tenir compte de la position très différente que la nature des choses établit vis-à-vis de la sucession entre les héritiers qui peuvent partager les biens par acte notarié, parce qu'ils recueillent beaucoup, et les héritiers qui, avant de pouvoir partager, sont forcés de subir la vente publique par la seule raison qu'ils ont relativement recueilli moins, souvent très peu.

Pouvons-nous inscrire dans la loi que l'héritier qui aura reçu le plus aura l'avantage de payer proportionnellement moins au trésor ? Non, sans doute. De même, nous ne pouvons vouloir que celui qui aura recueilli peu, sera précisément, par ce fait, frappé d'une aggravation d'impôt.

La législature ne saurait consacrer de pareilles injustices.

Eh bien, messieurs, si nous maintenons la législation financière actuelle, si, de plus, nous votons sans modifications le projet de loi qui nous est renvoyé par le sénat, il arrivera cependant que les enfants d'un petit bourgeois ayant chacun hérité d'un millier de francs, de moins encore, auront en général à verser 10 p. c. au trésor public, avant de pouvoir disposer, d'être en possession réelle de leur part de succession, tandis que le même trésor public ne percevra que 1 p. c. sur la part des héritiers qui auront reçu un million.

Je vais vous en faire la démonstration.

Voici une famille de la petite bourgeoisie. L'héritage échu aux quatre enfants est un immeuble, terre ou maison, de 5,000 fr.

A côté, une autre famille opulente également composée de quatre enfants, héritiers ensemble de 500,000 fr., soit 125,000 fr. pour chacun.

La part de chaque enfant de la première famille n'est, vous le voyez, que la centième partie de la part revenant à chaque enfant de la deuxième.

Mais les premiers héritiers, tous travailleurs, ont besoin de convertir en argent la part de l'immeuble constituant la succession, soit pour commencer des affaires pour leur propre compte en passant petit maître d'ouvriers qu'ils sont encore, soit pour mieux assurer les affaires restreintes qu'ils sont parvenus à établir après beaucoup d'efforts.

Les seconds héritiers, au contraire, n'exercent aucune industrie. Leur but est de continuer à vivre de leurs revenus dans une quiétude parfaite, en augmentant à des échéances déterminées les baux de leurs maisons et de leurs terres.

Je vous le demande, messieurs, s'il faut que l'impôt traite d'une manière différente chacune de ces deux catégories aussi dissemblables d'héritiers, au profit de quelle catégorie devrait être l'avantage ?

La préférence doit-elle être en faveur de ceux qui vivent sans souci dans l'opulence, ou bien en faveur de ceux beaucoup moins aisés dont le travail productif incessant honore la vie et contribue au maintien de la société ?

Poser cette question, c'est la résoudre.

Ce sont les travailleurs, les producteurs des richesses que l'impôt, que le trésor public doit ménager, qu'il doit favoriser et encourager ; c'est aux autres, à ceux que l'on nomme les heureux de la terre, qu'il doit demander davantage.

Vous n'atteindrez pas ce but élevé, messieurs, en maintenant tel qu'il est, le projet de loi soumis à nos délibérations.

Si vous rejetiez l'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer pour faire disparaître cette anomalie, les quatre travailleurs de la petite bourgeoisie ne pouvant réaliser leur part de succession par un simple acte notarié, étant obligés par conséquent de mettre l'immeuble en vente publique, devront en général payer à titre d'impôt :

D'abord 1 p. c. pour droit de succession ou, comme le sénat l'appelle, droit de mulation établi par le projet de loi.

Ensuite un autre droit de 10 p. c. environ pour droit de vente et de transcription de l'immeuble de la succession.

Le tout équivaudra pour les héritiers travailleurs à un droit de succession de 11 p. c. au profil de l'Etat, sans compter au moins 9 p. c. de frais et honoraires à payer au notaire préposé à la vente et à la liquidation. 9 et 10 font 19 p. c. à prélever sur un héritage de 1,250 fr. recueilli par chaque enfant.

Et cela, je le répète, par une nécessité impérieuse sans qu'il soit possible d'y échapper, car l'obligation de vendre pour sortir d'indivision est la règle générale dans la petite et la moyenne bourgeoisie, dans les villes comme à la campagne.

Il en est tout différemment pour les héritiers de la haute bourgeoisie et de l'aristocratie financière ou territoriale.

Aussi, les quatre héritiers fortunés dont j'ai parlé, ceux dont l'héritage total s'élève à 500,000 fr., ne payeront en tout que 1 p. c. au trésor public pour recueillir leur succession, à cause des facilités de partage que présentent naturellement les nombreux immeubles qui leur sont échus.

Seus le système d'impôts actuel augmenté du droit nouveau, l'impôt perçu par l'Etat sur une succession est dix fois plus élevé quand la succession est cent fois plus petite !

Pour briser une inégalité aussi choquante, je propose d'abord (page 261) d’exempter des droits de radiation, de timbre, etc., les inscriptions hvpothécaires qui grèvent les immeubles à l’ouverture d’une succession.

L'impôt perçu sur les emprmts hypothécaires, presque toujours contractés par suite d’une impérieuse nécessité, est un impôt assis, en grande partie, sur la détresse des citoyens, sur les malheurs qui les ont frappés et qu'ils n'ont pu éviter. J'en donnerai deux preuves convaincantes.

La première : c'est que pendant les années de crise industrielle, commerciale et alimentaire, le nombre des emprunts hypothécaires contractés dépassent de beaucoup le montant des mêmes emprunts pendant les années ordinaires.

En 1845, année ordinaire, l'impôt a été perçu sur un capital inscrit de fr. 97,858,320 ; en 1846, année de crise alimentaire, de fr. 107,848,210 ; en 1847, année de crise alimentaire, de fr. 105,681,210, en 1848, année de crise alimentairen industrielle et commerciale, de fr. 114,342,650, en 1849, année ordinaire, le capital inscrit est retombé à fr. 97,256,000.

Vous ne contesterez pas la signification de ces chiffres officiels.

La seconde preuve de mon assertion sur la principale cause des emprunts hypothécaires, c'est que plus on descend l'échelle des fortunes privées, plus on trouve des propriétaires qui ont dû recourir à cette ressource extrême et onéreuse.

Sur 517,492 propriétaires appartenant à la classe des petits bourgeois des villes et des campagnes, plus de la moitié, 50 au moins sur 100 ont des dettes inscrites sur leurs biens.

Sur 195,475 propriétaires faisant partie de la moyenne bourgeoisie, on n'en trouve plus que 30 sur 100.

Enfin, parmi les propriétaires, au nombre de 25,545 de la haute bourgeoisie, de l'aristocratie financière, territoriale, industrielle et commerçante, 19 seulement sur 100 ont donné des immeubles en gage.

Vous le voyez, messieurs, la fréquence des dettes hypothécaires suit exactement ï'exiguité des propriétés, l'état de gêne où vivent les possesseurs.

(J'ai regardé comme faisant partie de la petite bourgeoisie des villes et des campagnes tout propriétaire d'un revenu cadastral de 100 fr. et au-dessous, et j'ai attribué à cette première classe les dettes hypothécaires dont l'intérêt annuel est de 80 fr. et moins. J'ai rangé dans la moyenne bourgeoisie les propriétaires fonciers d'un revenu cadastral de 100 à 1,000 fr., en attribuant à cette deuxième classe les dettes hypothécaires d'un intérêt annuel de 80 à 600 fr. Enfin j'ai rangé dans la bonne bourgeoisie industrielle, commerciale et agricole, ainsi que dans l'aristocratie financière, territoriale et commerçante, les 25,545 propriétaires qui ont un revenu cadastral de 1,000 à 100,000 fr, et au-delà.)

La première classe des propriétaires dont je viens de parler, celle des petits, possède à sa charge 261,745 créances ou dettes inscrites formant ensemble un capital de fr. 151,900,926 soit 580 fr. par créance, l'une comptée parmi l'autre.

La deuxième classe des propriétaires est grevée de 65,701 dettes formant ensemble fr. 274,762,354, soit 4,335 fr. par dette.

La troisième classe, celle des grands propriétaires, a pour 157,273,871 francs de dettes réparties sur 4,923 créances, soit 31,947 fr. par créance inscrite.

A considérer les sommes ainsi en bloc, qui ne serait tenté de conclure que la classe des petits propriétaires endettés pour 151 millions doit avoir payé au trésor public moins pour droit d'inscription et qu'elle payera aussi moins pour frais de radiation de sa dette que la classe des gros propriétaires payera pour la sienne de 157 millions, plus forte de six millions que la précédente ?

Cependant, c'est le contraire qui est vrai.

La classe des petits propriétaires paye près de trois fois plus d'impôts au trésor pour ses 151 millions de dettes que la classe des gros propriétaires pour ses 157 millions.

Pourquoi ? Parce que le trésor public, l'impôt prélève en fin de compte (en prenant la moyenne des droits et frais perçus sur propriétés bâties et non bâties) :

6 p. c. environ sur une dette hypothécaire de 580 fr.

4 p. c. environ sur une dette hypothécaire de 4,335 fr.

2 1/4 p. c. environ sur une dette hypothécaire de 31,947.

L'Etat prélève 6 p. c. ou 9,114,055 fr. d'impôts sur les 151,900,926 fr. de dettes hypothécaires de la petite bourgeoisie, et il ne prélève que 2 1/4 p. c. ou 3,558,661 fr. f(impôts sur les 107,275,871 fr. de dettes hypothécaures des grands propriétaires fonciers.

L’avantage que fait l’impôt aux grands propriétaires au détriment des petits s’élève donc à plus de 5,575,594 fr.

Presque tout notre système d'impôts n'est qu'un tissu de semblables iniquités.

Sur une dette de 100 millions, la classe des petits propriétaires paye au trèsor pour droits et autres frais 6 p. c. ou fr. 6,000,000, et au notaire fr. 2,500,000. Total, fr. 8,500,000.

Sur une dette de 100 millions, la classe des propriétaires moyenne paye au trèsor pour droits et autres frais 4 p. c. ou fr. 4,000,000, et au notaire fr. 1,000,000. Total, fr. 5,000,000.

Sur une dette de 100 millions, la classe des gros propriétaires fonciers paye au trèsor pour droits et frais 1 1/4 p. c. ou fr. 2,250,000, et au notaire fr. 2500,000. Total, fr. 2,500,000.

Ainsi, pour emprunter sur hypothèque une somme de 100 millions, les petits propriétaires doivent s'endetter en sus de fr. 8,500,000, les moyens de fr. 5,000,000 et les gros propriétaires de fr. 2,500,000.

C'est l'impôt progressif en raison de la détresse des emprunteurs !

Et d'où provient cette injustice choquante ? Uniquement de ce que le peu d'étendue des biens possédés par la première classe ne lui permet d'emprunter que par des petites sommes de 580 fr. en moyenne, tandis que les deux autres classes procèdent par emprunts de 4,333 francs et de 31,947 francs.

Vous voyez dans quelle proportion déplorable l'impôt dont il s'agit ici aggrave le malheur des petits propriétaires commerçants, industriels ou agriculteurs, lorsqu'une banqueroute essuyée, une forte stagnation de travail, une maladie du bétail ou une perte de récolte, enfin une calamité quelconque enlève, ébrèche leur mince capital circulant et les condamne à recourir à l'emprunt hypothécaire.

En vérité, l'impôt assis sur les dettes hypothécaires arrache les capitaux fournis à ceux qui en possèdent à peine, pour les maintenir en entier à ceux qui en détiennent abondamment.

(page 262) Est-ce ainsi qu'on facilitera aux simples travailleurs, aux ouvriers l’accès à la propriété ?

Je le dis sans détour, l'impôt qui frappe les dettes hypothécaires est doublement odieux ; il est odieux en principe, parce qu'il vient aggraver la position des emprunteurs, juste au moment où le malheur vient d'atteindre leurs affaires, leur travail, leur industrie.

Il est doublement odieux parce qu'il exige 6 p. c. sur les calamités qu’éprouvent les plus petits propriétaires, les plus nécessiteux, ceux qui peuvent le moins lutter contre l’infortune ; tandis qu’il ne réclame que 2 1/4 p. c. sur les dettes de ceux qui vivent pour la plupart dans l’aisance et dans le luxe.

Autant vaudrait un impôt progressif sur les maladies graves, sur les fractures de membres, les incapacités de travail suivant qu'elles atteindraient les rentiers, les petits maîtres et les simples ouvriers !

Pour ces motifs, je propose d'exempter de tout impôt les radiations d'hypothèques que nécessite la liquidation d'une succession.

Je propose pour les mêmes motifs d'exempter de tout impôt, autre que l'impôt du droit de succession qu'on veut établir, les ventes de meubles et d'immeubles effectuées par les héritiers d'une succession pour sortir d'indivision.

Voici trois successions :

La première, échue à 4 héritiers majeurs, se compose en tout d'un immeuble de 3,000 fr. Il est grevé d'une hypothèque de 800 fr. à rembourser. Pour partager, il faut vendre. C'est une succession de la petite bourgeoisie.

La deuxième est échue aussi à quatre héritiers majeurs et se compose de plusieurs immeubles d'une valeur de 15,000 fr. Ils sont grevés de 4,000 fr. à rembourser par les héritiers. De même la vente est obligatoire. C'est une succession de la moyenne bourgeoisie.

Enfin la troisième succession, toujours échue à quatre héritiers majeurs, s'élève à 450,000 fr. en immeubles quittes et libres, à partager par un simple acte notarié. C'est une succession de la haute bourgeoisie industrielle, ou de l'aristocratie territoriale.

Combien les héritiers respectifs de ces trois successions auront-ils d'impôts à payer pour entrer en possession, en jouissance de leur part ?

Première succession de 3,000 fr. grevée de 800 fr.

Pour la première succession, la plus faible, celle que la loi actuelle a l'air d'exempter de tout impôt, la part seule du trésor s'élève à 11 4/5 p.c, près de 12 p. c, prélevés sur l'actif net de 2,200 fr. appartenant aux quatre héritiers, sans compter les frais et honoraires du notaire, lesquels, pour les successions de ce montant, s'élèvent au minimum à 9 4/3 p. c, près de 10 p. c.

Sur chaque part de 550 fr., le trésor prend 11 4/5 p. c. ou fr. 64 94, le notaire prend 9 4/5 ou fr. 53 94. Total sur chaque part 21 4-5 p. c. ou fr. 118 88

Une part nette de 550 francs se trouve ainsi réduite de plus de 1/5, et chaque héritier recevra en tout 431 fr, 12 c.

Deuxième succession de 13,000 francs grevée de 4,000 francs.

Sur les 11,000 francs, fermant l'actif net, échu aux quatre héritiers de la deuxième succession, le trésor prend 10 1/2 p. c. et le notaire 6 p.c, en tout 16 1/2 p. c., non compris le nouveau droit de 1 p. c. dont on veut frapper indislinctement toutes les parts dépassant 1,000 fr.

Sur chaque part de 2,750 francs l'impôt, le trésor perçoit, 11 1/2 p.c. ou fr. 316 25, le notaire 6 p. c. ou fr. 163 00. Total 17 1/2 p. c. ou fr. 481 25.

(page 263) Une part ds 2,750 fr. est ainsi réduite à 2,208 fr. 75 c., c’est-à-dire diminuée de 1/6.

Troisième succession de 450,000 francs sans hypothèque.

Quant aux quatre héritiers de la succession quitte et libre de 450,000 francs, ils payeront, y compris le 1 p. c. de droit qu'on veut établir au trésor 1/4 p. c. et au notaire 1 2/5 p. c, en tout 3 13/20 p. c. Sur chaque part de 112,500 fr., le trésor prendra 1 1/4 p. c. ou fr. 1,406 25 c. et le notaire 1 2/3 ou 1,575 fr. 3 00. Total. 2 13/20 p. c. ou 2,981 fr. 25.

Chaque part de 112,500 fr. ne sera réduite que de 1/38, elle s'élèvera encore, impôt et notaire payés, à 109,518 fr. 75 c. En résumant ces chiffres, nous trouvons que le trésor prend pour lui :

1/9 des successions d'une valeur réelle de 2,200 à 20,000 appartenant à des familles de la petite et de la moyenne bourgeoisie des villes et des campagnes, où l'obligation de vendre pour sortir d'indivision est la règle générale ; alors que le même trésor ne prendra que 1/80 tout au plus de la valeur des successions les plus considérables.

200,000 millions échus en héritage à 40,000 familles de la petite et de la moyenne bourgeoisie payeront 9 fois plus d'impôt que 200,000 millions échus en héritage à 4,000 familles de grands propriétaires.

Est-ce là de l'égalité devant les charges ?

Maintenir de propos délibéré un pareil système dans notre législation financière, c'est continuer d'y consacrer un privilège monstrueux tout à l'avaniage des grandes fortunes, tout au détriment des moindres capitalistes, des simples travailleurs pour ainsi dire.

Comment ! le trésor public, l'impôt, l'Etat qui doit nous représenter l'idée de justice distributive, viendra dire aux uns : Vos parents ne vous ont laissé qu'un faible héritage, un immeuble de trop peu de valeur pour être divisé par acte notarié. Afin d'en avoir chacun votre part, vous êtes obligé de vendre bon gré mal gré. Les malheurs qu'ont subis vos parents et qui affectent l'immeuble, la nécessité qui pèse sur vous, votre situation précaire m'importent peu ; je n'en tiens aucun compte. Au contraire, loin de vous aider à conserver soigneusement le tout, d'ailleurs si nécessaire, si utile à votre industrie, à votre travail, je n'y vois qu'une excellente occasion pour en distraire à mon profit une part plus considérable.

Et au même moment, ce même trésor public, l'impôt, l'Etat dira aux autres : Ceux auxquels les parents auront laissé une belle fortune me payeront proportionnellement moins pour entrer en jouissance de la succession, et la chance de me payer le moins possible est d'autant plus grande qu'ils auront recueilli davantage.

Et nous, les représentants de la nation, nous qui sommes investis de la mission de demander à chacun suivant ses facultés pécuniaires, d'après ses ressources, nous irions aggraver encore la position défavorable que l'état actuel des choses fait déjà à celui qui est peu fortuné comparativement à celui qui est riche !

Pouvons- nous en conscience autoriser le receveur des impôts à percevoir 10 p. c. sur une part de 1,250 fr. et 1 p. c. seulement sur une part de 125,000 fr. et au-delà ? Non, messieurs, car ce serait imposer les uns plus parce qu'ils sont pauvres, et les autres moins parce qu'ils sont fortunés. Ce serait continuer à favoriser la propriété, le capital entre les mains de l'homme se livrant à une douce oisiveté, en l'ôtant à celui qui les féconde par son travail, à la sueur de son front.

Il en est ainsi aujourd'hui ; j'en propose la suppression. Tel est le but du second paragraphe de mon premier amendement conçu en ces termes :

« Aucun droit autre que le droit de succession établi par l'article 4 ne sera perçu au profil du trésor public sur les meubles et immeubles d'une succession dont la vente est faite, pour sortir d'indivision, dans un délai de six mois à partir de l'ouverture de la succession. »

Et quel est maintenant le système que je propose d'y substituer ?

Je veux qu'à l'avenir, l'Etat demande dans tous les cas, au moment de la succession, peu à celui qui hérite peu, plus à celui qui hérite plus, et cela progressivement jusqu'à un certain taux limité, à mesure que l'héritage devient lui-même plus considérable.

Les faits que je viens d'avoir l'honneur de vous soumettre font ressortir à la dernière évidence combien ma proposition est équitable et fondée en justice distributive.

Jusqu'à ce jour, les héritiers de la petite et de la moyenne bourgeoisie, payent en réalité au trésor un droit de succession de 10 p. c. par l'obligation de vendre pour sortir d'indivision, tandis que le trésor n'a pas reçu un centime des héritiers des grandes fortunes territoriales et financières, des successions dont le partage entre les ayants droit a toujours lieu au moyen d'un simple acte notarié.

C'est un impôt progressif, non d'après la richesse, le bien-être, le luxe, mais progressif suivant l'état de gêne, la situation précaire des héritiers, avec privilège, avec exemption de tout droit pour les plus fortunés, les plus riches, les mieux à même d'être imposés sans dommage sensible pour eux, ni pour la société.

Si vous votez la loi actuelle sans les améliorations que je propose d'y introduire, les héritiers de la petite bourgeoisie payeront toujours 10 p. c. de droit pour entrer en jouissance d'une part de 100 à 1,500 fr., les héritiers de la moyenne bourgeoisie payeront 11 p. c. pour une part de 1,500 à 10,000 fr., tandis que les héritiers de la haute bourgeoisie industrîelle et commerçante ainsi que ceux de l'aristocratie financière et territoriale ne payeront en tout que l p. c. pour des parts qui peuvent aller de fr, 10,000 à 1 million.

C'est toujours l'imjôt progressif suivant l'exiguïté des fortunes, arec le maintien d'un privilège exorbitant pour les grandes successions.

Je propose de renverser cet état de choses : 1° par la suppression des droits de vente, de transcription et de radiation des hypothèques qui pèsent exclusivement sur les héritiers de la petite et de la moyenne bourgeoisîe ;

2° par l'établissement d'un droit de succession progressif suivant l'importance de la part échue à chaque héritier.

D'abord le trésor, l'impôt ne demanderait rien à l'héritier dont la part est inférieure à 1,000 francs.

L'héritier qui a reçu pour sa part 1,000 fr. payerait un droit de sucession de 1 p., c. Si a reçu 5,000, il payera 2 p. c., 10,000 3 p. c., 15,000 4 p. c., 20,000 5 p. c., 40,000 6 p. c., 60,000 7 p. c., 80,000 8 p. c., 100,000 9 p. c., 500,000 10 p. c., 1,000,000 et au-delà 11 p. c.

Pour les parts de 1,000 à 20,000 fr. l'augmentation ou la progression du droit serait de 1 /4 pour chaque mille francs en plus ; c'est-à-dire que l'héritier qui a reçu pour sa part 2,000 fr. payerait 1 1/4 p. c, pour 3,000 fr. il payerait 1 2/4 p. c., pour 4,000 fr. 1 1 3/4 p. c, pour 5,000 fr., 1 4/4 ou 2 p. c. pour 6,000 fr. 2 1/4 et ainsi de suite jusqu'à 20,000 francs.

Pour les parts de 20,000 fr. à 100,000 fr., la progression du droit serait de 1/20 pour chaque mille francs en plus.

Pour les parts de 100,000 fr. à 1,000,000 de fr., la progression du droit serait de 1/400 pour chaque mille francs en plus.

Enfin, le droit serait fixé à 11 p. c. pour toutes les parts dépassant 1 million.

Ma proposition a pour elle la justice, la morale, l'équité. Ce n'est certes pas la justice, ce n'est pas la morale, ce n'est pas l'équité qui demandent le maintien de ce qui se pratique actuellement en matière de succession, au détriment des enfants qui recueillent peu, à l'avantage de ceux qui reçoivent beaucoup.

Le principe de l'impôt émane d'une double source : d'une source matérielle et d'une source morale.

D'une source matérielle, en ce que tout citoyen doit contribuer aux dépenses publiques en raison de la protection dont les institutions sociales entourent sa personne et ses biens.

D'une source morale, en ce que l'homme étant lié avec ses semblables, ayant des devoirs envers eux, il doit, comme citoyen, leur venir d'autant plus en aide qu'il en possède matériellement plus les moyens, la possibilité, la puissance.

De la source matérielle du principe de l'impôt dérive l'impôt proportionnel ; de sa source morale, l'impôt progressif.

Si l'homme pouvait se considérer comme délié, comme dégagé de toute obligation envers ses semblables, s'il pouvait, en un mot, se dépouiller de sa nature morale et ne vivre qu'en égoïste, il ne devrait l'impôt qu'en verrt de la première base dont je viens de parler, la base matérielle, et cet impôt devrait être proportionné à son avoir, à sa fortune, à ses propriétés, dont la valeur, l'importance seraient dans ce cas la mesure exacte de la protection qu'il reçoit de l'Etat. Mais l'homme ainsi considéré ne serait pas membre de l'humanité, il ne serait plus qu'une créature dépouillée de son caractère de supériorité, un individu isolé, vivant exclusivement pour lui-même. L'impôt ne peut donc être seulement proportionnel, il faut qu'il soit progressif. Les institutions de l'Etat doivent consacrer que chez l'homme en société le cœur, les plus nobles facultés de l'âme doivent dominer les conseils égoïstes du bien-être des sens.

Dans une société qui veut suivre la voie du christianisme, les pouvoirs qui font les lois doivent en proscrire l'égoïsme comme une honte et y reconnaître la charité évangélique comme un commandement divin. L'impôt progressifest un hommage à cette vérité.

L'impôt, tel qu'il est établi actuellement par notre système financier, est un impôt qui pour notre pays est arriéré de plusieurs siècles. Il prend sans détour sur le strict nécessaire de l'ouvrier, il exige beaucoup des petits propriétaires, moins de ceux qui possèdent davantage, et presque rien des riches lorsqu'il ne les exempte pas tout à fait.

C'est encore l'impôt féodal.

L'impôt proportionnel, c'est l'impôt du chacun pour soi, du règne de l'individualisme.

L'impôt progressif, c'est l'impôt chrétien, c'est l'impôt de la solidarité préétablie entre les hommes.

Je le propose à votre adoption, en ces termes : « substituer à l'article 4, la rédaction suivante :

« Pour tout ce qui est recueilli en usufruit seulement, le droit est fixé à 1 1/2 p. c.

(page 264) Pour tout ce qui est transmis en propriété, le droit est perçu comme suit

« Pour chaque part de 1,000 fr. 1 p., c., de 5,000 fr. 2 p. c., de 10,000 fr. 3 p. c., de 15,000 fr. 4 p. c., de 20,000 fr. 5 p. c., de 40,000 fr. 6 p. c., de 60,000 fr. 7 p. c., de 80,000 fr. 8 p. c., de 100,000 fr. 9 p. c., de 500,000 fr. 10 p. c., de 1,000,000 fr. et au-delà 11 p. c.

« Pour les parts de 1,000 à 5,000 fr. la progression du droit sera de 1 /4 pour chaque mille francs en plus ; la progression sera de 1/5 pour les parts de 5,000 à 20,000 fr. ; elle sera de 1/20 pour celles de 20,000 à 100,000 fr. ; de 1/400 pour celles de 100,000 à 500,000 fr. et de 1/500 pour celles de 500,000 à 1,000,000 de fr.

« Les parts inférieures à 1000 fr. sont exemptes de tout droit, et le droit de succession reste fixé à 11 p. c. pour toutes les parts supérieures à un million de francs. »

M. de Renesse. - Lors de la discussion du projet de loi sur les successions, j'ai à plusieurs reprises, témoigné mon opposition à l'établissement de tout droit de succession en ligne directe ; je pensais alors comme aujourd'hui, qu'avant de recourir à cette mesure extrême, il y avait encore beaucoup d'autres ressources dont le gouvernement aurait dû tirer parti au lieu de faire revivre un impôt que l'ancien gouvernement connu par sa fiscalité, n'avait pas osé rétablir.

Malgré les différents incidents survenus depuis une couple d'années, par rapport à l'établissement de ce droit qui serait réputé peu populaire s'il ne s'était trouvé lié à un système d'ensemble de travaux publics, je ne puis encore consentir à admettre le projet de transaction voté par le sénat tel qu'il est soumis à nos délibérations.

J'ai formellement déclaré, lors de la seconde discussion du projet de loi sur les successions, que je n'accorderais aucune augmentation de charge sur la propriété immobilière ; elle est, pour le moment, déjà assez grevée, et elle devrait être nécessairement réservée pour les circonstances tout extraordinaires, comme en 1848, lorsque beaucoup d'autres ressources font surtout défaut aux voies et moyens de l'Etat.

Si j'eusse été partisan d'un droit de succession sur la ligne directe, j’aurais plutôt préféré le projet, tel qu'il avait été présenté par le gouvernement ; il y avait alors plus d'égalité dans la répartition de cette charge publique, tandis qu'actuellement, d'après le projet du sénat, il y aune véritable inégalité et il me semble qu'il y aurait injustice de frapper une certaine partie de nos concitoyens, lorsque l'on épargne un assez grand nombre d'autres habitants du pays qui, par leur position de fortune, auraient nécessairement dû y contribuer.

S'il fallait trouver des ressources nouvelles pour rétablir l'équilibre dans nos finances, l'on aurait dû chercher, comme dans d'autres pays, les moyens de faire contribuer les capitalistes, les rentiers de l'Etat et autres, dont les capitaux très considérables, mais non hypothécaires, ne contribuent jusqu'ici que pour peu ou pour rien dans les revenus de l'Etat ; mais il paraît qu'en Belgique les fortunes mobilières industrielles, financières et commerciales ont en partie le privilège d'échapper au fisc, au grand détriment de la propriété immobilière.

Cependant, chaque fois qu'une crise quelconqne nous frappe, c'est toujours vers cette propriété immobilière que se dirigent les regards fiscaux du gouvernement ; elle doit alors supporter les surcharges de contribution, soit pour garantir le payement des billets des banques fînancièrcs, soit pour procurer des fonds pour des avances à faire à des sociétés industrielles et commerciales, afin d'empêcher le chômage du travail des ouvriers.

Dans un pays régi par une constitution aussi libérale que la nôtre, où il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts, il faut que chaque habitant contribue pour sa part dans les charges de l'Etat, sauf l'exception à établir pour ceux de nos concitoyens se trouvant dans une position peu aisée. Je ne saurais donc approuver un projet d'impôt quelconque qui établirait, comme celui soumis à nos délibérations, un véritable privilège pour une partie des habitants du pays, tandis que, d'après ce droit de mutation ou de succession déguisée en ligne directe, les capitalistes possesseurs de fonds non hypothécaires, les industriels pour leurs actions, pour leurs produits des mines et autres,et les commerçants pour leurs denrées commerciales, échapperont à l'impôt que le gouvernement croit nécessaire pour équilibrer nos recettes et nos dépenses.

D'après ces considérations, je ne puis me rallier au projet de transaction, adopté par le sénat ; je le trouve encore moins acceptable que le premier projet du gouvernement, puisqu'il crée un véritable privilège en matière d’impôts, auquel je ne crois pas en conscience pouvoir consentir, tout en exprimant mon sincère regret de ne pouvoir, dans les circonstances actuelles, donner mon adhésion à cette proposition de conciliation ; mais, repoussant le principe de tout droit de mutation, ou de succession en ligne directe, lorsque surtout j'ai la certitude qu'il y a encore(beaucoup d'autres ressources à trouver pour satisfaire aux besoins du trésor, je me vois forcé, d'après une conviction intime et raisonnée, à m’opposer à l'acceptation du projet de loi, amendé par le sénat.

M. de Liedekerke. Messieurs, la chambre comprendra que je ne puis avoir l’intention de soulever un long débat à l’occasion d’un projet de loi dont la discussion sérieuse est depuis longtemps épuisée. Elle permettra cependant de dire encore quelques mots sur ce projet de loi que j’ai combattu, je le reconnais, avec la plus opiniâtre constance. Ce n’est pas par un instinct irréfléchi, ce n’est pas non plus parce que je cède à une aveugle ardeur d’opposition, que j’ai improuvé une mesure fiscale dont le principe me paraît aussi mauvais, aussi pernicieux, aussi détestable aujourd’hui que le premier jour où il a été produit.

Je ne partage pas le sentiment qui a été bruyamment énoncé ailleurs, que par cela même qu'un projet vient d'un parti politique opposé, il faut le rejeter ; non, un tel principe n'est plus de saison dans les gouvernements parlementaires. Dans ces jours agités et incertains, lorsque des enseignements si hauts, si solennels devraient disposer à la conciliation, ils devraient aussi nous engager à rechercher ce qui rapprochera les hommes politiques, non ce qui les éloigne ; ce qui peut les réunir et non ce qui peut les diviser.

Pour moi, j'ai toujours cherché, je m'en suis fait un devoir, j'en atteste la sincérité de ma courte carrière politique, j'ai toujours accueilli toutes les occasions, toutes les circonstances où il pouvait m'être possible d'accepter, de voter les projets de loi du gouvernement. Toutes les fois que cela m'a été possible, je m'en suis sincèrement, loyalement félicité. Car après tout dans ces temps d’épreuves le gouvernement doit se considérer comme le représentant de la société ; il ne devrait jamais être l’interprète, l’organe passionné des exigences exagérées d’un parti. L’esprit de nos lois et nos maximes constitutionnelles devraient tout dominer.

La loi présentée actuellement est peut-être plus acceptable sous le rapport des détails, des mesures d’application ; mais assurément l’amendement Forgeur était fort supérieur, car il faisait une concession au temps ; il constituait une épreuve temporaire ; il frappait toutes les branches de la richesse publique.

Mais la loi dont nous sommes saisis, telle qu'elle nous arrive transformée par l'amendement Spitaels, est définitive ; il n'y a plus rien de temporaire, elle est définitivement inscrite dans notre législation. Enfin, elle atteint exclusivement une partie de la richesse publique, elle frappe les fortunes immobilières en privilégiant les fortunes mobilières. Sous ce rapport, je comprends que le ministère l'ait acceptée ; car elle rentre dans son système qui tend sans cesse à enlèver à la propriété foncière et immobilière toute protection, à accroître les charges qui pèsent sur elle, tandis qu'il maintient tous les avantages, toutes les protections accordées à la fortune mobilière, industrielle ou manufacturière.

Sous ce rapport donc, je le répète, la loi doit être acceptable pour le ministère, car elle rive d'une manière plus étroite encore la servitude qui pèse sur la terre. (Interruption.)

Ce que j'ai l'honneur de dire peut exciter sur certains bancs quelques sourires, mais tôt ou tard cette vérité modeste encore grandira, se fortifiera et si l'on n'en prévient pas les éclats ils pourraient être plus terribles que vous ne le croyez.

Messieurs, je ne rechercherai pas les motifs et je ne sonderai pas les causes pour lesquelles une autre assemblée a accepté le projet de loi sur lequel nous délibérons maintenant. Assurément ce ne pouvait être pour la justice de son principe, car sa portée n'a point subi d'altération. Elle a donc dû écouter d'autres considéralions.

Elle a cédé à des réflexions qui lui étaient inspirées par une prévoyante et prudente sagssse. Elle a accepté la loi, non point avec cette conviction qui pouvait honorer sa justice, mais avec cette abnégation qui veut prévenir les redoutables extrémités auxquelles une téméraire et inflexible ténacité pouvait livrer le pays.

Si donc le ministère le veut, je lui concéderai qu'il a remporté un triomphe, que sa victoire est absolue, qu'elle est complète, que sa fortune parlementaire enfin reçoit une éclatante couronne. Mais loin de moi d'envier ce triomphe ou de porter la moindre jalousie à un pareil succès.

Quand je songe aux vicissitudes qu'a subies le projet de loi, quand je songe au cortège d'incidents qui l'a accompagné, quand je me reporte à l'agitation qu'il a soulevée dans le pays, aux tourments qu'il lui a infligés, je dis qu'il n'est pas possible d'envier un seul instant un pareil succès.

N’a-t-il pas fallu que nos assemblées délibérantes et législatives, dont M. le ministre des finances avait lui-même constaté les profondes, les invincibles répugnances, n'a-t-il pas fallu qu'elles fléchissent sous la pression ministérielle ? N'a-t-il pas fallu que le corps électoral lui-même, auquel on avait fait un appel direct sur cette question, et qui a manifesté son sentiment, qui a répondu par 28 mille voix hostiles au projet contre 21 mille, dont toutes n'étaient pas portées pour le projet pris isolément, qui a envové au sénat une majorité douteuse, sinon ennemie, n'a-t-il pas vu méconnaître son opinion ?

N'avez-vous pas offert un spectacle véritablement étrange dans l'histoire des partis et de la vie constitutionnelle ?

N'avez-vous point frappé d'ostracisme politique des hommes honorables qui appartenaient à votre opinion et qui l'ont sans cesse honorée, parce que, sur cette seule question, ils ont cru, écoutant les inspirations de leur conscience, devoir se séparer de vous ?

N’avez-vous pas, d'un bout à l'autre du pays, précipité l'administration, qui devrait rester étrangère à des luttes si ardentes, ne l’avez-vous (page 265) pas impérieusement entretuée dans la lutte électorale la plus passionnée ?

N’avez-vous pas ainsi faussé et terni la pureté de notre système électoral ? N’a-t-on pas fail appel aux plus mauvaises passions ? N’at-t-on pas dévoué à la haine publique la grande propriété, cette fiction de nos jours ? N’a-t-on pas, sans cesse, dit et répété aux classes ouvrières : Vous voulez des travaux publics ; ce travaux publics, vous ne les aurez point si on ne vote pas la loi des successions.

Et qui donc ne veut pas le droit de succession ? Le sénat qui représente la grande propriété, le sénat qui représente les grands intérêts fonciers du pays. C'est lui, lui qui ne veut pas de l'impôt sur les successions et qui par conséquent vous prive des travaux publics. De sorte que vous avez dépouillé le législateur de la liberté et de l'indépendance de son appréciation, lui ravissant jusqu'au droit d'examen, parce qu'il ne lui restait plus qu'à écouter la générosité de ses sentiments et les impulsons de son âme !

Est-ce que les organes les plus accrédités de votre presse n'ont pas délayé d'impuissantes idées politiques dans la lie des plus mauvaises passions, accusant chaque jour, chaque heure, la propriété comme le plus grand obstacle à ces grands travaux qui devaient se faire dans l'intérêt des classes ouvrières ? La propriété si digne de nos respects et qui n'est plus que le fruit de notre travail, la récompense de nos efforts, consacrée par la liberté et l'égalité civile et politique.

Messieurs, je ne veux pas prolonger, et je le pourrais cependant, un si triste, un si affligeant tableau. Je m'arrête, je voterai contre ce projet, d'abord parce qu'il change en un fait civil, en un droit civil, un fait naturel, un droit naturel, parce qu'il blesse les droits de la famille et qu'il découvre son sanctuaire le plus intime ; parce qu'après tout, dans l'état actuel de nos finances, il n'était pas rigoureusement nécessaire pour combler un déficit qu'on a grossi à plaisir.

Et je terminerai en faisant ce dernier vœu, en exprimant cette dernière espérance : c'est que j'espère être assez longtemps mêlé aux affaires publiques de mon pays, pour voir disparaître de notre généreuse législation un impôt dont la main d'un conquérant étranger nous avait frappés autrefois ; qui, aux premières lueurs de notre existence nationale, avait disparu aux applaudissements du pays et qu'assurément jamais, non jamais, on n'aurait cru voir renaître sous la main d'un cabinet libéral, d'un cabinet national et qui voudrait être progressif.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Il sera perçu un droit de mutation à charge des héritiers, donataires ou légataires qui succèdent en ligne ascendante ou descendante à un habitant du royaume et à charge de l'époux survivant dans les cas prévus par les n°2 et 3 de l'article 24 de la loi du 27 décembre 1817. »

M. de Perceval propose de supprimer les articles 1 et 2, et de les remplacer par la disposition suivante :

« Il sera perçu un droit de succession sur la valeur de tout ce qui, après déduction des dettes mentionnées à l'article 12 de la loi du 27 décembre 1817, sera recueilli ou acquis en ligne directe dans la succession d'un habitant du royaume.

« Aucun droit, autre que le droit de succession établi par l'article 4, ne sera perçu au profit du trésor public sur les meubles et immeubles d'une succession dont la vente est faite, pour sortir d'indivision, dans un délai de six mois, à partir de l'ouverture de la succession. »

- L'amendement de M. de Perceval est appuyé.

Personne ne demandant la parole, l'amendement dé M. de Perceval est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Articles 2 et 3

« Art. 2. L'impôt sera exclusivement perçu sar la valeur des immeubles situés dans le royaume et des rentes et créances hypothéquées sur des immeubles sis en Belgique, déduction faite des dettes hypothécaires grevant les biens soumis à l'impôt. »,

- Adopté.


« Art. 3. Le gouvernement déterminera périodiquement, à l'aide des ventes publiques enregistrées pendant les cinq dernières années au moins, et en diminuant les prix d'un dixième, le rapport moyen du revenu cadastral à la valeur vénale.

« Ce rapport sera établi distinctement, pour les propriétés bâties et pour les propriétés non bâties, soit par bureau de perception, soit par canton ou par commune.

« Les héritiers pourront le prendre pour base de l'évaluation des immeubles soumis au droit de mutation établi par les articles précédents. Dans ce cas, leur déclaration sera appuyée d'un extrait de la matrice cadastrale.

« La valeur vénale des immeubles dont le revenu n'est pas constaté à la matrice cadastrale, ainsi que des immeubles pour lesquels les héritiers n'useront pas de la faculté accordée par le paragraphe précédent, sera déclarée conformément à l'article 11, littera A, de la loi du 27 décembre 1817. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Le droit est fixé à un pour cent de ce qui est transmis en propriété ; il est de moitié pour ce qui est recueilli en usufruit seulement. «

M. de Perceval propose de substituer à l'article 4 la rédaction suivante : |

« Pour tout est qui est recueilli en usufruit seulement, le droit est fixé à 1/2 p. c.

« Pour tout ce qui est transmis en propriété, le droit est perçu comme suit

« Pour chaque part de 1,000 fr. 1 p., c., de 5,000 fr. 2 p. c., de 10,000 fr. 3 p. c., de 15,000 fr. 4 p. c., de 20,000 fr. 5 p. c., de 40,000 fr. 6 p. c., de 60,000 fr. 7 p. c., de 80,000 fr. 8 p. c., de 100,000 fr. 9 p. c., de 500,000 fr. 10 p. c., de 1,000,000 fr. et au-delà 11 p. c.

« Pour les parts de 1,000 à 5,000 fr. la progression du droit sera de 1 /4 pour chaque mille francs en plus ; la progression sera de 1/5 pour les parts de 5,000 à 20,000 fr. ; elle sera de 1/20 pour celles de 20,000 à 100,000 fr. ; de 1/400 pour celles de 100,000 à 500,000 fr. et de 1/500 pour celles de 500,000 à 1,000,000 de fr.

« Les parts inférieures à 1000 fr. sont exemptes de tout droit, et le droit de succession reste fixé à 11 p. c. pour toutes les parts supérieures à un million de francs. »

- Cet amendement n'est pas appuyé.

L'article 4 est adopté.

Article 5

« Art. 5. Est exempte du droit ci-dessus la part de chaque héritier ou légataire et de l'époux survivant ne s'élevant pas, après déduction des dettes, à la somme de mille francs. »

M. Coomans propose de porter l'exemption à 3,500 fr. au lieu de mille.

M. Coomans. - Je n'ai que deux mots à dire : le principe de mon amendement n'est pas nouveau, j'ai eu l'honneur de le défendre il y a six mois dans cette enceinte, et il a été appuyé d'excellentes raisons par plusieurs de mes honorables collègues, entre autres MM. Roussel et Lelièvre.

Je me bornerai à réfuter les objections qui pourront être faites. Cependant je dirai un mot encore : j'avoue que c'est un principe asscs grave à poser dans une loi que celui de l'exemption d'un impôt.

Nous n'avons pas à discuter ce principe, sur lequel il y aurait beaucoup à dire, car il est inscrit dans la loi ; le gouvernement et la majorité l'ont reconnu ; nous n'avons à examiner que la question de savoir si le chiffre est assez élevé. Ce sont de simples considérations de fait. Or, je pense que l'enfant qui recueille 3,500 fr. pour toute fortune et qui de ce chef peut avoir un revenu de 100 à 160 fr. peut demander à être exemple de l'impôt.

On objectera que je ne parle que du capital foncier. Je ne parle pas de l'autre, parce qu'il n'en est plus question dans la loi.

Déjà, d'après la loi telle qu'elle est conçue maintenant, un héritier d'un million ne payera rien si son héritage est en valeurs mobilières ; par conséquent il ne faut pas faire venir en ligne de compte le capital mobilier qui viendra se joindre aux 3,500 fr.

M. de Liedekerke. - Je me réfère aux observations que j'ai présentées lors de la première discussion où je crois avoir soutenu l'amendement présenté alors par mon honorable ami et qui portait à 5 mille francs les parts exemptes d'impôt.

J'appuierai encore la proposition qu'il fait aujourd'hui ; le chiffre étant abaissé j'ai plus d'espoir de le voir accepter par la chambre. Le principe de cet amendement est sans doute une très mauvaise chose, mais comme l'a fait observer mon honorable ami, il est déjà inscrit dans la loi, il s'agit seulement de déterminer l'étendue qu'on lui donnera. Je crois que pour les fortunes immobilières l'exemption accordée a une part de 3,500 francs s'adresse non à l'aisance, mais à quelque chose qui esta peine au-dessus de la pauvreté.

La chambre ferait un acte de justice envers les petits propriétaires ruraux, les fortunes médiocres, en exemptant de l'impôt les parts de 3,500 fr. On a agi d'une manière analogue en Angleterre pour l'income-tax en exemptant les fortunes de 150 mille liv. st. ou 3,500 liv. st. de rente, différence qui s'explique par l'énorme différence des richesses que possèdent les deux pays. Mais je crois qu'il y aurait justice à exempter en Belgique les parts de 3,500 francs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les honorables membrea se sont référés aux considérations qu'ils ont présentées lors de la première discussion. Je puis aussi me référer aux réponses que j'ai faites alors, et qui n'ont pas été rencontrées.

Le principe qu'on veut faire prévaloir est essentiellement mauvais par les idées qu'il inspire, et qu'il tend à répandre dans les populations. Sous ce rapport, je le condamne : il part de la supposition très erronce qu'il y a un grand nombre de grandes fortunes. La vérité est qu'il y a beaucoup plus de gens qui n'ont rien que de gens qui ont quelque chose et parmi ceux qui ont quelque chose l'immense majorité a très peu de chose.

C'est en se fondant sur ce que le principe de l'exemption serait inscrit dans le projet de loi, que les honorables membres voudraient l'étendre à un plus grand nombre.

Or, ce n'est pas le principe de l'exemption que nous avons déposé et voulu faire prévaloir dans le projet de loi ; c'est un motif d'équité, parce que les frais accroissent trop l'impôt pour les petites successions. (page 266) Voilà la seule considération que j'ai fait valoir à l'appui de la disposition du projet.

Savez-vous combien il y a de successions paternelles qui ne présentent aucun actif net aux héritiers ? 58 mille ! Il y en a 7/926 dont les parts sont inférieures à mille fr., 5,535 dont les parts sont supérieures à mille fr. et dans ce nombre, 2,872 dont les parts sont de 2 à 3 mille fr. Si vous recherchez les successions dont l'actif net s'élève à 25 mille fr. et au-delà, vous en trouvez 980 pour tout le royaume. Voilà ce qui résulte d'une statistique que j'ai fait dresser pour 1849, Et dans ces successions se trouvent comprises les valeurs mobilières. Vous comprenez que l'exemption des successions immobilières s'élevant pour chaque héritier à 3,500 fr. aurait pour résultat de réduire sensiblement l'impôt. Ce serait une faible considération pour faire écarter l'amendement s'il était légitime et juste en principe. Mais je le trouve illégitime et injuste, et la chambre, qui n'a pas approuvé l'impôt progressif proposé tout à l'heure, l'établirait au premier degré en accueillant la proposition de M. Coomans.

M. Roussel. - Messieurs, d'après moi, la loi relative l'impôt à des successions nous est revenue du sénat moins bonne qu'elle ne l'était quand nous la lui avions envoyée. Si je me décide à voter pour son adoption, c'est par esprit de conciliation et pour contribuer à faire cesser une situation qui pouvait avoir ses périls ; mais il m'est impossible d'abandonner le principe de l'exemplion que j'avais soutenu lors de la première discussion. Je ne suis pas convaincu par les arguments de M. le ministre des finances que l'exemption proposée par M. Coomans ne produirait pas un effet nouveau à l'égard de la loi actuellement en discussion.

En effet, quel est le grave reproche articulé contre le droit de mutation tel qu'il est constitué ? C'est qu'il frappe plus particulièrement les petites fortunes, les fortunes médiocres. Il me paraît évident que pour les parts immobilières qui ne dépasseront pas 3,500 fr., l'aliénation sera indispensable, le partage en nature impossible.

Il s'ensuit que relativement à ces petites quotités l'argument présenté par l'honorable M. de Perceval est frappant de vérité ; il en résulte que si nous n'exceptons point les petites parts héréditaires, elles vont subir une injustice relative.

Je trouve donc un motif de plus que dans la première discussion pour soutenir l'amendement de l'honorable M. Coomans, que je crois propre à imprimer à la loi un peu plus de popularité qu'elle n'en a jusqu'à ce moment.

Quels sont les grands reproches adressés à la loi ? On l'accuse de frapper surtout les petits. Il est évident qu'encore aujourd'hui parmi les héritiers immobiliers les petits seront les plus frappés.

Essayons d'assurer à notre impôt un caractère équitable, il perdra ce qu'il peut avoir d'affligeant pour ceux qui pourront le payer en raison de la justice de la répartition.

M. le ministre des finances nous a dit qu'il admet par esprit d'équité seulement l'exemption de mille francs, mais cet esprit d'équité, l'honorable ministre ne devrait pas l'abandonner lorsqu'il s'agit d'une part héréditaire de 3,500 fr. qui est évidemment une part minime.

Il faut continuer l'équité et la justice jusqu'aux dernières limites du possible.

La licitation occasionne des démarches, des frais considérables à l'héritier ; par conséquent s'il succède à une part héréditaire immobilière de 3,500 francs, vous lui feriez payer dans le fait un droit beaucoup plus élevé qu'au riche.

L'équité milite en faveur de l'exemption de 3,500 francs plus qu'en faveur de celle de mille francs.

Si nous fixons le chiffre à 3,500 francs, c'est pour assurer la justice de la répartition à l'égard de l'héritier modeste qui n'est point placé si loin de la pauvreté.

L'homme qui héritera d'une part de 3,500 francs en immeubles seulement, qui ne retirera rien du partage mobilier de ses parents, cet homme sera bien plus malheureux que celui qui trouvera une part supérieure immobilière.

Je ne répondrai point aux arguments que M. le ministre a puisés dans la statistique ou plutôt je repondrai par une seule question empruntée à l'antiquité : L'impôt frappant les parts de 3,500 fraucs sera fort utile, j'en conviens ; mais sera-t-il juste ?

Pour moi, toute la raison de l'amendement présenté par l'honorable M. Coomans se trouve dans la réponse à cette question.

M. Rodenbach. - Je ne serai pas long : je viens seulement appuyer en peu de mots l'amendement de l'honorable député de Turnhout, et je saisirai cette occasion pour déclarer que je ne puis voter une loi que je crois injuste.

Je la crois injuste, parce que le banquier, le millionnaire ne payera pas un centime de cet impôt de succession, ou de mutation, comme on l'appelle, tandis que les enfants d'un malheureux père de famille qui souvent ont contribué à lui fait gagner les 4,000 à 5,000 fr. qu'il laisse à son décès, devront payer l'impôt, indépendamment d'une quantité de frais. Ainsi, les héritiers devront payer d'abord l'homme d'affaires qui fait la déclaration de succession, et vous savez que quand on fait faire des déclarations, il en coûte.

Lorsque la succession ne sera que mince et qu'il y a plusieurs enfants, il sera fort difficile pour eux de payer les frais et l'impôt ; il devra nécessairement être procède à la vente de l'immeuble.

Remarquez, messieurs, qu'il ne s'agit pas ici d'un homme fortuné, mais d'un petit propriétaire. J'allais dire d'un quasi-malheureux ; car sa position est voisine de la misère, il suffit d'une maladie, d'une perte pour le ruiner.

La main sur la conscience, je ne puis voter une loi inique. Je sais qu'elle passera, mais je dois voter contre, parce que, je le repète, l'homme qui possède un million en portefeuille ne paye rien, tandis que celui qui n'hérite que de 1,000 fr. doit payer l'impôt. Cela est-il juste ? Je vous en laisse juges.

M. Orts. - Je suis également d'opinion que la loi que nous votons maintenant est revenue du sénat moins bonne qu'elle n'y était arrivée. Je la crois moins bonne, beaucoup moins bonne que le projet primitif qui nous avait été présenté.

Je voterai la loi, telle qu'elle est revenue du sénat, par une seule considération ; je désire la faire connaître, pour qu'on ne se méprenne pas sur la portée de mon vote. Cette considération m'a déterminé et me déterminera encore à voter systématiquement contre tous les amendements proposés. C'est pour ce motif surtout que je n'ai point cherché à améliorer le système qui avait été formulé par l’honorable M. de Perceval et qui a succombé tout à l'heure devant la chambre plutôt par son exagération que par la critique que pouvait rencontrer son principe.

Je crois que, dans les circonstances actuelles, il faut voir dans la loi deux choses qui y sont : un principe juste, équitable et qui peut porter dans l'avenir, de très bons fruits ; à côté du principe, une application que je crois beaucoup moins bonne, beaucoup moins équitable et qui, dans des circonstances ordinaires, m'aurait peut-être fait voter contre la loi. Mais si je cédais à ces considérations, voici, d'après moi, ce que je ferais ; je jouerais évidemment le jeu des adversaires du principe, de ceux qui ont peut-être cherché à rendre l'application aussi mauvaise que possible, dans l'espérance de faire reculer devant l'acceptation des partisans du principe eux-mêmes.

Voilà, messieurs, pourquoi je voterai la loi sur les successions et je dis en sens inverse, ce que disait tout à l'heure l'honorable orateur que je combats ; j'espère qu'il arrivera dans notre carrière parlementaire à tous, un jour où nous pourrons corriger cette loi, appuyés par l'opinion publique, qui, dans l'application, finira par comprendre l'impôt et par y donner son assentiment le plus complet.

M. Dumortier. - Pour moi, messieurs, je suis contraire à la loi. Indépendamment des motifs que j'ai eu l'honneur de présenter, il est une circonstance qui, à elle seule, suffirait pour me la faire repousser, c'est précisément l'opinion publique que vient d'invoquer, en finissant, l'honorable collègue qui a parle avant moi. Vous avez la force, la puissance, votez le projet de loi : vous êtes la majorité ; mais il restera toujours un fait, c'est que, dans ce grand appel que vous avez fait au pays sur cette question, 28 mille voix se sont prononcées contre la loi et 21 mille seulement, pour.

Voilà, messieurs, ce que c'est que l'opinion publique, et il me semble qu'un minisire sage, qu'un ministre qui êut compris la valeur de l'opinion publique, n'eût point insisté pour vouloir exiger de deux assemblées délibérantes, une loi que le pays repoussait d'une manière si éclatante.

Je le répète donc, messieurs, vous pouvez la voter cette loi ; vous avez pour vous la majorité et la force ; mais, quant à moi, je suis autorisé à dire qu'elle est repoussée par l'opinion publique et que cette considération seule, indépendamment de toutes les autres, suffirait pour déterminer mon vote contre le projet de loi.

Maintenant, messieurs, je pense, comme mon honorable collègue et ami, M. de Liedekerke, que dans un avenir qui n'est pas très éloigné, l'opinion se prononcera très énergiquement contre cette loi, comme contre plusieurs autres qui vous ont été présentées. Lorsque le pays sera soumis à ces lois vexatoires, à la loi sur la patente des marchands de tabac et à d'autres lois semblables, lorsqu'il les aura vu fonctionner, il est incontestable qu'il ne s'y soumettra pas.

Eh bien, messieurs, que faut-il conclure de là ? C'est que la liste des impôts que le pays peut accepter a des bornes et que la sagesse du gouvernement doit consister à ne pas franchir ces bornes. Après les impôts acceptables pour le pays, viennent les impôts que le pays ne peut pas accepter, et maintenant, messieurs, nous sommes arrivés à ce point que nous devons forcement entrer dans la deuxième série d’impôts.

En paicil cas que faudrait-il faire ? Eviter les folles dépenses, les dépenses qui ruinent le trésor public : « Magna pecula parcimonia. »

Voila, messieurs, ce qu'il faudrait faire et ce qui serait beaucoup plus sage que de se passionner envers et contre tous pour un impôt quelconque.

Lorsque sous le gouvernement précédent la majorité des états généraux voulut imposer au royaume des Pays-Bas l'impôt mouture et l'impôt de l'abattage, il y avait aussi des députes qui trouvaient ces impôts excellents, qui prétendaient que le pays s'y serait fait, qui prétendaient, comme mon honorable collègue, qui vient de parler avant moi, que plus tard le pays serait heureux de les avoir.

Eh bien, que s'est-il passé ?

Et maintenant, je vous le demande, messieurs, c'est dans un moment où la situation de l'Europe n'est point sans danger, dans un moment où vous-mêmes êtes fort préoccupes de la situation politique, c'est dans un pareil moment que vous imposez au peuple un impôt qu'il a repoussé par 28 mille voix contre 21 mille, quand vous l'avez en (page 267) quelque sorte appelé à le voter. (Interruption.) Ceux qui n'ont pas voté, vous ne pouvez pas les compter pour vous, sans cela vous feriez comme le roi Guillaume qui a compté comme acceptant la loi fondamentale tous ceux qui n'avaient pas vote.

Je dis donc, messieurs, qu'en présence de cette éclatante manifestation de l'opinion publique, manifestation provoquée par le gouvernement lui-même ; nous devrions, en vue de l'avenir qui, peut-être, se prépare pour l'Europe, être plus réservés, plus modérés dans les demandes d'impôts.

M. le président. - Je dois faire observer à M. Dumortier qu'il rentre complètement dans la discussion générale : nous en sommes à l'article 5.

M. Dumortier. - Je réponds à ce qui a été dit par l'orateur qui a parlé immédiatement avant moi ; du reste je vais finir.

Je dis, messieurs, que surtout en présence de la situation pleine d'inquiétude où se trouve l'Europe et particulièrement la Belgique, il est impolilique de vouloir créer des dépenses exagérées, dépenses qui n'auraient qu'un résultat, celui d'augmenter les impôts.

C'est précisément, messieurs, parce que telle est ma conviction que je voterai l'amendement de mon honorable ami M. Coomans ; car si vous voulez frapper le peuple, je tiens au moins à ce qu'on le frappe le moins possible, surtout dans un moment comme celui-ci, et il faut tout au moins affranchir de l'impôt ceux qui sont dans l'impossibilité de le payer.

M. le président. - La discussion est close. Il s'agit d'abord de l'amendement de M. Coomans.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. Coomans.

En voici le résultat : 81 membres y prennent part.

22 membres répondent oui.

56 répondent non.

3 (M. F. de Mérode, de Theux et Moncheur), s'abstiennent.

En conséquence, l'amendement de M. Coomans n'est pas adopté.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Mérode. - Je m'abstiens parce que d'une part je voudrais soulager le plus de contribuables possible d'un impôt très mauvais, mais que de l'autre l'exemption des impôts dans des limites fixées d'une manière plus ou moins arbitraire, est un principe d'une fâcheuse application,

M. de Theux. - Messieurs, je n'ai pas voulu voter pour l'amendement, parce que la disposition proposée par l'honorable M. Coomans pourrait être invoquée comme un précédent pour la généralité des impôts ; et qu'entendu de cette manière, ce principe serait incompatible avec le principe de nos institutions, et les nécessités de l'époque actuelle. D'autre part, je n'ai pas voulu voter contre, parce que je suis résolu à repousser la loi dans son principe et dans toutes ses conséquences.

M. Moncheur. - Messieurs, je me suis abstenu par les motifs qui viennent d'être déduits par l'honorable M. de Theux.

Ont adopté : MM. Clep, Coomans, David, de Haerne, de la Coste, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Renesse, d'Hont, Dumortier, Jacques, Landeloos, Malou, Orban, Rodenbach, Roussel (Adolphe), Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Van Renynghe et Boulez.

Ont rejeté : MM. Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Lesoinne, Manilius, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Rousselle (Charles), Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Nayer, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Bruneau, Cans et Verhaegen.

- L'article 5, tel qu'il a été amendé par le sénat, est mis aux voix et adopté.

Article 6

M. le président. - Dans l'article 6, premier paragraphe, le sénat a supprimé les mots : « par décès » après ceux-ci : « et celui de mutation ».

Cette suppression est mise aux voix et adoptée.

Article 10

M. le président. - Nous passons à l'article 10.

M. Dumortier. - Messieurs, c'est un projet nouveau dont nous nous occupons ; il faut que tous les articles soient mis aux voix.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, si un membre de la chambre a un amendement à proposer à l'un des articles du projet de loi que le sénat n'a pas amendés, il peut le faire, il est dans son droit ; mais si l'on ne présente pas d'amendement, on ne vote, conformément aux usages constants de la chambre, que sur les dispositions amendées par le sénat.

M. le président. - Si je n’ai pas mis en délibération les articles du projet de loi que le sénat n’a pas amendés, c’est que je me suis conformé aux usages constants suivis dans cette chambre. Jusqu’ici, chaque fois que le sénat a renvoyé à la chambre un projet d eloi amendé par lui, la chambre n’a voté de nouveau que sur les amendements, sauf le droit à chaque membre de proposer des modifications aux articles que le sénat aurait laissé intacts. Mais aussi longtemps que personne ne demande la parole pour présenter des amendements aux articles non amendés par le sénat, ce serait faire perdre du temps à la chambre que de remettre ces articles en discussion. (Adhésion.) Si donc aucun membre de la chambre ne se lève pour prononcer des amendements aux articles 7, 8 et 9, nous passons à l’article 10.

A l'article 10, le sénat a supprimé les mots : « l'époux survivant ou », qui se trouvaient avant ceux-ci : « les enfants naturels ».

- Cette suppression est mise aux voix et adoptée.

Article 10 (ancien)

M. Verhaegen. - Entre l'article 10 et le suivant, il y avait un article qui portait le n°1er du projet adopté par la chambre des représentants.

Le sénat a supprimé cet article qui était ainsi conçu :

« Art. 10. Les donations entre-vifs, d'une date postérieure à la publication de la présente loi, faites au profit des séminaires, fabriques d'églises, consistoires, congrégations, institutions religieuses ou morales, ou autres établissements de mainmorte, à l'exception des hospices et des bureaux de bienfaisance, sont soumises au même droit que celui fixé pour les libéralités testamentaires faites aux mêmes établissements.

« L'acte sera enregistré en débet et le droit exigible six mois après la date de l'arrêté qui aura autorisé l'acceptation.

« Si la donation a rapport à des immeubles, la transcription hypothécaire ne donnera lieu qu'au droit de timbre et au salaire du conservateur.

« Lorsque des établissements se sont mis en possession de biens transmis par donations entre-vifs ou testamentaires, sans avoir demandé l'autorisation de les accepter, le droit sera réclamé, sauf restitution en cas de dépossession. »

- La suppression de cet article est mise aux voix et adoptée.

Articles 15 à 17

M. le président. - Si personne n'a d'amendements à proposer aux articles 11, 12, 13 et 14, nous passons à l'article 15, qui a été amendé par le sénat.

L'article amendé est ainsi conçu :

« Art. 15. En cas de répudiation d'une part ab intestat ou d'une disposition testamentaire, l'accroissement sera assimilé, pour la liquidation du droit à charge de celui qui en profite, à ce qu'il aurait recueilli en vertu de disposition testamentaire au-delà de sa part héréditaire, sans que le droit puisse être inférieur à celui qu'aurait dû acquitter le renonçant. »

- Adopté.


« Art. 16 (amendé par le sénat). Les successions d'habitants du royaume cessent d'être sujettes à la déclaration négative, s'il est justifié par un certificat de l'autorité communale du domicile du défunt, qu'il n'est pas à la connaissance de cette autorité que le défunt ait délaissé des meubles ou des immeubles. »

- Adopté.


« Art. 17. Pendant six semaines, à partir du jour de la déclaration, les parties déclarantes seront admises à la rectifier en plus ou en moins, par une déclaration supplémentaire, sans qu'il puisse être exigé aucune amende.

« Les héritiers, légataires ou donataires qui auront omis ou celé des immeubles ou des rentes et créances inscrites dans les registres et comptes, énoncés à l'article 18, ou qui n'auront pas estimé à la valeur déterminée par la loi les possessions à l'étranger, acquitteront, outre le droit, une somme égale à titre d'amende.

« Ceux qui auront omis d'autres biens ou qui n'auront pas porté à leur véritable valeur les biens désignés sub littera F, G et H de l'article 11 de la loi du 27 décembre 1817, et ceux qui auront déclaré des dettes qui ne font pas partie du passif de la succession, encourront une amende égale à deux fois le droit.

« Si, avant toute poursuite, les parties ont rectifié leur première déclaration par une déclaration supplémentaire, l'amende sera réduite à la moitié.

« Elles seront libérées de l'amende, ainsi que des amendes prononcées par l'article 15 de la loi du 27 décembre 1817, si elles prouvent qu'il n'y a pas de leur faute. »

- Cet article est mis aux voix et adopté sans discussion.

Article 21

« Art. 21. Le droit de succession, celui de mutation et les amendes devront être acquittés dans les trois mois, à compter du jour de l'expiration des six semaines accordées pour la rectification de la déclaration.

« A défaut de payement dans le délai prescrit, le préposé décernera contre les héritiers, légataires, donataires ou l'époux survivant, une contrainte qui sera notifiée par exploit d'huissier au domicile élu dans la déclaration.

« Ils seront passibles, dans tous les cas, des frais de l'exploit, et de plus, si le payement n'est pas effectué dans les quinze jours de la notification de la contrainte, d'une amende égale au dixième des droits dus. »

- Cet article est également adopté sans discussion.

Article 22

« Art.22. Indépendamment des moyens de preuve spécialement prévus par les articles 18,19 et 20, l'administration est autorisée à constater, selon les (page 268) règles et par tous les moyens établis par le droit commun, à l'exception du serment, l'omission ou la fausse estimation des biens de la succession, l'exagération des dettes ou la simulation de dettes qui ne font pis partie du passif. »

M. Dumortier. - Je demande la parole. Cet article est un des plus graves au point de vue des vexations dont il menace les contribuables. Son importance est à la vérité diminuée par la suppression de l'impôt sur les valeurs mobilières. Je pense que le gouvernement ne doit plus y tenir autant que lors du premier vote. Quoi qu'il en soit, il demeure toujours dans cet article une disposition éminemment vexatoire pour le contribuable, c'est celle qui autorise à traduire l'héritier devant un tribunal pour rendre compte sur faits et articles, c'est-à-dire pour répondre sur toutes les questions qui lui seraient posées par le fisc. Si vous voulez faire une loi qui ne soit pas entachée de la plus grande impopularité, il faut que vous en fassiez disparaître cet interrogatoire. Comment ! quand un père de famille mourra, vous ferez venir son héritier sur les bancs d'un tribunal pour l'interroger comme un criminel ?

- Un membre. - C'est dans une chambre.

M. Dumortier. - C'est égal ; au reste, il sera loisible de faire faire l'interrogatoire en public, si l'on veut.

- Un membre. - Mais non : c'est réglé par le Code de procédure.

M. Dumortier. - Le Code de procédure ne prévoit pas la loi sur les successions.

Ce n'est pas parce qu'il n'y aura qu'un au lieu de plusieurs juges que la loi sera moins vexatoire ; elle sera moins odieuse ; mais elle ne sera pas moins vexatoire.

Vous voulez introduire dans notre législation une disposition qui n'existe dans aucun pays civilisé pour forcer un héritier à répondre sur son état de fortune à toutes les questions qu'il plaira au fisc de poser, car le tribunal ne pourra pas même s'opposer à la position d'une question.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Erreur ! Le juge ne permet la position des questions qu'autant que les faits sont pertinents.

M. Dumortier. - Ce qu'il y aura d'impertinent, ce sera l'interrogatoire.

C'est une des dispositions les plus exorbitantes qu'on puisse imaginer, On veut considérer le fisc comme une personne naturelle. Or, le fisc n'a pas ce caractère dans notre législation ; la preuve, c'est que vous avez une jurisprudence toute particulière en matière d'enregistrement. On plaide par mémoires, il n'y a pas même voie d'appel pour celui qui perd son procès. Il n'a que le recours en cassation ; or ce que redoute l'enregistrement, c'est l'examen des faits ; et l'appel qui porte sur l'appréciation des faits, n'est pas admis. Vous dites que c'est dans l'intérêt du contribuable ? Eh bien, autorisez-le seul à se pourvoir en appel.

Tant que vous n'autoriserez pas l'appel, je prétends que le fisc n'est pas une personne comme les autres ; en effet il est régi par des dispositions spéciales. Vous ne pouvez pas étendre au fisc les dispositions concernant les individus.

Ce n'est pas tout ; le fisc pourra faire interroger qui il voudra : exiger l'interrogatoire de l'un et ne pas l'exiger de l'autre, voilà un moyen de privilège que vous avez voulu écarter en n'accordant pas la faculté de déférer le serment ; par la même raison, vous devez écarter la faculté d'interroger sur faits et articles. Je demande donc qu'on ajoute à l'article 22 les mots « et de l'interrogatoire sur faits et articles », après ceux-ci : « à l'exception du serment ».

Si vous admettez l'interrogatoire sur faits et articles à propos de succession, pourquoi ne pas l'admettre pour la douane, les brasseries et tous les droits d'accise ?

Une pauvre veuve serait tenue de se présenter devant un tribunal pour rendre compte de toute la gestion de son mari. Cela passe toute espèce de forme. Si vous mainteniez cette faculté, la loi aurait un caractère d'iniquité qui ne se trouve dans la législation d'un peuple civilisé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La conclusion du discours de l'honorable préopinant pourrait êlre ainsi conçue : remplacer la disposition de l'article 22 par la disposition suivante : «. Il est permis de frauder ; il est interdit à l'administration d'employer aucune espèce de moyen de preuve, afin de constater la fraude. »

Si c'est là ce que désire l'honorable membre, il devrait le proposer en ces termes très nets ; la chambre pourrait apprécier sa proposition.

L'honorable membre nous répète avec une assurance qui a droit d'étonner ceux qui connaissent le droit, que rien de semblable à l'article du projet ne se voit dans aucun pajs civilisé, que c'est une exception monstrueuse, exclusivement introduite en Belgique.

L'honorable membre ignore probablement qu'en l'absence de l'article 22, l'administration n'aurait ni plus ni moins de droits ; il ignore probablement que, dans l'état actuel de la législation, l'administration a tous les droits inscrits dans l'article 22 ; il ignore probablement que, dans l'état aeluel de la législation, les tribunaux ont sanctionné les prétentions de l'administration, quant aux moyens de preuve, et qu'il y a fort peu de temps, un mois à peine, la cour de cassation appelée à se prononcer sur le point de savoir si, en matière de succession, l'administration pouvait établir par témoins la consistance de certains objets de la succession, a donné gain de cause à l'administration. Ainsi, ce que le gouvernement demande par l'article 22, l'administration le possède en réalité.

Si la disposition a un sens, une valeur quelconque, c'est de restreindre le droit de l'administration, c'est de lui enlever le droit de déférer le serment, droit qu'elle a, et que lui reconnu, eu cette matière, un jugement du tribunal de Tournay, depuis l'abolition du serment spécial établi par la loi de 1817.

Ainsi, sous ce rapport, la disposition est restrictive.

Elle sera restrictive, en ce sens que si un interrogatoire sur faits et articles est encore jugé nécessaire (ce qui à ma connaissance n'est jamais arrivé) il aura lieu sans serment.

Or, qu'est ce qu'un interrogatoire sur faits et articles sans serment ? C'est ce qu'on appelle, en termes de palais, poser en fait vrai et sommer la partie adverse d'y répondre. La partie adverse y répond comme elle l'entend ; elle doit le faire conformément à la vérité, sa conscience le lui dit ; mais elle n'est pas tenue de le faire sous la foi du serment.

Ains la disposition, loin d'être extensive des droits de l'administration, tend plutôt à restreindre les droits qu'elle possède sous l'empire de la législation actuelle.

M. Dumortier. - M. le ministre des finances me fait dire que je veux enlever au gouvernement tout moyen de preuve. Je n'entends pas enlever au gouvernement tout moyen de preuve, mais lui enlever les moyens de preuves vexatoires, violents, contraires à nos mœurs. Je veux, en fait de moyens de preuve, ce qu'il faut au gouvernement et rien de plus. Que le gouvernement fasse sa preuve comme il l'entend, par témoins s'il le veut, je n'ai rien à dire à cela.

M. le ministre des finances vient de dire qu'un arrêt rendu par la cour de cassation, il n'y a pas plus d'un mois, reconnaît à l'administration le droit de faire la preuve par témoins ; j'y souscris ; mais aucun arrêt ne reconnaît à l'administration le droit d'interroger sur faits et articles. J'admets l'arrêt de la cour de cassation ; mais je ne veux pas de votre système, qui va plus loin.

Le serment même, qui était décisoire, n'admettait pas l'interrogatoire sur faits et articles.

Ainsi vous entrez dans un système complètement nouveau, dans un système de vexations.

C'est ce système que j'entends, pour mon compte, repousser.

Je dis donc que les objections de M. le ministre des finances sont complètement sans fondement ; que je suis disposé à lui concéder ce qui existe aujourd'hui ; mais pas plus qu'il n'a aujourd'hui, et que la loi donne à l'administration plus qu'elle ne possède aujourd'hui.

- L'amendement proposé par M. Dumortier est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 22 est adopté.

Articles 23 et suivants

Les articles 23 et 27 et dernier sont adoptés.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi. En voici le résultat :

Nombre de votants, 83.

59 votent pour l'adoption.

24 votent contre.

La chambre adopte ; le projet de loi sera soumis à la sanction royale.

Ont voté pour l'adoption : MM. Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Delehaye, Dclescluse, Delfosse, Deliége, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, Dcvaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dumon (Auguste), Frère-Orban, Jouret, Lange, Lebeau, Lesoinne, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pirmez, Previnaire, Reyntjens, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Ch.), Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Allard, Bruneau, Cans et Verhaegen.

Ont voté contre : MM. Clep, Coomans, David, de La Coste, de Liedekerke, de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Renesse, de Theux, Dumortier, Jacques, Julliot, Landeloos, Malou, Mercier, Moncheur, Orban, Rodenbach, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Visart et Boulez.

- La séance est levée à cinq heures.