Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 4 février 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 592) M. Dumon procède à l'appel nominal à 1 heure et et demie.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des habitants d'Oorderen déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

« Même déclaration d'habitants de Wevelghem. »

« Même déclaration d'habitants de Coursel. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l’enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Les sieurs Devos, Vandoorne et autres membres de la société dite Tael en Kunst à Iseghem demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole et dans le projet de loi qui doit être présenté sur l'organisation des cours d'assises. »

« Même demande des sieurs Duyse, Joose et autres membres de la société littéraire de Sainte-Cécile à Hoogstratent. »

M. Rodenbach. - Cette pétition émane de plusieurs habitants d'Iseghem (district de Roulers). Déjà un grand nombre de pétitions de même nature ont été adressées à la Chambre. Je demande que ces pétitions et toutes celles de même nature qui seraient adressées à la Chambre fassent l'objet d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal de Glons demande que la concession d'un chemin de fer liégeois-limbourgeois soit accordée à l'ingénieur Stevens. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Wavre demandent la suppression des logements militaires. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Doische demande la création d'un tribunal de première instance à Philippeville. »

« Même demande des membres du conseil communal et d'électeurs de Thy-le-Château. »

« Même demande du conseil communal de Bruly. »

M. de Baillet-Latour. - Je demande que ces pétitions fassent, comme on l'a décidé pour les précédentes, l'objet d'un prompt rapport de la part de la commission des pétitions.

Ces pétitions intéressent à un haut degré l'arrondissement de Philippeville ; il serait à désirer que le rapport fût fait dans le plus bref délai possible, car l'arrondissement de Philippeville a droit à la compensation que l'on réclame pour lui.

- Cette proposition est adoptée.


« Les bourgmestre, échevins et membres du conseil communal d'Everbecq prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Sl-Ghislain vers Gand passant par les cantons de Flobecq, Nederbrakel, etc. »

- Même renvoi.


« Le sieur Constantin-Servais Bruck, négociant à Warnach, né à Wiltz (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Van Mierlo, rentier à Soignies, né à Hannut, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant, sans autorisation du Roi, du service à l'étranger. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Des distillateurs dans l'arrondissement de Nivelles prient la Chambre de rejeter le projet de loi sur les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l'exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Agriculture

Article 53

M. le président. - La discussion continue sur le littera b du chapitre 53, relatif au service des défrichements dans la Campine, et sur l'amendement présenté hier à ce littera par M. de Man d'Attenrode.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, il m'a paru, dans le cours de la discussion, que la répugnance à voter le crédit demandé pour le service des défrichements dans la Campine est surtout fondée sur ce que ce service prendrait un caractère de permanence, et sur ce qu'il y aurait impossibilité de la faire disparaître du budget dans quelque temps que ce soit. On a demandé pourquoi il ne formerait pas une charge temporaire, comme le service du drainage.

J'avoue qu'il n'y a pas grand inconvénient à consentir à cette modification, et par conséquent à faire figurer au budget comme charge extraordinaire le crédit demandé pour les défrichements. Dans ma pensée l'on sera obligé de voter ce crédit pendant chaque année. Mais que ce soit comme charge ordinaire ou extraordinaire, peu importe. Le temps apprendra ce qu'il faudra faire de définitif sous ce rapport.

Voilà les explications que j'avais à donner pour rassurer ceux qui ont fondé là-dessus leur opposition.

Ainsi, nous ralliant à la proposition de la section centrale, nous consentons à ce que le crédit de 22,400 fr. figure au budget à titre de charge extraordinaire, comme le crédit de 9,000 fr. pour le drainage qui figure déjà au budget à ce titre.

Le service des défrichements en lui-même a fait hier l'objet de critiques excessivement vives, surtout de la part d'un honorable membre de cette Chambre. Il semblerait en résulter que non seulement le service est inutile en lui-même, mais qu'il est mal exécuté. Si l'on s'était rendu un compte plus exact des motifs qui ont fait établir ce service et du mode d'exécution qui y a présidé, on se serait épargné la plus grande partie du blâme qui est déversé sur l'administration.

Peur faire comprendre combien ces critiques sont peu fondées, il sera peut-être utile que je donne une explication sur la manière dont on a procédé, et dont on se propose de continuer ce service.

Il y a deux époques à distinguer. La première remonte à 1843. A cette époque, après un très grand nombre de réclamations relatives à la Campine, le gouvernement a proposé l'intervention de l'Etat, accompagnée d'une demande de crédit de 500,000 à 600,000 francs.

Alors, le système du gouvernement était celui-ci : il faisait les travaux d'art, les canaux, et autres de même nature. Les communes mirent une quantité déterminée de bruyères à la disposition du gouvernement, qui les a mises en valeur au profit des communes. Il est résulté de ces opérations l'aliénation d'une quantité considérable de bruyères.

Loin que ce fût une charge pour l'Etat, le résultat a prouvé qu'il y a eu un profit, en ce sens qu'on a réalisé un excédant de 30 à 40 mille francs. Mais les frais du personnel chargé de ces études sont une charge que l'Etat assume dans l'intérêt des provinces de Limbourg et d'Anvers.

Voilà le premier régime. C'est de ce régime que le ministre de l'intérieur de 1851 et 1852 a entendu parler, lorsqu'il disait que le mode d'intervention de l'Etat, tel qu'il était appliqué, serait bientôt modifié.

En effet, bientôt après, le gouvernement adopta un autre système. Ce n'est plus par travaux directs qu'il procède ; il ne fait plus exécuter les travaux par ses ingénieurs. Mais il fait dresser les plans et surveiller les travaux par les ingénieurs. En un mot, il a la surveillance, la police et la direction de l'emploi des eaux. Ce service doit durer encore, si l'on veut retirer de l'intervention du gouvernement des fruits un peu productifs.

Ce qui explique le caractère de permanence du service pour les défrichements et les irrigations, c'est la nécessité d'avoir une surveillance directe et permanente pour régler l'écoulement des eaux, tant à l'entrée qu'à la sortie des propriétés qu'il s'agit d'irriguer.

Cette surveillance ne peut être abandonnée, à peine de voir surgir non seulement des conflits, mais la déperdition des eaux qui doivent nécessairement être rendues à leur destination première, quand elles ont servi à l'irrigation des propriétés privées. Sous ce rapport, tous ceux qui ont la connaissance de ces matières, seront d'accord que ce service est inévitable. Aussi, de qui viennent les plaintes ? De quelques propriétaires mécontents, les uns qui n'ont pas réussi dans leurs premiers essais, les autres qui n'ont pas voulu suivre exactement les indications données. En un mot, elles proviennent de mécomptes inséparables dans le principe d'une entreprise de ce genre. Voilà comment on se rend, sans le savoir, l'écho de plaintes injustes, quand on n'apprécie pas les circonstances sous l'empire desquelles elles ont été faites. Tout à l'heure j'indiquerai l'erreur dans laquelle on a entraîné un honorable membre de cette Chambre en lui dénonçant des faits particuliers quant aux travaux.

On s'est demandé pour quel motif il fallait un personnel si considérable pour la surveillance et la direction des travaux dont il s'agit.

Messieurs, ce personnel si considérable se compose d'un ingénieur en chef, de trois sous-ingénieurs, d'un conducteur et de 7 surveillants Voilà tout le personnel et les développements du budget vous apprennent d'ailleurs qu'il ne coûte que la somme de 22,400 francs.

On a dit que ce personnel est devenu inutile. Non seulement il n'est pas plus inutile aujourd'hui qu'il ne l'était autrefois, mais il sera utile encore pendant plusieurs années, par la raison toute simple que les travaux de défrichement sont des travaux successifs, qui doivent continuer à s'étendre jusqu'à ce qu'ils aient atteint tout leur développement dans les deux provinces de Limbourg et d'Anvers, sur une surface de près de 20 lieues.

(page 593) Vous voyez donc, messieurs, que bien longtemps encore il y aura une surveillance à exercer, des travaux à diriger, une police à régler quant à la manutention des eaux.

On a dit que le défrichement a produit de très faibles résultats, et on a cité notamment un fait qui serait de nature à faire impression sur vos esprits. 500 hectares de prairies, à peine, seraient aujourd'hui livrés à la culture et ce serait là tout le résultat des mesures prises en faveur du défrichement.

D'abord, comme l'a dit l’honorable M. de Theux, le fait est parfaitement inexact, je m'en suis assuré ; il y a aujourd'hui 2,800 hectares de prairies irriguées en parfait état de production. Je demanderai aux honorables membres qui ont critiqué l'intervention du gouvernemeut dans les défrichements, ce que serait devenu la Campine si l'Etat n'était pas intervenu. Qu'était la Campine avant l'intervention du gouvernement ? N'était-ce pas un désert de sable, et qu'avions-nous à espérer, alors que depuis tant de siècles la Campine semblait condamnée à une stérilité perpétuelle, alors que les efforts privés n'étaient point parvenus à y fertiliser un seul hectare ? Depuis que le gouvernement est intervenu, non seulement on a défriché les 2,800 hectares dont je viens de parler, mais une quantité d'autres essais ont été faits par des particuliers, à l'instar de ce qui a été fait par l'Etat, et ces essais démontrent que la Campine est sur le point d'être arrachée à la stérilité.

Des faits particuliers ont aussi donné lieu à des critiques assez vives ; l'honorable M. de Perceval a cité un fait dont il semblerait résulter que l'administration du défrichement se serait montrée plus bienveillante envers un étranger qu'envers les indigènes. Ainsi, un Hollandais aurait obtenu une concession d'eau, alors que les habitants du pays en sont dépourvus. Il y a ici de l'inexactitude dans les informations données à l'honorable membre : les bruyères auxquelles il a fait allusion, appartenaient à une commune hollandaise, cela est vrai, mais à la suite des traités de 1839, ces bruyères sont devenues des terrains belges, le territoire dont elles font partie est revenu à la Belgique.

C'est un habitant de Maestricht qui en est devenu acquéreur ; mais pour quel motif un propriétaire de bruyères situées en Belgique n'obtiendrait-il pas, quand il la demande, une concession d'eau ? Serait-ce parce qu'il habite la ville de Maestricht ? Mais qu'importe la résidence ? N'a-t-il pas droit à la même justice ? Y a-t-il une déchéance attachée à la personne du propriétaire ? C'est évidemment le résultat d'une erreur de fait et d'une fausse appréciation de l'honorable représentant qui a dénoncé hier ce fait à la tribune.

On a cité un fait pour prouver que le système d'intervention de l'Etat, quant à la direction des travaux, est stérile et funeste dans ses résultats ; on a dit que les travaux, exécutés à la première époque dont j'ai parlé tout à l'heure par les ingénieurs de l'Etat, avaient été détruits et avaient dû être remplacés par d'autres.

Il y a encore dans ce fait beaucoup d'erreurs.

On a cité les travaux faits à Lierman près de Turnhout ; ces travaux auraient été si mal faits que personne n'a voulu acheter les terrains.

Voici pourquoi ces terrains se trouvent privés d'acquéreurs en ce moment : un ruisseau qui passe dans ces localités n'était pas suffisant, dit-on, pour recevoir les eaux qui avaient servi aux irrigations.

Cette opinion s'est accréditée dans le pays, et le gouvernement examine en ce moment si le fait est suffisant pour le déterminer à augmenter les moyens d'écoulement que ce ruisseau présente aux eaux qui arrivent de l'irrigation.

Ne croyez pas pour cela que ces terrains soient privés d'acquéreurs. Des acquéreurs se sont présentés, mais c'étaient des fonctionnaires publics, et ils ont été invités par le gouvernement à s'abstenir pour le moment ; c'est un acte de délicatesse de la part du gouvernement.

Si le fait de l'insuffisance des moyens d'écoulement n'est pas vérifié, l'erreur qui s'oppose à la vente de ces terrains sera détruite, et il en sera de ces terrains comme de tous les autres : c'est-à-dire que des acquéreurs se présenteront.

On a cité aussi des travaux exécutés à Lommel, et dans lesquels les eaux de l'irrigation ne pouvaient pas arriver. En effet, des travaux ont été exécutés à Lommel, et il a été reconnu que des travaux supplémentaires étaient nécessaires, uniquement à raison de l'insuffisance des eaux du canal qui est la source de toutes les irrigations ; ces travaux supplémentaires permettront l'arrivée des eaux à Lommel.

On a prétendu que le gouvernement dirigeait le service de telle manière qu'il nuisait bien plus aux propriétés qu'il ne leur était utile ; on a cité un fait qui s'est passé, en juin, sur un ruisseau appelé Wambeke, commune d'Achel ; là, les ingénieurs auraient pris leurs mesures de telle manière que, par suite de fausses manœuvres, les terrains ont été inondés et les récoltes perdues ; voilà, dit-on, ce que produit l'intervention de l'Etat dans les travaux qui ne le regardent pas !

Voilà encore un fait qu'il est nécessaire de rectifier pour l'édification de celui qui s'est rendu l'organe de la plainte.

Il est vrai qu'il y a eu, au mois de juin dernier, certaines parties de terrains qui ont été inondées dans la localité que je viens d'indiquer ; mais ces inondations n'ont pas été causées par les travaux des ingénieurs de l'Etat, et la fausse direction donnée aux manoeuvres ; ce fait était le résultat tout simplement d'un défaut de prévoyance de l'autorité locale. L'autorité locale, chargée d'entretenir en bon état de curage un ruisseau de décharge, a négligé ce soin ; le ruisseau de décharge s'est trouvé insuffisant. De là inondation qui ne peut être justement imputée comme on le voit, aux agents de l'Etat.

Je pense donc que la nécessité du service de défrichement est démontrée. Il doit être certain pour tous ceux qui ont connaissance des faits, pour ceux qui connaissent les localités et qui veulent se rendre un compte exact de la situation de la Campine, qu'on ne peut pas abandonner à lui-même le défrichement de cette contrée.

Si l'Etat retirait la surveillance de la direction des travaux et de l'emploi des eaux, il en résulterait de la confusion et des conflits entre les propriétaires puisant à la même source, et, en définitive, la déperdition des eaux appartenant à l'Etat et qu'à grand-peine l'Etat est parvenu à rendre utiles. Par tous ces motifs, je pense que la Chambre reconnaîtra la nécessité de voter le crédit dont il s'agit.

M. Osy. - Tout ce que vient de dire l'honorable ministre de l'intérieur ne m'a pas convaincu du tout. Mes renseignements viennent de propriétaires intéressés. Ils désirent le plus tôt possible être affranchis de l'intervention du gouvernement.

Le gouvernement doit sans doute exercer une surveillance sur les prises d'eau ; c'est une police à exercer ; pour cela la somme proposée par M. de Man suffit.

M. le ministre n'a pas répondu à une observation que j'ai présentée hier : il autorise ses employés à recevoir de l'argent des personnes ponr lesquelles ils font des travaux de défrichement, d'irrigation et de drainage. C'est contraire à la loi de comptabilité.

Si le gouvernement trouve convenable de faire payer un impôt de ce chef, il doit être versé au trésor, cela ne doit pas servir de supplément de traitement aux employés. Je dis donc que l'arrêté que je vois à la page 74 est illégal. J'engage M. le ministre à se conformer aux prescriptions de la loi de comptabilité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, j'avais oublié, en effet, de répondre à l'observation relative au tarif ; vous allez voir qu'elle n'a pas une grande importance. Il y a eu de tout temps et il existe encore aujourd'hui un système d'indemnités, ou de frais de déplacement accordés aux fonctionnaires publics, quand ils font pour les particuliers un service réclamé par ceux-ci, mais se rattachant à un intérêt public.

Ainsi, par exemple, en vertu d'une loi de l'Empire les ingénieurs des ponts et chaussées sont autorisés à se faire donner des indemnités de déplacement lorsqu'ils se rendent, par exemple, dans une usine pour remplir une obligation imposée aux fonctionnaires par une loi générale. Si on ne les payait pas de cette manière, ce serait l'Etat qui devrait supporter cette charge, et cela ne serait pas équitable.

C'est ce système qui a été suivi jusqu'à présent pour le service spécial dont il s'agit. Lorsque les ingénieurs attachés au défrichement faisaient, en dehors de leur service obligatoire, des travaux qui intéressaient les particuliers, il a paru équitable aussi de laisser régler volontairement, entre ces particuliers et les ingénieurs, les indemnités auxquelles ceux-ci pourraient justement prétendre et, généralement, ce système n'a trouvé que très peu de contradicteurs. Il s'en est présenté cependant, à ma connaissance, deux ou trois qui, après avoir reçu des ingénieurs un concours utile, trouvaient très commode de ne pas vouloir reconnaître les services qu'ils en avaient obtenus. Cette espèce de gens se trouve un peu partout ; beaucoup de personnes aiment à recevoir des services et n'aiment pas à les payer.

Cela s'est présenté dans l'arrondissement d'Anvers, cela s'est présenté dans un autre arrondissement qui touche à celui de l'honorable rapporteur de la section centrale ; mais le gouvernement a amené immédiatement des arrangements, qui ont prouvé aux propriétaires que les ingénieurs n'avaient pas abusé de leur intervention en stipulant l'indemnité qui avait fait l'objet de la conlestation.

Maintenant pour en finir avec le système d'indemnités et les plaintes qui se sont fait jour, un tarif s'élabore d'après lequel les ingénieurs ne recevront des indemnités que quand ils auront été forcés de se déplacer pour compte d'un propriétaire et à sa demande.

M. Osy. - Il faut suivre la loi de comptabilité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On suivra la loi de comptabilité et les lois générales qui autorisent la perception de ces sortes d'indemnités.

(page 602) M. Coomans. - Messieurs, on ne me suspectera pas d'être trop favorable à l'intervention du gouvernement dans l'industrie ; j'ai eu mainte fois l'occasion de m'en expliquer, de dire que cette intervention était beaucoup trop étendue en Belgique et qu'il serait utile de la restreindre dans beaucoup de services qui ressortissent au département de l'intérieur. On pourra donc m'en croire lorsque je dirai que de tous les modes d'intervention du gouvernement qui ont été appliqués depuis un certain nombre d'années, celui qui concerne le défrichement en Campine est non seulement le meilleur, mais qu'il a produit d'excellents résultats.

Je ne soutiendrai pas que l'honorable M. de Perceval n'ait pas fait des observations très justes en ce qui concerne l'exagération du personnel attaché au service des irrigations ni en ce qui concerne certains abus que l'on a signalés.

J'avoue qu'en général, les renseignements recueillis par l'honorable représentant de Malines sont assez vrais et qu'il s'est rendu l'organe de plaintes assez générales ; cependant il est vrai de dire que si le gouvernement n'avait pas donné le signal du défrichement par voie d'irrigation en Campine, en mettant à la disposition de quelques amateurs des ingénieurs qui avaient étudié spécialement la question, et en risquant des capitaux, que si le gouvernement n'avait pas pris cette initiative généreuse et éclairée, la partie de la Campine qui longe le canal serait encore aujourd'hui dans une déplorable situation. Des services réels ont été rendus à la Campine par le gouvernement et par les ingénieurs qu'il a investis de sa confiance. Après cela, il y a certainement quelques réformes à introduire, il y a surtout à s'écarter beaucoup d'un projet de règlement qui a été remis à un certain nombre de personnes et dont j'ai eu connaissance naguère ; il y a surtout à regretter, je pense, un excès de zèle que déploient certains fonctionnaires, dans ce qu'ils appellent l'intérêt du défrichement, mais qui déplaît aux défricheurs et qui arrête les progrès du défrichement. Il faudrait laisser plus de liberté aux défricheurs et promettre surtout aux futurs entrepreneurs d'irrigations, qu'on ne les gênera pas autant qu'on le fait aujourd'hui. Je sais qu'il y a une difficulté fondamentale, c'est le manque d'eau ; là gît le mal. Cela est si vrai que si le canal de la Campine donnait de l'eau à tous ceux qui en demandent, il n'y aurait point de plaintes ; mais l'administration étant forcée d'épargner l'eau se trouve dans la nécessité de mécontenter quelques défricheurs et d'ajourner l'exécution de ses engagements ; or, c'est là une chose déplorable ; le gouvernement a vendu des terres préparées, avec promesse de fournir l'eau nécessaire aux irrigations, et cette promesse il ne peut pas la remplir. Pour achever la bonne mission qu'il s'est donnée en Campine il faut qu'il termine les travaux du canal, il faut qu'il élargisse le canal dans la première section, il faut qu'il élargisse la prise d'eau à la Meuse, c'est alors seulement qu'il pourra remplir les engagements qu'il a pris et faciliter le défrichement de 10,000 à 12,000 hectares encore.

Du reste, messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur vient de faire une concession qui me semble devoir contenter les plus difficiles, il consent à ce que le crédit de 22,400 fr. figure au budget non pas comme charge ordinaire mais comme dépense extraordinaire, dépense qu'il entre certainement dans les intentions du gouvernement de supprimer ou de diminuer dès que la chose sera possible.

(page 601) M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, sans le discours que j'ai prononcé à la fin de la séance d'hier, les observations présentées par l’honorable député de Malines n'eussent été accueillies que par un dédaigneux silence, et l'allocation eût été votée sans explications. L'honorable ministre de l'intérieur s'est cru cependant obligé aujourd'hui de répondre à ceux d'entre nous qui s'étaient permis d'adresser quelques observations au gouvernement. Comme de coutume, il n'y a rien de sérieux dans ces observations ; c'est le thème habituel de l'honorable M. Piercot, ministre de l'intérieur, quand il est à bout dans ses répliques, quand il n'a rien à opposer aux critiques qui lui sont adressées. Car jamais il ne conviendra qu'une réforme est nécessaire, les membres de la représentation du pays ont toujours tort, et ses fonctionnaires ont toujours raison.

C'est ainsi, messieurs, qu'à propos de la question si importante des indemnités qui sont prélevées par les ingénieurs sur les entrepreneurs des défrichements, le chef du département de l’intérieur juge que tout est parfaitement régulier et excusable.

Ainsi, l'on persévérera dans ce système si le crédit est accordé. Vous en êtes prévenus, messieurs.

Il est vrai que le chef du département de l'intérieur a invoqué à l'appui du système d'indemnités un décret du 7 fructidor an XII ; décret qui permet aux conducteurs des ponts et chaussées de percevoir des indemnités, quand ils sont appelés à déterminer l'alignement des constructions nouvelles et des plantations le long des grandes roules.

Or, il est bon que vous sachiez que ce mode de contributions prélevées par des agents des travaux publics a paru contraire à l’article 115 de la Constitution par plusieurs sections centrales qui ont examiné le budget des travaux publics.

Elles ont vu dans ce système une source d'abus.

Aussi le département des travaux publics s'est-il cru obligé de faire droit à ces observations.

En effet, un arrêté royal du 20 janvier 1852 a modifié le décret du 7 fructidor. M. le ministre de l'intérieur paraît l'ignorer.

D'après ce décret les conducteurs de ponts et chaussées avaient des droits non seulement à des frais de route mais à des indemnités pour la rédaction du plan d'alignement.

Le nouvel arrêté a modifié les dispositions du décret de fructidor. Ce arrêté détermine certaines époques endéans lesquelles les services des conducteurs des ponts et chaussées peuvent être réclamés gratuitement.

Mais quand les propriétaires insistent pour que ces services soient rendus sans retard et en dehors de ces époques, il est dû aux conducteurs une indemnité de 5 fr. pour frais de déplacement, et cette indemnité n'est due que lorsque le déplacement a lieu à plus de 5,000 mètres de leur résidence officielle.

D'ailleurs, messieurs, le département de l'intérieur est-il en droit de réclamer, pour ses ingénieurs dits agricoles, un arrêté qui a été fait exclusivement pour les ingénieurs des travaux publics ?

De plus, quand les conducteurs des ponts et chaussées se déplacent pour indiquer des alignements, ils sont appelés à faire un service surérogatoire ; leur service consiste à surveiller l'entretien et la police des routes.

En est-il de même des ingénieurs préposés aux irrigations ? Non sans doute. La spécialité de ces ingénieurs est de faciliter aux propriétaires les mesures propres aux défrichements, de leur donner toutes les indications nécessaires. Il est dans la nature de leur service d'être utile aux entrepreneurs des défrichements, sans cela il n'existerait pas.

C'est pour rendre ces services, que nous leur votons des traitements.

M. le ministre de l'intérieur n'est donc pas fondé à venir invoquer les effets du décret de fructidor en faveur de ses ingénieurs.

Il n'y a, en outre, aucune analogie entre les indemnités accordées pour frais de route, d'après un tarif, à certaines époques seulement aux agents de travaux publics, et les indemnités que les ingénieurs du service de la Campine prélèvent, sans base déterminée, sur les propriétaires des défrichements.

Messieurs, la réponse qui a été faite par le gouvernement à propos de ces indemnités, suffirait à elle seule pour me déterminer à rejeter le crédit. Je n'entends pas contribuer à perpétuer un usage qui est contraire à l'article 115 de la Constitution, qui dit que ; « Hors les cas formellement exceptés par la loi, aucune rétribution ne peut cire exigée qu'à titre d'impôt au profit de l'Etat, de la province, ou de la commune. »

Les ingénieurs agricoles n'ont donc aucun droit à prélever des impôts arbitraires, et les impôts de l'espèce sont les plus intolérables.

M. le ministre de l'intérieur a parlé ensuite fort cavalièrement des inondations, qui ont été tendues, non pas sur des bruyères, comme il l'a dit, mais sur d'anciens prés, sur des propriétés cultivées depuis un temps immémorial.

Les pertes considérables essuyées par les propriétaires ne lui ont pas arraché un regret ; les ingénieurs sont, comme de coutume, parfaitement excusables. Quant aux propriétaires et aux représentants du pays, qui se font les organes de leurs plaintes, ils exagèrent ; ils se font un malin plaisir de faire de l'opposition au gouvernement. Je vous le demande, messieurs, tout cela est-il convenable ?

Ensuite, messieurs, entendez-vous donner votre assentiment à cette école d'irrigateurs, dont l'existence s'est révélée, avant d'avoir obtenu votre approbation ?

Voter le crédit, c'est approuver cette nouvelle branche d'enseignement ; or il me semble que nous faisons des dépenses assez considérables en faveur de l'enseignement. Rien n'établit la nécessité de cette nouvelle école, aussi je trouve encore là un motif pour rejeter le crédit. Le but de cette nouvelle dépense est d'enraciner de plus en plus en Campine le personnel des ingénieurs du département de l'intérieur, et c'est ce dont je ne veux pas.

Le chiffre du crédit demandé le prouve suffisamment ; il s'élève à 22,400 fr.

Quel langage nous tenait-on en 1851 ? Voici ce que disait le gouvernement à la section centrale chargée d'examiner un projet de crédit de 500,000 francs :

« Les frais du personnel se trouveront ainsi réduits au maximum de 22,100 fr., somme qui sera diminuée encore, si les exigences du service le permettent, ce qui est à espérer, aujourd'hui que la plupart des entrepreneurs d'irrigations semblent disposés à exécuter eux-mêmes tous les travaux que nécessite la transformation des bruyères en prairie. »

De sorte qu'il y a 3 ans on réclamait un crédit inférieur à celui qu'on demande pour le présent exercice. On a promis de réduire la dépense (page 602) et on l'augmente, bien qu'un chef de bureau à 2,800 francs ait disparu sur le nouvel état du personnel. Or, ce chef de bureau n'a jamais résidé en Campine, n'a jamais rendu de service aux irrigations, aux défrichements ; il a néanmoins émargé ce traitement comme faisant partie du service de la Campine pendant plusieurs années.

Aujourd'hui l'administration est obligée de convenir qu'il ne s'agit plus que d'un service de surveillance de police, quant à la délivrance et au bon usage de l'eau, mais afin de pouvoir conserver le personnel sans le réduire, elle nous indique assez vaguement de grands travaux à entreprendre, des canaux à creuser.

Ainsi, messieurs, en votant le crédit de 22,400 francs, vous donnez en quelque sorte votre assentiment à ces immenses travaux indiqués dans les annexes sans en avoir examiné le besoin.

On ne nous communique ni projets ni devis estimatifs, et l'on se base sur ces travaux pour conserver le personnel.

Il est d'ailleurs absurde de prétendre que le département de l'intérieur entreprenne ces travaux, à moins que ce département n'ait la prétention d'accaparer les attributions du département des travaux publics. Il est donc probable que si vous maintenez le personnel, un crédit de 500,000 ou 600,000 francs vous sera présenté incessamment pour donner de l'occupation aux ingénieurs qui composent le service de la Campine. C'est une conséquence inévitable.

Messieurs, dès qu'il ne s'agit plus, en Campine, que de régler, de surveiller l'usage de l'eau que l'on enlève au canal, dès que le but agricole a été atteint, dès que la possibilité du défrichement a été démontrée, il est indispensable que le personnel rentre dans les attributions du département des travaux publics ; je l'ai démontré hier, et mon amendement tend à amener ce résultat.

Je l'ai démontré en appelant votre attention sur le caractère de voie navigable du canal de la Campine, sur la nécessité de ne pas anéantir les services qu'il doit à la navigation, sur l'importance de cette grande communication, qui a coûté 20 millions à l'Etat, et qui est destinée à relier Liège à la Hollande et à Anvers.

L'unité du service est donc indispensable, pour maintenir cette communication, l'honorable M. Piercot en est convenu d'ailleurs lui-même, en déclarant tout à l'heure que les inondations des prairies situées le long du Dommel sous Achel, ont eu pour cause des conflits entre les deux services.

L'on se plaint de ne pouvoir suffire à toutes les concessions qui ont été accordées, et d'une autre part l'eau afflue quelquefois avec une telle abondance dans le canal, qu'on est obligé d'inonder des prairies, qui ne demandent pas ce genre d'engrais, mais qui le considèrent comme un fléau, et cela pour prévenir la dégradation des digues.

Dans d'autres circonstances les eaux sont tenues à un étiage tellement bas, que la navigation est impossible.

L'unité du service peut seule concilier ces deux intérêts. Cela est évident.

Il me reste encore à dire quelques mots des réclamations qui vous ont été adressées par des administrations communales et par des propriétaires de la Campine.

Les pétitionnaires attribuent la perte de la récolte de leurs prairies, les maladies qui ont atteint leur bétail aux inondations qui se sont renouvelées plusieurs fois pendant l'été par suite des manœuvres hydrauliques des ingénieurs du service des irrigations.

Je me suis fait l'interprète de leurs plaintes, j'ai exercé ce droit. Quelle réponse le gouvernement nous a-t-il donnée dans cette enceinte ? Le fait n'a pas dénié. Cela était impossible. Mais on n'a pas manqué d'attribuer mes paroles à un système de dénigrement qui atteint toutes choses, qui atteint tous les fonctionnaires. Il faut en convenir, messieurs, ceci dépasse toutes les limites ; car c'est mettre en question le droit constitutionnel de pétition, c'est chercher à porter atteinte aux prérogatives, aux droits que nous exerçons à l'effet de défendre les intérêts du pays que nous représentons.

C'est une atteinte à l'exercice du gouvernement représentatif.

Qu'on veuille bien ne pas l'oublier, les fonctionnaires n'existent que pour le service des populations, et les réclamations de celles-ci doivent exciter toute notre attention, toutes nos sympathies. Car, après tout, ce sont les populations qui font partie du pays, de la nation.

Messieurs, j'ai suffisamment établi que le service des irrigations doit être modifié, que le département de l'intérieur a terminé sa tâche en Campine, que la conservation d'une importante voie navigable exige que le service soit centralisé dans les mêmes mains.

M. le ministre de l'intérieur ne s'en plaindra pas, je suppose ; les attributions de son département sont assez multipliées y joindre encore celles qui appartiennent au département des travaux publics, la construction de canaux, c'est rendre toute direction impossible.

Je terminerai par une dernière considération.

Tout abus, tout service défectueux favorise un intérêt quelconque, et cet intérêt prend immédiatement sous son patronage ; cet abus ou un service souvent incompatible avec les intérêts généraux du pays.

Cela donne aux abus des chances d'existence. Mais quand le gouvernement lui-même s'associe à ces intérêts, quand l'esprit de parti s'en mêle, oh ! alors, les abus ont la chance de se perpétuer pendant longtemps ; et c'est ce qui, je le crains, va arriver ; car le crédit sera probablement voté.

Je me résume : J'ai fait une proposition qui me paraît acceptable, susceptible d'application. Je n'entends pas supprimer le service ; mais je demande qu'il soit remis au département qui est naturellement appelé à le diriger. A cet effet, je propose de n'accorder que la moitié du crédit, c'est-à-dire 11,200 fr. pour six mois, afin de donner au département de l'intérieur le temps de se décharger du service temporaire qui lui a été confié.

J'offre ainsi à M. le ministre de l'intérieur le moyen de consacrer son temps aux services qui sont dans les attributions spéciales de son département et de leur imprimer une direction plus ferme, plus régulière et plus conforme aux intérêts du pays.

- Plusieurs voix. - La cloture !

(page 593) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Un mot seulement, messieurs, pour répondre à cette dernière allégation. C'est toujours le même système : rien n'est bon au département de l'intérieur ; tout y est mauvais ; et jadis, quand l'honorable membre se faisait un plaisir d'attaquer le département des travaux publics, c'étaient les mêmes critiques contre ce dernier département.

M. de Man d'Attenrode. - Ah ! c'est un plaisir cela ?

(page 594) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il faut bien le croire.

M. de Man d'Attenrode. - Non, c'est un devoir.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Aujourd'hui le département des travaux publies est blanc comme neige ; tout est le fait du département de l’intérieur. (Interruption.)

M. le président. - Assez d'interruptions.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je répondrai par une seule réflexion qui prouvera que la mémoire est bien courte à ceux qui viennent aujourd'hui faire l'apologie d'un ministère au détriment de l'autre.

On a eu recours, dans le principe du défrichement, aux agents que l'honorable rapporteur de la section centrale couvre aujourd'hui de sa protection.

Eh bien, comme il s'agissait de la direction de travaux qui se rattachent directement à l'agriculture, on a bientôt reconnu qu'il était impossible de faire exécuter des travaux de cette nature par des ingénieurs des ponts et chaussées ; et l'honorable M. de Theux, qui alors était à la tête du département de l'intérieur a reconnu lui-même et fait comprendre à son collègue du département des travaux publics qu'il fallait faire cesser une confusion d'attributions qui tournait, en définitive, au détriment du service. Il a été le premier à fonder cette centralisation dont se plaint aujourd'hui son honorable ami et qui paraît faire le désespoir de tous les propriétaires de la Campine.

Vous le voyez, messieurs, il faut être conséquent quand on veut critiquer un système général d'administration, et quand on lui fait une guerre si persévérante que celle dont le département de l'intérieur est maintenant l'objet.

Je rappelle les faits, et, à la faveur de l'expérience acquise, je maintiens qu'il ne s'agit pas de donner au département de l'intérieur des attributions qui appartiennent à celui des travaux publics, mais de conserver au premier tout ce qui a trait aux intérêts agricoles.

M. de Perceval. - Je dois d'abord remercier M. le ministre de l'intérieur de la concession qu'il nous a faite aujourd'hui. Dans la séance d'hier, il s'opposait encore à inscrire dans la colonne des charges extraordinaires le crédit de 22,400 francs pour le service du défrichement de la Campine ; aujourd'hui il a déclaré qu'il se ralliait à la proposition de la section centrale et qu'il ne s'opposait plus à ce que ce crédit figurât parmi les charges temporaires. Je le remercie de cette concession ; elle est précieuse pour nous, car elle enlève à ce service le caractère permanent que nous n'avons pas voulu lui reconnaître, et que le gouvernement s'efforçait de lui donner.

M. le ministre de l'intérieur me paraît dans son discours, s'être placé singulièrement à côté de la question.

Au lieu de justifier le maintien de ce personnel et les travaux qu'il a exécutés tant bien que mal dans la Campine, il s'écrie : « Mais, l'intervention de l'Etat a été nécessaire ; voyez les bienfaits qu'elle a procurés à la Campine ! » Sans doute, messieurs, cette intervention a été utile, personne ne le conteste ; elle a procuré un bien-être réel à cette contrée.

Je suis le premier à reconnaître que, sans cette intervention, la Campine serait encore une espèce d'Arabie Pétrée. Oui, grâce aux deux à trois millions que nous avons consacrés à la défricher, la Campine nous montre aujourd'hui, au lieu de landes stériles, des terres arables et des prairies.

Mais ce que nous voulons, c'est que cette intervention cesse à dater de ce jour ; ce que nous voulons c'est que l'on mette en pratique cette opinion émise par M. le ministre de l'intérieur lui-même, dans la séance du 1er février, lorsque répondant à MM. Julliot et de Naeyer, il disait :

« Le principe que l’Etat ne doit pas intervenir est vrai toutes les fois qu'il s'agir d'industries que les efforts privés peuvent atteindre. »

Eh bien, nous croyons que les efforts privés de l'industrie agricole suffisent maintenant pour achever le défrichement des bruyères.

Pour ce qui concerne les chiffres que j'ai exposés hier et les renseignements que j'ai communiqués à la Chambre, je les maintiens comme parfaitement exacts ; je les tiens de personnes très compétentes et très bien informées.

M. le ministre de l'intérieur a oublié de nous dire quelles sont ses intentions relativement au projet de règlement provisoire pour les irrigations. Nous lui avons demandé hier, l'honorable M. de Theux et moi, d'en modifier considérablement quelques prescriptions, parce que, tel que ce règlement est conçu et peut-être même exécuté, il est incompatible avec les droits de propriété. Je désirerais obtenir à cet égard une explication de M. le ministre de l'intérieur.

M. Dumortier. - Je n'ai pas demandé la parole pour entrer dans le fond de ce débat qui m'est complètement étranger. Mais il m'est impossible de me taire quand je vois la manière dont M. le ministre de l'intérieur répond constamment à mon excellent et honorable ami M. de Man d'Attenrode, pour les services qu'il rend au pays dans l'examen des budgets.

L'honorable M. de Man n'a point pris à tâche de venir tracasser, vexer, tourmenter les ministres ; la tâche qu'il s'est imposée est beaucoup plus noble, et, loin de l’en blâmer comme vous le faites, vous devriez comprendre qu’il remplit un devoir national en s'efforçant de faire cesser les abus multipliés qu’il trouve dans l'administration du département de l'intérieur.

Lui qui vient ici avec un dévouement si exemplaire signaler ces abus et qui est à chaque instant sur la brèche pour en obtenir le redressement, que trouve-t-il dans cette enceinte ? Des paroles de blâme ; et de la part de qui ? De la part de celui qui, aux termes des lois constitutionnelles, doit subir ici l'examen de ses actes devant les représentants de la nation.

Vous êtes ici pour vous justifier et non pour attaquer ceux qui vous accusent. (Interruption.)

J'entends des rires partis des bancs de la gauche. Eh quoi ! vous vous dites constamment les plus ardents défenseurs des institutions constitutionnelles, et vous riez quand j'en rappelle cet article fondamental de la responsabilité ministérielle.

A vous en croire, il y aurait dans le pays un parti qui veut renverser la Constitution ; et quand nous invoquons les principes qu'elle a établis, qui est-ce qui rit ? Ce sont ceux-là précisément qui lancent cette accusation ! Que deviennent donc toutes ces réclamations ? Que deviennent ces protestations contre un député qui remplit consciencieusement son devoir ?

Je dis qu'il est déplacé dans la bouche d'un ministre de dire que le rapporteur de la section centrale se fait un plaisir d'attaquer le gouvernement. Un plaisir ! Mais quelle autre satisfaction l'honorable M. de Man peut-il trouver que celle de remplir son devoir en signalant les abus qu'il découvre ?

Ces abus, il les trouve à chaqne pas dans votre administration. Cette guerre persévérante que vous lui reprochez, est une guerre loyale, une guerre honorable ; une guerre qui devrait lui mériter les félicitations au lieu du blâme du gouvernement, car au lieu de venir, comme vous le dites, prendre ici la défense des abus, vous devriez être les premiers à remercier ceux qui vous les signalent et leur dire : Vous avez signalé des abus ; eh bien, nous les réparerons. Voilà comment procède un gouvernement parlementaire. Mais je comprends qu'un ministère en dehors du parlement se trouve gêné dans ce parlement, parce que le contrôle des chambres lui pèse et qu'il voudrait le secouer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - En aucune façon. Je demande la parole.

M. Dumortier. - Je dis que rien ne peut justifier la conduite que le ministère a tenue, depuis le commencement de ce débat, vis-à-vis de l’honorable rapporteur de la section centrale. L'honorable M. de Man est ici l'organe des sections et de la section centrale ; et, s'il se trompe, c'est de bonne foi, il l'a dit, et il est prêt à réparer les erreurs dans lesquelles il pourrait être tombé. Je dis que ce n'est pas en déversant le blâme sur un homme aussi honorable, sur un homme à qui nous devons la comptabilité du pays... (interruption), sur un homme qui a donné tant de preuves de l'excellence de ses études et de ses travaux, qu'on fera valoir le principe du gouvernement représentatif.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il est très beau, sans doute, de céder à une généreuse indignation et de se livrer à de magnifiques mouvements oratoires, quand on a en face de soi un adversaire à qui l'on dénie le droit de se défendre. Cela est parfaitement beau, je l'avoue ; mais il manque quelque chose à cette indignation ; c'est une raison d'être.

Que reproche-t-on au gouvernement ? On lui reproche de blâmer l'honorable rapporteur de la section centrale, (qui cependant sait parfaitement se défendre lui-même, comme il le prouve tous les jours), de la guerre qu'il fait au département de l'intérieur dans la longue et laborieuse discussion de son budget.

Et l'on ajoute qu'un gouvernement qui est pris en dehors du parlement devrait s'incliner devant toutes les observations critiques, devant toutes les attaques dont il est l'objet.

M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela !

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il ne manque à ce tableau qu'une chose, c'est d'ajouter, comme on le laisse deviner, qu'un gouvernement extra-parlementaire devrait subir toutes les attaques, toutes les insinuations, tout ce qu'il y a de plus exagéré dans la critique, sans même avoir la faculté de se défendre.

M. Dumortier. - Je n'ai rien dit de semblable.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, vous ne l'avez pas dit, mais vous l'avez suffisamment fait entendre.

Il ne manquerait vraiment plus à la dignité du gouvernement que d'entendre tous les jours attaquer ses actes, ses intentions, d'entendre blâmer jusqu'aux fonctionnaires publics garantis par la responsabilité du ministre, de devoir subir les reproches souvent les plus immérités, et se croiser les bras, écouter en silence !

Ce n'est pas ainsi que je comprends la dignité du pouvoir, ni la dignité du gouvernement.

Je respecte la liberté du parlement ; mais aussi il serait indigne du parlement et de la convenance qui doit régner dans tous ses actes, que de vouloir forcer le gouvernement à se taire, à garder un silence humiliant quand on l'attaque devant les observations et les critiques souvent très vives dont il est l'objet dans cette enceinte.

Quelle est la tâche du gouvernement ? Il fait des propositions, il les fait avec loyauté et indépendance ; qu'il appartienne ou qu'il n'appartienne pas au parlement, peu importe, personne n'a le droit de suspecter ses intentions quand il obéit au sentiment de ses devoirs.

Et quand pendant de longues séances toutes ses propositions sont (page 595) l'objet, non seulement d'attaques permises à tout le monde, mais d'une critique universelle qui dépasse toutes les limites possibles, quand on voit les articles les plus inoffensifs d'un budget devenir l'occasion d'un blâme systématique et imméritée ; le gouvernement ne pourrait pas se défendre avec énergie, et dire au rapporteur de las ection centrale, dont d'ailleurs je n'incrimine pas les intentions, qu'il cède, à son insu, tantôt à un entraînement irréfléchi, tantôt à d'injustes défiances !

Un rôle pareil, quels que soient les ministres assis sur ces bancs, qu'ils appartiennent ou qu'ils n'appartiennent pas au parlement, un rôle pareil ne sera jamais accepté par un homme d'honneur. Quant à moi, je proteste contre ce rôle passif qu'on voudrait infliger au gouvernement. Je proteste au nom de la liberté qu'il doit avoir de présenter ses propositions, de les défendre et de repousser surtout toutes les insinuations blessantes dont il n'est que trop souvent l'objet dans cette discussion.

M. Dumortier. - Messieurs, nul plus que moi n'entend laisser au gouvernement toute la liberté de son action, nul plus que moi ne s'opposerait à ce qu'on réduisît jamais le gouvernement à un rôle passif dans cette enceinte, et il n'y a dans mes paroles absolument rien de ce que veut me faire dire M. le ministre de l'intérieur. De quoi me suis-je plaint ? Je me suis plaint d'une seule chose : des insinuations personnelles dirigées incessamment contre mon honorable ami M. de Man. A cela comment a-t-on répondu ? En se jetant dans des divagations, en présentant des théories qui ne sont contestées par personne, en nous représentant comme voulant réduire le gouvernement à un rôle passif.

Mais, mon Dieu ! notre rôle, c'est le rôle de l'activité ; mais si vous venez présenter des projets de lois, et si vous avez le droit de les défendre, vous n'avez pas pour cela le droit de vous livrer incessamment à des insinuations malveillantes contre mon honorable ami, le rapporteur de la section centrale.

Voilà ce dont je me suis plaint, et je dénie au gouvernement le droit de recourir à de pareilles insinuations, comme il n'a cessé de le faire pendant toute la discussion de ce budget.

M. de Perceval. - J'ai adressé une question à l'honorable ministre de l'intérieur ; je lui ai demandé quelles sont ses intentions quant au règlement provisoire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je puis dire à l'honorable membre que ce règlement sera formulé de manière à ce que tous les droits soient parfaitement respectés. On ne s'écartera en aucune manière des prescriptions de la loi, elles intérêts particuliers seront l'objet de toute l'attention du gouvernement.

M. de Perceval. - Je déclare me rallier à l'amendement de l'honorable M. de Man.

- Le chiffre de 2,400 francs, demandé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Ce chiffre sera inscrit dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires.

« c. Service du drainage, fr. 9,000 »

- Adopté.

Le chiffre de 9,000 francs figurera également à la colonne des charges extraordinaires et temporaires.

La section centrale a proposé de faire des trois littéras de l'article 52 trois articles distincts.

- Cette proposition est adoptée.

Article 54

« Art. 54. Ecole de médecine vétérinaire et d'agriculture de l'Etat. Traitement du personnel administrait et enseignant et des gens de service : fr. 55,800. »

M. de Mérode. - Messieurs, en tête de l'article Ecole vétérinaire figure le personnel enseignant. Dans ce personnel manque depuis plusieurs années celui qui regarde l'instruction religieuse. La même absence s'est produite au budget du ministère de la guerre en ce qui concerne l'école des enfants de troupe, absence accompagnée des expressions, malheureusement stériles, du regret de M. le ministre, déclarant que cette situation est extrêmement fâcheuse pour la compagnie réunie à Lierre.

Depuis 1847 qu'elle y a été placée, l'empêchement privatif du concours d'un ecclésiastique subsiste. Voilà donc déjà six années.

Cependant le jeune homme dont l'éducation religieuse est négligée, auquel on donne une certaine dose de science sans sagesse, devient facilement l'ennemi de la société au lieu de servir à son maintien.

Comme preuve de fait de cette vérité, après la révolution de février il est advenu en France que les vétérinaires sortant des écoles de l'Etat se distinguaient en grand nombre parmi les plus exaltés propagateurs de la subversion sociale.

Aussi dans les écoles vétérinaires françaises, les connaissances analogiques, botaniques, chimiques et semblables, absorbaient seules les facultés mentales des élèves. De religion, de morale ils ne recevaient aucun exemple, aucune leçon.

Lorsqu'on fonda l'école vétérinaire belge, on fut au contraire beaucoup plus sensé et l'enseignement comme la pratique de la religion y prouvèrent place sans obstacle.

La trompeuse découverte improvisée d'une indépendance du pouvoir civil proclamée culminante et souveraine dans toute instruction quelconque organisée aux frais de l'Etat, amena bientôt, avec des chicanes jusqu'alors inconnues, la disparition de l'aumônier, et depuis lors, dans cet établissement, ne se montre aucune action quelconque de l'influence chrétienne, bien que les parents des élèves appartiennent généralement et assez probablement sans exception à l'église catholique.

Comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, si quelque révolution subversive atteint un jour la Belgique, elle pourra voir, comme la France, le génie vétérinaire associé au génie du chaos.

Messieurs, d'une idée étroite obstinément inflexible, naquit en d'autres pays que le nôtre la prétention de certain légitimisme qui, érigeant la légitimité royale en toute-puissante divinité sur la terre, ne laissait plus de place à la liberté.

Ici la même idolâtrie, prêchée sous une autre forme, à l'égard de l'autorité humaine, pose au sommet de la civilisation moderne l'indépendance à outrance du pouvoir civil, lui sacrifiant même les devoirs de l'homme envers Dieu, d'une manière effrayante nour l'avenir de la société ; et comme je repousse le principe fanatique d'un légitimisme outré, je réprouve àplus forte raison et je ne cesserai de repousser l'indépendance follement exagérée du pouvoir civil, qui tend à éteindre autant que possible chez notre peuple l'esprit de foi et d'obéissance aux lois du christianisme.

Il est temps de porter hardiment remède aux déplorables conséquences d'une interprétation extrême, qui ne peut qu'amener la ruine de tout bien politique et moral à l'aide de quatre mots qu'on a voulu transformer en dogme absolu dominateur :

L'indépendance du pouvoir civil !

Certes, quand je mourrai, cette fameuse indépendance trop universellement suprême et trop vantée ne pourra plus jamais rien pour moi. Elle ne pourra pas davantage pour les autres, quand ils mourront. Et en faire la dernière fin des Belges, qui jusqu'à nos jours ne croyaient pas avoir été créés et mis au monde pour l'indépendance quand même du pouvoir civil, c'est, avec le tranchant d'une sentence despotique et par conséquent fausse, tuer la vérité.

Mais si le bons sens paraît aujourd'hui sommeiller parmi nous, quand il s'agit d'enseignement et d'éducation publiques dont le but ne saurait être exclusivement l'ordre purement temporel auquel préside l'autorité civile, je me flatte qu'il n'est pas mort, et j'espère que M. le ministre de l'intérieur, qui a déjà donné des preuves de sa bonne volonté, ne refusera point de le réveiller promptement, dans l'intérêt bien entendu des écoles en général et en particulier de l'école vétérinaire., dont nous sommes appelés à voter en ce moment le budget.

A l'appui de ces observations, j'ajoute quelques mots extraits d'un livre très instructif, récemment mis en vente à Bruxelles et intitulé : « Du suicide ». Opposer à ce mal social qui a fait tant de funestes progrès un remède purement humain et terrestre, élevez des manufactures, encouragez les sciences et les arts, répandez le bien-être matériel dans le sein des populations, tout cela est bon et louable ; mais si ce grand corps industriel n'est animé par l'esprit vivifiant de la foi et de la morale religieuse, vous ne ferez que déplacer les passions ou les changer en d'autres plus dangereuses encore. »

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - J'ai demandé la parole pour adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur.

Messieurs, je suis dépositaire de pièces importantes qui inculpent d'une manière fort grave la direction administrative de l'école vétérinaire de l'Etat. J'en ai informé M. le ministre de l'intérieur, car si ces plaintes sont calomnieuses, il faut que justice se fasse. Je lui ai demandé une enquête consciencieuse et impartiale ; n'ayant pas reçu de réponse satisfaisante, je désire savoir si le gouvernement compte prendre des mesures pour découvrir la vérité.

Je me borne à cette simple interpellation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, à cette interpellation qui semble avoir, dans l'esprit de l'honorable rapporteur de la section centrale, un caractère très grave, il manque une chose : il doit la préciser : quand elle sera précisée et portée à ma connaissance par des faits positifs, je répondrai.

M. Rogier. - Messieurs, l'honorable M. de Mérode vient de soulever des questions qui trouveraient mieux leur place à la discussion du chapitre de l'instruction publique ; si la Chambre tombait d'accord sur ce point, nous pourrions remettre à ce chapitre les débats que soulèvent les questions posées par l'honorable M. de Mérode. Si la Chambre en décidait autrement, je demanderais la permission de répondre à l'honorable membre dès à présent.

Je dirai seulement, en ce qui concerne l'école vétérinaire, que si un ecclésiastique y manque, non pas depuis 1847, mais depuis le mois de décembre 1849, c'est parce que le clergé n'a pas remplacé celui qui s'y trouvait. Au mois de décembre 1849, l'aumônier attaché à l'école vétérinaire depuis 1836, fut placé à l'école militaire ; le ministre de l'intérieur écrivit à M. l'archevêque de Malines pour demander un autre aumônier. Cet aumônier n'a pas été donné.

Il y a eu à ce sujet des correspondances, des conférences ; j'ai eu occasion d'en rendre compte à la Chambre ; il m'est revenu que M. l'archevêque de Malines a trouvé mon compte rendu inexact en quelques points et qu'il en avait écrit au département de l'intérieur.

Pour faire juger de l'exactitude des faits, M. le ministre de l'intérieur pourrait déposer sur le bureau la correspondance qui a eu lieu, à cette époque, entre le département de l'intérieur et l'archevêque de Malines ; il en ressortira que si un aumônier n'a pas été nommé à l'école vétérinaire, ce n'est pas la faute du gouvernement.

J'ai été informé que cette correspondance a été autographiée par les soins de M. l'archevêque de Malines : dès lors il n'y aurait pas d'inconvénient à ce que, le cas échéant, cette correspondance fût livrée à la (page 596) publicité. Je ne sais si M. le ministre de l'intérieur actuel a fait des démarches pour obtenir qu'un aumônier fût attaché à l'école vétérinaire ; tout ce que je sais, c'est que j'ai fait des démarches pour que M. l'abbé Donnet fût remplacé à l'école et que je n'y suis pas parvenu.

Je rencontrerai les questions posées par l'honorable M. de Mérode, quand nous en serons au chapitre de l'instruction publique, où nous aurons probablement l'occasion de revenir sur ce sujet.

M. de Mérode. - Messieurs, je n'ai pas l'intention d'empêcher qu'on remette à la discussion du chapitre de l'instruction publique l'objet dont je viens d'entretenir la chambre. Mais comme l'école vétérinaire arrivait ici, j'ai dû réclamer contre l'absence d'enseignement religieux à l'école vétérinaire, enseignement qui y avait été établi lorsqu'on a fondé l'école, et qui y manque depuis plusieurs années. Je signale cette absence, je la signale à M. le ministre de l'intérieur actuel, et j'ai déclaré tout à l'heure que j'espérais que M. le ministre parviendrait à aplanir cette difficulté.

M. de Man d'Attenrode. - Je me suis borné à une interpellation extrêmement simple afin de ménager les personnes. Pour moi, il n'y a encore qu'une prétention ; j'aime à croire qu'il n'y a pas de coupable. Je me suis pourvu par la voie administrative au département de l'intérieur ; j'ai mis, par une lettre écrite en janvier, M. le ministre en demeure de répondre, il ne l'a pas fait ; je me suis donc vu obligé de l'interpeller publiquement ; il se refuse à répondre ; il me met en demeure de m'expliquer. J'ai quelque répugnance à entrer dans des explications, mais si on l'exige, je le ferai.

- Plusieurs voix. - Parlez ! parlez ! Expliquez-vous !

M. de Man d'Attenrode. - Je le ferai si M. le ministre de l'intérieur veut prendre la responsabilité des explications qu'il semble provoquer, et qui sont de nature à nuire à des personnes.

La conduite du gouvernement est fort singulière. J'ai commencé par procéder par voie confidentielle. On a paru ne vouloir donner aucune suite à ma demande d'enquête.

Je me suis vu obligé de recourir à une interpellation en public, et au lieu de répondre on me met en demeure de m'expliquer, de donner de la publicité à ce qui doit rester confidentiel, tant qu'il n'a pas été constaté que l'administration avail quelque chose à se reprocher.

M. Lebeau. - En pareille matière il faut tout dire ou se taire.

M. de Man d'Attenrode. - C'est ce que je ne puis admettre. Avec le système suivi par le ministre de l'intérieur, quand il s'agirait de faits de nature à compromettre gravement l'intérêt public, il faudrait ou renoncer à découvrir les coupables, ou venir dans cette enceinte faire des dénonciations contre des personnes. C'est ce que je ne puis admettre ; la Chambre n'est pas un tribunal ; mon interpellation n'a d'autre but, qu'une mise en demeure pour le gouvernement de procéder à une enquête, et j'use d'un droit en le demandant. Je ne pourrais me résoudre à entrer dans des détails, que si la majorité de cette Chambre m'y obligeait.

M. Lebeau. - M. de Man ne peut pas s'en tenir à ces insinuations ; il doit préciser ses accusations ou il aurait dû les taire. Je crois que malgré l'inviolabilité du représentant, il y a une responsabilité parlementaire qui, moralement parlant, n'est pas un vain mot, et qui ne permet pas qu'on attaque ici ; et en leur absence, des fonctionnaires à la légère, vaguement et par voie d'insinuation.

Tant que M. de Man n'aura pas formulé une accusation directe et précise, de façon qu'on puisse lui répondre, les insinuations graves auxquelles il s'est livré pèseront sur la tête du fonctionnaire auquel il a fait allusion. Aussi longtemps qu'un débat contradictoire, impossible en présence des réticences derrière lesquelles on se retranche, n'aura pas eu lieu, ces graves insinuations pèseront sur la tête d'un fonctionnaire qui, probablement, ne méritait aucune des accusations portées sans franchise et, pour ainsi dire, sournoisement contre lui.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - M. le rapporteur de la section centrale m'a fait l'honneur de me parler d'irrégularités dans la comptabilité. Je lui ai dit que j'étais prêt à lui donner toutes les satisfactions qu'il pourrait désirer sur les faits qui seraient portés à ma connaissance d'une manière précise ; j'ai ajouté que si ces faits étaient de telle nature qu'il fallût instituer une enquête administrative, j'élais prêt à l'ordonner, qu'ayant autant que lui l'amour de l'ordre et de la régularité, rien n'échapperait à mon attention.

L'honorable membre s'en est tenu à ces informations vagues, et ne m'a pas mis autrement en mesure de m'expliquer.

Ce que je puis dire dès à présent, c'est que j'ai fait examiner tous les actes qui se rattachent à la gestion de l'école vétérinaire, et qu'il ne s'y rencontre rien qui puisse porter la moindre atteinte à l'honneur ou à la délicatesse du fonctionnaire placé à la tète de cette institution.

Si l'honorable rapporteur connaît des faits graves, je répète : qu'il les précise, et j'y répondrai.

M. de Mérode. - M. le ministre aurait pu dire cela à M. de Man.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je l'ai dit.

M. de Mérode. - Si vous l'avez dit, je n'y comprends plus rien.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Je suis surpris que M. le ministre de l'intérieur vienne déclarer ici avec assurance que je ne lui ai communiqué que des insinuations fort vagues.

Ce n'est pas exact ; j'ai articulé des faits, qui ressortent de pièces régulières.

Que M. le ministre ne vienne donc pas déclarer qu'il ignore ce dont il s'agit, puisque son secrétaire général est venu dans mon cabinet prendre connaissance des pièces de sa part, j'ai lieu de le supposer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je n'ai envoyé personne.

M. de Man d'Attenrode. - M. le ministre a cru ne pas devoir agir, malgré les actes qu'il connaît, je l'affirme ; je les lui ai fait connaître par écrit.

Mon devoir m'obligeait donc d'y donner suite, en interpellant le gouvernement dans cette enceinte ; le devoir du ministre eût été de procéder à une enquête pour découvrir la vérité ; cette mesure eût prévenu mon interpellation. Il ne m'appartient pas d'inculper un fonctionnaire par des révélations que vous n'avez pas le droit d'exiger. Pour moi, je le répète, il y a prévention, mais il n'y a pas encore de coupable.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il n'y a ici ni prévenu ni coupable, car il ne suffit pas d'une insinuation faite à la légère pour ravir à un fonctionnaire la considération dont il jouit justement.

Aucun fait précis n'a été porté à ma connaissance. Je sais qu'il y a eu des informations prises par l'honorable rapporteur auprès de certains bureaux du ministère ; mais aucune communication directe n'a été faite au ministre avec un caractère de précision suffisante. Oa s'est borné à me dire que des irrégularités avaient été commises, et j'ai répondu que lorsqu'elles me seraient signalées d'une manière positive, je saurais faire mon devoir quelque graves que fussent les actes reprochés à un fonctionnaire.

Maintenant, que M. le rapporteur ait eu des communications avec le secrétaire général du ministère, cela est possible, mais peu importe, je n'ai pas à m'en occuper.

Et puisque l'occasion s'en présente, je prierai l'honorable rapporteur et tous les honorables membres qui auraient des informations à prendre, des renseignements à demander, de vouloir bien s'adresser directement au ministre. Toutes les fois qu'ils me feront l'honneur de réclamer mon intervention, je me ferai un devoir de leur fournir toutes les explications qu'ils pourront désirer. Cette manière de traiter les affaires sera plus directe, plus convenable, et le ministre, qui seul est responsable, saura du moins à quoi il s'engage par les renseignements qu'il procure.

On peut critiquer les actes de l'administration tant qu'on voudra. C'est un droit que personne ne conteste, mais la Chambre comprend parfaitement que dans les investigations auxquelles les honorables représentants croient devoir se livrer, il est bien préférable que leurs démarches aboutissent sans intermédiaires, au chef responsable de l'administration.

En dehors de cette règle de conduite, il n'y a de garantie complète ni pour le membre de la législature qui désire des documents ou des explications, ni pour le ministre qui doit les lui donner, et qui ne saurait être engagé par des communications privées obtenues des bureaux.

Je crois, messieurs, que ce sont là des principes d'ordre et de bonne administration auxquelles vous vous associerez volontiers.

M. Orban. - Messieurs, une discussion sur une pareille question n'est pas ici à sa place.

- Un membre. - Il ne fallait pas commencer.

M. Orban. - Je ne prétends pas que M. de Man ait eu raison de la commencer. Voici ce que je veux établir : Il paraît que les faits auxquels l'honorable membre a fait allusion sans désigner le fonctionnaire qu'ils peuvent concerner, auraient un certain caractère de gravité. M. le ministre vient de dire qu'il n'a pas une connaissance personnelle de ces faits et que l'honorable M. de Man ne se serait pas adressé à lui.

Je suis sûr que du moment où ces faits lui auront été soumis, s'il reconnaît leur gravité et leur probabilité, il s'empressera de faire l'enquête nécessaire pour éclairer complètement sa religion.

C'est là, me semble-t-il, ce que doit désirer M. le ministre comme toute la Chambre. C'est que des abus, s'ils existent, ne restent pas impunis.

Aucun abus ne pourrait être réprimé, si quand il est dénoncé par un membre de la législature, il n'était l'objet d'une enquête de la part du ministre. Je crois inopportun d'engager un débat avant que les faits ne soient bien connus.

M. Frère-Orban. - Messieurs, depuis quelque temps il règne dans cette assemblée, à l'occasion surtout du budget de l'intérieur, un esprit vraiment déplorable et que nous serons tous à regretter plus tard. Les attaques les plus violentes, les plus passionnées, les plus injurieuses sont dirigées contre le gouvernement, contre l'administralion, contre les fonctionnaires, contre tous les travaux auxquels ils se livrent. Il n'y a pas de dénigrement dont ils n'aient été l'objet... (Interruption.) Je ne sais ce qu'on a fait à d'autres époques, mais si on a fait de même on a très mal fait.

Il est regrettable au plus haut point que le parlement soit condamné à subir de pareils débats.

Comment ! vous êtes les représentants de la nation et votre premier soin, le soin qui vous tourmente le plus, c'est de détruire la considération qui doit s'attacher au gouvernement, c'est de chercher à flétrir l'administration et les fonctionnaires publics !

Les fonctionnaires publics, messieurs, mais ils sont l'âme du gouvernement ; ils sont, en très grand nombre, des hommes capables, zélés, instruits, dévoués à leur devoir. J'ai été placé à leur tête et j'ai conservé de l'administration un souvenir ineffaçable. Je puis dire qu'au (page 597) sein de l’administration que j'ai eu l'honneur de présider, j'ai rencontré beaucoup de fonctionnaires qui seraient des hommes d'élite partout où ils se trouveraient placés, et pour toute récompense, on leur réserve une critique incessante, qui manque à la fois de justice, de bienveillance et de lumière ; on dénie leur zèle que l'on ne connaît pas, et leur intelligence que l'on méconnaît ; on représente les travaux utiles et trop souvent obscurs auxquels ils se livrent comme désœuvrés méprisables, comme du temps perdu, de l'argent perdu.

Aujourd'hui, messieurs, on va plus loin : ce ne sont plus des incapables, ce ne sont plus de misérables « bureaucrates » qui dévorent l'impôt ; ce sont des hommes.... Je ne sais s'il faut arracher des lèvres de M. de Man le mot qui s'y trouve ; ce sont des hommes qui commettent des actions très graves......On le dit ainsi et puis l'on s'arrête ; on insinue, on affirme que l'on a les mains pleines de faits graves, et on n'a pas le courage d'aller jusqu'à l'accusation ! (Interruption.) Messieurs, il est trop tard, il fallait s'abstenir, ou ayant commencé, il faut parler. Il faut que la Chambre sache maintenant s'il y a des actes honteux qui se commettent à l'école vétérinaire, et la Chambre fera justice. Mais l'honneur, je le dis, l'honneur ne permet plus à M. de Man de se taire.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - On vient de renouveler des accusations qui ont été adressées bien des fois au rapport de la section centrale.

Ce travail, dit-on, a été inspiré par la passion, je ne sais par quoi encore ! Eh bien, je prétends que les termes de ce travail sont parfaitement modérés. Oui, messieurs, en rédigeant le travail, j'ai été passionné, oui, j'ai été inspiré par la passion du bien publie, par l'amour de mon pays, par un sentiment de justice.

Croyes-voiis, messieurs, qu'il y ait quelque avantage à être rapporteur de la section centrale, à se livrer aux investigations auxquelles je me suis livré ?

A quoi cela peut il aboutir ? Cela n'aboutit qu'à soulever des intérêts puissants que le redressement des abus doit atteindre.

L'honorable M. Frère vient de dire que je viens de procéder par voie de l'insinuation. J'ai interpellé le gouvernement parce que mon devoir m'y obligeait. On prétend maintenant que je n'ai pas le courage d'aller plus loin. Ce courage ne me fera pas défaut si la Chambre le décide.

M. Rogier. - M. de Man ne veut parler que si la Chambre décide qu'il parlera. La chose ne peut pas rester ainsi suspendue. Y aura-t-il un vote sur le point de savoir si M. de Man doit s'expliquer ?

M. de Theux. - La Chambre n'a rien à décider en cette matière. L'honorable M. de Man a eu des communications verbales avec M. le ministre de l'intérieur et avec le fonctionnaire qui le représente immédiatement. M. le ministre ne se croit pas suffisamment informé pour donner suite aux communications de M. de Man. C'est à M. de Man à voir s'il entre dans ses intentions et dans ses convenances de compléter les communications qu'il a faites à M. le ministre de l'intérieur, mais la Chambre n'a rien à voir dans cette affaire, n'a rien à décider, et je conseille beaucoup à l’honorable M. de Man de ne pas s'engager davantage dans ce débat.

M. Lebeau. - Messieurs, il me semble que dans les questions de convenances, d'honneur, de dignité personnelle, on n'a pas besoin de savoir comment on doit se conduire, de consulter la chambre et de faire voter par majorité et minorité. Si M. de Man, après avoir procédé par des allusions assez transparentes pour faire planer les soupçons les plus affligeants, les plus graves sur la moralité d'un fonctionnaire du département de l'intérieur, ne veut pas être assez clair pour qu'une défense puisse être opposée à ses accusations ; si M. de Man, sommé de préciser ce qu'il présente comme des malversations, se tait ; en un mot s'il ne convertit pas son insinuation en une assertion assez claire pour qu'il soit possible au ministre de prendre la défense d'un de ses subordonnés absent ; si M. de Man ne croit pas devoir préciser ses accusations comme on le fait à l'égard de tout accusé, la Chambre n'a certainement aucun droit, aucun moyen de l'y forcer ; c'est à lui, à sa conscience, au soin qu'il a de sa dignité de prononcer ; mais ce que la Chambre, comme chacun de nous, est en droit de faire, c'est de prendre acte du refus fait persevéramment par M. de Man de répondre à l'invitation qui lui est adressée de formuler son accusation avec assez de netteté et de franchise pour qu'on puisse lui répondre.

M. de Mérode. - Il me semble que la Chambre ne doit pas se transformer en un tribunal où l'on accuse.

M. de Theux. - On l'a fait à d'autres époques.

M. de Mérode. - Oui, nous avons entendu beaucoup d'accusations qui ne parlaient pas des bancs où je siège.

Dans les discussions parlementaires, l'improvisation fait souvent avancer des choses qui ne sont pas suffisamment mûries, et ici je ne parle pas du fait particulier dont nous nous occupons en ce moment, je parle d'une manière tout à fait générale.

Maintenant si des faits graves ont été communiqués à M. le ministre de l'intérieur, par M. de Man, à l'égard d'un fonctionnaire public, M. de Man et M. le ministre de l'intérieur ne sont pas des hommes injustes, et si M. le ministre de l'intérieur lui avait démontré que ces faits n'eussent en réalité rien de grave, qu'ils ne valaient pas la peine qu'on s'en occupât, il est certain que l'honorable rapporteur de la section centrale se serait contenté des preuves données par M. le ministre. Si les relations n'ont pas été assez directes entre M. le ministre de l'intérieur et M. de Man, que M. de Man présente à M. le ministre ses observations directement, clairement, et que M. le ministre lui réponde. Si personne ne dit plus rien, il en résultera que le fonctionnaire dont il s'agit n'a aucuu tort. Il n'est pas nécessaire pour cela que la Chambre entende toute une accusation et toute une défense.

M. de Man d'Attenrode. - Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir renouveler en séance publique les déclarations qu'il a faites en section centrale, déclarations qui l'ont déterminée à voter des crédits qui dépassent les besoins de l'administration.

La section centrale les a admis, parce que le gouvernement s'est engagé à achever seulement au moyen de l'excédant les constructions commencées, mais il a déclaré formellement que de nouvelles constructions ne seraient pas entreprises.

L'usage qui a été fait dans le passé de l'excédant des crédits des articles en discussion a été fort irrégulier. Il a été bien entendu en section centrale que ce système de dépense ne serait pas continué.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, j'ai reconnu très loyalement que le système suivi depuis peut-être douze ans est un système qui, sous le rapport de la loi de comptabilité, peut laisser à désirer, mais qui a été sanctionné plusieurs fois par la Chambre.

J'ai annoncé que ce régime était arrivé à son terme : voici en quoi il consiste : il y a annuellement, depuis 11 ans à peu près, quelques économies à faire sur divers articles ; on les a successivement employées à achever les constructions commencées depuis 1841.

En 1841, M. le ministre de l'intérieur d'alors, l'honorable M. Liedts a fait observer que ce mode d'employer à des constructions l'excédant d'un crédit affecté à un autre service, n'était pas tout à fait régulier, et il pria la Chambre de s'expliquer à cet égard. Or, les constructions qu'on devait faire à l'école vétérinaire pour compléter les différents locaux ne pouvait pas être exécutées sans un nouveau crédit spécial et la Chambre à l'unanimité a laissé le gouvernement libre de continuer les imputations de crédit dont il s'agit ; et depuis lors, le gouvernement, à l'aide des économies, est parvenu à compléter les constructions telles qu'elles existent aujourd'hui.

Voilà le régime dont j'ai annoncé la fin ; j'ai dit qu'à partir de l'année prochaine les excédants ne recevraient plus le même emploi et qu'il y aurait des demandes de crédits spéciaux toutes les fois qu'il y aurait des constructions à faire.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je n'ai qu'à m'applaudir de la réponse que j'ai provoquée de la part de M. le ministre de l'intérieur.

Il faut espérer qu'à l'avenir il y aura plus d'ordre dans les dépenses de cet établissement, car c'est au laisser aller qui y règne depuis longtemps, qu'il faut attribuer les accusations qui planent sur la gestion de l'école vétérinaire, les inculpations dont j'ai transmis les termes à M. le ministre de l'intérieur, par lettre du 11 janvier dernier.

Au reste, messieurs, puisqu'il en est parmi vous qui me provoquent à parler, voici des faits qui donnent une idée de ce laisser aller.

Il y avait à l'école vétérinaire, en 1847, un dépôt de matériaux dont la valeur a été estimée à environ 28,000 fr. Eh bien, qu'en a-t-on fait ? Une partie a été employée dans les nouvelles constructions ; mais comment a-t-on disposé de l'excédant ? Voici comment on en a disposé dans bien des circonstances.

Lorsqu'il s'est agi de construire au moyen de l'excédant des crédits des articles 54 et 55, qui jamais n'ont été destinés à cet usage, et que les ressources faisaient défaut, l'on n'a pas hésité à payer les entrepreneurs en leur cédant ces matériaux à des prix déterminés sans aucun contrôle.

Or, messieurs, vous ne l'ignorez pas, tout ce qui appartient au domaine public ne peut être aliéné qu'en vertu d'une loi, et avec des formalités destinées à la garantie de tout dommage, de toute soustraction. Et ceux qui contreviennent à ces prescriptions légales encourent une responsabilité fort grave.

Il y a plus, une ferme expérimentale située dans la commune de Forêt était jadis annexée à l'école vétérinaire. Le gouvernement a jugé convenable de la supprimer en 1850.

Il s'agissait dès lors de se débarrasser du matériel ; c'est-à-dire des chevaux, du bétail, des ustensiles de la culture.

Voulez-vous savoir comment on a procédé ? Au lieu de vendre publiquement ce matériel par le ministère des agents du domaine, il a été cédé de la main à la main.

Quel a été le produit de cette vente ? Qu'a-t-on fait de ce produit ? Voilà ce que nous sommes en droit de demander. On assure que le produit de cette vente s'est élevé à 10,000 fr. On présume que cette somme a été employée en constructions dans les écoles d'agriculture subsidiées par l'Etat.

Et des procédés pareils ne feraient pas surgir des rumeurs, des accusations même ? Il serait extraordinaire qu'il n'en fût pas ainsi.

Ceux qui courent les chances d'actes aussi irréguliers, je dis aussi répréhensibles, doivent en subir les conséquences inévitables, quand la rumeur publique leur donne de la publicité.

Je le dis sans détour, ceux qui se permettent de poser des actes pareils s'exposent volontairement à des soupçons, à des accusations, dont ils auraient dû prévoir les conséquences, et je crois que s'ils comprenaient bien leur intérêt, il se conformeraient scrupuleusement à toutes les règles voulues par nos lois sur la comptabilité, à toutes les règles, qui dans les gouvernements bien organisés, garantissent la conservation du domaine public.

- La discussion est close.

(page 598) L'article 54 est mis aux voix et adopté.

Articles 55 et 56

« Art. 55. Matériel de l'école vétérinaire. - Jury vétérinaire : fr. 72,700. »

- Adopté.


« Art. 56. Subside à la société royale d'horticulture à Bruxelles : fr. 24,000. »

- Adopté.

Chapitre XII. Voirie vicinale

Article 57

« Art. 57. Encouragements divers pour l'amélioration de la voirie vicinale. - Indemnisés à des employés temporaires attachés au service de la voirie vicinale. - Confection de plans, impressions, travaux spéciaux, etc.

« a. Encouragements divers pour l'amélioration de la voirie vicinale : fr. 480,000.

« b. Salaire des agents temporaires attachés au service de la voirie vicinale. - Confection de plans ; impressions et travaux spéciaux : fr. 12,800.

« Ensemble : fr. 492,800. »

La section centrale propose de faire un article spécial de chacun de ces deux liltéras.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne puis pas me rallier à cette proposition.

M. le président. - L'amendement suivant a été déposé sur le bureau ; il se rattache à l'article 57 :

« Les soussignés proposent de porter à 700,000 fr., le crédit poposé à l'article 57, en faveur de la voirie vicinale.

« L. Yan Renynghe, J.-G. de Naeyer, Alp. Vandenpeereboom, A. Rodenbach. »

Un autre amendement vient d'être déposé sur le bureau par M. de Renesse ; il est ainsi conçu :

« J'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'augmenter le chiffre de la voirie vicinale de 100,000 fr. et de les porter dans la colonne des dépenses extraordinaires. »

La discussion est ouverte sur l'article 57 et les amendements.

M. Van Renynghe. - Messieurs, parmi les travaux qui méritent d'être encouragés, se trouvent, sans contredit, en première ligne ceux qui intéressent la voirie vicinale, et pourtant on semble vouloir les perdre de vue insensiblement, car au lieu d'augmenter le crédit qui est porté au budget de l'intérieur pour leur exécution, on le rogne, en décourageant les communes qui se sont imposé des sacrifices immenses pour se créer des communications faciles dans l'intérêt du commerce, de l'industrie et de l'agriculture.

Cependant le département des travaux publics dispose de fortes sommes pour des routes gouvernementales que l'on s'efforce de désigner comme voies de grande communication, ayant le caractère d'utilité générale. Mais depuis la construction des grandes lignes des chemins de fer, que sont devenues ces grandes voies empierrées ? Dans l'état actuel des choses, ne devraient-elles pas entrer dans la catégorie de celles qui figurent sous le titre modeste de voies vicinales ? On devrait donc faire disparaître ces distinctions, attendu que toutes les routes tendent actuellement à atteindre le même but.

Je crois en conscience devoir faire ces observations parce que ces distinctions consacrent des injustices flagrantes qui sont malheureusement bien souvent le fait d'avis arbitraires donnés par des ingénieurs de l'Etat.

En effet, il arrive parfois que des routes parallèles à d'autres routes gouvernementales, sont décrétées comme routes de l'Etat, tandis que les constructions d'autres voies de communication, ayant tout le caractère d'utilité générale comme traversant des contrées fertiles et très étendues, dénuées du moindre chemin praticable pendant la majeure partie de l'année, sont mises à la charge des communes et que pour ces voies, après bien des tâtonnements, le département des travaux publics n'accorde que des subsides relativement insignifiants.

Evidemment cela n'est encourageant ni pour les communes ni pour les provinces.

A l'appui de ce que je viens d'avancer, je citerai une route décrétée comme route vicinale et construite depuis le mois d'août dernier. Elle relie entre elles deux grandes routes de l'Etat, celle d'Ypres à Furnes et celle partant de la première de ces villes par Poperinghe vers Calais, Boulogne, Dunkerque et Bailleul, et ouvre de nouveaux débouchés au département du Nord et au chemin de fer de la Flandre occidentale. Sans le moindre doute cette nouvelle voie de communication aurait dû être décrétée ranime route de l'Etat, et cependant elle a dû être construite aux frais de la ville de Poperinghe avec le concours du gouvernement, de la province et des communes intéressées.

Le département des travaux publics n'est intervenu dans cette dépense que pour une somme minime, tandis que la ville, malgré ses ressources insuffisantes, doit payer une somme exorbitante pour suppléer au manquant de cette dépense.

Je voudrais donc que l'on pût faire disparaître ces distinctions en décidant que toutes les routes, indistinctement, seront considérées comme routes vicinales et que, par conséquent, elles ressortiront au même département.

Pour ce qui concerne les routes vicinales en projet, elles ne pourront s'exécuter, nonobstant les subsides considérables votés par les provinces et les communes intéressées, si le gouvernement n'y contribue avec efficacité.

Je crois que ce concours est on ne peut plus opportun et même indispensable, au moment, où, grâce aux efforts généreux des communes et de leurs habitants, sans l'aide de l'Etat nous traversons quoique péniblement une crise alimentaire et pour que par le travail, on puisse procurer des moyens d'existence aux malheureux ouvriers, auxquels les communes à bout de ressources et la charité privée, épuisée, pourraient parfois être forcément obligées de faire défaut.

Quoi qu'il en soit et n'importe de quelle manière, il faut toujours que le crédit en faveur de la voirie vicinale soit majoré, et, qu'en outre, quand même les circonstances malheureuses ne l'exigeraient pas, un crédit extraordinaire soit volé par la législature, sans quoi les sommes considérables votées par les provinces et les communes dans l'intérêt de la voirie vicinale, resteraient improductives pour l'agriculture et d'autres industries et finiraient, peut-être, par avoir une destination autre que celle à laquelle elles avaient été affectées.

Entre autres routes projetées, je ne citerai que quelques-uns qui sont à ma connaissance et qui ne pourront s'exécuter sans l'intervention du gouvernement, malgré les sacrifices exorbitants que la province et les communes intéressées se sont imposés.

Je mentionnerai d'abord celle de Poperinghe vers Bailleul par Reninghelst, Westoutre et Locre-Kruysstraet. Les frais d'exécution de cette grande communication sont évalués à 225,000 francs ; les offres de subsides des communes s'élèvent à 77,000 francs et dépassent donc de 2,666 fr. 67 c. le tiers de l'évaluation. Pendant la session de 1851 le conseil provincial de la Flandre occidentale a voté le subside ordinaire, soit le tiers de la dépense réelle. Cette route est le complément de celle, décrétée comme route gouvernementale, parlant d'Ypres par Dickebusch et Locre vers Bailleul. Je fais remarquer, en passant, que la route de Poperinghe vers Bailleul mérite d'être considérée comme route de l'Etat, au moins autant que celle d'Ypres vers le même point, attendu que cette dernière sera construite entre deux routes parallèles, tandis que celle de Poperinghe parcourra une contrée très étendue, isolée de toute voie empierrée.

Une autre route de Renynghe au hameau de Luzerne et à Oostvleteren, est digne de toute votre sollicitude pour des considérations que l'honorable M. de Breyne a fait valoir dans une session précédente.

La dépense de cette route s'élève à 197,000 francs. La commune de Renynghe s'engage à parfaire le tiers de la dépense, moyennant les subsides votés par les communes intéressées. Le conseil provincial a alloué le tiers de la dépense réelle, soit au maximum la somme de 66,333 fr. 33 c.

Enfin la route conduisant de Stavele par Crombeke à la chaussée de Poperinghe à Oostvleteren n'est pas moins digne de votre sollicitude.

Des subsides même au-delà du tiers de la dépense ont été votés par les communes intéressées et un autre tiers de cette dépense par le conseil provincial.

Les frais de cette construction sont évalués à 99,500 francs. La part des communes dans cette dépense est de 38,000 francs, et celle de la province de 33,166 fr. 66 c. Le total des subsides votés s'élevant à 71.166 fr. 66 c, le gouvernement ne devrait donc, pour tirer de leur isolement, deux communes intéressantes qu'ajouter ce qui y manque, soit une faible somme de 28,333 fr. 34 c.

J'ai la conviction, messieurs, que tant d'actes de générosité et beaucoup d'autres que je n'ai pu mentionner, ne peuvent être dédaignés et que vous devez les accueillir, non seulement avec empressement, mais même les rendre efficaces en adoptant l'amendement que nous avons eu l'honneur de vous soumettre, indépendamment d'un crédit extraordinaire qui devrait être voté pour des motifs que j'ai fait valoir.

Comme on vote bien souvent des crédits considérables pour des objets dont l'utilité est très conlestablc et même parfois problématique, j'espère, messieurs, que vous n'hésiterez pas à allouer des crédits suffisants pour ceux qui sont d'une nécessité impérieuse et par conséquent incontestable.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, il importe que le gouvernement fasse connaître immédiatement son opinion sur les amendements proposés. S'il ne s'agissait que d'avoir un plus grand nombre de routes et d'avoir le plaisir de répandre les bienfaits de la voirie vicinale sur une plus grande échelle, rien ne me serait plus agréable que d'appuyer les amendements. Mais des considérations d'un autre ordre doivent arrêter le gouvernement dans la voie où l'on veut l'entraîner.

Cette année, la situation du trésor public est de telle nature qu'il n'est pas possible de voter avec indifférence une augmentation de 100,000 ou de 200,000 fr. sur le crédit de la voirie vicinale.

La Chambre se rappelle l'exposé qui a été fait par le ministre des finances de la situation générale des recettes qui seront nécessairement affectées par la crise alimentaire que nous subissons.

Sans être mauvaise en aucune façon, la position exige que nous usions d'une sage réserve en présence de l'état actuel du trésor et des éventualités qui peuvent survenir.

(page 599) Mais, indépendamment de la situation du trésor, il y a une autre considération que la Chambre ne doit pas perdre de vue.

La distribution des subsides en matière de voirie vicinale se fait de commun accord avec les provinces et les communes ; le concours de l'Etat est toujours réglé d'après la part contributive des provinces et des communes. Or, dans la situation actuelle, je doute fort qu'il leur soit possible de faire de nouveaux sacrifices pour la voirie vicinale.

Ce sont ces divers motifs qui ne permettent pas au gouvernement d'appuyer les amendements qui ont été présentés.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, je regrette vivement que M. le ministre de l'intérieur ait cru devoir, cette année, combattre l'amendement que nous avoirs présenté et qui n'est que la reproduction de celui que nous avions mis en avant l'année dernière. La Chambre voudra bien se souvenir que, lors de la discussion du budget de 1853, il y a un an à peine, M. le ministre de l'intérieur, loin de combattre l'amendement que nous avions eu l'honneur de déposer sur le bureau, le soutint, au contraire, et voulut bien nous accorder un bienveillant appui.

Cet amendement paraissait devoir être adopté, lorsqu'une proposition d'ajournement surgit et qu'il fut convenu, pour ainsi dire de commun accord, entre les auteurs de l'amendement et le gouvernement, que cette discussion serait reportée à l'époque de l'examen du budget de 1854.

Les différentes causes pour lesquelles on crut nécessaire d'ajourner l'examen de l'amendement n'existent plus aujourd'hui. C'est pour ce motif que nous avons cru devoir le représenter.

En le déposant nous nous attendions certainement à ce que l'on en manquerait pas de nous objecter la situation du trésor, et à ce qu'on viendrait conclure que, dans les circonstances actuelles, la présentation de cet amendement est tout à fait inopportune.

Messieurs, les premières années que j'avais l'honneur de siéger dans cette Chambre, lorsqu'on me parlait de la situation financière, j'étais jusqu'à un certain point ému par les objections qu'on me présentait à ce point de vue.

Mais, depuis lors, j'ai pu, par des exemples fréquents, me convaincre que la situation financière est, comme vous l'ont déjà dit plusieurs honorables collègues, une chose extrêmement élastique. Ainsi, dans certaines circonstances, lorsqu'on veut empêcher l'adoption d'une proposition, immédiatement la situation financière apparaît. Mais quelques jours après, souvent dans le même budget, le gouvernement ou un de ces membres qui se sont montrés les plus grands partisans du trésor, veut-il faire admettre une dépense nouvelle, la situation disparaît ; on n'en parle plus.

Je crois, d'ailleurs, pouvoir faire remarquer que j'ai plus que tout autre le droit de tenir assez peu compte de la situation financière.

Je dois déclarer que si elle est mauvaise, je n'ai pas contribué à la rendre telle, et que toutes les fois qu'on est venu nous proposer de grandes dépenses, j'ai, dans presque toutes les circonstances et eu quelque sorte systématiquement, voté contre ; non pas parce que j'étais contraire à ces dépenses en elles-mêmes, mais parce que je ne voulais pas les voter avant qu'on n'eût fait droit à nos réclamations pour la voirie vicinale.

Ou me demandera : Où, dans quelle caisse, prendrons-nous l'argent nécessaire pour payer les 200,000 fr. ? Messieurs,quand on a trouvé dans la caisse de l'Elat l'argent nécessaire pour majorer de 5 millions le budget de la guerre, pour armer le « Duc de Brabant », pour augmenter les traitements des agents diplomatiques, pour augmenter les traitements des professeurs du conservatoire de musique ; lorsque bientôt on trouvera dans cette caisse 1,700,000 fr. pour dépenses du génie et de l'artillerie, et qu'on y trouvera bien autre chose encore ; il me semble que lorsque dans une caisse on trouve tant de choses, il ne serait pas impossible, en cherchant bien, d'y trouver aussi 200,000 fr. pour la voirie vicinale.

Il me paraît que la propriété foncière, en insistant fortement pour obtenir, je ne dirai pas un avantage mais une justice, est d'autant plus fondée dans ses réclamations qu'elle contribue plus largement au soutien des charges générales de l'Etat.

La situation financière, dites-vous, est mauvaise. Mais à qui a-t-on demandé d'abord de vouloir la rendre meilleure ? C'est à la propriété foncière. Il y a à peine quelques semaines que nous avons voté une loi sur la répartition du contingent de l'impôt foncier, qui donnera une augmentation de recettes de 500,000 fr. Or, si la propriété foncière, en donnant à l'Etat ce nouveau produit de 500,000 fr., vient vous en demander 200,000, il faut avouer que ses prétentions sont fort modestes et que le trésor, qui reçoit 500,000 fr., aurait fort mauvaise grâce de se plaindre de ce qu'on lui en demande 200,000.

Ce sont des marchés que tout le monde voudrait faire. Tout le monde donnerait volontiers 200,000 fr. pour en recevoir 500,000.

Lorsque nous parlons, dans cette enceinte, au nom de l'agriculture, j'entends un grand nombre d'orateurs appuyer nos réclamations. Tout le monde voue à l'agriculture un culte sincère, et je dois dire que ce culte n'est pas nouveau, puisqu'il est, lui aussi, renouvelé des Grecs.

Mais dans les temps anciens, on ne se contentait pas de montrer des sympathies à l'agriculture, on faisait quelque chose de plus, que nous ne faisons pas. En général, à l'époque où nous vivons, on accorde des éloges, mais on se borne à cela.

Or, il me paraît que l'agriculture, pas plus que d'autres industries, ne peut vivre purement et simplement des éloges qu'on lui donne.

Messieurs, je croirais faire injure à la Chambre, si je voulais lui démontrer que les meilleurs encouragements qu'on puisse donne à l'agriculture sont les subsides pour l'amélioration de la voirie vicinale.

Il est évident que ces encouragements peuvent se répandre partout, qu'ils ne constituent pas un privilège pour telle province plutôt que pour telle autre ; il est évident que l'amélioration de la voirie vicinale profite non seulement aux communes, mais encore aux grandes communications de l'Etat, dont elle forme des affluents, et qu'ainsi elle contribue largement à améliorer la richesse publique.

L'utilité de la voirie vicinale est tellement incontestable que, dans cette Chambre, les partisans même les plus constants, les plus théoriques de la non-intervention gouvernementale, veulent bien reconnaître que, dans certaines circonstances, en matière de voirie, l'intervention du gouvernement est un devoir.

C'est ainsi que, dernièrement, l'honorable M. Julliot, qui est la personnification la plus constante du système de la non-intervention de l'Etat, a bien voulu reconnaître que le gouvernement, en ce qui concerne la voirie, doit faire fléchir les principes et que son intervention est obligatoire.

Si je vous cite cet honorable économiste, c'est que je le considère comme un chef d'école et que j'espère que tous ceux qui partagent ses principes dans cette Chambre voudront bien faire disparaître les scrupules qu'ils pourraient encore avoir en matière d'intervention gouvernementale en ce qui concerne la voirie.

Messieurs, l'agriculture a encore un autre privilège ; c'est que souvent non seulement on néglige de faire ce qu'elle demande, mais on l'invoque pour faire passer, sous son manteau, des propositions avec lesquelles elle n'a rien à faire.

Ainsi dernièrement, lorsque plusieurs orateurs ont défendu avec beaucoup de talent et d'énergie l'institution du haras de l'Etat, on a surtout invoqué l'intérêt agricole. Je les en remercie bien sincèrement, au nom de l'agriculture ; mais je les prie de vouloir bien aussi, quand on parle si parfaitement de l'agriculture en se plaçant au point de vue du haras, la défendre, en se plaçant au point de vue de la voirie de la voirie vicinale.

Messieurs, l'utilité de la voirie vicinale étant démontrée, il ne resterait plus qu'à examiner une seule chose : c'est de savoir si les crédits alloués sont suffisants.

Je sais qu'on dira que la Chambre a beaucoup fait pour la voirie vicinale ; qu'autrefois on ne portait rien au budget ; qu'ensuite on y a porté 100,000 fr. et que le crédit s'est successivement accru jusqu'à 500,000 fr. Messieurs, je reconnais qu'on a fait quelque chose pour la voirie vicinale, mais qu'on n'a pas fait tout ce qu'on devait faire.

Il en a été de la voirie vicinale comme d'une foule d'institutions. Ainsi, lorsqu'on a commencé à créer des chemins de fer, on n'avait d'abord l'intention que de faire une seule ligne, d'Anvers au Rhin avec embranchement sur Bruxelles. Bientôt on a reconnu que cette ligne était insuffisante, qu'il fallait faire davantage, et l'on a construit à grands frais tous les chemins de fer que nous possédons.

Il en est de même pour la voirie vicinale. An commencement, on a consacré 100,000 fr. à son amélioration Mais bientôt les demandes ont été si nombreuses, qu'il a fallu y consacrer des sommes plus importantes, parce que nos populations ont pu, à mesure que l'on construisait des chemins vicinaux, apprécier de mieux en mieux leur utilité sous tous les rapports.

Du reste, s'il fallait encore une preuve pour démontrer que les crédits alloués sont insuffisants, je n'aurais qu'à faire observer que des réclamations partent de tous les points ; que de tous côtés on réclame de nouvelles voies de communication.

C’est ainsi que les comices agricoles réclament, que les communes réclament, que les gouverneurs des provinces réclament.

Enfin, il n'y a pas un an, M. le ministre de l'intérieur, qui est mieux que personne placé pour connaître les besoins des communes, réclamait lui-même de la manière la plus énergique. Il jetait en quelque sorte un cri d'alarme. Voici comment il s'exprimait, dans la séance du 9 décembre 1852 :

« Le crédit de 492,000 fr. est reconnu insuffisant pour encourager les travaux de voirie même les plus urgents. Tous les rapports venus des provinces s'accordent sur ce point, et il est devenu impossible de pourvoir aux nécessités les mieux constatées. »

L'honorable ministre conclut, d'une manière extrêmemenl logique, en disant qu'il faudrait un million pour terminer les travaux en voie d'exécution.

Malheureusement il ne fit pas de proposition et l'affaire en resta là.

Je n'ai nullement l'intention de jeter la division entre les communes rurales et les grands centres de population. Je comprends qu'il est utile, même nécessaire de tenir en balance les intérêts de toutes les localités ; mais il faut reconnaître que si tous les Belges sont égaux devant la loi, tous ne le sont pas devant le budget. Je n'en accuse personne ; cette infériorité relative doit nécessairement se présenter ; seulement, nous devons tâcher de rétablir l'équilibre, quand nous le pouvons. Lorsque l'occasion de faire quelque chose pour les communes rurales se présente, nous ne devons pas la négliger.

Je ne citerai pas la différence qui existe entre la population des communes rurales et celle des villes ; je ne dirai pas que les neuf dixièmes du budget sont dépensés dans l'intérêt des grands centres de population. Je ne dirai pas non plus, comme l'honorable M. d'Hoffschmidt, que les populations rurales ne connaissent le gouvernement central que (page 600) par l'intermédiaire, du receveur des contributions et du conseil de milice.

Mais je dois faire remarquer que l’agriculture aurait d’autant plus droit à des encouragements, qu'on lui a enlevé successivement toutes les mesures protectrices qu'on a maintenues si longtemps en faveur des autres industries.

Je crois avoir démontré à la Chambre que si on veut y mettre de la bonne volonté on trouvera facilement quelques centaines de 1,000 francs peur les appliquer à la voirie vicinale.

Cette intervention de l'Etat est fort utile, et elle est juste sous tous les rapports. Telles sont les considérations générales que j'avais à présenter, je les crois de nature à déterminer la Chambre à adopter la proposition qui lui est faite.

Qu'il me soit permis, en finissant, de faire remarquer que les circonstances au milieu desquelles nous nous trouvons actuellement militent très fortemenl en faveur de la majoration de crédit que nous sollicitons pour la voirie vicinale.

Il est un fait sur lequel je crois devoir demander une explication à M. le ministre et appeler l'attention de la Chambre. Nous avons voté, l'année dernière, une loi ayant pour but de réunir une partie du quartier Léopold à la ville de Bruxelles.

Quand ce projet a été soumis à notre examen, il a été dit que la rue de la Loi serait continuée jusqu'au champ de manœuvres à construire sur la plaine des courses. Si mes renseignements sont exacts, l'Etat interviendra dans la construction de cette route.

Je demanderai s'il est vrai que le subside, qu'on se propose d'accorder pour cette construction, doit être imputé sur le crédit alloué pour la voirie vicinale ; je demanderai, en outre, jusqu'à concurrence de quelle somme l'Etat doit iintervenir. Si je suis bien renseigné, l'intervention de l'Etat devrait être de 200 à 300 mille fr.

S'il en est ainsi, tandis que nous croyons voter 500 mille fr. pour améliorer les chemins vicinaux, c'est-à-dire pour les communications de commune à commune, la riche capitale de la Belgique viendrait prélever sur les deniers du pauvre une dîme pendant six ans. Si telles sont les intentions du gouvernement, je demande que cette somme ne soit pas prélevée sur l'allocation du budget, mais fasse l'objet d'un crédit spécial.

Dans les circonstances pénibles au milieu desquelles nous vivons, il ne faut pas se faire une idée de la situation des campagnes par ce que nous voyons à Bruxelles. S'il y a de la misère dans la capitale, elle se cache derrière l'aisance et le luxe qui y dominent ; les promenades sont couvertes de monde élégant, les équipages circulent, des fêtes magnifiques appellent chaque soir les habitants ; mais il faut porter les yeux plus loin. Eh bien ! je puis dire que dans les campagnes des Flandres, et il en est probablement de même dans d'autres provinces, la misère est très intense ; une grande partie des provisions a disparu ; les petites épargnes des ouvriers agricoles sont mangées, le travail n'a pas encore repris et ne reprendra pas de sitôt.

Chacun sait que c'est vers le commencement de la saison qu'il y a le plus de souffrances. Il n'y a pas de meilleur moyen de soulager la misère que le travail, et le travail, le plus utile qu'on puisse procurer est celui qui a pour objet d'améliorer les communications.

Ma conclusion devrait être le dépôt d'un projet demandant un crédit d'un million pour la voirie vicinale, comme on l'a fait dans des circonstances moins graves que celles dans lesquelles nous nous trouvons en ce moment. Mais j'ai préféré en laisser l'initiative au gouvernement pour lui réserver la popularité qui ne peut manquer de s'attacher à la présentation d'un semblable projet de loi.

M. de Renesse. - Plusieurs de nos honorables collègues ont proposé à la Chambre de porter à 700,000 fr. le crédit pour la voirie vicinale. Cette augmentation de crédit aurait obtenu mon assentiment si actuellement notre situation financière se trouvait dans une position assez prospère ; mais la situation du trésor, qui nous a été transmise, ily a peu de temps, nous présente un déficit assez notable. Je me vois donc forcé à regret de ne pouvoir accorder mon appui à une augmentation de crédit de 200,000 fr. pour la voirie vicinale, ne voulant pas être obligé par la suite de voter une augmentation des contributions. Cependant dans la circonstance toute particulière où se trouve la classe ouvrière de nos campagnes par suite de la crise alimentaire, je crois qu'il peut y avoir lieu de proposer une certaine augmentation à l'article de la voirie vicinale ; j'aurai donc l'honneur de proposer d'augmenter le chiffre de 500,000 fr. de 100,000 fr. à placer dans la colonne des dépenses extraordinaires.

J'aurai l'honneur de recommander à M. le ministre de l'intérieur de vouloir faire hâter l'instruction des affaires relatives à' la voirie vicinale ; il est à désirer, surtout cette année-ci, à cause de la crise alimentaire, que les crédits à allouer par le département de l'intérieur, soient connus des administrations communales, au commencement du printemps, pour qu'elles puissent donner une occupation utile à la classe ouvrière de nos campagnes.

M. Vander Donckt. - Messieurs, on a longuement discuté la question de savoir s il ne conviendrait pas de transférer du département de l'intérieur à celui des travaux publics, le service des cours d'eau et de la voirie vicinale et des chemins en général. Je ne partage pas, sous ce rapport, l’opinion de mes honorables collègues. Quant à moi je pense qu'il faut laisser les choses là où elles sont.

Par les motifs très concluants qu'il a fait valoir, M. le ministre de l'intérieur n'a fait que me confirmer dans cette opinion. Si je suis d'accord avec M. le ministre sur le maintien de la voirie vicinale à son département, j'ose espérer que M. le ministre sera lui-même aussi d'accord avec moi et avec les paroles qu'il prononça à ce sujet dans votre dernière session sur l'urgence, l'impérieuse nécessité d'augmenter l'allocation pour la voirie vicinale. Comme déjà vous l'a fait observer l'honorable M. Vandenpeereboom, dans la session dernière, dans la séance du 9 décembre 1852, M. le ministre de l'intérieur vous a dit que le crédit était complètement insuffisant. J'espère bien qu'aujourd’hui il sera encore du même avis. Car les demandes des subsides dépassent de beaucoup celles auxquelles l'honorable ministre est en état de suffire avec l'allocation restreinte qui est portée au budget.

L'honorable ministre vient de vous dire : Il ne serait peut-être pas prudent, dans le moment actuel, d'exiger que les communes et les provinces s'imposassent de nouveaux sacrifices ; d'ailleurs en seraient-elles capables ?

Messieurs, il y a une autre considération d'un ordre plus élevé, c'est, comme vous l'a parfaitement dit l'honorable M. Vandenpeereboom, l'extrême misère qui règne aujourd'hui dans les campagnes, le défaut de travail et la cherté des substances alimentaires. En 1847, messieurs, vous avez porté à votre budget une somme de 2 millions pour venir au secours des classes laborieuses qui se trouvaient dans une position à peu près équivalente à celle où l'on se trouve aujourd'hui, (Interruption.)

Je regrette de voir des mouvements de désapprobation ; mais je puis vous le dire en conscience, j'ai vu moi-même qu'aujourd'hui dans les communes des Flandres toutes les provisions sont épuisées. Car veuillez bien remarquer qu'il n'en est pas des populations campagnardes comme de celles des villes. Pour les populations des villes, le travail est le même pendant toute l'année ; pourvu qu'il n'y ait pas de chômage, toutes les saisons sont les mêmes pour elles. Dans les campagnes il en est tout autrement. A la campagne, quelque pauvre que soit l'ouvrier, il a son petit champ qu'il cultive de son mieux.

Il en recueille quelques fruits qui servent à le nourrir à peu près jusqu'à l'époque actuelle ; mais jusqu'à la moisson suivante, il reste pour ainsi dire sans ressources ; il vit dans la misère et il ne peut pas, comme dans les villes, faire un appel aux personnes aisées, parce que celles-ci sont beaucoup trop rares pour que les aumônes, quelque fortes qu'elles soient, puissent suffire au dixième, au centième des besoins.

C'est ainsi qu'en 1847 nous avons vu des hommes mourir de faim le long des routes. Les malheureux commencent par s'exténuer, par ne manger que le quart ou le sixième de ce dont ils ont besoin pour vivre. Une personne charitable leur accorde-t-elle de quoi acheter du pain ? Ils mangent pour deux ou trois repas, leur estomac affaibli s'enflamme et ils meurent.

Messieurs les mêmes circonstances fatales se reproduisent aujourd'hui. Quand viendra-t-on vous en entretenir ? L'année prochaine, lorsque le mal sera fait. Eh bien ! c'est aujourd'hui que je fais, au nom de la population, un appel à votre générosité, pour que vous preniez des mesures propres à les empêcher de mourir de faim.

N'oubliez pas qu'en présence du prix élevé des subsistances, ceux mêmes de nos ouvriers qui travaillent encore ne peuvent, avec leur léger salaire, se procurer le sixième de ce dont ils ont besoin. Quel meilleur moyen pouvez-vous donc adopter que de continuer cette œuvre que l'honorable ministre vous a si bien signalée dans la session précédente, que de continuer la construction de ces routes inachevées, dont l'honorable ministre vous disait que c'était une valeur improductive dont personne ne pouvait retirer le moindre fruit ?

Vous avez des communes qui ont entamé la construction d'un chemin vicinal, où les matériaux se trouvent même à pied d'œuvre, et qui ne peuvent continuer parce qu'elles n'obtiennent pas les subsides qu'elles réclament. Telles sont les communesde Hoorebeke-St-Cornil, de Worteghem, qui ont fait les plus grands sacrifices pour arriver au chemin de fer. Leur chemin doit faire un affluent du chemin de fer vers Waereghem.

Il y a une lacune. La commune s'est adressée, l'année dernière, avec instance au gouvernement. On a dû lui répondre que les fonds étaient épuisés, qu'il était impossible de lui donner la moindre chose.

La même réponse a été faite aux communes de Heurne et Zynghem. Dans ces localités encore il y a des lacunes. Ces communes ont obtenu à plusieurs reprises de légers subsides ; elles ont fait des sacrifices considérables. Aujourd'hui cependant elles ne peuvent continuer les travaux, parce qu'au département de l'intérieur les fonds sont insuffisants pour les aider.

Vous me pardonnerez, messieurs, d'avoir parlé de ma localité ; mais c'est là que je connais le mieux les besoins.

Une autre considération que n'ont pas fait valoir les honorables préopinants, c'est que la voirie vicinale se trouve dans une position tout autre que les grandes routes. Lorsque des grandes routes de l'Etat ou des routes provinciales sont construites, les communes font ordinairement peu de sacrifices, tandis que pour la voirie vicinale, les communes s'imposent de très grands sacrifices.

Ici donc plus qu'en toute autre circonstance, il faudrait que le gouvernement leur vînt en aide par une augmentation de subsides. Ce serait un moyen de satisfaire aux besoins des localités qui se trouvent encore dans des conditions déplorables à cause du mauvais état de leurs chemins, et de venir d'un autre côté, au secours des populations pauvres qui sont aujourd'hui dans la position où elles se trouvaient en 1847.

(page 601) J'ose donc espérer que l'honorable ministre reviendra sur sa première décision, et que, conséquent avec les paroles qu'il a prononcées dans la séance du 9 décembre 1852, il sera favorable à une augmentation d'allocation.

On dit : Il n'y a pas de ressources. Mais l'honorable M. Vandenpeereboom a si bien traité cette question, que je ne trouve plus rien à ajouter à ce qu'il vous a dit. On a des ressources quand on le veut.

M. Rodenbach. - Messieurs, lorsque j'ai signé l'amendement tendant à porter le crédit pour la voirie vicinale de 500 à 700 mille francs, j'étais frappé de l'extrême misère dont j'ai été témoin, lorsque nous sommes retournés en vacance.

Dans nos campagnes le travail manque, les pauvres sont privés de toute ressource, les bureaux de bienfaisance sont ruinés. Il y a aujourd'hui très peu de fortune dans les campagnes ; les gens aisés et les personnes qui sont dans l'opulence se transportent généralement dans les grandes villes et notamment à Bruxelles où l'on n'a jamais vu une aisance et un luxe aussi considérables que de nos jours. La capitale a aujourd'hui près de 250,000 habitants, avec la banlieue, elle renferme d'immenses ressources ; les malheureux n'y meurent pas de faim comme cela s'est vu dans nos campagnes, aux époques calamiteuses dont ou craint le retour ; j'en appelle, sous ce rapport, à tous mes honorables collègues des Flandres ici présents, qui résident dans les communes rurales des districts liniers.

La misère est dans les campagnes et dans les petites villes, et l'opulence est dans les grandes cites. Aussi vous ne voyez presque plus acquérir des propriétés par les habitants de la campagne ; tous les biens-fonds importants sont achetés par des citadins, et, malheureusement beaucoup d'autres, quand ils sont riches, quand ils sont millionnaires, ne pensent plus aux pauvres. Ils sont trop attachés aux jouissances de toute espèce.

J'ai signé, messieurs, l'amendement qui vous est soumis parce que je crois que, dans cette année très calamiieuse, il faut absolument donner du travail aux ouvriers. On ne veut pas de mendicité, on emprisonne les malheureux qui ont faim ; mais cela est-il juste quand ils n'ont pas d'ouvrage et quand ils ne peuvent, alors même qu'ils en ont, gagner plus de 40, 50 ou 60 centimes par jour, à une époque où tous les objets de première nécessité ont doublé de prix ?

Vous incarcérez ces malheureux dans les dépôts de mendicité : la main sur la conscience, messieurs, cela est-il juste ?

Je vous en conjure, messieurs, votez la somme qui vous est demandée, non comme une aumône, puisque la loi s'y oppose, mais pour faire des chemins vicinaux. J'espère que le gouvernement et la Chambre sauront adoucir la misère extrême qui désole le plat pays. D'ailleurs il s'agit d'une chose éminemment utile au pays, et vous allez voir, messieurs, quel bien immense on a réalisé au moyen des crédits accordés successivement pour les chemins vicinaux.

Depuis 10 ans environ ou a fait des travaux immenses en Belgique. En 1841 le subside pour les chemins vicinaux n'était que de 100,000 fr. ce chiffre a été maintenu en 1842, en 1843 et en 1844 ; en 1845 il a été porté à 300,000 fr. et en 1850 on a voté 500,000 fr.

Il résulte de là qu'en 10 années le gouvernement n'a consacré en tout que 3,500,000 francs aux chemins vicinaux ; la somme est même plus faible, elle n'est que de 3,468,000 fr., mais je prends un chiffre rond. Eh bien, messieurs, avec cette somme on a construit pour 26 millions de routes, on a fait 1,236 lieues de chaussées pavées, empierrées ou ensablées.

Le gouvernement n'a payé que 13-38 p.c, les provinces ont contribué à raison de 12-45 p. c. et les communes dans la proportion énorme de 67-35 p. c. ; les particuliers ont payé 6-82 p. c.

Messieurs, je suis convaincu qu'après avoir réfléchi à l'extrême misère qui règne dans les campagnes le gouvernement ne refusera pas d'appuyer l'augmentation de 200,000 fr. que nous demandons. Qu'est-ce en effet qu'un sacrifice de 200,000 fr. lorsqu'il s'agit de nourrir quelques centaines de mille hommes qui sont au comble de la misère ?

- La séance est levée à 4 heures 1/4.