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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 8 décembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 267) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants de Waerschoot prient la chambre d'adopter la proposition relative à l'exemption de droit en faveur des actes concernant l'expulsion de certains locataires. «

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.


« Les membres de l'administration communale de Melle prient la chambre de rejeter le projet de loi qui transfère à Bottelaere le chef-lieu du canton de justice de paix d'Oosterzeele. »

« Même demande des membres du conseil communal de Landscauter, de Moortzeele, de Gontrode, de Gysenzeele et de Baeleghem. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.


« Des habitants de Louvain demandent que les hommes mariés, les veufs avec enfants et les célibataires âgés de plus de 35 ans, soient dispensés de faire partie du service de la garde civique. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique.


« M. le ministre de la justice renvoie, avec les renseignements y relatifs, les demandes en naturalisation ordinaire faites par les sieurs E.-J.-F.-A. Mullendorff et H. Goadès. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Adan, au nom des fonctionnaires de l'administration centrale des contributions, etc., fait hommage à la chambre d'un exemplaire du Code qu'ils viennent de publier. »

- Dépôt à la bibliothèque.


M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Allard a présenté hier un rapport sur une pétition datée de Ninove, par laquelle plusieurs bateliers et usiniers se plaignent de la baisse des eaux de la Dendre qui a été ordonnée inopinément par le gouvernement ; ils demandent aussi un dégrèvement du droit de patente pour le chômage forcé qu'ils ont à subir.

J'ai beaucoup regretté que des circonstances, indépendantes de ma volonté, ne m'aient pas permis d'être à la séance au moment de la présentation de ce rapport.

Comme les faits sur lesquels les pétitionnaires se fondent sont particulièrement à ma connaissance, je me serais fait un devoir d'appuyer la réclamation.

Quoi qu'il en soit, la chambre a ordonné le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics ; je pense qu'il y a lieu de maintenir cette décision ; mais je crois qu'il conviendrait de renvoyer également cette pétition à M. le ministre des finances ; j'ai l'honneur d'en faire la proposition. Je ne doute pas que cette proposition ne soit appuyée par l'honorable M. Allard auquel je dois des remerciements pour le soin diligent qu'il a bien voulu apporter au prompt examen de cette affaire.

M. Allard. - Messieurs, la pétition sur laquelle j'ai fait hier rapport avait pour but, d'abord de demander le rétablissement de la navigation sur la Dendre entre Ath et Ninove ; ensuite d'obtenir une indemnité pour le chômage forcé des bateliers et des usiniers ; la commission a cru qu'en pareille circonstance il n'était pas dû d'indemnité. Toutefois je ne m'oppose pas au renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

M. le président. - Je ferai remarquer que le bureau n'a plus la pétition : elle a été transmise à M. le ministre des travaux publics ; nous pourrions écrire à M. le ministre des travaux publics pour le prier de transmettre une copie de la pétition à M. le ministre des finances. (C'est cela.)

- La proposition de M. de Naeyer est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Agriculture

Article 52

M. le président. - La discussion continue sur l'article 52 (Agriculture).

M. de Steenhault. - Messieurs, espérant une loi d'organisation de l'enseignement agricole dans le courant de cette session, je ne comptais pas dire un mot dans cette discussion.

Je la désirais non seulement parce que la Constitution l'exige, mais parce que, partisan d'écoles d'agriculture sérieuses, je considérais cette organisation comme une des conditions essentielles de leur avenir, de leur succès.

Aussi, c'est avec regret que j'ai vu M. le ministre de l'intérieur remettre cette organisation à une autre session. Je n'ai pu m'empêcher de faire un rapprochement avec un autre établissement public dont on réclame aussi depuis longtemps l'organisation.

Mes craintes ont encore augmenté quand j'ai entendu M. Rogier, qui lui devait connaître l'opinion des chefs de service de cette branche d'administration, nous dire avec assurance que peu de modifications seraient introduites, que le nombre d'écoles resterait à peu près ce qu'il est, que le système d'enseignement était bon.

Je sais bien que cela n'engage en rien M. le ministre de l'intérieur ; mais, qu'il me permette de le lui dire, il ne peut pas tout voir, tout apprécier par lui-même ; ce serait exiger l'impossible. Il faut bien qu'il s'en rapporte en bien des choses à ses chefs de service, c'est là ce qui me fait peur, ce qui fait mon doute, et je vous dirai tout à l'heure pourquoi.

On nous dit que l'expérience n'est pas faite. Mais, mon Dieu, messieurs, combien donc faudra-t-il de temps ? Je me rappelle qu'en 1850 déjà l'on me répondait de la même façon ; alors c'était peut-être admissible, mais aujourd'hui, c’est bien différent.

Je comprendrais tout au plus que pour des écoles comme la Trapperie, Ostin ou Vilvorde, dont en général on ne conteste guère l'utilité, qui sont dans de bonnes conditions d'établissement, où il n'yaurait en définitive à modifier que quelques programmes ou quelques mesures réglementaires, je comprendrais que pour ces écoles-là on vienne nous dire qu'il serait désirable qu'au point de vue de l'enseignement, une expérience se prolongeât un peu.

Mais ce que je ne conçois pas, c'est que M. le ministre nous tienne ce langage pour des écoles dont non seulement les programmes sont mauvais, qui ne pourraient jamais répondre au but qu'on se propose, mais dont les conditions d'établissement, de l'aveu même de M. Bidaut, sont mauvaises.

Pour celles-là, je ne le conçois pas.

Voici ce que M. Bidaut dit de Tirlemont, et comme il y en a plusieurs dans le même cas ; Chimay et Oostacker entre autres, cela leur est parfaitement applicable :

« Mais il est très difficile d'organiser l'enseignement pratique de l'agriculture dans l'intérieur d'une ville.

« Il est évident que les leçons théoriques qui doivent se donner à l'école, et les travaux manuels qui doivent s'exécuter à la ferme, quelque rapprochées qu'on les suppose l'une et l'autre, se nuiront mutuellement par les interruptions réciproques auxquelles ils donnent lieu et par les pertes de temps dont la nécessité de faire chaque jour un double trajet sera la cause. Il paraît difficile d'établir, dans l'espèce, l'équilibre nécessaire entre les travaux théoriques et les travaux pratiques et d'empêcher que les uns ou les autres ne soient considérés comme un accessoire peu important. Or, comme en définitive, la résidence des élèves se trouverait à l'école, je crois que ce seraient les travaux agricoles qui se verraient en partie sacrifiés. Il ne me semble donc pas que le retard apporté par le conseil communal de Tirlemont, en ce qui touche l'accomplissement de ses obligations à l'égard de l'annexion de la ferme, soit un mal. »

Ces écoles-là ne seront donc jamais pratiques ; elles devront rentrer dans la catégorie d'écoles purement théoriques.

Mais, messieurs, vous n'avez cessé de répéter dans cette enceinte, et vous aviez raison, qu'il nous fallait surtout ces écoles où à côté de la théorie vînt s'enseigner la pratique ; vous aviez parfaitement compris qu'il nous fallait surtout de bons agriculteurs, et qu'il ne pouvait sortir des écoles théoriques que des jeunes gens se destinant à être professeurs, intendants ou directeurs d'établissements ; professions rares en Belgique et auxquelles deux écoles supérieures auraient amplement pourvu.

Et cependant d'après M. Bidaut, les écoles dont je vous parle devront forcément avoir ce caractère si on les conserve.

Il est vrai que M. Bidaut prétend dans son rapport que l'agriculture est une science susceptible de s'enseigner théoriquement.

Je ne discute pas cette opinion qui me paraît exorbitante, mais je ne veux pas non plus prendre la responsabilité de l'invention.

Elle se trouve consignée page 35 de son rapport, je vous engage à le vérifier.

Quant à moi, messieurs, j'ai consulté bon nombre d'agriculteurs distingués, bon nombre d'hommes instruits et compétents dont plusieurs appartiennent au conseil supérieur d'agriculture, et tous sont d'avis qu'ils ne comprennent un bon enseignement agricole que sur uu domaine rural.

Et cela se conçoit aisément.

Il ne s'agit pas seulement d'étudier la matière enseignée, mais c'est l'ensemble de l'économie rurale dont il faut se rendre compte, dont il faut se pénétrer.

Comment voulez-vous seulement un jour professer ou être même un directeur d'établissement si vous n'avez jamais appliqué vos théories ? C'est comme si nous prétendions former des vétérinaires en leur faisant étudier leur art sur des chevaux de carton.

Je pourrais citer des exemples pris dans le corps professoral lui-même et qui ont prouvé d'une manière bien fâcheuse ce que vaut cette théorie.

Je ne prétends pas que nos écoles doivent toutes être modelées sur l'école d'Ostin, mais ce que je soutiens c'est qu'une école d'agriculture ne peut être réellement bonne, réellement utile, qu'avec une exploitation rurale.

(page 268) C’est ce que vous ne pouvez avoir à Tirlemont, à Chimay, à Oostacker. Il faut donc ou les supprimer ou en faire autre chose, et ne pas les laisser végéter avec des programmes bâtards qui les rendent impropres à une spécialité en permettant de les ranger dans toutes les catégories, sans remplir les conditions indispensables à une seule.

Je pense, messieurs, que pour celles-là l'expérience doit être faite, et que vouloir la prolonger serait perdre et son temps et son argent.

Je vous ai parlé des programmes, messieurs, mais pour vous donner une idée de la déplorable confusion qui y règne, premettez-moi de vous citer un exemple.

L'école de Tirlemont est citée au rapport comme une école d'agriculture. Qu'est-elle en réalité ? Eh bien, messieurs, je serais fort embarrassé de devoir la classer et ranger dans une catégorie quelconque.

Ce n'est pas une école d'agriculture, car lors de l'inspection on n'y avait encore donné que deux leçons d'agriculture, et d'ailleurs M. l'inspecteur de l'instruction agricole affirme et avec raison qu'elle ne pourra jamais, à cause de sa situation, être placée dans cette catégorie.

Est-ce une école d'horticulture, comme le feraient croire les seuls travaux pratiques renseignés au rapport ? Pas davantage, messieurs, car on y enseigne l'algèbre, la géométrie, l'agriculture, l'art vétérinaire. Or quelle relation entre ces branches, l'art vétérinaire surtout et l'horticulture ?

Chimay se trouve dans le même cas, excepté que le programme est bien plus chargé encore.

Je pourrais multiplier mes observations, mais ce serait vous faire perdre un temps précieux, et elles trouveront d'ailleurs leur place lorsque nous discuterons la loi d'organisation.

Je suis sincèrement partisan des écoles d'agriculture, je les crois utiles et je rends pleine justice à l'idée mère qui les a fait naître, au ministre qui a pris l'initiative.

Mais il me semble qu'aujourd'hui il est temps de porter la main à une institution qui naturellement n'a pu être parfaite du premier jet. A mes yeux, l'expérience est suffisante ; vouloir la prolonger me paraîtrait la compromettre et aller au rebours du but que l'on veut atteindre. Ne voulant pas jeter une perturbation immédiate dans ce qui existe aujourd'hui, j'engagerai M. Coomans à se rallier à la proposition de la section centrai que je voterai avec l'intention indiquées dans son amendement, et non pas, je prie M. le ministre d'en être convaincu, dans un motif d'opposition envers un ministère qui a toutes mes sympathies.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le chapitre de l'agriculture a donné lieu à une discussion fort longue, dont je suis persuadé que la chambre désire voir arriver le terme ; non seulement, messieurs, patrc que la matière, au point de vue des explications à donner, me paraît épuisée, mais parce que dans cette discussion se sont produits des incidents que vous devez tous regretter, qui n'ont d'autre but que de faire une sorte de revue rétrospective et d'évoquer des souvenirs d'une autre époque, dont il me semble véritablement désirable qu'on cesse de s'occuper.

Je demande la parole précisément pour chercher à ramener la discussion sur un terrain où la décision de la chambre sera, à mon avis, singulièrement facilitée, et pour cela je n'ai besoin que de vous donner des explications nettes et loyales sur la pensée du gouvernement, et vous verrez, je l'espère, que nous pouvons nous mettre d'accord.

Hier, un orateur, l'honorable M. Coomans, a fait appel à l'indépendance du ministère ; il m'a fait l'honneur, en particulier, de faire appel à la liberté d'esprit dont un ministre doit jouir, à l'indépendance de caractère qui ne doit jamais le quitter ; il m'a demandé si le ministère, le ministre de l'intérieur notamment, aurait assez de fermeté pour s'affranchir de ce qu'il a cru devoir appelé une sorte de vasselnge moral, qui résulterait d'un patronage que le gouvernement serait disposé à subir, que le ministre de l'intérieur accepterait lui-même.

Quelques mots très nets, très francs, feront justice des suppositions erronées auxquelles cet appel à l'indépendance du ministère pourrait donner lieu.

Je n'ai pas la prétention de vous dire que je mérite votre confiance : l'homme est reconnu à ses œuvres ; je dois subir, comme tout le monde, l'épreuve du temps ; je ne vous demande que d'ajourner votre jugement.

Mais puisqu'on m'interroge sur l'indépendance de mon caractère, il m'est permis de dire quelques mots aujourd'hui sur ce point, parce que je pense que des explications franches amènent bientôt un rapprochement entre des hommes sincères qui ne veulent que la vérité.

Eh bien, je suis convaincu d'une chose, c'est que, comme moi, vous faites consister l'indépendance de caractère à ne plier devant aucune espèce d'exigence ; à n'accepter, sans examen, des opinions toutes faites de qui que ce soit, pas même de ses amis politiques.

Sur ce point, je pense qu'il n'y a qu'une voix, nous sommes tous d'accord. Eh bien ! c'est précisément dans cette disposition que je me trouve avec tous mes collègues. J'ai toujours mis ces principes en pratique. Je les respecterai dans l'avenir, et j'entends conserver en toute chose une liberté d'esprit absolue, une liberté d'examen et une indépendance complètes. Je suis prêt à m'éclairer de tous les avis, et j'accepte la lumière, de quelque côté qu'elle vienne.

Pour moi, sur tous les bancs de la chambre, il y a des enseignements utiles à recueillir ; je les prends où je les remontre. Cela dit, permettez quelques mots sur la position qui m'est faite dans la discussion du budget de l'intérieur. Il y a des aiffaires d'administration générale sur lesquelles chacun de nous sait, au point de vue général, ce qu'il doit penser, ce qu'il doit dire ; mais il y a dans un budget comme celui du département de l'intérieur, qui a pris depuis quelques années des proportions si vastes, une immensité d'affaires, et une immensité de faits à consulter, et sur lesquels, quel que soit le temps qu'on y mette, il est impossible d'avoir une opinion suffisamment établie en quelques jours.

- Un membre. - Cela est vrai !

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, cela est vrai ; mais j'ai besoin de le dire, parce qu'il n'y a pas grande difficulté à s'entendre avec qui que ce soit. Le chapitre de l'agriculture est celui sur lequel jusqu'à présent les observations critiques les plus considérables et les plus détaillées ont été produites.

Vous n'avez pas une confiance absolue dans les efforts faits jusqu'à présent pour l'organisation de l'enseignement agricole. Si je puis le dire, c'est là le point capital de la discussion. Eh bien, sans rien critiquer, je suis moi-même à me demander quel doit être le système d'enseignement définitif. Je n'approuve rien absolument ; je ne répudie rien, mais je suis obligé de réserver ma liberté d'examen, pour vous apporter d'ici à peu de temps une opinion fondée sur des faits, après en avoir fait une étude approfondie.

Quel est le langage que j'ai tenu à la section centrale, et quel est celui que je dois tenir ici ? C'est celui d'un homme qui a le désir de vous parler en parfaite connaissance de cause des affaires qu'il aura l'honneur de porter devant vous ; qui ne veut vous parler de rien en aveugle.

Je me suis trouvé devant un système consistant en divers essais. Je dois les croire inspirés par une étude sérieuse de la matière ; par le désir sincère d'arriver à cette connaissance approfondie des faits et des besoins de l'enseignement.

Ces essais ont été tentés sur une échelle plus ou moins étendue, des écoles ont été distribuées sur tous les points du pays, toujours à titre d'essai. Ces écoles seront-elles toutes maintenues ? Je vous répondrai franchement que je n'en sais rien ; je les prends comme des enseignements qui, d'ici à très peu de mois, me mettront à même de décider s'il faut les conserver en totalité, ou s'il faut introduire un système nouveau qui réponde mieux aux besoins de l'agriculture.

Dans la section centrale et sur tous les bancs de la chambre on est d'avis que l'enseignement agricole devrait être organisé par une loi ; c'est mon avis, comme c'était celui du ministre de l'intérieur qui m'a précédé.

Mais pour cela, il faut que vous permettiez à un homme qui a besoin de s'éclairer de la science des faits, d'examiner ces faits et de les apprécier.

Or, où sont ces éléments d'appréciation ? Dans les essais du régime qu'on a cherché à établir.

Quand il m'aura été donné de constater l'état des douze écoles existantes, d'apprécier les résultats obtenus et ce qu'elles peuvent produire par la suite, ce que les faits ont démontré, il ne me faudra pas beaucoup de temps pour reconnaître ce qu'il faut proposer à la chambre, tant sous les rapports du régime administratif qu'au point de vue légal, conformément aux intentions de la chambre.

Vouloir autre chose d'un homme qui n'est entré que depuis quelques jours au ministère, ce serait vouloir l'impossible.

J'ai pris l'engagement de ne considérer le système actuellement en pratique qu'à titre d'essai ; j'ai déclaré que j'en faisais l'objet d'une étude définitive, et que d'ici à très peu de temps cette étude sera arrivée à un degré d'avancement tel, que je pourrai dire à la chambre quel est le système auquel il faut se rattacher pour créer un enseignement agricole qui réponde aux véritables nécessités de la situation.

Maintenant est-il raisonnable de vouloir que je fasse davantage ? Je ne le crois pas.

J'en viens à l'amendement de M. Coomans, qui n'a d'autre but que d'amener le gouvernement, par une voie indirecte, à présenter un projet de loi. Je ne sais si mes paroles vous ont convaincus, mais il m'est impossible de trouver des expressions plus nettes, plus formelles pour répondre à l'engagement qui m'a été demandé et que j'ai pris, de pousser les études auxquelles je me livre avec activité.

Oui, j'espère prochainement et à la suite du budget de 1854, pouvoir vous soumettre un système d'enseignement agricole, et j'espère que vous pourrez le discuter pendant votre session. Si c'est là ce que vous désirez, si l'amendement de M. Coomans n'a d'autre but, je suis d'accord avec cet honorable membre et avec tous ceux qui pensent que les essais peuvent être maintenant utilisés pour faire cesser le régime provisoire et arriver à un régime définitif.

Messieurs, nous sommes d'accord sur ce point. Vous comprenez que je n'aurai plus de grands efforts à faire pour simplifier la discussion et pour en finir avec le chapitre agriculture.

Cependant, puisque j'ai l'occasion d'intervenir dans ce débat que j'ai appelé regrettable, et que je me suis expliqué sur le caractère d'indépendance avec lequel j'entends exercer mes fonctions, qu'il me soit permis de m'adresser aux honorables membres qui se sont laissé entraîner dans une discussion d'un caractère irritant et personnel aussi contraire au vœu du pays qu'à l'avancement des affaires.

Pourquoi prolonger ces débats ? Peut-il entrer dans vos intentions de raviver de funestes divisions ? Non sans doute.

Eh bien, dès lors pourquoi ne renonceriez-vous pas à cette polémique rétrospective, irritante dans la forme, stérile dans ses résultats ?

Vous connaissez maintenant les intentions du gouvernement sur les (page 269) questions qui ont été discutées pendant plusieurs séances. Le gouvernement n'a pas le moins du monde l'intention de soustraire plus longtemps les écoles d'agriculture à l'action de la législature.

Rentrons donc franchement dans la discussion du bulget, abandonnons tout ce qui lui est étranger.

L'honorable M. Coomans a proposé une réduction de 10,000 francs. Il n'est impossible de m'y rallier ; et je dois croire qu'il n'y persistera pas.

En effet, si vous admettiez cette réduction de 10,000 francs, vous ne laisseriez pas au gouvernement la liberté d'examen dont il a besoin. Nous sommes en présence d'une organisation provisoire que je dois croire bonne jusqu'à ce qu'une nouvelle étude m’ait éclairé sur les modifications dont elle est susceptible. En attendant, la prudence commande au gouvernement de ne rien changer, de laisser les choses comme elles sont.

Le résultat de cette situation, c’est qu'il faut maintenir le statu quo. D'ici à l'époque de la présentation du budget de l'exercice 1854, j'espère pouvoir vous faire des propositions formelles et définitives.

La section centrale a admis l'opinion du gouvernement ; seulement elle a retranché du chiffre demandé une somme de 5,500 fr. que je crois nécessaire pour maintenir toutes les écoles.

Si vous repoussiez cette allocation de 5,500 fr., la conséquence pourrait en être la suppression d'une ou de deux écoles, et cette suppression porterait sur l'école de perfectionnement d»s instruments d'agriculture. Cela peut-il vous convenir ? Je ne le crois pas, car vous reconnaissez tons l'utilité de cette dernière école.

Voilà ce que j'avais à dire pour restreindre les limites de la discussion et me borner au maintien du statu quo avec une légère augmentation de 5,500 fr.

M. Orban. - Messieurs, j'applaudis au langage que vient de tenir M. le ministre de l'intérieur. Je suis heureux de rencontrer chez lui cette impartialité d'esprit qu'il vient de nous témoigner ; j'en attends les plus heureux résultats ; j'ai en elle la plus grande confiance.

Mais dans la question spéciale qui nous occupe, qu'il me soit permis cependant de dire que les conclusions de son discours ne répondent pas entièrement à ses prémisses. Si la question des écoles d'agriculture est une question nouvelle, une question que M. le ministre de l'intérieur étudie sans parti pris, sans résolution arrêtée d'avance, s'il est disposé à consulter tous les renseignements, il me semble que le moment est plus opportun que jamais pour discuter à la chambre cette question. C'est un débat ouvert, et il vaut mieux, selon moi, l’élucider par des discussions que par des essais dispendieux.

Nous sommes, du reste, ici dans les meilleures dispositions, je pense, pour chercher dans cette question la vérité avec impartialité. Assurément, on ne nous accusera pas, nous qui représentons plus particulièrement dans cette chambre les intérêts agricoles, d'être systématiquement hostiles aux écoles d'agriculture, en tant qu'elles peuvent être utiles à l'agriculture.

Si, messieurs, je voulais donner une preuve de la sincérité de nos convictions à cet égard, je ne pourrais en invoquer de meilleure que celle-ci : c'est que nous tenons le même langage dans cette question, aujourd'hui que nous voyons siéger sur ce banc un ministère qui nous inspire de la confiance, que celui que nous tenions, lorsque nous avions en face de nous on ministère qui nous était hostile.

D'autre part, il me semble que le désir, de votre côté, de chercher la vérité, ne doit pas être moins grand. Quand je dis de votre côté, je m'adresse aux auteurs des projets d'écoles d'agriculture, à ceux qui leur ont accordé leur patronage. Car enfin, plus que personne vous avez intérêt à rechercher à quelles conditions ces institutions sont viables.

Si ces institutions ne sont pas viables, vous n'avez pas d'intérêt à y attacher votre nom. Il vaut mieux confesser à temps que l'on s'est trompé que de conserver vivant et de perpétuer le témoignage de son erreur.

Eh bien, pour les individus comme pour les gouvernements, pour l'administration comme pour l'industrie, il y a un moyen certain, infaillible de reconnaître qu'une création est utile, est durable. Ce moyen, c'est de voir si elle répond à un besoin public. Or, messieurs, cette question posée en ce qui concerne vos écoles d'agriculture, a été résolue, selon moi, victorieusement. Non, vos écoles d'agriculture, telles qu'elles sont organisées, ne sont pas utiles, ne sont pas viables, ne répondent pas à un besoin public ; car elles n'ont pas d'élèves.

Je dis, messieurs, qu'elles n'ont pas d'élèves ; car au point de vue où je me place, des élèves subsidiés, des élèves entretenus eux frais de l'Etat comme le seraient des pensionnaires de l'Etat ou des fonctionnaires publics, ne sont pas des élèves, et vous n'avez pas plus résolu le problème de vos écoles d'agriculture en les peuplant de boursiers de l'Etat qui viennent y faire à vos frais les mêmes études qu'ils devraient faire à leurs frais dans d'autres établissements, qu'un industriel n'aurait atteint son but en donnant gratuitement ses produits au lieu de les vendre avec avantage.

Messieurs, de ce que cet essai n'a pas réussi, est-ce à dire que ces écoles d'agriculture ne puissent pas exister ? Non ; ce n'est pas ce que j'entends dire. Je veux dire seulement que le gouvernement a pris un mauvais point de départ et qu'il s'est complètement mépris sur le but à atteindre.

Messieurs, en agriculture, les progrès comme les améliorations doivent venir d'en haut et non d'en bas ; et par analogie, c'est aussi par en haut et non par en bas que doit s'introduire l'instruction, la science agricole.

Voilà ce que le gouvernement, messieurs, a complètement méconnu dans l'organisation des écoles d'agriculture. Partant de cette donnée que les écoles d'agriculture sont destinées à former de bons ouvriers, des chefs d'exploitation, il a multiplié ces écoles à l'infini ; éparpillant ainsi le capital financier aussi bien que le capital scientifique qui était à sa disposition, il n'a pu créer nulle part un de ces centres d'instruction et de moyens d’amélioration qui peuvent fixer l’attention des jeunes gens véritablement désireux de se livrer à l’agriculture, et à même, par leur position, de répandre l’instruction et les perfectionnements agricoles.

Messieurs, permettez-moi d'insister sur ce point : non ce n'est point à former des travailleurs agricoles que doivent servir vos écoles. C'est là une erreur capitale, selon moi.

Je ne méconnais point le prix, l'importance de bons ouvriers, de bons chefs d'exploitation, mais c'est par l'expérience, c'est sous l'œil du maître qu'ils doivent se former. Leur principale qualité c'est d'aimer le travail, c'est d'en avoir l'habitude.

Je le dis avec conviction, messieurs, de pareils ouvriers ne sortiront jamais de vos écoles, car pour les admettre à suivre les cours, vous exigez d'eux une instruction préalable, des conditions qui, lorsqu'elles se rencontreront chez des fils de cultivateurs, annonceront précisément le désir de s'éloigner de ces travaux agricoles, de s'en affranchir et j'ajouterai que ces dispositions ne feront que se fortifier au lieu de se modifier dans vos établissements.

Messieurs, je ne méconnais pas, dis-je, l'importance de bons ouvriers agricoles ; cependant cette importance, il ne faut pas se l'exagérer non plus : quoi qu'on fasse, ce n'est pas par eux que s'introduiront dans notre agriculture les améliorations, les procédés nouveaux, la culture perfectionnée qui, la plupart du temps, doivent être précédés d'expériences coûteuses.

Cette tâche est et restera toujours celle du maître éclairé, guidé dans ses essais par le double attrait de la science et de l'intérêt et qui voudra toujours rester juge des sacrifices à faire et des résultats à obtenir.

Ainsi, messieurs, concentrer votre instruction agricole, la fortifier, la destiner aux jeunes gens qui, par leur position de fortune, sont à même de propager et de faire fructifier les leçons qu'ils ont reçues : tel est le but que l'on doit se proposer et que le gouvernement doit chercher à atteindre s'il veut faire quelque chose de véritablement utile.

Messieurs, quelques mots maintenant (et ici, je le regrette, je suis condamné à me livrer encore à une revue un peu rétrospective), quelques mots sur la marche suivie par le gouvernement.

Il est de ces questions, en face desquelles on ne peut pas rester indifférent, et toutes les fois que, selon moi, l'on viole nos lois, qu'on porte atteinte aux prescriptions de la Constitution, nous sommes non seulement en droit de réclamer, mais c'est en quelque sorte une obligation de le faire.

Or, messieurs, selon moi, on a accusé avec raison le ministère précédent d'avoir violé la Constitution qui ordonne que l'instruction publique donnée aux frais de l'Etat, soit organisée par la loi ; et si quelque chose m’étonne, c’est que ce reproche n’ait point été fait avec plus de sucxès. Il faut, pour s’expliquer cela, se reporter à l’époque où il a été articulé.

Comment ! les écoles d’agriculture organisées par l’Etat ne constituent pas un enseignement donné par l'Etat ! Mais qui donc arrête les programmes de ces écoles ? Qui donc nomme les professeurs ? Qui donc paye les dépenses ? Ces faits ne constituent-ils pas de la manière la plus complète l'enseignement donné aux frais de l'Etat ?

Je dis plus, l'enseignement donée dans les écoles d'agriculture est donné aux frais de l'Etat autant et plus que celui qui est donné dans les autres établissements publics, car dans les écoles d'agriculture, vous ne vous bornez pas à payer les professeurs, vous payez aussi les élèves. Vous ne vous bornez pas à payer l'enseignement donné, vous payez encore l'enseignement reçu.

Lorsque ce reproche a été articulé ici pour la première fois, on' a répondu que les écoles d'agriculture ne constituent pas un enseignement donné par l'Etat ; que cet enseignement est donné par des particuliers et que l’Etat ne fait qu’intervenir par des subsides.

Eh bien, la justification qu'on donnait autrefois ne peut plus se maintenir aujourd'hui.

En effet, que voyons-nous dans les explications fournies à la section centrale chargée de l'examen du budget de l'intérieur ? Nous voyons que l'enseignement des écoles d'agriculture est exclusivement donné aux frais de l'Etat dans trois écoles d'horticulture. L'Etat rn reçoit de subsides ni des communes ni des particuliers pour ces écoles et l'on s'apppuie sur cette considération, pour justifier l'augmentation de subside demandée à la chambre.

Ainsi vous voyez, messieurs, que la raison, fort mauvaise selou moi, donnée autrefois par le gouvernement pour se justifier du reproche d'avoir violé la Constitution, que cette raison lui échappe complètement après l'aveu auquel je viens de faire allusion.

Messieurs, on a reconnu sans doute que la justification qui avait été produite ne pouvait pas être maintenue : on en cherche une autre aujourd'hui, en présentant les écoles d'agriculture, comme de simples essais destinés à éclairer la question.

Je ne sais si le prédécesseur de M. le ministre de l'intérieur sera bien charmé de voir la conception qui lui est si chère présentée comme un essai.

M. Rogier. - Je les ai toujours qualifiés ainsi.

M. Orban. - L'honorable membre me permettra de lui dire que, (page 270) selon moi, c'est une fort singulière manière de procéder par essais. J'aurais parfaitement compris que dans le but d'établir plus tard plusieurs écoles d'agriculture, on eût commencé par en établir un petit nombre ; mais faire douze écoles d'agriculture en forme d'essai, pour arriver à en maintenir trois ou quatre, c'est, il faut bien le dire, marcher au rebours de la logique, qui veut que l'on procède du simple au composé.

Vous considérez vos écoles comme des essais destinés à préparer les voies à une création définitive. J'ai bien peur, au contraire, que ces écoles ne constituent des préjugés fâcheux, des droits acquis de toute nature, qui plus tard feront obstacle à l'adoption d'un bon système.

S'il en était ainsi, messieurs, si l'on devait respecter ce qui existe parce qu'il existe, on pourrait dire que l'ancien ministre, par cette précipitation dont il a donné tant de preuves, a compromis pour longtemps, si pas pour toujours, l'institution qu'il a voulu créer.

M. de Muelenaere. - Les écoles d'agriculture ont été l'objet de sérieuses et vives attaques.

Aux yeux des nombreux adversaires de ces établissements, les frais qu'ils coûtent au trésor public et les sacrifices qu'ils imposent aux contribuables, ne sont pas en rapport avec les avantages qu'ils procurent au pays. Les dépenses sont grandes, et les résultats pour ainsi dire imperceptibles ou négatifs. Dans l'opinion de ceux qui devraient en profiter, l'organisation, essentiellement défectueuse, est loin de répondre suffisamment à tous les besoins.

Les écoles sont frappées d'une sorte de discrédit ; elles n'inspirent pas la confiance nécessaire.

Toutes les fois que dans cette enceinte on traite des questions de cette nature, je m'aperçois avec un sentiment pénible qu'on semble oublier que depuis des siècles la Belgique est considérée comme la vieille terre classique de l'agriculture. Est-il vrai que tout est à renouveler chez nous, que nous devons en revenir aux premiers rudiments de la science et que nous ne sommes plus en mesure de soutenir la comparaison avec d'autres contrées ?

Ce serait, sans doute, une déplorable illusion de croire que nous n'avons plus de progrès à faire, plus d'améliorations à réaliser.

Mais n'y a-t-il pas un danger réel à laisser tomber de cette tribune des paroles qui tendraient à propager parmi nos populations agricoles cette désolante idée qu'elles ont perdu presque sans retour l'antique réputation de leurs pères ?

Ne devrions-nous pas éviter avec soin, au contraire, de porter le découragement là où il suffit peut-être de stimuler quelque peu le zèle de nos intelligents et laborieux cultivateurs ?

On nous cite constamment l'Angleterre comme une sorte de terre promise, comme une terre modèle où l'agriculture, pour me servir des expressions de M. le ministre de l'intérieur, est parvenue à ce degré de prospérité qui lui est envié par tous les autres peuples.

Personne ne professe une estime, je dirai presque une admiration plus sincère que moi, pour le cultivateur anglais.

Je conviens, sans hésitation aucune, que pour certaines branches de l'art agricole, l'Angleterre a acquis sur nous une prééminence incontestable.

L'élève du bétail, l'élève du cheval et de tous les animaux domestiques en général, a été porté dans la Grande-Bretagne à un haut degré de perfectionnement. La race indigène a été complètement régénérée. C'est pour l’éleveur anglais un beau titre de gloire.

Mais ce n'est point à l'intervention directe de son gouvernement, ce n'est point à quelques subsides arrachés au contribuable, que l'Angleterre est redevable de ces améliorations. Si elle a accompli cet immense progrès, c'est grâce aux efforts individuels et persévérants des propriétaires et des cultivateurs, efforts sagement secondés par une législation intérieure, qui a répandu l'aisance parmi ces derniers et leur a permis d'amasser les capitaux nécessaires pour la bonne et profitable exploitation de leur industrie.

Mais à part l'élève des animaux domestiques, est-il vrai que l'Angleterre soit plus avancée que nous dans les autres branches agricoles ?

Pensez-vous de bonne foi que là les assolements soient aussi variés, aussi riches, aussi multiples, que dans plusieurs parties de la Flandre ?

Ce serait, permettez-moi de le dire, une grave erreur. A ce point de vue, les agronomes anglais et allemands, les plus instruits et les plus compétents, sont obligés de proclamer notre supériorité sur tous nos voisins.

Chaque année ces agronomes viennent puiser chez nous des renseignements dont ils enrichissent leur patrie.

Mais, me direz-vous, d'où provient donc cette gêne et ce malaise, dont se plaint le cultivateur flamand ? Ce malaise n'est imputable ni à son défaut d'intelligence ni à son défaut d'activité et de soins continus. Cette situation regrettable est le résultat d'événements indépendants de la volonté de l'homme, et des charges de toute nature que nos lois, sans aucune compensation efficace, imposent à l'agriculture.

Les plaintes et les doléances qui déjà se font jour de l'autre côté du détroit sont bien autrement amères que chez nous. Parcourez les districts agricoles de l'Angleterre, lisez les journaux qui se publient dans ces districts et vous serez bientôt convaincus que l'agriculture n'y est pas plus prospère aujourd'hui qu'en Belgique.

La même cause produit les mêmes effets.

M. le ministre de l'intérieur a déploré, non peut-être sans motif, l'état de langueur où certaines parties de l'agriculture ont été tenues jusqu'ici dans quelques provinces du royaume.

Mais M. le ministre n'a pas indiqué l'origine ni la cause persistante de ce mal.

Eh bien ! qu'on interroge les hommes pratiques de ces contrées, qu'on fasse un appel aux députes de ces provinces qui siègent dans cette enceinte, et je suis persuadé que tous seront d'accord que le motif principal de cet état de langueur est dans l'absence de capitaux suffisants chez le cultivateur pour l'exploitation fructueuse du sol.

Est-ce à dire que je proscris sans pitié tout enseignement agricole et que je l'envisage comme impuissant pour rendre des services utiles à nos campagnes. Loin de moi une pareille pensée ! J'estime, au contraire, que nulle part l'agriculture ne peut être rétrograde ou stationnaire et que partout elle doit suivre les progrès de la science et de l'esprit humain.

Mais les instituts agricoles ne répondront à leur destination qu'à la condition d'être habilement et sagement dirigés. Et quel est le but que par cette direction on doit s'efforcer d'atteindre ? C'est de former de véritables agriculteurs qui joignent la pratique à la théorie.

Mes honorables amis, MM. de Man d'Atterode et Coomans vous ont signalé le petit nombre d'élèves fréquentant les écoles actuelles et qui pour la plupart n'y sont attirés que par l'appât des bourses. Cette observation prouve que ces écoles ne jouissent pas de la faveur publique et qu'elles ne satisfont point, comme l'a dit l'honorable M. Mascart, aux besoins de ceux qui pourraient avec fruit suivre ces leçons.

Nous avons fait des essais ; reconnaissons franchement que ces essais n'ont pas été heureux. Je sais que ce n'est souvent qu'au prix de quelques sacrifices qu'on fonde des institutions nouvelles. Mais vouloir s'aventurer plus longtemps dans la même voie, ce serait marcher en sens inverse de l'opinion publique.

Maintenons ce qui est reconnu bon ; supprimons ou réformons ce qui est reconnu défectueux. Cessons d'affecter l'argent des contribuables à des essais dont le vice est aujourd'hui constaté.

L'amendement de mon ami, M. Coomans, n'a pas d'autre signification. L'honorable député de Turnhout estime, non sans raison, que le moment est venu d'exécuter la disposition constitutionnelle, qui exige que tout enseignement donné aux frais de l'Etat soit réglé par une loi. C'est lors de la présentation de ce projet, que nous examinerons avec zèle et maturité l'institution d'un enseignement agricole et que nous parviendrons, il faut l'espérer, à asseoir cet enseignement sur des bases solides et profitables à l'agriculture.

M. le ministre de l'intérieur est d'avis que l'époque n'est pas opportune pour provoquer un semblable projet de loi, parce que le gouvernement n'est pas encore en possession de tous les documents nécessaires ; je considère cette déclaration de l'honorable M. Piercot, moins comme une objection sérieuse que comme un effet de sa modestie. Car c'est le discours de M. le ministre qui me détermine à appuyer l'amendement de mon honorable ami.

En effet, dans sa réponse à M. Coomans et à M. de Man d'Attenrode, M. le ministre est entré dans des explications tellement circonstanciées, dans des détails si précis et si catégoriques sur les écoles actuellement existantes, que pour ma part, je suis demeuré convaincu que M. le ministre de l'intérieur est dès à présent parfaitement en mesure d'élaborer un excellent projet de loi sur la matière.

J'aime à croire que nous ne passerons pas la session entière à voter, pour ainsi dire, exclusivement les budgets.

Nous n'avons été saisis jusqu'à présent que d'un seul projet de loi, qui peut avoir, je le reconais, son degré d'importance, mais qui, cependant, était un projet d'une assez douloureuse nécessité.

Je ne parle pas de la conversion de notre dette 5 p. c. Cette conversion était tellement commandée par les événements du dehors et par tout ce qui se passe autour de nous, qu'elle s'était en quelque sorte faite et accomplie à la bourse d'elle-même.

J'espère que le nouveau cabinet aura la légitime ambition de vouloir signaler cette session par quelques mesures utiles, et l'organisation définitive de l'enseignement agricole me semble avoir ce caractère.

M. Rodenbach. - J'ai demandé la parole pour motiver mon vote. Je désire faire connaître mon opinion sur les écoles d'agriculture. Il y a en Belgique douze écoles d'agriculture ; il me semble que pour un pays de 4 millions 500 mille habitants, c'est trop de douze écoles de cette espèce.

Indépendamment des subsides que payent les provinces ainsi que les communes, nous savons que la dépense s'elève au-delà de 100 mille francs. Il faut convenir que les résultats ne répondent pas à la dépense.

En France, on a été frappé de la multiplicité de ces établissements, et on s'est empressé d'en diminuer le nombre, en effet, on en a récemment supprimé douze (le Moniteur agricole français en fait foi), parce qu'on a reconnu que l'instruction qu'on y puisait n'était pas en rapport avec les sommes considérables qu'on y consacrait. Je suis d'avis que dans notre pays on ne devrait avoir que deux écoles d'agriculture ; uue dans les provinces wallonnes et une dans les Flandres.

On pourrait peut-être obtenir des résulats utiles de ces deux institutions, si elles étaient parfaitement organisées, si elles avaient d'excellents professeurs, des professeurs instruits, et non des professeurs improvisés, car on a dû prendre des élèves pour les décorer du titre de professeurs ; il était, en effet, impossible dans notre petit pays de trouver des professeurs capables pour douze institutions agricoles.

J'ai dit que les résultats n'étaient pas en rapport avec la dépense, car le fait est que rien ne démontre que notre agriculture y ait gagné.

(page 271) Je ferai remarquer qu'indépendamment de ces écoles, on donne des cours d'agriculture à l'école vétérinaire, et les diplômés de cette école iront propager dans les campagnes l'instruction qu'ils y reçoivent.

Le gouvernement fait donner également des leçons d'agriculture dans nos écoles normales de Lierre et de Nivelles.

Voilà, ce me semble, assez d'établissements où l'on peut puiser l'enseignement agricole. Il n'est pas nécessaire d'entretenir douze écoles spéciales et d'être si prodigue que d'accorder des bourses à plus de la moitié des élèves.

L'honorable comte de Muelenaere vient de parler de l'agriculture dans les Flandres. Il a dit avec raison que nos agriculteurs avaient infiniment d'expérience. J'ajouterai des faits à ce qu'il vient d'énoncer.

Un homme qui s'est acquis en Europe une célébrité comme agronome, le savant Fellenberg qui a une institution considérable en Suisse a reconnu lui-même la supériorité, non pas de nos douze écoles d'agriculture, mais de nos laboureurs ; il a voulu rester plusieurs semaines dans une de nos plus importantes fermes de la Flandre occidentale, celle de M. de Graeve, agronome distingué à Stuyvekenskerke près de Dixmude, pour y étudier l'agriculture.

Nous avons vu également des Anglais (bien qu'on dise que l'agriculture anglaise dépasse la nôtre) étudier l'agriculture dans l'arrondissement de Courtray, et des Allemands dans l'arrondissement de Roulers.

Il eu de même du pays de Waes (Flandre orientale). Est-il un pays en Europe, où l'on cultive mieux la terre que dans le pays de Waes ? Je ne le pense pas.

On a émis, dans cette discussion, des idées sur les écoles d'agriculture. Peut-être en émettra-t-on d'autres dans la discussion de la loi sur cette matière. Puisque M. le ministre de l'intérieur a l'intention formelle d'apporter des modifications à ce qui existe aujourd'hui, il a pu prendre note des opinions qu'ont exprimées les différents orateurs.

J'ajouterai quelques mots sur les expositions agricoles (Interruption.)

Je ne conçois pas pourquoi l'on m'interrompt. Puisque M. le ministre de l'intérieur veut tout entendre pour s'éclairer, il me semble qu'on peut bien m'écouter.

Des rapports de plusieurs comices agricoles ont critiqué ces expositions ; et savez-vous comment, messieurs, l'on y obtient parfois des médailles ? C'est en achetant et en exposant les plus beaux légumes, les plus beaux fruits, et cela sans avoir cultivé un pouce de terre.

Voici encore un fait que je citerai : il s'agit d'un particulier qui ne s'occupe pas de culture ; il a envoyé chercher chez une douzaine de laboureurs des échantillons de graines, les a réunis sur une table, a fait un triage, a pris les grains les plus gros, les a exposés ; et voilà comment on devient lauréat.

Je vous demande, après cela, si l'on peut avoir quelque confiance dans les résultats de ces nombreuses expositions ! Vous devez comprendre que c'est de l'iniquité, de l'empirisme et nullement de la science agricole.

- - Plusieurs membres. - La clôture !

M. Coomans. - Je n'ai qu'un mot à dire qui pourra simplifier la discussion.

M. Veydt, rapporteur. - Dans la longue discussion que nous venons d'avoir, je n'ai pas pris la parole. Je serais charmé, comme rapporteur, de ramener au chiffre du budget par quelques explications que je désire donner à la chambre.

M. Faignart. - Quoique cette discussion se soit prolongée, je désirerais qu'elle ne fût pas close. J'ai entendu attaquer des établissements, dont plusieurs me sont connus, sans qu'on ait rien dit pour les défendre.

M. de Breyne. - J'appuie cette observation. Plusieurs établissements d'agriculture ont été attaqués. Il en est plusieurs que je connais particulièrement et sur lesquels je voudrais donner quelques explications.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

M. Boulez. - Messieurs, permettez-moi de faire quelques observations relativement à la situation actuelle des campagnes des Flandres que je connais particulièrement et que j'habite.

Je ne dirai pas, comme d'autres membres de cette assemblée, que M. Rogier n'a rien fait pour l'agriculture. Je crois au contraire que le gouvernement a fait quelques sacrifices, qui ont provoqué une certaine émulation parmi les cultivateurs des provinces où la culture est moins avancée que celle des Flandres ; mais en calculant l'importance des sacrifices qu'on impose à l'Efat, je ne crains pas de dire que les résultats sont insignifiants, à l'exception du drainage, quoique le drainage ait été pratiqué depuis un temps immémorial, le nouveau système donne une utilité incontestable.

Quant aux écoles d'agriculture, je prévois que ces établissements ne peuvent être d'une grande utilité pour l'agriculture, d'autant plus que les terrains sont trop variables dans leur nature, qu'il est presque impossible aux professeurs de ces écoles de donner des notions positives sur la culture en général. Ainsi en apprenant à cultiver suivant le terrain d'une localité, vous êtes obligé de suivre un tout autre système lorsque vous changez de terrain.

D'un autre côté, les fils des fermiers ont une occasion pratique et plus favorable de s'instruire dans l'aride cultiver la terre dans les fermes que leurs parents occupent, et peuvent s'y initier en fréquentant d'autres fermes.

Il ne faut pas que l'Etat fasse des dépenses extraordinaires pour favoriser quelques particuliers au détriment des contribuables, dont les charges sont déjà très lourdes.

Je ne m'oppose pas à ce que le gouvernement maintienne trois ou quatre écoles d'agriculture autorisées par une loi et établies sur des bases solides et sans une trop grande intervention pécuniaire par l'Etat.

Messieurs, en examinant la situation malheureuse des Flandres et l'émigration effrayante de la population, notamment de nos bons ouvriers tisserands, nous voyons transporter à l'étranger notre industrie toilière, cette belle ressource de l'activité des Flandres.

Chose remarquable, messieurs, nous laissons enlever par les Anglais et les Français nos lins, qui établissent avec notre propre matière première une concurrence écrasante pour nous, à l'étranger, tout en imposant un droit exorbitant sur nos marchandises fabriquées.

Pour obvier à ces calamités, un traité de commerce avec la France où les intérêts respectifs des deux pays soient bien compris, pourrait soulager le mal et donner du pain à nos populations ouvrières des Flandres, qui se nourrissent en grande partie, aujourd'hui même, de carottes et de navets, faute des moyens de pouvoir se procurer d'autres aliments.

Vous savez tous, messieuis, que les Flandres ne possèdent ni mines, ni houillères, ni carrières, qu'elles ont vécu longtemps en état de prospérité des profits de l'industrie linière, et qu'elles payent, en général, des contributions et des charges communales beaucoup plus élevées que les autres provinces.

Maintenant que cette ressource est en partie transportée dans les villes et à l'étranger, il serait juste et même indispensable que le gouvernement intervînt en faveur de ces provinces en établissant les contributions foncières en harmonie avec la position et les ressources actuelles de nos provinces des Flandres, à défaut de quoi il est à craindre qu'une grande partie des campagnes de ces provinces ne deviennent peut-être de vastes dépôts de mendicité.

J'espère, messieurs, que ces observations mériteront l'attention du gouvernement et de la législature.

M. de Man d'Attenrode renonce à la parole.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, il y aura bientôt huit ans que j'ai eu l'honneur de soutenir, dans cette enceinte, l'utilité et la nécessité même de l'instruction agricole. Dans la discussion du budget de l'intérieur pour l'exercice 1845, je me suis attaché à démontrer que l'application des sciences qui a contribué si puissamment aux progrès de l'industrie manufacturière, est appelée aussi à rendre de grands services à l'agriculture. A l'appui de cette thèse, je faisais remarquer que les opérations de l'agriculteur s'appliquant non seulement à la matière inerte, mais encore à la vie, la connaissance raisonnée des lois de la nature doit lui être d'une utilité incontestable pour perfectionner ses procédés de production et pour imprimer à tous ses travaux une direction plus intelligente et plus économique. Je me rappelle avec plaisir que ces observations furent alors vivement appuyées par plusieurs honorables collègues qui ne siégeaient pas sur les mêmes bancs que moi, et notamment par l'honorable baron de Tornaco qui a laissé dans cette chambre des souvenirs précieux de son dévouement éclairé aux droits et aux intérêts de l'agriculture.

Il y a donc longtemps, messieurs, que j'ai été partisan de l'instruction agricole, je le suis encore aujourd'hui et je le serai toujours. Mais, en résulte-t-il que j'approuve pleinement nos écoles d'agriculture telles qu'elles sont organisées aujourd'hui ? Aucunement ; je suis loin de croire que ces institutions sont sorties parfaites des mains de leur créateur, et je constate avec plaisir que tel est aussi l'avis des hommes les plus compétents dans cette matière, et notamment de l'honorable M. Mascart qui, en appelant de tous ses vœux une loi organique de l'enseignement agricole, a indiqué d'avance des changements très importants qui doivent être apportés à leur organisation actuelle, sous peine de compromettre l'avenir même de cet enseignement.

Messieurs, mon intention n'est pas d'entamer en ce moment une discussion approfondie, mais je crois devoir, à mon tour, attirer votre sérieuse attention sur quelques circonstances que je considère comme très fâcheuses pour l'avenir de l'instruction agricole en Belgique, dont j'ai la prétention d'être un ami sincère et dévoué.

D'abord, il paraît que, parmi les élèves fréquentant les écoles d'agriculture, un grand nombre, et peut-être le plus grand nombre, jouit d'une bourse à charge du trésor public, de manière qu'après avoir payé les professeurs pour donner l'instruction, nous sommes encore obligés de payer les élèves pour venir la recevoir. Je pense que, sauf les cas très exceptionnels, c'est au moins payer une fois de trop.

Messieurs, si je relève cette circonstance, ce n'est aucunement dans l'intention de déconsidérer les jeunes gens dont je parle. La fortune ne devient à mes yeux un titre à l'estime publique que quand elle s'est ennoblie par l'usage qu'on en fait dans l'intérêt de l'humanité en général et de l'humanité souffrante surtout.

Mais en insistant sur la circonstance que je viens de signaler, je suis préoccupé avant toul de la question de savoir ce que deviendront les élèves sans fortune en quittant nos écoles d'agriculture, comment ils pourront utiliser dans l'intérêt du pays leurs connahsances acquises aux frais des contribuables.

En effet, messieurs, vous savez tous que pour exercer la profession de cultivateur, il ne suffit pas de posséder toute la science agricole au bout des doigts, si je puis m'exprimer ainsi, mais qu'il est nécessaire avant tout d'avoir à sa disposition une certaine étendue de terres et un certain capital.

(page 272) Or, ces deux conditions essentielles et fondamentales feront défaut aux jeunes gens dont nous parlons. Ils pourront, il est vrai, s'adresser aux propriétaires et aux capitalistes, mais je doute que leurs propositions reçoivent, en général, un accueil favorable ; car j'ai l'honneur de connaître un grand nombre de propriétaires et de capitalistes, et je puis affirmer que presque tous sont au moins aussi routiniers en agriculture que plusieurs de nos cultivateurs.

Sans doute, ils sont très capables d'apprécier et d'évaluer les résultats d'une opération dirigée d'après les principes de culture généralement usités dans nos fermes ; mais une entreprise agricole dont la réussite serait calculée, par exemple, sur l'emploi de nouveaux instruments sur l'adoption de nouvelles méthodes et de nouvelles inventions, leur inspirerait, j'en ai l'intime conviction, bien peu de confiance ; et je ne pense pas qu'on en rencontre beaucoup parmi eux qui consentiraient à mettre leurs capitaux ou leurs terres à la disposition de jeunes gens qui ne pourraient donner d'autre garantie que la science puisée dans nos écoles d'agriculture.

Il en résultera que ceux-ci seront bien souvent forcés d'enterrer leurs connaissances agricoles et d'embrasser une autre carrière, ou bien encore, de tourner leurs regards vers le gouvernement, pour obtenir un emploi quelconque à charge du pays. Et vous comprenez que ce résultat, pour ainsi dire inévitable, doit exercer la plus fâcheuse influence, non seulement sur l'avenir de nos écoles d'agriculture, mais sur tout l'avenir de l'instruction agricole elle-même qui court grand danger d'être ainsi complètement discréditée.

Des considérations qui précèdent, je crois pouvoir conclure qu'on a commencé un peu à rebours et qu'on aurait dû s'attacher, avant tout, à faire pénétrer la science agricole dans la classe des propriétaires et des capitalistes ; ou tout au moins que l'enseignement aurait dû être combiné et organisé da manière à agir simultanément sur la classe des propriétaires et des capitalistes et sur la classe des travailleurs, parce que, je le répète, la terre et le capital sont et seront toujours les deux grands moyens d'augmenter la production agricole et qu'en conséquence, toute impulsion vers un progrès sérieux et durable doit venir de ceux qui sont en possession de ces deux puissants instruments de travail, sans lesquels les travailleurs les plus habiles et les plus intelligents restent frappés d'impuissance et de stérilité.

On me dira sans doute qu'en procédant de cette manière, il aurait fallu organiser pour ainsi dire deux enseignements agricoles, alors qu'un seul entraîne déjà des dépenses trop fortes.

Mais je répondrai à cette objection que le chiffre de la dépense reste absolument subordonné au mode d'organisation qui aurait été adopté. Je pense que le gouvernement n'aurait pas dû avoir la prétention de pourvoir lui-même à tous les besoins de l'enseignement agricole, qu'il aurait dû comprendre que son rôle consistait ici à donner l'impulsion en créant un très petit nombre d'établissements modèles et en provoquant ainsi la création d'autres étabissemenls libres qui, sans rien coûter à l'Etat, auraient concouru au même but et auraient pu rendre l'intervention du gouvernement inutile au bout de quelques années. En se renfermant dans ces limites il n'eût pas été impossible d'obtenir, peut-être avec des dépenses moindres, des résultats meilleurs et plus en harmonie avec les vrais besoins du pays.

Messieurs, je n'ai pas la prétention de savoir quelle est dans toute la Belgique l'opinion des cultivateurs relativement aux écoles d'agriculture. Plusieurs honorables membres et notamment l'honorable M. Mascart, qui représente un arrondissement essentiellement agricole, vous ont dit positivement que cette opinion n'est guère favorable et que peu de véritables cultivateurs consentent à y envoyer leurs enfants. Or, je puis vous affirmer, messieurs, en pleine connaissance de cause qu'il en est de même dans les Flandres en général, et dans presque toute la partie flamande du Brabant. C'est là encore une fois une circonstance très fâcheuse pour l'instruction agricole en Belgique, car le plus grand défaut d'un établissement d'instruction c'est sans aucun doute de ne pas jouir de la confiance des parents, c'est là ce que j'appellerai un vice radical.

Maintenant quelle est la cause de cette répugnance des cultivateurs à l'égard des écoles d'agriculture. Faut-il l'attribuer aux vices de l'organisation actuelle, ou aux abus qui peuvent avoir été commis ?

Messieurs, je ne le pense pas, et je suis d'avis qu'au moins dans les parties du pays qui me sont particulièrement connues, cette répugnance a préexisté à la création même des établissements dont il s'agit.

En effet, pour être franc, il faut bien reconnaître que depuis longtemps et encore aujourd’hui, nos cultivateurs en général ont une très médiocre idée de ce qu'on appelle la science agricole. Ils croient, eux, que les administrateurs et les savants sont peu propres à améliorer ou à perfectionner les méthodes de culture. Un jugement droit et sain, un grand esprit d'observation et d'économie, une activité infatigable et qui sait se multiplier à certaints époques de l'année, une longue expérience des affaires, telles sont les qualités qui leur paraissent avant tout nécessaires pour réussir dans l'agriculture ; et ces qualités, ils croient qu'on peut les acquérir bien plus sûrement dans une exploitation rurale proprement dite que dans les écoles d'agriculture. En outre, l’éloignement de nos cultivateurs pour ces écoles est encore inspiré par la crainte que leurs enfants, en rentrant sous le toit paternel, ne viennent en quelque sorte les détrôner dans la direction de leur ferme et substituer aux procédés suivis jusqu'alors et sanctionnés par l'expérience des méthodes nouvelles qu'ils considèrent comme ruineuses et dans tous les cas disproportionnées avec les ressources dont on dispose généralement à la campagne.

On aurait dû tenir compte de cette situation des esprits en procédant avec beaucoup de prudence et en employant les plus grands ménagements. Cela était indispensable pour vaincre la répugnance dont j'ai eu l'honneur de parler ; eh bien, cette répugnance, on l'a renforcée au contraire en faisant sonner beaucoup trop haut le titre d' « école d'agriculture » et en publiant des programmes sur lesquels nos meilleurs cultivateurs ont été étonnés de voir figurer des sciences dont ils soupçonnaient à peine l'existence.

Je pense qu'on aurait dû suivre une marche plus simple et plus modeste et se borner, pour commencer, à imprimer à l'enseignement donné dans les établissements déjà existants, une tendance un peu agricole, par exemple en annexant aux écoles ou pensionnats particulièrement fréquentés par les enfants des cultivateurs des leçons destinées à inculquer aux élèves quelques notions élémentaires de médecine vétérinaire, auxquelles on aurait pu ajouter successivement des notions de chimie et de physiologie végétale dans leur application à l'agriculture. De cette manière, on n'aurait pas effrayé nos cultivateurs, on les aurait familiarisés insensiblement avec l'applicalion des sciences aux pratiques agricoles, et une fois que les avantages de cette application auraient été reconnus par eux, on aurait pu songer à organiser avec fruit et avec succès un enseignement conçu sur un plan plus vaste. J'avoue que les mesures que je viens d'indiquer auraient eu assez peu d'éclat ; mais elles auraient eu l'avantage de ne pas compromettre l'avenir de l'enseignement agricole et de préparer au contraire les esprits à apprécier l'utilité d'un enseignement donné d'une manière plus étendue et plus complète.

Messieurs, je m'abstiens d'entrer dans des développements plus détaillés sur cet objet ; toute discussion un peu approfondie de l'organisation de l'enseignement agricole me paraît prématurée, aussi longtemps que nous ne sommes pas saisis d'un projet de loi ; mais j'appuie de toutes mes forces les vœux émis par plusieurs honorables collègues pour la présentation d'un projet de loi destiné à régler cette matière, d'autant plus que la situation actuelle me paraît en opposition formelle avec l'esprit et le texte même de notre Constitution. En effet, l'article 17 de la Constitution porte en termes très positifs que toute instruction donnée aux frais de l'Etat doit être réglée par la loi.

La Constitution ne se borne donc pas à dire que l'instruction ne peut être donnée aux frais du trésor qu'en vertu d'une loi, qu'elle doit être autorisée par la loi. Elle va plus loin, elle exige impérieusement des dispositions réglementaires émanant du pouvoir législatif. L'instruction, dans les écoles d'agriculture, est donnée aux frais du trésor, et cependant elle n'est pas réglée par la loi. Il y a donc là, ce me semble, une violation incontestable de la Constitution.

Ces considérations me détermineront, messieurs, à appuyer toute proposition qui tend à faire cesser le plus promptement possible l'état de choses actuel qui me paraît en opposition flagrante avec l'esprit et le texte de notre Constitution.

M. Peers. - En présence des explications que vient de donner l'honorable ministre de l'intérieur, je crois inutile de présenter d'autres développements. Je renonce donc à la parole.

M. de Breyne. - Chaque année j'ai pris part aux discussions qui ont eu lieu relativement au budget de l'intérieur. Comme représentant d'un des arrondissements les plus agricoles du pays, j'ai notamment pris la parole, lorsqu'il s'agissait de l'agriculture.

Cette année-ci, j'aurais agi de même, si les observations que je voulais présenter n'eussent déjà été faites par des membres qui m'ont précédé dans la discussion.

Je désire cependant appuyer les observations de l'honorable M. de Muelenaere, qui a appelé l'attention sur la nécessité d'améliorer l'élève du cheval dans la Flandre occidentale. Il est certain qu'une grande partie de cette province ne participe pas aux bienfaits du haras. Plusieurs fois, j'ai appelé l'attention du gouvernement sur cet objet, et particulièrement sur l'achat d'étalons percherons que le gouvernement devrait faire ou du moins encourager dans cette province dont l'élève du cheval forme une des principales branches de l'industrie agricole.

Sous ce rapport, je ne fais ici que répéter les vœux émis par les sociétés d'agriculture, les comices agricoles. Le conseil provincial même, si je ne me trompe, doit avoir non seulement fait des propositions au gouvernement, mais aussi offert des subsides.

Messieurs, je me proposais de faire d'autres observations ; mais je dois l'avouer, elles ont été présentées beaucoup mieux que je ne pourrais le faire par un honorable collègue qui siège à ma droite. Je me bornerai donc à vous donner quelques renseignements sur l'objet en discussion.

On vous a beaucoup parlé des institutions agricoles. Qumt à moi, j'en suis partisan jusqu'à un certain point, et j'ai vu avec plaisir l'établissement de l'enseignement agricole par le gouvernement. Je ne dirai pas aujourd'hui mon opinion sur ce point ; j'attendrai la uiscussion du projet de loi relatif à ces écoles, pour vous faire connaître ma manière de voir à cet égard.

J'avais donc foi, messieurs, il y a huit ou dix mois, dans ces institutions ; mais par suite des attaques violentes dont elles ont été l'objet, j'avoue que cette foi était quelque peu ébranlée. Qu'ai-je fait ? Je me suis associé à quelques honorables personnes de mon arrondissement, qui s'occupent plus ou moins d'agriculture, et nous avons fait ensemble une excursion pour voir l'établissement agricole de Thourout et examiner des travaux d'irrigation que le gouvernement avait faits dans la (page 273) Flandre occidentale. Je dois dire que j'ai été agréablement surpris. J'ai trouvé dans cette école les constructions en rapport avec les besoins de l'établissement ; les étables et les autres constructions y sont établies d'après les données les plus récentes.

J'ai eu la satisfaction d'assister à une leçon orale donnée par un des professeurs. Il n'y'avait là ni plus ni moins que ce que l'honorable représentant de Turnhout désire trouver dans les leçons d'agriculture : la simplicité et l'utilité ; les explications étaient simples, et le professeur faisait ressortir l'utilité des objets de la leçon. Enfin pour compléter les vœux de l'honorable M. Coomans, je me trouvais aux champs et je respirais un air pur.

L'établissement de Thourout possède un heureux choix d'instruments aratoires perfectionnés. J'ai fait une excursion dans ce que l'honorable M. de Man trouve si mal appelé le champ de manœuvres. J'étais accompagné, non d'un directeur ou de professeurs, mais de quatre élèves qu'on avait mis à ma disposition. Ces élèves ont donné les explications les plus étendues et sont entrés dans les détails les plus intéressants sur tous les travaux de l'agriculture. Ils ont fait connaître comment on travaillait à l'établissement, comment on appliquait la théorie à la pratique. Ils ont été plus loin, ils se sont mis à l'œuvre en faisant manœuvrer quelques instruments que ni moi ni les personnes qui m'accompagnaieut ne connaissaient pas. (Interruption.)

M. Rogier. - Qu'y a-t-il là de risible ?

M. de Breyne. - Je n'ai pas l'habitude de prendre souvent la parole devant la chambre ; je ne sais si, dans ce que j'ai dit, il y a quelque chose de ridicule.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. le président. - Vous avez la parole, et l'on ne doit pas vous interrompre.

M. de Breyne. - Je tâche d'expliquer à la chambre, dans un langage simple et mesuré, tout ce que j'ai vu ; cela vaut mieux sans doute que de faire de grandes phrases et de venir, à l'exemple de certains membres, critiquer ce qu'ils n'ont pas vu.

Messieurs, je ne dois pas oublier le binage des betteraves au moyen d'un nouvel instrument, ni passer sous silence le défoncement des terrains, l'application du drainage, la comparaison des différentes manières de semer et de récolter. Je vous citerai un champ sur lequel on avait opéré de quatre manières différentes la plantation ou le semis des féveroles.

On a parlé avec amertume et dédain de la moralité et de l'esprit des élèves, comme si l'esprit et la moralité ne pouvaient se trouver dans les établissements de l'Etat. Je dois à la vérité de dire que l'ordre et la discipline régnent dans l’établissement.

Je parle ici en connaissance de cause, car j'ai pris des informations à Thourout et dans le voisinage, sur certaines accusations qui, si elles avaient été vraies, auraient été très graves. Mais d'après des renseignements puisés à une source honorable, ces accusations n'étaient basées sur aucun fondement et ne devaient être attribués qu'à la malveillance et à l'esprit de dénigrement.

Je conclus donc, messieurs, que cet établissement de Thourout est destiné à rendre les plus grands services à l'agriculture et qu'il mérite toute la confiance des parents.

Messieurs, je ne vous donnerai pas mon opinion sur les autres établissements d'agriculture, parce qu'ils ne me sont pas assez connus. Quand la loi annoncée par M. le ministre de l'intérieur nous sera présentée, je me propose de prendre part à la discussion et de vous faire connaître toute ma pensée.

Je désire cependant dire un mot de l'établissement de Vilvorde. Cet établissement, et surtout la section qui concerne l'arboriculture et la taille des arbres est bien certainement destiné à rendre les plus grands services au pays, et à rendre ces services dans un sens démocratique, puisque de tous les côtés du pays, un grand nombre d'ouvriers y sont appelés à venir recevoir l'instruction dans l'aride tailler les arbres fruitiers.

Je ferai aussi une observation relativement à l'établissement de Haine-St-Pierre. Je ne l'ai pas visité, mais j'ai vu plusieurs instruments qui ont été expédiés de cet établissement dans les provinces, et tout le monde est d'accord pour en louer la perfection. En outre, des cours y sont ouverts à tous nos jeunes ouvriers pour l'apprentissage de la construction des instruments perfectionnés.

M. Faignart. - Messieurs, en présence de la déclaration faite par l'honorable ministre de l'intérieur, il me reste fort peu de chose à dire sur l'objet en discussion. Cependant, je ne puis passer sous silence cette critique amère qui a été dirigée contre les écoles d'agriculture en général. J'y ai vu, messieurs, beaucoup d'exagération. Je ne prétends pas soutenir que toutes ces écoles soient utiles, mais au moins je pense que l'instruction agricole doit être maintenue, si pas au moyen de douze écoles, au moins par un nombre répondant aux besoins du pays.

Je dirai plus, messieurs, cette réduction du nombre des écoles est indispensable, et, si la chose était possible, je ferais des vœux pour qu'on n'en laissât subsister qu'une seule. Mais je trouve à cela des obstacles et des inconvénients en ce sens que le sol du pays est tellement différent qu'on ne peut réellement établir une seule école pour enseigner toutes les cultures qui se pratiquent dans le pays. A chaque sol appartient une manière de cultiver particulière. Je crois qu'on arriverait à de bons résultats si l'on maintenait, par exemple, une école d'agriculture dans la Flandre occidentale, où les terrains sont sablonneux, une dans la partie calcaire du Luxembourg, une dans la Hesbaye où il y a beaucoup de terres fortes, enfin une dans les Ardennes, où il existe une grande quantité de terrains à défricher, ce qui amènerait une augmentation considérable de produits agricoles.

L'honorable M. Rodenbach disait tantôt qu'il suffirait de deux écoles, une école flamande et une école wallonne ; je ne puis en aucune façon partager cette manière de voir ; les écoles n'ont pas besoin de pareilles dénominations ; elles doivent être établies là où elles peuvent être utiles ; il n'y a rien de flamand ni de wallon dans les écoles d'agriculture.

Messieurs, tout en approuvant ces institutions, je désire tout particulièrement que ces écoles soient pratiques, c'est à-dire qu'elles soient annexées à une ferme assez étendue pour que des expériences utiles puissent s'y pratiquer.

Il ne suffit pas, messieurs, de savoir faire produire les terres, il ne suffit pas d'avoir de belles récoltes, de riches moissons, il ne suffit pas d'avoir son bétail bien tenu ; ce qui importe à l'agriculture, c'est de faire des bénéfices.

Vous pouvez produire beaucoup en dépensant beaucoup, mais croyez-vous qu'un propriétaire soit très charmé lorsqu'il aura pris, par exemple, un élève qui, après avoir fait trois années d'études, viendra chez lui dépenser des sommes considérables pour produire de belles récoltes et de beaux bestiaux ? Il n'en est rien, messieurs ; la science de l'agriculteur c'est de faire produire la terre avec le moins de frais possible.

J'appelle sur ce point l'attention du gouvernement : il s'agit, messieurs, de ne dépenser qu'a propos, et je désirerais que le gouvernement voulût astreindre les directeurs d'écoles d'agriculture à faire le plus d'économies possible dans leur gestion, pour obtenir que les élèves, en retournant chez eux, puissent indiquer à leurs parents, à leurs commettants ce qu'il y a à faire pour arriver aux meilleurs résultats possible avec le moins de frais possible.

Messieurs, j'aurais d'autres observations à présenter, mais comme l'honorable ministre de l'intérieur nous a promis un projet de loi d'organisation, je me réserverai pour la discussion de ce projet. Pour ne dire qu'un mot des écoles d'horticulture et d'arboricullure, c'est que je les crois éminemment utiles.

Il me reste, messieurs, à vous parler de l'école d'apprentissage de Haine-Saint-Pierre. Cette école je la connais beaucoup mieux que toutes les autres. Elle compte en ce moment 18 élèves. On devait en recevoir cette année six. eh bien, savez-vous combien il s'en est présenté ? Il s'en est présenté 25 !

Vous croirez peut-être que c'est parce qu'ils reçoivent des bourses, parce qu'ils ne payent rien. Eh bien, il n'en est rien, messieurs. Ces élèves ne payent pas la pension entière, mais au moins tous payent une redevance à l'école.

Ainsi donc, qu'on ne dise pas qu'il y a des élèves dans les écoles d'agriculture et dans l'école de fabrication des instruments aratoires, parce que ces élèves sont payés et nourris : cela ne se fait certainement pas dans l'école dont je vous entretiens en ce moment. Je regarde l'institution de Haine-Saint-Pierre comme éminemment utile et, en effet, ou il faut vouloir que l'agriculture ne puisse faire aucune espèce de progrès, ou il faut propager dans le pays les instruments perfectionnés. On ne contestera pas que le seul et unique moyen d'obtenir ce résultat, c'est d'avoir dans le pays un établissement où ces instruments se fabriquent et se fabriquent dans des conditions telles qu'ils soient à la portée de tout le monde.

Certes, messieurs, peu de personnes pourraient faire venir d'Angleterre et d'autres pays des instruments perfectionnés ; eh bien, le gouvernement facilite l'importation de ces instruments, on les copie et on les vend à prix réduit aux personnes qui en désirent. Cela présente un autre avantage. Si un particulier faisait venir d'Angleterre, je dirai une charrue, parce que c'est plus à la portée de tout le monde, il ne saurait sans doute pas, avant de l’avoir reçue, quels sont les résultats qu'il peut en obtenir ; il devrait donc l'acheter au hasard et la payer très cher.

Il n'en est pas de même lorsqu'il y a dans le pays une école où l'on fabrique ces instruments : là nous pouvons les essayer, voir s'ils sont applicables à notre culture, à notre sol, s'ils peuvent nous rendre les services que nous en attendons ; en outre vous les payez moitié moins que si vous les faisiez venir de l'étranger.

Maintenant si vous preniez ce dernier parti, qu'auriez-vous avec les instruments ? Vous n'auriez rien lorsqu'il n'existerait pas dans le pays des gens capables de les réparer, et souvent même j'en ai vu dont on ne pouvait se servir, quoique parfaitement montés, tandis qu'avec des élèves qui seront répandus dans le pays, qui seront établis dans les localités où le besoin s'en fera sentir, lorsque vous aurez un instrument dérangé, vous trouverez au moins des gens pour le réparer.

Il est une chose que je voudrais voir établir à Haine-St-Pierre, c'est une instruction, ou plutôt un professeur, si je puis m'exprimer ainsi, de maréchalerie, pour enseigner la ferrure…

M. Rogier. - On l'enseigne.

M. Faignart. - On l'enseigne à l'école vétérinaire ; mais puisque à l'école de Haine-Saint-Pierre on fait tous les instruments aratoires, je pense que le cheval est bien aussi un instrument aratoire, et, dès lors on ne doit pas à l'école de Haine-Saint-Pierre rester étranger à l'art de la ferrure du cheval. Au reste, j'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur objet, et il verra s'il peut introduire cette branche d'enseignement dans l'établissement dont je viens d'avoir l'honneur d'entretenir la chambre.

(page 274) Je disais en commençant qu'en présence de la déclaration formelle de M. le ministre de l'intérieur, je n'insisterai pas davantage sur la nécessité de soumettre à la chambre une loi destinée à régler l'enseignement agricole. J'engage en même temps M. le ministre à présenter une loi d'organisatiou de l'école de médecine vétérinaire. Je pense qu'on reconnaîtra facilement que des expériences assez longues ont été faites, et qu'il est plus que temps d'organiser cette branche d'enseignement.

J'ai dit.

M. Sinave. - Messieurs, je désire adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur relativement à la graine à semer. Le Moniteur a publié les rapports des gouverneurs des deux Flandres concernant cette semence. Vous aurez remarqué l'avantage qu'il y aurait à remplacer au moins en grande partie la graine de lin de Riga par la graine de lin de Pernau.

Cette dernière graine est à 25 p. c. à peu près à meilleur compte que la graine de Riga. Mais elle n'en a pas les apparences extérieures, quoiqu'elle soit aussi bonne. On distingue facilement si la graine de Riga est nouvelle ou vieille ; il n'en est pas de même de la graine de Pernau qui est terne, la graine plus petite et qui est chargée, en outre, d'une plus grande quantité de plantes parasites. Mais il n'en est pas moins vrai qu'on se la procure à 25 p. c. à meilleur compte.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur, si son intention esl de donner suite aux informations données par les deux gouverneurs. Je pense que cela serait très utile. Je crois que l'intervention du gouvernement dans cette circonstance spéciale et momentanée est un fait désirable ; il est impossible à des particuliers d'introduire cette graine dans le pays et de faire comprendre aux cultivateurs l'avantage qu'il y a à employer cette graine dans son état actuel.

Je pense qu'il faudrait commencer par tâcher d'opérer une transformation sur le lieu même de production, c'est-à-dire de faire sécher la graine à l'air, comme cela se pratique à Riga, de faire distraire les mauvaises graines. Si on pouvait obtenir ce résultat on rendrait un service immense à notre agriculture.

Cette nouvelle concurrence aurait pour conséquence de paralyser le monopole du commerce de Riga exploité dans ce pays, elle aurait pour effet encore de diminuer le prix et d'anéantir la fraude dont les cultivateurs sont les victimes, malgré les précautions prises par le gouvernement.

Je recommande à M. le ministre de l'intérieur de prendre en considération les observations que je viens de lui faire toutes dans l'intérêt de l'agriculture.

M. de Perceval. - Comme l'honorable ministre de l'intérieur nous a déclaré, et je l'en félicite, que la législature serait saisie bientôt d'un projet de loi pour organiser l'enseignement agricole, les observations que je me proposais d'émettre à ce sujet viennent à tomber, et je renonce à la parole.

M. Coomans. - L'honorable ministre de l'intérieur s'est trompé, à son détriment, en reproduisant une de mes pensées d'hier. Je n'ai pas demande à l'honorable ministre s'il était indépendant, s'il était libre, s'il ne subissait pas une sorte de vasselage moral. Une pareille question serait quelque peu injurieuse, elle serait injuste posée à un homme de la valeur de l'honorable M. Piercot. Je n'ai pas révoqué en doute son indépendance, sa liberté, son vif désir de faire le bien. J'ai admis tout cela, au contraire, et je ne le regrette pas après le discours que j'ai entendu aujouid'hui.

Mesoeurs, les explications nettes et loyales de l'honorable ministre me prouvent que nous sommes d'accord.

J'en prends acte et je retire mon amendement.

M. Rogier. - Et moi aussi je dis que les explications de M. le ministre de l'intérieur prouvent que nous sommes d'accord. Dans son premier discours M. le ministre de l'intérieur a reconnu l'utilité, la nécessité de l'enseignement agricole.

Il est même entré dans divers détails pour établir que l'enseignement agricole, critiqué par quelques membres, lui paraissait cependant remplir toutes les conditions désirables dans plusieurs établissements. J'en ai dit autant que l'honorable ministre de l'intérieur. Je n'ai pas soutenu que l'enseignement agricole fût donné d'une manière complète et parfaite partout, qu'il n'y avait plus rien à faire, à perfectionner, à modifier. Je n'ai pas non plus réfusé de faire régler l'enseignement agricole par une loi, j'ai toujours annoncé un projet de loi pour le régler, et c'est fort à tort que l'on est encore venu accuser l'ancienne administration d'avoir violé la Constitution. En établissant l'enseignement agricole sans une loi, si l'ancienne administration a violé la Constitution, elle a pour complice la chambre tout entière, la chambre unanime.

Je rappellerai en peu de mots comment les faits se sont passés.

En 1849, un subside a été proposé au budget de l'intérieur pour venir en aide à quelques établissements agricoles, soit communaux, soit de particuliers.

Ce subside a été voté, je pense, à l'unanimité par la chambre, personne n'a conteste la parfaite constitutionnalité d'une dépense qui figurait au budget et qui était distribuée en subsides, soit à des communes, soit à des particuliers.

Si cette manière d'appliquer à l'enseignement agricole des subsides dans le budget consacrait une inconstitutionnalité, il fallait la signaler à l'époque où le subside a été demandé et il ne fallait pas le voter. Or, chaque année depuis trois ans le subside a été voté par la chambre, sous la réserve qu'une loi viendrait plus tard régulariser les faits posés par le gouvernement.

La séance d'aujourd'hui aura été utile ; vous avez entendu des hommes calmes, sans passion, des hommes pratiques qui ont visité les écoles, qui ont vu ce que, je crois, d'autres adversaires des écoles agricoles n'ont pas vu.

Je crois que si quelques-uns des honorables adversaires des écoles agricoles telles qu'elles sont constituées, les avaient visitées, ils en auraient rapporté d'autres impressions. En général, beaucoup de préventions sont tombées par la simple inspection de ces écoles. Des visiteurs qui étaient entrés dans ces établissements avec le préjugé qu'on n'y enseignait rien de bon, ont déposé, à leur sortie, un certificat constatant leur erreur et rendant hommage à l'enseignement de ces établissements. Il résulte d'ailleurs de la discussion que sur les douze écoles subsidiées par l'Etat, la plupart sont déjà probablement sauvées pour l'avenir.

Ce ne sera pas l'établissement de Vilvorde qu'on détruira : ce ne sera pas celui de Haine-St-Pierre, d'après les explications données par un honorable membre de celtt chambre qui a bien voulu accepter les fonctions de membre de la commission de surveillance de cet établissement ; car à chacun des ces établissement est attachée une commission de surveillance ; ce ne sera pas, je pense, l'établissement de Leuze auquel il a été rendu hommage par un membre de la chambre ; je ne crois pas que ce sera non plus l'établissement agricole de Thourout dont on vient de vous rendre tout à l'heure un compte si complet et si satisfaisant. Un honorable membre de cette chambre vous a exposé, avec simplicité, mais avec vérité, les faits remarquables dont il a été témoin.

Ce ne sera pas, je pense, l'établissement d'horticulture près de Gand dont on demandera la suppression ; cet établissement rencontrera, j'en suis sûr, un grand nombre de défenseurs dans cette chambre. Et, permettez-moi de le dire, ces écoles que l'on critique ici d'une manière générale, comme ne produisant aucun bien pour le pays, sont mieux appréciées à l'étranger. Ainsi, l'école d'horticulture de Gentbrugge, près de Gand, est fréquentée par un certain nombre de jeunes gens venant de tous les pays de l'Europe, et plusieurs des élèves formés à cette école ont trouvé un placement très facile dans les pays étrangers indépendamment du placement qu'ils ont trouvé dans le pays.

Le gouvernement a fait simplement un essai, et cet essai a réussi, puisque les établissements ont continué d'être fréquenté par un grand nombre d'élèves.

On vient de dire que les parents éprouvent une grande répugnance à y envoyer leurs enfants ; la preuve contraire résulte de l'examen des faits.

A-t-on parcouru les rapports fails par l'inspecteur attaché à l'enseignement agricole ? Il résulte de ce rapport que, loin que ces écoles soient désertes, chaque année le nombre des élèves s'est accru dans une proportion considérable. Ainsi en 1850 le nombre des élèves était de 190 ; pour l'exercice de 1851 le nombre de ces élèves s'est élevé de 190 à 226, et pour l'exercice de 1852 le nombre d'élèves s'élève à près de trois cents. Voilà donc une augmentation de cent élèves en deux ans. C'est là une preuve que les parents ont au contraire une entière confiance dans ces établissements au lieu d'éprouver de la répugnance, malgré les attaques dont ces établissements sont l'objet. On dit que ce sont les bourses qui attirent les élèves dans ces établissements ; mais pour que les bourses attirassent les élèves dans ces établissements, il aurait fallu les augmenter dans la proportion des élèves ; or, le subside porté au budget est constamment resté le même.

Si l'on avait voulu se donner la peine de parcourir les rapports que j'ai déposés à deux reprises sur le bureau de la chambre, on y aurait vu indiqués, élève par élève, la profession, l'état des divers parents. Eh bien, que résulte-t-il de ces tableaux ? C'est que la plupart des élèves appartiennent à des parents cultivateurs, d'autres à des propriétaires, d'autres à des hommes très haut placés dans la hiérarchie administrative. Donc il n'est pas exact de dire que tous les élèves de ces établissements n'y vont qu'en vue des bourses qui sont payées par l'Etat. Chaque année, il est vrai, des bourses sont distribuées à des jeunes gens sans fortune, à des fils de fermiers, d'agriculteurs qui n'ont pas les ressources suffisantes pour recevoir l'enseignement littéraire dans les athénées.

N'est-ce pas encore une preuve de la sollicitude du gouvernement que de venir en aide à des parents pauvres ! On prétend que les enfants reçoivent un mauvais enseignement dans ces établissements agricoles, parce qu'ils y reçoivent des bourses. Mais où irez-vous donc avec un pareil système ?

Les séminaires sont fréquentés par un grand nombre de jeunes gens qui reçoivent des bourses. Est-ce à dire que l'enseignement qui y est donné excite la répugnance des parents ? Les écoles normales du clergé sont peuplées d'un grand nombre de jeunes gens recevant des bourses de l'Etat, quoiqu'il n'en ait pas la surveillance ; est-ce à dire que l'enseignement qu'on y donne répugne aux parents et que les élèves n'y sont attirés que par l'appât des bourses ?

Trêve à de pareilles récriminations. Reconnaissez avec nous que cette répugnance que vous supposez aux parents n'existe réellement pas, puisque chaque année le nombre des élèves envoyés dans ces établissements va croissant.

Je ne parle que des élèves admis, je ne parle pas du nombre des (page 275) demandes, car on ne peut pas admettre tous ceux qui se présentent. L'honorable député de Soignies vient de vous dire que beaucoup de jeunes gens se présentent qui ne peuvent pas être admis, le nombre des élèves étant limité. Si donc nous ajoutions au nombre, des élèves qui fréquentent ces écoles, le nombre de ceux qui ne peuvent pas être admis, nous aurions une preuve de plus que la répugnance dont on a parlé n'existe que dans certaines imaginations. Un sûr moyen de faire cesser cette répugnance là où elle existe, ce serait d'examiner avec calme, sans passion, sans préoccupation politique l'état de ces écoles.

Il est étonnant que ces établissements qui ne font que commencer, qui existent à l'état d'expérience continuent à fleurir après les attaques dont elles ont été l'objet dans cette enceinte et ailleurs ; malgré les influences qui combattent ces écoles. Il est remarquable que malgré ces influences qui dans les campagnes ont un grand pouvoir sur les populations, ces écoles continuent à recevoir un grand nombre de jeunes gens boursiers ou non ; c'est un très bon témoignage qui répond aux attaques dont elles sont l'objet.

Je ne dis pas que toutes les écoles soient organisées d'une manière parfaite, qu'il n'y a rien à faire, rien à modifier, et c'est ce qu'on a fait d'année en année. Nous n'avons pas entendu jeter, dès le premier jour, dans un moule parfait les écoles d'agriculture ; ce sont des établissements nouveaux qui supposent des tâtonnements, des expériences. Voilà pourquoi on devait les organiser d'abord adminislrativement, on ne pouvait pas les enchaîner dans les liens de la loi.

Maintenant que ces écoles existent depuis trois ans, qu'elles ont été inspectées avec beaucoup de soin, qu'on a pu reconnaître ce qu'elles renferment de bon et ce qu'elles présentent d'incomplet et ce qu'il faut modifier, il y aura moyen de faire une loi sur l'enseignement agricole.

Je doute cependant qu'on puisse encore, dans la session actuelle, nous occuper utilement de ces écoles.

Je le désire, mais rien n'est urgent, je suis parfaitement tranquille dès aujourd'hui sur l'avenir de l'enseignement agricole. Je ne crois pas qu'il puisse être sérieusement question de nier leur utilité. Quand un projet de loi sera présenté, une discussion approfondie pourra avoir lieu.

Mais maintenant je crois pouvoir dire que la plupart des écoles établies seront maintenues comme répondant à leur destination. Trois écoles établies dans des communes ont été subsidiées à la demande même des administrations communales. Je citerai celles de Verviers, de Chimay, de Tirlemont. Voilà trois établissements pour lesquels les communes ont demandé des subsides.

Je crois qu'après la loi future d'organisation, vous conserverez les subsides à certaines localités qui ont demandé à établir des écoles agricoles... (Interruption.)

Je vous avertis que le nombre ne sera pas diminué ; je viens de démontrer que, dans l'état actuel des choses, les deux tiers des écoles sont reconnues bonnes, n'ont pas été attaquées, mais louées ; je crois que vous ne diminuerez pas le nombre ; du reste, M. le ministre examinera avec soin toutes ces questions avant de proposer le projet de loi.

M. le ministre en annonçant ce projet a fait toute réserve suffisante contre les motifs qui l'auraient engagé à faire cette promesse. Je pense qu'il ne subit ici aucune pression, qu'il n'a pas fait cette promesse par suite de l'amendement proposé et retiré par un représentant de Turnhout ; il a fait cette promesse parce qu'elle avait été faite avant lui, qu'elle était dans les vues de tout le monde ; je pense qu'il n'a cédé à aucune pression de la part de qui que ce soit.

On a dit que la section centrale avait repoussé une demande d'augmentation pour forcer le gouvernement à présenter un projet de loi. Je n'ai pas vu que la section centrale donnât cette portée à son vote ; je n'ai pas vu qu'elle voulût forcer le gouvernement à présenter un projet de loi dans la session actuelle ; l'augmentation proposée était en partie destinée à l'école de Haine-St-Pierre. Retrancher cette dépense serait frapper une des écoles dont on reconnaîtra l'utilité : la chambre avisera comme elle l'entendra, mais il est bien reconnu que le gouvernement èn promettant la loi ne fait qu'agir en toute liberté, eu toute indépendance.

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, après les derniers discours que vous venez d'entendre et surtout après la déclaration qu'a faite l'honorable député de Turnhout qu'il retire son amendement, ma tâche de rapporteur de la seclion centrale et en même temps de défenseur des propositions qu'elle a soumises à la chambre, se trouve bien simplifiée.

Les débats ont prouvé que la seclion centrale a été l'organe d'un vœu unanime, en demandant au gouvernement de présenter un projet du loi pour régler l'enseignement agricole. M. le ministre de l'intérieur a accueilli ce vœu avec sympathie ; il a déclaré au sein de la section centrale qu'il se mettrait en mesure d'y faire droit.

Dans la séance de ce jour, il a été plus précis, plus formel encore ; il est à présent hors de doute pour chacun de nous que le projet de loi organique de l'enseignement sera présenté d'ici à trois ou quatre mois, c'esl-a-dire aussitôt après que l'étude, à laquelle M. le ministre compte se livrer sans retard, sera suffisamment complète.

Le maintien du chiffre alloué pour l'exercice courant à titre de subsides et d'encouragements à l'enseignement de l'agriculture (94,500 fr., au lieu de 100,000 fr., qui sont demandés) n'est pas proposé par la section centrale dans la vue de hâter la réalisation d'une promesse, en exerçant une espèce de contrôle, comme on a paru le croire ; mais bien comme une conséquence logique de la prochaine organisation par la loi.

Durant l’intervalle qui nous en sépare, c'est le statu quo qui doit prévaloir. Ne rien innover, soit en auugmentant, soit en diminuant le chiffre du budget au littéra I, voilà la marche à suivre.

La section centrale n'a pas admis le supplément de 5,500 fr. par cette raison et elle n'a pas été arrêtée par la crainte que l'une ou l'autre école, dont l'existence est reconnue utile, pourrait être supprimée faute de ressources ; car on a pu suffire à toutes les dépenses qu'elles exigent, sur le crédit moins élevé du budget courant.

Pour 1853, le département de l'intérieur aura les mêmes ressources ; il pourra, je crois cela possible, faire quelques économies, car toutes les écoles n'exigent sans doute pas la continuation des mêmes subsides ; lous leurs élèves n'ont pas besoin des bourses qu'ils ont obtenues les années précédentes.

Mais, dût-on ne faire aucune économie, toujours est-il que l'on conserve les moyens auxquels on a eu recours cette année. Ce statu quo a paru très acceptable ; il a paru justifié en bonne logique, en attendant une situation normale.

J'espère que l'honorable ministre de l'intérieur voudra bien le reconnaître avec la section centrale et admettre avec elle la légère réduction des 5,500 fr.

La section s'est montrée conciliante, a part le motif tout spécial que je viens d'expliquer, pour maintenir le crédit du littera I en 1853.

Mais, messieurs, la discussion, durant plusieurs jours, n'a pas eu principalement en vue un chiffre plus ou moins élevé. Elle a roulé sur les mesures à prendre afin de parvenir à une bonne organisation de nos écoles agricoles ; les hommes les plus compétents de la chambre ont fait part de leurs vues, ont signale les écueils à éviter, et toute cette partie de la discussion, loin de nous causer des regrets sur le temps qui lui a été consacré, ne pouvait venir dans un moment plus opportun, eu égard aux études qu'exige la présentation prochaine du projet de loi. La discussion et les diverses considérations qu'on a fait valoir ne manqueront sans doute pas d'être mises à profit.

Sur le pied de 1852, les deux autres augmentations comprises dans le chiffre de 15,000 francs, qui forme la différence entre les deux exercices, ont été adoptées.

L'une de 4,500 fr. est destinée à porter de 5,500 à 10,000 fr. la somme allouée dans le but de concourir par des encouragements à assurer l'exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race bovine, littera C. Ces mesures, reconnues utiles, sont devenues plus générales, et il est juste que toutes les provinces soient traitées avec la même faveur ; ce n'est en définitive qu'une dépense de 1,000 à 1,100 fr. en moyenne pour chacune d'elles.

L'autre augmentation de 5,000 fr., mentionnée sous littera J., est un crédit nouveau ; il est demandé pour couvrir les frais de conférences agricoles des instituteurs primaires. Cette dépense a été très favorablement accueillie par la majorité de la section centrale, comme on l'explique dans le rapport. Elle a paru si utile, si féconde en bons résultats, que nous avons cru devoir vous proposer, messieurs, de lui donner une place au budget, même en attendant qu'elle en en ait une dans la loi.

Si la chambre nous approuve, toute la différence entre le gouvernement et la section centrale se bornera, sur ce chapitre si important de l'agriculture, à une somme de 5,500 francs.

M. Osy. - La déclaration faite pir M. le ministre de l'intérieur me dispense de dire mon opinion sur les écoles d'agriculture. Depuis longtemps, j'ai demandé à M. le ministre de l'intérieur de rentrer dans la légalité en organisant es écoles par la loi. La déclaration de M. le ministre de l'intérieur me satisfait. J'attends les actes pour voir s'il convient de conserver les établissernsnts ou d'en diminuer le nombre.

J'ai demandé la parole lorsqu'un honorable collègue de Bruges a engagé le gouvernement à se mêler de plus d'affaires ; il a parlé d'enquête qui aurait prouvé que les graines de lin de Pernau auss bonnes que celles de Riga seraient d'un prix inférieur de 25 p. c. S'il en était ainsi elles seraient assurément préférées par les négociants de Hollande et des Flandres.

Pernau, petite ville de 9,500 âmes, est un petit port sur la Baltique, où il n'y a jamais de navires ; ; on devrait en envoyer pour faire venir des graines ; l'exportation s'y fait en grand pour la Silésie, d'où l'on vient les chercher parce que ce pays est beaucoup plus rapproché de Pernau que de Riga. Dans ce dernier port, au contraire, il y a toujours un grand nombre de navires.

Je pense que le gouvernement a très bien fait de donner l'ordre de cacheter les barriques et de prendre les précautions nécessaires pour éviter ia fraude. Mais à cela doit se borner son intervention. C'est au commerce à faire les essais qu'il jugera convenables. Je combats donc formellement ce qu'a dit l'honorable M. Sinave, et j'engage le gouvernement à ne pas se mêler de cette affaire. C'est le plus grand service qu'il puisse rendre à l'agriculture et au commerce.

Je n'ai demandé la parole que pour protester contre le langage de l'honorable député de Bruges.

Si l'honorable M. Sinave, et les autres négociants de Bruges (qui est le centre du commerce des huiles) veulent faire venir des graines de Pernau, nous n'aurions pas dû attendre l'année 1852 pour en faire venir. Nous en faisons venir depuis des siècles, et la Hollande en fait de même.

(page 276) J’engage donc M. le ministre de l'intérieur à ne pas suivre le conseil qu'on lui donne de se mêler de beaucoup d'affaires. Qu'il se mêle du moins d'affaires possible, et il rendra un grand service au commerce, à l'industrie et à l'agriculture.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je ne dirai plus rien de cette pression à laquelle on vient de faire allusion. Après les explications qui ont été données, j'espère qu'on n'y reviendra plus.

Un mol sur l'appel que l'honorable rapporteur de la section centrale vient de faire au gouvernement pour qu'il retire la demande de 5,500 fr. que je crois nécessaire pour soutenir les écoles d'agriculture.

L'opinion de la chambre me paraît favorable au maintien du statu quo, et pour y parvenir, le gouvernement avait cru nécessaire de vous demander l'augmentation de 5.500 fr

L'honorable rapporteur croit que l'on peut y parvenir sans exiger cette augmentation. Il engage le gouvernement à faire l'essai. J'y consens, mais c'est à une condition : c'est que la section centrale ne persiste pas à demander la division de l'article en plusieurs paragraphes, et en voici la raison : il y a beaucoup d'objets sur lesquels le gouvernement réalise de petites économies, qu'il peut répartir sur d'autres objets en souffrance. Il parvient ainsi à suffire aux divers services dont se compose l'article du budget en discussion

Je demande donc que la chambre laisse la rédaction de cet article tel qu'il a été formulé par le gouvernement. (Adhésion.)

M. le président. - M. le ministre demande que l'article reste libellé tel qu'il a été proposé par le gouvernement et, à cette condition, il consent à réduire le chiffre des charges ordinaires à 389,500 fr.

-La discussion esi close.

L'article libellé, comme l'a proposé le gouvernement, avec le chiffre de 389,500 fr. pour les charges ordinaires et de 40,000 fr. pour les charges extraordinaires, esl mis aux voix et adopté.

Article 53

« Art. 53. Inspection de l'agriculture et des chemins vicinaux : fr. 9,000. »

M. Moxhon. - Je demande la permission à la chambre de lui dire quelques mots sur l'inspection de la voirie vicinale.

L'amélioration des chemins vicinaux est l'encouragement le plus prompt en résultat, le plus réel, le plus efficace qu'un gouvernement puisse donner à l'agriculture. De l'inspection sérieuse de ces voies de communication dépend en quelque sorte leur durée. La province que j'ai l'honneur de représenter est celle qui a déployé les plus constants efforts pour améliorer ses chemins vicinaux. Aussi je constate avec un vif regret que l'inspection y est nulle.

Dans la province de Namur, il y a par arrondissement un seul commissaire-voyer, qui est surchargé de besogne. C'est lui qui étudie et confectionne les plans, établit les nivellements, surveille les adjudications, ainsi que le contenteux de cette administration hérissée de détails. Après lui, tout le personnel se compose d'un piqueur-voyer, par canton, au traitement insuffisant de 400 fr.

De cet état de choses il résulte que l'inspection de la construction des routes est livrée à l'arbitraire de ce piqueur-voyer. Je connais des bourgmestres vigilants qui se sont vus dans la nécessité de contraindre l'entrepreneur à refaire à ses frais son travail. Les bourgmestres actifs sont l'exception ; dans bien d'autres communes, les chefs des administrations ont leurs affaires particulières à soigner, et les chemins vicinaux sont construits sans surveillance aucune.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, s'il ne pourrait s'entendre avec son collègue de l'intérieur, à l'effet de déléguer des jeunes conducteurs pour alléger quelque peu le travail des commissaires-voyers.

Il est des moments où l'administration des ponts et chaussées a peu de besogne, ce serait utilement occuper les loisirs de son personnel que d'en employer une partie à l'inspection de la construction de la voirie vicinale.

- M. Vilain XIIII remplace M. Delfosse au fauteuil.

L’article 53 est mis aux voix et adopté.

Article 54

« Art. 54. Ecole de médecine vétérinaire et d'agriculture de l'Etat. Traitement du personnel administratif et enseignant et des gens de service : fr. 55,800. »

(page 279) M. Visart. - Messieurs, l'école vétérinaire a rendu des services, elle a formé de bons artistes ; mais son chiffre est le plus élevé de ceux qui nous sont demandés ; cet établissement est le plus ancien, il coûte 128,500 fr. ; tandis que le crédit pour les douze autres institutions n’est que de 105,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur ayant pris l'engagement de présenter, le plus tôt possible, un travail complet pour l'amélioration des écoles, qui sera formulé par un projet de loi, j'espère qu'il trouvera, sans donner au corps enseignant des positions personnelles inférieures, le moyen de répartir la plupart des enseignements qui se font à Cureghem dans un ou plusieurs autres établissements ; je pense que le gouvernement n'obtiendra pas le but économique et le degré théorique à la fois et pratique qu'il veut atteindre sans créer un ou deux centres d'activité agricole plus puissants que ceux qui existent.

On porterait là les ressources de quelques écoles qui sont dans les plus mauvaises conditions. On ferait donc bien, selon moi, de réunir, sous une même et bonne direction, des rameaux qui languissent sans le secours de la pratique et qui, appartenant à la même souche, sont trop séparés aujourd'hui.

Il est d'ailleurs constaté par l'expérience que toutes les entreprises qui se font sur une grande échelle, quand elles sont bien dirigés, sont plus fructueuses, sinon moins onéreuses que les autres.

On pourrait donc admettre, dans une même exploitation, des enseignements multiples, qui, vivifiés par la pratique, n'en seraient que meilleurs.

Cela permettrait, en outre, par les restrictions, alors possibles ailleurs, de réduire les chiffres actuels du budget.

Messieurs, parmi les écoles existantes, je crois que c'est celle de Rollé qui s'approche le plus des conditions d'ensemble que je viens de préconiser ; elle est néanmoins trop à l'écart, et son terrain manque de profondeur ; et n'est pas, à cause de cela, au même degré que d'autres, susceptible d'amélioration.

Et cependant, comme exemple, et comme bénéfice, l'amélioration du sol est un des résultats que le gouvernement doit s'efforcer de faire atteindre ; les bonnes conditions pour cela, c'est d'être non le fermier, mais le possesseur d'un domaine, au moins aussi étendu que celui de Rollé, dont l'assolement est de 165 hectares ; il faudrait que le sol y eût de la profondeur. Du reste il conviendrait de choisir précisément celui qui aurait le plus d'imperfections afin de les combattre par l'art et le travail ; l'achat d'un terrain très humide, susceptible d'être assaini par le drainage, fait aujourd'hui un bon élément de spéculation.

S'il faut acquérir une pareille propriété, le choix et l'achat doivent être faits avec discernement et patience, en profitant des bonnes occasions qui peuvent se présenter ; la plus-value de cette ferme expérimentale, si elle était assez considérable, pourrait en quelques années s'approcher de 100,000 francs ; avec cela on répare des erreurs où l’on subvient à bien des charges qui sont inhérentes aux grandes entreprises, surtout à celles qui sont dirigées par le gouvernement, moins susceptible qu'un particulier de bien surveiller les détails.

Messieurs, de nos jours en France une entreprise agricole de ce genre a été dirigée par un homme qui, pour cela, figure au nombre es bienfaiteurs de l'humanité.

Une association formée dans un but où la philanthropie s'adjoignait à la spéculation, confia à Mathieu de Dombasle la direction du domains de Roville. Si, après bien des années de travail et d'utiles expériences, les comptes ne se sont pas résumés en bénéfice, une large compensation a été obtenue par les progrès que M. de Dombasle a fait faire à la science agricole, et par les nombreux élèves formés par lui, dont quelques-uns dirigent encore aujourd'hui de grands assolements avec toute l'autorité d'exemple et l'utilité de la science infiltrée dans la pratique.

M. de Dombasle, capacité rare, esprit vaste, ferme et lumineux, comme il e, faut pour impulsionner et conduire les choses difficiles, avait annexé à l'établissement une grande partie des branches les plus utiles ; eutre autres une fabrique d'instruments aratoires ; les comptes réguliers et clairs des annales de Roville portent cet article, pour d'assez fortes sommes, dans la colonne des bénéfices : d'autres branches, comme celles de graines choisies, ont aussi secouru l'ensemble des opérations par des succès assez importants. Si cet ensemble, sous le rapport pécuniaire, n'a pas répondu à l'attente des actionnaires qui ne reçoivent point de secours du gouvernement, les pertes n'ont pas été non plus considérables, et il faut les attribuer surtout au choix assez malheureux du terrain, dont une grande partie, trop rocailleuse, n'a pu être complètement bonifiée.

Un honorable préopinant a été dans le vrai, selon moi, quand il a dit que la Belgique en général n'avait point, sous le rapport agricole, à redouter la comparaison avec les autres Etats, même avec l'Angleterre ; il a dit que, pour imiter des procédés pratiqués de l'autre côte du détroit, il faudrait employer de nombreux capitaux. Il y a, vous le savez, messieurs, dans la Grande-Bretagne une aristocratie puissante encore, riche, intelligente, elle y possède la plus grande part d'un sol, en général assez ingrat, à l'amélioration duquel elle a consacré beaucoup d'or ; et c'est par ce moyen que l'on a vaincu des difficultés relativement plus grandes que celles qui ont été jusqu'ici surmontées en Belgique, où les capitaux, consacrés à cet usage, sont moins abondants, plus défiants, si je puis m'exprimer ainsi. Eh bien, messieurs, cette comparaison vient tout à fait à l’appui du système du gouvernement, qui croit devoir, dans une certaine mesure, venir en aide à l'agriculture, precisément parce qu'elle manque en Belgique des capitaux nécessaires pour se suf ire à elle-même, principalement sous le rapport des progrès scientifiques.

(page 276) - L'article est mis aux voix et adopté.

Article 55

« Art. 55. Matériel de l'école. Jury vétérinaire : fr. 72,700. »

- Adopté.

Article 56

« Art. 56. Subside à la société royale d'horticulture de Bruxelles : fr. 24,000. »

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, ce n'est pas pour combattre le crédit que je demande la parole ; je sais que le gouvernement est lié par un contrat, envers la société à laquelle l'établissement d'horticulture appartient ; mais voici l'objet de l'observation critique que j'ai à présenter.

L'on se plaint généralement que la société à laquelle cet établissement appartient use de nos subsides pour faire concurrence à ceux qui vivent modestement de la culture des plantes ; ces plantes qui n'ont pas de valeur scientifique et qui servent à orner les fenêtres des habitants de Bruxelles.

Cette société n'exploite pas même dans un but commercial, ce n'est pas le mot, c'est dans un intérêt misérable de boutique. Il me semble que cette concuirence a quelque chose d'odieux. Il me semble que cette puissante société aurait à faire quelque chose de mieux de ses capitaux, qu'elle devrait chercher à faire faire des progrès à la science botanique. Je désire donc que le gouvernement, lors du renouvellement du contrat, mette pour condition de la continuation de nos subsides, qui s'élèvent à 24,000 fr. par an, l'interdiction de ce commerce des plantes communes.

Messieurs, puisque cet article esl le dernier du chapitre de l'agriculture, je saisirai cette occasion pour demander à la chambre la permission d'adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur.

Quand on vient vous révéler des engagements de dépenses que vous n'avez pas été appelés à discuter préalablement, vous vous plaignez et vous avez raison de vous plaindre ; eh bien, messieurs, c'est dans le but de prévenir ces révélations désagréables, tardives, que je viens interpeller le gouvernement.

Le département de l'intérieur, par suite de ce déplorable système d'intervention en toutes choses, a provoqué un arrêté royal, du 16 juin dernier. Cet arrêté organise une commission de pomologie. Cette commission est chargée de publier aux frais du trésor public les Annales de la pomologie.

Ces annales sont destinées à décrire les productions de nos arbres fruitiers et à les représenter par des dessins coloriés.

Le but de mon interpellation est de prier M. le ministre de l'intérieur de vouloir nous dire quel est le chiffre de la dépense que cette publication occasionnera.

Une publication qui avait pour but de décrire et de représenter les fruits de ce pays existe depuis quatre années. Cette publication est remarquable, et j'en ai ici un exemplaire sous les yeux. Elle était dirigée par un pomologue instruit, successeur du célèbre Van Mons.

Depuis que le gouvernement a témoigné l'intention de prendre à sa charge les frais d'une publication de ce genre, la publication dirigée par l'industrie privée a dû cesser nécessairement ; les particuliers ne peuvent concourir avec des entreprises alimentées par le trésor public.

La chambre désirera savoir sans doute quelle est la nature des engagements contractés par le département de l'intérieur.

Ce sont des dépenses de cette nature qui n'ont aucun caractère d'urgence ni d'utilité bien réelle, qui sont cause que les crédits deviennent insuffisants pour des services indispensables. C'est ainsi que les dépenses du budget de l'intérieur progressent chaque année.

Les libellés si vagues des articles et des litteras du chapitre de l'agriculture permettent au gouvernement de prendre ainsi, sans notre intervention, la création de dépenses qui n'ont d'aulre but que de favoriser quelques intérêts, qui n'ont rien de commun avec l'intérêt du public.

Je demande à M. le ministre de l'intérieur de vouloir nous apprendre de quelle somme le budget sera grevé par cette entreprise.

M. Dumortier. - L'honorable préopinant a demandé comment il se fait qu'on porte au budget un subside pour la société d'horticulture de Bruxelles. Je suis à même de répondre quelques mots à cette question. Ce subside date de la création de l'établissement, sous le royaume des Pays-Bas. C'est une société particulière qui, à l'aide d'un subside du gouvernement et d'un subside de la ville, a doté la capitale d'un admirable et magnifique monument, et cette société ne pouvait rentrer dans ses frais que par la vente des produits de l'horticulture.

Il y a quelques années, messieurs, il fut question de supprimer le Jardin botanique ; c'est à l'époque où l'on a établi la station du Nord, et remarquez-le, les actionnaires ont fait alors un très grand sacrifice en ne vendant pas l'établissement, ce qui leur aurait donné un bénéfice d'au moins deux millions. Ils ont consenti à ne pas faire cet énorme bénéfice et à laisser subsister un établissement qui fait l'honneur et la gloire de la capitale, à la condition que la ville et le gouvernement augmentassent quelque peu les subsides accordés à la société. Cette transaction fut soumise à la chambre, qui l'approuva et vota l'augmentation. Il fut convenu qu'aussi longtemps que le subside serait maintenu, la société d'horticulture ne pourrait pas vendre les terrains du Jardin botanique. La ville augmenta également son subside, à la même condition.

Eh bien, messieurs, je le demande, serait-il raisonnable, pour une somme si minime, de détruire un des plus beaux établissements, je ne dirai pas de la Belgique, mais de l'Europe, une des choses qui honorent le plus la capitale ? Quand on veut être une nation, il faut avoir une capitale, et quand on a une grande capitale, il faut qu'elle représente dignement la nation. Or, une capitale représente surtout la nation par ses monuments, par ses établissements.

Je ne pense donc pas, messieurs, qu'il puisse entrer dans la tête de personne de supprimer le Jardin botanique. Remarquez d'ailleurs que ce serait faire les affaires non du pays, non de la ville de Bruxelles mais des actionnaires, qui trouveraient bien vite à vendre leurs terrains à très haut prix.

Je demande maintenant, messieurs, si les réclamations de quelques jardiniers ont la moindre valeur dans cette question ?

Evidemment la considération majeure doit primer la petite ; vous ne donnez à la société qu'un subside très minime, eu égard aux dépenses qu'un pareil établissement doit nécessiter. Le subside de l'Etat est de 24,000 fr. ; celui qui est alloué par la ville est de 12,000 fr. Pensez-vous qu'il soit possible de soutenir un établissement aussi considérable à l'aide d'une pareille subvention ? Le budget de l'établissement doit s'élever à une somme quatre fois aussi grande ; dès lors voulez-vous empêcher la société de vendre des plantes ? L'Etat donne un subside, non pour (page 277) empêcher la société de vendre des plantes, en concurrence avec des particuliers, mais pour conserver un magnifique établissement à la capitale. Je n'ai pas l'honneur d'habiter la capitale et d'être un de ses représentants, mais je verrais avec douleur la suppression d'un pareil établissement, (Interruption.)

Vous demandez que la société d'horticulture de Bruxelles ne vende pas. Mais si elle ne peut pas vendre, elle cessera d'exister. Ce n'est pas avec la subvention qui lui est allouée qu'il lui est possible de couvrir toutes les dépenses afférentes à un établissement aussi vaste, de payer l'intérêt des capitalistes qui ont fondé l'établissement. Si vous voulez empêcher cette vente, alors il faut tripler ou quadrupler la somme qui est portée au budget.

Je parlerai dans un sens tout différent d'un autre objet dont je sais gré à l'honorable M. de Man d'avoir entretenu la chambre.

Il s'agit de la publication relative à la pomologie ; quant à moi, amateur de pomologie, je dois dire que je déplore fortement cette publication. Le gouvernement ne doit pas entrer dans des opérations mercantiles ; il ne doit pas se faire éditeur de livres à l'usage du public. Le gouvernement public déjà des images populaires, des petits traités d'agriculture ; voici maintenant le tour des poires et des pommes ; mais à ce train-là vous finirez par tout publier en Belgique.

Un gouvernement doit gouverner et il doit laisser à la librairie le soin de publier les ouvrages. L'ouvrage est bon ou mauvais ; si l'ouvrage est bon, la typographie est assez avancée chez nous pour en obtenir un débit favorable ; si l'ouvrage est mauvais, pourquoi le faire éditer par le gouvernement ?

C'est un déplorable système de vouloir mettre le gouvernement en toute chose ; le gouvernement arrive à tout faire ; et il lui faudra bientôt des filatures de coton, des filatures de lin ; il n'y a pas de motifs pour qu'il s'arrête. Ce système ne peut être admis. Que le gouvernement administre la chose publique, c'est là sa mission. Si vois prenez la place des industries particulières, vous cessez d'être un gouvernement.

J'invite M. le ministre de l'intérieur à veiller à la suppression de toutes ces mesures que je regarde comme de véritables abus.

Encore une fois, que le gouvernement administre, mais qu'il ne se mêle pas de faire des publications pour son compte.

M. Prévinaire. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier a placé la question du subside de 24,000 fr. sur son véritable terrain. Ce subside a son origine dans un contrat qui est intervenu lors de la création de l'établissement. Cet établissement remonte à une époque antérieure à 1830. Quand le contrat primitif est expiré, les parties ont fait une nouvelle convention qui les laisse parfaitement indépendantes, c'est-à-dire que le jour où la société ne recevra plus le subside, elle sera libre de disposer de son terrain.

L'Etat donne son subside à certaines conditions ; l'honorable M. Dumortier en a indiqué une, c'est celle du maintien de l'établissement. En second lieu, l'établissement ne cultive pas seulement des plantes pour le commerce ; elle cultive encore des plantes scientifiques ; elle a donc un but de science qui peut justifier, dans une certaine mesure, l'allocation du subside.

Jamais le gouvernement n'a subordonné l'allocation du subside à la condition que la société ne ferait aucune concurrence aux particuliers. A cet égard, la société est parfaitement libre d'agir comme elle l'entend.

On a prétendu que la société se trouvait dans une situation des plus prospères. Je me bornerai à faire remarquer que les actionnaires ne retirent pas plus de 4 p. c. de leurs capitaux, de sorte qu'il y anrait un avantage évident pour eux à aliéner leur immeuble ; ainsi, les actionnaires font preuve de désintéressement, s'imposent un sacrifice, en se contentant d'un intérêt de 4 p. c.

On a parlé des ventes que fait la société, mais ces ventes sont presque insignifiantes.

L'accès du jardin est ouvert au public trois fois par semaine ; mais la société ne fait pas la moindre difficulté à y admettre le public plus souvent.

M. Delehaye. - Messieurs, je ne comprends pas comment il se fait qu'une société qui, au dire d'un honorable membre, fait un sacrifice considérable de 2 à 3 millions, doive aller faire concurrence à de petits jardiniers.

On a fait de cette société un éloge pompeux qu'elle ne mérite pas. Le jardin botanique de la capitale est admirablement situé ; il plaît beaucoup à la ville de Bruxelles ; mais comme jardin botanique c'est incontestablement le jardin botanique le plus imparfait du royaume. (Interruption.) Je parle des jardins botaniques que l'on trouve dans les chefs-lieux de province.

A l'exception d'une belle collection de palmiers, le jardin botanique de Bruxelles ne cultive que des plantes de commerce. (Interruption.) Ohl je l'ai visité très souvent, je l'ai examiné en détail ; et comme le disait tout à l'heure l'honorable M. de Breyne, je n'en parle que parce que je l'ai vu bien des fois par moi-même.

Maintenant, j'attache le plus grand prix à ce que la ville de Bruxelles possède un jardin botanique digne de la capitale et que ce jardin soit public ; et dans ce but, je consens à ce que l'Etat fasse des sacrifices. Mais je dis qu'on est en droit d'exiger que le jardin botanique de Bruxelles, dans les conditions où il se trouve, doté d'un subside de 24,000 fr. par l'Etat et recevant une subvention de 12,000 francs sur la caisse communale ; on est en droit d'exiger que le jardin botanique de Bruxelles soit autre chose que ce qu'il est aujourd'hui. Je répète qu'il n'y a pas dans un chef-lieu de province en Belgique un jardin botanique qui ne soit plus riche que celui de Bruxelles.

Il me semble qu'un établissement qui reçoit 56,000 fr. de subvention pourrait se dispenser de faire le commerce des fleurs. Ce commerce doit être laissé aux petits jardiniers. C'est à eux de faire ce commerce, et si vous obligez les horticulteurs d'entrer en lutte avec ce jardin, ils succomberont ; la concurrence ne leur est pas possible.

Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur les publications auxquelles l'honorable M. Dumortier a fait allusion. J'ai fait plusieurs fois partie du congrès agricole. Chaque fois, j'y ai entendu émettre l'opinion, le vœu que cette publication fût faite aux frais du gouvernement. Le congrès agricole qui s'est réuni à Bruxelles après avoir longuement réfléchi sur cette matière a exprimé ce vœu ; mais pourquoi l'a-t-il exprimé ? Il est facile de le comprendre ; c'est parce que l'individu isolé n'a point les ressources pour faire ces publications. Le gouvernement peut consulter tous les produits généraux du pays, tandis que le particulier au contraire, doit nécessairement et forcément restreindre ses études sur une localité donnée. Or, vous le savez, messieurs, il y a telle province du pays qui produit tel fruit de préférence à tel autre ; le gouvernement peut tenir compte de ces différences, et il peut facilement les publier.

Je suis autant que l'honorable M. Dumortier ennemi de tout ce qui tend à abandonner au gouvernement ce qui peut être fait par les particuliers, mais dans l'espèce, et après le vœu exprimé par plusieurs des jurys agricoles et par le congrès agricole de Bruxelles, congrès qui avait attiré toutes les spécialités du royaume...

M. Lesoinne. - Et de l’étranger.

M. Delehaye. - Je parle surtout des spécialités du royaume, je ne tiens pas pour le moment compte des étrangers ; mais puisque enfin l'honorable M. Lesoinne appelle mon attention sur ce point, je dirai que ce sont précisément les étrangers qui s'occupent spécialement de l'horticullure qui ont émis l'opinion qu'il fallait que ces publications fussent faites sous les auspices du gouvernement. Eh bien, j'irai plus loin encore. Je sais que des personnes intéressées à ces publications y ont elles-mêmes renoncé lorsque le gouvernement a promis d'y intervenir.

Voilà des considérations puissantes, et qui me font engager le gouvernement à persister dans la publication qu'il avait entreprise.

M. Dumortier. - Je viens d'entendre l'honorable préopinant soutenir des choses qu'il m'est impossible de laisser passer sous silence. L'honorable membre prétend que le Jardin botanique de Bruxelles ne possède que des collections qui ne sont pas dignes de cet établissement. Quant à moi, qui me suis un peu plus occupé de botanique que l'honorable membre, je déclare le contraire, et je dis que le Jardin botanique de Gand est bien loin d'être aussi complet que la nôtre. (Interruption.) Laissez à chacun ce qui lui appartient et ne venez point prétendre ici des choses que des hommes qui connussent la science vous contesteront.

Maintenant l'honorable M. Delehaye voudrait encore que le jardin ne vendît plus de planles propres à la culture. Dire à la Société d'horticulture de ne plus vendre de plantes propres à la culture, c'est fermer l'établissement. Ce n'est pas que cela produise des sommes considérables, mais toujours faut-il couvrir les dépenses nécessaires à l’établissement.

Si vous voulez lui enlever cette vente, augmentez votre subside ; mais personne ne sera disposé à le faire. Mais jusque-là, vous ne le pouvez pas ; d'ailleurs, un contrat existe ; aussi longtemps qu'il existe, l'établissement ne peut pas être vendu.

L'honorable M. Delehaye dit que les jurys et les congrès agricoles ont émis le vœu que les publications de pomologie fussent continuées par le gouvernement. Qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve que les personnes qui composaient ces jurys ne connaissaient pas l'objet qu'elles jugeaient, car des connaisseurs en pomologie n'ont pas besoin d'ouvrages pareils. Encore une fois, on apporte des entraves à l'intérêt privé. Quel est en Belgique l'éditeur, l'imprimeur, qui voudrait éditer de tels ouvrages, lorsque le gouvernement lui fait concurrence ?

Mais il est question de supprimer la contrefaçon ; quand elle sera supprimée, les libraires en Belgique devront chercher à publier les ouvrages du sol afin de faire vivre leurs établissements.

Le gouvernement avait un très bon moyen, c'était de faire comme on fait en pareille matière, c'était de prendre un certain nombre d'imprimeurs, afin de faciliter la publication ; mais permettre au gouvernement de se faire marchand de livres, ce n'est pas possible. Vous faites du gouvernement, non pas un gouvernement national, mais un gouvernement de boutique.

M. de Man d'Attenrode. - Mon but en demandant la parole sur l'article concernant l'établissement d'horticulture de Bruxelles a été de provoquer de la part du gouvernement des éclaircissements sur la publication des annales de la pomologie.

Aussi n'ai-je contesté en aucune manière le crédit en question.

L'honorable député de Gand qui vient de prendre les annales de la pomologie sous son patronage, s'est fondé sur ce qu'un congrès d'agriculture aurait émis le vœu que le gouvernement se chargeât de leur publication.

Je m'empresse de déclarer que cet honorable membre est dans l’erreur. La quatrième section du congrès agricole qui s'est réuni en 1847, a émis, en se séparant, l'opinion, je dirai plutôt le vœu, que le (page 278) gouvernement s'abstînt d'intervenir par des subsides dans l'industrie horticole, La quatrième section s'est fondée sur ce que l'intervention du gouvernement était plus nuisible que favorable au développement et aux progrès de cette industrie.

Ce vœu a été consigné dans son procès verbal. Aussi est-ce avec étonnement que j'ai vu que le prospectus des annales de pomologie invoquait en faveur de l'intervention de l'Etat le vœu du congrès agricole.

Avant de me prononcer plus explicitement sur l'intervention du gouvernement dans cette matière, je désire savoir quel est le chiffre de la dépense que cette intervention occasionnera.

Il convient que M. le ministre s'explique.

M. le président. - Le chiffre n'est pas contesté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je n'aurai que quelques mots à dire pour répondre à l'honorable M. Dumortier. Toute cette discussion me paraît inopportune ; car le subside est accordé en vertu d'un contrat, qui expire dans deux ans.

Dès lors, à quoi bon nous préoccuper maintenant de ce qui ne se présentera que dans deux ans ?

Faut-il que le gouvernement se défende du reproche qu'on lui adresse d'être un gouvernement de boutique, s'occupant de toute autre chose que de ce qui le regarde ? Mais à quoi s'adresse ce reproche ? A un faible encouragement accordé à la publication d'un ouvrage recommandé par beaucoup d'hommes pratiques, encouragement sur l'importance duquel je pourrai, à la prochaine séance, vous donner des renseignements plus précis.

Je pense qu'il est inutile d'insister davantage sur un objet de si mince importance.

M. le président. - Le chiffre n'a pas été contesté.

- Plusieurs membres. - On n'est plus en nombre.

M. le président. - Je rappelle à la chambre que la séance de demain commencera par la nomination du bibliothécaire. M. le président m'a demandé de prier la chambre de fixer sa séance de demain à une heure, attendu qu'il y a des sections centrales.

- La séance est levée à 5 heures moins un quart.