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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 15 mars 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal

(page 833) M. Vermeire fait l'appel nominal à 2 heures et demie.

La séance est ouverte.

Lecture du procès-verbal

M. Ansiau lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

M. le président. - Par suite de la résolution prise par la chambre en la dernière séance, voici la rédaction nouvelle proposée par le bureau quant à la partie de l’avant-dernier procès-verbal sur laquelle devait porter la rectification,

« Après des répliques de M. le ministre des finances, M. le ministre de l'intérieur soulève un débat à l'occasion de l'assertion consignée dans un journal que l'un des rapporteurs de la commission des finances tiendrait en réserve certains faits compromettants pour le gouvernement relatifs aux crédits de 1 et 2 millions. »

Le reste du procès-verbal a été adopté.

M. de Theux. - Je pense que le premier procès-verbal valait mieux que le second, en ce qu'il relatait plus exactement ce qui s'était passé ; car la vérité est qu'il y avait eu dans cette enceinte une discussion sur la presse même qui a soutenu et le droit et l'opportunité d'agiter de semblables questions. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas insislé sur le maintien de la première rédaction ; mais je croyais qu'on aurait bien fait de s'en tenir à l'observation de mon honorable ami M. Malou, de ne faire en aucune manière mention de l'incident soulevé, aucune motion ne l'ayant précédé et aucune décision ne l'ayant suivi.

Je crois que ce serait encore là le meilleur moyen de faire cesser toute discussion. Si cependant la chambre jugeait à propos d'adopter la mention qui vient d'être lue par M. le président, je proposerais d'ajouter : « lequel membre a contesté au ministre le droit de l'interpeller ; un débat s'étant ouvert, la chambre n'a pas statué. »

De cette manière, les prérogatives des membres de cette chambre demeurent intactes.

Je ne conteste pas aux ministres le droit d'interpeller un membre de cette chambre, mais à cette différence que ce n'est qu'une faculté, le membre n'ayant en aucune manière l'obligation de répondre, et ne pouvant pas être contraint à le faire, tandis que lorsqu'un membre croit devoir interpeller un ministre, la chambre peut inviter le gouvernement à répondre ; sans doute, le gouvernement peut persister dans son silence, mais dans ce cas il se met en opposition avec une décision de la chambre ; mais la chambre ne peut prendre, à l'égard d'un de ses membres, une décision pour le mettre en demeure de répondre à une interpellation.

Si donc on persiste à faire mention de l'incident dans le procès-verbal, je propose d'ajouter le complément que je viens d'indiquer. De cette manière, on aura constaté les faits d'une manière complète, rien n'aura été préjugé dans aucun sens. Ce que nous demandons, c'est l'exposé complet des faits et la réserve du droit des membres de la chambre.

M. le président. - Avant d'aller plus loin, il s'agit encore une fois de l'article 15 du règlement ; il ne peut être question, messieurs, ni de propositions de rédaction nouvelle, ni d'amendements à ces propositions. Si une rectification venait itérativement à être admise, ce serait encore au bureau à proposer une autre rédaction dans le sens de la seconde décision.

L'article 45 dit :

« S'il s'élève une réclamation contre la rédaction, l'un des secrétaires a la parole pour donner les éclaircissements nécessaires.

« Si, nonobstant cette explication, la réclamation subsiste, le président prend l'avis de la chambre.

« Si la réclamation est adoptée, le bureau est chargé de présenter, séance tenante, ou au plus tard dans la séance suivante, une nouvelle rédaction conforme à la décision de la chambre. »

Dans cet état de choses, je donnerai la parole à M. le secrétaire pour donne des explications sur la nouvelle rédaction.

M. Ansiau. - Nous avons lu attentivement le compte rendu des débats dans les Annales parlementaires et c'est en reproduisant à peu près les termes consignés dans ces Annales que nous avons cru pouvoir présenter cette rédaction.

Quant aux observations que vient de présenter l'honorable M. de Theux, elles ne portent nullement atteinte à l'exactitude du procès-verbal que nous proposons, c'est une simple addition au procès-verbal ; il appartient à la chambre d'examiner s'il y a lieu de l'admettre ou de la rejeter.

M. le président. - La question est donc uniquement de savoir s'il y a lieu de rectifier de nouveau le procès-verbal. Je ne puis pas, aux termes de l'article 15 du règlement, permettre que la chambre arrête elle-même une rédaction, ou propose des amendements à la rédaction arrêtée par le bureau. Si des réclamations étaient présentées et accueillies par la chambre, il y aurait lieu de les renvoyer au bureau pour qu'une nouvelle rédaction soit proposée par celui-ci.

M. de Theux. - Je pense qu'il existe des précédents de demande de rectifications proposées par des membres de cette assemblée et adoptées séance tenante. Toutefois, messieurs, ce n'est pas une rectification que je réclame ; je demande simplement que le procès-verbal soit complété, par le motif que si l'on parle de l'incident il faut nécessairement que l'on dise quelle suite il a eue. Or, cet incident a eu pour suite la déclaration de M. le rapporteur de la commission des finances qu'il ne croyait pas devoir répondre aux interpellations de M. le ministre de l'intérieur.

Cette protestation de l'honorable M. de Man n'a eu aucune suite, la chambre n'a rien décidé. Je demande que le procès-verbal soit complété en ce sens.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas besoin de faire-ressortir l'esprit de chicane... (interruption), oui, l'esprit de chicane qui aura présidé à toute cette discussion, depuis le commencement jusqu'à la fin.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le bureau présente une rédaction qui constate un simple fait reconnu constant par tout le monde. (Interruption.) Dans quel intérêt l'honorable M. de Theux vient-il soulever cette discussion qui peut encore nous mener très loin ? J'ai demandé des explications à M. le rapporteur de la commission des finances sur ce que j'aurais appris n'importe comment. J'ai cité um journal ; j'aurais pu ne pas le faire ; j'aurais pu dire : « J'apprends, en entrant à la séance, que M. le rapporteur tient par devers lui certains faits qu'il n'a pas voulu communiquer à la chambre, je lui demande de vouloir bien donner des explications. » En quoi, messieurs, la dignité parlementaire, les prérogatives de la chambre se seraient-elles trouvées atteintes par une telle interpellation ?

Est-ce que j'ai entendu forcer l'honorable M. de Man à répondre à mon interpellation ? Je l'eusse bien désiré ; j'ai insisté pour qu'il répondît, mais il a gardé, et il en avait le droit, le silence ; il s'est retranché dans un silence absolu que je ne suis pas parvenu à vaincre, bien malgré moi. Voilà tout ce qui s'est passé. Je n'ai pas du tout prétendu m'attribuer un droit d'interpellation avec obligation pour le membre interpellé de me répondre ; je n'ai pas eu cette absurde prétention.

Si l'honorable M. de Theux veut que le procès-verbal entre dans de plus longs détails, nous aurions aussi à faire constater d'autres faits, notamment le silence de l'opposition, le silence du rapporteur de la commission des finances, et je ne sais si cela conviendrait à tout le monde.

Quant à moi, j'anrais pu demander plus, mais je me rallie à la rédaction du bureau. Il me semble qu'elle se borne à constater un fait très simple, qui est parfaitement conforme à la vérité, et que, dès lors, puisqu'on a accueilli l'autre jour avec beaucoup d'enthousiasme une proposition de clôture, on ferait bien de clôturer dès maintenant ce débat.

M. le président. - Plusieurs orateurs sont inscrits, mais pour que la discussion ne s'égare point, je rappelle qu'une proposition est faite par l'honorable M. de Theux, tendant à compléter la nouvelle rédaction du procès-verbal ; si la chambre décidait qu'il y a lieu à rectification, le bureau aurait à présenter une rédaction conforme à la rectification admise ; de son côté, M. le ministre indiquerait les rectifications qu'il réclame, et la chambre aurait à se prononcer aussi sur ce point. Ce sont donc deux questions distinctes que la chambre aurait à décider.

M. de Perceval. - Dans l'intérêt de la discussion qui paraît devoir s'ouvrir sur l'incident soulevé par l'honorable M. de Theux, je demande une nouvelle lecture de la rédaction du procès-verbal tel que le bureau la propose. Je crois cette lecture nécessaire pour guider le débat et le vote.

M. le président donne cette lecture.

M. de Perceval. - Je n'ai rien à ajouter. Je demande la clôture de cette discussion.

M. le président. - La parole est à M. Dumortier.

M. Cools. - Je l'avais demandée avant M. Dumortier.

M. Dumortier. - Pas du tout.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il paraissait qu'on ne voulait pas soulever de nouveau débat.

M. Dumortier. - Je crois que M. le ministre de l'intérieur est celui qui a soulevé le débat. Si M. le ministre de l'intérieur n'était pas venu présenter une demande de rectification au procès-verbal, il n'y aurait pas de débat en ce moment, comme si M. le ministre des finances et M. le ministre de l'intérieur n'étaient pas venus rouvrir la discussion après sa clôture, il n'y aurait pas eu de reprise de la discussion et pas de changement à faire au procès-verbal.

L'incident auquel je viens de répondre étant terminé, j'examinerai en peu de mots la question qui est soulevée.

Que vous propose M. le ministre de l’intérienr ? Qu'est-il venu demander ? Il est venu demander d'insérer au procès-verbal une réclamation du chef de l'assertion publiée dans un journal et relative à un membre de cette chambre.

Or, qu'est-ce que cela en définitive ? Ce n'est rien autre chose que de rechercher un membre de cette chambre à l'occasion d'une opinon qu'il peut avoir.

Eh bien, messieurs, je dis qu'une pareille disposition inscrite dans le procès-verbal, est une violation manifeste de l'article 44 de la Constitution, si vous n'y insérez pas en même temps la phrase proposée par l'honorable M. de Theux. (Interruption.)

(page 834) Je désirerais que MM. les ministres se dispensassent de ces rires scandaleux qu'on entend continuellement sur leur banc.

M. le président. - Je puis engager au silence, mais je ne puis empêcher un membre, sur l'un ou l'autre banc, de rire.

M. Dumortier. - Il n'y a que MM. les ministres qui se permettent ces manières antiparlementaires.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pas du tout. Vous aves beaucoup ri dans une précédente discussion.

M. Dumortier. - L'article 44 ne la Constitution porte :

« Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être pour suivi ou recherché à l'occasion des opinions et votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions »

Ici, messieurs, on va plus loin : on recherche un membre à l'occasion d'une opinion qu'il n'a pas même émise. C'est une violation des prérogatives parlementaires, et nous devons tenir, tous, vous majorité et nous minorité, à ce que nos prérogatives soient respectées dans leur intégralité.

M. le ministre s'est irrité à l'occasion d'une phrase inscrite dans un journal ; je n'ai pas l'habitude d'entretenir la chambre de ce qui se trouve dans les journaux, mais puisque nous sommes...

M. le président. - M. Dumortier, la question est de savoir s'il y a lieu à rectification.

M. Dumortier. - Je voulais signaler qu'un journal ministériel dans son numéro d'hier, à l'occasion du vote de la dernière séance, accusait la minorité, de quoi ? D'une lâcheté ; eh bien ! qu'arriverait-il si nous venions demander à M. le ministre de l'intérieur ou à M. le ministre des finances, membres d'un cabinet qui a des relations avec ce journal...

M. le président. - Il ne s'agit pas de savoir si M. le ministre avait le droit de demander des explications à M. de Man, il s'agit de savoir si, à tort ou à raison, M. le ministre a soulevé un débat.

M. Dumortier. - Vous avez parfaitement raison, M. le président ; il s'agit de savoir si M. le ministre a soulevé un débat.

Le procès-verbal constate qu'il l'a fait, et cela est exact ; mais il est exact aussi que l'honorable M. de Man a refusé de répondre : pourquoi, si l'on est sincère, inscrire au procès-verbal que M. le ministre a interpellé M. de Man et ne pas y inscrire que M. de Man a refusé de répondre ? Ne mettez rien ou mettez l'un et l'autre ; soyez juste pour l'un comme pour l'autre, ou plutôt ne soyez pas plus injuste pour l'un que pour l'autre.

M. le président. - La rédaction ne porte pas que M. le ministre a interpellé M. de Man, la rédaction porte que M. le ministre de l'intérieur a soulevé un débat à l'occasion de l'assertion consignée dans un journal « que l'un des rapporteurs de la commission des finances tiendrait en reserve certains faits compromettants pour le gouvernement, relatifs à l'emploi des crédits de 1 ei de 2 millions. »

M. Cools. - Messieurs, je profiterais de mon tour de parole pour combattre tout changement à la rédaction du bureau, si je ne tenais compte du sentiment qui dominait la chambre pendant le discours que nous venons d'entendre. Il m'a paru que sur tous les bancs on regarde comme inopportune toute parole qui prolonge ces tristes débats. C'est à raison de cette disposition des esprits que je renonce à la parole.

M. de Theux. - M. le président fait observer qu'il n'est point écrit dans le procès-verbal que M. le ministre de l'intérieur a interpellé un membre de cette chambre. D'après la première lecture donnée par M. le secrétaire, il me semblait que cela s'y trouvait ; et s'il en avait été ainsi j'aurais insisté pour qu'une rectification fût faite, afin de maintenir intacte la prérogative des membres de la chambre. Maintenant, d'après les explications données par M. le président, je consens à retirer ma proposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je constate que le procès-verbal ne parle pas d'interpellations adressées au rapporteur de la commission des finances. Je suis d'accord avec l'honorable M. de Theux que le rapporteur de la commission des finances, comme tout autre membre de la chambre, serait parfaitement en droit de ne pas répondre aux interpellations qu'on lui adresserait. C'est le droit dont a usé l'honorable rapporteur. Je lui ai demande des explications, il n'a pas répondu ; j'ai pris acte de son silence. Voilà tout.

- La nouvelle rédaction, proposée par le bureau, est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Aucune autre réclamation n'étant faite contre l'avant-dernier procès-verbal, je le déclare adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Vermeire présente l'analyse d'une pièce adressée à la chambre.

« La chambre syndicale des courtiers à Ostende prie la chambre de prendre des mesures pour sauvegarder l'institution des courtiers et agents de change de la bourse de cette ville. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi autorisant un transfert de crédits au sein du budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. le président. - La section centrale adopte le projet de loi. La discussion générale est ouverte, la parole est à M. Osy.

M. Osy. - La session devant être courte, il est temps de s'occuper des affaires commerciales et des dépenses pour le ministère de la guerre.

C'est de celles-ci que je veux m'occuper aujourd'hui, et je ne dirai rien qui ne soit déjà dans le domaine de la publicité, car les journaux sans distinction ont parlé de ce qui s'est passé dans le comité secret du 26 février, et sur lequel j'aurai des interpellations à faire à M. le ministre de la guerre et à compléter les renseignements fournis par M. le ministre des finances.

Anvers est particulièrement intéressé dans les dépenses qui se font et qui vont se faire, elle aussi a tont à attendre des discussions pour la réforme douanière : j'engage le gouvernement à faire tout ce qui dépendera de lui pour résoudre ces deux questions dans la session actuelle. J'engage donc M. le ministre des finances à vouloir, le plus tôt possible, fournir les renseignements à la commission pour qu il ne vienne pas un nouvel ajournement.

Nous avons appris, dans la séance du 26 février, les travaux que le gouvernement va entreprendre autour d'Anvers.

Pour une ville commerçante et industrielle, vous pensez bien que nous avons été un instant très émus, lorsque nous avons vu le génie militaire tracer sur le terrain les plans d'un camp retranché, et il est certain que, quoique nous espérions et que nous croyions que la paix sera maintenu en Europe, le commerce qui est toujours très prudent, lorsqu'il voit de grands travaux, doit et peut exiger d'avoir des explications sincères et rassurantes.

Il est aussi certain que les propriétés de luxe, d'agrément et de rapport autour de la ville, auront beaucoup à souffrir des travaux militaires et que les propriétés vont diminuer considérablement de valeur, car on arrêtera toutes les constructions qui se faisaient et qui se projetaient, et des terrains à bâtir qui valaient de 20 à 25 mille francs l'hectare seront dépréciés, comme on ne voudra plus construire dans les environs de ces forts. Cependant si nous sommes persuadés que tous ces travaux militaires se font dans l'intérêt général du pays et de sa défense, nous nous soumettrons tous aux exigences des plans militaires, et soyez persuadés que les Anversois sont assez amis de notre nationalité et de nos institutions, pour se soumettre à tout ce que vous trouverez convenable de faire dans l'intérêt général du pays, tous les sacrifices qu'on peut demander de nous et vous n'entendrez jamais de plaintes de nous, sous ce rapport ; mais nous devons être certain que tout ce qu'on fait et qu'on veut faire soit dans un système d'ensemble et d'ulilité, pour que nos sacrifices et nos pertes puissent dans toutes les éventualités être pour la sécurité et la tranquillité du pays entier.

Un budget de 25 millions avec la force organique actuelle n'était qu'une illusion et pour calmer et arrêter l'opposition contre notre organisation actuelle.

Sous ce rapport, je suis heureux qu'on ait nommé une grande commission militaire, et comme nous le savons maintenant, cette commission a terminé ses travaux, elle n'a plus qu'à arrêter un budget définitif sur le pied de paix, je demande positivement que ce travail nous soit remis dans la session actuelle, et que, s'il est admis par le gouvernement et les chambres, nous puissions, si c'est nécessaire, voter régulièrement les crédits supplémentaires au budget de 1852, car avec les grandes dépenses d'armement que vous voulez faire, il faut que vous ayez une armée organisée sans retard, qui puisse nous donner toutes les garanties de pouvoir défendre les travaux que vous faites, et être assurés que vos dépenses ne seront pas en pure perte.

Depuis nombre d'années je me suis toujours plaint qu'avec l'organisation de 1845 vous n'aviez pas d'armée pour l'argent qu'elle nous coûtait, et surtout j'ai toujours insisté pour que nos miliciens restent 2 1/2 ou 3 ans sous les armes pour former leur instruction et éducation militaire, au lieu de les conserver comme jusqu'à présent tout au plus 6 ou 8 mois. Ce système ayant été adopté et approuvé par tout le monde quoique les ministres de 1848 à 1850 nous aient toujours combattu sous ce rapport, il ne faut pas avoir été de la commission militaire, pour savoir dès aujourd'hui que la conclusion de la commission sera un budget dépassant 30 millions ; c'est loin des 25 millions que le ministère actuel voulait, tout en conservant la force organique et qui était une contradiction.

Nous devons donc nous préparer à devoir voter des crédits supplémentaires au budget de 1852, pour l'armée sur le pied de paix, d'au moins 3 millions, et par la suite nos budgets seront augmentés d'une pareille somme, plus celles qu'on sera obligé de nous demander pour les armements extraordinaires, les travaux militaires, achats de chevaux et matériel de l'artillerie et du génie. J'espère que sous ce rapport, on nous fera dans la session actuelle une demande détaillée de tous les besoins, pour que nous puissions bien juger de notre situation financière et des ressources que nous avons pour y faire face.

En outre, si vous faites des travaux extraordinaires pour la défense du payasdans toutes les éventualités, il faut une réserve écus aussi bien qu'une réserve militaire pour pouvoir, avec tranquillité, affronter tous les événements et être pleinement assurés que ces dépenses et les sacrifices qu'on nous demande ne seront pas fait en pure perte.

Nous avons créé des voies et moyens pour l'emprunt de 26 millions qui a été contracté, mais si vous mettiez en adjudication les travaux décrétés l'année dernière, ces 26 millions seraient engagés et vous devriez chercher d'autres voies et moyens, et je crois que le plus prudent dans ces circonstances serait de décréter que pour le moment ces travaux ne se feront pas et que les 26 millions serviront aux travaux à faire pour le ministère de la guerre, combler les déficits d'au moins 3 millions (page 835) sur 1852 et autant sur 1853 pour les crédits supplémentaires aux budgets de ces années que nous aurons à voter. En outre, vous aurez à voter de fortes dépenses, dont je vous entretiendrai plus tard, pour les armements et pour l'augmentation de l'armée en dehors d'un budget pour une armée sur le pied de paix.

Je demanderai à M. le ministre de la guerre si on compte faire plus que les quatre forts du camp retranché, dont les tracés sur le terrain sont faits et dont l'adjudication est annoncée pour le 22 de ce mois.

M. le ministre des finances nous a dit qu'ils seront faits dans six semaines et coûteront 593,000 fr., mais il doit y avoir une erreur manifeste, tant pour le chiffre de la dépense que pour le temps qu'il faudra pour construire ces forts.

Je ne calculerai les dépenses que pour ces quatre forts, qui se feront sur une étendue de terrain de 12 à 13 hectares chacun.

Ainsi il faudra prendre au moins 48 hectares, et je veux bien calculer seulement sur 40 hectares, à raison de 14 mille francs, en moyenne ; vous aurez, pour l'achat de terrains, une dépense de 500 mille francs ; puis vous prenez des routes publiques qu'il faudra rétablir pour les communications des riverains, entre autres aux forts n°2, 3 et 4, ce qui devra augmenter l'emprise des terrains.

Je parle avec connaissance de cause, comme pour deux de ces forts on fait de grandes entailles sur mes propriétés et que j'ai par moi-même examiné les tracés sur le terrain même, Surtout au n° 3, où l'on met le fort sur une route de grande communication entre la ville et des localités très habitées, très bien cultivées et menant à des propriétés d'agrément. Ainsi vous ne pouvez pas prendre ces routes sans les rétablir sur d'autres points, ce qui devra augmenter les dépenses.

Je pense donc que la dépense des terrains que l'on sera obligé de prendre dépassera 600,000 fr. Maintenant où sont les dépenses pour les ouvrages de terrassement et de casernement ? Car il paraît que chacun de ces forts devra pouvoir loger au moins 600 hommes, soit dans des casernes ou dans des casemates à l'abri de la bombe, et je ne doute pas que ces 4 forts, au lieu d'une dépense de 593,000 fr. comme on nous l'a indiqué, dépassera 1,400,000 fr. en travaux et achats de terrains. Ainsi une dépense dépassant au moins de 800,000 fr. celle indiquée dans la séance du 26 février.

Pour ce qui est du terme de six semaines indiqué, voilà déjà trois semaines de perdues, et encore on n'est entré en négociation avec aucun propriétaire ; si le gouvernement éprouve les mêmes difficultés que dans la province de Liège pour les expropriations ordonnées par arrêté du mois d'octobre, vous ne commencerez pas à travailler dans trois mois.

Cependant, je puis assurer que roua trouverez chez les Anversois plus de désintéressement que parmi les propriétaires de la rive gauche de l'Ourthe, pour l'emprise des terrains pour le canal latéral de la Meuse, qui ont coûté énormément ; et n'oublions pas que la première dépense évaluée à 3,500,000 fr., est montée à 8 millions, et on nous a toujours dit que cette augmentation de dépense provenait des expropriations.

On devait exproprier une digue contre l'Ourthe, qui a coûté 9,000 fr., voilà près de six mois que l'arrêté est pris, et l'on n'est pas plus avancé que le premier jour. Cependant cette expropriation doit se faire pour garantir les travaux du chemin de fer national.

Pour ce qui est des travaux de la Tête-de-Flandre, on nous a dit qu'ils devront coûter 435,000 fr. Je pense, M. le ministre de la guerre pourra nous le dire, que ce sont seulement les dépenses pour le fort. Mais comme on ne peut pas inonder le polder de Borgerwert entre la Tête de Flandre et Zwyndrecht sans couper la digue, dont la réparation coûterait beaucoup, et que vous avez déjà dû payer une fois après l'évacuation de la citadelle d'Anvers. Il faudra faire, sur la rive gauche de la rivière vis-à-vis d'Anvers, deux écluses qui coûteront au moins 300,000 fr., si je compare les dépenses de même nature faites dans d'autres polders de la rive droite et sur lesquelles les administrations des polders pourront donner des renseignements utiles au génie militaire.

Vous voyez d'après cela que les quatre forts et les travaux de la Tête-de-Flandre coûteront 2,300,000 francs au lieu de 1 million dont on nous a parlé.

M. le ministre des finances nous a dit : qu'il faudra dépenser 470 mille francs pour chat de 800 chevaux.

Si je suis bien informé, la cavalerie et l'artillerie ont besoin non de 800 chevaux, mais 2,500 chevaux, et comme le budget de 1852 nous a seulement demandé 330 mille fr. pour achat de 560 chevaux, il faudra une dépense extraordinaire de 2 mille chevaux, que je calculerai par moyenne à 600 fr., soit une dépense en dehors du budget de 1 million 2 cent mille francs ; et M. le ministre des finances ne nous a parlé que de 470 mille francs, différence en plus de près de 8 cent mille francs pour ce seul objet.

Ainsi, les travaux de forts et achats de chevaux vous coûteront, en dehors du budget, fr. 3,500,000.

Maintenant, M. le ministre nous a parlé d'autres dépenses qui se montent à près de 2 millions, et je demanderai, si toute l'année nous devons tenir sous les armes 8,750 hommes de plus que notre budget ordinaire, quelles seront les dépenses extraordinaires seulement pour 1852.

Je calcule donc :

2,300,000 fr. pour les armements des cinq forts,

1,200,000 fr. pour achats de chevaux.

2,000,000 fr. autres dépenses dont on nous a entretenus et dont j'attendrai les détails officiels.

Vous voyez que vous aurez une dépense extraordinaire de fr. 4,500,000 à faire, et en y ajoutant seulement un supplément de crédit de 3,300,000 francs pour un budget sur le pied de paix, si on admet les travaux de la commission, on devra nous demander pour 1852, un crédit supplémentaire de 7,800,000 fr. et en y ajoutant 3,300,000 pour supplément au budget de 1853, vous voyez que pour ces deux années, en ne portant que ce qu'on nous a révélé, vous aurez une dépense extraordinaire à faire en dehors des budgets votés et présentés de 11 millions fr. D'après cela si nous appliquons les 26 millions du dernier emprunt, il ne restera que 15 millions pour une réserve ou caisse extraordinaire de la guerre, car l'argent étant le nerf de la guerre, il faut aussi bien une réserve numéraire qu'une réserve d'hommes, si vous voulez que, dans toutes les éventualités, nos dépenses à faire puissent être utiles au pays et nous rassurer complètement.

Je ne veux pas aujourd'hui m'expliquer sur le budget de la commission et les dépenses extraordinaires ; mais ce que je suis en droit d'exiger du gouvernement, c'est qu'il prenne l'engagement de venir franchement, avant la clôture de la session actuelle, nous dire s'il se rallie au travail de la commission, et que dans ce cas il nous demande les crédits nécessaires, tant pour pouvoir payer le supplément au budget de 1852, que des demandes de crédits pour les armements et travaux extraordinaires en dehors des budgets, et en attendant je demande qu'il ne fasse aucune adjudication pour les travaux décrétés par la loi du mois de décembre et avant que nous connaissions tous les besoins pour le ministère de la guerre et s'il ne trouve pas convenable de créer pour toutes les éventualités une réserve numéraire.

Avant de finir, je devrai demander un renseignement à M. le ministre des travaux publics et qui touche aux propositions que je fais, de ne pas donner suite pour le moment aux travaux décrétés au mois de décembre et se montant à 26 millions.

Vous vous rappellerez, messieurs, qu'en autorisant la dérivation de la Meuse, nous avons bien stipulé que ce travail ne pourrait dépasser 9,300,000 fr., y compris les 1,300 mille francs de subside de la province et de la commune.

Ainsi il est entendu qu'on ne peut faire qu'une adjudication globale pour travaux et achats de terrains. Je voudrais donc savoir de M. le ministre des travaux publics, s'il n'a pas déjà été dépensé une forte somme pour achats de terrains et sans connaître l'adjudication des travaux. On m'assure que ces achats ont eu lieu, ainsi que les payements, et si c'était le cas, ce serait contraire aux dispositions de la loi et la cour des comptes serait répréhensible si elle vivait une pareille dépense sans connaître la dépense totale, en vertu de la loi.

J'espère, pour la responsabilité de M. le ministre, que l'affaire n'est pas si avancée qu'on me l'assure, et que, s'il voulait faire cette dépense le présent avertissement l'arrêtera et l'empêchera d'agir contrairement à la loi.

J'espère que, sur tous les points indiqués, MM. les ministres de la guerre, des finances et des travaux publics nous donneront des explications franches et catégoriques.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Messieurs, j'ai par-devers moi une note qui me permet de répondre en partie aux interpellations de l'honorable M. Osy, en ce qui concerne les travaux exécutés devant Anvers.

Les ouvrages à élever en avant d'Anvers se composent de quatre fortins destinés à couvrir le faubourg de Borgerhout. Les premières propositions relatives à ces travaux ont été faites par la commission de défense instituée en vertu de l'arrêté royal du 15 septembre 1847 ; ces propositions ont ensuite été reproduites par la commission mixte instituée le 19 octobre dernier et il ne s'agit aujourd'hui que de les mettre à exécution.

La chambre peut être persuadée que les opérations relatives à la désignation et à l'expropriation des terrains nécessaires, seront dirigées dans le plus grand esprit de conciliation, de manière à sauvegarder les intérêts de l'Etat, et à satisfaire autant qu'il sera possible aux convenances particulières.

Les travaux à faire à la Tête-de-Flandre consistent en un ouvrage fermé dont la dépense sera approximativement de 435,000 fr. Cette construction est destinée à remplacer les anciennes fortifications qui sont tout à fait hors de service. Elle dispensera, en outre, dans un grand nombre de cas, d'inonder les abords et, en tout état de choses, de tendre l'inondation en coupant la digue, expédient auquel on a eu recours en 1830 au grand préjudice du trésor et des populations du voisinage.

Il est donc permis d'affirmer que l'ouvrage de la Tête-de-Flandre satisfait à l'intérêt de la localité autant qu'aux exigences de la défense.

M. Delfosse. - Messieurs, l'honorable M. Osy vient de présenter quelques observations dont les unes sont tardives et les autres prématurées. Les observations tardives sont celles qui concernent la loi des travaux publics ; l'honorable M. Osy a une grande ténacité dans son opposition ; il a fait tout ce qu'il a pu pour empêcher le vote de la loi des travaux publics ; aujourd'hui que cette loi est votée, il voudrait en empêcher l'exécution. Je ne pense pas qu'il réussisse dans ce projet.

Les observations de l'honorable M. Osy, qui sont prématurées, sont celles qui concernent les travaux de la commission militaire. Attendons, pour nous occuper de ces travaux, pour en parler, pour les discuter, qu'ils nous aient été communiqués.

(page 836) Messieurs, si les dépenses sur lesquelles la discussion est ouverte on ce moment avaient été soumises à notre appréciation, avant d'être effectuées, j'en aurais probablement demandé l'ajournement, jusqu'à ce qu'on nous fût soumis le résultat des investigations de la commission militaire ; je n'aurais voulu rien préjuger avant de connaître l'opinion de cette commission. Mais les dépenses étant faites, je ne crois pas devoir les rejeter.

Si nous les rejetions, elles resteraient pour le compte des ministres, et je reconnais qu'ils ont agi de bonne foi et dans les intentions les plus louables. Je leur sais même quelque gré de n'avoir pas été effrayés, outre mesure, par les événements, et de ne s'être pas laissé pousser à des armements exagérés, comme ceux de 1839, qui ont formé un contraste si fâcheux avec l'altitude qu'on a prise au moment décisif.

Si notre nationalité était sérieusement menacée, on ne devrait reculer devant aucun sacrifice pour la défendre : elle est trop précieuse ; mais garantie par les traités, mieux encore par l'intérêt que toutes les puissances, sans exception, ont au maintien de la paix, je ne la crois pas en danger. Je ne puis pas, du reste, blâmer ceux qui, n'ayant pas la même opinion que moi, ont cru devoir prendre quelques mesures de précaution.

Je voterai donc pour le fait accompli, j'engagerai toutefois MM. les ministres à ne jamais faire, sans les motifs les plus impérieux, des dépenses non autorisées par les chambres. Que MM. les ministres n'oublient pas les inquiétudes que leur ont causées les embarras financiers et quelle peine ils ont eue récemment à obtenir des impôts nouveaux.

M. de Chimay. - Je désire poser une simple question à M. le ministre de la guerre, celle de savoir si le transfert qu'il demande a été motivé par les besoins normaux du budget ordinaire ou par des dépenses imprévues. D'après la réponse que fera M. le ministre de la guerre, j'aurai l'honneur de dire à la chambre quels sont les motifs de cette question.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Messieurs, j'ai reconnu que l'instruction des miliciens des dernières levées qui se trouvaient dans leurs foyers était incomplète, et qu'un grand nombre d'entre eux n'étaient demeurés sous les armes que pendant 6 à 9 mois.

Peur remédier à cet inconvéuient, j'ai rappelé au mois de septembre dernier une partie de ces miliciens qu'on a ensuite conservés dans les corps, ou renvoyés dans leurs foyers selon l'état de leur instruction.

L'effectif normal des compagnies s'est trouvé ainsi renforcé, et a donné lieu à une dépense extraordinaire.

L'assurance que j'avais dès cette époque de pouvoir réaliser sur plusieurs articles, et notamment sur l'article « pain », l'économie suffisante pour couvrir la dépense résultant de ce rappel, m'a décidé à prendre cette mesure.

M. de Chimay. - Les explications que vient de donner M. le ministre de la guerre établissent bien en fait que le transfert qu'il demande a été motivé non par les besoins extraordinaires, mais par les besoins ordinaires du budget.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nullement ; il est motivé par l'appel d'un plus grand nombre d'hommes sous les armes.

M. de Chimay. - Si je ne me trompe, cet appel a eu lieu dès le mois de septembre. Le but de la question que j'ai adressée à M. le ministre de la guerre, vous allez le comprendre, est facile à saisir.

Vous vous rappellerez qu'à la session dernière, dans la discussion du budget de la guerre, le ministère s'est élevé d'une manière formelle, connu une augmentation de 400 mille francs, dont j'ai pris l'initiative. Il s'agissait des fourrages. M. le ministre des finances a pris sur lui, si je ne me trompe, de refuser ce crédit, soutenant qu'il était inutile. Je prétendis que, loin d'être suffisantes, les sommes allouées ne couvriraient pas les dépenses normales.

Loin d'entrer dans les vues du cabinet qui tendaient à ramener successivement le budget de la guerre à 25 millions, j'ai toujours soutenu qu'il fallait s'attendre à des augmentations ; je suis heureux de constater que les déclarations de M. le ministre de la guerre ont complètement justifié mes prévisions. (Interruption.)

Je pense, messieurs, que je constate un fait non seulement exact, mais qui n'est pas susceptible d'être controversé.

M. le ministre a été obligé de rappeler des miliciens parce que leur instruction n'était pas suffisante.

Cette déclaration m'amène à examiner un autre point.

Le rapport de la section centrale, à propos du défaut d'instruction d'une quantité considérable des miliciens et de l'insuffisance de l'effectif des bataillons, dit que la responsabilité du ministre eût été grande, s'il n'avait pas rappelé un certain nombre d'hommes : Il ajoute que le peu de temps que les miliciens passent sous les armes était le principal, sinon le plus grand défaut de notre organisation militaire.

J'ai pris une part trop active aux débats qui ont amené l'adoption de cette organisation pour ne pas prendre encore ici sa défense. Je pense l'effectif des bataillons. La loi de 1845 n'a pascu pour objet de déterminir le nombre d'hommes à maintenir sous les armes. C'elail une loi de cadres, pas autre chose.

Si l'instruction des miliciens laissait à désirer, c'est que dans maintes circonstances il a fallu céder aux injonctions de la législature, sacrifier le budget de la guerre aux exigences de la majorité.

C'est, un triste spectacle auquel nous avons assisté trop souvent. Trop souvent nous avons vu le ministère lui-même prêt à subordonner les intérêts de l'armée à des questions d'homogénéité.,

Je n'ai, en prenant la parole, d'autre but que de faire voir qu'au lieu d'être trop élevés, les budgets présentés étaient loin de répondre aux exigences les plus strictes de la défense du pays.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant a soulevé deux questions que je vais examiner brièvement. La première est celle-ci : quelles sont les causes qui donnent lieu au transfert de 355,000 fr. ? L'honorable membre rappelle que dans la dernière session, il y a eu quelque contestation sur une allocation de 400 mille francs concernant les fourrages et que ce crédit a été admis quoique le cabinet ne l'eût pas proposé.

Le cabinet avait soumis le budget à la chambre, d'accord avec M. le ministre de la guerre dont les prévisions n'avaient aucun rapport avec le transfert aujourd'hui demandé.

Le 12 février mon honorable collègue le ministre de la guerre m'a fait parvenir le projet de loi sur lequel vous délibérez en ce moment. Il en avait expliqué les causes en conseil. Cependant comme l'exposé des motifs qui m'était adressé ne contenait aucun développement, je crus devoir demander qu'il me transmît quelques explications. Il me répondit, le 17 février :

1° Que, pour compléter l'instruction des soldats, il avait cru indispensable de rappeler pendant 40 jours sous les armes, des miliciens appartenant à l'infanterie qui étaient en congé quoiqu'ils n'eussent été que quelques mois sous les drapeaux ; 2° que, par suite des circonstances, il avait en décembre, rappelé des miliciens appartenant à l'infanterie et à l'artillerie et qu'il avait, en outre, fait des dépenses pour effectuer des transports de matériel.

Ces diverses dépenses étaient d'ailleurs compensées par des économies équivalentes par d'autres allocations du budget.

Ainsi, il est très clairement constaté, contrairement à la supposition de l'honorable préopinant, que ce n'est pas par les causes qu'il indique, mais parce qu'on a rappelé des hommes pour les mieux instruire et auf si à raison des circonstances, que le transfert est actuellement sollicité.

J'ajouterai que si mon honorable collègue, M. le ministre de la guerre, d'accord avec nous, a rappelé des hommes qui étaient en congé et qui n'étaient pas restés assez longtemps sous les armes, c'était là une amélioration qu'il introduisait dans ce qui se pratiquait, non pas sous le ministère actuel, mais depuis bien des années, et ce qui soulevait des critiques de la part de plusieurs de membres de cette assemblée.

La seconde question que l'honorable membre a traitée, est relative au budget de la guerre. Il est possible que l'honorable préopinant considére comme opportun de discuter cette question. Pour moi, je crois que c'est mal choisir le moment pour provoquer des discussions sur un pareil sujet. Mais puisqu'on nous y convie, nous serons bien obligés cependant d'en dire aussi quelques mots.

Messieurs, la marche que nous avons suivie à l'égard du budget de la guerre est, mon sens, irréprochable et à l'abri de toute critique fondée. Il y avait une grande division dans la chambre et dans le pays sur ce qu'il convenait de faire relativement à notre établissement militaire.

Le cabinet s'était invariablement refusé à toutes les époques à procéder sans examen. Il l'a refusé à l'époque où le général Chazal siégeait avec nous ; le ministère s'y est refusé postérieurement ; mais il a demandé, et il a obtenu sur ce point l'assentiment de l'immense majorité de cette chambre, il a demandé que toutes les questions relatives à notre établissement militaire fussent soumises à l'examen d'hommes impartiaux, sauf au cabinet à se déterminer ensuite d'après les renseignements qu'il aurait recueillis de la part d'hommes compétents.

Il a annoncé qu'il avait le désir d'introduire, dans cette partie si importante des services publics toutes les économies praticables ; que s'il était possible de réduire le budget à 25 millions, il le ferait assurément ; mais qu'il ne faisait pas du budget de la guerre une question d'argent ; qu'il ne voulait et ne désirait que ce qui était compatible-avec le maintien d'une bonne et solide armée.

Voilà notre déclaration ; nous n'en avons pas fait d'autre ; cette déclaration nous la maintenons tout entière ; et à notre sens il faut être passionné et partant injuste pour faire un crime au cabinet, d'avoir émis le désir que l'on introduisît dans une partie des services publics des économies qui ne seraient cependant pas de nature à porter atteinte à la force de l'institution.

M. de Chimay. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, comment cette situation si grave, et pour l'armée, et pour le gouvernement lui-même, avait-elle été amenée ? L'opposition du budget de la guerre fixé à un certain chiffre n'était pas nouvelle ; cette opposition s'était révélée notamment dès 1842. A cette époque un honorable membre, homme très imporlant siégeant sur les bancs de la droite, avait soutenu avec une grande énergie, et, je dois le dire, après s'être livré à beaucoup d'études, que le budget de la guerre pouvait être ramené au chiffre de 25 millions.

Il y avait alors au département de la guerre un ministre, l’honorable général de Liem, qui contredisait formellement cette assertion, et qui soutenait que le budget de la guerre devait être fixé, à 29 millions et quelques centaines de mille francs. La section centrale ayant pour rapporteur M. Brabant exposait tout un système et concluait à une réduction successive du budget de la guerre ; elle proposait une réduction notable sur l'infanterie. Les honorables MM. de Theux, Malou, de Mérode, Dumortier et d'autres encore ont voté le chiffre de la seclion centrale et ont renversé le ministre de la guerre soutenant le budget qu'il déclarait indispensable pour les besoins de l'armée.

(page 837) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Contre nous qui le soutenions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je constate ces faits, non pas pour en faire l'objet de récriminations ; croyez-le bien. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) (s'adressant à la droite). - Vous vous posez comme les sauveurs uniques de l'armée.

M. Dumortier. - Nous ne cherchons certainement pas à la démolir. Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le répète, messieurs, je ne veux pas faire de ces faits le texte de récriminations ; je veux seulement constater comment la pensée d'un budget réduit a persévéré, et comment elle ne pouvait disparaître qu'après un examen sincère, loyal, impartial de toutes les questions relatives à notre établissement militaire.

Que fit-on depuis ce vote qui renversa le général de Liem ? On réduisit successivement le budget ; en réduisit les allocations pour le matériel du génie et de l'artillerie ; et l'on consigna, pendant plusieurs années, cette mention au budget, que les allocations étaient de tous points insuffisantes ; mais que l'exiguïté des ressources ne permettait pas de faire ce qui était indispensable pour ces services.

Nos adversaires, qui occupaient alors le pouvoir, ont signé de leur main cet aveu. Quant à nous, nous n'avons pas réduit les allocations pour le matériel de l'artillerie et du génie. Nous avons, par suite des circonstances, été appelés au contraire à faire beaucoup pour l'améliorer ; les événements de 1848 nous ont obligés à demander un premier crédit de 9 millions, dont 7 millions ont été affectés aux besoins de l'armée. Les circonstances actuelles nous obligeront à demander encore un crédit : nous le demanderons, nous le solliciterons afin d'assurer également la bonne position de l'armée, afin qu'elle puisse servir à la défense du pays.

Il résultera de cet ensemble de faits que, peut-être à aucune époque, des allocations aussi considérables n'auront été appliquées au budget de la guerre en temps de paix ; il résultera également des faits que nous n'avons apporté aucune espèce de désorganisation dans l'armée ; que nous n'avons touché à rien ; que nous avons seulement appelé des hommes compétents à examiner. Si nous avons touché à quelque chose, ç'a été pour renforcer, pour améliorer. Maintenant que les questions relatives à l'armée ont été soumises à une commission, composée assurément d'une manière fort impartiale et qui a reçu, je pense, l'assentiment complet de la chambre et de l'opinion publique, maintenant que l'on s'est livré à des travaux nombreux, le gouvernement de son côté aura à examiner les élément squi lui seront soumis.

L'honorable M. Osy demande que sur l'heure on les lui produise, que sur l'heure on s'explique.

M. Osy. - Dans le courant de la session.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans le courant de la session qui sera très courte, comme l'a dit l'honorable M. Osy. Eh bien ! j'apprends à l'honorable M. Osy que nous n'aurions pas même matériellement le temps nécessaire de lire ces documents avant la fin de la session. (Interruption.) J'en appelle aux honorables membres de cette chambre qui font partie de la commission.

M. Thiéfry. - Le fait est exact.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Des comités, des sous-comités ont travaillé pendant je ne sais combien de temps, à examiner tout ce qui est relatif à l'armée et ont produit des travaux qui sont considérables. Ces travaux eux-mêmes ont été examinés pendant un temps très long par la commission et par des sous-commissions, et l'on veut qu'immédiatement, sans avoir pu les lire, le gouvernement se forme une opinion et présente des conclusions à la chambre !

Au surplus, je vais plus loin, je ne crois pas qu'il soit opportun d'ouvrir ce débat. Ainsi on ne prétextera pas que j'invoque l'étendue des travaux de la commission pour ne pas aborder la discussion. Je dis qu'elle serait inopportune, et que les travaux fussent-ils terminés, les conclusions fussent-elles préparées, le gouvernement eût-il une opinion formée, ce qu'il n'a pas, le gouvernement ne devrait pas, dans les circonstances actuelles, saisir la chambre de pareils débats.

L'armée est aujourd'hui ce qu'elle était, lorsque nous avons pris le pouvoir. Nous n'avons rien changé. On a pu essayer d'ébranler sa sécurité en attribuant au gouvernement des projets qui ne sont pas les siens. Mais qu'on ne s'y trompe pas, elle a vu, elle connaît nos actes. Elle sait en quelles mains le soin de ses intérêts a été remis. L'armée a confiance dans le patriotisme des chambres et du gouvernement et cette confiance on ne l'ébranlera pas.

M. de Chimay. - Messieurs, je dirai d'abord à M. le ministre des finances que, bien loin d'être passionné dans ce débat, je n'avais pas même demandé la parole. C'est lui qui, par une observation toute spontanée, s'est chargé de me rappeler que j'avais quelque chose à dire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non pas ; je croyais que vous aviez demandé la parole.

M. de Chimay. - Messieurs, ce que j'ai cherché à démontrer en prenant la parole, c'est simplement ceci : Que, bien loin d'être prodigue, le budget de la guerre, tel qu'il avait été proposé, était loin de suffire aux plus simples besoins de l'armée. Ce que j'ai dit en commençant, je le répète, et je le répète avec la conscience parfaite d'être dans le vrai. Le budget, tel qu'il a été proposé l'année dernière, tel qu'il a été proposé en 1852, est loin d'être suffisant.

M. le ministre des finances a bien voulu vous dire qu'il regardait ce débat comme inopportun. Je serais désolé, pour ma part, d'introduire jamais dans cette enceinte des discussions qui seraient considérée comme inopportunes, soit qu'il s'agit de l'armée, soit qu'il s'agit de la dignité du parlement.

Je me bornerai à cette simple constatation de fait ; c'est que dans le sein de la commission comme ailleurs, je ne me suis préoccupé que d'une seule chose, de l'état normal de l'armée, des besoins de l'existence normale de l'armée, en dehors de toutes préoccupations de l'étranger.

Au mois de septembre dernier, M. le ministre des finances nous a cherché un peu querelle, à mon honorable collègue M. Dumortier et à moi, prétendant qu'il était inutile, qu'il était en quelque sorte oiseux de venir mêler les intérêts de l'armée à une question de travaux publics. Eh bien, qu'est-ce que je faisais alors ? Je n'ai pas la prétention d'avoir eu le pressentiment de ce qui s'est réalisé deux mois plus tard ; mais ce que je soutenais à cette époque comme aujourd'hui, c'est que les besoins étaient considérables, c'est que le matériel de l'armée présentait de grandes lacunes que je ne signalerai pas ; que ces besoins nécessitaient des dépenses importantes et que dès lors je regardais comme une imprudence, de la part du gouvernement, de ne pas profiter des circonstances où il pouvait réaliser un emprunt dans des conditions avantageuses (l'événement l'a prouvé) pour y comprendre les sommes indispensables, non pas à la défense exceptionnelle du pays, mais à la situation normale de notre état militaire en pleine paix.

M. le ministre des finances, faisant ensuite allusion aux travaux de la commission, a dit qu'il lui paraissait impossible que le gouvernement se rendît promptement compte de nos travaux. C'est un rôle que je ne puis accepter pour lui ; car il dénoterait de sa part l'ignorance à peu près complète de nos intérêts et de notre situation militaires. Sans entrer dans les détails des opérations auxquelles s'est livrée la commission, il n'en est pas moins vrai, tout le monde doit le comprendre, que ces travaux ont porté sur des questions qui avaient fait l'objet de l'examen le plus mûr, le plus réfléchi de la part de tous les hommes compétents du pays. Je ne puis donc admettre que le gouvernement soit entièrement neuf dans cette affaire. S'il l'était et s'il continuait à décliner l'initiative qui lui appartient dans de semblables questions, et qu'à mon sens il aurait toujours dû conserver, j'en serais profondément affligé pour le pays et pour lui.

M. Dumortier. - Pour le moment je me bornerai à deux mots ; je veux repousser le reproche qui nous a été adressé par M. le ministre des finances, à mes honorables collègues et à moi.

M. le ministre vous a dit que nous avions voulu, mes honorables amis et moi, lors de la chute de l'honorable général de Liem, réduire le budget de la guerre à 25 millions. C'est là une complète inexactitude.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit cela.

M. Dumortier. - Pardon ; si vous ne l'avez pas dit, vous l'avez donné si clairement à entendre, que personne n'a pu s'y tromper. Vous avez dit que l'honorable M. Brabant voulait un budget de 25 millions, et que mes amis et moi nous avions appuyé l'honorable M. Brabant contre l'honorable général de Liem. Ce qui revient à dire, car votre discours se réduit à des syllogismes comme tous les autres, que nous voulions un budget de 25 millions.

Messieurs, le motif pour lequel nous avons voté contre le budget de l'honorable général de Liem, je prie M. le ministre des finances de lire le Moniteur, il l'y verrait clairement exprimé, c'est que nous voulions l'exécution de la Constitution qui exigeait une loi pour l'organisation de l'armée. L'honorable général de Liem a persisté à ne pas vouloir promettre la présentation d'une loi d'organisation de l'armée, et voilà quel a été le motif de notre vote ; il n'est pas ailleurs.

J'ajouterai, il est vrai, que l'honorable M. Brabant voulait la réduction du budget de la guerre au chiffre de 25 millions ; mais il est vrai aussi de dire que, malgré toute l'affection que nous portions à notre honorable collègue, jamais nous ne l'avons suivi dans ses votes, jamais sa proposition n'a été acceptée par la chambre, toujours le budget est resté dans un état normal, dans l'état où ilse trouvait lorsque vous êtes arrivés au pouvoir.

Au surplus, je conçois que d'honorables membres, à la suite de l'adoption des 24 articles, lorsqu'on voulait faire une paix européenne, lorsque aucun danger, ni prochain ni même éloigné, n'apparaisssait à l'horizon, je conçois qu'alors plusieurs honorables membres voulussent la réalisation du budget présenté par l'honorable général Evain en 1832 ou en 1833. Mais ce que je ne conçois pas, c'est qu'en 1850, l'honorable M. Frère, aujourd'hui ministre des finances, soit venu dire dans cette enceinte, après avoir posé le principe qu'il importe que le parti libéral ne soit pas divisé, soit venu dire dans cette enceinte que le chiffre de 25 millions était, pour tous ses amis, une conciliation, ajoutant ensuite : « Nous ferons pour l’armée ce que nous avons fait pour les autres : nous ne reculerons pas devant notre devoir. »

Puisque M. le ministre des finances vient parler ici de ce qui s'est passé, voyons quels sont ceux qui étaient ici les défenseurs de l'armée. Je dirai que l'année précédente (et les membres du cabinet se le rappelleront) j'ai uni ma voix à la leur pour défendre le budget de la guerre. Mais quand j'ai vu, l'année suivante, le gouvernement exposer les plus chers intérêts du pays, uniquement pour une question de majorité, pour ne pas diviser la majorité, alors j'ai refusé au cabinet l'appui si désintéresse, si patriotique que je lui avais prêté.

Alors je me suis demandé où étaient les gens qui voulaient sacrifier l'armée, et quoi qu'en puissent dire aujourd hui le ministère et ses amis, (page 838) l'armée ne pensera pas qu'ils lui soient hostiles ceux qui sont venus demander le maintien de la loi organique votée sous l'honorable général Dupont.

M. le ministre des finances, reconnaissant que la commission a fini son travail, refuse cependant de satisfaire à la demande qui est faite au gouvernement, de présenter, dans le cours de cette session, une loi organique ; ou, au moins, les mesures nécessaires pour assurer définitivement le sort de l'armée, pour la tirer de l'état d'incertitude où elle se trouve depuis quelques années.

Messieurs, je déplore amèrement ce fait ; il est évident que cet état d'incertitude ne peut pas durer plus longtemps, sans exposer non seulement l'armée elle-même à des mécomptes, mais notre nationalité tout entière aux plus graves dangers. Je dis, pour mon comple, que si M. Frère est animé des sentiments qu'il annonce, il doit se hâter de faire cesser cet état d'incertitude. Tous ceux qui ont un cœur patriotique doivent désirer que cette question se termine et qu'on ne laisse pas suspendue sur l'armée une situation qui n'est rien autre chose qu'une menace. Que M. le ministre de la guerre présente donc le plus promptement possible des conclusions à la chambre.

Ce n'est pas en remettant cette question à l'année suivante, puis encore à l'année suivante qu'on fera disparaître l'incertitude qui plane d'une manière si déplorable, si anti-patriotique sur notre organisation militaire. Je le demande au nom de tout ce qu'il y a de plus sacré, au nom de la défense du territoire, au nom de l'amour de la patrie, que cette question soit résolue et qu'on ne laisse pas plus longtemps l'armée sons le coup de cette déplorable menace. Nous voulons tous que l'armée soit forte, c'est pour cela que nous l'avons entretenue en temps de paix et au milieu des crises les plus fortes de nos finances.

Je le demande donc encore une fois, que le gouvernement présente, dans le plus bref délai possible, un projet de loi pour faire cesser une incertitude si funeste, si fatale au bien-être du pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'armée ne se trouve pas dans cet état d'inquiétude où l'honorable membre veut bien la représenter. L'armée ne se croit pas du tout menacée, comme le pense et le dit l'honorable membre. L'armée a pleine confiance dans le gouvernement ; elle a pleine confiance dans les chambres. C'est un thème bien misérable et bien déplorable de l'opposition que de représenter sans cesse le gouvernement du pays, dans les circonstances où nous sommes, comme disposé à sacrifier l'armée. Ce thème devrait être rayé du programme de l'opposition. L’armée n'a pas d'inquiétudes, l'armée ne se sent nullement menacée. Pourquoi aurait-elle des inquiétudes et pourquoi se sentirait-elle menacée ?

La commission qui a été nommée pour examiner toutes les questions relatives à notre organisation militaire, a-t-elle été composée, je le demande, de manière à inspirer aucune espèce d'inquiétude à l'armée ? L'armée n'a-t-elle pas trouvé dans la composition de cette commission les plus complètes garanties ? Ce qui est parvenu à la connaissance des membres de cette chambre sur les travaux de la commission, est-il de nature à jeter des inquiétudes dans l'armée ? Ne sait-on pas aujourd'hui, à n'en pas douter, dans l'armée comme dans le pays, que l'armée sortira plus forte de l'examen de la commission, qu'elle n'y était entrée ? Voilà ce qu'en patriotes véritables et non pas en hommes de parti, on devrait déclarer à l'armée.

Quel, rôle, au contraire, jouez-vous ? Vous ne cessez de représenter notre gouvernement comme en état de conspiration contre l'armée, comme en état d'hostilité contre la principale force du pays. Voilà le rôle que vous jouez et, je le répète, ce rôle est indigne de l'opposition.

Les questions relatives à notre organisation militaire ont été soumises à l'examen d'une commission, pleine de sympathie pour l'armée. Le gouvernement n’a cessé de déclarer qu'il voulait pour l'armée une organisation forte, solide, définitive ; les chambres se sont associées à cette déclaration. Nous l'avons dit dans le discours du Trône, vous l'avez répété dans l'adresse ; il y a accord parfait entre nous à cet égard.

Pourquoi dès lors, si ce n'est dans un intérêt de parti, cherchez-vous à faire naître des soupçons dans l'armée, à exciter dans l'armée des défiances contre le gouvernement ?

On a examiné les questions qui concernent l'armée, mais avons-nous touché à une seule position militaire ? Ainsi que le rappelait mon honorable ami le ministre des finances, si nous avons touché à l'armée, c'est pour améliorer la position des personnes et fortifier le matériel. A aucune époque, il n'a été fait en temps utile pour l'armée des dépenses aussi considérables que de notre temps.

Nous avons dépensé, en 1848, 7 millions ; nous allons vous demander 4 à 5 millions et plus, s'il le faut, pour augmenter la force de notre établissement militaire, et c'est nous qu'on accuse de vouloir l'affaiblir ! Peut-on nous faire un pareil reproche avec une apparence de justice, avec moins d'opportunité ? Est-ce bien un semblable rôle que devrait jouer en ce moment l'opposition, alors qu'elle a toujours à la bouche les mots de patriotisme, d'union, de conciliation ?

On rappelle le passé, mais on voudra bien aussi rappeler que le ministre qui vous parle a défendu à toutes les époques et avec la plus grande énergie l'institution de l'armée... (interruption) à toutes les époques ! Alors même que je me suis associé à la chambre pour demander l'examen des questions relatives à l'armée, j'ai toujours fait mes réserves, il y aurait, déloyauté à le nier. (Interruption.) Il y aurait déloyauté à le nier et vous ne le ferez pas.

M. de Mérode. - Je le nie positivement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai qualifié d'avance votre dénégation.,. (Interruption.)

M. le président. - Pas d'interruption !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je rappelle le passé en peu de mots. Sous l'honorable général de Liem...

M. de Mérode. - C'est une vieille histoire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous aimez beaucoup les vieilles histoires.

En 1842, l'honorable général de Liem présenta un budget de la guerre, s'élevant au chiffre de 29 millions et quelques cent mille francs ; où trouva-t-il ses adversaires ? où trouva-t-il ses défenseurs ? Il trouva ses adversaires dans l'opposition d'aujourd'hui ; il fut renversé par l'opposition d'aujourd'hui qui formait alors la majorité ministérielle. Ce n'était pas parce que le général de Liem se refusait à exécuter la Constitution, en ne soumettant pas aux chambres un projet de loi d'organisation de l'armée qu'il fut renversé. Non, messieurs ; il tomba sur le chiffre même du budget de la guerre. (Interruption.)

Je fais un appel à l'honorable président de la chambre qui soutint énergiquement avec nous l'honorable général de Liem. Il reconnaîtra que ce général fut renversé par la majorité d'alors, non parce que le général de Liem ne présentait pas la loi d'organisation de l'armée, mais parce que le chiffre du budget paraissait trop élevé à cette majorité.

D'ailleurs que fit la majorité d'alors, aujourd'hui opposition, lorsque fut discutée en 1845, sous le général Dupont, la loi d'organisation de l'armée ? Elle vota contre cette loi, l'œuvre de M. le prince de Chimay.

Voilà comment la majorité d'alors, aujourd'hui opposition, soutenait l'armée. C'était dans les rangs de l'opposition qu'on trouvait les défenseurs de l'armée, et ces défenseurs n'ont pas changé de sentiment. (Interruption.)

Je sais fort bien que l'honorable M. Malou déclare qu'aujourd'hui les seuls défenseurs de l'armée se trouvent sur ses bancs et non pas sur les nôtres ; comme nous n'avons pas changé de sentiment, il en résulte donc que l'armée a aujourd'hui pour défenseurs l'unanimité de la chambre ; mais à cette époque, une pareille unanimité n'existait pas : les défenseurs de l'armée ne se trouvaient pas sur les bancs où siègent l'honorable M. Malou et ses amis.

L'honorable général Dupont aurait également succombé sous la majorité d'alors, s'il n'arait pas été sauvé par un vote de l'opposition, dans la loi sur l'organisation de l'armée. Nous sommes obligés de rappeler ces faits passés pour justifier notre attitude présente, pour que l'armée se souvienne bien où sont, où ont toujours été ses véritables défenseurs.

Du reste, que l'armée ait des défenseurs partout, c'est un résultat très heureux à constater. Il est très heureux que l'opposition d'aujourd'hui se montre plus favorable qu'elle ne s'est montrée lorsqu'elle était majorité. C'est un grand résultat obtenu pour l'armée : nous en félicitons l'opposition.

Maintenant faut-il, avant la fin de la session, soulever les débats de la chambre sur les questions d'organisation de l'armée ? Je ne le pense pas ; je crois qu'il y aurait inopportunité à remettre aujourd'hui en question toute l'organisation de l'armée. Je suppose que cette organisation, qui a été présentée comme un chef-d'œuvre de perfection, n'ait pas été acceptée par la commission militaire ; qu'il faille passer dé cette organisation ancienne à une organisation nouvelle ; jë le demande, serait-ce le moment de faire une pareille entreprise ? Conviendrait-il, dans les circonstances actuelles, de s'occuper d'une transformation de notre armée ? Conviendrait-il de se livrer à de longs débats sur toutes les questions si délicates et si difficiles que soulève l'organisation de l'armée ? Je ne le crois pas.

L'organisation de l'armée suffit aux circonstances, suivant nous. Toutes les mesures qui auront pour but de fortifier l'action de l'armée, seront prises. Ce sont là des questions d'argent. Les questions d'argent ne nous feront pas reculer. M. le ministre des finances vous l'a dit à différentes reprises ; à nos yeux, la question de l'armée n'est pas une question d'argent. Tous les sacrifices que commandera l'intérêt du pays, nous les proposerons ; nous avons pris sur nous de les faire même sous notre responsabilité. Et nous avons été heureux que la situation des finances que nous avons refaite, malgré l'opposition, nous permette aujourd'hui de donner à l'armée ce qui lui a toujours manqué : le moyen assuré de vivre et de remplir complètement son rôle.

El quand on se souviendra que ce même ministère qui n'a jamais abandonné les intérêts de l'armée, qui jamais ne les abandonnera, a fait pour elle ce que d'autres n'étaient jamais parvenus à faire, c'est-à-dire une situation financière solide, je crois que l'armée se rassurera, malgré toutes les inquiétudes, que l'on continue à répandre dans son sein ; je crois que l'armée reconnaîtra où sont ses vrais amis.

Je répète, en terminant, qu'en supposant que nous-mêmes nous connussions parfaitement dès aujourd'hui les conclusions de la commission, nous croyons qu'il serait iuopportun de saisir lachambrede ces questions dans le cours de cette session qui touche d'ailleurs à sa fin.

M. de Theux. - Messieurs, il paraît résulter des déclarations de M. le ministre des finances et de M. le ministre de l'intérieur que le travail de la commission mixte, chargée de réviser la loi d'organisation de l'armée, est terminé.

Je demanderai à M. le ministre de la guerre de vouloir bien (page 839) s’expliquer positivement sur ce point, pour qu'il ne reste aucune dont dans la chambre. Le travail de la commission mixte instituée pour réviser l'orgauisation de l'armée, est-il terminé ?

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Je pourrais répondre que les travaux de la commission peuvent être achevés, mais que le rapport ne m'est pas encore parvenu.

M. Malou. - Les travaux de la commission sont terminés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le rapport n'est pas fait.

M. de Theux. - Vous aurez remarqué que chaque fois que le cabinet se trouve dans un embarras grave, au lieu de répondre aux observations de l'opposition, il se met à la gourmander. C'est ainsi qu'au lieu d'établir une discussion sur ce qui est en question, il parle sur l'opposition ou sur les cabinets passés depuis très longtemps. Cette manière de procéder est très étrange ; elle n'est ni gouvernementale ni parlementaire.

Messieurs, il est une chose certaine, c'est que la force armée est dans tous les pays envisagée comme une des premières institutions ; c'est celle qui accompagne et soutient l'indépendance du pays. S'il en est ainsi, peut-on admettre que l'existence de cette institution puisse rester longtemps en suspens ? Assurément non.

Quelle est la grande faute que le gouvernement a commise ? Elle a été constatée dans la session dernière et par nous et par d'honorables amis du cabinet qui se sont déclarés, sur ce point, spécial en désaccord avec lui ; il a fait concevoir au pays, à la représentation nationale l'espoir que le chiffre de la dépense de l'armée pourrait être réduit à 25 millions sans altérer sa force organique, déclaration qui a eu pour effet immédiat la retraite d'un honorable général qui n'a pas voulu en partager la responsabilité. Et, messieurs, cette faute, commise l'an dernier par le cabinet, M. le ministre des finances, au lieu de la regretter, vient de la préconiser ; il n'a pas craint de déclarer que le gouvernement avait exprimé cet espoir sans avoir fait d'étude, d'examen approfondi des besoins de l'armée, sans savoir s'il y avait quelque chose à faire, si la dépense pouvait être réduite comme l'indiquait la note communiquée à la section centrale chargée de l'examen du budget.

Qu'en est il résulté ? Il en est résulté pour l'armée un état d'incertitude très fâcheux, il en est résulté une division dans le parlement, une division dans le sein même du gouvernement. Pour arriver au chiffre qu'on avait fait entrevoir aux partisans des économies à 25 millions, on a fait émettre le vœu qu'une commission fût chargée d'examiner la loi organique de l'armée, ce vœu a été accueilli, et la majorité s'est associée à la pensée du gouvernement. Mais le gouvernement en est-il plus à l'abri du reproche d'avoir commis une faute grave ? Non certainement. Un parlement accepte facilement des promesses d'économie, de réduction de dépenses ; mais un gouvernement qui vient promettre des réductions sans avoir l'espoir fondé, la certitude morale de pouvoir les réaliser, ce gouvernement-là commet une faute très grave.

Quoi qu'il en soit, la commission a été constituée avec beaucoup de peine, ensuite elle a éprouvé dans son sein des tiraillements, il s'en est suivi des démissions et même une lenteur extraordinaire dans le travail.

Aujourd'hui après qu'on nous a fait adopter pour 1852 un budget provisoire, qu'on vous avait fait espérer définitif pour cet exercice, on vient de déposer un nouveau projet de budget provisoire pour 1853 dont on suspend l'examen jusqu'à la session prochaine qui de nouveau continuera le provisoire si fâcheux.

Le gouvernement n'est pas resté étranger aux travaux de la commission. L'honorable ministre de la guerre n'acceptera pas le reproche d'être resté dans l'ignorance de la marche des travaux de la commission ; certainement il les a suivis avec le plus vif intérêt, il en a constaté les progrès et les a communiqués à ses collègues à mesure que la commission se formait une opinion sur une question, le ministère s'en formait une également ; il n'est donc pas possible qu'il n'ait pas d'opinion sur cette grande organisation.

La charte définitive de l'armée était le but de l'institution de la commission ; il fallait que l'armée sortît au plus tôt de l'état d'incertitude dans lequel la plaçaient les discussions du parlement !

Combien de temps, d'après les déclarations des ministres des finances et de l'intérieur, doit se prolonger encore cette situation ? Nous ne le savons pas ; assurément aucun travail du gouvernement ou du parlement n'a un caractère plus urgent, plus grave que la constitution définitive de notre armée.

Est-ce à dire que nous craignions une guerre imminente ? Nous n'y avons même pas cru quand les événements survenus dans un pays voisin ont contribué à répandre cette opinion ; nous avons été convaincus que le feu de la guerre ne serait pas allumé sur notre territoire. Est-ce à dire que notre conviction soit qu'on peut demeurer en repos sans s'occuper de la force organique de l'armée ? Loin de nous une telle pensée.

Notre premier principe est que tout Etat doit pourvoir à la défense de son territoire, qu'il doit être en tout temps en mesure d'opposer la force à l'agression. Serait-ce parce que la Belgique est constituée en Etat neutre que son devoir serait moins impérieux ? Non, le pays neutre a l'obligation de défendre son territoire comme tout autre pays.

Je dirai même que, si un pays neutre ne satisfait point aux obligations naturelles résultant des nécessités de sa propre défense, il n'y aurait point lieu d'invoquer auprès des puissances garantes l'exécution des traités. Les puissances garantes pourraient dire à ce pays neutre : Nous avons garanti votre existence ; mais vous n'avez pas su contribuer à la maintenir, et ce n'est pas à nous à verser le sang de nos soldats, à épuiser notre trésor, alors que vous aurez manqué de courage et d'énergie pour organiser votre force publique. Et quelle en serait la conséquence, il une conflagration générale venait à surgir ?

On pourrait fort bien dire : L'espérance que nous avions mise dansce pays naissant, animé, dans les premières années, du plus brûlant patriotisme, a été déçue ; la paix de l'Europe n'est pas assurée ; c'est en négligeant l'organisation de la force armée que ce pays a attiré l'invasion de l'étranger ; c'est lui qui est la cause que la guerre a éclaté.

Voilà quel pourrait être le raisonnement irrésistible des puissances garantes d'un pays qui lui-même a manqué à son premier devoir.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Qui est-ce qui refuse les impôts ?

M. de Theux. - Nous disons qu'il y a urgence de s'arrêter sur l'organisation définitive de l'armée, alors même qu'il n'y a point d'apparence de guerre imminente. Eh ! messieurs, le cabinet vient précisément de confirmer l'argument que nous avançons : il nous dit : « Mais il y a peut-être inopportunité à agiter des questions d'organisation de l'armée et de défense du pays, dans la situation actuelle de l'Europe. »

Comment, messieurs, la Belgique n'aurait point le droit de pourvoir à sa sûreté, quelle que soit la stluation des Etats voisins ? Si cette situation même pouvait faire craindre des dangers de guerre, la Belgique devrait prendre toutes les mesures propres à assurer sa sécurité ; mais c'est surtout quand on peut se prononcer sur les questions de défense du territoire national sans provoquer des susceptibilités mal fondées, c'est alors qu'un gouvernement prudent, patriotique, pousse à l'organisation des forces de l'Etat. Et ainsi il prévient un double danger, celui de la surprise, celui de l'éventualité de circonstances compromettantes ; en même temps qu'il conserve, vis-à-vis des Etats voisins, tous les ménagements que la politique la plus ombrageuse, la plus susceptible peut réclamer.

L'armée et le pays, messienrs, ont un égal intérêt à ce que les questions d'organisation soient promplement et définitivement résolues. L'armée, parce que, prête à verser son sang pour la défense du territoire, elle a droit aussi à avoir des éléments d'organisation qui lui assurent des forces suffisantes pour lutter avec succès. Indépendamment de la vie des défenseurs du pays, il y a encore l'honneur de l'armée, qui lui est plus cher que la vie ; il importe au plus haut degré pour l'armée de ne pas être compromise dans une lutte à laquelle elle n'aurait pas été suffisamment préparée. Le pays a le plus grand intérêt à ce que son territoire ne soit point attaqué, à ce que son honneur ne soit pas compromis dans une lutte inégale.

L'année 1831 fut fatale à la Belgique précisément parce que, trop confiante dans le patriotisme des gardes civiques, on ne fit point assez pour l'organisation de l'armée. Eh bien, au moment du danger, la garde civique et l'armée, faiblement organisées, firent leur devoir ; on se battit avec honneur, mais la lutte était trop inégale : la Belgique succomba. Les conséquences, vous les connaissez.

J'élève la voix aujourd'hui comme je l'ai élevée au sein du congrès. Quand on fit connaître, dans une séance secrète, la situation de l'armée et l'insuffisance des forces des deux corps d'armée que nous possédions, j'insistai fortement pour que le gouvernement renforçât l'armée et empêchât la disjonction qui était prévue et annoncée.

Ma'i, me dit M. le ministre de l'intérieur, nous ne refusons point de donner à l'armée la force organique dont elle a besoin ; loin de là, nous y sommes déterminés.

J'ai cru d'abord qu'il y avait dissentiment entre lui et M. le ministre des finances qui avait commencé par déclarer qu'on ne s'occuperait point de cette question dans la session actuelle. A entendre M. le ministre de l'intérieur, je croyais qu'il allait déclarer que le gouvernement s'en occuperait immédiatement. Mais, hélas ! notre espoir a été trompé : la déclaration finale de M. le ministre de l'intérieur est bientôt venue corroborer celle de M. le ministre des finances. Il y a donc maintenant homogénéité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il n'y a jamais eu de désaccord entre nous.

M. de Theux. - Je le regrette beaucoup.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ah ! ah ! vous regrettez qu'il n'y ait pas de division dans le cabinet ?

M. de Theux. - Certainement, dans votre intérêt ; car je ne considère pas que la présence du cabinet, dans sa composition actuelle, soit heureuse pour le pays. (Interruption.)

Du reste, cette opinion, je n'ai pas besoin de la justifier ; elle est suffisamment connue.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Renversez-nous tous ensemble. Pourquoi nous diviser ?

M. de Theux. - Je demanderai donc à M. le ministre de la guerre qu'il veuille bien déclarer, au nom du gouvernement, s'il fera connaître prochainement à la chambre si, dans son opinion, la loi organique de l'armée doit être modifiée et dans quel sens, en plus ou en moins. En second lieu, dans le cas où cette organisation devrait être modifiée, si le gouvernement est décidé à proposer, dans le cours de cette session, le projet de loi qui doit apporter des modifications à l'organisation actuelle, et s'il est décidé à les apporter en temps utile, de manière que la chambre puisse les discuter et les voter avant la clôture de la session.

MM. les ministres se sont beaucoup occupés de la retraite de l'honorable général de Liem, qui a succombé sous le vote de la (page 840) majorité de la chambre, à laquelle nous appartenions alors. Je rappellerai à MM. les ministres ce qui s'est passé : La question d'organisation légale de l'armée fut posée à l'occasion du premier chiffre du budget, article « infanterie », et c'est parce que l'honorable général de Liem persistait à ne pas vouloir promettre cette organisation que beaucoup de membres de la chambre se soul déterminés à voter contre le crédit qu'on demandait.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est contraire à ce qui est au Moniteur.

M. de Theux. - Mais, messieurs, en fût-il autrement, le cabinet ne serait pas en droit de se prévaloir du vote de cette époque. Tout ce qu'il pourrait nous dire, c'est que nous aurions commis une faute. Mais quand cela serait vrai, quand notre faute serait très grande, cela excuserait-il MM. les ministres de maintenir l'armée aujourd'hui dans un état d'incertitude et d'ajourner la décision sur son organisation ? Assurément non.

Mais je dis plus ; je dis que si nous avions commis une faute alors, la faute du ministère actuel serait double. Car au lieu d'un chiffre de 28 millions, le cabinet a fait espérer un chiffre de 25 millions, beaucoup inférieur à celui qu'on était prêt à accorder à l'honorable général de Liem ; en outre il a annoncé une organisation nouvelle de l'armée.

Le ministère ne serait pas excusable d'avoir annoncé, dans la dernière session, l'intention tout à la fois de ramener la dépense de l'armée au chiffre de 25 millions, de modifier son organisation, et de tenir aujourd'hui cette organisation en suspens.

Ainsi, et quant au chiffre et quant à la modification de la loi, la faute du cabinet serait double. Ne cherchez donc pas à vous abriter derrière les torts que vos adversaires d'aujourd'hui auraient eus autrefois. Cela ne vous excuserait pas ; cela ne déchargerait en aucune manière votre responsabilité.

Cela n'empêcherait d'ailleurs aucun de ceux qui ont voté contre le budget de l'honorable général de Liem de recommander aujourd'hui au gouvernement, de réclamer de sa sollicitude, une décision prompte sur l'organisation de l'armée, du moment qu'ils pensent qu'il y va des plus grands intérêts du pays, de son honneur et de son avenir.

- La suite de la discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.