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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 27 mai 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1497) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur de Bavay, directeur du trésor à Hasselt, ancien ministre des travaux publics, demande que la réclamation qu'il a présentée à M. le ministre des finances à l'occasion du projet de loi concernant les pensions ministérielles, soit soumise à l'examen de la chambre. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Des habitants d'Hérinnes prient la chambre d'accorder à la société Zaman la concession d'un chemin de fer de Tubize aux Acren par Enghien. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à cette concession.


« Le sieur Delaveleye, ingénieur civil à Bruxelles, qui demande la concession d'un chemin de fer de Louvain sur Maestricht, par Aerschot, Diest et Hasselt, avec embranchement de Bilsen sur Liège, par Tongres, présente des observations en faveur de ce projet. »

M. Vilain XIIII. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui est chargée de l'examen du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Hasselt à Maestricht, la commission des pétitions ne pouvant plus faire un rapport avec que cette section centrale n’ait déposée son travail.

- Le renvoi à la section centrale est ordonné.


« Le conseil communal de Sluisen demande que les concessionnaires du chemin de fer de Hasselt vers Maestricht soient tenus de construire un embranchement de Bilsen à Tongres et de cette ville à Liège, et prie la chambre de ne pas accorder au sieur Benard la concession d'un chemin de fer de Liège à Hasselt par Cortessem. »

« Même demande du conseil communal de Mall. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Rœulx prie la chambre d'accorder à la société Houdin et Lambert la concession d'un chemin de fer destiné à relier le Hainaut aux Flandres. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Nicolaï, sous-brigadier des douanes, demande l'autorisation d'administrer gratuitement aux malades abandonnés par les médecins le spécifique dont il a fait usage pour les maladies ophthalmiques. »

- Même renvoi.


« La commission administrative des hospices civils de la ville de Bruges réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le redressement des erreurs commises au préjudice de ses administrés lors de la liquidation des arrérages des rentes à charge de la France. »

- Même renvoi.

M. Osy. - Une pétition semblable émanant de la commission administrative des hospices civils de Messines nous est arrivée. Je demande que la commission des pétitions soit priée de faire un prompt rapport sur ces deux pétitions. Il s'agit d'une question très importante.

- Cette proposition est adoptée.


« Des électeurs à Montroeul-au-Bois demandent que les élections aux chambres se fassent dans la commune ou du moins au chef-lieu du canton. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Des habitants de Maulde demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

- Même renvoi.


« Par messages du 26 mai, le sénat informe la chambre qu'il a adopté :

« 1° Le projet de loi contenant le budget du ministère des affaires étrangères pour l'exercice 1854 ;

« 2° Le projet de loi qui ouvre au département de la guerre un crédit provisoire de 4,000,000 de fr. »

- Pris pour notification.

Projet de loi augmentant le personnel de la cour d’appel et du tribunal de première instance de Bruxelles

Discussion des articles

Article 5 nouveau

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 5 nouveau proposé par la section centrale et ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à maintenir dans la position de disponibilité les conseillers qui en f’ront la demande. »

- Personne ne demandant la parole, cet article est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

La chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif du projet de loi.

Second vote des articles

Article premier

M. le président. - Voici l'article premier :

(erratum, page 1512) « Le personnel de la cour d'appel de Bruxelles est porté à vingt-huit membres, savoir : un premier président, trois présidents de chambre et vingt-quatre conseillers. »

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

Il est procédé au vote par appel nominal, qui donne le résultat suivant :

70 membres sont présents.

46 adoptent.

24 rejettent.

En conséquence, l'artcle premier est définitivement adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Ad. Roussel, Ch. Rousselle, Thibaut, Thiefry, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Ernest Vandenpeereboom, Verhaegen, Vermeire, Vilain XIIII, Ansiau, Coomans, de Baillet (Hyacinthe), de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Liedekerke, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de T’Serclaes, Dumortier, Janssens, Jouret, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lelièvre, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moxhon, Orban et Delfosse.

Ont voté le rejet : MM. Pierre, Sinave, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vander Donckt Van Iseghem, Van Renynghe, Visart, Closset, Dautrebande, David, de Breyne, de Bronckaert, de Haerne, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Pitteurs, de Portemont, Jacques, Lebeau, Lesoinne, Maertens, Magherman, Moreau.

Article 5

L'article 5, qui a été rejeté lors du premier vote, est soumis de nouveau au vote ; il est définitivement rejeté.

Article 5 (nouveau)

« Art. 5 nouveau. Le gouvernement est autorisé à maintenir dans la position de disponibilité les conseillers qui en feront la demande. »

Cet article 5 nouveau, qui n'a pas été adopté lors du premier vote, est remis en discussion.

La parole est à M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne sais pas si la chambre s'est rendu un compte bien exact de la portée de cet article. Il m'avait paru que les explications qui ont été fournies dans le rapport de la section centrale étaient de nature à faire écarter toute hésitation. J'ai proposé en section centrale d'ajouter au projet l'article en question, et je vais en faire connaître la portée. Je m'abstiendrai de citer des noms propres dans cette enceinte ; je me bornerai à dire qu'il existe encore deux conseillers de la cour d'appel de Bruxelles qui ont profité de la disposition de l'article premier de la loi du 15 juillet 1849, et qui ont demandé leur mise en disponibilité. Il n'y a dans le royaume aucun autre magistrat dans cette position ; tous les magistrats de la cour d'appel de Liège qui avaient demandé leur mise en disponibilité ou bien sont décèdes, ou bien ont été rappelés à l'activité.

A la suite de la loi que la chambre va voter, l'un des deux conseillers de la cour d'appel de Bruxelles sera rappelé à l'activité ; je serai obligé de rappeler le second qui est dans un état de santé fâcheux, si la chambre ne m'autorise pas à le maintenir dans la position qu'il occupe. Voilà toute la portée de l'article 5 nouveau, il s'agit de régulariser la position de ce conseiller et d'écarter toute espèce de doute sur le pouvoir du gouvernement.

Je pense donc qu'il y a eu un véritable malentendu dans le rejet de l'article 5 ; j'espère que la chambre, mieux éclairée, voudra bien revenir sur son premier vote, et adopter l'article.

M. Coomans. - Si j'ai bien compris l'honoraire ministre de la justice, l'article 5, dont il demande le rétablissement, s'appliquerait à un seul conseiller. S'il en est ainsi, je voterai pour son adoption. (Interruption.)

(page 1498) M. le ministre de la justice (M. Faider). - Ce magistrat resterait dans la position qu'il occupe, c'est-à-dire qu'il serait en dehors des 28 conseillers en activité. L'article ne peut pas être entendu autrement.

- La discussion est close.

L'article 5 nouveau est adopté.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je demanderai que cet article soit reporté sous le n°3 et avant l'article relatif au tribunal de première instance afin que toutes les dispositions relatives à la cour d'appel se suivent.

M. le président. - D'après la proposition de M. le ministre, l'article 5 nouveau prendrait la place de l'article 3 qui a été rejeté.

- Cette proposition est adoptée.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

En voici le résultat :

67 membres répondent à l'appel.

61 membres répondent oui.

6 membres répondent non.

- La chambre adopte le projet de loi.

Il sera transmis au sénat.

Ont répondu non : MM. Vander Donckt, Dautrebande, David, de Portemont, Jacques et Magherman.

Ont répondu oui : MM. Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Sinave, Thibaut, Thierry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Van Iseghem, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Brixhe, Coomans, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, de Bronckaert, de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Desmaisières, de T'Serclaes, Janssens, Jouret, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Maertens, Manilius, Mascart, Mathieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban et Delfosse.

- La chambre décide qu'elle se réunira demain à une heure.

Projet de loi prorogeant la loi sur la libre entrée des machines

Second vote de l’article unique

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'amendement introduit dans le premier alinéa de l'article unique du projet de loi, ainsi conçu :

« La loi du 24 mai 1848, qui autorise le gouvernement à accorder l'exemption des droits d'entrée sur des machines, métiers et appareils nouveaux ou perfectionnés, est remise en vigueur, à partir du 25 mai 1853 jusqu'au 24 mai 1855 inclusivement. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - A l'occasion de cette discussion, je demanderai à la chambre la permission de présenter les observations du gouvernement sur les amendements proposés par la section centrale et sur un amendement proposé par l'honorable M. Osy.

M. Delfosse, s'adressanl à M. le ministre de l'intérieur. - La discussion n'est ouverte, en ce moment, que sur le premier amendement relatif à la durée de la loi ; c'est un amendement auquel vous vous êtes rallié, lors du premier vote.

M. Rogier. - Je demande à expliquer mon vote sur l'article premier et sur la loi en général.

Lors de la première discussion, j'avais soutenu, conformément à la proposition du gouvernement, conformément à l'avis de toutes les chambres de commerce, qu'il y avait lieu de donner à la loi nouvelle une durée de cinq années.

Aucun inconvénient sérieux n'avait éié révélé par suite de l'exécution de la loi. Tous les intérêts consultés en demandaient le maintien pour cinq années. On était donc autorisé à croire à l'adoption de la proposition du gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur n'ayant pas maintenu sa proposition sans nous donner toutefois les motifs de ce changement d'opinion, la loi se trouve réduite à une durée de deux ans.

Le principe consacré par la loi est excellent ; les résultats ont été très favorables ; je ne puis donc pas voter contre la loi qui consacre ce principe pour deux ans. J'aurais voulu le voir consacrer de nouveau pour cinq ans. Mais j'accepte le moins, n'ayant pu obtenir plus. Je ne doute pas que dans deux ans le principe, qui a été trouvé bon depuis vingt ans, ne continue à être trouvé bon, et dès lors ce sera une nouvelle loi de prorogation que nous aurons à faire dans deux ans, au lieu d'avoir à le faire dans cinq ans.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La contradiction que l'on vient de signaler dans la conduite du gouvernement entre sa première proposition et l'adhésion qu'il a donnée à la proposition de l'honorable M. Rodenbach, n'existe pas en réalité. Le changement survenu dans les idées du gouvernement à cet égard provient d'un fait nouveau qui est survenu depuis la présentation de la loi, à savoir l'étude qui a été faite d'un système nouveau tendant à substituer au régime actuel un abaissement général du tarif protecteur, et à faire ainsi disparaître toutes les difficultés que la loi du 24 mai 1848 a présentées aux yeux, de quelques personnes dans son exécution.

Le gouvernement a étudié la possibilité d'arriver à un système uniforme, et c'est parce qu'il a aperçu la possibilité de faire une proposition nouvelle dans le cours de deux ans, qu'il s'est rallié à l'article limité comme le proposait l'honorable M. Rodenbach.

Voilà comment les faits se sont passés. Il n'y a donc pas de contradiction dans la conduite du gouvernement. Je crois que la loi a produit d'excellents effets ; mais invité par plusieurs chambres de commerce, et par la chambre elle-même, à voir s'il n'y a rien de mieux à substituer à la loi, le gouvernement a cru devoir le faire et a pu accepter le terme de deux ans.

M. Osy. - L'honorable M. Rogier a voulu expliquer les motifs qui le faisaient voter pour la loi bien qu'il eût soutenu le terme de cinq ans. Je suis dès lors obligé de dire pourquoi nous avons proposé le terme de deux ans au lieu de celui de cinq. C'est que nous ne trouvons pas la loi excellente. Nous croyons au contraire qu'elle doit être modifiée dans le sens que nous avons indiqué ; c'est-à-dire qu'il faut établir un droit de douane très minime pour tout le monde, et ne plus maintenir d'exception pour personne. Car ces exceptions peuvent donner lieu à des mesures de faveur, à de très graves erreurs. Je vous ai dit que souvent les présidents des chambres de commerce sont très embarrassés pour donner leur avis, parce que quelquefois on a fait des exceptions pour des machines qui ne les méritaient pas, ou refusé l'exception pour des machines qui en étaient dignes.

J'ai donc proposé l'amendement de deux ans, parce que j'espère que d'ici là le gouvernement adoptera un système tel qu'il n'y ait plus d'exception pour personne, mais qu'il y ait un droit général très minime à l'entrée, pour que chacun puisse soit faire venir ses machines de l'étranger, soit les faire exécuter dans le pays, comme il le jugera convenable.

J'ai entendu tant de plaintes sur le système d'exception que nous avons aujourd'hui, que je ne pourrais plus à l'avenir m'y rallier. Je conçois qu'à la fin d'une session, il soit impossible de bouleverser une loi pareille. Aussi en avons-nous voté la prorogation, mais pour deux ans seulement, dans l'espoir que d'ici à cette époque le gouvernement nous proposera à un autre système.

M. Rogier. - Je n'admets pas que la chambre s'associe à la pensée de l'honorable M. Osy. L'honorable membre personnellement croit que le gouvernement, après deux années d'étude, apportera ici un projet de loi qui aura pour but d'établir un droit modéré sur toutes les machines sans distinction. Moi, j'ai l'opinion qu'il faut un droit modéré sur les machines en général, et qu'il faut la libre entrée des machines entièrement nouvelles.

Voilà mon principe. Je ne crois pas que la chambre, en votant les deux années, ait entendu s'associer à la pensée de l'honorable M. Osy ; toutes les opinions se trouvent réservées.

De quoi s'agit-il ? D'une question excessivement simple qui ne demande pas deux années d'etude, qui demande tout au plus huit ou quinze jours après toutes les enquêtes qui ont eu lieu. Faut-il admettre avec un droit modéré les machines de fabrication étrangère ? Telle est la question qui reste à décider. Tous les jours on résout des questions plus importantes. Nous ne pouvons donc admettre qu'on ait donné deux ans au ministère pour étudier cette question qui n'a rien de compliqué.

L'honorable M. Osy vient dire que des présidents de chambres de commerce se sont plaints des difficultés qu'ils éprouvaient, lorsqu'il s'agissait de donner leur avis sur la nature d'une machine.

J'oppose à cette opinion de je ne sais quels présidents de chambres de commerce, les avis des chambres de commerce mêmes qui ont trouvé la loi excellente, qui ont demandé qu'elle fût prorogée pour cinq ans, qui ont insisté pour le maintien du principe de la libre entrée des machines nouvelles.

Voilà ce que les chambres de commerce vous ont demandé. Voilà ce qui vous a été demandé par les hommes pratiques, par les fabricants qui siègent dans cette enceinte et qui ont compris par la pratique la grande utilité du principe introduit dans notre législation, non pas nouvellement, mais depuis vingt ans.

Ainsi nous faisons nos réserves de part et d'autre ; je me prononce en faveur de la libre entrée des machines nouvelles, l'honorable M. Osy en faveur d'un droit modéré sur les machines étrangères, soit qu'elles existent dans le pays, soit qu'elles soient entièrement nouvelles. Mais, rien n'est décidé à cet égard par le vote qu'on va émettre.

M. Prévinaire. - En présence des déclarations que viennent de faire M. le ministre de l'intérieur et l'honorable M. Osy, je dois aussi faire mes réserves.

Je n'entends nullement, quelles que soient les propositions qui nous soient faites ultérieurement, faire l'abandon d'un principe qui a été très utilement appliqué depuis dix-neuf ans et qui a été réclamé dans le temps par les constructeurs eux-mêmes.

On peut citer plusieurs exemples de l'utilité de l'application de ce principe. Nous avons un grand nombre de nos ateliers de construction qui fabriquent aujourd'hui pour l'exportation des outils industriels qu'ils ont appris à construire par les machines introduites. Ce sont des faits constants. Je crois doue, aussi devoir faire mes réserves.

(page 1499) Je serai toujours grand partisan de la réduction, sur de larges proportions, des droits de douane sur les machines quelconques. Mais je crois que, pour les machines nouvelles, il faut maintenir dans la législation le principe qui y a été introduit depuis longtemps.

On a parlé d'une manière très vague de prétendus abus qui se seraient glissés dans l'application de ce principe. On n'a pas cité ces abus ; ce sont des argumentations qui n'ont aucune base.

La question qui nous occupe sera examinée d'une manière beaucoup plus approfondie, je l'espère, lorsque la loi viendra à expirer, si elle expire avant que la chambre ne soit saisie de la législation nouvelle sur les douanes, promise par le gouvernement. J'espère que la législature maintiendra un principe salutaire.

M. Manilius. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer aux réserves de l'honorable préopinant, mais je tiens à répondre quelques mots à l'honorable M. Rogier. L'honorable M. Rogier dit qu'il espère que la chambre ne s'associera pas à la réserve faite par l'honorable M. Osy ; mais, messieurs, la chambre s'y est déjà associé car c'est sur la proposition de l'honorable M. Osy que l'amendement a pris naissance et qu'il a été voté par la majorité ; or la majorité a nécessairement entendu que les raisons données par l'honorable M. Osy étaient fondées.

MM. Rogier et Prévinaire insistent pour avoir la preuve des plaintes dont l'exécution de la loi a été l'objet ; mais, messieurs, cela est excessivement difficile : nous ne sommes pas ici un tribunal pour faire une enquête sur des faits particuliers. Il suffit que la majorité ait la conviction que les abus existent. Il est extrêmement délicat de formuler des plaintes de cette espèce, et je dois dire que, sous ce rapport, je n'oserais pas aller si loin que l'honorable M. Osy ; je n'oserais pas dire que des présidents de chambre ont quelquefois la conscience alarmée de devoir signer des avis qui ont pour objet de déterminer le caractère des machines. Mais, messieurs, je dis que j'ai la conviction que la loi doit être modifiée et je suis, par conséquent, heureux de voir qu'elle ne durera plus que deux ans.

- L'amendement est mis aux voix et définitivement adopté.

La chambre passe au deuxième amendement ainsi conçu :

« Le premier paragraphe de l'article premier de cette loi sera terminé par les mots suivants : « Y compris les bateaux à vapeur en fer, présentant un ensemble de perfectionnements tels, qu'ils puissent être considérés commme modèles. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je viens combler aujourd'hui une lacune qui est restée dans la discussion première. Je m'étais attendu à ce qu'il y eût une discussion séparée sur chacun des amendements, je me suis trompé ; je me félicite que du moins le second vote me permette de revenir sur l'amendement dont nous nous occupons en ce moment et de vous expliquer en peu de mots les motifs qui portent le gouvernement à s'opposer à l'adoption définitive de cet amendement.

Messieurs, l'amendement dont il s'agit a été introduit à la suite d'une observation faite au sein de la section centrale à l'occasion d'un bateau commandé pour le service de l'Escaut à Anvers. On s'est demandé à cette occasion s il ne conviendrait pas d'étendre le bénéfice de la loi aux bateaux. La section centrale a déclaré que cette extension était désirable et elle l'a votée.

Dans la chambre, messieurs, l’honorabîe M. Osy, je pense, a fait observer que si l'amendement était bon, il devait l'être non seulement, pour les bateaux destinés à la navigation intérieure, mais aussi pour les bâtiments de long cours, et je dois reconnaître que cette observation est logique ; mais, messieurs, le gouvernement croit devoir s'opposer à l'une et à l'aune de ces extensions.

Remarquez bien, messieurs, que les machines ne sont pas ici en cause : les machines destinées aux bateaux à vapeur ont toujours pu invoquer le bénéfice de la loi comme toutes les autres machines ; il s'agit des bateaux eux-mêmes. Or, le gouvernement a pensé, messieurs, que dans l'état actuel de cette industrie qui consiste à construire des bateaux à vapeur en fer, il n'est pas nécessaire de recourir à la mesure proposée la section centrale. Nous possédons, en effet, depuis de longues années, des chantiers de construction, qui non seulement construisent pour l'intérieur, mais qui sont encore favorisés des commandes des pays étrangers, commandes qui ont toujours été remplies de la manière la plus complète. Nous possédons des chantiers de construction qui ont exposé dans ce genre d'industrie des capitaux considérables. Faut-il en étendant la libre entrée aux bateaux eux-mêmes, porter atteinte à cette industrie qui ne s'est pas établie sans difficulté ? Car les capitaux ne s'obtiennent pas pour une industrie de cette nature comme ils s'obtiennent pour d'autres entreprises.

D'après le gouvernement, la mesure qu'on propose nuirait aux établissements existants et qui suffisent aux besoins ; non seulement on porterait le découragement dans ces sortes d'entreprises qui prospèrent en Belgique, mais on déclarerait, en quelque sorte, en face de l'Europe, l'impuissance des ateliers belges pour ces sortes de constructions. Vous semble-t il, messieurs, qu'une déclaration de cette nature serait prudence dans la situation où nous sommes ?

Ne pensez-vous pas que c'est assez faire pour le perfectionnement des machines étrangères, que de permettre la libre entrée quand il s'agit de machines destinées aux bateaux à vapeur, sans qu'il faille encore étendre la mesure aux bateaux eux-mêmes ? Le gouvernement ne le pense pas, et je prie la chambre de réfléchir aux conséquences qui en résulteraient pour l'industrie nationale.

Messieurs, une autre considération dont il importe de se préoccuper et qui a vivement impressionné le gouvernement quand il a examiné la proposition de la section centrale, c'est qu'il s'agit ici des intérêts du trésor. Savcz-vous ce que rapportent au trésor les droits perçus sur un bateau à vapeur ? Une somme de 25,000 à 30,000 fr.

Maintenant, messieurs, les navires étrangers destinés à la navigation de long cours sont-ils dans l'impuissance d'entrer en Belgique sans supporter des droits si élevés ? Pas le moins du monde. D après la législation actuelle, tous ceux qui veulent introduire un navire ont un moyen tout simple, c'est de le faire nationaliser. De cette manière, ils ne payeront qu'un droit de 15 fr. par tonneau.

D'un autre côté, nous aurons l'occasion d'accorder bientôt de nouvelles facilités à la construction des navires ; une loi se prépare pour dégrever les matériaux qui doivent servir à ces sortes de constructions. Nous avons donc les moyens d'en multiplier le nombre, d'une part par la nationalisation, d'autre part par le dégrèvement des droits.

Eu égard à ces dernières considérations, j'engage la chambre à repousser l'amendement de la section centrale.

M. Vermeire. - Messieurs, je remercie M. le ministre de l'intérieur des arguments qu'il a dit valoir en faveur de la construction des navires à vapeur en Belgique. Seulement je regrette que quand j'ai élevé la voix en faveur de la construction des navires en bois, le ministère m'ait combattu par des arguments opposés. C'est là faire usage de deux poids et de deux mesures. Quand j'ai dit que la construction des navires en bois périclitait en Belgique, qu'on n'avait plus construit de nouveaux navires depuis deux ans, que c'était une industrie flamande qui allait périr entièrement, que me répondait-on ? Ayez patience, oa proposera un projet de loi qui vous donnera satisfaction.

Toutefois rien n'a encore paru ; et aujourd'hui qu'il s'agit de la construction des bateaux à vapeur en fer, industrie qui s'exerce dans une autre partie du pays, on vient argumenter de la nécessité de protéger cette industrie ! N'oubliez pas, messieurs, que les bateaux à vapeur constituent la perfection dans la navigation si vous voulez écouler avec facilité vos produits à l'étranger, vous devez en faire usage et à ce point de vue l'entrée en franchise de droits de ces navires serait justifiée, si elle avait pour résultat d'en augmenter le nombre.

Ces seules considérations me suffisent pour dire que, dans l'espèce, le gouvernement ne me paraît pas agir avec une entière impartialité ; en d'autres termes, qu'il semble faire usage, comme je l'ai déjà dit, de deux poids et de deux mesures.

M. Vander Donckt. - Messieurs, je comprends difficilement que la section centrale ait proposé l'introduction, en franchise des droits, des bateaux à vapeur, alors que la section centrale, comme une grande partie de la chambre, a réduit la durée de la prorogation de la loi à deux ans. On trouve qu'on doit abolir toute faveur, quant à l'introduction des machines neuves, et cependant on propose d'exempter des droits d'entrée les bateaux à vapeur.

Dans la section centrale, on a agité longuement la question de savoir si la faveur de la restitution serait accordée à la machine ou au bateau lui-même ; on s'est montré assez disposé à accorder la franchise à la machine ; mais on a cru que jamais ce privilège ne devait s'étendre à la construction du bateau lui-même.

C'est en quelque sorte un contre-sens. Dans un moment où la chambre semble incliner pour la suppression des privilèges, veut ne proroger la loi actuelle que pour deux ans, dans ce moment on propose d'établir un privilège, infiniment plus large, en faveur des bateaux à vapeur ; de l'étendre, non pas seulement à la machine, mais au bateau lui-même. C'est ce que je ne puis admettre.

Par ces motifs, je voterai contre l'amendement de la section centrale.

M. de T'Serclaes. - Messieurs, on prétend que l'amendement est une extension considérable de la loi, qu'il introduit un principe nouveau ; la loi, dit-on, statue sur les machines et métiers, vous voulez que la faveur s'étende aux bateaux entiers, à la coque comme aux locomotives. Certainement, messieurs, et il ne me sera aucunement difficile de prouver, que ce que nous demandons ne s'écarte ni des principes ni des termes mêmes de la législation existante. Celle-ci a reçu sa principale application pour l'introduction des métiers, je l'accorde, mais l'article premier s'exprime en termes extrêmement généraux : « L'exemption des droits d'entrée peut être accordée pour toute espèce de machines, métiers et appareils nouveaux ou perfectionnés. » Ce sont les mots dont le législateur s'est servi.

Or à moins de contester qu'une locomotive et son tender, un moulin et ses accessoires ne soient des appareils, on est obligé d'admettre qu'un bateau à vapeur dans son ensemble, navire et machine, forme un seul appareil, que cet appareil peut présenter dans ses deux parties des innovations ou perfectionnements, et qu'ainsi il rentre catégoriquement dans les termes de la loi. Certainement on ne peut restreindre l'application de celle-ci au plus ou moins de grandeur de l'appareil ; un bateau a vapeur est un appareil de navigation, le mot « appareil » désigne un ensemble de plusieurs outils ou machines, donc la loi peut s'appliquer aux bateaux (page 1500) à vapeur, comme aux autres appareils innovés ou perfectionnés. Il n'y a par conséquent pas lieu de s'effaroucher de cette prétendue extension de la loi, qui n'en est pas une, ni de principe nouveau dont il n'est aucunement question. L'amendement ne renferme pas d'extension de la loi, il détermine seulement l'application de celle-ci à un cas spécial.

M. le ministre de l'intérieur combat la proposition principalement parce que nous avons dans le pays des constructeurs parfaitement au courant de tous les progrès de la construction maritime. Loin de moi de contester la capacité de nos constructeurs. Mais je ferai remarquer qu'en matière de navigation les perfectionnements sont des choses extrêmement difficiles à saisir, pour lesquelles de longues études ne suffisent pas ; il faut la pratique, l'expérience de la marche des navires, la vue des modèles, l'intelligence des moyens mis en œuvre.

Un argument qui pourra produire sur vos esprits une grande impression, c'est l'exemple du gouvernement lui-même lorsqu'il s'est agi d'organiser une ligne de bateaux à vapeur entre la Belgique et l'Angleterre. Les ateliers de constructions belges existaient alors comme aujourd'hui. Qu'à fait le gouvernement pour les paquebots d'Ostende à Douvres ? Au lieu de charger nos ateliers de ce travail, il a commencé par commander à un constructeur anglais des plus renommés un navire construit d'après les derniers perfectionnements afin d'avoir un modèle. Voudriez-vous contester à l'industrie particulière ce que le gouvernement a cru devoir faire pour le service de l'Etat ? Cela me semble impossible.

Remarquez, en outre, que d'après les termes de l'amendement, son application ne peut donner lieu à aucune espèce d'inconvénient ; les termes sont tout à fait restrictifs et rentrent parfaitement dans la pensée qui a présidé à la loi qui vient d'expirer, c'est-à-dire de faciliter les améliorations, en fermant la porte à la fraude.

L'amendement dit que les bateaux à vapeur doivent présenter un ensemble de perfectionnements tel, qu'ils puissmljlre considérés comme modèles, il faut 1° qu'il y ait perfectionnement soit dans la coque, soit dans les machines, 2° qu'il y ait ensemble de perfectionnements, 3° que le bâtiment puisse servir de modèle. Voilà plusieurs éléments d'appréciation, tous faciles à saisir, et qui sera juge de leur valeur ? Ce sera le gouvernement lui-même.

Sainement appliquée, sans rigueur extrême comae sans négligence, cette disposition ne peut que rendre des services très notables à l'industrie et à la navigation. Le gouvernement est armé et il peut, en favorisant le développement à la fois de l'une et de l'autre, prévenir toute espèce d'abus.

L'honorable M. Vermeire vous disait tout à l'heure que, pour l'exportation de nos produits, les appareils de la navigation sont un objet de la dernière importance. Il est du devoir du gouvernement de favoriser, par tous les moyens à sa disposition, la multiplication de ces appareils soit en bois soit en fer. J'applaudis vivement aux observations qu'a faites à ce sujet l'honorable député de Termonde.

Moins que personne, je nierai qu'en matière de construction nous ne puissions parfaitement concourir avec nos voisins ; nom avons l'habileté manuelle, le bon marché, mais nous devons avoir les modèles, nous devons les posséder sous les yeux, lss voir fonctionner, les étudier à loisir.

Voici ce qui est arrivé au ministère des affaires étrangères. Le gouvernement a demandé le plan du meilleur paquebot à vapeur anglais, ii a fait un contrat pour ce plan, il l'a payé fort cher afin qu'il fût exact, et quand il s'est agi de l'appliquer, on a reconnu qu'il y avait une foule de détails incomplets, que plusieurs perfectionnements peu saisissables quoique fort importants, que ce que l'on appelle le tour de main n'avaient pu être compris en Belgique ; que l'on n'avait pas tenu compte de certaines améliorations pour ainsi dire fugitives, qu'enfin au lieu d'un bâtiment supérieur, on n'avait pu faire qu'un bateau médiocre. Pourquoi ? Parce que nos constructeurs n'avaient pu étudier eux-mêmes les modèles.

Les ateliers de la province de Liège n'ont à redouter quoi que ce soit par la disposition proposée : ce qui se fait pour les autres industries aura lieu dans le cas présent : à peine a-t-on introduit en Belgique nu métier nouveau, qu'il est imité dans la perfection par nos constructeurs ; ceux-ci ne demandent pas mieux, que l'introduction d'appareils nouveaux, c'est pour eux une source abondante de bénéfices, surtout si ces appareils ont fonctionné en Belgique.

M. le ministre de l'intérieur nous dit qu'on peut faire nationaliser, en Belgique, des navires construits à l'étranger sans payer les droits : mais la loi sur la nationalisation des navires étrangers ne peut en aucune façon satisfaire aux exigences des procédés nouveaux qu'on veut ici favoriser.

J'ai toute confiance, messieurs, que M. le ministre de l'intérieur, mieux éclairé sur les véritables intérêts des constructeurs belges, se désistera de l'opposition qu'il fait à l'amendement, qu'il accordera à nos moyens de transport cette facilité que nous réclamons à bon droit ; et je suis persuadé que la chambre, après avoir adopté la proposition de la section centrale à une immense majorité au premier vote, ne se déjugera pas elle-même aujourd'hui.

M. Osy. - J'avais proposé le sous-amendement, parce que je trouvais qu'il fallait mettre sur la même ligne la navigation intérieure et la navigation au long cours. M. le ministre de l'intérieur, tout eu combattant les deux dispositions, reconnaît au moins que mon amendement était logique.

Voici les raisons pour lesquelles il faut maintenir l'amendement de la section centrale.

C'est que maintenant il a été décidé qu'on n'accorderait plus de primes pour construction de navires ; est-il juste, en nous ôtant l'avantage dont nous jouissions d'avoir des primes, de nous faire payer des droits très élevés sur les matières premières telles que le bois, le fer, le cuivre ? Je sais que le gouvernement a l'intention de présenter un projet de loi pour remédier à cette augmentation de dépense ; mais nous n'avons demandé la libre entrée des navires dont il s'agit que pour autant qu'ils se trouvent dans les conditions, dans l'esprit de la loi ancienne, c'est-à-dire qu'ils présentent un ensemble de perfectionnements tels, qu'ils puissent être considérés comme modèles.

Maintenant que nous allons construire des bâtiments pour la navigation transatlantique, des navires à hélice, il faut au moins que nous puissions faire venir des modèles de l'étranger. On exemptera bien la machine du droit, mais on n'exemptera pas le navire, de sorte que si on veut faire des navires de 800 à 900 tonneaux, voyez quelle prime il faudra payer.

M. le ministre me fait espérer la présentation d'un projet de loi, mais en attendant il n'en est pas moins juste d'adopter l'amendement de la section centrale avec la restriction qu'elle y met ; car, je le répète, ainsi limité, ce n'est pas la libre entrée des navires étrangers qu'il autorise ; mais seulement de ceux qui présentent un nouveau système. Saus ce rapport, je pense que M. le ministre va au-delà de son intention et qu'il ferait bien d'adopter la proposition de la section centrale en mettant sur la même ligne la navigation intérieure et la navigation extérieure.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - L'amendement en discussion se rattache aux finances de l'Etat, je demande la permission de dire quelques mots. Si cet amendement n'avait pour but que de donner une- extension à la permission qu'a le gouvernement de laisser entrer sans payer de droits, les nouveaux modèles de mécaniques, d'outils, d'instrument de travail, je ne m'y opposerais pas. A mon avis, un gouvernement qui a besoin de conclure des traites de commerce pour l'écoulement des produits de notre industrie, qui cherche à diminuer les droits d'entrée sur les matières premières servant à notre industrie, commettrait une contradiction en percevant de hauts droits sur les instruments de travail. Mais l'amendement s'il était adopté, tel qu'il est formule, introduirait une anomalie choquante dans notre législation, il y aurait contradiction entre la loi que nous faisons et la loi sur la nationalisation des navires. Permettez-moi de vous le démontrer en peu de mots. Quand le gouvernement donne l'autorisation d'introduire en franchise des machines neuves qui ne sont pas encore connues dans le pays, il ne demande pas de quelles matières elles sont fabriquées, si elles sont en bois, en tôle, ou en cuivre, peu importe ; du moment qu'elles sont inconnues dans le pays, l'autorisation est accordée.

Eh bien, aujourd'hui, que fait-on ? On dit que par extension il faut appliquer cette disposition à la coque des navires, pourvu qu'elle soit construite en fer ; de telle sorte que si quelqu'un veut introduire un bateau à vapeur en bois, réunit-il tous les perfectionnements du monde, il devra payer un droit de 20 p. c, s'il n'a pas encore navigué, c'est-à-dire une vingtaine de mille francs, et 15 fr. par tonneau de mer s'il a des lettres de mer d'une autre puissance, tandis que si la coque est construite en tôle, le navire entrera en franchise de droit.

N'y a-t-il pas là une contradiction ? Il faut ou que tous les bateaux à vapeur présentant des améliorations telles qu'ils puissent servir de modèle entrent en franchise ou que l'amendement adopté au premier vote soit biffé. Je ne vois pas pourquoi on accorderait un privilège pour la coque d'un navire à la seule condition qu'elle fût en tôle.

Dans l'amendement, tel qu'il a été adopté au premier vote, ii y a un autre vice que je tiens à signaler. Il faut que le bateau présente un ensemble de perfectionnements tels, qu'ils puissent être considérés comme modèles.

Ici ce ne sera pas à la mécaniqus que s'appliquera la nouveauté ; il suffit que la coque ou toute autre disposition du navire soit telle qu'on puisse la considérer comme construction nouvelle.

Si cet amendement était définitivement adopté, je pense qu'en fait il n'y aura plus un seul navire à vapeur en fer introduit dans ce pays en payant le droit à la douane.

Rien de plus simple que d'obtenir des constructeurs étrangers un système nouveau qui puisse servir de modèle pour d'autres constructions à établir sur le même destin ; dès que vous voudrez un modèle nouveau, tout ingénieur vous en donnera, non pas un, mais dix. Puisqu'il y aura une dizaine de mille francs à gagner le fabricant donnera à l'ingénieur étranger la mission de faire un modèle qui ne soit pas en Belgique, Je le répète, si l'amendement passe tel qu'il est conçu, il n'y aura plus un seul bâtiment à vapeur en fer qui sera introduit en payant les droits sur la nationalisation.

Je me résume. A moins d'établir une contradiction dans votre législation, vous devez étendre la disposition à tous les bateaux à vapeur on faire disparaître l'amendement.

J'ai entendu un honorable député de Termonde s'étonner de voir le gouvernement prendre la défense des bateaux en fer, et garder le silence quand il s'agit des bateaux en bois.

Je viens de faire voir que j'attache la même importance aux uns qu'aux autres. Il se trompe s'il croit que le gouvernement ne présentera aucune disposition en ce qui concerne les bateaux en bois.

(page 1501) Vous savez qu'il entre dans les intentions du gouvernement de dégrever les matières premières servant à nos industries ; plusieurs de ces matières premières sont employées à la construction des bateaux en bois. Le gouvernement ne pouvait en faire l'objet de deux projets de lois distincts : l'un qui aurait compris toutes les matières premières servant à la construction de ces navires et un autre qui aurait compris les matières premières servant aux autres industries ? N’était-il pas plus simple de réunir dans un seul projet toutes les matières premières, aussi bien celles qui servent à la construction des bateaux en bois, que celles qui servent aux autres industries ?

C'est ce travail qui est élaboré. Mais je me rendrais presque ridicule, en présentant, à la veille de votre séparation, une loi de cette importance.

Je crois en avoir dit assez pour démontrer que la chambre doit prendre l'une ou l'autre de ces décisions : ou rejeter l'amendement de la section centrale, ou y effacer les mots « en fer ».

M. Lesoinne. - J'ignore la portée de l'amendement adopté au premier vote sur la proposition de la section centrale. Je ne sais quel est le nombre des bateaux à vapeur que l'on a introduits en Belgique.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Il y en a eu deux l'année dernière.

M. Lesoinne. - Mais je suis aussi de l'avis de M. le ministre, que si l'on veut rendre la loi juste, il faut effacer les mots : « en fer ». Il suffit que les bateaux à vapeur présentent un ensemble de perfectionnements tels, qu'ils puissent être considérés comme modèles pour qu'ils puissent jouir de l'exemption.

Quant à l'effet de la mesure sur le trésor, M. le ministre des finances dit qu'il y a eu deux bateaux à vapeur introduits l'année dernière. Cela a pu produire au trésor de 20 à 30 mille francs. J'ignore, au reste, le montant des droits perçus.

Mais quant à l'industrie des constructeurs de bateaux en fer, je pense qu'elle peut se passer tout à fait de protection. M. le ministre de l'intérieur a dit que les constructeurs de bateaux en fer en Belgique exportent leurs produits dans toutes les parties du monde.

En effet, c'est exact. Pour une industrie qui se trouve dans cette position favorable, la protection qu'on veut lui accorder est tout à fait nuisible ; car on a l'air de la présenter comme incapable de soutenir dans son propre pays la concurrence étrangère, et on la place ainsi dans une position d'infériorité aux yeux des consommateurs du dehors qui ne peut qu'éloigner ces derniers de lui faire des commandes.

Le gouvernement a pris une mesure qui n'est pas non plus à l'avantage de cette industrie pour les bateaux à vapeur qui font le trajet d'Ostende à Douvres, il a commencé par faire venir un bateau d'Angleterre, il a fait faire dans ce même pays les dessins pour faire construire un second bateau en Belgique. L'établissement qui a été chargé de la construction de ce bateau l'a construit d'après les plans qui lui ont été remis. Quand le bateau a été fait, et qu'il a été employé à cette navigation, on a trouvé sa marche inférieure à celle du bateau anglais ; mais on a trouvé aussi qu'il avait une largeur plus considérable que celle de ce dernier, d'où il résulte que les plans donnés n'étaient pas conformes à ceux du bateau que l'on avait fait venir d'Angleterre.

Si l'on avait dit à l'établissement : Vous allez construire un bateau, ayant une marche de tant de nœuds à l'heure, l'établissement aurait pris un engagement en ce sens ; si le bateau ne remplissait pas les conditions convenues, le gouvernement était libre de le refuser. Au lieu d'agir ainsi, le gouvernement a imposé des plans à l'établissement, comme si ce dernier n'était pas capable de construire lui-même un bateau remplissant les conditions voulues.

Je dis qu'une telle marche est de nature à jeter de la déconsidération sur les constructeurs belges.

J'engage le gouvernement, si le cas se présente encore, à suivre la marche que je lui trace, c'est-à-dire à mettre le bateau en adjudication, en disant : Je veux telles ou telles conditions de marche.

Alors on verra si nos constructeurs sont véritablement inférieurs aux constructeurs étrangers, ce que, pour ma part, je ne crois pas.

Quant à la protection que M. le ministre a l'air de réclamer pour la construction de bateaux à vapeur en fer, je connais deux établissements qui s'occupent de ce genre de constructions, et je crois qu'aucun n'a jamais demandé et ne demandera jamais de protection.

M. le président. - M.Osy propose, par un sous-amendement, la suppression des mots « en fer ».

M. Rodenbach. - Je trouve que l'on veut aller beaucoup trop loin dans le système de la libre entrée. Je combats donc l'amendement qui a été présenté dans une précédente séance.

J'ai demandé hier que M. le ministre des finances voulût bien élaborer un tarif de douanes très modéré qui ne pût faire obstacle à l'emploi des nouvelles machines si nécessaire pour que notre industrie travaille pour l'exportation et soutienne la concurrence avec l'étranger. Avec un léger droit nous pourrons y parvenir. L'Angleterre même si avancée dans la fabrication des machines, et qui fait les meilleures machines du monde, a un léger droit protecteur. L'honorable préopinant voudrait donc que nous fussions encore plus libre-échangistes que les Anglais eux-mêmes.

Quelque partisan que je sois d'un système de liberté, je ne puis perdre de vue les intérêts de huit mille ouvriers mécaniciens occupés à la construction des machines et dont sept cents pétitionnaires se sont rendus les organes. Il faut protéger la main-d'œuvre par des droits assez modérés pour ne pas empêcher le progrès de l'industrie.

On a dit que deux bateaux à vapeur sont entrés l'année passée. Il a été payé pour chacun d'eux de 20 mille à 25 mille francs de droits. Je ne trouve pas que soit à dédaigner. Remarquez que cette protection n'empêche pas la fabrication belge de conserver sa supériorité puisqu'elle exporte en Russie. Je conçois la nécessité de l'exemption de droits pour les machines qu'on emploie dans les filatures et qui sont des instruments de travail et de production. Il n'en est pas de même pour les bateaux à vapeur. Là je crois que nous devons nous préoccuper du produit de la douane et de la nécessité d'assurer au pays le bénéfice de la main-d'œuvre.

M. Sinave. - L'honorable ministre des finances a donné des explications tellement concluantes concernant l'introduction des bateaux à vapeur, que je crois qu'il faut absolument rejeter l'amendement, non pas partiellement, mais totalement.

A entendre les honorable préopinanls, on dirait que l'on veut prohiber les navires à vapeur en fer. Il n'en esltrien ; on veut les mettre seulement sur la même ligne que les navires construits en bois.

Dans l'amendement de la section centrale, il était dit : « pour les bateaux destinés à naviguer à l'intérieur. »

Je ne peux pas plus admettre l'introduction d'un bateau en fer pour l'intérieur, que celle d'un bateau destiné à la navigation extérieure, parce que je ne veux pas de privilège.

Que demandent M. le ministre des finances et M. le ministre de l'intérieur ? C'est de faire payer 15 francs par tonneau aux navires fabriqués à l'étranger. Voilà tout.

Je saisirai cette occasion pour demander à M. le ministre des finances si l'on fait aujourd'hui payer les droits d'entrée sur les inventaires des navires. J'ai déjà fait cette question dans cette assemblée. Alors, M. le ministre a déclaré qu'on ne payait pas, mais qu'à l'avenir on devrait payer. J'ignore ce qui en est aujourd'hui.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Tout ce qui n'est pas gréement de navire paye...

M. Sinave. - Il est inutile de m'étendre davantage sur cette question. Je prie la chambre de repousser l'amendement de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le sous-amendement présenté par l'honorable M. Osy est une extension très considérable, quoique logique, dit-on, du premier amendement de la section centrale. Mais je prie la chambre de réfléchir que c'est, en d'autres termes, l'application du système du libre échange. Ce n'est pas autre chose que le libre échange appliqué à la construction des navires à vapeur en général. Or je demande si dans l'état de notre industrie, dans l'état de nos ateliers de construction nous sommes en mesure...

- Un membre. - Parfaitement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Vous me dites parfaitement, mais je crois que beaucoup de constructeurs diffèrent d'avis avec vous.

Je demande si nous sommes en mesure de supporter immédiatement, et sans compensation les conséquences d'un régime pareil. Il est permis au moins d'en douter. Je prie la chambre d'être attentive au sort qui pourrait atteindre nos ateliers de construction, si le principe qu'on a vanté est adopté d'une manière aussi complète que le propose l'honorable M. Osy.

M. Osy. - L'observation qu'a faite l'honorable ministre des finances est fondée ; il est certain que si nous voulons faire une exception pour les bateaux en fer, il faul l'étendre aux bateaux en bois et j'ai déposé une proposition dans ce sens.

J'insiste plus que jamais pour l'adoption de l'amendement, et ce qu'on a dit m'oblige à entrer dans quelques détails et de vous dire ce qui s'est passé il y a peu d'années pour l'acquisition d'un grand bateau à vapeur.

Dans les statuts de la société anversoise des bateaux à vapeur, il y a un article qui défend à la société de faire construire à l'étranger sans la permission du gouvernement. Par suite de cette stipulation, la société s'est adressée aux plus grands constructeurs du pays, à l'établissemeit de Seraing et à l’établissement de la famille Orban. La société a demandé à ces deux établissements s'ils voulaient entreprendre la construction d'un bateau à vapeur pour faire la navigation d'Anvers en Angleterre.

Mais elle ajouta que comme les machines de la « Princesse Victoria » étaient encore très bonnes, qu'elles pouvaient encore servir pendant plusieurs années, on ne demandait que la construction de la coque. Les deux établissements ont refusé de faire un nouveau navire pour lequel on pourrait utiliser les machines qui se trouvaient dans le bateau à vapeur « Victoria ».

En outre, nous avons demandé si l'on garantissait la marche du navire. Les deux établissements n'ont pas voulu nous donner cette garantie, et vous comprenez cependant que pour un navire allant d'Anvers en Angleterre, où nous rencontrons une concurrence journalière avec les sociétés anglaises, il était nécessaire d'avoir un uavire qui marchât bien.

Je crois que le navire auquel on a donné mon nom a la réputation d'être bien construit ; eh bien, si nous avions été obligés de faire construire dans le pays, vous comprenez qu'il nous eût été impossible d'avoir un nouveau navire comme nous désirions l'avoir. Le gouvernement (page 1502) nous a autorisés à faire construire à l'étranger. La conséquence a été que nous avons obtenu un bon navire, mais nous avons été obligés de payer un droit considérable pour un navire que nous avions fait construire à l'étranger, parce qu'on ne voulait pas nous faire en Belgique une nouvelle coque sans nouvelles machines, et nous garantir la marche du navire.

D'après ce que je viens de vous dire, n'est-il pas logique de permettre de construire à l'étranger les bateaux à vapeur, tant en bois qu'en fer, d'autant plus qu'on a supprimé les primes qui étaient une compensation des droits dont sont frappées les matières employées à la construction.

Il est possible que l'année prochaine le gouvernement nous apportera une loi qui s'occupera de toutes les matières employées à la construction. Mais rien n'empêche que nous votions aujourd'hui une disposition pour les bateaux à vapeur ; d'autant plus que nous sommes, j'espère, à la veille d'avoir des bateaux à vapeur qui feront, non seulement un service entre la Belgique et l'Angleterre, mais entre la Belgique et l'Amérique. Je crois que c'est là une circonstance qui doit vous engager à adopter la proposition de la section centrale.

M. Coomans. - Messieurs, rappelons-nous le principe de la loi que nous votons. Nous voulons favoriser l'introduction, en Belgique, de tout instrument nouveau et perfectionné, dans l'intérêt du travail national. Je vous le demande, un navire n'est-il pas un instrument, une machine, comme le serait une locomotive, une voiture ou tout autre outil de production ou de locomotion ?

Si un navire est une machine, vous ne pouvez pas repousser l'amendement qui n'est que la consécration du principe de la loi.

S'il est de notre intérêt de nous procurer à bon marché des machines nouvelles servant à la production industrielle, il n'est pas moins de notre intérêt de nous procurer des machines nouvelles servant à l'écoulement de nos produits industriels. Ne pas vouloir l'un serait rejeter l'autre.

Je suis donc très favorable à l'introduction à bas prix et même à l'introduction gratuite des navires perfectionnés ; il ne s'agit, pour le moment, que de ceux-là.

Je suis favorable au même principe pour tous les navires quelconques, et la preuve en est consignée dans un article d'un projet de réforme douanière que j'ai soumis à la chambre il y a deux ans, article d'après lequel la nationalisation des navires n'était frappée que d'un droit de 1 p. c. à la valeur. Je reste donc conséquent en venant appuyer l'amendement.

Messieurs, le principal obstacle au progrès que nous voulons tous favoriser, c'est le monopole. Je veux bien protéger le travail national quand le danger du monopole n'existe pas ; et quand se présente surtout ce danger ? C'est quand la production est très limitée, c'est-à-dite quand il n'y a production que de la part de deux ou trois maisons.

Or, si je suis bien informé, nous n'avons que deux maisons en Belgique qui fabriquent des bateaux à vapeur. La coalition est très facile entre deux établissements, et c'est pour la prévenir si elle n'existe pas, ou pour la faire cesser si elle existe, que je demande le maintien de l'amendement.

L'honorable M. Lesoinne, qui est presque toujours logique et toujours loyal, a reconnu que l'adoption de cet amendement ne serait pas contraire aux intérêts de la province que la question concerne principalement, si pas uniquement. Je suis satisfait de ce témoignage et je voterai en conséquence.

L'honorable ministre des finances a eu raison, du reste, de signaler l'inconséquence que l'on commettrait en n'appliquant l'amendement qu'aux bateaux à vapeur en fer. Le sous-amendement de l'honorable M. Osy fait droit à cette juste observation de M. le ministre. D'ailleurs puisque les machines comprises dans le reste de la loi peuvent être construites en fer, en bois, en caoutchouc, en des matériaux quelconques, il y aurait inconséquence, encore une fois, à ne pas accepter l'amendement de M. Osy.

Nos constructeurs de bateaux à vapeur auront à réclamer sous un rapport, je l'avoue ; ils demanderont la libre entrée, à leur tour, des matières premières nécessaires à leur industrie ; ils demanderont la libre entrée du fer et de la houille, par exemple. Je la leur accorderai très volontiers, j'aurai leur concours et c'est un motif de plus pour que j'appuie l'amendement. Il serait injuste, inique de continuer à percevoir des droits élevés sur le fer, le cuivre, la houille, alors qu'on admettrait, en franchise de droits, les instruments, les machines faites avec ou au moyen de ces matériaux.

L'honorable ministre de l'intérieur nous objecte que l'amendement que nous discutons rentre dans le domaine du libre échange. Je répondrai : Oui, jusqu'à un certain point, mais à coup sûr, ce n'est pas plus du libre échange pour les bateaux que pour les voitures et autres instruments et machines. C'est un hommage rendu au progrès, voilà tout.

Si vous voyez du libre échange dans l'amendement, vous devez en voir également dans le principe de la loi. Ce principe, je le répète, je l'admets ; mais il n'y a pas plus de motifs pour empêcher l'introduction d'un navire nouveau que pour empêcher l'introduction d'une voiture nouvelle, d'une mécanique nouvelle.

Je m'en tiens, messieurs, à ces observations et j'adopterai l'amendement dans toute son étendue.

M. Jacques. - Messieurs, il pourra d'abord paraître étrange que je n'aie pas pris la parole pour appuyer l'amendement de la section centrale, dont je suis rapporteur ; mais je dois faire observer que l'amendement n'a été admis qu'à la majorité de 4 voix contre 3 et que j'étais de la minorité.

Je partage l'opinion émise par M. le ministre de l'intérieur, que ce n'est pas dans une loi telle que la loi actuelle qu'il faut introduire cette nouvelle disposition.

Le premier amendement introduit dans la loi par la section centrale, et qui vient d'être confirmé par la chambre, a pour but de restreindre plutôt que d'étendre le principe de l'exemption.

La section centrale n'a pas pensé que, lorsqu'on s'occupera d'une loi définitive, il soit utile de continuer à autoriser le gouvernement à accorder des exemptions spéciales, personnelles ; elle croit qu'il vaudrait mieux alors d'établir un droit modéré qui pût être acquitté par tout le monde. Ceux qui ont soutenu cette opinion pensent qu'un droit modéré constituerait une protection suffisante pour les constructeurs de machines et ne serait jamais pour les industriels un obstacle à ce qu'ils fissent venir, de l'étranger, les machines qu'ils ne trouveraient pas dans le pays.

Si nous avions à refondre entièrement le tarif, je reconnais qu'il serait peut-être bon de permettre, dans certains cas, l'introduction gratuite des navires, au moins des navires à vapeur. (Interruption.) Si l'on adopte l'amendement avec l'extension qui y a été donnée, ce sera, en définitive, permettre à tous les navires à vapeur d'entrer en Belgique en franchise de droits, puisque, comme l'a dit l'honorable ministre de l'intérieur, il sera toujours facile de donner au navire une forme nouvelle, une forme qui en fasse un modèle.

S'il ne s'agit que de l'introduction d'un véritable modèle, le gouvernement trouve dans la loi, telle qu'elle a existé jusqu'ici, le moyen d'autoriser la libre entrée, et il n'a pas besoin de la faculté nouvelle qu'on veut lui donner.

Au surplus, cette faculté pourra ne pas être très dangereuse puisque, en définitive, le gouvernement est toujours libre d'appliquer ou de ne pas appliquer la mesure.

Il n'y aurait donc aucun danger à adopter l'amendement, si le gouvernement avait toujours assez de force pour ne pas accorder la faveur quand elle ne doit pas être accordée ; mais je dois faire observer qu'il s'est déjà élevé beaucoup de plaintes sur l'extension trop grande donnée au principe qui permet au gouvernement d'autoriser la libre entrée, et il vaudrait peut-être mieux restreindre ce principe que d'engager le gouvernement à l'étendre encore.

M. David. - J'avais demandé la parole quand je croyais que l'honorable rapporteur de la section centrale ne prenait pas la défense de l'amendement que nous avons introduit ; s'il avait continué à garder le silence, j'aurais eu d'assez longues explications à donner ; maintenant je serai très court surtout après le discours que vient de prononcer l'honorable M. Coomans.

Messieurs, la majorité de la section centrale a pensé que l'amendement était une conséquence toute naturelle du principe de la loi. Nous avons pensé que puisqu'on avait introduit en Belgique comme modèles des locomotives avec leurs tenders, on pouvait y introduire de la même manière des bateaux à vapeur, machine et coque.

Voilà ce qui nous a principalement déterminés à introduire l’amendement. Mais, messieurs, tout en admettant cette extension au principe de la loi, nous avons bien pensé que le cabinet nous proposerait prochainement une loi générale de réforme douanière comprenant toutes les matières premières qui entrent dans la construction des navires en fer comme des navires en bois.

Je crois, messieurs, que les termes que nous avons employés dans notre amendement sont assez restrictifs pour que les craintes de l'honorable ministre des finances vous paraissent exagérées. Tous les navires, messieurs, ne pourront pas entrer en franchise de droits ; ils doivent « présenter un ensemble de perfectionnements tel qu'ils puissent être considérés comme modèles. » Vous comprenez, messieurs, que la chambre de commerce et la commission, chargées d'examiner si réellement le navire qu'on demande à importer est un modèle, n'admettront jamais un navire dont la construction serait déjà connue, dont les perfectionnements ne consisteraient que dans une petite différence de forme, n'ayant aucun effet sur la vitesse de la marche du navire. Je crois, messieurs, que les termes de notre amendement garantissent réellement le trésor contre toute atteinte déloyale.

Voilà les motifs qui ont guidé la majoiité de la section centrale dans l'adoption de cet amendement.

M. Prévinaire. - Messieurs, plusieurs orateurs ont déjà fait remarquer que les bateaux à vapeur se trouveront placés dans la même condition que les autres machines, c'est à-dire que le gouvernement prendra, à l'égard de ces bateaux, toutes les précautions convenables pour ne pas donner à la loi une application erronée, contraire au vœu de la législature. Aiusi, sous ce rapport, on peut être parfaitement rassuré.

Messieurs, pour ceux qui se rendent compte de l'état actuel de notre navigation à vapeur, il est clair que nous sommes dans une position d'infériorité réelle.

Il est inconcevable qu'un pays qui a des relations aussi considérables avec l'Angleterre, relations qui se développent chaque jour, sont telles que l'année dernière le service des bateaux à vapeur ne suffisait pas au transport de nos denrées vers Angleterre ; il est inconcevable que ce pays hésite un seul instant à prendre des mesures pour favoriser (page 1503) le développement de relations essentiellement utiles à notre agriculture, car les denrées agricoles affluent à Ostende et à Anvers, en destination pour Londres. Il importe que sous ce rapport nous nous tenions à la hauteur de nos voisins du Nord dont les exportations sont considérables.

Je crois que le développement de notre navigation à vapeur sera lui-même un moyen de débouchés nouveaux pour nos constructeurs.

Après les discours qui ont été prononcés, je me bornerai à ces considérations.

Je dirai cependant encore un mot.

On a parlé d'une maison de la province de Liège qui s'occupe de la construction des bateaux à vapeur, de la maison Orban ; je crois devoir saisir cette occasion pour rendre justice à un de nos anciens ministres qui appartient à cette famille et qui a eu à statuer sur des questions qui se rattachent à l'objet en discussion ; eh bien, il n'a jamais hésité à se prononcer de la manière la plus désintéressée et en même temps la plus libérale, au risque même de passer pour un libre-échangiste ; ce qui, aux yeux de M. le ministre de l'intérieur actuel, paraît ne pas être un titre bien flatteur.

M. Rogier. - Messieurs, je vois avec une grande satisfaction que tous les orateurs, moins un, ont soutenu l'amendement de la section centrale. On reconnaît que la Belgique favorise autant que possible le développement de sa navigation à vapeur.

Nous sommes peut-être le pays relativement le plus pauvre du continent, sous ce rapport.

Nous avons de beaux fleuves, des populations nombreuses, un mouvement commercial et industriel très important, et notre navigation à vapeur est presque nulle sur nos rivières.

Ceux qui ont visité l'Angleterre y ont vu sur les fleuves les bateaux à vapeur de toute dimension aussi nombreux que les vigilantes dans les rues de Bruxelles. Des fleuves français, qui n'ont pas l'importance des nôtres, sont couverts de bateaux à vapeur.

Nous ne devons pas craindre de favoriser l'introduction des bateaux à vapeur dans notre pays ; on ajoute à la disposition proposée cette restriction sévère que je repousse pour mon compte, car j'admettrais tous les bateaux à vapeur ; on y ajoute, dis-je, cette restriction sévère que le bateau doit renfermer un ensemble de perfectionnements tels, qu'il puisse être considéré comme modèle. Quelque effrayé qu'on puisse être du libre échange, croyez-vous qu'avec une pareille restriction, il y ait le plus léger inconvénient à craindre ?

Messieurs, votez cet excellent principe, qui ne peut que contribuer à développer notre navigation à vapeur, soit sur nos rivières intérieures, soit dans nos relations avec les pays voisins, la France, la Hollande et l'Angleterre.

Ces bateaux modèles, une fois introduits, seront imités par nos constructeurs qui n'ont pas à redouter la concurrence étrangère, parce qu'eux-mêmes fournissent des bateaux à vapeur à l'étranger ; ils n'ont pas demandé cette protection, et j'appuie l'observation présentée par l'honorable M. Prévinaire, en ce qui concerne la maison dont a parlé. Les chefs de cette maison se sont toujours montrés partisans d'un système commercial libéral ; jamais ils n'ont demandé de protection de tarifs en faveur de leur industrie.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, on vient de parler des répugnances que je pourrais avoir pour le libre échange ; je dois à la chambre, je me dois à moi-même de déclarer que je n'ai aucune répugnance pour le libre échange que je suis au contraire partisan d'une législation commerciale très libre. Mais pour me servir d'une expression dont on a fait usage dans une autre circonstance, je dirai que je veux un libre échange qui soit raisonnable, qui ne soit pas une duperie pour le pays. Voilà dans quels termes je comprends le libre échange.

J'appartiens à une province au nom de laquelle je crois avoir quelque droit de parler. Eh bien, j'ai le plaisir de pouvoir dire que la riovince de Liège esl une de celles où le libre échange a le plus de partisans, et que la ville de Liège est une de celles qui réclament le plus instamment un libre échange raisonné, que les chefs industriels, tant par l'organe de la chambre de commerce que dans les pétitions adressées au gouvernement et aux chambres, n'ont cessé de réclamer la législation commerciale la plus libérale, Mais, je le répète, le libre échange ne peut pas être un système de duperie.

M. Van Overloop. - Messieurs, parmi les membres de cette chambre qui ont combattu l'amendement de la section centrale, se trouve l'honorable M. Sinave. Vous avez sans doute été surpris de cette opposition, car vous devez vous rappeler l'éloge pompeux que l'honorable membre a fait, il y a quelques jours, des bateaux à vapeur qui naviguent entre Ostende et Douvres...

M. Sinave. - On vient de confirmer ce que j'ai dit.

M. Van Overloop. - L'opposition de l'honorable membre m'a étonné, et je suppose que la chambre aura éprouvé le même étonnement que moi.

Par l'amendement de la section centrale, on parviendra peut-être à faire disparaître les sujets de plainte de l'honorable M. Sinave, et cependant l'honorable membre combat cet amendement.

Je ne comprends pas non plus l'opposition que fait aujourd'hui le gouvernement à l’adoption de l'amendement de la section centrale. D'après cet amendement, ou le bateau à vapeur dont on demandera l'introduction en franchise des droits, présentera des perfectionnements tels qu'il peut être considéré comme modèle, et daus ce cas le gouvernement, ami du progrès, ne s'opposera certainement pas à l'introduction de ce bateau à vapeur ; ou bien le bateau à vapeur qu'on voudra introduire en Belgique ne présentera pas de perfectionnements tels qu'il puisse être considéré comme modèle ; eh bien, dans ce cas, qui sera juge ? C'est le gouvernement.

Dès lors, la possibilité des abus disparaît ; dès lors le gouvernement n'a plus intérêt à combattre l'amendement de la section centrale.

«Mais, a dit l'honorable ministre des finances, adopter l'amendement de la section centrale, c'est permettre l'entrée, en franchise de droits, de tous les bâteaux à vapeur, car, pour ne pas devoir payer les droits, on fera construire des bateaux sur des modèles nouveaux... »

Cette objection m'étonne. M. le ministre n'a pas l'habitude de produire des arguments de cette force. Quel est l'individu qui irait dire à un constructeur étranger : « Vous allez me faire un modèle nouveau pour que je puisse introduire en Belgique en franchise de droit un bateau de 300 à 400 mille francs ? »

A son tour, l'honorable ministre de l'intérieur a combattu l'amendement de la section centrale, en soutenant que l'adoption de cet amendement aurait pour résultat de faire essuyer d'assez grandes pertes au trésor, par suite de non-payement des droits d'entrée sur les bateaux.

Si l'honorable ministre se rappelait le motif qui m'a poussé à soumettre à la section centrale l'amendement qu'elle a adopté, il serait obligé de reconnaître que la conséquence de l'adoption de cet amendement doit être, non pas une perte, mais un bénéfice pour le trésor public.

A propos de quoi l'amendement a-t-il été présenté ? A propos de la reprise de la navigation de l'Escaut par une compagnie particulière. Il a été question récemment de la mauvaise manière dont se fait le service des bateaux à vapeur dans l'Escaut. On s'est contenté de dire que le gouvernement tirait trop peu de bénéfice de ce service. On aurait pu en dire davantage ; à cet égard, ie gouvernement en sait plus que nous.

Or, il est actuellement dans les intentions de la majorité de cette chambre et du gouvernement que ce service soit abandonné à une compagnie particulière.

Une compagnie se présente ; mais,pour organiser une entreprise convenable, elle doit avoir des bateaux tels qu'elle puisse obtenir un résultat avantageux. Ces bateaux, elle ne peut les trouver qu'en Angleterre. La compagnie s'est d'abord adressée aux établissements du pays, elle leur a demandé un bateau tel qu'elle le désirait, mais on n'a pas osé lui garantir la construction ni la marche d'un tel bateau.

C'est alors que la compagnie a demandé la libre entrée d'un bateau de construction inconnue en Belgique, bateau qu'elle ne pouvait, avec sécurité, faire construire dans le pays. Et l'on voudrait, malgré le bénéfice que la reprise du service de navigation de l'Escaut par une compagnie doit nécessairement produire à l'Elat ; et l'on voudrait, dis-je, mettre obstacle à ce qu'une compagnie reprenne ce service !

Quelle sera la conséquence de l'introduction d'un bateau tel que celui dont la compagnie désire obtenir l'introduction en franchise de droit ? C'est que les constructeurs du pays auront un modèle sous les yeux, modèle qui leur permettra de construire des bateaux du même qualité.

Je le répète en finissant, il ne me semble pas que le gouvernement puisse sortir du dilemme que je lui ai posé.

- Plusieurs voix. - La clôture !

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Le sous-amendement proposé par M. Osy et consistant dans la suppression des mots : « en fer » est mis aux voix et adopté.

L'article ainsi amendé est ensuite mis aux voix et définitivement adopté.


La chambre passe à l'amendement introduit par la section centrale à l'article 2 de la loi.

Il est ainsi conçu :

« Les machines, métiers ou appareils seront considérés comme nouveaux, aussi longtemps qu'on n'en aura pas construit de semblables dans les ateliers d'un mécanicien constructeur belge, et qu'ils n'auront pas fonctionné dans le pays. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La pensée qui a généralement inspiré la section centrale, c'est de protéger les constructeurs belges.

La disposition dont l'adoption vous est proposée me semble aller au-delà de ce but.

Qu'a-t-on voulu en décrétant le principe de la libre entrée des machines que les constructeurs belges n'ont pas encore faites ? Favoriser les industries, et donner un stimulant aux constructeurs pour qu'ils ne s'endorment pas dans la voie du progrès.

Il me semble que les termes ajoutés à la loi de 1848 par la section centrale vont au-delà des justes exigences qu'on peul imposer aux constructeurs belges.

On veut, en effet, pour que la libre entrée ne puisse être permise, non seulement qu'il existe des machines du modèle de celle dont l'introduction est demandée, mais qu'elles aient fonctionné dans le pays. Il est impossible qu'on impose au construcleur belge de faire fonctionner les machines qu'il construit.

Il peut construire des machines et mettre le gouvernement dans le cas d'apprécier s'il y a des raisons suffisantes pour accorder ou refuser la libre entrée ; mais il ne dépend pas de lui que les industriels viennent les acheter et que ses machines fonctionnent dans le pays, Je pense que (page 1504) nous devons accorder quelque faveur à la construction, et que tout ce que nous pouvons exiger, c'est que nos constructeurs se mettent en état de fournir à l'industrie les machines préconisées à l'étranger ! Aller au-delà, ce serait constituer une situation telle qu'il serait impossible de construire en Belgique des machines neuves pour l'industrie ; il pourrait se faire que les fabricants, avantageusement prévenus pour les machines de l'étranger, s'entendissent pour enlever aux constructeurs belges les moyens de livrer des machines d'invention nouvelle.

Le seul moyen d'éviter ces inconvénients,, c'est d'exiger que la libre entrée cesse du jour que les constructeurs se seront mis en état de produire des machines aussi perfectionnées que celles qu'on peut aller chercher à l'étranger. Mais il ne faut pas les placer dans l'impossibilité de démontrer que leurs machines réalisent tous les progrès obtenus à l'étranger.

M. Manilius. - Je dois convenir que l'addition de la seconde condition stipulée pour autoriser l'introduction des machines considérées comme nouvelles n'est pas heureuse ; l'amendement dit :

« Les machines, métiers ou appareils seront considérés comme nouveaux, aussi longtemps qu'on n'en aura pas construit de semblables dans les ateliers d'un mécanicien corslrucleur belge, et qu'ils n'auront pas fonctionné dans le pays. »

Je pense que cette double condition est superflue. Déjà j'ai fait cette observation au moment du vote, dans la première discussion. J'avais fait remarquer que si l'on tenait absolument aux deux conditions, il ne fallait pas les rendre connexes ; il faudrait dire « ou » au lieu de « et ».

De cette manière, vous parerez à un inconvénient, c'est que le constructeur qui n'aurait pas eu le bonheur d'obtenir la commande d'une machine nouvelle n'en ayant pas construit, puisqu'il ne construit que sur commande un grand nombre de machines pourraient avec le paragraphe, tel qu'il est rédigé, être successivement introduites dans le pays.

Ce n'est pas ce que veut la chambre. Elle veut simplement que la machine soit considérée comme nouvelle si l'on n'en a pas construit de semblable dans les ateliers d'un mécanicien constructeur belge, ou bien si elle n'a pas fonctionné dans le pays.

Mais ces deux conditions réunies ne sont pas nécessaires. Je crois donc qu'il faut substituer le mot « ou » au mot « et ». Je pense que le gouvernement adhérera à cette modification.

M. David. - La section centrale a introduit l'amendement, en ce moment en discussion,e n vue de garantir les industriels contre les constructions défectueuses de nos constructeurs mécaniciens, qui, ayant un modèle sous les yeux, ne produisent qu'une machine ne donnant aucun résultat avantageux à l'industriel qui doit l'employer. Tous ceux qui s'occnpent d'industrie savent à combien peu de chose tient la marche régulière d'un nouvel appareil. En fait de machine à vapeur, vous aveé un bel et bon modèle qui procure une économie considérable de combustible. Un petit défaut dans la machine construite sur ce modèle suffit pour qu'elle brûle le double de charbon. C'est la ruine de l'industriel qui emploie une machine pareille.

Dans l'industrie lainière et cotonnière il faut bien peu de chose pour qu'une machine produise les résultats les plus funestes à l'industriel qui l'emploie.

Il faut donc nécessairement introduire dans la loi une garantie en faveur de l'industriel, une garantie pour qu'un mécanicien maladroit ne ne lui livre pas une machine défectueuse qui ne produira jamais des résultats semblables à ceux de la machine qui lui a été donnée pour modèle.

Voilà les raisons pour lesquelles la section centrale a introduit l'amendement.

M. le président. - L'honorable M. Manilius croit que si l'on ne veut pas exiger que les machines aient fonctionné dans le pays, il faut retrancher les mots : « et qu'ils ont fonctionné dans le pays. » C'est une erreur. Si l'on ne veut pas de l'amendement de la section centrale, il faut rejeter tout l'article, parce que alors c'est l'article 2 de la loi de 1848 qui restera sans modification.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je pense que ceux qui veulent favoriser l'entrée des machines comme un progrès réel ne peuvent admettre la modification proposée par l'honorable M. Manilius. En effet, d'après cette modification, il suffirait qu'une machine eût fonctionné dans le pays pour qu'on n'en introduisit plus de semblable. Or, une machine peut fonctionner dans une fabrique, parce qu'on est allé la chercher à l'étranger, sans que les constructeurs belges puissent en fabriquer ou en aient fabriqué, Par conséquent, vous interdisiez à tous les fabricants d'introduire une machine nouvelle, parce qu'un fabricant plus empressé est allé chercher à l'étranger une machine nouvelle qu'il emploie, à l'exclusion de tous ses concurrents.

La vérité est que le système de la loi de 1848, est favorable à l'industrie qui désire faire usage de machines perfectionnées, et aux constructeurs de machines qui veulent les construire ; à l'industrie, parce que tout industriel désire faire usage de machines nouvelles ; aux constructeurs de machines, parce que du moment qu'il est démontré qu'ils peuvent construire une machine aussi bien qu'en Angleterre et en France, tous ceux qui en ont besoin, s'adresseront à eux.

Je crois donc que l'honorable membre reconnaîtra que sa proposition va au-delà de son but.

M. Manilius. - Je répondrai brièvement à l'honorable M. David et à M. le ministre de l'intérieur. Ils sont tous deux dans l'erreur en affirmant que si ma proposition était admise celui qui le premier aurait introduit dans le pays une machine étrangère aurait le privilège de l'avoir seul. Ceux qui voudront avoir une machine semblable auront la faculté de l'introduire en payant les droits. C'est ce qu'on voit tous les jours ; il y a des personnes qui désirent faire venir des objets d'Angleterre, elles payent les droits ; il y en a d'autres qui achètent dans le pays des objets fabriqués dans le pays, mais comme produits anglais ; on les qualifie ainsi pour satisfaire le goût de certains consommateurs. Le législateur n'a jamais voulu autre chose.

Pour les bateaux à vapeur, vous avez admis une restriction, dont vous avez fait grand étalage. Vouî ne voulez que des modèles ; de quoi vous plaignez-vous ?

Voyez un peu les mesures de précaution que l'on prend ; on ne laissera entrer qu'un seul modèle ; cela est dit ; voyez l'article qui a été voté. Eh bien, c'est ce que nous voulons encore. Oa ne laissera entrer qu'une seule machine, un modèle, et ce modèle servira à la construction d'autres machines.

Ceux qui voudront absolument avoir des machines anglaises, les croyant supérieures, payeront les droits comme nous les payons sur le fer, sur le cuivre pour les machines construites à l'intérieur. Sans doute, cette disposition généra ceux qui veulent l'immunité des droits et qui désirent faire venir des machines de l'étranger, soit par fantaisie, soit par toute autre raison. Mais s'il s'agit de machines telles que les machines à vapeur, on en construit de très bonnes dans le pays. Sans doute il peut y avoir des personnes qui préfèrent des machines anglaises, qui, comme vous l'a dit l'honorable M. David, espèrent avec ces machines économiser le combustible. Eh bien, ceux-là payeront les droits. Il en est en tout de même. Beaucoup de personnes veulent du drap français et non du drap belge ; eh bien, elles achètent du drap français, mais elles payent le droit.

Il n'y a pas prohibition ; il n'existe même que des droits modérés sur certaines machines et notamment sur les machines à vapeur. Le droit n'est élevé que pour certaines machines exceptionnelles, et il en est ainsi non seulement en Belgique, mais dans tous les pays. Les machines sont taxées d'après leur importance.

Vous voyez que ce surcroît de prudence que l'on veut par l'amendement qui a été adopté, n'est pas nuisible. Cependant si le gouvernement n'y tient pas, je n'y tiens pas non plus beaucoup et je n'insiste pas davantage.

M. de Brouwer de Hogendorp. - L'honorable M. Manilius vient de dire, pour combattre la proposition faite par la section centrale, qu'il suffira de faire payer au second importateur le droit sur les machines qu'il fera venir de l'étranger. Ce langage m'étonne de la part de l'honorable membre ; lui qui, dans toutes les occasions, se plaint de ce que la Belgique n'a pas assez de débouchés, de ce que notre industrie étouffe, de ce qu'elle n'exporte pas parce qu'elle ne peut lutter sur les marchés étrangers avec les industries d'autre pays.

Messieurs, le progrès industriel est une nécessité pour la Belgique ; c'est une loi à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire. Il nous faut de bonnes machines ; mais non seulement il nous faut de bonnes machines, il nous faut également des machines à bon marché.

Je sais que la Belgique s'est créé une espèce de spécialité dans la fabrication des machines ; mais si nous sommes les égaux des autres peuples pour la fabrication de certaines machines, nous ne le sommes pas encore pour la fabrication de certaines autres.

Ainsi je parlerai d'une industrie que l'honorable M. Manilius doit connaître.

Je suppose qu'un fabricant belge soit obligé de payer 50 p. c. plus cher que son concurrent les machines employées à la conversion du coton en fil. Quel en sera le résultat ? C'est que le fil qui aura coûté au concurrent 40 cent., coûtera 80 c. au fabricant belge.

Prenons un autre exemple.

Notre industrie linière demande aussi à avoir de nouveaux débouchés. Nous avons été chassés de certains marchés ; nous devons tâcher de les reconquérir. Eh bien, je suppose qu'un industriel belge soit obligé de payer 50 p. c. plus cher que ses concurrents une machine à filer le lin. Quel en sera encore le résultat ? C'est que le paquet de fil de lin dont la valeur est de 9 fr., lui coûtera 9 fr. 90 c. Voilà une différence de 10 p. c. Croyez-vous que, dans ces conditions, il pourra lutter avec ses concurrents sur les marchés étrangers.

Je répèle donc, messieurs, qu'il faut chercher à avoir pour la Belgique les meilleures machines possibles, et à avoir ces machines au meilleur marché possible. Je vous ai dit que nous avions une certaine supériorité ou au moins une certaine égalité avec d'atires pour la fabrication de certaines machines, mais qu'il n'en était pas de même pour la fabiication de toutes les machines. Je sais qu'il est assez difficile de trouver le point d'équilibre. Mais c'est au gouvernement à le rechercher. J'ai confiance en lui ; j'ai l'espoir que d'ici à un ou deux ans, il saura trouver ce point. Entre-temps, j'adhère au projet tel qu'il nous a été soumis par la section centrale.

M. Prévinaire. - J'avais d'abord pensé, comme l'honorable M. Manilius, qu'il convenait d'exiger les deux conditions prévues par l'article 2 amendé par la section centrale. Mais après avoir relu le texte de l'article et après mûre réflexion, je me suis (page 1505) convaincu, et je crois que l'honorable membre reconnaîtra également que ce serait constituer pour le premier introducteur d'une machine un privilège excessif, que de lui donner, à lui seul, le pouvoir d'utiliser cette machine, et de forcer ses concurrents à employer des machines similaires construites en Belgique. Ce serait pour l'établissement qui se serait monté d'une manière un peu large une position privilégiée trop considérable. Car il aurait un avantage financier d'une part, et d'un autre côté l'avantage du temps. Il faut souvent un an et plus avant que tout le matériel d'un établissement puisse être réuni.

L'établissement qui aura fait venir ses machines de l'étranger pourra les avoir payées moins cher, et il aura encore cet immense avantage de s'être servi de ce moyen de production pendant un laps de temps très long avant que les autres industriels puissent en faire usage.

Je crois donc qu'il faut se borner à admettre la rédaction primitive du gouvernement. Je crois que l'amendement de la section centrale, qui consiste à y ajouter les mots : « et qu'ils n'auront pas fonctionné dans le pays », pourrait embarrasser le gouvernement dans certains cas ; ce serait créer une base nouvelle d'appréciation qui pourrait soulever des difficultés. Il vaut mieux se placer dans cette position qui permettra au gouvernement d'appliquer la mesure avec plus de certitude. Je partage, sous ce rapport, l'avis du gouvernement.

M. Coomans. - Messieurs, le point en discussion est de la plus haute importance, il domine la loi entière. Il s'agit de savoir si nous allons enlever aux industriels le bénéfice que nous avons voulu leur accorder.

En effet, si je comprends bien l'honorable M. Manilius, il n'admet qu'une seule fois l'entrée d'une seule machine, il n'admet pas qu'une machine identique à celle-là puisse jouir du bénéfice de la loi.

Je dis, messieurs, que ce serait une décision. Ce serait en outre un privilège, une sorte de prix d'une course au clocher pour le premier industriel qui importerait une machine perfectionnée. Dès ce moment ses concurrents ne pourraient plus jouir du même avantage. Je dis, moi, qu'on doit laisser importer toutes les machines nouvelles aussi longtemps que des machines semblables ne sont pas construites dans le pays et n'y ont pas fonctionné ; et je crois avec notre honorable président et aussi, j'espère, avec M. le ministre de l'intérieur, qu'il faut la réunion des deux conditions pour jouir du bénéfice de la loi.

Ainsi, messieurs, si une machine n'est pas construite dans le pays ou si, bien qu'elle y soit construite, elle n'y a pas fonctionné, je crois que le gouvernement a le droit d'admettre en franchise les machines étrangères. Cette admission cessera le jour où nos constructeurs répondront aux besoins de l'industrie en fabriquant les machines demandées. Mais il faut, selon moi, quelque chose de plus que la fabrication à l'intérieur, il faut la preuve que la fabrication est bonne, car qu'importerait à l'industrie qu'un producteur de machines eût construit une mécanique perfectionnée si cette mécanique ne marchait pas bien ?

La première condition, c'est la marche, et rien n'est plus facile que de faire fonctionner une machine ; c'est l'affaire de quelques heures ; si la machine ne fonctionne pas, c'est qu'elle est mauvaise, et alors les industriels auront le droit d'aller se pourvoir ailleurs.

Voilà, messieurs, comment j'entends la loi, et, je le répète, l'entendre au point de vue étroit de l'honorable M. Manilius, c'est ne rien faire.

Messieurs, je m'engage avec d'autant plus d'assurance dans la voie où nous entrons, que je suis persuadé que nos constructeurs n'ont guère à craindre la concurrence étrangère.

Je suis surtout convaincu que la manifestation que nous faisons leur sera utile. Leur réputation s'accroîtra à l'étranger lorsque l'étranger saura qu'avec l'approbation de nos constructeurs, nous avons admis en Belgique les machines étrangères ; et je voudrais que le discours de l'honorable M. Lesoinne fît le tour du monde, car je suis persuadé que nos machines le suivraient.

M. Manilius. - Messieurs, je dois répondre à l'honorable M. Coomans qui vient de dire que la loi telle que je l'entends, constituerait un privilège. Si l'honorable M. Coomans veut faire disparaître toute espèce de privilège, il faut qu'il songe à autre chose. Savez-vous, messieurs, ce qui est un privilège ? C'est le brevet d'importation. Ce privilège est d'autant plus fâcheux que c'est une autorisation de rançonner l'industrie.

Demandez donc la suppression des brevets d'importation et donnez une indemnité à celui qui importe une machine réellement utile. Aujourd'hui l'importateur devient non pas solliciteur de l’Etat, mais tributaire de l'Etat. Au lieu d'aller voir le ministre de l'intérieur et ceux qui accordent les privilèges, il va dans sa poche et il paye la patente qu'on appelle brevet d'importation. Cette fois le gouvernement ne consulte pas les chambres de commerce, mais il a une commission à sa disposition et cette commission propose presque toujours d'accorder le brevet.

Le gouvernement accorde un brevet qu'il fait payer, je crois, 200 florins, et du moment que l'importateur a acquitté cette somme, les industriels, loin de pouvoir prendre copie de la machine importée, ne peuvent plus même s'en servir, à moins qu'elle ne leur soit fournie par cet importateur.

L'honorable M. Coomans et l'honorable M. de Brouwer doivent donc s'associer à moi pour faire disparaître un privilége si contraire au progrès.

Il est plus que temps de s'opposer à ce que l'industrie soit ainsi rançonnée par l'esprit de privilège coalisé en quelque sorte avec l'esprit de fiscalité.

M. Coomans. - Vous avez raison.

M. Manilius. - Si j'ai raison, c'est que j'envisage la question au point de vue des résultats produits.

Il est malheureux, messieurs, qu'on ne s'occupe jamais que de ceux qui sollicitent en masse. Aujourd'hui ce sont les armateurs qui demandent la libre entrée des bateaux à vapeur ; ils se livrent aussi à des théories ; ils trouvent que c'est une belle chose, et ils repoussent les observations de ceux qui jugent d'après les faits, d'après la pratique ; ils ne se préoccupent que d'une seule chose : les exportations, commissions et frets.

Eh bien, messieurs, pour pouvoir exporter il faut pouvoir produire facilement, et pour cela il faut jouir avant tout de son propre marché. Il ne faut pas que celui ci soit encombré de produits étrangers. Voilà, messieurs, la première condition de tous les peuples exportateurs et, en première ligne du peuple le plus exportateur du monde, de l'Angleterre. L'Angleterre n'exporte que lorsqu'elle est fatiguée de vendre sur son propre marché et dans ses possessions. Avec toute sa supériorité, l'Angletarre ne reçoit encore que quelques articles sur lesquels elle fait payer un droit de 10 p. c. au minimum.

On exporte facilement, messieurs, lorsqu'on fait 10,000 ou 20,000 exemplaires dans une semaine et que les excédants de ce qu'on ne vend pas chez soi ne supportent pas de frais généraux. Voilà ce que vous ne pouvez pas faire et voilà ce dont les penseurs ne font pas la part.

Qu'on ne me parle donc pas de toutes ces théories qui conduisent à la ruine, mais que l'on consulte les leçons de l'expérience, les leçons de la pratique. C'est le seul moyen de ne pas s'égarer. Nos voisins, qui ont aussi des penseurs, le savent et ils cèdent à la pratique.

M. Coomans. - Messieurs, j'ai prévenu, par ma conduite, l'objection que vient de faire M. Manilius.

L'honorable membre a dit : « Opposez-vous donc aux brevets d'importation .» C'est ce que j'ai fait. Lorsque en sections nous avons examiné la loi sur les brevets, je me suis opposé aux brevets d'importation ; je n'admets que les brevets d'invention ; je ne donne pas de brevet à ceux qui courent le plus vite, mais bien à ceux qui, par un effort personnel d'intelligence, ont mérité cette faveur, cette espèce de privilège.

L'honorable M. Manilius dit que nos fabriques de machines sont en état de lutter avec toutes les fabriques du monde. J'ai pris l'honorable membre au mot et je conformerai mes votes à cette conviction. Je suis très persuadé que c'est surtout en fait de mécaniques que la comparaison est utile et que la lutte est féconde. C'est après un certain nombre d'essais, après que nous avons admis en Belgique des machines nouvelles étrangères, c'est après une expérience qui, je l'espère, sera heureuse et glorieuse, que nous pourrons dire à l'honorable M. Manilius ou aux habiles constructeurs qu'il représente :

« Vous êtes le phénix des fabricants d'Europe. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable M. Coomans pense que le gouvernement se rallie à la réunion des deux circonstances indiquées par la section centrale. C'est une erreur.

Le gouvernement demande le maintien pur et simple de l'article 2 de la loi, il ne peut pas se rallier à la réunion des deux circonstances, par les motifs que j'ai déjà eu l'honneur de faire connaître à la chambre.

M. le président. - Je dois dire un mot pour qu'on ne se méprenne pas sur le sens de l'article de la section centrale.

La section centrale propose de remplacer l'article 2 de la loi du 24 mai 1848 par l'article que chacun de vous a sous les yeux ; la seule différence entre ces deux articles, c'est que la section centrale ajoute à la fin ces mots : « et qu'ils n'auront pas fonctionné dans le pays. » Je prie la chambre de remarquer que ces mots « qu'ils n'auront pas fonctionné dans le pays, » s'appliquent aux machines, métiers ou appareils, construits dans les ateliers d'un mécanicien constructeur belge, et non aux machines, métiers ou appareils qu'il s'agit d'importer.

Pour que l'autorisation d'importer en franchise des droits ne puisse plus être accordée, il faut, d'après la loi de 1848, qu'il y ait construction dans un atelier belge ; d'après l'amendement de la section centrale, il faudrait deux conditions, non seulement la construction dans un atelier belge,, mais aussi l'emploi dans le pays.

L'amendement de la section centrale ne s'oppose donc nullement à ce que le gouvernement autorise l'importation, en franchise des droits, d'une machine déjà importée, alors même qu'elle fonctionnerait dans le pays.

M. Coomans. - J'accepte l'explication donnée par M. le président. C'est dans ce sens que j'entends la loi. Au fond, je suis d'accord avec M. le ministre de l'intérieur, qui entend aussi que les machines privilégiées par la douane soient reconnues bonnes, que le gouvernement s'assure d'avance qu'elles répondent aux besoins de l'industrie.

Cependant je trouve un certain inconvénient à effacer les mots dont il s'agit, parce que si vous les supprimez dans l'article, ce n'est plus l'industrie qui reconnaît la bonté de la machine, c'est le gouvernement qui la garantit, au risque de se tromper.

Supposons un industriel belge qui a vu fonctionner à l'étranger une (page 1506) machine qui lui conviendrait ; il demande au gouvernement belge l'autorisation de l'introduire en Belgique en franchise des droits ; le gouvernement lui dit : « Non, car cette machine se trouve construite dans le pays. « Si l'industriel objecte qu'il n'a pas encore vu fonctionner la machine, qu'elle n'a pas été éprouvée, le gouvernement lui réplique : « Je vous garantis que la machine est bonne. » N'est-ce pas engager la responsabilité du gouvernement ? Pourquoi ne pas laisser l'industriel lui-même juger des avantages ou des défauts de la machine, selon qu'il l'a vue à l'œuvre ? N'exagérons pas l'intervention gouvernementale dans les luttes industrielles ou commerciales. Simplifions-la au contraire, dans son intérêt d'abord, pour sa dignité, et aussi dans l'intérêt des travailleurs. N'exigeons pas du gouvernement plus qu'il ne peut raisonnablement faire, et n'élargissons pas, sans utilité reconnue, le cercle de sa responsabilité.

M. Prévinaire. - Messieurs, je crois que dans l'application le gouvernement fera ce qu'on veut faire insérer dans la loi ; on veut que la loi consacre l'obligation, que la machine fonctionne dans le pays. Eh bien, M. le ministre de l'intérieur dit que les effets de la loi ne cesseront que lorsqu'il existera en Belgique une machine construite de manière à réunir les qualités que vous voulez avoir ; or, le meilleur moyen de s'assurer qu'une machine est bonne, c'est de la voir fonctionner dans un établissement. Cela rentre tout à fait dans les mesures d'exécution que le gouvernement ne pourra pas s'empêcher de prendre.

Je crois qu'il y a lieu de s'en tenir à l'ancienne rédaction. La rédaction nouvelle donnerait naissance à des difficultés, en ce sens que l'article serait appliqué aux bateaux à vapeur ; vous exigeriez qu'un bateau à vapeur réunissant les qualités voulues fût en activité en Belgique ; mais il pourrait se faire que ce bateau fût construit pour l'exportation ; et s'il était constiuit pour l'exportation, cette circonstance ne viendrait pas faire cesser les effets de la loi.

-La discussion est close.

L'amendement de la section centrale est mis aux voix et définitivement adopté.

M. le président. - Amendement de M. Janssens adopté au premier vote :

« L'article 5 est modifié comme suit :

« 2° A intercaler entre les n1° et 2° :

« Lorsqu'il sera prouvé que cette commande avait été faite avant l'expiration de la présente loi. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Cette disposition n'a d'autre inconvénient que de jeter le gouvernement dans de grands embarras. En effet, quelles sont les circonstances qui établiront l'époque de la commande, quels seront les documents auxquels il faudra ajouter foi. En supposant que les documents auxquels on fera appel puissent être appréciés ; cela tend à prolonger le terme assigné à la loi. Ce terme est même indéfini ; sera-ce 6 mois, un an, qu’on aura pour l’exécution de la commande ? on ne le dit pas.

M. Prévinaire. - Si la durée de la loi avait été de 5 années, je n'aurais pas attaché d'importance à l'amendement proposé par M. Janssens ; mais en présence du terme de deux années, je le crois indispensable. Il faut du temps pour exécuter tout un matériel industriel, car ce sont des outillages complets qu'on commande, et il faut de longs mois avant qu'ils puissent être livrés. Si on ne laisse pas au gouvernement le droit de permettre l'entrée quand la commande a été faite avant l'expiration de la loi, sauf à l'établir par des contrats ou des correspondances commerciale, vous ôtez à la loi toute son efficacité ; autant vaudrait dire que la loi n'existe pas.

M. Jacques. - Je ne veux faire qu'une seule observation. Si la loi n'est pss prorogée ultérieurement, elle sera remplacée par une loi nouvelle établissant des droits modérés ; de sorte que ceux qui auront fait une commande non exécutée en seront quittes pour payer un léger droit : si tant est que cela arrive. Si la loi nouvelle qui interviendra ne réduit pas considérablement ie droit, on pourra sauvegarder les intérêts engagés par une disposition spéciale qu'on portera alors ; pour le moment il est inutile de prévoir ce cas. Ceux qui voudront faire des commandes les feront de façon qu'elles puissent être exécutées avant l'expiration de la loi, il n'y a que dans les derniers mois de sa durée que quelque incertitude pourrait s'élever.

M. Malou. - On s'occupe d'une disposition trausiloire quand une législation nouvelle intervient. Si la législation actuelle n'est pas maintenue, si, à l'expiration de la durée qu'on lui assigne, un principe nouveau prévaut à raison des faits existants, alors on verra quelle mesure transitoire il y a à prendre. Quant à présent, j'engagerai M. Janssens à retirer son amendement, car l'exécution de la disposition qu'il porte sera très difficile, ce sera matière à contestation entre le gouvernement et les industriels. Je crois qu'il vaut mieux les éviter.

M. Janssens. - Je crois devoir maintenir l'amendement admis au premier vote pour prévenir l'incertitude dans laquelle se trouveront les industriels par suite de la courte durée de la loi. M. Jacques vient de dire que la loi qui interviendra réduira les droits à un taux très modéré ; mais c'est là une chose sur laquelle on ne peut pas compter, c'est parce que nous ne savons rien de ce qui adviendra que nous voulons faire une position nette aux industriels.

M. le président. - Il y a un changement à faire à la rédaction : il faut dire, lorsqu'il sera prouvé que cette commande a été faite, etc.

M. Rogier. - Cet amendement n'a été l'objet d'aucune objection quand il a été présenté. On a compris que si la loi n'avait que deux ans de durée, elle serait sans effet utile pour beaucoup de fabricants, s'ils n'avaient pas la certitude que les commandes faites sous son empire jouiraient de la faveur qu'elle accorde. L'amendement du député de St-Nicolas repose sur un principe juste, équitable ; il faut que le fabricant qui fait des commandes à l'étranger ait la certitude qu'il les recevra en jouissant des avantages que la loi lui offrait quand elle a été faite. Au premier vote on reconnaîtra que c'était la juste conséquence de la réduction de la durée de la loi. Si le terme de 5 ans avait été admis, l'honorable membre n'aurait pas proposé son amendement ; on vient de dire, pour rassurer les intérêts qui pourront s'engager, que d'ici à deux ans une législation libérale interviendra ; mais où est la preuve ?

Au reste, si on substituait des droits modérés au tarif actuel, ce serait encore une injustice que de les faire supporter par ceux qui ont cru pouvoir profiter de la loi ; il faut leur en assurer le bénéfice, même quand le délai est expiré. Je pense qu'il ne faut pas revenir sur cette disposition, qui est la conséquence de l'amendement de la section centrale, qui à tort, selon moi, a réduit à 2 ans la durée de la loi, primitivement fixée à 5 ans.

- L'amendement est mis aux voix et définitivement adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

Le projet est adopté à l'unanimité des 63 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Osy, Pirmez, Prévinaire. Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Sinave, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.J, Vander Donckt, Van Iseghem. Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckaert, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Deliége, de Mérode (Félix), de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, de Steenhault, de T'Serclaes, Jacques, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Maertens, (erratum, page 1512) Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu. Moncheur, Moreau, Orban et Deifosse.

Projet de loi sur l'admission dans le service de santé de l'armée

Dépôt

M. le ministre de la guerre (M. Anoul) présente un projet de loi relatif à l'admission dans le service de santé de l'armée.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à la section centrale qui a examiné le projet de loi sur l'organisation de l'armée.

La séance est levée à 4 heures et un quart.