Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 2 février 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 559) M. Dumon procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

» Le sieur Siméon Storemans, cordonnier à Bocholt, né à Weert (Pays-Bas), demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le conseil communal de Beverst demande que les houilles, les fontes et les fers soient soumis à un simple droit fiscal qui n'excède pas 10 p. c. de la valeur. »

« Même demande du conseil communal de Vechmael. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Des habitants de Welden déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand, en date du 25 décembre 1853. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l’enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Le sieur Heynderickx-Mechiels, fabricant de tabac à Saint-Nicolas, demande qu'il soit accordé sur le droit, à l'importation du tabac, une déduction proportionnée à l'avarie subie par la marchandise. »

M. Janssens. - Messieurs, cette requête est digne d'attention ; elle est appuyée par la chambre de commerce de Saint-Nicolas ; il serait à désirer que la Chambre pût s'en occuper avaut de voter le projet de loi concernant le tarif des douanes. Je proposerai de la renvoyer à la section centrale qui sera chargée d'examiner ce projet.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs anciens officiers de la réserve réclament l'intervention de la Chambre, pour obtenir le remboursement des sommes qui ont été retenues sur leurs appointements, depuis le 1er janvier 1840 jusqu'au jour où ils ont quitté la réserve. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Meganck soumet à la Chambre un projet de loi qui oblige les auteurs, imprimeurs ou éditeurs de publications faites en Belgique d'en déposer un exemplaire à la Bibliothèque royale de Bruxelles et aux bibliothèques des universités de Gand et de Liège. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins, conseillers communaux et des propriétaires de Deurne demandent une loi qui abolisse les taxes communales sur les engrais »

- Même renvoi.


« Le sieur Verhaeghe demande que l'Etat soit tenu d'entretenir les armes des gardes civiques. »

- Même renvoi.


« Des blessés de septembre, décorés de la croix de Fer, demandent une augmentation de pension. »

M. de Perceval. - Je proposerai à la Chambre, de renvoyer cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du budget de l'intérieur, puisqu'elle est encore saisie de l'amendement de MM. Rodenbach, Dumortier et Ad. Roussel concernant les décorés de la croix de Fer.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Westen déclare protester contre les paroles prononcées par un membre de la Chambre faisant son rapport sur sa pétition dans la séance du 7 décembre 1853 et demande que sa protestation soit insérée dans les Annales parlementaires. »

M. le président. - Chaque fois qu'on a adressé à la Chambre des protestations contre des paroles prononcées par un de ses membres, la Chambre a passé à l'ordre du jour. Le bureau propose de prendre la même décision sur la pièce dont on vient de présenter l'analyse.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Rome fait hommage à la Chambre de 110 exemplaires du mémoire qu'il vient de publier sur le chemin de fer hollando-belge de Liège à Utrecht par Maestricht et Bois-le-Duc dont il a demandé la concession. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.

Projet de loi autorisant l’aliénation de biens domaniaux

Rapport de la section centrale

M. Closset. dépose le rapport de la section centrale qu a examiné le projet de loi ayant pour objet d'autoriser l'aliénation de biens domaniaux.

Projet de loi relatif au remboursement de certaines rentes dues par l’Etat

Rapport de la commission

M. Mercier dépose le rapport de la commission des finances sur le projet de loi relatif au remboursement de rentes dues par l'Etat.

Rapport sur une pétition

M. Van Iseghem, au nom de la commission d'industrie, dépose le rapport sur la pétition de plusieurs habitants de Heule qui demandent la prohibition provisoire des céréales à la sortie.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces divers rapports et met la discussion des objets qu'ils concernent à la suite de l'ordre du jour.

Proposition de loi modifiant l’article 18 de la loi du 30 mars 1836 sur l’organisation communale

Lecture, développements et prise en considération

M. Lelièvre, en suite de l'autorisation des sections, donne lecture de la proposition suivante :

« Proposition de loi.

« Les soussignés ont l'honneur de proposer à la Chambre le projet de loi suivant :

« Article unique. Dans le cas prévu par l'article 18 de la loi communale du 30 mars 1856, le rejet du pourvoi en cassation ne donne pas lieu à l'indemnité énoncée à l'article 58 de la loi du 4 août 1832.

« Bruxelles, le 1er février 1854.

« X. Lelièvre ; comte de Muelenare. »

M. le président. - Quel jour M. Lelièvre désire-t-il être entendu pour développer cette proposition ?

M. Lelièvre. - A l'instant même si la Chambre le permet. Ce sera l'affaire de quelques minutes.

- La Chambre décide que M. Lelièvre sera entendu immédiatement.


M. Lelièvre. - Depuis 1830, la législature belge n'a rien négligé pour faciliter l'exercice légitime des droits des citoyens en matière électorale. Comprenant parfaitement qu'uu droit politique important était en question, elle a introduit le pourvoi en cassation contre toute décision de la députation permanente du conseil provincial qui statue sur des réclamations concernant les listes électorales ; mais en même temps elle a cru devoir supprimer toutes les prescriptions du droit commun qui, dans les matières ordinaires, rendent ce recours difficile et même dangereux pour celui qui juge convenable d'y recourir. Oa pensa que le pourvoi en cassation, lorsqu'il s'agit de droits électoraux, devait être considéré comme un moyen légal dont l'exercice méritait faveur, loin d'être environné d'entraves.

Ce fut cette pensée qui dicta la disposition de l'article 14, avant-dernier alinéa de la loi électorale du 3 mars 1831, statuant qu' « il sera procédé sommairement en cassation et toutes affaires cessantes, avee exemption des frais de timbre, d'enregistrement et d'amende. »

Cet ordre de choses était en vigueur lors de la discussion de la loi communale du 30 mars 1836, et en conséquence on ne crut pouvoir mieux faire que d'énoncer dans l'article 18 cette disposition législative la prescription déjà écrite dans la loi électorale.

L'expérience ne tarda pas à révéler des inconvénients qui d'abord n'avaient pas été aperçus.

On avait bien décrété qu'il y aurait exemption des frais de timbre, d'enregistrement et d'amende, mais le demandeur en cassation qui succombait dans son pourvoi ne devait pas moins être condamné à une indemnité de 150 francs, envers chacun des défendeurs, conformément à l'article 58 de la loi du 4 octobre 1832.

Lorsqu'il fut question de la révision de la loi électorale, on jugea nécessaire de faire cesser cet état de choses et effectivement l'article 9 de la loi du 1er avril 1843 énonça formellement qu'il y aurait exemption des frais de timbre, d'enregistrement, d'amende et d'indemnité.

Mais, messieurs, la loi du 1er avril 1843 n'était relative qu'aux élections générales et provinciales, et l'on perdit de vue l'article 18 de la loi communale du 30 mars 1836 qu'on laissa subsister dans toute sa teneur.

Il arriva, par suite, qu'en ce qui concerne la liste des citoyens à la commune, la législation antérieure fut maintenue, de sorte qu'aujourd'hui, comme l'ont décidé de nombreux arrêts de la Cour de cassation, celui qui succombe dans un pourvoi relatif aux droits électoraux à la commune est condamné à cent cinquante francs d'indemnité envers chacun des défendeurs, parce que ceux-ci ont un intérêt distinct et séparé, ce qui souvent élève la condamnation à une somme très considérable. Les défendeurs obtiennent même cette indemnité soit qu'ils comparaissent soit qu'ils fassent défaut.

La proposition que j'ai déposée de concert avec l'honorable comte de Muelenaere a pour objet de faire cesser cet état de choses et l'anomalie qui existe entre la loi électorale en vigueur et la loi communale.

Il est évident que si l'exemption de l'indemnité est prononcée en ce qui concerne la liste électorale relative aux élections générales et provinciales, à plus forte raison doit-il en être de même relativement aux (page 560) droits électoraux à la commune. Ceux-ci méritent même plus de faveur et dès lors on ne saurait, à leur égard, maintenir des entraves que l’on a fait disparaître pour d'autres.

D'ailleurs les mêmes motifs qui ont fait décréter l'exemption des frais de timbre, d'enregistrement et d'amende, dans le cas prévu par l’article 18 de la loi communale du 30 mars 1836, militent pour étendre cette disposition à l'indemnité même, puisque c'est également un obstacle à l'exercice légitime des droits électoraux, qui est contraire à l'esprit de nos institutions.

D'un autre côté ne perdons pas de vue que la disposition énoncée au projet est conforme aux lois qui ont été portées depuis quelques années et qui toutes exemptent de l'indemnité les demandeurs qui succombent dans un pourvoi dirigé contre les décisions de la députation permanente du conseil provincial.

C'est en ce sens qu'ont statué la loi du 22 janvier 1849, en matière de patentes, celle du 18 juin même année, sur la milice, et enfin la loi de 1853 révisant les dispositions législatives du 8 mai 1848 sur la garde civique.

Le maintien de l'article 18 de la loi communale tel qu'il est conçu n'est donc pas en harmonie avec l'esprit général de la législation, il est de nature à nuire à l'exercice d'un droit précieux qui mérite la protection spéciale de la loi. On ne peut en cette matière appliquer les principes du droit commun qui n'envisage le recours en cassation que comme un moyen extrême dont l'exercice doit être environné d'entraves.

Nous sommes convaincus, mon honorable collègue et moi, que la Chambre n'hésitera pas à se rallier à une proposition qui a pour objet d'établir l'uniformité et l'harmonie dans notre législation électorale et de faire cesser des inconvénients sérieux dont il est impossible de méconnaître la réalité.

La révision de la liste des citoyens à la commune devant avoir lieu en avril prochain, la proposition a un caractère d'urgence qui engagera sans doute la Chambre à en faire le plus tôt possible l'objet de ses délibérations.

Prise en considération

- La discussion est ouverte sur la prise en considération de cette proposition.

Personne ne demandant la parole, la prise en considération est mise aux voix et prononcée.

La chambre décide que la proposition sera renvoyée à l'examen des sections.

M. de Muelenaere. - Je demande que les sections veuillent bien s'occuper le plus tôt possible de cet examen. Il serait à désirer que cette loi pût être promulguée avant le mois d'avril, époque à laquelle il faut procéder à la révision des listes électorales. (Appuyé.)

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Agriculture

Article 51

« Art. 51. Traitement et indemnités du personnel du haras ; fr. 49,000. »

- Adopté.

Article 52

« Art. 52. Matériel du haras et achat d'étalons. Amélioration des races chevaline, bovine, ovine et porcine ; exécution des règlements provinciaux sur la matière. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture ; concours et expositions ; subsides et encouragements aux sociétés et aux comices agricoles. Industrie séricicole ; bibliothèque rurale ; enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture ; conférences agricoles des instituteurs primaires ; encouragements à l'agriculture.

« Charge ordinaire fr. 389,500.

« Charge extraordinaire : fr. 40,000. »

M. le président. - La Chambre a voté hier sur l'allocation destinée à l'achat d'étalons ; elle a adopté l'amendement de M. Delehaye. Reste à statuer sur les autres allocations comprises dans l'article 52.

La section centrale propose de diviser l'article 52 en 5 articles.

Le gouvernement se rallie-t-il à cette division ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, M. le président.

M. le président. - M. Orban a proposé d'ajouter à l'article 52 du budget de l'intérieur un nouveau littéra ainsi conçu :

» Pour distribution de chaux à prix réduit, 50,000 fr. »

La parole est à M. Orban pour développer son amendement.

M. Orban. - Vous ne serez point étonnés, messieurs, de la proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre et qui déjà a été appuyé par plusieurs de mes collègues, avant que j'aie obtenu la parole pour la développer. En présence de la détermination prise par le gouvernement de faire cesser brusquement les effets de la mesure bienfaisante et juste appliquée momentanément à quelques-unes de nos provinces, c'était un devoir pour nous, quelque pénibles que soient les propositions de dépenses, de suppléer à son abstention par notre initiative.

Il est imposible, en effet, messieurs, de se rendre un compte raisonnable de la résolution prise par le gouvernement. De toutes les dépenses faites, de toutes les mesures prises par lui, en vue de stimuler le développement et les progrès de l'agriculture, il n'en est aucune, on peut l'assurer hardiment, qui ait mieux atteint son but ; qui ait eu des conséquences plus avantageuses que celle à laquelle il paraît vouloir renoncer.

Il n'entre point dans mon intention de rappeler ici tous les faits, tous les témoignages qui ont été invoqués pour mettre cette vérité en lumière. L'époque n'est pas éloignée, en effet, où M. le ministre de l'intérieur actuel rivalisait avec son honorable prédécesseur pour vous faire connaître les immenses résultats obtenus au moyen d'un léger encouragement accordé à l'emploi d'un amendement merveilleusement efficace. Je ne dirai, ou plutôt je ne répéterai qu'une chose, c'est que la chaux appliquée aux bruyères et aux terres froides de l'Ardennc, n'a pas seulement pour vertu de transformer les terres incultes en terres arables, elle a aussi pour vertu de transformer l'agriculture elle-même, mieux que ne le feront jamais tous les enseignements possibles, en favorisant la culture des plantes fourragères, qui permettent d'élever le bétail à l'écurie et de conserver, sans déperdition, les engrais nécessaires à la fumure des terres.

Comment se fait-il donc que le gouvernement se soit subitement arrêté dans l'emploi d'une mesure si bien justifiée par lui-même ? Il nous est d'autant moins donné de le comprendre, que M. le ministre ne se bornait pas, l'année dernière, à défendre l'allocation, à repousser avec force la réduction proposée par la section centrale, mais il proclamait lui-même la nécessité de la maintenir pendant plusieurs années encore. Il y a plus, messieurs, c'est que les contradicteurs de M. le ministre eux-mêmes, tout en demandant une réduction du chiffre, reconnaissaient la nécessité de ne pas le supprimer entièrement, mais de le conserver en le réduisant successivement. Voici, messieurs, comment s'exprimait l'honorable M. Osy qui combattait le chiffre de 75,000 fr., en appuyant celui de 40,000 fr. proposé par la section centrale :

« Si le gouvernement venait aujourd'hui vous proposer de ne plus distribuer du tout de chaux à prix réduit, je combattrais son opinion, j'appuierais le vote d'un crédit pour que les encouragements accordés jusqu'ici soient pendant quelque temps diminués graduellement avant d'arriver à leur suppression. »

Et plus loin, il ajoutait :

« La réduction du chiffre proposé sera un avertissement que d'ici à peu d'années ces encouragements cesseront. »

Ainsi, messieurs, vous le voyez, en vous proposant de consacrer cette année 50,000 fr. pour distribution de chaux à prix réduit, je ne fais évidemment que ce qu'aurait dû faire le gouvernement lui-même. Je fais une proposition qui répond à l'engagement pris par le gouvernement vis-à-vis de la Chambre, vis-à-vis d'une partie du pays, vis-à-vis de lui-même, de continuer cette mesure pendant quelques années encore. En réduisant cette allocation dans une proportion assez considérable, en substituant une somme de 50,000 fr. à celle de 75,000 fr., qui figurait l'année dernière au budget, je tiens compte du vœu exprimé de voir réduire successivement ces primes, jusqu'à ce que la suppression puisse en avoir lieu avec moins d'inconvénient. Je tiens compte aussi des besoins du trésor et de la nécessité de réduire les dépenses.

Pour le moment, messieurs, je n'ajouterai qu'un mot pour justifier ma proposition. Plus de 200,000 hectares de terres incultes, mais éminemment propres à la culture, existent encore dans trois de vos provinces. Le défrichement de cet espace sera dans l'avenir, comme il l'a été dans le passé, l'œuvre tardive du temps et des siècles, si vous l'abandonnez sans encouragement aux efforts individuels. Vous avez constaté au contraire, vous avez expérimenté qu'au moyen d'un léger encouragement, peu dispendieux pour le trésor, vous avez accéléré singulièrement cette œuvre d'amélioration, et ajouté plus de 8,000 hectares à la culture existante en peu d'années.

Faut-il abandonner prématurément une œuvre aussi utile, aussi éminemment nationale ? Le pouvez-vous, messieurs, en présence du déficit constaté et toujours croissant de la production agricole pour satisfaire à la consommation publique. Le pouvez-vous alors qu'il est constant que le défrichement de nos bruyères est le seul moyen de pourvoir au plus grand danger et au plus grand besoin du pays ? Une pareille abstention, je n'hésite pas à le dire, serait la condamnation de la plupart de vos budgets, où figurent peu de dépenses d'une utilité comparable à celle qui vous est proposée.

M. le président. - L'amendement de M. Delehaye, qui a été adopté à la séance d'hier, a fait disparaître la partie de l'amendement de M. Pierre qui était relative à la suppression de l'article 51 et du littera A, numéros 1 et 2, de l'article 52. Reste celle qui concerne la distribution de chaux à prix réduit, pour laquelle M. Pierre propose d'accorder un crédit de 75,000 fr. L'amendement de M. Pierre a été développé et appuyé, il est compris dans la discussion.

M. Thibaut. - Je viens joindre mes regrets à ceux qui ont été exprimés par plusieurs honorables membres représentants du Luxembourg, sur la résolution prise par M. le ministre de l'intérieur de ne pas demander le renouvellement du crédit destiné à distribuer de la chaux à prix réduit. Cette résolution de M. le ministre de l'intérieur, lorsqu'elle a été portée à la connaissance des populations ardennaises, y a produit, il faut le dire, un désappointement cruel. Elle a été motivée sur la mauvaise situation de nos finances, résultat de la crise alimentaire. Eh bien, on a dit qu'il y a là évidemment une contradiction. Car si la Belgique et l'Ardenne, en particulier, ne produit pas autant qu'elle le'pourrait, ne produit pas assez pour nourrir ses habitants, il semble peu raisonnable de retrancher du budget des allocations qui sont destinées à stimuler, à augmenter la production.

(page 561) L'honorablc M. Orban propose de porter au budget une somme de 50,000 francs. Je crois cependant que l'honorable membre n'a pas l'intention d'exclure la province de Namur de tout droit dans la répartition de la somme qui sera allouée par la Chambre.

L'année dernière et les années précédentes vous avez voté 75,000 fr. pour distribution de chaux à prix réduit. La plus forte partie de cette somme était à la vérité destinée au Luxembourg ; mais il y a cependant, dans la province de Namur, plusieurs cantons de l'arrondissement de Dinant qui ont les mêmes besoins que le Luxembourg et les mêmes droits. Leurs besoins et leurs droits ont été reconnus les années précédentes. Je crois donc qu'il entre dans la pensée de l'honorable membre de comprendre dans la distribution de la chaux la province de Namur.

M. Orban. - Certainement. J'ai parlé de plusieurs de nos provinces.

M. Thibaut. - Eh bien ! s'il est vrai que plusieurs provinces ont droit à obtenir quelque faveur par la distribution de chaux à prix réduit, il me semble que le crédit ne peut pas être réduit à 50,000 francs.

J'appuierai donc la proposition de l'honorable M. Pierre, qui propose un chiifre de 75,000 francs.

Veuillez remarquer, messieurs, que cette dépense ne sera pas improductive. Il semblerait, au premier abord, qu'elle ne procure qu'un avantage particulier aux populations auxquelles ou distribue la chaux pour l'amendement de leurs terres. Mais le trésor s'indemnise de l'avance de fonds qu'il fait, parce que les terres amendées par la chaux acquièrent plus de valeur et que journellement il se fait des transactions qui donnent au trésor des droits, qui successivement peuvent équivaloir à la dépense qu'il fait et la dépasser.

Je dois encore vous faire observer que les contrées qui demandent le maintien de la distribution de la chaux à prix réduit ne possèdent pas, comme d'autres, des canaux ; ne possèdent pas, jusqu'à présent, de chemin de fer ; et même la partie de l'arrondissement de Dinant en faveur de laquelle je réclame paraît destinée à n'en posséder jamais.

Los moyens de transport y sont donc difficiles et coûteux, une faible compensation a jusqu'à présent été accordée ; je ne crois pas que vous ayez l'intention de la leur refuser tout à coup.

J'espère que le gouvernement ne fera pas d'opposition à la proposition qui a été déposée par nos honorables collègues. Je pense que M. le ministre de l'intérieur qui, dans d'autres occasions, a soutenu avec chaleur le crédit de 75,000 fr., s'unira également à nous pour déterminer la Chambre à le voter encore cette année-ci.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois qu'il importe de dire immédiatement à la Chambre l'opinion du gouvernement sur la proposition qui lui est faite.

Personne ne conteste, et le gouvernement, moins que tout autre, la haute utilité de l'emploi de cet amendement dans les travaux de l'agriculture et notamment dans les provinces au nom desquelles on parle. S'il pouvait y avoir le moindre doute, il suffirait de se rappeler les efforts qui ont été faits dans la dernière session pour obtenir à grande peine de la chambre un renouvellement du crédit pour la distribution de la chaux à prix réduit.

Pourquoi donc, demanderez-vous, le gouvernement n'a-t-il pas reproduit cette année la demande d'un crédit ? Je dirai en très peu de mots les motifs qui ont dirigé le gouvernement dans son abstention.

Vous vous souvenez tous des circonstances dans lesquelles le crédit a été voté l'année dernière : l'opposition considérable qui s'est produite dans cette assemblée, contre la continuation de la distribution de la chaux à prix réduit, et surtout la faible majorité qui a fait triompher par son vote la demande de crédit. La signification de ce vote a été telle aux yeux du gouvernement que dans l'opinion du plus grand nombre même de ceux qui ont appuyé la demande de crédit, il fut entendu que c'était un dernier essai qu'on faisait pour donner aux populations du Luxembourg, d'une partie des provinces de Namur et de Liège, un témoignage de bienveillant intérêt.

C'est, messieurs, sous l'impression du caractère de cette discussion et des déclarations faites dans la Chambre par un grand nombre de membres favorables à la proposition, que le gouvernement a cru devoir user d'une très grande réserve. Il l'a cru, d'autant plus que dans la situation spéciale où se trouve cette année le trésor, le gouvernement s'est cru obligé de s'abstenir de tout ce qui n'était pas une dépense de véritable nécessité, une dépense sans laquelle un service public serait compromis.

Est-ce à dire que le gouvernement forme opposition à ce que la Chambre prenne en considération la demande qui lui est faite aujourd'hui ? Pas le moins du monde. Si la Chambre, accueillent les observations qui lui ont été faites par l'honorable M. Orban et l'honorable M. Thibaut, croyait devoir, cette année, accorder encore aux provinces dont je viens de parler, la faveur qu'on sollicite pour elles, le gouvernement n'y forme nul obstacle.

Mais autre chose est de prendre, comme gouvernement, une initiative qui, dans les circonstances actuelles, aurait pu être accusée, avec quelque raison, d'inopportune, autre chose est de se rallier à l'opinion qui serait assez généralement exprimée dans cette assemblée.

Seulement je dois faire remarquer que si la Chambre croyait devoir encore cette année accorder un crédit pour la distribution de la chaux, il y aurait lieu de libeller le crédit de telle manière qu'il pourrait être employé en partie au service des défrichements, et je vais dire pourquoi.

Les crédits spéciaux accordés pour les défrichements sont aujourd'hui épuisés. Cependant il y a quelques travaux entrepris à raison desquels le gouvernement a dû contracter des engagements qui sont non seulement annuels, mais qui se prolongent pendant plusieurs années. Ces engagements devront être exécutés, attendu qu'ils se rattachent à des travaux qui ne peuvent supporter d'interruption. Il résultera de ce chef une charge nouvelle d'environ 10,000 fr. qui devra, si l'on n'adopte pas la mesure que j'indique, faire l'objet d'une demande de crédit supplémentaire.

Cette dépense se rattache particulièrement aux travaux de la Campine. J'en ai ici le détail, il suffit que j'énonce le chiffre global des besoins, qui est de 10,000 fr., pour guider la Chambre dans son appréciation. Il y aurait donc, dans le cas où l'un des deux amendements proposés serait adopté, à faire état du service particulier dont je viens de parler.

Cela se pourrait d'autant mieux que par là nous ne compromettrions en aucune manière les distributions de chaux à prix réduit. En effet, il y a sur l'exercice précédent un boni de 8,000 à 10,000 fr., que nous pourrions utiliser pendant l'exercice courant.

Vous voyez, messieurs, que si le gouvernement s'est abstenu, ce n'est nullement pour priver les localités dont il s'agit du bienfait de la distribution de chaux à prix réduit. Ce n'est pas non plus en manquant à un engagement, car le gouvernement n'a rien promis ; le gouvernement a dit que la mesure était utile, mais qu'il fallait habituer insensiblement les populations à se passer de ces faveurs et à se suffire à elles-mêmes. C'était surtout là l'intention de la législature clairement exprimée dans la dernière session.

M. Osy. - Messieurs, l'année dernière j'ai combattu le crédit de 75,000 fr. qui faisait alors l'objet d'un projet de loi spécial. Aujourd'hui on va beaucoup plus loin : on demande aujourd'hui un crédit à porter au budget, et vous savez, messieurs, que quand une dépense figure une fois au budget il n'est presque plus possible de l'en faire sortir, tandis que quand le crédit est accordé par une loi spéciale qui n'a de force que pour une année, on est naturellement amené, à l'expiration de l'année, à examiner si le sacrifice est encore nécessaire.

Quant au fond de la proposition, je déclare, messieurs, que je suis contraire à toutes ces interventions du gouvernement dans les affaires de l'industrie privée. Je suis cependant d'avis, en règle générale que, comme l'a dit l'honorable M. Orban, lorsqu'on a commencé à donner de ces primes, il ne faut pas s'arrêter tout d'un coup. J'ai déjà exprimé cette à l'occasion des 10 p. c. qu'on avait accordés pour l'exportation des toiles de lin et des toiles de coton ; j'ai dit alors qu'on devait abaisser ces primes graduellement. On a commencé, en effet, par les réduire à 7 1/2 p. c. mais alors, au lieu de continuer ce système, au lieu d'opérer successivement de nouvelles réductions, le gouvernement a subitement supprimé la totalité de la prime, sans donner le moindre avertissement à ceux qui en jouissaient.

Ici l'on a accordé, l'année dernière, 75,000 fr. et cette année l'honorable auteur de la proposition ne demande que 50,000 fr. ; sous ce rapport je dois l'approuver. Cependant je suis trop contraire à l'intervention du gouvernement dans les affaires des particuliers pour pouvoir admettre cette proposition, et je dois déclarer que je la combattrai, alors même qu'elle sera présentée sous la forme d'un projet de loi spécial.

Je crois, messieurs, comme le disait l'honorable ministre de l'intérieur, que cette année nous devons être extrêmement sobres de dépenses.

Il y a peu de semaines M. le ministre des finances a déposé la situation du trésor au 1er septembre, et vous avez vu, messieurs, que le déficit était alors de 27 millions ; si vous ajoutez à cela toutes les dépenses supplémentaires que nous avons votées à l'occasion du renchérissement des vivres, des fourrages, les crédits supplémentaires que nous avons accordés pour la guerre, vous reconnaîtrez que nous finirons la session avec un déficit de 33 millions. Nous avons autorisé le gouvernement à consolider une partie de la dette flottante, mais cette opération sera bien difficile dans la situation où se trouvent aujourd'hui les fonds publics, en Belgique et dans les autres pays de l'Europe. Je crois qu'il est plus que temps de nous arrêter dans les dépenses qui ne sont pas de stricte nécessité.

J'ai toujours voté avec grand plaisir des subsides pour la voirie vicinale, mais il me sera impossible d'accorder les 200,000 fr. qui sont demandés pour ce service, de même que je devrai repousser les 50,000 francs demandés pour les distributions de chaux à prix réduit.

Je demande, messieurs, que la proposition de l'honorable M. Orban soit renvoyée à une loi spéciale et qu'elle soit examinée en sections ; le gouvernement pourra nous dire alors si nous devons absolument continuer à faire des sacrifices pour les distributions de chaux.

Maintenant, messieurs, le gouvernement ne se rallie pas à la proposition de la section centrale, de diviser l'article 52 en 5 articles. J'appuie fortement cette proposition. Ce que nous dit la section centrale relativement aux écoles d'agriculture, est extrêmement juste : on dépense la totalité d'un crédit et on vient ensuite demander des sommes pour des dépenses absolument nécessaires. Ainsi, l'année dernière, la ville de Bruxelles devait recevoir un subside en vertu d'un contrat ; on n'a pas payé ce subside ; comme il s'agissait d'un article subdivisé en litteras, on avait employé cet argent pour d'autres objets. J'engage donc beaucoup la Chambre à entrer dans la voie que lui indique la section centrale.

(page 562) M. le président. - Le gouvernement s'oppose à la division de l'article 52 en 5 articles ; mais le gouvernement ne peut pas s'opposer à la division du vote ; la division, quand elle est demandée, est de droit, la section centrale demande, en tout cas, la division du vote.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, je ne pense pas que la Chambre veuille adopter la motion d'ordre qui lui a été proposée par l'honorable M. Osy. Je n'en comprends ni la nécessité, ni l'utilité.

La proposition faite par les députés du Luxembourg est un encouragement de la même nature que ceux qui sont portés au budget, tels que les crédits affectés au haras, au jardin botanique de Bruxelles, etc. Je ne vois pas dès lors pourquoi le subside pour la distribution de la chaux dans le Luxembourg n'y figurerait pas au même titre. Pourquoi ferait-on cette différence ?

L'honorable M. Osy pense que si l'allocation est une fois inscrite au budget, on ne peut plus l'en faire sortir. Cet argument s'applique mieux à une loi spéciale. Les dépenses votées dans le budget n'ont qu'une durée annuelle, tandis que si vous votez une loi spéciale, il faut une proposition spéciale pour la faire cesser.

Ainsi, dans le système même de l'honorable M. Osy, il est préférable que la dépense soit portée au budget.

Du reste, c'est une question parfaitement connue ; elle a été discutée longuement l'année dernière ; je ne vois pas dès lors pourquoi il faudrait lui donner les honueurs d'une loi spéciale. La Chambre peut la trancher aujourd'hui en toute connaissance de cause.

Je prie la Chambre d'être persuadée que si nous insistons vivement, c'est que ce subside offre un immense intérêt pour les Ardennes, non seulement pour la province de Luxembourg, mais pour deux autres provinces adjacentes. S'il ne s'agissait que de l'intérêt de quelques individus, soyez-en convaincus, il nous eût suffi que le gouvernement ne prît pas l'initiative de la proposition pour nous engager à nous abstenir ; si nous insistons donc, c'est qu'il n'y a pas d'encouragement plus efficace, plus utile pour l'agriculture dans les Ardennes. Depuis que cet encouragement est accordé, de très grands progrès de toute nature se sont accomplis pour le défrichement.

D'honorables collègues qui siègent dans cette enceinte pourront vous dire qu'au moyen de la chaux ils ont obtenu des résultats remarquables ; des récoltes en froment, sur le sol ardennais. Mais le subside dont il s'agit vient en aide surtout à cette population agricole qui doit principalement exciter notre intérêt. Ce sont les petits agriculteurs qui en profitent et qui en sont reconnaissants au gouvernement. C'est cette population qui ne connaît le plus souvent l'intervention du gouvernement que par les receveurs des contributions et par l'application de la loi sur la milice, c'est cette population, c'est le paysan de l'Ardenne qui, n'ayant pas assez de capitaux, est craintif en matière d'améliorations, c'est cette population qui profite de l'encouragement du gouvernement, et entre dans cette voie de progrès que nous devons rechercher dans cette matière.

Si donc nous faisons cesser ce bienfait, nous allons causer un véritable préjudice à ces populations ; toutes les autorités, toutes les sociétés d'agriculture sout d'avis que si le subside est supprimé brusquement, le progrès sera aussi à l'instant arrêté.

On était heureux de cet encouragement qui se répand sur un si grand nombre de particuliers. On demandait seulement que cela durât jusqu'à l'exploitation du chemin de fer du Luxembourg qui doit apporter une si grande économie dans les transports.

Il ne s'agit donc que de continuer le subside pendant deux ou trois ans, comme le demande le conseil provincial.

J'ai entendu avec plaisir M. le ministre de l'intérieur déclarer qu'il ne s'opposerait pas à la proposition ; mais je regrette qu'il n'en ait pas pris l'initiative ; nous nous attendions, je dois le dire, à cette initiative, surtout après les discours chaleureux qu'il avait prononcés l'année dernière, lorsqu'il venait déclarer à la Chambre que l'allocation du subside présentait un immense intérêt pour l'agriculture dans les Ardennes ; mais du moment que M. le ministre de l'intérieur ne s'oppose pas à la proposition, la Chambre ne doit pas avoir égard au défaut d'initiative de la part du gouvernement.

Ainsi, tout ce que nous demandons, c'est l'allocation du subside de 75,000 fr. pendant quelques années encore. Je pense que le subside doit être de 75,000 fr., il s'agit de trois provinces. Je ne sais si l'honorable M. Orban a des raisons de croire que 50,000fr. seraient suffisants ; mais je craindrais, d'après les discussions de l'année dernière, qu'un subside de 50,000 fr. ne soit trop faible, surtout si on veut en distraire une partie pour venir directement en aide au défrichement.

L'année dernière, M. le ministre de l'intérieur, en parlant de la réduction que proposait la section centrale, déclarait lui-même que 40,000 francs seraient une espèce d'aumône accordée aux trois provinces ; je crois donc que le crédit de 75,000 fr. n'est pas exagéré.

L'honorable M. Osy est d'avis qu'il faut une réduction progressive, mais j'aurai l'honneur de faire remarquer que déjà cette réduction progressive a eu iieu, non dans le chiffre, mais dans le subside même. On accordait, il y a quelques années, une remise beaucoup plus considérable que maintenant. Le gouvernement, par cette réduction progressive de la prime, a employé le meilleur moyen pour arriver à l'extinction du subside et a manifesté l'intention de mettre un terme aux encouragements qu'il donnait au bout d'un certain nombre d'années. De cette manière les populations agricoles s'habitueront à agir par elles-mêmes ; c'est le résultat qu'on doit se proposer d'atteindre.

M. Pierre. - Messieurs, mon honorable collègue M. Orban a proposé d'allouer une somme de 50,000 fr. pour distribution de chaux à prix réduit.

J'applaudis à l'empressement avec lequel il a fait sa proposition, mais je ne puis l'applaudir d'avoir réduit le chiffre comme il l'a fait. Aucun motif admissible ne milite en faveur de cet amoindrissement. La discussion qui a eu lieu l'année dernière n'a pas laissé le moindre doute à cet égard. Comme vient de le dire éloquemment mon honorable collègue et ami M. d'Hoffschmidt, M. le ministre de l'intérieur a déclaré qu'amoindrir le chiffre de l'allocation serait compromettre le résultat qu'on voulait atteindre.

Maintenant ce chiffre effraye l'honorable M. Osy, qui prétend faire des économies. Je suis dans les mêmes dispositions que lui, j'aime beaucoup les économies. Je ne le féliciterai pas quant au choix de l'article sur lequel il entend pratiquer la réalisation de ses vues économiques. Nous voyons figurer dans le budget une foule d'allocations d'une utilité fort contestable. Pour en citer un exemple, n'avons-nous pas vu par les discussions de ces jours derniers et par le vote émis hier combien les dépenses pour le haras rencontrent une forte opposition ?

Il faut bien admettre dès lors qu'elles sont d'une utilité excessivement contestable. Il en est beaucoup d'autres dont la nécessité peut, avec non moins de raison, être sérieusement discutée. Les unes n'ont d'agricoles que le nom, les autres sont d'importantes primes de faveur pour le commerce et l'industrie ; quelques autres sont des subsides pour des objets d'agrément, tels que celui pour le jardin zoologique de Bruxelles. Ces chiffres-là n'effrayent pas l'honorable baron Osy. Quand il s'agit d'une misérable somme de 75,000 francs, que nous demandons au pays parce qu'il nous la doit, l'honorable baron Osy s'empresse de se récrier : nous n'exigeons cependant que la conséquence d'un engagement contracté.

La loi du 25 mars 1847 a imposé au Luxembourg des mesures qui lui répugnaient profondément. La législature l'a compris et elle a mis le remède à côté du mal ; elle a voulu donner au Luxembourg une faible compensation du sacrifice qu'elle lui imposait dans l'intérêt général du pays ; elle a inscrit la distribution de la chaux à prix réduit comme corollaire du défrichement.

Nous demandons aujourd hui l'exécution d'un engagement formel que vous avez pris alors ; rien de plus.

Il serait vraiment curieux de nous voir chercher à faire une économie telle que la désirerait M. Osy. Il serait peu digne à nous de faire peser cette économie sur les plus pauvres, sur les petits propriétaires et locataires qu'a créés la loi sur le défrichement. Anvers, cette riche métropole commerciale, jouit de bien d'autres faveurs, qu'il conviendrait assurément beaucoup mieux de supprimer.

Pour ce qui est de la motion d'ordre de l'honorable M. Osy, je ne la comprends réellement pas.

Il propose que l'allocation fasse l'objet d'une loi spéciale. Pourquoi ? probablement parce qu'une loi spéciale a un caractère plus transitoire que toute autre ? Je vous le demande, messieurs, y a-t-il une loi qui ait un caractère plus transitoire que le budget ? Ses chiffres changent chaque année. Où peut-on trouver de l'inconvénient à inscrire le chiffre en question au budget ?

Pour apaiser foute susceptibilité sur ce point, nous consentirons volontiers, à ce qu'on l'inscrive au chapitre des dépenses extraordinaires, au lieu de le faire figurer à celui des dépenses ordinaires.

Nous y consentirons d'autant plus volontiers que nous ne demandons pas cette allocation à tout jamais. Nous déclarons de nouveau, comme l'honorable M. Osy l'a reconnu lui-même, que nous ne demandons pas ce subside indéfiniment. Nous en fixons d'avance le terme, ce sera le moment où le Luxembourg sera tiré de la position exceptionnelle dans laquelle il végète, vous ne pouvez le méconnaître. Quand cette province sera dotée de la voie ferrée qui doit la régénérerel la faire sortir de l'impasse où elle est enserrée, elle ne demandera plus aucune faveur.

Ces considérations n'étaient pas nécessaires pour vous éclairer ; vous deviez l'être suffisamment par les discussions récentes. Elles ne sont sans doute point encore sorties de votre mémoire. Elles vous détermineront, j'espère, messieurs, à voter les 75 mille francs que nous demandons et qui sont absolument nécessaires.

M. Vander Donckt. - Je ne viens pas contester le chiffre du crédit demandé pour distribution de chaux à prix réduit ; je tiens seulement à faire une observation à la Chambre : grand nombre de pétitions nous ont été adressées du Luxembourg, précisément des localités où les défrichements ont eu lieu, pour demander le retrait de la loi de 1847. Votre commission a proposé l'ordre du jour sur ces pétitions, et vous l'avez adopté. Dans la session actuelle une pétitiou semblable a encore été adressée à la Chambre. La commission a cru devoir proposer de nouveau l'ordre du jour.

Ces conclusions ont été fortement combattues par l'honorable M. Orban qui a demandé le renvoi au ministre à l'effet devoir s'il n'y avait pas lieu de retirer cette loi. Il me semble qu'il faut être conséquent, se mettre d'accord avec soi-même. La distribution de chaux est le corollaire de la loi de 1847 sur le défrichement ; de deux choses l'une, ou les populations du Luxembourg sont satisfaites de cette loi ou elles en demandent le retrait ; si elles ne veulent plus de cette loi, je ne vois pas pourquoi on continuerait les distributions de chaux ; dans le cas contraire, ce serait tout autre chose.

Voilà l'observation que je voulais présenter.

(page 563) M. Osy. - L'honorable M. d'Hoffschmidt fait une confusion. L'allocation de 75,000 fr. a été votée comme crédit supplémentaire ; ce crédit, voté pour une année, étant épuisé, il n'y avait plus lieu d'en faire usage ; mais la proposition de l'honorable membre tend à porter cette allocation au budget de l'année prochaine ; une fois qu'elle y aura pris place, vous ne pourrez plus l'en faire sortir.

Je demande qu'elle fasse l'objet d'une proposition spéciale. J'ai dit qu'en principe, lorsqu'on a accordé des primes d'encouragement, il faut les abaisser progressivement pour arriver à les supprimer.

Quant au subside donné au Luxembourg je l'ai combattu, par conséquent je ne suis que conséquent en venant combattre la proposition de M. Pierre et même celle de M. Orban, bien qu'elle soit d'un tiers moindre. Le gouvernement doit être extrêmement sobre dans l'allocation des subsides. La Chambre s'est prononcée d'une manière générale contre les primes ; elle a supprimé celles qu'on accordait à l'industrie linière, je ne veux pas que l'on continue à en accorder au Luxembourg.

Dans tous les journaux et dans les documents qui nous ont été fournis par le gouvernement, nous avons vu que le Luxembourg, plus heureux que les autres provinces, qui presque toutes, ont eu de mauvaises récoltes, avait eu une récolte ordinaire.

M. Pierre. - Pas du tout.

M. Osy. - Pardon, je l'ai lu dans les documents qui nous ont été distribués. Puisque nous ne donnons pas de subside aux provinces qui ont eu de mauvaises récolles, il ne faut pas en demander pour le Luxembourg.

En tout cas, si l'on veut s'en occuper, je demande positivement que ce soit par une loi spéciale.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je désire dire quelques mots à l’appui du discours de mon honorable ami M. Osy.

Quelques membres de cette Chambre se persuadent que la proposition des honorables députés de la province de Luxembourg est conçue dans des termes très modérés, parce qu'il semblerait que les demandes de crédits pour distribuer la chaux à prix réduit vont en décroissant. C'est une erreur qu'il importe de ne pas laisser subsister, et je vais rétablir par des dates et par des chiffres.

C'est en 1851, lors du compte rendu de l'emploi du crédit accordé pour les défrichements à la fin de 1846 et au commencement de l'année 1847, c'est en examinant ce compte rendu, que nous avons appris, pour la première fois, que l'on avait usé du crédit de 50,000 fr. pour distribuer de la chaux à prix réduit et l'on avait pris l'initiative de cette mesure sans consulter la législature. La partie de ce crédit consacrée à cet usage s'est élevée à 103,782 fr. 99 c, sans tenir compte toutefois des dépenses du personnel. Voir page 6 du rapport de la section centrale du 11 avril 1851.

Cette somme de 103,782 fr. 99 c. a donc suffi aux besoins de la distribution de la chaux pendant quatre années, de 1847 à 1851.

En 1851, à l'occasion d'un crédit global de 500,000 fr. demandé par le gouvernement pour continuer les défrichements, l'administration fit connaître à la section centrale qu'elle se proposait d'user de ce crédit pour la distribution de la chaux jusqu'à concurrence de 75,000 fr.

Cette somme a suffi pendant deux ans pour satisfaire la province de Luxembourg, car ce n'est qu'en 1853 que le gouvernement a présenté une nouvelle demande de fonds pour favoriser l'agriculture dans cette province et celle de Namur.

Cette proposition a soulevé de vives réclamations dans cette enceinte. La section centrale ne l'a pas admise, elle l'a, je crois, réduite à 40,000 francs, afin d'adoucir son refus, et d'arriver à la supprestion de ces primes. Il est vrai que la Chambre a admis le projet du gouvernement, mais ce n'est qu'à une faible majorité et après une opposition fort vive.

Enfin, messieurs, il n'y a pas encore un an que vous avez voté un crédit de 75,000 fr. pour ce service, et voilà que déjà on vient vous en demander un nouveau, et qui plus est, on vous demande de l'inscrire dans le budget de l'Etat, de sorte que le crédit serait renouvelé chaque année. Vous le voyez, messieurs, les demandes ne vont pas en diminuant, elles vont au contraire en augmentant.

L'intention de la législature n'a cependant pas été qu'il en fût ainsi ; son intention a été de faire connaître cet amendemenl et rien de plus, son intention n'a pas été de perpétuer cette prime, et de l'inscrire dans le budget.

Son intention n'a pas été qu'il en fût ainsi, car si l'on se croit fondé dans la province de Luxembourg à obtenir cet avantage, il est d'autres provinces qui ont les mêmes droits à la sollicitude de la Chambre.

Il y a dans la province de Brabant de nombreux cultivateurs fort peu favorisés par la fortune qui font valoir péniblement une petite propriété dans des fonds humides, des moins fertiles, et qui seraient très heureux qu'en leur distribuât de la chaux à prix réduit, car, comme le disait, l'année dernière, l'honorable M. Mascart, il est des cantons dans la province de Brabant, qui sont éloignés de 8 à 10 lieues des fours à chaux, tout comme dans le Luxembourg.

On s'étonnera peut-être hors de cette enceinte de ce qu'à l'exemple de MM. les députés du Luxembourg nous ne faisons pas de motions en faveur de la distribution de ces primes en faveur de notre province.

Il est bon que l'on sache pourquoi nous ne le faisons pas. Nous ne le faisons pas par égard pour la situation du trésor, nous ne le faisons pas, parce que ses ressources sont insuffisantes pour faire face aux dépenses existantes, et que nous ne voulons pas augmenter le découvert.

Je conçois que rien n'est plus agréable que de soutenir des propositions de ce genre, surtout quand elles réussissent. On acquiert ainsi des titres à la reconnaissance de son collège électoral et de sa province.

Mais d'un autre côté rien ne serait plus juste que de demander à ceux qui font ces propositions de dépenses d'indiquer les moyens de les couvrir, et j'ajoute que s'il n'y avait moyen de les couvrir qu'en augmentant les charges de ceux auxquels ces largesses sont destinées, la reconnaissance ne serait pas de longue durée.

Je voterai contre la proposition qui nous est faite.

M. Rousselle. - C'est pendant le discours de l'honorable M. d'Hoffschmidt que j'avais demandé la parole, et c'est parce que M. le président ne m'a pas entendu que mon tour de parole a été reculé.

Les considérations que cet honorable membre a fait valoir avec tant de précision et d'éloquence ne m'ont nullement touché et n'ont pas fait changer ma conviction, que l'objet dont nous nous occupons ne peut être traité que par une loi spéciale dont l’initiative émanerait, soil du gouvernement, soit d'un membre de la Chambre.

Messieurs, lorsque la première fois on a demandé un crédit extraordinaire qui a été voté par la Chambre comme loi spéciale, pour la distribution de la chaux à prix réduit, on a fait connaître que cette distribution ne durerait que jusqu'au moment où l'usage en serait assez apprécié et assez généralement étendu dans les localités pour que l'intérêt privé pût prendre à lui cette charge.

L'année dernière, on a demandé un nouveau crédit.

La section centrale avait pensé que l'on était arrivé à ce moment qui avait été prévu pour la cessation de cette distribution.

Cependant pour ne pas l'interrompre tout à coup, pour ne pas arrêter ce bienfait sur lequel on avait pu compter, la section centrale avait proposé de réduire à 40,000 fr. la somme de 75,000 fr. que le gouvernement avait pélitionnée. La Chambre n'a pas approuvé la réduction et a alloué les 75,000 fr. suivant la proposition du gouvernement. Mais ces 75,000 fr., comme vient de le faire observer l'honorable M. Osy, n'étaient pas destinés à être distribués en une seule année ; car précédemment les sommes allouées avaient été distribuées en plusieurs années, soit 2 ou 3 ans.

Aujourd'hui, que font ces messieurs ? Ils proposent déporter au budget annal 75,000 fr., c'est-à dire une somme de 75,000 fr. destinée à être distribuée en une seule année. Voilà pourquoi je tiens particulièrement à une loi spéciale, que nous aurons ultérieurement à examiner, parce que les effets d'une loi spéciale s'étendront sur plusieurs années. Quand, dans le passé, on voulait faire connaître et apprécier les effets de l'amendement par la chaux, et que 75,000 fr. suffisaient alors pour plusieurs années, je ne pense pas qu'il faille encore la même somme pour une seule année ; puisque les heureux résultats de l’emploi de la chaux sont appréciés. Evidemment, si l'on pouvait entrer par une mesure permanente dans un pareil système, il y aurait beaucoup d'autres provinces où il faudrait introduire la distribution à prix réduit de la chaux ou de tout autre amendement, suivant les besoins des localités. C'est un système dans lequel, à mon avis, la Chambre ne doit pas entrer. J'appuie donc de toutes mes forces le vœu que la Chambre n'adopte pas l'amendement et réserve la question pour être examinée ultérieurement à propos d'une proposition de loi spéciale émanée soit du gouvernement, soit de quelque membre de cette Chambre.

Messieurs, nous nous récrions toujours beaucoup contre la hauteur de nos budgets ; nous sommes souvent très embarrassés de faire face à toutes nos dépenses, et chaque fois que la Chambre se trouve excitée par un intérêt local un peu puissant, elle cède et consent avec facilité à grossir le budget. Je demande que la Chambre veuille bien se garantir une bonne fois contre toutes ces demandes qui nous arrivent à l'improviste comme celle qui nous est maintenant soumise.

M. Tesch. - Je commence par déclarer à la Chambre que j'appartiens à un arrondissement qui ne reçoit pas de chaux à prix réduit. Je suis donc complètement désintéressé et échappe au reproche que l'honorable M. de Man avait l'air de nous adresser, de présenter des motions qui devaient faire bon effet dans nos arrondissements, mais qui étaient tout à fait fatales aux intérêts de i'Etat.

M. de Man d'Attenrode. - Je n'ai pas dit cela.

M. Tesch. - Vous me pardonnerez. Vous avez dit que cette motion pouvait faire très bon effet dans nos arrondissements électoraux ; ce sont les termes dont vous vous êtes servi. C'est un compliment peu agréable que vous faites à des collègues, et c'est pour ce motif que j'ai commencé par déclarer qu'il ne m'atteint pas. La raison je l'ai dite, l'arrondissement auquel j’appartiens ne reçoit pas de chaux à prix réduit.

Je suis en général peu partisan de l'intervention trop prononcée de l'Etat dans les affaires agricoles ou industrielles.

Mais je remarque qu'en général dans cette Chambre beaucoup de partisans de la non-intervention du gouvernement font toujours fléchir leurs piincipes lorsqu il s'agit d un intérêt qui les touche, d'une intervention qui leur est favorable. Ainsi l'honorable baron Osy ne veut pas de l'intervention de l'Etat lorsque quelques-uns de mes collègues du Luxembourg viennent la demander en faveur de l'agriculture et sous la forme de chaux à prix réduit. Mais l'honorable baron Osy n'a jamais, je pense, repoussé les primes qui étaient données pour la navigation à voile ou pour la navigation à vapeur. C'est cependant aussi, je pense, un mode d'intervention, au profit du commerce et de l'industrie, comme ia distribution de la chaux à prix réduit est une intervention en faveur de l'agriculture.

(page 564) L'intervention de l'Etat se produit sur beaucoup d'autres points du pays et dans d'autres branches de l'activité humaine.

L'honorable M. de Man nous disait tantôt : Mais si vous demandez une somme de 75,000 fr. pour distribution de la chaux à prix réduit dans le Luxembourg, je ne vois pas pourquoi les autres parties du pays n'en demanderaient pas autant.

Mais je constate que toutes les parties du pays, tantôt dans un chapitre du budget, tantôt dans un autre, tantôt dans tel budget, tantôt dans tel autre, reçoivent une juste satisfaction pour leurs intérêts.

Ainsi le Luxembourg n'est pas intéressé à l'industrie linière. Cette industrie n'existe pas dans le Luxembourg. J'ignore si l'arrondissement de l'honorable M. de Man y est intéressé ; mais c'est une industrie qui n'intéresse pas plusieurs parties de la Belgique ; je trouve au budget pour cette industrie un subside de 100,000 francs.

Au budget des affaires étrangères, il y a des subsides pour la navigation. Eh bien ! cette navigation intéresse toutes les parties industrielles et commerciales du pays industriel, qui trouvent, au moyen de ces primes, un débouché plus facile pour leurs produits.

Ainsi, comme je le disais tout à l'heure, si un arrondissement, si une province ne reçoit pas tel ou tel genre d'encouragement ou de prime spéciale, il en reçoit d'autres par telle autre partie du budget ou par tel autre budget. Ainsi encore, le canal de la Campine, je ne pense pas que l'honorable baron Osy ait fait opposition à sa construction. C'est cependant pour l'agriculture une véritable prime. Il est bien certain qu'en y menant les eaux, en distribuant les eaux non pas à prix réduit, mais pour rien, on est parvenu à fertiliser ces terrains, qu'on exploite sans payer même la redevance stipulée par une loi. Voilà encore un autre genre de prime accordée à l'agriculture.

Mais le Luxembourg n'aurait-il pas à son tour le droit de tenir le langage que tenait l'honorable M. de Man ? N'aurait-il pas le droit de vous demander et à bien plus juste titre : Pourquoi me refusez-vous à moi une somme de 75,000 fr. rour distribution de chaux à prix réduit, alors que cependant vous donnez 100,000 fr. pour l'industrie linière, que vous donnez, je ne sais combien de cent mille francs pour la navigation, que vous avez créé un canal qui coûte des millions pour fertiliser la Campine ? Pourquoi suis-je mis à l’index ? Pourquoi ne prendrais-je pas à mon tour ma part de prime ?

Messieurs, si l'on veut condamner tout d'un coup l'intervention du gouvernement, je serai d'accord avec vous. Mais alors élaguons dès maintenant tout ce qui est véritablement prime, tout ce qui constitue l'intervention pécuniaire du gouvernement aussi bien en faveur des autres parties du pays que du Luxembourg. Ainsi commençons par l'article 61, subside en faveur de l'industrie linière, 100,000 fr. ; par l'article 62, primes et encouragements aux arls mécaniques et à l'industrie, 12,700 francs, etc., etc.

Elaguons tout cela, et quand nous arriverons aux autres budgets, au budget des affaires étrangères, au budget des travaux publics et que nous verrons figurer une allocation quelconque constituant un système de prime ou d'encouragement, nous la supprimerons encore, et je vous déclare que le Luxembourg sera de toutes les provinces celle qui y perdra le moins.

Je ne dirai plus que quelques mots.

L'honorable M. Osy voudrait une loi spéciale. Vraiment je ne vois pas l'utilité de saisir une seconde fois la chambre de cette question. Au point où la discussion en est arrivée, la question est complètement élucidée, et ce serait faire perdre du temps à la Chambre que d'en commencer une seconde.

Quant au danger que signale l'honorable M. Osy, je ne le crois pas sérieux, pour deux raisons : la première, c'est que les auteurs de la proposition vous déclarent qu'une fois que le Luxembourg sera doté du moyen de transport dont jouissent les autres provinces, personne ne viendra plus élever la voix pour que ces primes soient continuées.

Le chemin de fer du Luxembourg traversera des rochers calcaires ; il pourra prendre la chaux sur les lieux mêmes et elle pourra être transportée, une fois ce moyen de communication établi, à des conditions beaucoup plus avantageuses que celles qui résultent des primes actuellement accordées.

On demande pourquoi le Luxembourg, et je reviens à ce que disait tantôt l'honorable M. de Man, pourquoi le Luxembourg a plutôt le droit d'élever la voix que d'autres provinces ? Mais, indépendamment des raisons que j'ai déjà données, le Luxembourg a plutôt le droit d'élever la voix, parce que c'est la seule province dans laquelle vous n'ayez pas fait de chemin de fer, la seule qui soit restée depuis dix à douze ans sans cette voie de communication.

Aujourd'hui on transporte d'un point de la Belgique à l'autre, le Luxembourg excepté ; on transporte la tonne à 25 centimes par lieue. Dans le Luxembourg, au contraire, le prix du transport est de bien au-delà d'un franc par tonne et par lieue. Je félicite la Chambre et le gouvernement d'avoir créé des voies de communication rapides et économiques dans les différentes parties de la Belgique ; et si le Luxembourg jouissait également de cet avantage, nous ne viendrions pas demander des subsides pour les distributions de chaux à prix réduit ; mais tant que nous nous trouvons, sous ce rapport, dans une position exceptionnelle, la justice exige, ce me semble, qu'on maintienne également un certain avantage à cette province, fussent-ils exceptionnels. Maintenant, comme l'a dit l'honorable M. Pierre, rien n'est moins définitif qu'un budget ; il est évident que vous pouvez l'année prochaine supprimer les crédits dont vous ne reconnaîtrez plus la nécessité. On dit que c'est difficile, mais j'ai vu disparaître beaucoup de crédits portés ai budget.

Ainsi, par exemple, les courses de chevaux, les primes pour la garance, les primes pour la construction des navires, si je ne me trompe, et bien d'autres crédits encore ont cessé de figurer au budget ; du reste, les auteurs de la proposition ont pris l'engagement de renoncer au crédit dont il s'agit dès que le chemin de fer sera achevé.

L'honorable M. Osy nous a dit, messieurs, que le Luxembourg avait d'autant moins lieu de venir demander ce subside, que les récoltes ont été bonnes dans cette province. Si je voulais rétorquer l'argument, je dirais que si les récoltes ont été bonnes, cela prouve que l'emploi de la chaux est une chose utile et par conséquent qu'il faut continuer à la favoriser. Mais l'honorable M. Osy est dans l'erreur : les récoltes, dans le Luxembourg, en ce qui concerne les céréales, ont présenté un déficit d'un bon tiers, comme dans les autres provinces ; pour les pommes de terre la maladie a sévi moins que l'année précédente, mais alors elle avait fait des ravages réellement déplorables.

Je crois que la Chambre fera un acte de justice en votant la somme qui est demandée par mes honorables collègues du Luxembourg.

M. de Mérode. - Messieurs, j'ai entendu dire qu'il fallait accorder le crédit demandé pour compenser en quelque sorte les effets de la loi sur le défrichement ; mais si cette loi nécessite une compensation, c'est qu'elle est mauvaise, et alors il me semble qu'il faut la modifier. L'honorable M. Orban a combattu cette loi, je crois l'avoir combattue également parce que la prétention de cultiver toutes les bruyères d'un pays me semble très déraisonnable ; on ne peut mettre en culture certaines parties qu'en sacrifiant les autres. Je conçois qu'en employant la chaux au moyen d'un sacrifice de 75,000 fr., on puisse se passer du secours des parties stériles, mais cela n'est pas normal ; et la nécessité d'un pareil sacrifice pour le trésor, prouve que la loi est mauvaise et puisque des pétitions ont été adressées à la Chambre pour demander le retrait de cette loi, il serait à propos que M. le ministre de l'intérieur voulût bien examiner sérieusement la question et, s'il y a lieu, nous proposer des modifications à cette loi ou son retrait.

J'entends toujours dire, messieurs, que que quand on a créé le chemin de fer on n'a rien donné au Luxembourg ; mais on a donné au Luxembourg deux millions pour faire des routes et il en a été fait beaucoup ; il en a même été fait qui n'étaient nullement nécessaires, car l'honorable M. Malou nous en a cité où il ne passe que deux colliers par jour.

D'où vient cette rareté des communications ? Mais elle vient de ce que le Luxembourg n'a pas un bon sol ; les terres du Luxembourg sont d'un très mince produit, et il est impossible de les transporter dans le Brabant ou dans le Hainaut. Je dis que le défrichement de toutes les terres du Luxembourg ne réussira jamais ; s'il pouvait réussir il aurait réussi dans le passé. Cela ne veut pas dire qu'aucune amélioration ne puisse se faire dans le Luxembourg, mais il ne faut pas épuiser les provinces productives pour essayer de produire dans le Luxembourg au-delà de ce qui est possible.

Maintenant, messieurs, il y aura un chemin de fer dans le Luxembourg, et je désire qu'il produise des résultats merveilleux, mais eu attendant je ne vois pas qu'il faille continuer à imposer des sacrifices au trésor pour favoriser les distributions de chaux à prix réduit. On a dit que ces distributions avaient lieu pour faire connaître les bons effets de l'emploi de la chaux ; il paraît que les cultivateurs du Luxembourg ignoraient qu'en chaulant les terres on les faisait produire davantage ; eh bien, voilà plusieurs années que la chaux se distribue à prix réduit, et par conséquent les effets du chaulage doivent être connus dans le Luxembourg aussi bien qu'ils le sont dans le Hainaut et dans le Brabant.

Dernièrement la grêle a détruit pour quatre millions de valeurs, qu'ont obtenu tous qui avaient souffert de ce sinistre ? A peu près 300,000 fr., voilà toul, et ils ont continué à payer les contributions comme s'ils n'avaient rien perdu. Véritablement je ne conçois pas que le gouvernement veuille ainsi se charger de diriger l'agriculture. Il y a d'autres choses encore qui fertilisent les terres ; il y a, par exemple, le guano ; on pourrait faire venir du guano et le distribuer, à prix réduit, aux cultivateurs, qui en tireraient un très bon parti.

Le gouvernement ne doit pas entrer dans ces détails. Lorsque l'Etat se mêle de certaines choses, ce doit être dans des vues d’intérêt général. Ainsi hier on a voté la somme nécessaire pour le haras ; le haras est un établissement d'intérêt général, cela est utile au pays dans son ensemble. Le haras existe d'ailleurs depuis 18 ans et on n'a pas voulu le renverser tout d'un coup, sans être suffisamment éclairé.

Les subsides que l’on accorde à la navigation, je crois qu'on doit également en être tr§s sobre, mais ils ont aussi un caractère d'intérêt général. Quant aux distributions de chaux à quelques particuliers, ce sont des générosités privées qui ne peuvent pas se perpétuer ; il est temps qu'elles cessent, puisque ceux qui doivent se servir de la chaux en connaissent maintenant les avantages.

- La clôture de la discussion sur les amendements est demandée ; elle est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - MM. Thibaut et Pierre ont proposé l'un 50,000 fr., l’autre 75,000 fr. pour distribution de chaux à prix réduit.

(page 565) M. Osy propose de renvoyer à une loi spéciale les propositions de M. Orban et Pierre.

Si la proposition de M. Osy était adoptée, il faudrait, pour que la Chambre fût saisie, qu'une proposition de loi émanât soit du gouvernement, soit de l'initiative d'un membre de la Chambre.

- La proposition de M. Osy est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Nous continuons la discussion de l'article 52. La parole est M. le rapporteur.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, le crédit de l’article 52 s'élève à 429,500 fr. Ce crédit se trouve réparti en 11 littéras représentant des services qui n'ont aucun rapport entre eux.

Messieurs, vous savez que ce partage ne lie pas le gouvernement, que le gouvernement peut faire des transferts d'un paragraphe à autre. La section centrale propose de partager l'article 52 en 5 articles, elle indique une répartition qui fait la part de chaque service. Quel a été le but de la section centrale ? C'est de garantir la destination des crédits que vous allouerez. C'est de faire en sorte que le gouvernement se rapproche autant que possible des indications des libellés.

Hier, par une proposition émanant de l'honorable M. Delehaye et qui a été adoptée, vous avez réduit le littera A de 15,000 fr. qui ont été transférés au littera B ; eh bien, si vous n'adoptez pas la proposition de la section centrale, le gouvernement pourra ne pas tenir compte du vote d'hier et dépenser encore 100,000 fr. pour achat d'étalons.

Ensuite, qu'est-ce que nous apprend le passé ? C'est que quand le gouvernement a à sa disposition de si nombreux litteras, destinés à une foule d'objets qui n'ont aucun rapport entre eux, il peut faire des dépenses très considérables sur un paragraphe en négligeant d'autres services. Ainsi il y a deux ans, la Chambre a voté, pour le service de l’enseignement agricole, le crédit de 94,500 fr. ; il est arrivé que le gouvernement a dépensé 132,892 fr. 45 c, il en est résulté qu'un crédit supplémentaire a été nécessaire, il s'élève à 35,035 fr. 11 c.

La proposition de la section centrale est une simple mesure d'ordre, elle tend à assurer la destination que vous entendez donner aux crédits qui font partie de la loi du budget ; vos votes doivent être sérieux, nous devons l'entendre ainsi, le gouvernement ne peut s'y opposer sans désavouer ses propres propositions.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, cette discussion sur les littéras a déjà eu lieu à diverses reprises, et elle a été suivie du même résultat, c'est à-dire que la Chambre n'a pas consenti à la division ; voici pourquoi :

Il y a dans les articles du budget des objets qui peuvent occuper par eux-mêmes une place indépendante. Il en est ainsi, par exemple, de l'article 49 : indemnités pour bestiaux abattus. Mais d'autres articles se divisent nécessairement en paragraphes, dont chacun représente une dépense variable, et qu'on ne peut indiquer que d'une manière approximative. C'est le cas des articles 52 et 53.

Or, il arrive que sur tels ou tels littéras d'un de ces articles variables, le gouvernement parvient à réaliser une économie, et que sur d'autres littéras, il est en déficit. Ainsi, par exemple, le matériel du haras figure au budget pour une somme de 62,000 francs.

Ce chiffre est calculé sur un nombre déterminé d'animaux et d'après le prix moyen de la ration d'entretien. Mais comme le haras est variable dans ses éléments et que le prix de la ration change suivant les années, il est impossible d'indiquer d'une manière exacte le chiffre de la dépense qui devra être portée au littera dont je m'occupe.

Autre exemple. Le conseil supérieur d'agriculture et les commissions provinciales d'agriculture figurent au budget pour une somme de 28,500 fr., or, les dépenses à faire de ce chef dépendent du nombre des réunions de ces corps, de l’étendue de leurs travaux, des impressions à faire, etc., tout cela ne peut être déterminé d'une manière absolue.

Voici un autre exemple, le plus frappant de tous : Les écoles d'agriculture figurent au budget pour une somme de 94,000 fr.

Or, cette somme n'a jamais suffi ; les dépenses se sont élevées pour 1853 à 119,000 fr. ; ou a même dépensé avant 1852 de 124,000 jusqu'à 132,000 francs ; et pourquoi ? Parce que les besoins ont varié ; et pourquoi les besoins ont-ils varié ? Parce que l'enseignement agricole était à l'état d'essai, en attendant le système définitif que les résultats de l'expérience qu'on faisait, devaient indiquer.

Qu’arriverait-il si on obligeait le gouvernement à se renfermer dans des articles spéciaux ? C'est qu'il devrait nécessairement porter le chiffre de chaque article au maximum, pour ne pas courir le risque de se trouver en déficit ; par là vous seriez amenés à des chiffres plus considérables que celui qui est aujourd'hui subdivisé dans le budget en littera. C'est ce motif qui vous a déterminés, les années précédentes, à ne pas adopter la proposition qui vous a déjà été faite alors, de diviser l'article en plusieurs numéros spéciaux. Vous avez craint d'arriver à une somme supérieure à celle portée au budget présenté par le gouvernement.

Je crois donc, par les mêmes raisons, devoir insister pour que la Chambre conserve la division en litteras telle qu'elle est portée au budget. Une raison spéciale qui doit toucher l'honorable M. Osy qui a parlé de l'enseignemont agricole, c'est qu'un projet de loi vous est soumis et que quand il aura obtenu l'assentiment de la Chambre un crédit unique, invariable pour pourvoir à tous les besoins de ce service sera fixé par la loi.

M. Delehaye. - Je demande la parole pour rectifier une erreur qui vient d'être commise par M. le rapporteur. Il a dit que le crédit de 15 mille fr., distrait de celui de 100 mille fr., devait être réuni au littera B.

C'est une erreur, il forme un article séparé. C'est comme tel qu'il a été voté.

M. Osy. - Tout ce que vient de dire M. le ministre de l'intérienr me confirme dans la pensée que nous devons adopter la proposition de la section centrale, si nous voulons avoir un budget sérieux.

Je dirai peu de mots à l'appui de la proposition de la section centrale. En 1852, vous aviez voté, comme aujourd'hui, 94,500 francs pour l'enseignement agricole et commercial, qu'a fait le gouvernement ? Il a dépensé 130,000 francs au lieu de 94,000. Comme il lui manquait 35,000 francs, le gouvernement a été obligé de laisser d'autres littéras en souffrance ; cependant c'étaient des services pour lesquels vous aviez voté des fonds. Le gouvernement a été obligé de demander des crédits supplémentaires sur lesquels vous aurez un rapport spécial, et parmi lesquels figurent 35,000 francs pour des objets que vous aviez votés.

Maintenant si vous croyez que les écoles sont assez dotées avec 94,000 fr. vous serez sûrs qu'on ne pourra pas augmenter la dotation en prenant sur d'autres services pour lesquels vous devriez plus tard voter des crédits supplémentaires.

Si vous examinez les litteras réunis pour faire des articles spéciaux, vous verrez qu'on les a groupés par services qui n'ont pas de rapport entre eux.

Vous avez voté une somme pour le haras ; avec le système de M. le ministre de l'intérieur, on pourrait lui consacrer 200,000 fr., même 300,000 si on voulait, parce qu'on pourrait prendre sur d'autres litteras affectés à des services mentionnés dans l'article. Pour moi, je ne veux pas qu'on dépense pour cet objet plus des 162,000 fr. que nous avons votés.

L'article 2, exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race chevaline, de la race bovine et des espèces bovine, ovine et porcine 60,000 francs.

Si vous trouvez convenable de voter cette somme pour cet objet, nous sommes certains qu'on ne la dépassera pas ; il en est de même des 28,500 fr. destinés au conseil supérieur et aux commissions provinciales d'agriculture ; si vous croyez que cette somme suffit, vous empêchez qu'on ne l'augmente en prenant sur d'autres litteras ; je dirai la même chose des 84,500 fr. de l'article 5.

Le système proposé par la section centrale est seul rationnel ; votre budget n'est pas sérieux si vous ne l'adoptez pas, car, comme par le passé, on empiétera sur les litteras, sauf à venir demander ensuite des crédits supplémentaires pour les services laissés en souffrance. Suivons la marche que nous indique l'expérience, c'est la meilleure école, nous y sommes depuis assez d'années ; il est temps de faire en sorte que le vote de nos budgets soit sérieux et cesse d'être un enregistrement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est pour éviter les demandes de crédits supplémentaires qu'on établit cette division par littera. L'année dernière j'ai pris l'engagement de n'en pas demander, et cet engagement je l'ai tenu. Si vous voulez la division de l'article 52 en plusieurs articles spéciaux, il faut remanier tous les services qui y figurent, et demander le crédit maximum dont on croira devoir faire usage pour chacun d'eux. Ce sont des dépenses variables qu'on ne peut déterminer qu'approximativement. Quel mal peut-il y avoir à ce qu'au lieu de plusieurs articles il y en ait un seul divisé en littera, pourvu qu'on ne dépasse pas le chiffre du crédit global par l'ensemble de la dépense ? Avec la somme affectée à l'enseignement agricole, il est impossible de satisfaire aux besoins de ce service.

La dépense la moins élevée occasionnée par nos écoles d'agriculture, a été jusqu'à présent de 119,000 fr. La Chambre sait pourquoi on n'a pu assigner un crédit fixe à l'enseignement agricole. C'est parce qu'il n'existait qu'à l'état d'essai. Un projet de loi ayant été demandé, le gouvernement s'est empressé de déférer au vœu de la Chambre, et ce projet est soumis à vos délibérations.

Mais, en attendant, il faut que le gouvernement ail les moyens d'entretenir les écoles en activité, et afin d'y parvenir il a utilisé les économies faites sur quelques paragraphes de l'article que nous discutons, et il a réussi ainsi à compléter les 119,000 fr. dont on a besoin pour l'enseignement agricole.

Quoi que l'on fasse, messieurs, il est impossible d'apprécier exactement ce que coûteront les divers services divisés en litteras et réunis sous cet article.

Parmi les dépenses dont il s'agit, il en est une qui doit être faite de commun accord, de compte à demi avec les provinces, qui augmentent ou diminuent leurs crédits, selon qu'elles ont plus ou moins de fonds libres à leur budget.

Ces dépenses sont essentiellement variables. Il faudrait donc les porter à leur maximum, si on en faisait l'objet d'autant d'articles spéciaux.

M. Rogier. - La section centrale propose de faire un article spécial du subside pour l'enseignement agricole et de le fixer au chiffre de 94,500 fr. parce que cette somme a figuré les autres années parmi les litteras de l'article 52. cette somme de 94,500 fr. n'a jamais suffi pour l'entretien des écoles agricoles ; on a dû emprunter à d'autres littéras pour compléter ce qui manquait au littera J. Si vous renfermez le gouvernement dans les limites d'un article avec la somme de 94,500 fr. où prendra-t-on de quoi entretenir les écoles existantes ? Si vous réduisez l'allocation à 94,500 fr. qui n'ont jamais suffi, vous préjugez la loi qui est soumise à vos discussions ; d'après cette loi, la somme nécessaire pour (page 566) les écoles d'agriculture serait de 100 mille fr. ; il faudrait donc porter au minimum le chiffre de l'article à 100 mille francs somme à laquelle le projet de loi évalue les besoins.

Je crois, quant à moi, que dans les termes où la loi est conçue, une somme de 100,000 fr. ne suffira pas. Mais qu'à cela ne tienne. Votez les 100,000 fr. ; vous serez en harmonie avec le projet de loi, tandis que le chiffre de 94,500 fr. ne répond absolument à rien, et est insuffisant pour les écoles telles qu'elles sont ; le complément de cette somme qui forme un littera a été pris sur d'autres litteras. M. le ministre de l'intérieur se propose de suivre la même marche pour 1854.

Lorsque la loi sur l'enseignement agricole sera votée, on pourra avoir un article spécial au budget, comme on le fait pour l'enseignement moyen et pour l'enseignement supérieur. On portera à cet article la somme destinée à l'ensemble de cet enseignement.

Jusque-là, si vous ne voulez pas préjuger le vote de la Chambre, il faut maintenir l'allocation au chiffre qui a été dépensé pour l'exercice 1853. Sinon, vous introduisez dans l’enseignement agricole une réforme avant d'avoir voté la loi sur l'enseignement agricole.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je suis tout à fait de l'avis de l'avis de l'honorable M. Osy, c'est que si vous voulez avoir un budget sérieux, il ne faut pas comprendre dans un même article des services distincts.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, distincts.

M. de Naeyer, rapporteur. - Ne sont-ce pas des services distincts qui se trouvent ici confondus ? Qu'y a-t-il de commun entre l'enseignement agricole et les haras ?

Si ce ne sont pas des services distincts, je ne sais pas où il y aura de la distinction. Le conseil supérieur d'agriculture ! Je ne sais ce qu'il a de commun avec les haras. C'est si vrai que des hommes faisant partie de l'administration du haras ont même trouvé mauvais, qu'on eût consulté le conseil supérieur d'agriculture sur les besoins de cet établissement et sur la direction qu'il conviendrait de lui imprimer.

Je disais donc qu'il faut de toute nécessité que les services distincts fassent l'objet d'articles de dépenses distinctes ; car ce n'est qu'ainsi que nous pouvons exprimer d'une manière sérieuse notre volonté quant aux dépenses à affecter à chaque service. Autrement, le gouvernement pourra à tout moment méconnaître notre volonté, dépenser pour tel ou tel service plus que nous ne le voulions en dépensant moins pour un autre. Le grand inconvénient du crédit global, c'est que le gouvernement peut l'affecter tout entier précisément au service que nous avons la volonté de renfermer dans de certaines limites, sauf à venir demander des crédits supplémentaires pour les services pour lesquels on peut le mieux compter sur votre sympathie.

Quant à l'objection de l'honorable M. Rogier qui dit qu'en agissant ainsi, nous préjugerions en quelque sorte le sort de la loi sur l’enseignement agricole, il me semble qu'elle n'est pas sérieuse ; car si notre vote pouvait préjuger la question dans l'un ou l'autre sens, la question devrait, ce me semble, rester en suspens. La marche naturelle c'est de voter ce qui est nécessaire en raison des besoins constatés pour le moment.

Si le gouvernement a trop pour l'exécution de la loi telle qu'elle pourrait être adoptée par les Chambres, il sera fort à son aise. S'il a trop peu, il demandera un crédit supplémentaire.

C'est un inconvénient qu'on n'éviterait pas en votant un crédit global. Cette considération est donc sans importance pour s'opposer à la division de ce crédit global en plusieurs articles.

M. Rogier. - Je ne suis pas contraire à la division de l'article. La Chambre fera ce qu'elle voudra, et l'on verra par la suite si l'on a bien fait de spécialiser ces articles. Mais, pour l'enseignement agricole, puisqu'on veut que le gouvernement ait la somme nécessaire pour entretenir les écoles sur le pied actuel jusqu'au vote de la nouvelle loi, je demande qu'il indique cette somme, et qu'elle soit votée par la Chambre.

Personne ne peut vouloir que le gouvernement introduise des réformes, alors qu'un projet de loi est présenté.

Je pense que dans ces circounstances, M. le ministre de l'intérieur peut accepter un article spécial, à la condition que l'on y porte la somme nécessaire pour maintenir les écoles sur le pied actuel jusqu'au vote de la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Si vous admettez le principe qu'un de ces littera formera un article spécial, vous arriverez à cette conséquence qu'il faudra 26,500 francs pour que les différents services puissent marcher régulièrement. Ces 26,500 francs sont nécessaires pour deux services : celui de l'enseignement agricole d'abord, en prenant pour base la somme dépensée, en 1853, 119,000 francs, doit nécessairement être augmenté de 24,500 francs, et toute réduction sur ce chiffre est impossible, puisque c'est la dépense réelle établie par les comptes des écoles.

Ensuite, par la spécialisation des articles, je suis, comme je le disais tout à l'heure, obligé de demander le maximum de la dépense possible. Je suis donc obligé de réclamer pour l'industrie séricicole 8,000 fr au lieu de 6,000.

L'économie que le gouvernement obtenait sur les divers littéras variait chaque année ; sans le maximum de la dépense, je ne pourrais assurer les diverses branches d'administration que concerne ce paragraphe et si vous ne voulez pas arriver à maintenir les articles groupés en littéras comme ils le sont d'aujourd'hui, il faut nécessairement que vous attachiez à chacun des services que ces littéras comprennent le maximum de la dépense prévue par le gouvernement ; sinon laissez-moi continuer à faire des économies qu'il est impossible d'indiquer d'une manière précise, mais qui sont vraisemblables, puisque tous les ans il y a eu des économies à faire sur ces services spéciaux, économies qui viennent en aide pour remplir le déficit que laisse tel ou tel littera et notamment celui des écoles agricoles.

Cela ma paraît clair, et la Chambre a si peu d'intérêt à porter le trouble dans cette partie du service que je ne sais pourquoi on insiste là-dessus, si ce n'est pour faire du budget de l'intérieur un véritable champ de bataille où l'on finit par ne plus se reconnaître, où l'on établit une véritable mêlée qui ne présente que des chicanes et des contestations en opposition aux intérêts du gouvernement défendus avec loyauté et avec un esprit d'économie parfaitement entendu, quoi qu'on en ait dit.

M. Osy. - Vous voyez, messieurs, par ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur que votre budget ne signifie rien, que ce n’est plus une vérité. M. le ministre vous a proposé pour les écoles d'agriculture une somme de 94,000 fr. et il vient aujourd'hui vous dire qu'il a besoin de 26,000 fr. de plus. De manière qu'on vous demandait 94,000 fr. et qu'on en dépensait 120,000. Ainsi depuis 1850, vous ne votez plus le budget.

Il est temps, messieurs, de porter remède au mal. Le grand champ de bataille de M. le ministre de l'intérieur pour nous combattre, ce sont les écoles d'agriculture. Eh bien ! nous sommes saisis de la loi des écoles agricoles, horticoles, etc. ; on l'a examinée aujourd'hui en sections.

Si, lorsque vous aurez voté cette loi, la somme nécessaire dépasse celle de 94,000 fr., le gouvernement nous demandera le surplus dont il aura besoin, mais j'espère qu'il n'aura pas de demande à nous faire et que les écoles d'agriculture, en n'y comprenant pas, bien entendu,l'école vétérinaire, n'exigeront pas une dépense de 94,000 fr. Aujourd'hui cette somme doit suffire et nous ne devons pas permettre qu'elle soit dépassée par des transferts d'un littera à un autre.

Je crois donc qu'en toute conscience vous pouvez adopter la proposition de la section centrale.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je ne dirai qu'un mot en réponse aux dernières observations par lesquelles M. le ministre de l'intérieur a terminé son discours. Il a parlé de loyauté ; le gouvernement, je pense, est assez juste, pour reconnaître aussi la loyauté de ceux qui ne se trouvent pas d'accord avec lui.

Il est certain que le crédit global a suffi jusqu'ici et peut suffire encore, d'après l'aveu même du gouvernement, à faire face à tous les besoins. On nous dit qu'il faut une somme plus forte pour l'enseignement agricole. Mais cette somme plus forte, comment l'a-t-on trouvée ? Evidemment en opérant des diminutions sur les autres litteras. Eh bien ! que M. le ministre de l'intérieur veuille bien nous indiquer les littéras sur lesquels il a pu faire des diminutions.

Il pourra me répondre : Ce sont des diminutions éventuelles qui dépendent de circonstances que je ne puis prévoir. Mais voici un moyen de sortir de cet embarras ; ce serait de réunir tous les articles dont la dépense réelle est plus ou moins soumise à des éventualités, de les comprendre dans un seul article global, et quant aux autres services dont vous connaissez les vrais besoins, d'en faire des articles spéciaux.

Nous attachons, messieurs, de l'importance à cette division, parce que c'est avant tout une question de comptabilité, une question de régularité dans nos finances. Vous avouerez qu'il serait infiniment plus simple de faire le budget en un seul article, cela simplifierait singulièrement notre besogne et le gouvernement pourrait de cette manière pétitionner peut-être un chiffre moindre. Mais en réalité la dépense serait toujours la même, parce que, comme vous le savez, le budget n'est qu'une présomption. La dépense réelle, c'est l'argent qui sort des caisses de l'Etat.

- La division, proposée par la section centrale, de l'article 52 en cinq articles est mise aux voix et adoptée.

« Art. 1er. a. Matériel du haras de l'Etat : fr. 62,000. »

- Adopté.

« b. Achat d'étalons, 100,000 »

Ce littera a été voté hier avec le chiffre de 85.000 fr.

M. Delehaye. - M. le président, n'est-ce pas ici la place de l'article que j'ai proposé ?

M. le président. - Votre amendement a été adopté. S'il est maintenu sans modification au second vote, il formera un article spécial.

« Art. 2. A. Exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race chevaline, 20,000.

« b. Id. de la race bovine, fr. 10,000.

« c. Amélioration des espèces bovine, ovine et porcine, fr. 30,000.

« Total : fr. 60,000. »

-Adopté.

« Art. 3. Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture : fr. 28,500. »

- Adopté.

« Art. 4. Subsides à l'enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture : fr. 94,500. »

(page 567) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je demande à cet article une augmentation de 24,500 fr., afin de pouvoir assurer cette année le service sur le pied où il est établi aujourd'hui.

La dépense effective de ce service réduite à ses limites les plus étroites, s'élève à 119,000 fr. Je dois donc demander à la Chambre une augmentation de crédit de 24,500 fr. Sans cela, vous le comprenez, vous retombez directement dans la voie des crédits supplémentaires que vous avez voulu éviter. Car je déclare formellement qu'il m'est impossible de faire le service des écoles agricoles avec la somme de 94,500fr.

M. Osy. - Messieurs, les écoles d'agriculture n'ont jamais été organisées par une loi, elles ont été créées par arrêté royal et c'est seulement sur nos instances réitérées que le gouvernement nous a soumis le projet de loi dont les sections s'occupent en ce moment. Dans ce projet, le gouvernement propose lui-même de supprimer plusieurs écoles ; il me semble dès lors qu'il ne faut pas voter l'augmentation de 24,000 francs qu'il demande ; le crédit de 94,000 fr. est plus que suffisant pour les écoles qui doivent être maintenues.

M. Rogier. - Messieurs, je ne veux pas relever tout ce qu'il y a d'anti-administratif dans l'opinion de l'honorable M. Osy ; je me borne à demander à M. le ministre de l'intérieur, qui vient de présenter un projet de loi longtemps réclamé, comment il pourra remplir les engagements de l'Etat envers les établissements existants, si le chiffre de 119,000 fr., jugé nécessaire, est réduit à 94,500 fr. ?

Sur quoi se base-t-on, messieurs, pour proposer cette réduction ? Sur ce que la somme de 94,500 fr. a été indiquée au littera. Mais la Chambre sail parfaitement que les litteras ne sont que de simples indications dans lesquelles le gouvernement n'est pas tenu de se renfermer. Si le gouvernement pouvait et devait se renfermer dans les litteras, on en ferait des articles. La Chambre ne vote pas les littéras, elle vote les articles.

Messieurs, au moment même où vous êtes saisis d'un projet de loi ayant pour objet d'introduire des réformes dans l'enseignement agricole, on voudrait forcer le gouvernement à réformer à supprimer immédiatement certains établissements.

Je demande à l'honorable M. Osy de bien vouloir s'expliquer formellement : Sur quels établissements devront porter les réductions ? Quels sont les établissements qu'il faut supprimer ? Sera-ce l'école de Gand ? Sera-ce celle de Vilvorde ? Celle de Thourout ou de Haine-Saint-Pierre ? La Chambre verra ce qu'elle doit faire lorsqu'elle discutera le projet de loi. Oh alors vous ferez de grandes économies, j'en suis convaincu ! Je constate seulement que ces écoles d'agriculture qui ont coûté, dit-on, tant d'argent sous notre administration, qui coûtaient 119,000 fr., vont, d'après le nouveau projet, coûter 100,000 francs, non compris les frais d'acquisition des locaux et terrains nécessaires pour l'école supérieure. En attendant qu'on réalise ces grandes économies, je pense, messieurs, qu'il convient de laisser les choses dans l'état où elles sont. Sinon, il faut dire à M. le ministre de l'intérieur en quoi les réformes doivent consister.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il y a vraiment quelque chose d'exorbitant, messieurs, dans la manière dont on traite cette année l'enseignement agricole. L'année dernière les mêmes membres qui se plaignent aujourd'hui de cet enseignement, disaient alors qu'il était temps d'en finir avec le provisoire et de mettre la législature à même d'organiser cette branche importante de l'administration. Le gouvernement, répondant à ces observations, a déclaré à la Chambre qu'une loi serait présentée, et c'est lorsque le gouvernement vient d'accomplir cette promesse, lorsque la loi est déposée, lorsque les sections s'en occupent, c'est alors qu'on veut brusquement supprimer des établissements au milieu d'un exercice, lorsque les cours sont commencés, lorsque les professeurs et les élèves sont au travail. Evidemment, messieurs, cela n'est pas sérieux.

On vient nous dire que l'enseignement agricole a été organisé par arrêté royal, mais pourquoi, messieurs ? Parce qu'il fallait faire des essais. Mais les arrêtés royaux qui ont organisé l'enseignement agricole, les Chambres en ont eu connaissance tous les ans. Chaque année, messieurs, vous avez sanctionné l'existence du régime établi par arrêté royal, en votant les crédits qu'il nécessitait. Et aujourd'hui l'on viendrait dire que ce régime n'est pas légal ! Je le répète, des observations de cette nature ne devraient pas trouver leur place dans une discussion sérieuse.

Obliger le gouvernement, dans le cours d'un exercice, à supprimer un ou plusieurs des établissements ainsi créés, cela ne s'est jamais vu, et j'aime à espérer, pour la dignité de la Chambre, que vous ne donnerez pas un pareil spectacle au pays. Vous ne forcerez pas le gouvernement à interrompre violemment un enseignement si utile pendant que vous délibérez sur les moyens de l'améliorer et de le rendre définitif.

M. Osy. - Messieurs, la dignité de la Chambre m'importe beaucoup plus que l'honneur des écoles agricoles. La dignité de la Chambre est que quand elle vote un crédit, on ne le dépasse pas.

Quand on a établi des écoles agricoles par arrêté royal, j'ai réclamé une loi en vertu de la Constitution ; c'est seulement à la fin de 1853 qu'un projet de loi a été présenté. D'après ce projet, le gouvernement propose d'établir trois écoles agricoles, une école horticole et une école pour les instruments aratoires. Or, le gouvernement a créé par arrêté royal huit écoles agricoles, deux écoles horticoles et l'école d'apprentissage de Haine-Saint-Pierre ; nous avons donc cinq écoles agricoles et une école horticole de plus que ce qui est proposé dans le nouveau projet.

Je le demande, ne peut-on pas supprimer des a présent par arrêté royal ce qui a été créé par arrêté royal et ce que le gouvernement lui-même ne conserve pas par son projet ? La somme de 94,000 fr. me paraît suffisante ; et j'engage la Chambre à ne pas aller au-delà ; nous reviendrons de cette manière à la légalité.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, ainsi que l'a dit l'honorable M. Rogier, les litteras n'obligent pas le gouvernement à se renfermer dans certaines limites. Les articles seuls ont cet effet. Mais c'est précisément pour cela que la Chambre vient substituer des articles aux littéras, afin de pouvoir manifester sa volonté, quant à la hauteur des crédits affectés à chaque service, de telle manière que le gouvernement soit tenu de la respecter.

Quant à l'enseignement agricole, je ne crois pas que le moment soit venu d'établir une discussion sérieuse à cet égard. Une situation existe ; elle peut avoir été créée d'une manière plus ou moins irrégulière, mais enfin, c'est un fait accompli que je veux bien admettre provisoirement jusqu'au moment où la loi dont nous sommes saisis sera votée dans un sens dans l'autre.

D'après les observations de M. le ministre de l'intérieur, la somme portée au budget ne suffit pas pour satisfaire aux besoins de l'enseignement agricole. Cela me paraît étrange. En effet, depuis plusieurs années, on demande la même somme et on savait qu'en réalité une somme plus considérable était nécessaire. C'est un motif de plus pour nous de ne plus adopter ce système de liltéras qui ne sert qu'à induire la Chambre en erreur. D'un côté, on ne met aucune limite aux dépenses ; d'autre part, le gouvernement a la faculté de venir nous présenter des chiffres qui ne sont pas sérieux.

Il faudra, dit M. le ministre de l'intérieur, augmenter cet article. Mais que M. le ministre veuille bien nous apprendre sur quels articles on a pu, les années précédentes, faire des économies pour faire face aux besoins de l’enseignement agricole...

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Sur la plupart.

M. de Naeyer, rapporteur. - Indiquez-les.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Cela m'est impossible.

M. de Naeyer, rapporteur. - Est-ce sur le haras ? Cette économie me plairait beaucoup.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Une économie est faite tantôt sur un des articles, tantôt sur l'autre.

M. de Naeyer, rapporteur. - Enfin, si M. le ministre de l'intérieur avait la bonté de nous indiquer quelques articles, nous y prendrions la somme nécessaire pour compléter celle qui est destinée aux écoles d'agriculture. Il me semble que ces renseignements sont faciles à recueillir ; les dépenses ont été faites, et les registres de comptabilité du ministère de l'intérieur doivent les constater.

M. Veydt. - Messieurs, j'ai voté pour le maintien des littera au lieu des cinq articles spéciaux. La majorité de la Chambre a donné la préférence à ceux-ci.

Ce vote nous impose une obligation, celle d'allouer à chaque article la somme dont le gouvernement a besoin pour le mettre à même d'atteindre le but qu'il a en vue.

Tout à l'heure, l'honorable M. Osy faisait intervenir la dignité de la Chambre. Je l'invoque à mon tour et je convie la Chambre de se montrer conséquente avec les principes qu'elle veut voir suivis par les ministres. Que de fois n'a-t-on pas invité le gouvernement à demander la totalité du crédit dont il sait qu'il aura besoin pour faire face à la dépense, afin d'éviter les crédits supplémentaires, qui sont une source de plaintes et de difficultés ? A présent nous sommes dûment avertis par l'honorable ministre de l'intérieur, les 94,500 francs du littera i, devenu uu article, sont insuffisants ; c'esl une somme de 119,000 fr. qu'il faut pour maintenir les écoles agricoles en 1854 sur le pied de 1853. Or, il a toujours été entendu que le statu quo durerait jusqu'à ce que cette matière de l'enseignement agricole serait réglée par une loi. La Chambre s'occupe de l'examen du projet, qui lui a été soumis, conformément à son désir ; ce n'est donc pas le moment d'innover. De plus, l'exercice 1854 est commencé, les écoles sont ouvertes aux élèves ; il n'est pas possible de suspendre ou de modifier les leçons qui s'y donnent. Il est par conséquent de toute nécessité que le département de l'intérieur obtienne tout le crédit dont il sait d'avance qu'il aura besoin.

Encore une fois, messieurs, soyons conséquents avec nous-mêmes ; n'ouvrons pas d'avance la porte à un crédit supplémentaire, quand il est en notre pouvoir de le prévenir.

Ce sont les 119,000 francs que nous devons accorder pour l'article en discussion.

La dépense est bien connue. L'honorable ministre pourra examiner pour le second vote s'il lui est possible d'économiser sur d'autres articles du même chapitre, afin d'établir une compensation, si faire se peut.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je viens d'entendre dire par nos adversaires que la proposition que nous défendons est inexplicable, que nous voulons porter atteinte à des services constitués établis régulièrement par l'administration.

Nous avons répondu que ces établissements n'ont pas été fondés par une loi, et j'ajoute qu'ils l'ont été sans avoir consulté le législateur, au moyen de ces fonds spéciaux, qui ont engagé le pays dans tant de dépenses à l'insu de la législature.

(page 568) Peu importe, nous objecte-t-on, les écoles ont reçu la sanction du budget.

Or, quel est le chiffre dont le vote a sanctionné l'établissement provisoire de ces écoles ? C'est le chiffre de 94,500 fr., c'est le chiffre porté dans le budget par le gouvernement lui-même. C'est donc dans ces termes que nous avons approuvé ce qui a été fait par l'administration.

Qu'on réponde à cet argument, si cela est possible.

L'honorable M. Veydt vient de se joindre à M. le ministre de l'intérieur, pour nous convier à voler le crédit qu'il vous propose, un crédit de 119,000 francs ; d'après cet honorable député d'Anvers, les besoins du service ne nous permettent pas de discuter ce chiffre. Eh bien, messieurs, je le déclare, je pense que les besoins n'exigent pas cette dépense, et voici pourquoi :

L'année scolaire se termine au mois d'août, le chiffre de 94,500 fr. est donc très suffisant pour soutenir les établissements d'enseignement agricole jusqu'à cette époque.

Si vous votez le chiffre amendé par le gouvernement, ces établissements se rouvriront après les vacances, et vous serez obligés de porter le même crédit pour l'exercice 1855. Ainsi j'envisage le vote des 94,500 fr. comme une mise en demeure, pour le gouvernement, de faire l'application, pour l'année scolaire qui va s'ouvrir, de la loi qui tend à réformer l'enseignement agricole, dont l'examen a commencé dans les sections.

Or, messieurs, d'après les résolutions qui ont été prises aujourd'hui, dans les sections, je suis heureux de le constater, le budget de l'exercice 1855 pourra subir quelques réductions du chef de l'enseignement agricole.

D'ailleurs, messieurs, veuillez-le remarquer, les établissements pour lesquels le gouvernement vous demande 119,000 francs ne sont pas des établissements appartenant à l'Etat ; ce seul des établissements communaux auxquels on accorde des subsides.

Et des subsides ont toujours un caractère facultatif. Qu'on restreigne un peu les subsides et les 94,500 francs suffiront.

Nous pouvons les restreindre sans crainte de nuire à l'agriculture. Elle ne s'en plaindra pas, soyez-en convaincus, elle vous en sera plutôt reconnaissante. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Le chiffre proposé par la section centrale est de 94,500 fr. Le chiffre proposé par le gouvernement est de 119,000 fr. Le chiffre le plus élevé est mis aux voix.

- Un grand nombre de voix. - L'appel nominal, l'appel nominal.

- Il est procédé à cette opération. En voici le résultat :

72 membres ont répondu à l'appel.

37 ont répondu oui.

34 ont répondu non.

En conséquence la Chambre adopte le chiffre de 119,000 fr.

M. F. de Mérode qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. de Mérode. - Ma propension personnelle était de voter contre le chiffre proposé, mais M. le ministre de l'intérieur a tellement insisté sur la nécessité de ce chiffre, que je n'ai plus su ce que je devais faire ; je me suis abstenu.

- Ont répondu oui : MM. Manilius, Moreau, Orts, Pierre, Rogier, Rousselle (Ch.), Tesch, Thiéfry, Tremouroux, Van Cromphaut, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Van Grootven, Van Iseghem, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Closset, Coppieters 'T Wallant, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Bronckart, Deliége, de Naeyer, de Perceval, Dequesne, de Royer, Devaux, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Lange, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne et Maertens.

Ont répondu non : MM. Matthieu, Moncheur, Orban, Osy, Pirmez, Roussel (A.), Thibaut, Thienpont, Vander Donckt, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Boulez, Brixhe, Clep, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, deT'Serclaes, Dumon, Dumortier, Landeloos, Magherman, Malou et Delfosse.

Sur la demande de M. le président, M. le ministre de l'intérieur déclare que les 40,000 fr. portés comme charge extraordinaire à l'article 52 du projet du gouvernement se rapportent à l'article « haras ».

« Art. 5. a. Concours et expositions, subsides et encouragements aux sociétés et aux comices agricoles, fr. 48,300.

« b. Industrie séricicole, fr. 6,000.

« c. Bibliothèque rurale, fr. 7,000.

« d. Frais des conférences agricoles des instituteurs primaires, fr. 5,000.

« e. Achat et distribution de graines, d'instruments aratoires nouveaux et dépenses diverses, fr. 18,200.

« Ensemble, fr. 84,500. »

M. de Naeyer, rapporteur. - Je demanderai s'il ne conviendrait pas de tenir en suspens cet article, pour laissera M. le ministre le temps d'examiner s'il ne serait pas susceptible de quelque réduction qui viendrait compenser l'augmentation que nous venons de voter pour l'enseignement agricole.

Je crois que ce doit être possible, puisque cela s'est fait précédemment. On a trouvé moyen de faire une réduction quelconque sur d'autres articles.

Je conçois que M. le ministre n'ait pas les renseignements nécessaires pour indiquer sur quels articles porterait la réduction. Mais il pourra se les procurer.

Il y a nécessairement une modification à faire, puisque l'on vient de voter une augmentation pour l'enseiguenieul agricole et qu'avec la somme globale on a trouvé moyen de pourvoir aux divers services.

Je demande donc l'ajournement de la discussion à demain.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne puis satisfaire au désir de l’honorable membre, parce que les renseignements qu'il demande dépendent d'éléments variables de leur nature. Il m'est impossible de dire que l’on dépassera 10,000 fr. sur un article variable.

Par le système que vous avez adopté, vous contraignez le gouvernement à demander le maximum de la dépense possible, sauf, s'il ne dépense pas tout, à laisser l'excédant en boni. Mais je ne puis dire à l'avance si l'on pourra faire une réduction.

Le renvoi à demain ne pourrait donc avoir aucun résultat, car nous ne serons pas plus avancés demain qu'aujourd hui.

- L'ajournement à demain est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 5 est mis aux voix et adopté.

Article 53

« Art. 53. Inspection de l’agriculture, des chemins vicinaux et des cours d'eau ; service des défrichements en Campine et du drainage : fr. 44,000. »

M. le président. - La section centrale propose de rédiger cet article comme suit :

« Art. 53. a. Inspection de l’agriculture, des chemins vicinaux et des cours d'eau, fr. 13,000.

« b. Service des défrichements en Campine, fr. 22,400.

« c. Service du drainage, fr. 9,000.

« fr. 44,400. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot) déclare ne pas se rallier à la proposition de la section centrale.

M. le président. - La parole est à M. de Perceval pour développer l'amendement qu'il a proposé à cet article.

M. de Perceval. - Je désire ne le développer que demain ; il me manque un document dont j'ai absolument besoin.

M. Desmaisières. - L'article 53 du budget de l'intérieur se rapporte à quatre services différents.

Il y a :

1" L'inspection de l’agriculture et des chemins vicinaux pour laquelle on demande une somme de 9,000 fr. comme au budget de 1853.

2° L'inspection des cours d'eau, qu'on vient de créer, que l'on veut joindre à celle de l'agriculture et des chemins vicinaux, et pour laquelle on demande une augmentation de crédit de 4,000 fr.

3° Le service des défrichements en Campine, pour lequel on demande 22,400 francs. (C'est la première fois que ce crédit figure au budget de l'Etat.)

Et 4° Le service du drainage pour lequel on demande 9,000 fr. et qui figure aussi pour la première fois au budget. Il y a au budget un chapitre spécial pour les chemins vicinaux. Je ne m'occuperai donc ici que des trois derniers services que je viens d'indiquer.

J'ai lu attentivement tous les documents qui ont été présentés par M. le ministre de l'intérieur, à l'appui de son budget et relatifs à ces trois branches d’administration, et après en avoir fait l'objet d'un mûr examen, je me suis posé deux questions que je vais avoir l'honneur de vous énoncer.

La première, c'est celle de savoir auquel des deux départements, de l'intérieur ou des travaux publics, incombe le service des cours d’eau, et je n'ai pas hésité à l'attribuer au département des travaux publics plutôt qu'à celui de l'intérieur.

Je me suis demandé ensuite s'il ne serait pas possible d'attribuer le service des cours d'eau aux localités, de manière à ne devoir porter au budget de l'Etat aucune somme pour ce service.

Ici encore j'ai été amené à l’opinion qu'on peut très bien assurer au département des travaux publics le service des cours d'eau non navigables, ni flottables, en faisant intervenir les localités et propriétaires intéressés sans devoir porter un centime au budget de l'Etat pour cet objet.

Messieurs, le service des cours d'eau navigables et flottables appartient indubitablement (personne ne le conteste) à l'administration des travaux publics. Eh bien, il y a une corrélation telle entre les cours d'eau non navigables ni flottables et les cours d'eau navigables et flottables qu'on ne pourra jamais les bien administrer, sans réunir les uns et les autres sous une même administration.

Les cours d'eau non navigables ni flottables sont les sources auxquelles les cours d'eau navigables et flottables puisent les eaux qui leur sont nécessaires. Voyez ce qui peut arriver, lorsque ces deux administrations se trouvent séparées sous des directions différentes.

Il peut arriver que l'on administre les cours d'eau non navigables ni flottables qui doivent fournir l'eau aux cours d'eau navigables et flottables de manière que les premiers ne fournissent pas aux seconds les eaux qui leur sont nécessaires pour la navigation et les usines de leurs vallées et causent ainsi de très graves préjudices à la navigation et à (page 569) l'industrie, c'est-à-dire à des branches très importantes des intérêts généraux du pays.

Il peut arriver aussi que les cours d'eau non navigables et flottables soient administrés de telle manière qu'ils fournissent trop d'eau, et occasionnent des inondations considérables et très préjudiciables aux intérêts de l'agriculture.

Je puis vous citer un exemple de ces inconvénients que je viens de signaler, qui se présente lorsque l'administration de ces différents cours d'eau ne se trouve pas dans les mêmes mains.

Vous savez, messieurs, il en a déjà été question souvent dans cette enceinte, que dans les vallées de l'Escaut, de la Lys, de la Scarpe, et de la Deule en France, on a exécuté depuis un certain nombre d'années de grands travaux d'assèchement, et vous savez ce qui en est résulté pour notre pays.

On a si mal administré, en France, les cours d'eau non-navigables et non flottables au point de vue des cours d'eau navigables de la Belgique ; on a tellement asséché en France les bassins de l'Escaut et de la Lys, que l'on a fait arriver les eaux de pluie de ces bassins, en Belgique beaucoup plus vite qu'elles n'arrivaient précédemment et qu'on a causé dans votre pays des inondations si fréquentes et si calamiteuses, que nous avons été obligés de décréter des dépenses de plusieurs millions pour le creusement du canal de Schipdonck et pour les redressements à opérer dans la vallée du haut Escaut.

Voilà, messieurs, ce qui arrive lorsque l'administration des cours d'eau non navigables et non flottables d'une vallée ne se trouve pas dans les mêmes mains que celle des cours d'eau navigables et flottables.

Il y a donc nécessité et nécessité absolue, de réunir au même département le service des cours d'eau non navigables et non flottables et le service des cours d'eau navigables et flottables. Or, comme je l'ai dit, et personne ne le contestera, le département des travaux publics doit avoir dans ses attributions le service des cours d'eau navigables et flottables ; il faut donc qu'il ait aussi dans ses attributions le service des cours d'eau non navigables et non flottables.

Telle est d'ailleurs l'opinion des fonctionnaires auxquels le département de l'intérieur a cru devoir confier les divers services dont il est question à l'article 53. Et, ici, messieurs, je dirai en passant que le département de l'intérieur lui-même doit être d'opinion que le service des cours d'eau appartient dans son entier au département des travaux publics, puisque les fonctionnaires qu'il a chargés du service des cours d'eau non navigables sont des fonctionnaires du département des travaux publics, ce sont des ingénieurs et des conducteurs des mines et des ponts et chaussées.

Or, messieurs, il y a de très graves inconvénients à ce qu'un département emprunte ainsi des fonctionnaires à un autre département .Il y a d'abord ce grand inconvénient de voir ces fonctionnaires rétribués et payés sur les fonds de deux budgets, sur les fonds du budget de l'intérieur, et sur les fonds du budget des travaux publics. Il y a cet autre inconvénient de les voir placer sous les ordres des deux ministres différents, du ministre de l'intérieur et du ministre des travaux publics. Il y a enfin un troisième inconvénient qui n'est pas le moindre : c'est de les voir soustraits à l'action hiérarchique de leurs supérieurs spéciaux.

Messieurs, je vous disais tout à l'heure que les fonctionnaires que le département de l'intérieur a cru devoir charger des différents services qui composent l'article 53 sont eux-mêmes de l'opinion que je viens d'émettre. Je vais le prouver par quelques citations.

A la page 854 du rapport fait par l'inspecteur des chemins vicinaux à M. le ministre de l'intérieur, je lis le passage suivant :

« Mais il ne vous échappera pas, M. le ministre, que la question de l'écoulement des eaux des ruisseaux et des rivières non navigables ni flottables est elle-même inséparable de celle de l'écoulement des eaux des grandes rivières et des fleuves. On ne peut toucher à la première sans avoir immédiatement à envisager la seconde. Il n'est pas possible en effet de hâter la sortie des eaux hors des vallées secondaires saus augmenter immédiatement les embarras qu'elles n'occasionnent déjà que trop souvent dans nos vallées principales. Il n'est pas possible en un mot, dans l'état actuel des choses, et avec les moyens généralement employés, de soustraire les premières aux inondations sans accroître en même temps ces inondations en importance et en fréquence dans les secondes. »

Vous le voyez, messieurs, cet ingénieur des mines, chargé de l'inspection générale des chemins vicinaux et auquel on veut aussi donner l'inspection des cours d'eau, le dit lui-même : les deux services des cours d'eau non navigables et non flottables et des cours d'eau navigables et flottables, ne peuvent pas être séparés.

A la page 53 des développements du budget de l'intérieur, je vois ensuite un passage du rapport fait au ministre par l'ingénieur des ponts et chaussées, chargé du service des défrichements dans la Campine. J'y lis :

« Dans mon opinion, monsieur le ministre, pour arriver à l'irrigation de toutes les bruyères qui doivent être tranformées en prairies pour permettre le défrichement de toutes les bruyères de la Campine, il faut que le système actuel des canaux de cette contrée soit complété :

« 1° Par le prolongement jusqu'à Anvers d'une part, et jusqu'à l'Escaut vers Santvliet de l'autre, de l'embranchement du canal vers Tur-hout, qui doit permettre d'irriguer une très grande partie des bruyères de la province d'Anvers ;

« 2° Par le prolongement vers Hasselt de la branche du canal récemment décrétée de la Pierre-Bleue au camp de Beverloo, qui aura pour résultat d'arroser les bruyères entre Hasselt et le camp ;

« 3° Par la création d'un nouveau canal colateur destiné à faire rentrer les eaux provenant des irrigations d'Overpelt, Neerpelt et Lommel dans le canal de Turnhout, pour rendre possibles les irrigations le long de ce dernier canal ;

« 4° Par l'élargissement de cet embranchement qui seul peut rendre possible l'extension des irrigations vers Anvers ;

« 5° Par l'élargissement de la première section du canal de la Campine, aujourd'hui insuffisant pour débiter les eaux nécessaires aux irrigations actuelles ;

« 6° Par la création de nouveaux canaux d'alimentation partout où la configuration des bruyères permettra de les irriguer au moyen de la Meuse ou des autres cours d'eau de la Campine ;

« 7° Enfin, par l'augmentation de débouché des prises d'eau des canaux actuels, reconnues dès aujourd'hui insuffisantes pour assurer l'alimentation des prairies déjà créées et de celles à l'état de formation.

« Le personnel des défrichements aura à s'occuper de la plupart de ces travaux, et de plus, il aura à examiner toutes les demandes de concession d'eau qui sont adressées au département de l'intérieur ; cet examen nécessite la visite du terrain et la vérification des plans et nivellements nécessaires pour s'assurer de la possibilité de l'irrigation, et pour fixer le plus grand nombre de remplois de l'eau possible, eu égard à la configuration du sol, dans le but de réduire la dépense d'eau à son minimum. »

Messieurs, je vous le demande, ne sont-cc pas là toutes attributions du département des travaux publics, et le département de l'intérieur a-t-il des ingénieurs qui possèdent les connaissances théoriques et pratiques nécessaires pour pouvoir examiner et reconnaître quelle est l'utilité et comment doivent être exécutés ces grands travaux publics énumérés par l'ingénieur en chef, chargé du service du défrichement dans la Campine ?

Maintenant, messieurs, à la page 62 des développements du budget, je crois que M. l'ingénieur des ponts et chaussées chargé du service du drainage, termine son rapport par le paragraphe suivant :

« Enfin, M. le ministre, vous me demandez s'il n'y aurait pas avantage à former un service complexe pour le drainage et les cours d'eau. Ce dernier service n'existant pas, que je sache, dans le pays, il y aurait à mon avis, grand avantage à le créer, attendu que les cours d'eau sont peu utilisés par l'agriculture, et souvent très nuisibles aux campagnes. »

« Ici M. l'ingénieur se trompe et je le prouverai tout à l'heure, ce service existe.

« L'idée de réunir ce service à celui du drainage me paraît très heureuse, à cause des circonstances, en quelque sorte, identiques dans lesquelles les deux services devraient fonctionner, et parce qu'il en résulterait quelquefois que le temps des employés de ce double service serait mieux utilisé ; d'ailleurs, on arriverait, par cette réunion, à former un service d'une importance incontestable et qui aurait un caractère de durée. »

Vous le voyez, messieurs, l'ingénieur chargé du service du drainage est d'opinion que ce service doit être réuni au service des cours d'eau, et les ingénieurs chargés du service des chemins vicinaux ainsi que du défrichement de la Campine, et auxquels on veut confier le service des cours d'eau, sont unanimement d'avis que le service des cours d'eau non navigables et non flottables est intimement lié au service des voies navigables et flottables, et que par conséquent ces différents services doivent rentrer dans les attributions de M. le ministre des travaux publics.

M. le président, l'heure étant avancée, je demanderai à pouvoir continuer demain.

- La séance est levée à 4 heures et demie.