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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 21 décembre 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 379) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédacliou en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Isembaert, ancien soldat, congédié pour infirmité contractée durant le service, prie la Chambre de lui faire accorder une pension ou de le faire admettre dans une compagnie sédentaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La baronne douairière Joseph d'Hooghvoorst réclame l'intervention de la Chambre pour faire rapporter l'arrêté qui décrète un embranchement du chemin de fer du Luxembourg à travers la commune de Limal, vers le chemin de fer de Manage à Wavre, ou du moins pour que l'exécution en soit suspendue. »

M. Lelièvre. - Cette pétition ayant un caractère d'urgence, j'en demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Des pharmaciens à Sombreffe, Gembloux et Spy demandent une loi sur l'exercice de la pharmacie et réclament l'intervention de la Chambre pour que la pharmacie ait une représentation convenable à l'Académie de médecine. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Daumeries, maître brasseur à Loupoigne, présente des observations sur le système des mesures ou tonneaux employés chez les brasseurs et demande que ces tonneaux soient soumis à un jaugeage que les employés des accises opéreraient lorsqu'ils visitent les brasseries. »

- Renvoi à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi sur les poids et mesures.

Ordre des travaux de la chambre

M. Osy. - Messieurs, l'honorable M. Rousselle a déposé hier le rapport de la section centrale sur le budget de l'intérieur ; je demanderai que ce rapport soit envoyé à domicile pendant les vacances.

Je profite de cette occasion, messieurs, pour vous proposer que nous nous ajournions samedi, jusqu'au 16 janvier et que si demain nous n'avons pas terminé le budget des travaux publics et les autres projets a l'ordre du jour il y ait une séance du soir.

Enfin, messieurs, je demande que le premier objet à l'ordre du jour à la rentrée soit le budget de l'intérieur.

M. de Renesse. - Je demanderai que les rapports faits par M. Tesch sur les projets relatifs à la bienfaisance, soient également envoyés à domicile, s'ils ne sont pas distribués avant notre séparation.

M. Tesch. - Ils seront peut-être distribués samedi.

- Les propositions de MM. Osy et de Renesse sont mises aux voix et adoptées.

Rapport sur une pétition

M. Allard dépose le rapport de la commission d'industrie sur la pétition du sieur Plaideau, fabricant de tabac à Menin, qui demande l'exemption de l'impôt sur le sel employé dans son industrie.

La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en met la discussion à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.

Projet de loi allouant un crédit provisoire au budget du ministère de l’intérieur

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. le président. Le projet de loi est ainsi conçu :

« Art. 1er. Il est ouvert au ministère de l'intérieur un crédit provisoire de un million deux cent mille francs (1,200,000), à valoir sur le budget des dépeuses du département de l'intérieur pour l'exercice 1855.

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1855. »

La section centrale propose l'adoption du projet, sous la réserve que le crédit ne soit employé qu'au payement de dépenses autorisées par un vote précédent de la législature et non de dépenses nouvelles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je me rallie à la réserve de la section centrale.

- Les deux articles du projet sont successivement mis aux voix et adoptés.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 75 membres qui ont Rrpondu à l'appel nominal. Il sera transmis, àu Sénat.

Ont adopté : MM. Loos, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de La Coste, Delehayc, de Liedekerke, Deliége, Dellafaille, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Goblet, Jacques, Jouret, Julliot, Lambin, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne et Delfosse.

Projet de loi portant le budget du département des travaux publics pour l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Article 34

La Chambre en était restée à l'article 34.

« Art. 34. Canal d'écoulement des eaux du sud de Bruges. Travaux d'entretien : fr. 9,000. »

- Adopté.

Article 35

« Art. 35. Canal latéral à la Meuse, de Liège à Maestricht. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 36,950. »

M. Coomans. - Messieurs, une des garanties les plus précieuses que la Constitution donne aux citoyens belges, est de ne pouvoir être expropriés de leurs biens que pour cause d'utilité générale et moyennant une juste et préalable indemnité,

A ce sujet, j'ai à signaler un abus au gouvernement, ou tout au moins une explication à, demander.

Le 8 juillet dernier, plusieurs petits propriétaires de la communs d'Olmen, canton de Moll, ont vendu au gouvernement représenté par le vérificateur Schlim, plusieurs parcelles de terre, devant servir à l'exécution du canal d'embranchement sur Hasselt. Le représentant de l'Etat promit à ces propriétaires le payement endéans les deux mois.

Cette promesse fut faite le 8 juillet, et à l'heure qu'il est le payement est encore à venir, malgré plusieurs réclamations adressées au gouvernement et qui m'ont aussi été envoyées.

Je suis convaincu qu'il n'y a dans cette affaire qu'une irrégularité légère, sans intention de la part du gouvernement.

Cependant, il faut que cet abus cesse, car la Constitution doit être complètement exécutée.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je me ferai rendre compte du fait que vient de signaler l'honorable M. Coomans. J'admets avec lui que le retard existe, mais il est fort possible que ce retard ne soit imputable, ni au gouvernement, ni à l'administration ; qu'il provienne du fait de quelques intermédiaires.

Les ordonnances de payement sont assez régulièrement expédiées de l'administration centrale, et elles vont en province, où quelquefois les retards dont se plaignent les intéressés proviennent du fait des autorités locales.

Du reste, je prendrai note du fait que signale l'honorable M. Coomans et j'aurai soin de lui en rendre compte.

- L'article 35 est adopté.

Article 36

« Art. 36. Canal de Zelzaete à la mer du Nord. Construction de la quatrième et dernière section. Complément de la dépense ; charge extraordinaire : fr. 555,000. »

- Adopté.

Article 37

« Art. 37. Grande-Nèthe. Travaux d'entretien : fr. 5,000.

M. de Mérode-Westerloo. - Je désirerais connaître les intentions de M. le ministre des travaux publics relativement à la distribution du crédit de 600,000 francs attribué par la loi du 20 décembre, article 8, n°14, à l'amélioration du régime des rivières la Senne, l'Yser et les Nèthes.

Je demanderai à M. le ministre quelle part il compte attribuer à la Grande-Nèthe et endéans quel délai il mettra la main à l'œuvre.

M. Dellafaille. - Messieurs, la loi du 1er janvier 1854, fixant le budget du département des travaux publics, pour cet exercice, a décrété la reprise par l'Etat, à dater du 1er janvier 1854, de l'administration de la Grande-Nèthe. Elle a, de plus, ouvert au gouvernement, pour (page 380) cette voie navigable, pour l'Yser et le canal de Plasschendaele, un crédit total de 20,000 fr.

On a cru dans un but de régularité, et pour agir à l'égard de la Grande-Nèthe comme à l'égard des deux autres voies navigables et des rivières administrées par l'Etat, pouvoir répartir la somme de 20,000 francs, de manière à n'allouer à la Grande-Nèthe qu'un crédit de 5,000 fr.

Je suis persuadé, messieurs, qu'il suffira de vous donner quelques détails sur la situation déplorable où se trouve cette rivière, sur les désastres qu'elle occasionne chaque année, et sur l'état d'abandon où, par des circonstances d'une nature tout exceptionnelle, la Grande-Nèthe a été laissée pendant environ 36 années, pour vous convaincre de l'indispensable nécessité et de la justice d'une augmentation de crédit pour les travaux d'entretien à exécuter à cette rivière.

Les débats qui ont eu lieu dans cette Chambre relativement à la reprise de la Grande-Nèthe sont trop récents pour qu'il soit nécessaire de vous rappeler que c'est par suite d'un arrêté royal du gouvernement néerlandais de 1819 que cette voie navigable et flottable avait été remise (du moins pour son administration) à la province d'Anvers. Un seul point avait été perdu de vue en lui remettant cette lourde charge, c'était d'augmenter ses ressources afin de la mettre à même de pourvoir à son entretien et de lui permettre de faire pour cette rivière ce que l'Etat a fait pour d'autres voies navigables dont elle a conservé l'administration. Mais comme dans cette circonstance le gouvernement néerlandais ne se préoccupait que du soin de se décharger d'une dépense, il a négligé la compensation à offrir en ne portant pas un subside annuel au budget de la province d'Anvers pour la mettre à même de pourvoir à son entretien, et dans sa générosité en lui donnant la Nèthe, il ne lui a donné que de l'eau claire.

Si là, messieurs, s'étaient bornés les effets fâcheux du funeste don que le gouvernement de cette époque fit à la province d'Anvers, qui n'était pas libre de le refuser, il y aurait lieu aujourd'hui de s'en consoler, puisque le gouvernement belge et le parlement, appréciant la juste demande qui leur fut adressée, reprirent l'administration de cette rivière, qui rentrait essentiellement dans le domaine de l'Etat, et en déchargèrent ainsi l'administration provinciale d'Anvers. Mais malheureusement il n'en est pas ainsi. Par suite de l'abandon de cette rivière et du manque de ressources pour exécuter les travaux dispendieux que ce cours d'eau, l'un des plus importants de la province, exigeait, il a fini par se détériorer et se dénaturer à tel point qu'aujourd'hui, sur toute l'étendue de son parcours, qui est de plus de vingt lieues, il occasionne les inondations les plus désastreuses, et une grande partie des riches pâturages situés sous les communes d'Oosterloo, Gheel, Westerloo, Hersselt, Zoerle, Westmeerbeek, Boisschot, Hulshout, Heyst-op-den-Berg, Iteghem, Berlaer, et surtout aux abords de la ville de Lierre, sont convertis en marécages. et les cultivateurs comme les propriétaires voient chaque année leurs récoltes menacées et souvent compromises.

Ce n'est pas, messieurs, que l'administration de la province d'Anvers n'ait pas tenté d'efforts pour arrêter ces graves inconvénients, et ait reculé devant certains sacrifices. Des travaux ont été entrepris, des rectifications, des curements ont été effectués, des sommes relativement assez considérables ont été dépensées, mais le mal était trop grand et la charge était au-dessus des forces d'une province abandonnée à ses seules ressources ; car, je vous prie de vouloir bien le remarquer, pendant le long laps de temps que la Grande-Nèthe a appartenu à la province d'Anvers (36 années), jamais l'Etat ne lui a, de ce chef, alloué le moindre subside. Encore si cette rivière avait été laissée à sa destination naturelle, au seul écoulement des eaux du vallon qu'elle parcourt, sa situation aujourd'hui ne se présenterait pas aussi grave ; mais des étendues considérables de bruyères ont été cultivées ; des propriétaires de terres situées sur des plateaux élevés et séparés par des obstacles naturels du vallon de la Nèthe y ont fait écouler leurs eaux exubérantes ; et enfin les eaux provenant des irrigations du canal de la Meuse à l'Escaut, après avoir fertilisé les terres de la haute Campine, vont se décharger dans les ruisseaux dont le confluent forme, sous la commune de Moll et d'autres communes encore, la Grande-Nèthe, et ont porté ainsi le mal à son comble.

Cette situation est grave sans doute, puisque tant d'intérêts se trouvant lésés ; mais là, messieurs, ne se bornent pas les inconvénients de l'état de choses que je vous signale.

La fréquence des inondations, et je dirai leur permanence en certaines localités, entre autres sous la grande commune d'Heyst-op-den-Berg située dans l'arrondissement de Malines, et sous la commune de Bevel, a complètement bouleversé le régime de la rivière ; son lit naturel a été ensablé et le navigateur, pendant quelques rares époques de l'année, peut encore en tenter le parcours avec des chargements insignifiants qui lui offrent à peine un prix rémunérateur de son pénible travail.

Cette situation, vous en conviendrez, messieurs, réclame une juste réparation ; et si elle est le résultat du long abandon où cette rivière a été laissée ; si l'Etat, depuis 35 ans, a pu se dispenser de faire pour la Nèthe et pour les populations appelées à profiter des avantages de sa navigation et de son littoral, ce qu'il a fait pour d'autres rivières, ne devrait-il pas, en bonne justice, réparer ce retard en augmentant au budget des travaux publics le chiffre alloué pour l'entretien de cette rivière.

Je sais, messieurs, que M. le ministre s'occupe avec sollicitude de l'étude des améliorations et des modifications notables à apporter au régime de cette rivière, mais c'est là un genre de travail qui peut encore éprouver certains retards ; j'insiste donc pour qu'on ne s'arrête pas à l'espoir éloigné qu'il peut présenter, et je propose à la Chambre d'augmenter le chiffre de 20,000 fr. demandé au budget de 1855 pour l'entretien de la Grande-Nèthe.

Ce sera là, messieurs, un emploi d'argent juste, utile et intelligent ; car, en retardant le remède vous aggraverez le mal et vous augmenterez inévitablement la dépense pour l'Etat.

M. de Perceval. - J'appuie les considérations très justes que vient de nous présenter l'honorable M. Dellafaille sur l'administration de la Grande-Nèthe.

La Chambre, dans sa dernière session, a décidé une question de principe, à savoir que cette rivière serait reprise-par l'Etat.

Messieurs, l'abandon dans lequel la Grande-Nèthe a été laissée jusqu'à ce jour est vraiment des plus déplorables ; et il a amené des désastres incalculables sur une étendue de vingt-six lieues. Cette situation est grave ; elle est des plus tristes aussi ; elle soulève à bon droit des réclamations unanimes dont le conseil provincial d'Anvers et la députation permanente se sont constitués les organes à différentes reprises.

Je prie l'honorable ministre des travaux publics de bien, vouloir nous dire s'il ne peut pas augmenter le crédit qu'il nous demande pour travaux ordinaires à la Grande-Nèthe. Je n'hésite pas à déclarer que dans l’état où se trouve cette rivière, il faut des remèdes prompts, immédiats et énergiques, par conséquent des crédits suffisants pour commencer sur une large échelle les travaux d'amélioration.

Il importe que le gouvernement mette la main à l'œuvre le plus tôt possible, car on ne peut contempler sans en éprouver une douleur profonde, ces campagnes si fertiles et si belles subissent le désastre d'inondations périodiques.

Je me joins donc à l'honorable M. Dellafaille pour exprimer le désir de voir élever à 25,000 fr. le chiffre de 5,000 demandé aujourd'hui par le gouvernement, à la colonne des charges ordinaires et permanentes, pour les travaux d'entretien de la Grande-Nèthe.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, voici dans quelle situation se trouve l'affaire dont les honorables préopinants viennent d'entretenir la Chambre.

La Chambre se rappellera que, lors de la discussion du budget de l'année dernière, le gouvernement a proposé la reprise de plusieurs voies navigables qui appartenaient encore, en vertu de l'arrêté de 1819, aux provinces. Mais en même temps, à la différence de ce qui s'était fait jusque-là, on a inséré dans le budget la réserve formelle qu'une loi à soumettre ultérieurement aux Chambres, déterminerait la part d'intervention, dans les travaux extraordinaires que nécessitent ces voies navigables, à charge des particuliers, à charge des communes, à charge des provinces, à charge de l'Etat.

Conformément à cette disposition formelle de la loi budgétaire, le gouvernement s'est adressé, dans le courant de cette année, aux conseils provinciaux de la Flandre occidentale et de la province d'Anvers, qui étaient directement intéressés à la solution de cette question, et ces deux corps délibérants ont avisé à la situation.

Le conseil provincial de la Flandre occidentale a délégué ses pouvoirs à la députation permanente, qui s'est mise en rapport avec le gouvernement, pour ce qui concerne l'Yser, le canal de Plasschendaele, le canal de Nieuport et autres repris dans le budget de 1855. Cette affaire est en ce moment en instruction.

Le conseil provincial d'Anvers a aussi délégué ses pouvoirs à la députation permanente ; mais il a en même temps chargé la députation de s'adjoindre six conseillers provinciaux. A la suite d'un arrêté prisp ar M. le gouverneur de la province d'Anvers, ces six conseillers complètent aujourd'hui la commission provinciale qui est chargée de rechercher les deux points que voici : 1° la quotité d'intervention que la province d'Anvers s'imposera dans les travaux d'amélioration de la Grande-Nèthe ; et 2° la quote-part que les particuliers, les communes et l'Etat devraient, dans l'avis de cette commission, s'imposer également dans les travaux de la Grande-Nèthe ; jusqu'à présent ce travail n'a pas été communiqué au gouvernement.

Je dois même dire que tout récemment le gouverneur de la province d'Anvers s'est adressé au département des travaux publics à l'effet de demander l'autorisation de s'adjoindre le concours des ingénieurs des ponts et chaussées. Cette autorisation a été immédiatement accordée.

Je dois faire remarquer aux honorables membres qu'aussi longtemps que cette question de principe qui, j'espère, ne tardera pas à recevoir une solution, ne sera pas tranchée, force sera de rester dans la situation expectante où je me trouve aujourd'hui.

Si je puis, dans le budget de l'année prochaine, faire droit à la demande déposée dans l'amendement de l'honorable M. Dellafaille, je le ferai très volontiers. Mais je ne le puis qu'à la condition que les droits de l'Etat demeurent saufs. Il y a une loi à présenter et lorsqu'il s'agira de discuter cette loi, les honorables membres pourront, chacun en vertu de son initiative, proposer les amendements qu'ils croiront convenables pour renforcer les sacrifices que le gouvernement sera obligé de faire dans l'intérêt de ces voies navigables.

Pour le moment, je crois que l'on doit se borner à allouer les frais d'entretien et à laisser à un avenir prochain le soin de faire davantage.

(page 381) M. Dellafaille. - Je rends grâce à la sollicitude, que M. le ministre a apportée aux études des améliorations que réclame la Grande-Nèthe.

En vous présentant mes observations, j'ai surtout en vue les travaux exceptionnels à faire à cette rivière. Je sais qu'en ce moment même la commission instituée par le conseil provincial d'Anvers doit se réunir pour statuer sur la question de ces travaux. Ces travaux sont très importants et ils sont d'une nature toute spéciale. On se propose, aux environs de Lierre, de faire une rectification qui pourra coûter 200,000 ou 300,000 francs et qui aura pour objet de débarrasser cette contrée des inondations qui l'affligent. Mais la somme que M. le ministre alloue pour les frais d'entretien est réellement insuffisante, car la Grande-Nèthe a un parcours de 26 lieues dans la province d'Anvers, et il y a une multitude de localités où cette rivière est complètement ensablée. Cette situation est extrêmement grave et pour la navigation et pour les propriétés riveraines.

Une considération, messieurs, sur laquelle j'insiste particulièrement est que pendant plus de 36 ans la Grande-Nèthc a été sous l'administration de la province d'Anvers, qui n'a rien pu faire pour son entretien, rien pour les améliorations qu'elle réclamait, et que, pendant tout ce temps, l'Etat n'a rien dépensé pour cette rivière. Je demande donc qu'en présence de la situation grave où elle se trouve, la somme allouée par le gouvernement soit augmentée pour qu'on puisse parer aux plus grands inconvénients. Les travaux qui seront exécutés à titre de simple entretien, viendront en déduction des travaux extraordinaires que la commission proposera d'exécuter ; mais, en attendant que les propositions de la commission soient formulées et adoptées, on pourrait, avec une somme de 25,000 fr., exécuter quelques-uns des travaux les plus urgents, remédier en partie aux inondations et rétablir la navigation aujourd'hui interrompue.

M. Rousselle. - Messieurs, je ne conçois pas vraiment l'insistance qui met l'honorable membre à faire augmenter un crédit que le gouvernement a trouvé suffisant pour couvrir les charges incombant à l'Etat, en attendant que la loi portée l'année dernière soit exécutée. La province d'Anvers et les propriétaires intéressées à ce travail l'ont négligé pendant près de 40 ans, et maintenant on voudrait qu'il fût fait immédiatement aux frais du pays entier !

Je demande que la Chambre adopte purement et simplement le chiffre proposé par le gouvernement.

M. Loos. - Messieurs, on reproche à la province d'Anvers d'avoir apporté de la négligence dans l'entretien de la Grandc-Nèthe. D'où résulte cette prétendue négligence ou l'inertie qu'on reproche à la province d'Anvers ? C'est qu'on croyait qu'aux termes de la loi, les soins dont il s'agit étaient une charge de l'Etat, et cette manière de voir a été sanctionnée par la Chambre dans la session dernière, qui a reconnu que l'administration de la Grandc-Nèthe incombe, en effet, au gouvernement. Si les propriétaires riverains ont si vivement insisté pour la reprise de l'administration de la Grandc-Nèthe par l'Etat, c'est, comme l'ont dit les honorables MM. de Perceval et Dellafaille, qu'ils souffrent de désastres permanents ; or si maintenant que les Chambres ont décidé que la Grande-Nèthe sera administrée par le gouvernement on ne fait rien pour les délivrer des désastres qu'ils subissent depuis si longtemps, il en résulterait en définitive qu'ils seraient tombés de Charybde en Scylla.

La province ne dépensait pas assez, le gouvernement ne veut rien dépenser du tout, car, ainsi qu'on l'a dit, une somme de 5,000 fr. pour un parcours de 26 lieues est une véritable dérision.

Aujourd'hui que l'Etat est chargé de l'administration, il est évident que la province fera moins encore que ce qu'elle faisait auparavant, au moins jusqu'à ce qu'elle se soit mise d'accord avec le gouvernement ; toujours est-il que, comme premier fonds d'entretien, il fallait une somme bien plus élevée que celle de 5,000 fr. proposée au budget. J'appuierai donc la proposition de l'honorable M. Dellafaille, d'augmenter le crédit jusqu'à concurrence de 25,000 fr.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, le chiffre de 5,000 fr., indiqué comme prévision des dépenses à faire par le gouvernement, n'a pas été introduit arbitrairement au budget. Il y a été introduit à la suite des propositions de l'ingénieur de la province d'Anvers qui a ce cours d'eau sous sa surveillance. Du reste, je dois faire observer à l'honorable M. Loos que le gouvernement a reproduit le chiffre que la province elle-même a alloué pendant un grand nombre d'années.

M. Dellafaille. - Je dois dire, messieurs, que si l'ingénieur qui a fait l'étude des travaux de simple entretien n'a alloué que 5,000 fr., c'est qu'il se trouvait limité dans ses propositions par suite du chilfrc de 20,000 francs alloué par l'Etat pour les trois rivières, reprises dans la dernière session ; ce qui est certain, c'est qu'une somme de 5,000 francs est réellement dérisoire, lorsqu'il s'agit de l'entretien d'une rivière dont le parcours est de 26 lieues et qui a été abandonnée pendant plus de 36 années.

M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je mettrai aux voix le chiffre du gouvernement. Il n'y a pas d'amendement proposé.

M. Loos. - Je propose de porter le chiffre à 25,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, tant qu'il n'y avait pas d'amendement déposé, je n'ai pas cru devoir prendre la parole ; mais maintenant je crois qu'il est de mon devoir de dire quelques mots.

Remarquez, messieurs, que la reprise de la Nèthe n'a eu lieu que conditionnellement : la charge de l'Etat n'est que conditionnelle, il faut que le gouvernement et la province se mettent d'accord sur la part contributive qui incombera à chacun dans les dépenses à faire ; une loi doit intervenir.

Eh bien, messieurs, si avant que l'accord soit établi entre la province et l'Etat, vous commencez par augmenter le crédit, ce sera en pure perte pour l'Etat, et la part contributive de la province sera diminuée d'autant.

Je désire que la question reste intacte jusqu'à ce qu'une loi puisse être discutée sur le règlement de l'intervention respective de la province et de l'Etat. Les députés d'Anvers pourront contester alors la part que le gouvernement voudra faire peser sur la province, mais jusque-là je demande qu'ils se contentent du chiffre que la province elle-même avait l'habitude de porter à son budget. S'il est vrai qu'il y ait des travaux urgents à exécuter, ce sera un moyen d'arriver d'autant plus vite à un arrangement.

M. Loos. - Messieurs, lorsque je propose le chiffre de 25,000 fr., je ne dis pas que le gouvernement devra le dépenser en entier dans le cas où il ne se trouverait pas d'accord avec la province, L'honorable ministre des finances vient de dire que le résultat de ma proposition serait de faire peser la dépense sur l'Etat seul ; telle n'est pas mon intention, mais je dis que la province ayant fait jusqu'à présent très peu de chose, ayant alloué jusqu'ici des sommes insuffisantes à son budget, vouloir fixer à 5,000 francs la part contributive de l'Etat, ce serait réellement une dérision ; ce serait vouloir laisser les choses dans l'état désastreux où elles se sont trouvées jusqu'à présent.

Je propose donc le chiffre de 25,000 francs ; mais j'ajoute que si l'Etat n'obtient pas de la province le concours auquel il a droit de s'attendre, il ne dépensera pas la somme entière ; mais il sera au moins mis à même, si les autres prêtent leur concours, de contribuer efficacement à réparer les désastres que la Grande-Nèthe occasionne. (Interruption.) Il est évident que, même avec le bon vouloir qu'y mettraient la province et les propriétaires riverains, le gouvernement serait dans l'impossibilité, avec une somme de 5,000 francs, de satisfaire aux besoins.

M. Rousselle. - Messieurs, l'honorable préopinant tombe dans une erreur profonde. Il faut une loi pour déterminer la part de la province et celle des particuliers. Or, lorsque cette loi sera présentée à la Chambre, on connaîtra, après examen, la somme nécessaire pour faire la part de l'Etat, et on la votera en une ou plusieurs fois selon les circonstances.

Aujourd'hui, que demande le gouvernement ? Il demande les fonds dont il a besoin pour faire à la Grandc-Nèthe, en attendant la loi, les travaux qu'y faisait la province elle-même. De quoi peut-on se plaindre ?

M. de Perceval. - L'honorable M. Rousselle observe qu'il faut une loi pour régler l'intervention du gouvernement, pour fixer la part contributive de l'Etat dans les travaux de la Grande-Nèthe. Je demanderai à l'honorable membre de quel droit et en vertu de quel principe se trouve inscrite dans le budget que nous discutons, la somme de 5,000 fr. pétitionnée pour travaux d'entretien à exécuter à cette rivière. On peut y insérer 20,000 fr. comme 5,000. Il me semble que dans les conditions que l'honorable M. Loos fait lui-même à la proposition qu'il nous soumet et avec les réserves qu'il y a jointes, cette proposition peut être admise par la Chambre. J'ai dit, je répète et je soutiens qu'avec la modique somme de 5,000 fr. l'on ne pourra, en aucune manière, améliorer la Grandc-Nèthe, ni faire disparaître les résultats désastreux qui ont été amenés par l'état d'abandon dans lequel elle se trouve depuis tant d'années, et dont souffrent considérablement les populations limitrophes de cette rivière. Je demande une allocation utile, sérieuse, qui permette à l'Etat de mettre un terme aux dommages considérables, aux ruines périodiques qui désolent les propriétés riveraines de la Grande-Nèthe. La question de principe se trouve déposée aussi bien dans une somme de 5,000 fr. que dans une somme de 20,000 fr.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, voilà précisément où est l'erreur ; l'erreur est dans les paroles de l'honorable M. de Perceval. La question de principe est sauve dans la proposition du gouvernement ; elle pourrait être compromise par l'amendement.

L'année dernière, lorsque la question de la reprise de la Nèthe et de l'Yser fut agitée dans cette enceinte, il a été entendu et déclaré par le gouvernement qu'il y avait deux catégories de travaux à faire, d'abord les travaux d'entretien proprement dits dont le gouvernement est chargé dès à présent et au même titre que les provinces, ensuite des travaux extraordinaires considérables destinés, d'un côté, à améliorer la navigation de ces cours d'eau, là où ils sont navigables, d'autre part, à assurer un meilleur écoulement aux eaux. Voilà le double but dans lequel doivent être conçus les travaux extraordinaires, travaux auxquels on voudrait affecter une certaine somme dès aujourd'hui.

Je demande que la question soit complètement ajournée. Si le gouvernement propose dans le budget de 1855 une somme de 5,000 fr. pour ce que j'appellerai le petit entrelien, c'est que la Grande-Nèthe n'a jamais comporté une somme plus considérable. Mais les 20,000 fr. que demande l'honorable M. Loos seraient insignifiants pour faire quoi que ce soit de réellement efficace ; l'importance des travaux qu'il s'agit d'exécuter comporte une somme de plus d'un million.

(page 382) Je demande à l'honorable M. de Perceval lui-même, ce qu'il peut faire avec 20,000 fr., quand il faudrait un million.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Loos est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article 37 du projet du gouvernement est mis aux voix est adopté.

Article 38

« Art. 38. Travaux d'entretien de l'Yser : fr. 7,000. »

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, l'année dernière l'Yser et la Grande-Nèthe, unis par l'entente la plus cordiale, ont fait retentir leurs doléances dans cette enceinte ; elles ont obtenu l'une et l'autre la promesse que l'on porterait uu remède sérieux aux désastres dont on se plaint depuis si longtemps et à si juste titre ; et l'Etat a repris l'administration de ces deux cours d'eau.

Depuis cette époque, tout comme la Grande-Nèthe, l'Yser n'a pu obtenir la moindre amélioration.

Les paroles que viennent de prononcer les honorables MM. Dellafaille, de Perceval et Loos sur la situation de la Grande-Nèthe s'appliquent si parfaitement à la situation de l'Yser, que je crois inutile de répéter ces doléances légitimes ; ainsi que la Grande-Nèthe, l'Yser se trouve dans l'état le plus fâcheux ; au moment où j'ai l’honneur de vous parler, une inondation qui s'étend sur une longueur de 10 lieues, sur une largeur d'environ 8 kilomètres en moyenne, forme d'une partie de la Flandre occidentale une espèce de mer méditerannée.

Je ne proposerai pas d'amendement ; le succès que vient d'obtenir celui qu'a présenté l'honorable M. Loos me fait croire que l’Yser subirait dans cette circonstance le même sort que son alliée fidèle, la Grande-Nèthe. Mais M. le ministre des travaux publics a promis d'examiner avec soin la question de la Grand-Nèthe et de chercher à majorer les crédits pour son entretien. Je le prie d'élever au même niveau sa sollicitude pour l'Yser.

Je lui demanderai, en outre, en ce qui concerne les travaux extraordinaires qui doivent être faits en commun par la province et l'Etat, je lui demanderai qu'il veuille activer, autant que possible, les négociations pendantes entre l'Etat et la province de la Flandre occidentale. Dès que ces négociations seront terminées, je crois que les travaux pourront commencer immédiatement, car les plans sont terminés en ce qui concerne l’Yser, et, comme pour la Nèthe, les fonds sont également faits. En effet, la Chambre se rappellera que, par la grande loi des travaux publics de 1851, il a été ouvert un crédit de 600,000 francs pour travaux extraordinaires à l'Yser, à la Nèthe et à la Senne ; il suffira donc d'activer les négociations pour pouvoir aboutir promptemeut à l'exécution si désirable des grands travaux d'amélioration que la situation de l'Yser réclame depuis trop longtemps.

- L'article 38 est adopté.

Articles 39 et 40

« Art. 39. Canal de Plasschendaele. Travaux d'entretien : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Art. 40. Plantations nouvelles le long des voies navigables : fr. 25,000. »

- Adopté.

Article 41

« Art. 41. Frais d'études et de levée de plans : fr. 7,000. »

M. Van Overloop. - Le chiffre demandé à cet article est de 7,000 fr. ; il figure à l'article 6 une autre somme de 10,000 fr. pour études de projets, frais de levée des plans ; voilà donc un total de 17,000 fr. Des allocations semblables sont portées au budget de l’intérieur ; il en est de même du budget de la guerre. Indépendamment de ces 17,000 fr. portés au budget des travaux publics, il faut aussi compter en dépense le traitement des fonctionnaires qui sont chargés de faire les études et de lever les plans. Or, comme vous le savez, les traitements des fonctionnaires du corps des ponts et chaussées ne s'élèvent pas à moins de 600,000 fr. Je désire que M. le ministre des travaux publics examine soigneusement s'il n'y a pas moyen de faire une grande économie sur cette dépense.

Les observations que je vais soumettre à l'honorable ministre des travaux publics m'ont été suggérées par des remarques que fit l'année dernière l'honorable M. Thiéfry, à propos du budget de la guerre.

Au département de la guerre on exécute une carte topographique du pays.

J'en ai sous les yeux les fragments terminés et je crois que je puis, sans exagération, qualifier ce travail d'admirable. Il s'exécute sous la direction supérieure du savant général d'état-major, M. Nerenburger.

Le nivellement a pour base la moyenne des basses eaux à Ostende.

C'est la même base qu'admet le département des travaux publics pour toutes les levées de plans qu'il fait exécuter.

Sur la carte de l'état-major, les équidistances de mètre en mètre sont indiquées par une ligne bistrée et les équidistances de 5 en 5 mètres sont indiquées par des numéros.

Qu’arriverait-il si la carte de l'état-major était achever ? Il en résulterait que les frais d'études et de levées de plan ne devraient plus figurer au budget des travaux publics ; les ingénieurs n'auraient plus besoin de sortir de leur cabinet pour savoir de quel côté les eaux doivent être dirigées et les routes plus convenablement construites.

Le résultat donc, en définitive, serait une grande économie, d'abord au point de vue matériel des frais d'études et de levées de plans, et ensuite, comme conséquence de cette première économie, une économie dans le personnel du corps des ponts et chaussées, car si vous avez moins d'études à faire faire, et moins de plans à faire lever, vous n'avez plus besoin d'un personnel aussi considérable. Je le répète, le traitement du personnel du corps des ponts et chaussées n'est pas de moins de 600,000 fr.

Pour vous donner une idée de l'utilité de la carte dont je parle, permettez-moi, messieurs, de signaler un fait qui, m'a-t-on dit, s'est passé dans les environs du camp de Beverloo.

Pendant longtemps le corps des ponts et chaussées avait étudié bien inutilement s'il n'y avait pas moyen d'amener l'eau de la Meuse au camp. Il n'avait pas abouti, lorsque parurent les premières feuilles de la carte entreprise par nos officiers d'état-major. Aussitôt, sur cette carte, le canal s'est trouvé tracé et l'on n'a pas tardé à mettre la main à l'œuvre pour sa construction.

Vous venez, messieurs, d'entendre des doléances sur les maux que causent les eaux surabondantes de l'Escaut, de la Lys, de la Nèthe, de l'Yser. Eh bien, je pense que si la carte de l'état-major était achevée, le corps des ponts et chaussées trouverait immédiatement le moyen le plus convenable de diriger ces eaux de façon à prévenir les désastres dont on se plaint.

Heureusement la carte avance ; elle comprend déjà le cours de l'Escaut jusque passé Termonde, elle comprend le cours de la Durme, le cours des deux Nèthes, le cours de Demer et le cours de la Senne jusque près de Hal ; elle comprend presque tout le canal de la Campine.

La conclusion, messieurs, que je tire de l'existence de cette carte est celle-ci : ou bien le département des travaux publics doit faire exécuter des travaux et par conséquent faire faire des études et lever des plans dans des localités déjà étudiées par l'état-major, et alors il est parfaitement inutile que le corps des ingénieurs des travaux publics fasse double emploi en se livrant à un travail déjà fait ; ou bien il s'agit de faire de nouvelles études, de lever de nouveaux plans dans les localités dont la carte n'est pas achevée par l'état-major, et dans ce cas il y aurait encore lieu de faire une bonne économie : M. le ministre des travaux publics pourrait s'entendre avec son collègue de la guerre et le prier d'envoyer des officiers d'état-major, de préférence dans les localités où des travaux, dans l'opinion de M. le ministre des travaux publics, doivent être exécutés.

Messieurs, les divers départements ministériels ne sont que des divisions d'un tout : l'Etat, et l'on agit comme si chacun d'eux formait un tout à part, un corps tout à fait séparé. C'est une erreur qui augmente les charges des contribuables.

Quand il s'agit de travaux concernant plusieurs départements à la fois, il serait à désirer qu'on ne les fît faire que par un seul de ces départements. Aujourd'hui nous voyons les études sur les lieux, les levées de plans, exécutés à la fois par le département des travaux publics, par le département de la guerre et par celui de l'intérieur ; il résulte qu'un triple personnel est employé à remplir trois fois un devoir unique, devoir qui n'incombe pas à chacun des ministères, mais à l'Etat seul, devoir qui, par conséquent, ne devrait pas amener une triple dépense.

Je me permets de soumettre ces observations à l'honorable ministre des travaux publics ; j'espère qu'il s'entendra avec son collègue de la guerre et avec celui de l'intérieur, et que de leur bonne entente résultera, non une promesse d'économie, mais une économie réelle sur trois budgets.

Je désire que l'admirable carte de l'état-major, cette carte que les officiers étrangers savent si bien apprécier, s'achève dans le plus bref délai possible. Pour cela que faudrait-il ? D'une part une diminution de crédit aux départements de l'intérieur et des travaux publics, de l'autre une augmentation au budget de la guerre.

De cette manière on obtiendrait le résultat que nous désirons tous : l'économie dans les dépenses de l'Etat.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Le gouvernement doit recueillir avec empressement toutes les propositions qui peuvent amener un résultat utile. Sous ce rapport, je m'engage à examiner avec toute la considération qu’elles comportent, les observations de l'honorable préopinant ; cependant je dois remarquer qu'il doit y avoir eu quelque confusion dans son esprit, quand il a parlé de la suppression éventuelle de l'allocation de 7 mille fraucs portée à l'article 41 pour frais d'études et de levées de plans ; car il a constamment parlé de cartes. Dans l'article 41, il s'agit de levées de plans, ce qui est tout autre chose que le travail qu'il a qualifié d'admirable.

Je n'éprouve pas la moindre répugnance à m'associer à l'éloge qu'il a fait de la carte qui a été parfaitement levée et dressée par les olliciers d'état-major. Mais dans l'article 41 il s'agit de levées de plans, ce qui est, je le répète, tout autre chose ; il ne s'agit pas, d'ailleurs, de rétribuer les ingénieurs ou conducteurs des ponts et chaussées, ils le sont sur d'autres articles, les 7.000 fr. sont destinés à payer les porte-mires, les chaîneurs et les ouvriers qui accompagnent les ingénieurs lorsqu'ils se rendent sur les lieux pour apprécier la contenance des terrains et la valeur des emprises à faire.

(page 383) Pour ce qui est des cartes, au département des travaux publics, on en fait peu ou point.

- La discussion est close.

L'article 41 est mis aux voix et adopté.

Article 42

« Art. 42. Entretien des bacs et bateaux de passage et de leurs dépendances : fr. 27,000. »

- Adopté.

Section IV. Ports et côtes
Articles 43 à 45

« Art. 43. Port d'Ostende. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 190,845. »

- Adopté.


« Art. 44. Port de Nieuport. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 13,933 33. »

- Adopté.


« Art. 45. Côte de Blankenberghe. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 137,900. »

- Adopté.

Article 46

« Art. 46. Phares et fanaux : fr. 2,100. »

M. Van Iseghem. - L'année passée, je me suis plaint de l'inefficacité du phare d'Ostende. J'ai engagé le gouvernement à convoquer une commission pour examiner ce qui devait être fait dans l'intérêt de la navigation. M. le ministre des travaux publics a bien voulu faire droit à ma demande. Mais jusqu'à présent nous n'avons pas eu de résultat satisfaisant des travaux de cette commission. Si mes renseignements sont exacts, le président, au lieu de laisser toute liberté à la discussion, a exigé des membres qu'ils examinassent seulement si la colonne actuelle était suffisante pour améliorer le feu existant ; il leur a fait comprendre que le gouvernement ne pouvait actuellement dépenser 200,000 fr., pour construire une nouvelle colonne ; que par conséquent il était inutile de s'occuper d'autres propositions.

Plusieurs membres très compétents avaient d'autres idées. Ils pensaient que l'on pouvait construire ailleurs un autre bâtiment avec une somme moindre, soit de 150,000 à 100,000 francs ; peut-être encore moins si on pouvait utiliser la tour de l'hôtel de ville.

J'engage M. le ministre des travaux publics à convoquer de nouveau cette commission le plus tôt possible et à engager le président à laisser à la discussion toute liberté possible. Je désire donc que cette question soit entièrement instruite pendant le mois de janvier prochain, afin que le budget de 1856 puisse comprendre la somme qu'on aura trouvée nécessaire.

- L'article 46 est adopté.

Section V. Personnel des ponts et chaussées
Articles 47 à 49

« Art. 47. Traitement des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées, frais de bureau : fr. 600,209 98. »

- Adopté.


« Art. 48 Traitements et indemnités des chefs de bureau et commis, des éclusiers, pontonniers, gardes-ponts à bascule et autres agents subalternes des ponts et chaussées : fr. 384,579 48. »

- Adopté.


« Art. 49. Frais des jurys d'examen et voyages des élèves ingénieurs et conducteurs de l'école spéciale du génie civil : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Mines

Discussion générale

M. Lelièvre. - A l'occasion du chapitre en discussion, je ferai remarquer que le gouvernement a présenté, en janvier dernier, un projet relatif aux caisses de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs.

Ce projet a un caractère de haute utilité. J'émets le vœu que la section centrale veuille bien s'en occuper le plus tôt possible, afin qu'il puisse être soumis aux délibérations de la Chambre.

Je prie en même temps le gouvernement d'examiner la question de savoir si l’on ne doit pas apporter quelque modification à la loi de 1837, en matière de concessions de mines, pour prévoir le cas où le ministre des travaux publics se trouve en dissentiment avec le conseil des mines, relativement à une concession à accorder. Il me semble qu'en ce cas une autre autorité pourrait être appelée à vider le conflit. Je prie M. le ministre d'étudier celtt question. Il est important que les mines soient exploitées et qu'un dissentiment entre le conseil des mines et le gouvernement n'ait pas pour résultat de laisser enfouies les richesses minérales.

C'est donc là une question qui me semble mériter l'attention de M. le ministre, à qui j'en recommande l'examen.

Articles 50 à 60

« Art. 50. Personnel du conseil des mines. Traitement : fr. 41,700. »

- Adopté.


« Art 51. Personnel du conseil des mines. Frais de route : fr. 600. »

- Adopté.


« Art. 52. 'Personnel du conseil des mines. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 53. Subsides aux caisses de prévoyance et récompense aux personnes qui se distinguent par des actes de dévouement : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 54. Impressions, achat de livres, de cartes et d'instruments ; publication de documents statistiques, encouragements et subventions, essais et expériences : fr. 7,000. »

- Adopté.


« Art. 55. Traitements et indemnités du personnel du corps des mines : fr. 140,635 33. »

- Adopté.


« Art. 56. Jury d'examen et voyage des élèves de l'école des mines : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 57. Commission des procédés nouveaux. Frais de route et de séjour : fr. 600. »

- Adopté.


« Art. 58. Commission des procédés nouveaux. Matériel, achal de réactifs, d'appareils, etc. : fr. 1,400. »

- Adopté.


« Art. 59. Commission des Annales des travaux publics. Frais de route et de séjour : fr. 1,100. »

- Adopté.


« Art. 60. Commission des Annales des travaux publics. Publication du recueil, frais de bureau, etc. : fr. 3,900. »

- Adopté.

Chapitre IV. Chemins de fer. Postes. Télégraphes. Régie

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du chapitre IV.

M. Vermeire. - Messieurs, s'il est vrai de dire que chaque époque se dislingue par son caractère particulier, la nôtre se fait remarquer, surtout, par ses tendances vers une amélioration intellectuelle et matérielle de la société.

Je ne m'occuperai pas ici, messieurs, de l'amélioration intellectuelle, je me bornerai à constater l'amélioration progressive de notre situation matérielle ; le développement prodigieux du travail, cet élément constitutif de tout progrès réel ; et, enfin, j'indiquerai les causes qui ont produit cet accroissement successif, continu de la fortune publique.

Nous n'avons qu'à jeter un regard sur le passé pour nous apercevoir des progrès immenses que nous avons faits depuis quelques années seulement.

En effet, quand nous nous rendons compte de l'ensemble de nos relations internationales, nous remarquons qu'elles ont triplé en moins de quinze ans.

En 1838 le montant de nos affaires pour l'importation, l'exportation et le transit réunis s'élevait à 376,000,000 de francs.

En 1853, le chiffre en est monté à fr. 1,195,000,000. Si, à cet accroissement prodigieux, que la statistique nous révèle, nous ajoutons une augmentation semblable de nos relations intérieures, nous arrivons à des sommes fabuleuses, en quelque sorte incalculables ; et nous ne devons plus être étonnés de l'immense mouvement industriel et commercial qui se déroule sous nos yeux.

Point de doute, messieurs, que ce ne soit à la puissance de la vapeur que nous devons attribuer cette métamorphose si soudaine et si subite : à la vapeur qui, appliquée aux arts et à l'industrie, les a complètement transformés et en a augmenté la production dans une proportion incalculable ; à la vapeur qui, mettant en mouvement l'attirail gigantesque de nos voies de communication perfectionnées, abrège les distances, facilite les communications, augmente les relations, transporte, d'une manière rapide et économique, les hommes et les choses.

A l'intérieur des Etats, la vapeur, appliquée aux chemins de fer, tend à égaliser la condition des hommes. A l'extérieur, entre les divers Etats et les diverses races, elle efforce d'effacer les dissentiments, d'apaiser les hostilités, d'harmoniser les intérêts.

Ainsi, messieurs, le chemin de fer devient un élément de progrès, et de civilisation, et la cause principale du développement industriel et commercial.

Je sais bien, messieurs, que je n'ai plus besoin de justifier l'utilité des chemins de fer ; depuis longtemps, il est généralement reconnu que là où passe la voie ferrée, là aussi se produisent l'activité et le travail ; là naissent et grandissent la prospérité et le bien-être.

Dans les localités, au contraire, qui en restent privées, le travail et l'activité languissent ; la prospérité et le bien-être disparaissent.

Le chemin de fer de l'Etat a amené des résultats fructueux immenses, pour le pays, et si dans ces dernières années, il a été en butte à des critiques acerbes et multipliées ; s'il a été considéré bien souvent comme une cause de ruine pour nos finances, ce qui est très contestable ainsi que je le démontrerai tantôt, le bien général qui en est résulté dépasse de beaucoup les prétendus sacrifices auxquels le pays a dû se soumettre pour se procurer cet utile instrument, de travail/

(page 384) En effet, messieurs, les produits de l'exploitation du chemin de fer augmentent considérablement d'année en année. Les bénéfices deviennent plus grands à l'expiration de chaque exercice.

C'est ainsi que l'excédant de nos recettes sur les dépenses qui, en 1849 (en chiffres ronds), montaient à fr. 4,638,000, s'élèvent en 1850 à 6,370,000, en 1851 à 7,300,000, en 1852 à 8,135,000 et en 1853 à 9,618,000.

Cette dernière somme laisse à la disposition du trésor, après déduction des intérêts, des frais relatifs aux emprunts et de ceux qui concernent l'amortissement, un excédant de 2,905,000 francs. Pendant l'exercice courant, le résultat définitif sera encore plus avantageux.

Ils ont donc, au point de vue des intérêts du trésor même, été mal avisés, ceux qui, il y a cinq ou six ans, croyaient devoir conseiller au gouvernement de se des saisir du chemin de fer. Cette mesure était d'autant plus imprudente que la valeur du chemin de fer est inconnue jusqu'à ce jour, celle-ci ne devant se calculer que sur la capitalisation du revenu net.

Procédant de cette manière, le chemin de fer ne valait, en 1849, au denier 20 ou 5 p. c. du capital que fr. 95,760,000 fr., tandis qu'en 1853 elle s'élevait déjà à 191,220,000 fr. Valeur qui augmentera encore considérablement dans l'avenir ; et qui, pour 1854, montera déjà à la somme maximum indiquée par la cour des comptes dans son compte commercial, où sont capitalisés les intérêts composés des déficits constatés dans les premières années de l'exploitation.

Il est donc bien établi qu'au point de vue du trésor la cession du chemin de fer ne pourrait se faire qu'à titre onéreux. Mais l'Etat, dût-il même continuer à faire certains sacrifices, ne pourrait, pour des raisons d'un ordre très élevé, souscrire à une pareille aliénation.

Je n'examinerai pas ici, messieurs, ces diverses raisons ; je me bornerai à dire que l'honorable M. Devaux qui, un jour, ne faisait qu'effleurer la question, ne craignit point de la qualifier de calamité publique, et je n'hésite pas à dire que, sur ce point, je me range complètement de son avis.

L'on semble préoccupé de la crainte que, dans l'avenir, le réseau principal du chemin de fer ne perde par la concession, à l'industrie privée, d'autres lignes ferrées établies presque parallèlement à la ligne principale. C'est une erreur complète. Chaque voie de communication dessert des populations, des besoins différents ; et, au lieu de nuire au réseau principal, elle en devient, au contraire, un affluent très important qui lui amène de nouvelles clientèles.

Cela est si vrai, messieurs, que, dans notre pays, nous voyons, côte à côte, différentes lignes de chemin de fer ainsi que des voies navigables, prospérer en même temps.

Aussi le produit brut de l'exploitation du chemin de fer de l'Etat a-t-il en 5 ans de temps, monté de 13 à 19 millions de fr., soit à raison de 46 p. c, tandis que la dépense d’exploitation dans le même espace de temps n'a augmenté que de fr. 1,153,000. De manière que chaque accroissement de dépense a donné un produit sextuple en recette, c'est-à-dire que la dépense a été à la recette comme 1 est à 6.

On peut donc concevoir très difficilement que le gouvernement ne sente pas mieux la nécessité de compléter la voie et le matériel du chemin de fer afin de pouvoir l'exploiter convenablement et de manière à répondre aux exigences et aux besoins toujours croissants du commerce et de l'industrie.

La prospérité de l'exploitation réside, principalement, dans l'accomplissement de la tâche qui incombe, de ce chef, au gouvernement,

Deux reproches principaux sont articulés contre l'exploitation du chemin de fer.

Le premier qui concerne l'insuffisance du matériel.

Le second, qui a rapport à l'exploitation avec un tarif de péages trop compliqué et en quelque sorte indéchiffrable. -

L'insuffisance du matériel est un fait avéré.

Chaque matin les journaux se font l'écho des plaintes nombreuses qui surgissent partout. Anvers comme Charleroi, Mons comme Namur et Gand se plaignent unanimement. Je crois que, si le nombre de voitures pour le transport des marchandises était augmenté du tiers ou de 1,000 waggons, le trafic serait acquis à ce nouveau matériel. Je pense, en outre, que le bénéfice qui devrait en résulter pour le trésor couvrirait la dépense au bout d'une année. Un simple calcul le prouve à l'évidence.

Les 3,000 waggons employés actuellement ont fait, en 1853, 45,338,675 voilurcs-litues ; chaque voiture-lieue donne, après déduction de tous les frais, un bénéfice de 12 cent., soit pour le tout, fr. 5,440,641 ; 1,000 waggons donneraient donc un bénéfice de fr. 1,800,000, ou leur coût total, celui-ci étant actuellement pour chaque waggon de fr. 1,800.

Je ne partage point l'avis du membre qui, à la section centrale, a émis, l'opinion qu'il est nécessaire d'admettre le concours de l'industrie privée pour construire les waggons ei les louer ensuite à l'exploitation du chemin de fer. Ce concours serait trop onéreux pour l'Etat.

Supposons que chaque waggon se loue à raison de 10 fr. par semaine, ce qui est un taux excessivement bas, on arrive au résultat suivant, en opérant sur les 1,000 waggons en question :

1,000 waggons x 50 sem. x fr. 10 : fr. 500,000.

Intérêts sur le capital, fr. 1,800,000 à 5 p. c. : fr. 90,000.

Usure et moins-value, 10 %. : fr. 180,000.

Bénéfice : fr. 230,000.

Ce simple calcul démontre donc d’une manière péremptoire que le gouvernement, dans l'intérêt financier de l'exploitation, ne peut tarder un moment à mettre la main à l'œuvre pour compléter, sans aucun retard, le matériel d'exploitation.

Par la loi du 21 mai 1854, il a été ouvert au département des travaux publics un crédit de 9,000,000 de fr. dont 3,500,000 fr. sont imputables sur le budget de 1855 et une somme égale sur celui de 1856. Je prierai M. le ministre des travaux publics de nous dire si le crédit extraordinaire de 1855 est déjà engagé et s'il servira à l'achat de matériel dont l'administration, comme je viens de le prouver, a un si pressant besoin.

Si ce crédit avait reçu une autre destination, il serait nécessaire d'aviser au moyen de se procurer, d'une manière quelconque, le matériel qui nous fait défaut. On ne peut, certes, mettre en doute l'utilité d'une pareille dépense alors que, comme je viens de le démontrer, elle donne, utilement employée, des produits sextuples des dépenses qu'elle a occasionnées. J'insiste beaucoup sur cette considération.

Le commerce attribue, généralement, à la commission du chemin de fer le nouveau tarif des péages pour les marchandises.

Dans une brochure récente, publiée par M. Emile Dupont de Fayt, et que je livre à l'examen de l'administration du chemin de fer, afin de s'assurer ; si l'application du tarif d'exploitation, ainsi entendue, est conforme au texte de la convention intervenue entre l'Etat d'une part, la compagnie de Dendre-et-Waes d'autre part, je lis que le tarif du 1er juillet 1853, sur les péages du chemin de fer de l'Etat, est l'œuvre de la grande commission. C'est là, messieurs, encore une erreur.

Ce tarif est l'œuvre du gouvernement. La commission du chemin de fer ne l'a examiné que sous un point de vue restrictif, attendu que le gouvernement n'entendait point en laisser changer les bases essentielles.

Il en donnait pour motif principal l'engagement qu'il avait pris envers la législature de faire rapporter de plus fortes sommes au chemin de fer. Ce n'est même qu'après une certaine protestation de la part de la commission, que celle-ci s'est livrée à cet examen, qui ne devait rien préjuger, quant au fond et aux principes d'un tarif définitif. Et, en effet le rapport qui en a été fait au conseil le constate d'une manière évidente. J'y lis :

« D'accord avec M. le ministre, la commission décide que l'examen de ce tarif provisoire ne préjugerait rien quant aux questions de principe si nombreuses et si compliquées que comporte une réforme générale des tarifs. Toutes ces questions restent entières et seront discutées avec maturité lorsque la commission s'occupera de l'examen du projet de loi du gouvernement et de la section centrale. »

Et, plus tard, lorsqu'un membre de la commission proposait au conseil d'examiner le projet de loi du gouvernement et le rapport de la section centrale, il lui fut répondu que le tarif actuel qui est un retour vers le tarif de 1847, donnant des résultats satisfaisants, il était inutile de se livrer à un nouvel examen. La question mise aux voix, le membre de la commission qui avait fait la proposition d'examen, restait seul de son avis. Cependant, messieurs, de ce qu'au point de vue du trésor, ce tarif donne des résultats satisfaisants, s'ensuit-il que, à celui du commerce et de l'industrie il en soit de même ? S'ensuit-il que, simplifié, le tarif ne puisse fournir les mêmes résultats quant aux recettes ? S'ensuit-il qu'il ne renferme des anomalies telles que le gouvernement lui-même a été forcé de les reconnaître ? Et, s'il en est ainsi, est-il raisonnable de se retrancher derrière une loi temporaire pour retarder l'examen du projet de loi relatif au tarif définitif, qui, dès lors, resterait en dehors des attaques et des critiques journalières ; de même que le tarif des voyageurs y est resté étranger depuis qu'il a été consacré par une loi ?

Je ne veux pas, messieurs, me rendre l'écho des plaintes nombreuses qui se font jour partout. Indiquer les complications de ce tarif, complications que la commission, sans doute, aurait fait disparaître, si elle avait examiné la question à fond, doit suffire pour en rendre la prompte révision, d'urgente nécessité.

Ainsi, il y a dans le tarif actuel des taxes fixes et des taxes variables des taxes pour le chargement et le déchargement, tantôt facultatives, tantôt obligatoires ; une taxe d'enregistrement obligatoire ; des taxes spéciales pour l'emploi d'engins extraordinaires. Enfin, lorsque les marchandises arrivent sur une voie concédée, toutes ces taxes accessoires et fixes se répètent, les expéditions n’y parcourussent-elles que la distance d'un kilomètre. Tous ces frais accessoires correspondent à 1 centime par quintal-lieue. Donc, en augmentant dans cette proportion les tarifs existants, on arrive à un calcul simple, dégagé de toute complication ; l'application du tarif ne pourrait en devenir que plus facile, plus rationnelle, et le trésor, au lieu d'y perdre, ne ferait qu'y gagner.

Le tarif, pour les marchandises de 100 à 500 kilog., est fait de manière à, ce que les intermédiaires puissent, tout en se servant du chemin de fer de l'Etat, y trouver leur bénéfice.

On fait encore un grief à l'exploitation du chemin de fer, de la (page 385) lenteur extrême avec laquelle, bien souvent, les marchandises sont remises à destination. Je ne veux pas en rendre l'administration responsable ; j'admettrai volontiers que le défaut de matériel en est la cause principale ; mais enfin c'est là une cause permanente de discrédit pour le chemin de fer et qu'il importe de faire disparaître au plus tôt.

La loi temporaire expire le 30 juin prochain. Le gouvernement pourrait retirer l'ancien projet de loi, s'il trouve que celui-ci s'écarte trop de sa manière de voir ou, s'il le préfère, il pourrait y porter, par voie d'amendements, les changements qu'il croira utiles et nécessaires à une bonne administration. Examinée dans cette session, la loi pourrait être mise en vigueur à dater du 1er juillet prochain.

J'attends sur ces diverses observations une réponse de M.l e ministre des travaux publics ; j'espère qu'elle sera satisfaisante.

En me résumant, messieurs, qu'il me soit permis de dire que l'établissement des chemins de fer a été pour notre pays un sujet de gloire et de bien-être : de gloire, parce que la Belgique a marché à la tête des pays continentaux, d'un pas ferme et décidé dans cette voie de progrès et de civilisation ; de bien-être parce que, à mesure que les lignes ferrées se sont allongées, toutes les forces vitales de la société se sont développées d'une manière prodigieuse. Et, aujourd'hui, messieurs, que nous sommes en position de constater ces beaux résultats, ne nous endormons pas dans l'indolence ; mais travaillons de concert à améliorer à perfectionner ce beau, ce magnifique instrument de travail.

M. Tesch. - Je m'étais fait inscrire sur le chapitre « chemin de fer » avant que M. le ministre des travaux publics n'eût, en réponse à mon honorable collègue M. de Moor, donné les explications que vous avez entendues dans la séance d'avant-hicr. Ces explications rendent à peu près inutiles les observations que je me proposais de présenter.

M. le ministre des travaux publics est d'accord avec nous que, par suite de l'inexécution de ses engagements, la compagnie du Luxembourg a encouru la peine comminée par l'article 18 de son contrat ; et qu'il y aura lieu de recourir à la législature si elle veut, comme cela est indubitable, obtenir un nouveau délai.

Il est encore d'accord avec nous que, sans recourir en ce moment à la mesure extrême d'une déchéance il y a lieu de saisir cette occasion pour prendre toutes les mesures nécessaires pour que le gouvernement puisse à toutes les époques, à toute heure, forcer la compagnie à remplir ses engagements et à exécuter son contrat dans les délais qui sont déterminés sans être forcé d'attendre jusqu'au dernier jour avant de pouvoir agir.

Je suis convaincu que, quand il s'agira du projet de loi à soumettre à la Chambre, M. le ministre restera fidèle à cette pensée.

Je crois donc inutile de continuer la discussion ; d'ultérieurs débats n pourraient être que nuisibles au but que nous poursuivons.

M. Osy. - Avant la nomination par le gouvernement, en 1853, d'une commission consultative, je pensais, avec d'honorables membres de cette Chambre, qu'il convenait de vendre le chemin de fer ou d'en mettre l'exploitation en adjudication. Cette opinion était fondée sur ce qu'alors le service du chemin de fer laissait beaucoup à désirer. Le gouvernement n'osant pas demander aux Chambres les sommes nécessaires pour améliorer le service, ce service laissait beaucoup à désirer. Pendant quelques années, nous avons examiné attentivement le budget du chemin de fer, et j'ai compris que si le chemin de fer était bien administré, il pouvait être avantageux que le gouvernement en conservât l'exploitation, parce qu'il y avait là un grand avenir et que si le chemin de fer était bien exploité, il pouvait être une source de bien-être pour le pays. Je suis convaincu que s'il est fait un bon emploi du crédit extraordinaire de 9 millions voté pour le chemin de fer, on pourra satisfaire aux besoins les plus urgents et organiser le service de manière que le revenu allège les charges de l'Etat.

C'est sous ce rapport que j'ai également applaudi, lorsque le gouvernement, après la dissolution de la première commission, a définitivement institué une commission consultative, parce que cette commission pourra venir en aide au gouvernement, pourra le fortifier contre les exigences de l'administration des ponts et chaussées. Vous savez, messieurs, que les ministres ne restent guère au pouvoir. Chaque nouveau ministre a des études à faire, et c'est presque toujours l'administration du chemin de fer qui administre. Aujourd'hui que le gouvernement a à côté de lui une commission qu'il pourra toujours consulter, je suis persuadé que ce que nous désirons et ce qui est nécessaire, arrivera, c'est-à-dire que le chemin de fer sera exploité commercialement et non administrativement.

Je crois donc que nous pouvons nous attendre à un bel avenir pour le chemin de fer et que d'ici à longtemps nous n'aurons plus à penser à changer le système d'exploitation. Sous ce rapport j'abandonne les idées que j'ai nourries pendant plusieurs années ; j'ai l'espoir que la commission consultative qui a été instituée fera beaucoup de bien et que nous ne serons pas obligés de recourir, comme le fait l'Autriche, à la vente de nos chemins de fer.

Cependant il reste encore beaucoup de choses à faire pour le chemin de fer. Nous avons voté, à la fin de la session dernière, une somme de 9 millions pour mettre le gouvernement à même de bien exploiter.

J'ai appris, et je me suis convaincu, lorsque je faisais partie de la première commission, que dans le courant de 1855 et de 1856 le gouvernement aurait besoin d'environ 50 remorqueurs tant pour renouveler le matériel actuel que pour exploiter convenablement la nouvelle ligne de Dendre-et-Waes, qui lui sera remise, je pense, le 1er mai 1856, Or, si je suis bien informé, le gouvernement ne pourra obtenir dans le pays, dans le courant de 1855 ; que 6 remorqueurs, 4 de l’établissement de Liège et 2 d'un autre établissement.

Messieurs, si le gouvernement ne pouvait, dans le courant de 1855, augmenter davantage son matériel, il est certain qu'en 1856 le service serait en défaut. Je suis de ceux qui veulent, autant que possible, favoriser le travail national. Mais, puisqu'il est impossible de se procurer dans le pays le matériel nécessaire pour l'exploitation de notre chemin de fer, je demande s'il ne serait pas nécessaire d'autoriser le gouvernement à faire faire, dans un pays voisin, les machines qui lui manquent. Tous nos établissements industriels sont occupés pour l'étranger ; c'est ce qui fait qu'ils ne pourront fournir au gouvernement les machines qui lui sont nécessaires. En prenant ces machines à l'étranger, on ne fera donc aucun tort à nos établissements.

Messieurs, on cite souvent l'exemple de l'Angleterre. En général, le gouvernement anglais ne va pas chercher à l'étranger ce dont il a besoin pour la guerre, pour la marine, etc. Cependant aujourd'hui, le gouvernement anglais, ne pouvant se procurer, dans les manufactures du pays, le matériel nécessaire pour la guerre, s'adresse à nos industriels belges pour obtenir des fusils Minié. Vous voyez donc que ce que je vous propose, c'est de suivre l'exemple de l'Angleterre.

Le gouvernement français, voyant également l'impossibilité que les chemins de fer se procurent dans le pays la quantité de rails nécessaires, a autorisé les administrations de ces chemins de fer à s'approvisionner à l'étranger, et nous avons reçu des commandes des chemins de fer français.

Je crois donc, messieurs, que nous devons engager le gouvernement à examiner s'il ne serait pas utile, par exception et en présence des besoins où nous nous trouvons, de se faire autoriser à se procurer les machines ou, tout au moins, une partie des machines dont il a besoin pour que le service ne fasse pas défaut.

Messieurs, des remorqueurs ne suffisent pas pour l'exploitation du chemin de fer actuel et de celui de Dendre-et-Waes qui vous sera remis à partir du 1er mai 1856.

Il nous manquera beaucoup de waggons. Dans le crédit de 9 millions a été comprise aussi la construction de waggons. J'engage beaucoup le gouvernement à les commander en temps utile.

Non seulement, messieurs, les waggons nous manquent, mais ce qui est plus fâcheux, c'est que la répartition de ces voitures dans les diverses stations du pays est très mauvaise. Chaque station veut conserver des waggons pour son service, et l'on n'en a pas dans les stations qui en ont le plus grand besoin.

On m'a affirmé un fait que je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir vérifier. On m'a assuré que, comme on ne pouvait avoir à Anvers des waggons pour Cologne, une maison a été obligée de prendre des waggons pour transporter ses marchandises à Gand, et de les expédier ensuite de Gand sur Cologne. Cela vous prouve, messieurs, que les waggons manquent dans certaines stations et qu'il y en a trop dans d'autres ; en un mot, que la répartition est mal faite. Comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, il y a deux ans, on transportait plus vite les marchandises d'Anvers à Cologne en les faisant arriver par eau à Louvain, et en les transportant de là par chemin de fer jusqu'à leur destination, qu'en les chargeant à Anvers même sur le chemin de fer.

Il nous manque des waggons, j'en conviens, et le gouvernement a les fonds nécessaires pour en faire. Mais ce qu'il faut avant tout, c'est que certaines stations ne conservent pas des waggons qui leur sont inutiles, tandis que d'autres manquent de ceux dont elles ont besoin.

Puisque je parle de waggons, je dois dire que j'ai vu à regret un fait qui ne concerne pas notre gouvernement, mais qui concerne un gouvernement voisin.

Vous avez vu qu'au mois de novembre le gouvernement avait été obligé de suspendre pendant quinze jours les expéditions pour l'Allemagne, parce qu'il y avait un très grand encombrement de waggons dans la station de Cologne, et que la douane prussienne ne pouvait faire décharger qu'une cinquantaine de waggons par jour.

Sans doute, je le répète, ce n'est pas la faute de notre gouvernement si la douane prussienne n'est pas plus active. Mais, comme nous avons eu l'honneur de le dire, et la chambre de commerce a écrit dans ce sens au gouvernement, celui-ci devrait s'adresser directement à Berlin pour demander, qu'en présence de l'augmentation des transports entre Anvers et Cologne, le gouvernement prussien veuille bien renforcer sa douane à Cologne, pour qu'il n'y ait plus de retard dans le déchargement des waggons, plus d'interruption dans les expéditions.

Messieurs, c'est surtout dans les mois d'octobre, de novembre et de décembre qu'il y a des expéditions de Belgique vers l'Allemagne ; car alors, ordinairement, les eaux du Rhin étant très basses, vous comprenez fort bien que, de la Hollande, on ne peut presque pas expédier pour l'Allemagne et que les marchandises passent par la Belgique. Il en résulte un encombrement considérable, et je demande que le gouvernement s'entende avec le gouvernement prussien pour remédier à cet inconvénient.

Messieurs, par l'article que nous venons de voter, nous mettons à la disposition du gouvernement une somme très considérable pour les ingénieurs. Je crois que si la somme de 600,000 fr., qui a été accordée, était bien employée, on ferait beaucoup plus de besogne. Au mois de décembre 1851, nous avons voté un petit chemin de fer d'une lieue et (page 386) un quart ; trois années se sont écoulées et à l’heure qu'il est, ce travail n'est pas encore achevé.

Si les sociétés concessionnaires, tant en Belgique qu'à l'étranger, marchaient avec une telle lenteur, elles feraient certes de très mauvaises affaires. Je passe très souvent à côté de ce tronçon de chemin de fer, et chaque fois les étrangers me demandent comment il se fait qu'il ne soit pas encore en exploitation. En arrêtant les statuts du chemin de fer de Turnhout à Lierre le gouvernement y a inséré la condition que, s'il le désirait, la compagnie serait obligée de reprendre la section de Lierre à Cumptich, au prix coûtant. Eh bien, messieurs, comme je crois que le gouvernement ne pourra pas achever ce chemin de fer avec les 500,000 fr. qui ont été votés et qu'il lui faudrait au moins 200,000 fr. de crédits supplémentaires il me semble qu'il devrait s'empresser de le céder à la compagnie du chemin de fer de Turnhout, moyennant le remboursement des sommes que nous avons dépensées.

Nous avons besoin d'argent, et M. le ministre des finances fait très bien de s'opposer à toute dépense qui puisse être évitée ; mais quand nous pouvons faire rentrer une somme qui ne donnera jamais qu'un revenu insuffisant, je ne conçois pas qu'on ne s'empresse pas de le faire, alors surtout qu'il en résulterait un grand avantage pour le public, car soyez bien persuadés, messieurs, que si ce tronçon de chemin de fer avait été entre les mains d'une compagnie, il y a longtemps qu'il serait en exploitation. J'engage beaucoup le gouvernement à s'occuper sérieusement de cette question.

M. Magherman. - Messieurs, l'année dernière j'ai eu l'honneur de signaler à la Chambre et au gouvernement les nombreux inconvénients qui résultent pour les voyageurs et principalement pour ceux de troisième classe, de l'existence de deux stations à Bruxelles. En effet, messieurs, le voyageur qui arrive, par exemple, de la direction de Malines pour se rendre vers Quiévrain, est obligé de faire un trajet assez long, en voiture s'il en a le moyen, sinon à pied, et c'est le cas pour le plus grand nombre, et alors il est souvent exposé à arriver trop tard à la station du Nord et à devoir, contre son gré, s'arrêter à Bruxelles. Ce sont là des pertes de temps et d'argent très sensibles pour beaucoup de voyageurs.

Si une semblable lacune existait sur tout autre point du pays, le gouvernement s'empresserait de la combler, on plutôt il ne l’aurait jamais créée. J'ai demandé, l'année dernière, s'il n'y aurait pas moyen de réunir les deux stations de voyageurs, de fixer à la station du Nord le point d'arrivée et de départ des voyageurs pour toutes les ligues de l'Etat. Cela ne me paraît pas impossible. Car bien que cette station soit déjà entourée de constructions, il reste encore de grands espaces libres au-delà de l'emplacement actuel.

Cette réunion, messieurs, rendrait un très grand service au public. Il faudrait, toutefois, maintenir au Midi la slation des marchandises dont le trafic augmente journellement sur cette ligne, afin d'éviter l'encombrement. De cette manière, les intérêts de ce quartier seraient également sauvegardés,

J'ai appris, messieurs, à la suite d'une interpellation, faite dans une séance précédente par l'honorable M. Thiéfry, qu'au lieu de vouloir réaliser cette idée, on s'en écarte davantage.

Il paraît, en effet, que le gouvernement a acquis un emplacement considérable au dehors de la ville de Bruxelles pour y transférer au moins en partie la slation des Bogards. Avant de donner suite aux vues qu'il peut avoir à cet égard, je voudrais que M. le ministre fît examiner sérieusement si l'idée que j'ai émise ne serait pas réalisable, car au lieu d'améliorer la situation dont je viens de signaler les inconvénients, la translation hors de Bruxelles d'une partie de la station des Bogards, soit pour les voyageurs, soit pour les marchandises, aggraverait considérablement cette situation.

Elle entraînerait d'ailleurs le pays dans des dépenses considérables qu'il importe d'éviter quand la possibilité existe.

Messieurs, dans une annexe du budget qui nous occupe, où il est rendu compte du degré d'avancement des travaux décrétés par la loi du 20 décembre 1851, je lis ce qui suit :

« Les projets définitifs du tracé (du chemin de fer d'Audcnarde vers Gand) sont approuvés depuis Nazareth, point de jonction de la ligne concédée avec le railway de l'Etat, jusqu'aux abords d'Audenarde. »

« Les plans des emprises à effectuer pour la construction de ce chemin de fer sont, en ce moment, soumis à l'enquête voulue par la loi du 8 mars 1810, sur les expropriations pour cause d'utilité publique. »

Il résulte de là, messieurs, que les travaux pourront être bientôt commencés sur cette ligne, sauf cependant en ce qui concerne les abords de la ville d'Audenarde. Il paraît qu'il s'élève des difficultés sur l'emplacement de la station intérieure de cette ville. S'il est vrai, comme je l'ai appris indirectement, que des négociations doivent être entamées avec le département de la guerre, attendu que la ville d'Audenarde est une place forte, je prierai M. le ministre des travaux publics de se concerter avec son collègue du département de la guerre afin que ces obstacles soient levés le plus tôt possible. Indépendamment de l'empressement, des habitants de l'arrondissement d'Audenarde de jouir de ce chemin de, fer, il est une considération particulière qui milite pour que cette construction soit promptement commencée.

En effet, nous sommes dans les commencements de l'hiver qui, à la vérité. n'a pas été très rude jusqu'à ce jour : mais malheureusement l'hiver coïncide avec une crise alimentaire que le pays subit en ce moment ; beaucoup d'ouvriers sont sans ouvrage, un grand nombre de bras pourraient être occupés aux travaux de terrassement de ce chemin de fer, s'ils commençaient dans un bref délai. Il y a là, outre une question d'utilité publique, une question d'humanité.

Messieurs, lorsque îa législature a décrété un minimum d'intérêt sur un embranchement du chemin de fer partant d'Audenarde vers Gand, elle n'a entendu que poser le premier jalon d'une ligne qu'elle voulait indiquer ; elle n'a pas voulu borner là un acte de justice que je qualifierais d'incomplet, envers l'arrondissement d'Audenarde, mais elle a indiqué une direction appelée à recevoir son complément. J'engage M. le ministre des travaux publics de vouloir bien saisir toutes les circonstances qui se présenteront pour donner une extension utile à cette ligne et notamment à la prolonger sur la ville de Renaix qui se trouve à l'écart de tout chemin de fer de 4 à 5 lieues.

Renaix est la ville la plus importante du royaume qui se trouve encore privée de tout chemin de fer ; elle a une population de 12,000 âmes ; son aggloméré se compose presque exclusivement de commerçants et industriels, et, comme vient de le dire l'honorable.M Vermeire, là où ne se trouve pas de chemin de fer, le commerce et l'industrie doivent languir, tandis que là où se trouve une pareille voie de communication, l'activité redouble, la prospérité y apparaît et se développe. Il est impossible de laisser une ville aussi importante dans cet isolement. Sa position est d'autant plus exceptionnelle qu'elle n'est dotée d'aucune voie navigable, et, malgré ces circonstances défavorables, ses habitants qui, ainsi que je viens de le dire, sont exclusivement industriels et commerçants, luttent avec persistance, je dirai avec opiniâtreté contre leurs concurrents qui se trouvent dans une position plus avantageuse. Cette lutte cependant ne pourrait pas se maintenir.

Déjà plusieurs maisons ont transféré ailleurs le siège de leurs affaires, et successivement si, dans un bref délai, nous n'avons pas un chemin de fer, ceux qui ont encore le siège de leurs opérations dans cette ville devront suivre ceux qui ont déjà donné l'exemple de l'émigration. Cela serait d'autant plus regrettable que les industriels de Renaix répandent le bien-être, non pas seulement dans la localité, mais dans un rayon très étendu autour de la ville. La plupart des industriels qui s'occupent de tissage donnent de l'ouvrage à domicile, et cela s'étend sur un rayon de 3 à 4 lieues.

J'appelle donc toute l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cette situation exceptionnelle, et je l'engage à saisir toutes les circonstances qui se présenteront pour y porter remède.

Je sais que dans ce moment plusieurs chemins de fer, dont un doit traverser cette contrée, sont soumis à une enquête ; je ne veux pas anticiper sur la discussion qui surgira dans cette enceinte lorsque à la suite de l'enquête, le gouvernement présentera un projet de loi ; mais je prie derechef M. le ministre des travaux publics de ne négliger aucune occasion pour relier la ville de Renaix au chemin de fer de l'Etat. C'est un acte de justice auquel elle a droit.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, les diverses observations qui viennent d'être présentées sur le chapitre IV, peuvent se résumer en deux points généraux et en quelques questions spéciales.

Les points généraux portent sur l'insuffisance du matériel et sur la question de la tarification des marchandises.

En ce qui concerne l'insuffisance du matériel, le gouvernement n'a jamais contesté la réalité des plaintes qui se sont produites. C'est précisément pour pourvoir à cette situation, qu'en 1854, malgré l'état du trésor, j'ai cru devoir saisir la Chambre de la demande d'un crédit de 9 millions, échelonné sur plusieurs exercices ; d'autre part, les crédits, qui avaient été mis à la disposition du gouvernement par des lois antérieures, lui ont permis de remédier un peu à la situation ; mais l'accroissemerit des transports a été tel qu'il n'a pas encore été possible de mettre le chemin de fer en mesure de suffire à toutes les exigences de la situation.

D'honorables membres ont désiré connaître ce qui avait été fait à cet égard.

D'après un relevé que j’ai sous les yeux, les waggons neufs qui sont entrés en service depuis le 1er janvier jusqu'au 30 septembre 1854 s'élèvent au nombre de 357, tandis que dans le même espace 66 waggons ont été démolis ; l'augmentation du matériel en waggons est donc de 291 ; mais il y en a 179 à 10 tonnes, l'augmentation représente donc 470 waggons, soit 13 p. c.

Quant au crédit de 9 millions, dès qu'il a été voté, l'administration n'a pas perdu son temps ; elle a mis en adjudication, le 9 août 1854,100 waggons à charbons de 10 tonnes ; le 27 septembre, 200 waggons du même genre, et le 8 novembre 200 waggons ; ce qui fait en tout 700 waggons, en tenant compte de la différence de 5 à 10 tonnes.

Comme l'honorable M. Osy l'a dit avec raison, il n'y a pas seulement insuffisance dans le matériel de transport, il y a encore insuffisance dans le matériel de traction. La totalité des machines commandées l'ont été à des établissements du pays. Cependant, s'il était reconnu, à la suite de l'examen auquel on se livre, qu'il est impossible ù ces établissements de fournir des machines dans des délais aussi rapprochés et à des conditions aussi favorables pour le trésor que les établissements de l'étranger, je n'hésiterais pas à les commander à l’étranger. L'important est ici de faire faire des recettes au chemin du fer, (page 387) c'est de lui donner les remorqueurs et les waggons dont il a un indispensable besoin.

Quant au tarif de marchandises, l'honorable M. Vermeire a dit que c'était l'œuvre, non de la commission, mais du gouvernement ; je ne le conteste pas, l'important est que ce tarif qui fonctionne depuis plus d'un an, qui a donné lieu à des plaintes, devenues aujourd'hui moins vives et moins générales, répond à l'attente de la législature et du gouvernement. En 1850, lorsqu'on a discuté ici le tarif des voyageurs, j'ai annoncé, répondant à une interpellation que me faisait l'honorable M. Cools, qu'en remaniant d'une manière plus intelligente le tarif des marchandises, une augmentation d'un million pourrait être obtenue par cette amélioration. Ce que j'annonçais en 1850 s'est vérifié en 1853 et en 1854. Un seul fait suffira pour faire ressortir cette vérité.

Le deuxième semestre 1852 et le premier semestre 1853 ont donné, par rapport aux semestres correspondants de 1851 et 1852, une augmentation de tonnage de 243,300 tonnes et une augmentation de recette de 850,000 fr.

Le deuxième semestre 1853 (nouveau tarif) et le premier semestre 1854 (nouveau tarif) ont donné par rapport aux semestres correspondants de 1852 et 1853 une augmentation de 488,200 tonnes et une augmentation de recette de 2,675,000 fr.

Ainsi l'augmentation du tonnage a doublé ; l'augmentation de la recette a plus que triplé !

Cela ne peut tenir qu'à deux causes : ou à l'augmentation du parcours moyen ou à l'influence propre du nouveau tarif. Le nouveau tarif n'a pas accru le parcours moyen des marchandises ; au contraire, ce parcours a diminué ; d'abord il l'a diminué par une raison qui ne lui est pas imputable, c'est qu'en 1853 comme en 1854, les transports de charbons vers la France ont pris une extension énorme.

Ce transport, qui n'était autrefois que de 50 mille tonnes, s'est élevé au chiffre extraordinaire de 300 à 400 mille tonnes. On couçoit que le parcours moyen ait dû se ressentir de ce transport extraordinaire qui n'a fait sur notre territoire qu'une lieue et demie. Cela a dû amener, dans le parcours moyen, une diminution plutôt qu'une augmentation. Qu'en faut-il conclure ? Que c'est au nouveau tarif qu'on doit attribuer les recettes nouvelles.

Anciennement il y avait un grand nombre de marchandises qui payaient 50 centimes et qui aujourd'hui en payent 40 ; le seul fait de les avoir fait remonter, en créant une classe intermédiaire, démontre qu'il doit y avoir une recette nouvelle. Veut-on une autre preuve de l'influence du nouveau tarif au point de vue des intérêts du trésor ? Elle est dans le rapprochement des mois qui ont précédé et suivi l’application du nouveau tarif. Tandis que l'augmentation était de 70,000, 80,000 en moyenne d'un mois sur l'autre, elle passe tout à coup, pendant le deuxième semestre 1853 de 70,000 à 160,000 et 200,000 fr. par mois.

Ces faits prouvent à l'évidence l'influence du nouveau tarif.

La Chambre est saisie d'un projet ; l'honorable membre demande que je le retire. Je n'ai rien à retirer. J'aurai à introduire quelques amendements pour le mettre plus en rapport avec le tarif actuel. Le projet repose sur deux principes qui ont été respectés par le tarif : comprendre dans les transports accélérés tous les colis ne dépassant pas un certain poids, et pour les produits pondéreux créer une classe intermédiaire.

Si la Chambre veut, sans attendre de nouvelles expériences, aborder la discussion de ce projet qui sera longue, je suis prêt à l'aborder, mais je n'en vois pas,à vrai dire, l’utilité.

L'honorable M. Osy s'est plaint du retard apporté à l'achèvement de la petite section du chemin de fer de Lierre, et il en a rendu responsables l'administration et le corps des ingénieurs.

La vérité est que, s'il y a eu des retards, et il y en a eu de considérables, ils sont imputables, non à l'administration, mais à des personnes qui lui sont complètement étrangères. Je vais en citer une seule preuve. L'approbation de la soumission est du 20 novembre 1852 ; près de 8 mois après, l'entrepreneur n'avait pas encore pu mettre la main à l'œuvre ; des difficultés, nées du mauvais vouloir des propriétaires, ont entravé les opérations et nécessité des délais ; ce n'est que récemment qu'il a pu terminer les travaux qui lui avaient été adjugés ; une visite a été faite ; il reste quelques travaux à faire pour pouvoir mettre cette section en exploitation.

L'honorable. M. Osy a exprimé le désir qu'on la concédât à la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout ; rien de plus facile si cette compagnie veut l'accepter aux conditions qu'y met l’administration ; ces condilious ont été repoussées par les délégués de la compagnie ; aujourd'hui seulement j'ai reçu une lettre par laquelle les délégués déclarent que la compagnie est prête à entrer de nouveau en négociation avec moi au sujet de cette section.

L'honorable M. Magherman a entretenu la Chambre de la question relative au prolongement du chemin de fer de Renaix. L'honorable membre a compris lui-même que je n'étais guère en position de faire une autre déclaration que celle qu'il a faite lui-même, c'est-à-dire que l'affaire étant soumise à une enquête, il faudrait nécessairement attendre qu'elle fût terminée pour me permettre de me prononcer sur les divers projets.

M. Lelièvre. - A l'occasion du chapitre en discussion, j'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité d'établir des mesures ayant pour objet de faciliter le transport, par chemin de fer, des engrais et matières fertilisantes servant à l’agriculture. Le transport de ces matières est, d'après nos lois, exempt du droit de barrière.

Même exemption est prononcée en ce qui concerne les péages sur les canaux, etc. ; il y a évidemment quelque chose à faire en ce qui concerne le transport par chemin de fer.

De graves motifs d'intérêt général justifient les observations que je viens de présenter, et je les recommande à la sollicitude du gouvernement.

J'appellerai également l'attention du ministre sur l'état des voitures de troisième classe qui pour la plupart laissent les malheureux voyageurs exposés à l'intempérie des saisons.

Je prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les voitures en question soient dans un état convenable, de manière à ne pas compromettre la santé des voyageurs.

Je prie enfin le ministre de ne rien négliger pour introduire dans l'administration des chemins de fer toute la simplicité nécessaire pour réduire les dépenses. Car, à mon avis, il n'y a nul doute que l'on ne soit forcé d'abandonner l'entreprise dont il s'agit à des compagnies, si la réorganisation projetée n'apporte des améliorations notables à l'état de choses actuel. Nous faisons une expérience décisive. Si elle n'est pas favorable, si les sacrifices imposés au trésor public ne viennent à cesser, il est bien certain que l'on sera contraint de remettre à l'industrie privée le soin de diriger une entreprise que l'Etat ne pourrait plus continuer sans de graves inconvénients.

J'engage M. le ministre à faire tous ses devoirs pour réaliser des économies indispensables et épargner à l'Etat une dette énorme à laquelle il ne pourrait plus satisfaire.

M. Rodenbach. - Je suis d'accord avec l'honorable préopinant qu'il faut, tout en pourvoyant aux besoins du service, tâcher de réduire les dépenses excessives du chemin de fer, particulièrement en supprimant les emplois inutiles.

Nous manquons en général du matériel nécessaire ; M. le ministre des travaux publics, l'a lui-même reconnu. Il y aurait évideminent avantage à se fournir du matériel nécessaire, comme l'a fait la compagnie du Nord. Ce n'est pas l'argent qui manque, puisque l'année passée nous avons voté 9 millions.

Quant à l'exploitation, qu'il me soit permis de citer comme un modèle à suivre les chemins de fer allemands, qui sont exploités avec plus d'économie et de régularité que les nôtres. Il n'y a qu'une voix en Belgique pour reconnaître que notre chemin de fer est mal organisé ; qu'il faut une réorganisation générale.

Nous avons été les premiers qui aient établi des chemins de fer, mais sous le rapport des améliorations, loin d'être les premiers, nous sommes, passez-moi l'expression, tout à fait à la queue.

En dépit de réclamations si fréquemment renouvelées et si légitimes puisqu'elles sont fondées sur un sentiment d'humanité, nos waggons de troisième classe ne sont pas encore fermés. Ici encore je puis invoquer l'exemple des chemins de fer allemands où les trois classes de voitures ont la même apparence extérieure, le même mode de clôture, tellement qu'une même voiture comprend trois compartiments de classes différentes qui ne diffèrent entre eux extérieurement que par le numéro de la classe et intérieurement par le plus ou moins de confort, le nombre plus ou moins grand de voyageurs qu'elles doivent recevoir.

Chez nous, au contraire, les voitures de troisième classe, non seulement n'ont pas de vasistas, mais n'ont pas même de rideaux, et les habitants des campagnes qui ne sont pas assez riches pour prendre des voitures de première ou de deuxième classe, voyagent d'une manière plus incommode que les détenus ; ils sont exposés à la pluie, à toutes les intempéries des saisons ; comme si le malheur d'être pauvre était en Belgique le plus grand des crimes ! C'est pour M. le ministre des travaux publics un devoir d'humanité de remplir, dans le plus bref délai possible, la promesse qu'il a faite de fermer les waggons de troisième classe.

Je reconnais que les bâtiments des stations des grandes villes sont des constructions de très bon goût. Mais on néglige ceux des petites villes. Je citerai Courtrai, où la salle d'attente est une espèce de grange (le mot n'est pas au-dessous de la vérité) qui reçoit pêle-mêle les trois classes de voyageurs, les fumeurs, les buveurs avec les dames, qui s'en plaignent à juste titre.

Puisque j'ai la parole, je dirai quelques mots sur les postes. L'an dernier j'ai parlé longuement sur ce sujet. Je rappellerai que cette administration est la plus mal payée du royaume. On a adopté, en section centrale, un amendement dout le but est d'améliorer le sort des employés subalternes. C'est fort bien. Mais il ne faut pas se préoccuper seulement des facteurs ruraux. Les employés des bureaux méritent aussi la sollicitude du gouvernement, car ils travaillent le jour et une partie de la nuit, et ils n'ont pas le repos du dimanche, que l'on a dans toutes les administrations publiques.

Des valeurs considérables leur passent par les mains ; des hommes qui ont une telle responsabilité devraient du moins être au-dessus du besoin.

Puisque M. le ministre compte présenter un projet de loi en janvier prochain, je n'insiste pas sur ce point. Je me bornerai à appeler l'attention de M. le ministre sur la manière déplorable dont se fait la distribution des lettres dans un grand nombre de localités ; je citerai Ypres et Thielt. Chose étrange ! les lettres sont distribuées plus tardivement dans cette ville, depuis la construction du chemin de fer de Thielt à Ingelmunster.

(page 388) A la fin de la séance d'hier, les banquiers et négociants notables de Bruxelles ont déposé une requête ou ils disent que partout ailleurs, notamment en Suisse, en Angleterre et en Amérique, le télégraphe est un moyen de communication d'une grande utilité, parce qu'il est infiniment à meilleur marché. Ici il n'y a que l’aristocratie du journalisme et de la banque qui puisse en faire usage. En Angleterre, moyennant un schelling (1 fr. 25 c.) on expédie une dépêche à 35 lieues. En Belgique, la taxe varie, suivant les distances, de 2 fr. 50 à 5 fr. et à 7 fr. 50 c. pour une dépêche de 20 mots, et pour un mot de plus la taxe est doublée. Cette tarification est exagérée et les bases en sont vicieuses. Il y a là une réforme à introduire. J'engage M. le ministre de travaux publics à s'en occuper. S'il ne le faisait pas, je suis convaincu que l'on demanderait que l'exploitation des lignes télégraphiques fût faite par des compagnies particulières.

M. Brixhe. - Messieurs, je me propose de donner un vote favorable à l'ensemble du budget des travaux publics. Cependant je dirai quelques mots à propos du matériel du chemin de fer.

On vient de dire beaucoup de bonnes choses sur ce sujet ; je voudrais aborder un aspect particulier de la question.

Messieurs, on trouve à la page 44 du rapport de la section centrale des observations remarquables qui me semblent mériter toute votre attention.

Elles ont été présentées par un membre de cette section.

Je demande à la Chambre la permission de reproduire ici ces observations, auxquelles je m'associe et qui offrent du reste moins de longueur que d'intérêt. Les voici :

« L'insuffisance des waggons pour le transport de grosses marchandises est manifeste, et cet état de choses s'aggrave chaque année ; car le matériel qu'on construit n'est pas en rapport avec l'accroissement des transports, ni avec le vide que la mise hors d'état de service produit sans cesse dans le matériel ancien.

« Déjà des plaintes et des embarras sont nombreux, plus nombreux que jamais : de toutes parts les expéditions sont en souffrance. Les choses en sont arrivés à ce point que l'administration a dû suspendre ses transports à elle et traiter avec les bateliers pour l'expédition du coke destiné à ses locomotives.

« Pour se priver le moins possible du matériel insuffisant, dont on dispose, on le soumet à un travail continu, l'entretien est négligé et une détérioration complète s'opère rapidement. Si l'on n'apporte un prompt remède au mal, les intérêts du trésor ne tarderont pas à se trouver gravement compromis.

« Le remède n'est pas dans l'emploi de crédits successifs, qui ne permettent que la construction de quelques locomotives et de quelques centaines de wagons tous les ans. Il faut une mesure énergique et prompte ; il faut remplacer le matériel usé et accroître dans une large mesure le matériel en bon état.

« Pour ce faire, que le gouvernement demande les ressources et que les Chambres les lui accordent. Rien de mieux.

« S'il est reconnu qu'on ne peut suivre cette voie, il en reste une autre qui mérite une sérieuse attention. On doit admettre le concours de l'industrie privée, en encourageant les particuliers et les sociétés à construire à leurs frais des waggons, qui seraient employés aux transports, moyennant le payement aux propriétaires de ce matériel d'un loyer fixe, ou d'une prime proportionnelle, susceptible de rémunérer suffisamment les capitaux engagés.

« Les tarifs du chemin de fer permettent de rendre ces opérations avantageuses à l'industrie privée, tout en augmentant, sans charges pour le trésor, les produits de l'exploitation. Il serait bon, dans les arrangements à faire, de réserver à l'Etat le droit de se rendre successivement propriétaire du matériel, dont il aurait commencé par faire usage.

« Au moyen de cette combinaison, les sommes que l'Etat n'aurait pas à dépenser pour la construction des waggons, pourraient être appliquées à celles des locomotives, qu'il ne serait pas si facile d'obtenir par le système indiqué ici pour les waggons. »

La section centrale, pénétrée de l'importance de ces observations, en a décidé l'insertion au rapport afin, dit-elle, de provoquer l'attention du gouvernement et de la législature.

Je ne sais, mais depuis la distribution du rapport ; nous n'avons reçu aucune communication qui nous autorise à croire que le gouvernement veuille entrer dans les idées produites par l'honorable membre de la section centrale qui, si elle ne les a point explicitement adoptées comme siennes, ne les a pourtant pas non plus repoussées, loin de là.

Or, je suppose que le gouvernement trouvera le sujet assez intéressant pour qu'il explique sa pensée sur le système proposé, ou que du moins il ne verra rien qui s'oppose à ce qu'il s'engage à en faire un examen sérieux et surtout très prochain.

Et cet examen est urgent, messieurs, car les besoins sont pressants : c'est maintenant reconnu par tout le monde, et je n'insiste pas.

Un waggon coûte 1,800 fr, et l'allocation entière du littera b de l'article 69 du budget de 150,000 fr. ne payerait pas 80 waggons ! C'est une dérision, n'est-ce pas ?

Comment donc le gouvernement se propose-t-il de pourvoir d'une manière sérieuse aux nécessités urgentes des transports ? Si son budget et le fonds spécial que nous lui avons alloué l'année dernière, sont insuffisants, que n'appelle-t-il le concours des particuliers ? S'il ne peut faire lui-même, que du moins il laisse faire !

J'attendrai les explications de M. le ministre sur les vues proposées par l'honorable membre de la section centrale. Je le répète en terminant, la section centrale, évidemment, a été très impressionnée, et loin de repousser ces vues, elle les a recommandées à l'attention du gouvernement et de la Chambre

Je m'efface donc maintenant, messieurs, car ce n'est plus moi qui provoque des explications ; c'est, en quelque sorte, la section centrale elle-même, et l'honorable ministre ne la laissera pas sans réponse.

M. Mercier. - J'ai vu avec regret, que dans la séance d'avant-hier, un honorable membre ait paru remettre en question la construction d'un embranchement vers Wavre du chemin de fer du Luxembourg. J'aurais pris immédiatement la parole pour expliquer le véritable état des choses, si l'accomplissement d'un devoir de famille ne m'avait empêché d'assister à la première partie de cette séance. Qu'il me soit permis de rappeler à la Chambre que lors de la présentation du projet de loi relatif au chemin de fer du Luxembourg en 1846, une indication du tracé, qui ne faisait mention que d'une seule ligne passant par Wavre, se trouvait joint à l'exposé des motifs et qu'il n'en fut soumis aucun autre aux Chambres avant le vote de la loi.

Plus tard le gouvernement fit distribuer aux membres de la Chambre un plan indiquant une ligne qui laissait la ville de Wavre à une lieue environ au nord. Je veux croire que le gouvernement a agi en cette circonstance par des considérations d'intérêt public. Cependant cette mesure privait la ville de Wavre de ce qu'elle pouvait considérer comme un droit acquis.

L'administration communale et grand nombre d'habitants nous adressèrent de vives réclamations qui furent accueillies avec faveur sur tous les bancs de cette Chambre. Ils se plaignaient avec raison d'être privés, par suite du nouveau projet, des avantages qui devaient résulter, pour eux, de l'établissement d'une ligne unique traversant leur ville. D'un autre côté ils exprimaient la crainte que si le gouvernement permettait de construire en premier lieu la nouvelle ligne, la compagnie ne parvînt à se soustraire à l'obligation d'exécuter la seconde.

M. le ministre des travaux publics donna à cette occasion les explications les plus catégoriques sur l'intention bien positive du gouvernement de tenir rigoureusement à l'établissement de la ligne directe vers Wavre.

Les intéresses crurent que cette ligne aurait pour point de départ soit Lahulpe, soit la rivière Lalasne ou du moins Rixensart ; ils furent encore déçus dans ces espérances.

Un arrêté du 30 avril 1852, accepté par la compagnie du Luxembourg, le fixe à un endroit beaucoup plus rapproché de Wavre. L'administration de cette ville réclama en vain pour que le point de départ fût plus éloigné, et la ligne, par conséquent, plus courte et plus directe. Ils furent obligés de se soumettre à cette disposition comme à une sorte de force majeure. Les avantages qu'ils devaient attendre de la ligne directe sont bien amoindris par ce tracé, mais enfin ils y trouvent encore un grand intérêt.

C'est dans notre séance du 19 novembre 1852 que M. le ministre des travaux publics fit connaître à la Chambre l'accord qui existait entre son département et la compagnie pour l'exécution de cette ligne qui doit partir de Profonsart.

J'ai appris que le tracé en avait été soumis à M. le ministre des travaux publics par la compagnie.

Les fonctionnaires que la chose concerne en ayant fait l'examen, j'espère que M. le ministre des travaux publics ne tardera pas à l'arrêter définitivement.

Une disposition de l'arrêté du 30 avril 1852 porte que la ligne directe de Bruxelles à Namur ne pourra être livrée à la circulation que pour autant que les sections de Bruxelles à Wavre et de Wavre à Namur le soient également.

Une autre disposition établit qu'il y aura au moins deux convois par jour :

1° De Bruxelles à Wavre ;

2° De Wavre à Bruxelles ;

5° De Wavre à Namur ;

4° De Namur à Wavre.

La ligne se trouvant exécutée en ce moment jusqu'à Gembloux, je pourrais invoquer l'arrêté du 30 avril pour demander qu'elle ne fût exploitée que lorsque la ligne directe par Wavre le sera également ; mais je ne veux pas aller jusque-là. Je prie seulement M. le ministre des travaux publics de veiller sérieusement à l'exécution immédiate de cette ligne, conformément aux obligations contractées par la compagnie, ce qui lui est d'autant plus facile qu'il dépend du gouvernement de refuser ou d'accorder la prorogation des délais déterminés pour l'achèvement du chemin de fer du Luxembourg.

J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien rassurer tous les intéressés en faisant à la Chambre une déclaration formelle qui ne permettra plus de mettre cette question en doute.

M. de La Coste. - Je désirerais que M. le ministre des travaux publics voulût bien donner quelques explications à la Chambre sur l'époque à laquelle il est permis d'espérer que le chemin de fer de Louvain à la Sambre sera terminé dans toutes ses parties et sera livré à la circulation.

Messieurs, j'attends beaucoup du zèle de la commission consultative (page 389) qui a été organisée et d'après sa composition, j'ai l'espoir qu'il n'en sera pas de cette commission comme de beaucoup d'autres, dont le zèle est d'abord fort vif, mais va ensuite se refroidissant. J'espère, au contraire, que le zèle de la nouvelle commission ne fera que croître et qu'il produira des résultats de plus en plus utiles.

Je me permettrai de lui signaler ici, ainsi qu'au ministre, une amélioration qui me semblerait avantageuse sous tous les rapports. Elle se rapporte aux convois de vitesse, aux trains express. Il y a plusieurs de ces trains express qui ne renferment qu'une sorte de voitures. Je pense que cela n'est pas sans inconvénient. L'institution de ces trains express, qui a donné lieu dans l'origine, à quelques discussions, me paraît cependant présenter des avantages. Il se fait une espèce de contrat entre l'administration et une classe de voyageurs. L'administration livre au voyageur plus de vitesse, et le voyageur, en échange, verse plus d'argent au trésor.

Mais, messieurs, que résulte-t-il de ce que ces convois se composent d'une seule classe de voitures ? D'abord, ce n'est pas toujours pour les voyageurs une affaire de choix que de prendre les trains express. Il y a des industriels qui ne sont pas riches et qui sont obligés par leurs affaires de prendre ces trains. Ils prendraient volontiers une seconde classe s'il y en avait.

Mais un autre inconvénient encore le fait sentir pour toutes les classes de voyageurs.

Aux Etats-Unis, dont les moeurs diffèrent des nôtres sous quelques rapports, il n'y a qu'une classe de voitures ; tout le monde prend les mêmes places. Cependant il se fait généralement dans ces pays une distinction ; les femmes ont d'ordinaire partout des places à part. Il en résulte qu'elles ne sont pas exposées aux mêmes inconvénients que dans notre pays.

Je pense qu'il n'y a personne dans cette Chambre qui verrait avec plaisir sa femme, s'il a le bonheur d'en avoir une, ou sa fille ou sa sœur ou sa mère entrer, dans une voiture où elle rencontrerait pour société la livrée d'un milord qui traverse le pays.

Eh bien, lorsqu'il n'y a qu'une classe de voitures, c'est ce qui peut arriver, c'est ce qui arrive.

Mon but n'est, certes, pas de rien dire de pénible pour une classe utile, et qui, comme toute autre, peut mériter l'estime ; mais enfin il se rencontrera qu'une voiture contienne toute la livrée d'un voyageur, son cocher, son valet de chambre, etc., et qu'une dame ne trouvera pas d'autre place que dans cette voiture, et, quelque peu aristocratiques que soient nos mœurs, elles n'admettent pas ces sortes de mélanges.

Je pense donc que chaque convoi de voyageurs devrait avoir deux classes de voitures, et si l'on craignait un déclassement je dirais : Faites une différence très légère entre les prix des deux catégories de voitures ; que la différence soit seulement telle que chacun trouve plus à sa convenance déplacer ses domestiques dans les voitures de deuxième classe. Alors une dame, une femme ne serait pas exposée à se trouver enfermée avec eux dans un compartiment dont elle ne peut sortir que lorsqu'elle est arrivée à sa destination, et eux-mêmes seront plus à l'aise.

J'ai écouté avec une attention très grande les observations de l'honorable M. Vermeire, quant à la magnifique influence des chemins de fer sur la prospérité publique et à la nécessité, d'en favoriser le développement par l'accroissement du matériel. Je conçois que ces observations soient goûtées dans les localités qui jouissent déjà des avantages du chemin de fer, mais il y a des parties du pays qui en sont entièrement privées.

Il existe des villes de deuxième ou du moins de troisième ordre qui se trouvent peut-être à 5 ou 6 lieues d'un chemin de fer. Je demande si la tendance de la Chambre et du ministère ne devrait pas être, avant tout, de faire cesser cette anomalie.

Dans l'origine, messieurs, qu'a-t-on voulu faire en établissant en Belgique un chemin de fer ? On a voulu d'abord par un motif plus politique encore qu'industriel, substituer une voie ferrée aux communications qui avaient lieu auparavant par les eaux intérieures de la Hollande. Cette idée s'est agrandie, chaque ville importante a voulu être reliée au chemin de fer, et nous avons été amenés ainsi à faire des sacrifices considérables, dont le poids se fera sentir plus tard.

Nous avons décrété un chemin de fer qui gravira les Ardennes et qui va arriver au fond du Luxembourg. Nous avons mis la Campine en communication avec le chemin de fer. Je dis qu'après avoir fait tous ces sacrifices, nous sommes obligés de faire davantage ; nous sommes tenus de faire en sorte que chaque partie du pays ait part aux bienfaits du chemin de fer.

Il ne faut pas qu'une seule ville de deuxième ou même de troisième ordre, formant le centre d'une population plus ou moins importante, reste en dehors du réseau national. Pour moi, c'est là un intérêt non moins pressant que d'augmenter encore les avantages des localités qui en sont déjà dotées.

Je m'associe aux vœux que l'on forme pour ces localités, mais je voudrais aussi que tout le monde s'associât au désir de faire jouir des avantages du chemin de fer ceux qui en sont encore privés. Je voudrais que, comme tout le pays en a supporté la charge, tout le pays leur dût également le développement de son industrie et de sa prospérité.

M. Malou. - Messieurs, j'ai présenté l'autre jour quelques observations sur le tracé des chemins de fer près de Wavre. Nos honorables collègues, qui représentent plus spécialement cette localité, invoquent le droit. Il y a ici divers intérêts en présence, et j'ai appris que ces intérêts vont réclamer auprès de la Chambre. La discussion sera plus opportune lorsque nous serons saisis des pétitions annoncées ; je ne m'arrête donc pas aujourd'hui à cette partie du débat.

Messieurs, quoique l'heure soit très avancée, je désire présenter à la Chambre quelques observations pratiques sur l'exploitation du chemin de fer.

En principe je crois que l'administration du chemin de fer par l'Etat sera d'autant plus parfaite que l'Etat, s'il m'est permis de parler ainsi, se fera plus compagnie, qu'il rapprochera davantage, pour le mode d'exploitation, son action de celle des compagnies, où l'intérêt privé agit avec intelligence et se débarrassera davantage des traditions et des nécessités administratives. Là se trouve véritablement l'amélioration de la gestion du chemin de fer de l'Etat.

Quelle est, messieurs, l'une des principales causes de l'infériorité du chemin de fer de l'Etat ? D'abord la responsabilité vis-à-vis de ceux qui usent du chemin de fer n'est ni aussi directe ni aussi complète, ni aussi instantanée.

Ainsi, un colis confié à une administration particulière éprouve, par la négligence d'un agent ou par un accident, une détérioration quelconque ; la responsabilité de l'entrepreneur de transports se traduit dans les compagnies en une réparation presque immédiate. Il ne faut pas se le dissimuler, c'est un très grand avantage pour les administrations particulières, et l'Etat ne rendra le chemin de fer vraiment utile et productif que lorsqu'il aura organisé son administration de telle sorte que celui qui aura subi un dommage obtienue une réparation non seulement complète, mais encore instantanée, sans devoir passer par une foule de formalités administratives, sans devoir perdre, par des délais interminables, parfois plus que la réparation ne vaut.

Ces difficultés et ces retards éloignent du chemin de fer de l'Etat beaucoup de transports qui seraient très productifs.

Je crois savoir qu'aujourd'hui encore tout le mouvement des fonds de l'Etat se fait par une administration particulière et que le produit de ce mouvement est de 35,000 à 40,000 fr. par an. Pourquoi l'Etat, dont le chemin de fer aboutit presque à tous les bureaux des agents de la Banque nationale, n'a-t-il pas su organiser son administration de telle sorte que cette recette, qui représente l'intérêt d'un million à 4 p. c. lui fût acquise.

Je demande ici encore que le gouvernement se rapproche de l'administration des compagnies, qu'il offre les mêmes garanties et surtout les mêmes tarifs pour le transport des valeurs. Si l'Etat établit des règles invariables dont il ne dévie en aucune circonstance, fatalement un grand nombre de transports de valeurs doivent lui échapper. Il faut qu'il combine le tarif du transport des valeurs de telle sorte que lui, Etat, ait au moins le bénéfice du transport de ses propres fonds.

Un autre moyen d'amélioration (et je tâcherai en le traitant en peu de mots, de ne pas tomber dans des redites, c'est la création d'un matériel plus complet, plus considérable.

Voyons, messieurs, à quel point nous en sommes aujourd'hui. Si je suis bien informé, l'Etat aura à payer, cette année, pour l'usage du matériel des compagnies particulières, une somme d'au moins 300,000 fr. (Interruption.)

J'entends dire 350,000 francs. Eh bien, cette somme représente l'intérêt à 5 p. c. de 7 millions, et vous la payez aux compagnies. Pourquoi ? Parce que vous avez un matériel insuffisant qui n'est pas même proportionné à celui des compagnies. S'il en était autrement, vous n'auriez pas à payer cette somme, parce que le matériel des compagnies vient sur vos lignes et que vous iriez sur les lignes des compagnies et le décompte se balancerait à peu de chose près. Vous empruntez le matériel des compagnies et vous n'en avez pas le bénéfice.

Je signalerai d'autres conséquences de l'insuffisance du matériel. L'honorable M. Rolin l'a dit souvent, lorsque, par exemple, les voies navigables sont interrompues, on est réduit aux moyens les plus misérables pour résister à toutes les demandes de matériel qui sont faites de toutes parts ; alors on loue des waggons à la journée, et quand ils sont chargés, on dit qu'on n'a pas de locomotives pour les transporter. Cela s'est vu notamment l'hiver dernier, et cela se verrait peut-être encore, si nos voies navigables étaient de nouveau interrompues.

Je demande que le gouvernement prenne à cet égard des mesures immédiates et efficaces.

M. le ministre des travaux publics nous a annoncé que si les établissements belges ne pouvaient pas fournir les locomotives nécessaires dans un délai aussi rapproché et dans des conditions aussi favorables pour le trésor que les établissements de l'étranger, il n'hésiterait pas à les commander à l'étranger.

Je lui dirai que si les établissements du pays ne peuvent pas fournir les locomotives en nombre suffisant dans un bref délai ; si par exemple elles ne peuvent en livrer que 5 ou 6, tandis qu'il en faut 50, je n'hésiterais pas pour ma part à les commander en Angleterre ; quand même il faudrait les payer plus cher on ferait une excellente opération, puisqu'en procurant au chemin de fer le plus tôt possible les locomotives dont il aurait besoin, vous pourriez l'exploiter d'une manière plus convenable et partant plus fructueuse pour le trésor public.

Messieurs, j'ai toujours été partisan des mesures qui maintenaient (page 390) pour nos grandes industries un système sagement protecteur ; mais dans les circonstances actuelles, personne n'aurait à se plaindre, si le gouvernement prenait à l'étranger le nombre de locomotives dont il a strictement besoin pour pouvoir exploiter convenablement le chemin de fer. En effet, cette nécessité toute temporaire résulterait de ce que les établissements indigènes sont engagés pour le maximum de ce qu'ils peuvent faire.

J'engage M. le ministre des travaux publics à bien examiner s'il faudrait, dans cette situation, s'arrêter même à une différence de prix, lorsque le temps est un moyen de regagner amplement cette différence.

Quant aux waggons de marchandises spécialement, de deux choses l’une : ou il faut que le gouvernement fasse ou qu'il laisse faire. Faire lui-même dans une mesure incomplète et interdire, soit l'intervention de compagnies qui créeraient immédiatement un matériel assez considérable, soit la circulation du matériel par les établissements intéressés, c'est mal comprendre la situation. En effet, que coûte un waggon et que peut-il produire dans l'hypothèse la plus défavorable ? Mon honorable ami M. Vermeire l'a fait comprendre tout à l'heure ; je reproduirai son calcul sous une autre forme.

J'estime le coût d'un waggon à 2,000 fr. en moyenne, je suppose que le waggon ne puisse être employé que pendant 100 jours de l'année et qu'on applique le tarif le plus bas ; je suppose, en outre, que vous deviez décompter chaque année 10 p. c. de la valeur du waggon, pour l'amortissement et pour l'entretien. Ces décomptes faits, le waggon vous produit encore 15 p. c. de ce qu'il coûte.

Ainsi deux points me paraissent établis : il y a nécessité de créer du matériel ; on peut, en le créant, avoir un intérêt de 15 p. c. au minimum.

Si ces faits sont exacts, le gouvernement serait inexcusable de ne pas créer du matériel ou de ne pas en laisser créer.

Je m'arrête un instant à l'une des causes qui rendent cette nécessité plus pressante.

C'est l'ouverture prochaine de chemins de fer qui vont exiger la sixième partie du matériel que l'exploitation du chemin de fer de l'Etat compose aujourd'hui ; je veux parler du chemin de fer de la Dendre et de la ligne directe de Bruxelles à Gand par Alost ; cette ligne doit être dotée d'un matériel proportionné à celui des lignes de l'Etat ; les constructions de matériel annoncées par M. le ministre des travaux publics ne font que maintenir l'état de choses tel qu'il existe aujourd'hui, en tenant compte de l'ouverture prochaine des chemins de fer dont j'ai parlé.

Il faut donc faire quelque chose de plus ; si vous ne faites que cela, vous vous trouverez dans une position plus fâcheuse, quand votre exploitation se sera étendue, vous vous trouverez en présence d'une plus grande insuffisance de moyens de transport, car le trafic augmente encore toujours.

Une des causes qui ont nui le plus à la popularité du chemin de fer, à part les erreurs et les tâtonnements inévitables dans les commencements, c'est le recours constant ; pour cette voie de communication, aux bons du trésor qui ne jouissent pas, il faut le dire, d'une très grande popularité dans cette Chambre ni dans le pays. Aujourd'hui on peut, d'après les faits que je viens d'indiquer, augmenter le matériel par l'intervention directe de l'Etat, sans recourir à des bons du trésor.

Selon moi, il y a deux moyens d'obtenir ce résultat, sans grever notre avenir financier. Que voyons-nous faire par des compagnies de France, d'Allemagne et même de Belgique ? Elles savent qu'il leur faut créer un capital, pour augmenter la valeur de l'instrument qui est dans leurs mains, elles savent que le placement sera productif, elles empruntent à court terme et elles amortissent au moyen d'une partie du produit de la valeur même qu'elles ont créée.

Ainsi je suppose que l'Etat emprunte 2 millions en obligations remboursables avec primes en 8 ou 10 années comme font les compagnies françaises. En laissant chaque année, les 15 p. c. payés, quelque chose de votre bénéfice, vous aurez amorti en très peu de temps votre emprunt et vous aurez évité de grever votre dette flottante, ou d'augmenter votre dette consolidée qui ne s'amortit qu'en 36 ans en absorbant dans le budget des voies et moyens le produit du chemin de fer. On pourrait avoir recours à ce moyen en trouvant une combinaison qui permette le contrôle de la cour des comptes. Dans un autre pays les compagnies l'emploient avec succès.

M. Frère-Orban. - Ce sont des bons du trésor à plusieurs années de date.

M. Malou. - Soit, à certains égards : mais ces bonsdu trésor ont, sur ceux qu'on a créés jusqu'à présent, un immense avantage, c'est de ne pas passer dans la dette constituée, de ne pas grever l'avenir financier d'une manière permanente, très onéreuse pour l'Etat, en appliquant aux dépenses générales le revenu produit. Sous ce rapport, le mode que j'indique me paraît présenter des avantages incontestables sur celui qu'on a pratiqué jusqu'à présent.

On a fait en Allemagne une autre combinaison. Un chemin de fer aux deux tiers construit, manquait de fonds pour être terminé ; on a délivré des bons de circulation sur le chemin de fer, et au moyen de ces bons on l'a achevé ; quand il a été achevé, on a remboursé les bons de circulation au moyen des produits de la ligne entière.

Je demanderai si le gouvernement ne pourrait pas aussi mettre des bons de circulation sur le chemin de fer ; il trouverait à cela un avantage réel, car il se procurerait, un capital sans intérêt dont l'amortissement se ferait facilement en quelques années. Une seule objection peut être faite ; on dira : C'est du papier-monnaie. Le papier-monnaie est une très mauvaise chose, parce qu'il n'est pas limité. Or cette objection peut-elle se présenter dans cette circonstance ? Par la destination du produit de l'émission, n'avez-vous pas la certitude que la quotité sera étroitement limitée d'après les besoins réels ?

Je me borne du reste à de simples indications en soumettant ces idées à l'examen du gouvernement et de mes honorables collègues : mes conclusions se réduisent à ceci : faites ou laissez faire le matériel nécessaire à l'exploitation. Pour laisser faire, il y a deux moyens : faire un contrat avec les compagnies en louant leur matériel à la journée ou garantir un minimum de parcours par année. Personnellement, je préfère que l'Etat complète lui-même le matériel, mais à la condition qu'il le fasse immédiatement, énergiquement.

Un autre moyen serait d'accorder aux établissements le droit de faire circuler à des conditions déterminées leur matériel sur le chemin de l'Etat, quand il s'agit de charbons, de verreries, de fer, de toutes les industries qui ont des transports réguliers ; si le gouvernement ne fait pas cela, qu'il se mette lui-même en mesure de tirer du chemin, de fer tout le bien que le pays est en droit d'en attendre.

Je soumets au gouvernement une dernière considération. Des compagnies se sont bien trouvées, dans d'autres pays ; de sous-traiter pour l'entretien d'une partie du matériel ; en d'autres termes, c'est l'application du principe de la division du travail. Si vous pouviez simplifier les grands ateliers de Malines en faisant des contrats avec les ateliers de construction du pays, vous y trouveriez le moyen de faire une notable économie, par conséquent, d’augementer le produit net du chemin de fer, la seule chose qui nos intéresse comme contribuables.

- Plusieurs voix. - A demain !

La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.