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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 8 février 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858

(page 223) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Crombez lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor présente l'analyse de pièces adressées à la Chambre.

« Les membres du conseil communal de Lanaeken prient la Chambre de voter un crédit pour aider la commune à couvrir les dépenses de construction de son école. »

M. Julliot. - Messieurs, cette pétition se rapporte au budget de l'intérieur, et à ce titre j'en demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion de ce budget.

Voici ce dont il s'agit : la législature a voté un crédit extraordinaire d'un million de francs pour construction d'écoles ; puis le gouvernement a engagé les communes à bâtir en leur promettant des subsides très efficaces. Les communes en grand nombre se sont mises à l'œuvre, et les premières arrivées ont été grassement subsidiées ; mais celles qui ont éprouvé des retards, indépendants de leur volonté, sont arrivées trop tard et ne reçoivent que peu de chose, alors que les promesses du gouvernement les ont engagées dans des dépenses considérables.

C'est ainsi que la commune de Lanaeken dont la présente pétition émane, a un déficit de 400 francs sur les dépenses obligatoires, en même temps qu'elle se trouve engagée dans une bâtisse d'école montant en dépense à 13,000 francs. Elle n'a reçu qu'un léger subside et est dans l'impossibilité d'achever l'œuvre commencée. Je me réserve donc de revenir sur cette pétition lors de la discussion du chapitre relatif à l'enseignement.

- La proposition de M. Julliot est adoptée.


« Le sieur Launois demande qu'il soit interdit d'imprimer sur des mouchoirs de poche le portrait du Roi ou d'un membre de la famille royale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des meuniers et huiliers à Cruyshautem demandent une réduction du droit de patente auquel ils sont assujettis. »

« Même demande de meuniers à Schrieck, Heyst, Tremeloo, Asper, Wonterghem, Oostcamp. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Charleroi demandent la création d'un tribunal de commerce dans cette ville. »

- Même renvoi.


« Le sieur Herremans, combattant de la révolution, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir des arriérés de pension. »

- Même renvoi.


« Des officiers combattants et blessés de 1830 prient la Chambre de voter au budget de l'intérieur le crédit nécessaire pour les faire jouir du bénéfice de la loi du 27 mai 1856. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le conseil communal de Lessines prie la Chambre de décréter la canalisation de la Dendre. »

« Même demande du conseil communal d'Ath. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des marchands, commerçants et cultivateurs à Mouscron prient la Chambre de donner cours légal à la monnaie d'or de France. »

« Même demandé de négociants et industriels à Ypres et Géronville. »

- Même renvoi.


« Le sieur Rose, cultivateur à la Hulpe, demande qu'il soit pris des mesures pour opérer la destruction des lapins dans la forêt de Soignes.

Même renvoi.


« Le sieur Vandendaele, milicien congédié pour infirmités, demande une pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur François Smets, soldat au régiment du génie, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Mathieu-Hubert-Joseph Bodart, demeurant à Bruxelles, né à Ruremonde (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Mossul demandent la réforme de la loi sur la milice dans le sens des enrôlements volontaires.

« Par 102 pétitions, des habitants de Buissonville, Anlier, Hevillers, Zele, Buzenal, Humain, la Gleize, Eelen, Ham-sur-Heure, Merxplas, Meyghem, Oostroosebeke, Sprimont, Vichte, Amougies, Lathuy, Pervyse, Messancy, Cambron, Casteau, Mazée, Stabroeck, Soiron, Mopertingen, Bombaye, Vodecée, Moulin de Rouette, Ferrières, Rienne, Vieux-Sart, Betecom, Ohey, Cornimont, Calmpthout, Fall-et-Mheer, Verviers, Yvoir, Limal, Longueville, Bourlers, Beauwelz, Saint-Géry, Furnes, Harquegnies, Westcappelle, Everbeke, Enghien, Nederboulaere, Zoerleparwys, My Cornesse, Vencimont, Dolembreux, Ogne, Gourdinne, Meire, Natoye, Gros-Fays, Parike, La Cuisine, Enneilles, Buvingen, Denée, Monlebant, Neerlanden, Feneur, Molenbeek, Wersbeek, Winghe-Saint-Georges, Saint-Pierre-sur-la-Digue, Perwez, Wacken, Fontaine-l'Evêque, Russeignies, Leers-et-Fosteau, Hennuyères, Bra, Mielen-sur-Aelst, Gheluwe, Schaltin, Halma, Frahan, Gourcy, Trembleur, Winxele, Floret-Bra, Gourcy, Bleid, Evere, Langdorp, Ben-Ahin, Erpion, Tourinne-Saint-Lambert, Battice, Cobbeghem, Messelbroeck, Grandville, Saint-Trond, les conseils communaux d'On, Vonéche, Denderleeuw, Vogenée et l'administration communale de Vieuxville font la même demande. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


(page 233) « Par pétition datée du 28 janvier 1858, des habitants de Sinay prient la Chambre de ne pas donner suite à la demande des marchands de charbons et propriétaires de bateaux qui a pour objet l'abolition du prix réduit auquel la houille est actuellement transportée à Zele et à Lokeren par le chemin de fer de Dendre-et-Waes. »

« Même demande d'habitants de Termonde, Beveren, Biervelde, Saffelaere, Seveneecken et Loochristi.

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


(page 223) « M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre les tableaux de l'emploi des fonds alloués pour l'instruction primaire pendant l'année 1856, tant par le gouvernement que par les provinces et les communes. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« M. le ministre adresse à la Chambre un état détaillé de l'emploi des subsides de toute nature alloués, pendant l'année 1855, aux établissements d'instruction moyenne, mentionnés dans la loi du 1er juin 1850. »

- Même décision.


« M. Chicora, chef de bureau à la division des mines du département des travaux publics, fait hommage de la première livraison d'un ouvrage ayant pour titre : Discussion de la loi du 1er mai 1857 sur les mines. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Dolez, obligé de s'absenter pour affaires, demande un congé de trois jours. »

- Accordé.


« M. Magherman, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Verhaegen, également retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi approuvant la convention relative au rachat du chemin de fer de Mons à Manage

Dépôt

Projets de loi portant règlement définitif des budgets des exercices 1844 à 1848

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) présente le projet de loi approuvant la convention conclue entre le gouvernement et la compagnie du chemin de fer de Mons à Manage pour le rachat de cette ligne, et cinq projets de lois portant règlement définitif des budgets des exercices 1844, 1845, 1846, 1847 et 1848.

M. le président. - Ces projets de loi seront imprimés et distribués ; comment la Chambre désire-t-elle qu'ils soient examinés ?

M. Vander Donckt. - La question du rachat du chemin de fer de Mons à Manage a déjà été examinée en sections et en section centrale ; je proposerai de renvoyer le projet à l'ancienne section centrale qui serait complétée et qui serait considérée comme commission spéciale.

M. le président. - Par suite de la dissolution, l'ancienne section centrale n'existe plus.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il me semble naturel que ce projet soit examiné par les sections. Quant aux projets relatifs aux budgets de 1844 à 1848, je proposerai de les renvoyer à la commission des finances.

M. Vander Donckt. - Je n'insiste pas.

- La Chambre décide que le projet relatif au chemin de fer de Mons à Manage sera examiné par les sections et les autres par la commission des finances.

Projet de loi relatif à certaines attributions consulaires

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Tesch) un projet de loi relatif aux attributions des consuls dans les pays hors la chrétienté en ce qui concerne les actes et contrats qui sont aujourd'hui du ministère des notaires.

- Impression, distribution et renvoi aux sections.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1858

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre de l’intérieur se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y a très peu d'amendements, Le rapport de la section centrale est en général très bienveillant, (page 224) j'en remercie les membres de la section centrale ; cependant je demande que la discussion s'établisse sur le projet du gouvernement.

M. H. Dumortier. - Messieurs, à l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur, je demanderai à M. le ministre s'il ne pense pas que le moment est arrivé de prendre quelques mesures pour améliorer la position des secrétaires communaux.

Je crois pouvoir me dispenser, messieurs, d'entrer dans de longues considérations pour prouver combien ces fonctionnaires rendent de services, non seulement aux communes, mais encore aux provinces et à l’Etat.

Chacun de nous sait que depuis 10, 15 ans, le travail des secrétaires communaux est plus que doublé.

Les objets d'un intérêt général, tels que les opérations de la milice, les opérations électorales à tous les degrés, la statistique et tant d’autres travaux qui ne sont pas d'un intérêt purement communal, entrent pour une large part dans cet accroissement de travail.

Or, qu'arrive-t-il, lorsque à leur tour les communes s'adressent aux fonctionnaires de la province ou de l’État pour un objet d'intérêt communal ? C'est que les communes doivent presque toujours payer le travail de ces agents.

Malgré l'accroissement de leur travail, le traitement de beaucoup de secrétaires communaux est resté fixé au taux où il se trouvait établi avant 1830.

Je désirerai donc savoir si M. le ministre de l'intérieur ne pense pas que le moment est venu de porter remède à cet état de choses, et eu quoi consistent les mesures que le gouvernement pourrait juger utile de proposer pour améliorer la position d'une classe nombreuse de fonctionnaires qui sont dignes à tant d'égards de la bienveillance du gouvernement et des chambres législatives.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'attendais, avant de demander la parole, que d'autres orateurs eussent soumis des observations générales. Si personne ne prend la parole, je répondrai à la question spéciale qui a été posée par l'honorable représentant de Courtrai.

L'attention du gouvernement a été appelée depuis longtemps sur la position des secrétaires communaux. Ces fonctionnaires utiles n'ignorent pas l'intérêt que leur porte le gouvernement.

Il y a évidemment quelque chose à faire pour cette catégorie de fonctionnaires. Il s'agit d'abord de réaliser un de leurs vœux très légitimes, vœu qui consiste à obtenir en leur faveur une caisse de retraite.

Déjà, en 1851 une enquête avait été faite à ce sujet. La plupart des provinces se montrèrent défavorables à la création d'une caisse de retraite à établir à l'instar de la caisse de retraite pour les instituteurs. Depuis lors, les opinions se sont modifiées ; l'assentiment des provinces en faveur de cette institution est acquis. Mais, messieurs, ne perdons pas de vue que pour arriver à la création de cette institution il y aurait des sacrifices à faire.

Des sacrifices sont d'abord réclamés du gouvernement : comme toujours le gouvernement dont quelquefois avec raison on condamne l'entraînement à s'immiscer dans des institutions privées est cependant invoqué toujours ; son intervention est proclamée indispensable pour certaines entreprises. On dit qu'il est juste que le gouvernement intervienne puisqu'il se sert des fonctionnaires dont il s'agit.

II y aurait donc intervention de l’État et par suite augmentation au budget ; on réclame en outre le concours de la province et celui de la commune auquel se joindrait le contingent à fournir par chacun des intéressés. Au moyen de ces quatre subsides, on parviendrait à fonder une caisse de retraite pour cette catégorie de fonctionnaires.

Beaucoup de secrétaires se plaignent de l'insuffisance de leur traitement, ils voudraient que la loi fixât le minimum du traitement auquel ils pourraient avoir droit ; pour satisfaire à cette demande il faudrait une loi.

Ce serait là une chose très importante pour les secrétaires communaux ; mais je dois dire que la position de tous les secrétaires communaux n'est pas la même ; s'il en est un certain nombre dont les traitements sont insuffisants, il en est d'autres qui, par le cumul de plusieurs fonctions, se font une position très bonne et très influente. Il faudrait à examiner si, en venant en aide à un certain nombre de ces fonctionnaires, il n'y aurait pas lieu de faire cesser le cumul des fonctions de secrétaire avec d'autres fonctions dans les mains du même employé. Ce sont là des questions à résoudre, quand on présentera un projet de loi en faveur des secrétaires communaux.

On a dit que ces fonctionnaires rendaient des services à l’État ; cela est vrai, mais ils ne sont pas fonctionnaires de l’État ; ils sont fonctionnaires communaux ; ils ont sur tous les autres fonctionnaires publics le privilège d'être en fait à peu près inamovibles, ils sont nommés par le conseil communal,, mais il est très rare qu'un secrétaire soit remplacé ou destitué par un conseil communal.

Cependant on sent qu'il y a quelque chose à faire à cet égard ; ces fonctionnaires exercent une grande influence ; ce sont eux qui règnent et gouvernent dans la commune ; doivent-ils être en fait complétement indépendants ?

Ces questions que j'indique, je ne les résous pas en ce moment. Nous sommes d'accord sur la nécessité, j'ajoute la possibilité de prendre des mesures, quant à cette catégorie si importante, si intéressante de fonctionnaires.

M. Rodenbach. - Si j'ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, il s'occupe, paraît-il, d'un projet en faveur des secrétaires communaux. S'il en est ainsi, je me permettrai d'appeler son attention sur une autre catégorie de fonctionnaires qui rendent également d'utiles services. Je veux parler des employés des commissariats d'arrondissement. La position de ces employés est d'autant plus digne d'intérêt qu'ils n'ont aucune espèce d'avenir en perspective. J'en dirai autant des secrétaires communaux.

Un fait avéré, c'est que lorsqu'ils sont devenus incapables de remplir leurs fonctions, soit par l'âge ou par les infirmités, ils n'ont même pat droit à obtenir une pension.

J'ai lu avec beaucoup d'attention les pétitions nombreuses qui nous ont été adressées depuis plusieurs années, tant par les secrétaires communaux que par les employés des commissariats d'arrondissement ; je les ai même chaleureusement soutenues dans cette enceinte : j'ai remarqué, messieurs, qu'ils ne se bornent pas à demander l'établissement de caisses de retraite, car il est des provinces, notamment la Flandre occidentale, où.il existe une institution de cette espèce ; mais ils sollicitent d'autres mesures dans lesquelles ils puissent trouver une véritable amélioration de position. Ces mesures sont d'autant plus vivement réclamées, que, parmi les employés dont je parle il en est dont le traitement est tellement minime qu'il leur serait absolument impossible, pour peu qu'ils aient femme et enfants, de subir la moindre retenue au profit d'une caisse de retraite.

Je sais bien que c'est aux communes qu'il appartient de pourvoir au traitement de leurs secrétaires ; mais ce dont ils se plaignent et à juste titre, c'est d'être chargés, non par les communes, mais par le gouvernement, de travaux considérables pour lesquels ils ne reçoivent aucune rétribution. Ainsi, il ne se passe pas de semaine sans que le gouvernement demande aux communes des renseignements statistiques, ou autres, que je ne sais comment qualifier, et qui ne sont d'aucune utilité pour la commune. Eh bien, messieurs, les secrétaires communaux ne reçoivent aucune rémunération de ce chef. Cependant, lorsque les employés des ministères travaillent extraordinairement, ils reçoivent une rémunération supplémentaire.

Pourquoi n'applique-t-on pas le même principe de justice aux employés communaux ?

Il est déplorable, messieurs, de voir que des fonctionnaires si utiles et qui, dans un grand nombre de petites communes, supportent pour ainsi dire seuls tout le fardeau, soient moins bien rétribués que la plupart des huissiers et des employés subalternes des ministères. Telle est cependant, messieurs, la position de ces fonctionnaires.

J'attire de nouveau l'attention de la Chambre et du gouvernement sur la pétition de ces employés, et forme des vœux pour que le gouvernement se hâte d'améliorer leur sort.

M. H. Dumortier. - Je remercie M. le ministre des bonnes dispositions qu'il a montrées pour améliorer la position des secrétaires communaux ; mais je lui dois un mot de réponse pour ce qui concerne la qualification qu'il a donnée au caractère des fonctions que remplissent les secrétaires communaux.

M. le ministre a dit qu'ils ne sont pas fonctionnaires de l’État, Là, messieurs, n'est pas la question. Il s'agit de savoir si l’État n'use et n'abuse peut-être même pas de leur travail pour exiger d'eux une besogne qui rigoureusement ne leur incombe pas. Je ferai remarquer à l'honorable ministre que les commissaires voyers ne sont pas non plus fonctionnaires de l’État ; ce qui n'empêche cependant pas M. le ministre de porter cette année à son budget une somme de 20,000 francs pour récompenser les services de ces agents.

Ce crédit nouveau me fait espérer que M. le ministre, conséquent avec le principe qu'il a appliqué à l'article 64 du budget m faveur des commissaires voyers, sera généreux lorsqu'il s'agira de déterminer l'intervention de l’État dans la caisse de retraite que nous espérons voir créer très prochainement en faveur des secrétaires communaux.

M. Vander Donckt. - Puisqu'il s'agit de prendre des mesures en faveur des secrétaires communaux, je tiens à soumettre également quelques réflexions à la Chambre. J'applaudis aux paroles bienveillantes de M. le ministre qui nous promet la solution prochaine de cette grave question.

Sans doute les secrétaires communaux sont des employés qui méritent toute l'attention et toute la bienveillance de la Chambre, surtout par suite du surcroît de besogne qui leur est imposé par le gouvernement. Il faut cependant ne pas perdre de vue que dans cette catégorie de fonctionnaires, il en est pour lesquels l'état de secrétaire communal n'est qu'un petit accessoire, et qui tout au plus emploient un ou deux jours par semaine au secrétariat. 11 faut donc distinguer, comme l'a très bien dit M. le ministre de l'intérieur, entre les fonctions et les charges qui leur incombent.

Puisque l'honorable M. Rodenbach a parlé des employés des commissaires d'arrondissement, j'indiquerai une autre catégorie de fonctionnaires, ce sont les commissaires de police dans les campagnes. Ceux-là sont aussi dignes de votre attention, ils remplissent des fonctions toutes gratuites ; ils représentent le ministère public auprès des tribunaux de paix et ils ne sont nullement indemnisés de ce chef.

(page 225) Après les secrétaires communaux, vous aurez aussi les receveurs communaux qui viendront vous demander une augmentation de traitement. Car c'est une série de fonctionnaires des plus mal rétribués L'honorable préopinant, député de Courtrai, vient de dire qu'il ose espérer que l'honorable ministre sera généreux.

C'est très bien d'être généreux ; mais il s'agit du trésor public, et quant à nous, nous ne pouvons être généreux, parce que les contribuables doivent alimenter le trésor.

Je ne m'oppose pas à ce qu'on prenne quelques mesures dans l'intérêt des secrétaires communaux, mais il y a beaucoup à faire d'autre part, et, quand il s'agira de prendre des mesures dans ce sens, je demande que M. le ministre de l'intérieur tienne compte du temps que les secrétaires communaux emploient et de l'importance relative du secrétariat. Il y a des secrétaires communaux qui remplissent ces fonctions auprès de six ou sept communes, et vous comprenez que ceux qui ne desservent qu'une petite commune de quelques centaines d'âmes, que ces hommes-là, s'il y avait un minimum de traitement à fixer, il faudrait avoir égard à l'importance de leur fonction et au travail dont ils sont chargés.

M. Savart. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire une seule observation. Il résulte d'un tableau des traitements des secrétaires communaux que j'ai sous les. yeux, que quelques secrétaires de communes de 200 âmes touchent 200 francs, tandis que des secrétaires de communes de 2,000,âmes ne touchent pas même 200 francs, de sorte que, relativement à la population, le traitement des uns est plus que décuple de celui des autres. Je sais bien que le gouvernement ne peut pas imposer la loi aux communes, mais je le prie d'examiner s'il n'y aurait pas moyen d'engager les communes à donner à leurs secrétaires des traitements en rapport avec l'étendue du territoire et le chiffre de la population.

M. de Decker. - Messieurs, ainsi que vient de vous le dire l'honorable ministre de l'intérieur, déjà depuis nombre d'années, les Chambres et le gouvernement ont été saisis de demandes formulées en laveur des secrétaires communaux.

Ces fonctionnaires se plaignent de l'insuffisance de leurs traitements et d'autres personnes qui se préoccupent de ces questions se plaignent de l'inégalité de ces traitements, ainsi que vient de le faire l'honorable M. Savart. Il y aura donc pour le gouvernement un travail à faire pour améliorer la position des secrétaires communaux.

Depuis longtemps le gouvernement s'est préoccupé de cet objet. L'honorable ministre de l'intérieur vient de le dire, déjà en 1851 une enquête eut lieu dans toutes les provinces. L'honorable M. Piercot s'est également occupé de la question et a soumis ses vues aux gouverneurs et aux députations permanentes. A mon tour, j'ai fait de cette catégorie de fonctionnaires l'objet d'une sollicitude toute spéciale.

Ainsi, à peiné arrivé aux affaires, j'ai compris, après examen des réclamations des secrétaires communaux, que le meilleur moyen d'améliorer leur position ce serait d'établir en leur faveur une caisse de retraite. En effet, toucher à leur traitement même, ce serait d'une difficulté extrême. D'abord il faut respecter l'indépendance des autorités communales, les meilleurs juges des services rendus par les secrétaires, les meilleurs juges aussi de la manière dont il convient de rétribuer ces services.

D'autre part, s'engager, pour les services plus généraux rendus par les secrétaires communaux, à leur accorder un supplément de traitement, ce serait s'engager dans une voie qui pourrait conduire à de très grands sacrifices pour l’État.

Il me semblait donc qu'il n'y avait qu'un moyen pour le gouvernement de venir en aide à ces fonctionnaires, tout en respectant l'autorité communale, c'était de chercher à organiser en leur faveur une caisse centrale de retraite, en faveur des secrétaires communaux et d'étendre ainsi à cette catégorie d'employés les bienfaits des institutions de prévoyance qui existent aujourd'hui pour la plupart des catégories de fonctionnaires. En conséquence, j'eus l'honneur de soumettre un avant-projet d'organisation d'une caisse de retraite à tous les conseils provinciaux dans leur session de 1855. La plupart d'entre eux examinèrent ce projet et y adhérèrent, à charge de faire examiner ultérieurement par les députations permanentes les détails de cette organisation.

Je procédai immédiatement à la nomination d'une commission composée des personnes les plus compétentes. Cette commission fit son rapport et formula un projet de statuts pour cette caisse. Ce travail remarquable fut communiquée par moi à toutes les députations permanentes. Ces collèges adressèrent au gouvernement leurs observations en général favorables, quelques-unes critiques. La commission instituée au ministère de l'intérieur se réunit de nouveau pour examiner les observations des députations permanentes et des gouverneurs et, dans un deuxième rapport, la commission s'attacha à détruire les objections faites. La solution de la question en était arrivée là et j'avais cru pouvoir m'arrêter à un plan d'organisation de cette caisse de retraite. Cependant je n'avais pas encore voulu y donner de la publicité ; je tenais à examiner encore certaines objections soit financières, soit mêmes politiques, présentées par quelques députations permanentes contre le projet d'organisation.

J'espère que M. le ministre de l'intérieur, qui a montré une première fois sa sollicitude pour les secrétaires communaux, pourra, d'ici à quelque temps, donner suite au travail qui avait été préparé dans les bureaux.

Du reste, ij ne faut pas croire, messieurs, que le sacrifice à exiger du trésor public serait bien considérable. Le gouvernement, que l'honorable M. Vander Donckt craint de voir trop généreux, n'interviendrait annuellement que pour 15,000 fr. dans cette caisse de retraite destinée à stimuler le zèle et à récompenser le dévouement de fonctionnaires dont l'importance est appréciée par tout le monde.

- La discussion générale est close. On passe à la discussion des articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 4

« Art. 1er. Personnel. Traitement du ministre: fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Personnel. Traitements, des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 214,550. »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, éclairage et chauffage, menues dépenses et loyer d'une succursale de l'hôtel des bureaux : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais de déplacement. Frais de route et de séjour, courriers extraordinaires : fr 4,300. »

- Adopté.

Chapitre II. Pensions et secours

Articles 5 et 6

« Art. 5. Pensions. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Secours à d'anciens employés belges aux Indes ou à leurs veuves ; charge extraordinaire : fr. 5,000. »

- Adopté.

Article 7

« Art. 7. Secours à d'anciens fonctionnaires et employés ou à leurs veuves, qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 7,000. »

M. le président. - La section centrale propose une augmentation de 3,000 francs demandée par le gouvernement, et modifie le libellé de la manière suivante :

« Secours à des employés, à des veuves d'employés ou enfants d'employés, qui, n'ayant pas de droits à la pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : charges ordinaires et permanentes : fr. 10,000. »

M. A. Vandenpeereboom, rapporteur. - M. le président, je crois qu'il y a une erreur ; il faut dire : « Secours à d'anciens fonctionnaires et employés, veuves ou enfants d'employés », le reste comme dans le texte dont vous venez de donner lecture.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le gouvernement a proposé à cet article une augmentation de 3,000 francs. Je dois rendre compte à la Chambre des motifs qui m'ont déterminé à faire cette proposition.

Il s'agit de la veuve du bourgmestre d'une de nos communes rurales qui exerçait en même temps les fonctions de médecin. On s'occupait dans la commune de l'approfondissement d'une ancienne bure qu'on voulait transformer en puits. Un ouvrier y étant tombé, un de ses camarades y descendit après s'être fait attacher une corde autour du corps ; mais malheureusement on ne put retirer ni l'un ni l'autre.

Le bourgmestre qui se trouvait sur les lieux, fit un vain appel à tous les assistants ; tous prirent la fuite, rendus insensibles en quelque sorte à la vue du danger. Le bourgmestre posa alors un acte qu'on peut sans exagération qualifier d'héroïque ; il se fit descendre lui-même dans la bure et il eut le malheur de succomber avec les deux ouvriers.

De pareils actes peuvent être assez signalés à la reconnaissance, je dirai à l'admiration publique.

Précisément parce que de pareils actes se sont passés sur un petit théâtre, loin d'une grande ville, loin des yeux de la foule, de cette foule qui elle-même souvent stimule au dévouement, de pareils actes ne sont à mes yeux, que plus respectables et plus glorieux. (Marques générales, d'adhésion.)

C'eût été un acte à récompenser, et le gouvernement serait heureux (page 226) d'avoir à récompenser, dans la personne de celui qui l'avait posé, de pareils actes de courage et d'abnégation ; c'eût été un acte à récompenser par une distinction honorifique, La distinction honorifique que le gouvernement n'a pas eu l'occasion de décerner à un pareil dévouement, nous voulons au moins l'accorder en quelque sorte à la mémoire de ce magistrat héroïque.

C'est pourquoi nous demandons à la Chambre de mettre M. le ministre de l'intérieur en position de venir au moins en aide à la veuve si malheureuse de ce fonctionnaire si digne de servir d'exemple : voilà un des motifs qui m'ont engagé à demander une augmentation de 3,000 fr. à l'article qui est en discussion.

M. B. Dumortier. - Messieurs, je m'associe complétement aux paroles par lesquelles M. le ministre de l'intérieur a qualifié l'acte qu'il vient de signaler. Mais je me demande si c'est bien dans le budget de l'intérieur qu'il faut voter une pension pour la veuve d'un bourgmestre.

L'article en discussion concerne les employés et les veuves des employés de l’État. Or, les bourgmestres ne sont pas des employés de l’État ; leurs traitements ne sont pas payés par l’État.

Pour mon compte, tout en étant disposé à voter une pension par une loi spéciale, je regarderais comme un abus de prélever sur l'article dont il s'agit un subside annuel en faveur de la veuve d'un bourgmestre. Cet article concerne les employés de l’État et leurs veuves. Laissons-lui cette destination. Je crains que si nous agissons autrement, nous ne posions aujourd'hui un précédent qui pourra nous mener excessivement loin plus tard. _,

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le chiffre proposé est très modeste. Il n'est pas à craindre qu'il prenne un grand accroissement, surtout s'il est appliqué uniquement aux actes de la nature de celui que j'ai eu l'honneur de signaler à la Chambre.

En fait, le crédit dont il s'agit a été appliqué à des fonctionnaires de toute catégorie. J'ai sous les yeux l'état de ces fonctionnaires. A côté d'employés de l’État, je vois figurer des fonctionnaires provinciaux et des fonctionnaires communaux.

Parmi ces derniers se trouve un ancien bourgmestre ; un autre a été huissier dans un gouvernement provincial, plus loin il y a la veuve d'un commissaire de police. Ainsi, toutes les catégories d'employés s'y trouvent. D'ailleurs, si le gouvernement allait trop loin dans cette voie, la Chambre serait là pour l'arrêter ; elle vote annuellement le budget.

M. B. Dumortier. - Messieurs, puisqu'il n'y a pas d'innovation, mon observation tombe.

- L'article 7, avec le chiffre de 10,000 fr. demandé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Chapitre III. Statistique générale

Articles 8 et 9

« Art. 8. Frais de la commission centrale de statistique et des commissions provinciales. Jetons de présence et frais de bureau : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Frais de rédaction et de publication des travaux du bureau de statistique générale, de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 5,300. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

Articles 10 à 12 (province d’Anvers)

« Art. 10. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,500. »

- Adopté.


« Art. 11. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000. »

- Adopté.


« Art. 12. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,300. »

- Adopté.

Articles 13 à 15 (province de Brabant)

« Art. 13. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 14. Traitement des employés et gens de service : fr. 59,000. »

- Adopté.


« Art. 15. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,700. »

- Adopté.

Articles 16 à 18 (province de Flandre occidentale)

« Art. 16. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 17. Traitement des employés et gens de service : fr. 48,000.

« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 18. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,250. »

- Adopté.

Articles 19 à 21 (province de Flandre orientale)

« Art. 19. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 20. Traitement des employés et gens de service : fr. 52,000.

« Charge extraordinaire : fr. 3,150. »

- Adopté.


« Art. 21. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,500. »

--Adopté.

Articles 22 à 24 (province de Hainaut

« Art. 22. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 23. Traitement des employés et gens de service. : fr. 59,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,950. »

- Adopté.

Articles 25 à 27 (province de Liége)

« Art. 25. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 26. Traitement des employés et gens de service : fr. 51,000. »

- Adopté.


« Art. 27. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,690. »

- Adopté.

Articles 28 à 30 (province de Limbourg)

« Art. 28. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 29. Traitement des employés et gens de service : fr. 39,000. »

- Adopté.


« Art. 30. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 12,497. »

- Adopté.

Articles 31 à 33 (province de Luxembourg)

« Art. 31. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 32. Traitement des employés et gens de service : fr. 39,000. »

- Adopté.


« Art. 33. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,200. »

- Adopté.

Articles 34 à 36 (province de Namur)

« Art. 34. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


(page 227) « Art. 35. Traitement des employés et gens de service : fr. 42,000. »

- Adopté.


« Art. 36. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 14,700. »

- Adopté.

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Chapitre V. Frais de l’administration dans les arrondissements

Articles 37 et 38

« Art. 37. Traitement des commissaires d'arrondissement ; charge ordinaire : fr. 171,750.

« Charge extraordinaire : fr. 765. »

M. le président. - Un amendement a été proposé par MM. Moreau, de Moor, de Bronckart, Lesoinne, Grosfils qui consiste à augmenter l'article 37 de 2,400 fr. et l'article 38 de 1,600 fr. Le chiffre de l'article 37, dépense ordinaire, serait porté à 174,250 et le chiffre de l'art. 38 à 88,850 fr.

M. Moreau. - Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'augmenter de 4,000 francs les articles 37 et 38 du budget de l'intérieur relatifs aux traitements des commissaires d'arrondissement et aux émoluments pour frais de bureau de ces fonctionnaires.

D'après cette proposition, le chiffre de l'article 37 serait majoré de 2,400 francs et celui de l'article 38 de 1,600 francs

Il me sera facile, messieurs, de justifier ces amendements, en peu de mots.

Vous avez vu, messieurs, que dans le projet de budget, M. le ministre de l'intérieur propose d'augmenter ces mêmes articles de 11,000 fr., afin de faire passer tous les commissaires d'arrondissement de quatrième classe à la troisième. La section centrale, en admettant cette proposition, fait remarquer avec raison qu'en présence de l'amélioration de position faite aux commissaires d'arrondissement de la quatrième classe qui vont passer à la troisième, il serait juste de s'occuper également de cette dernière catégorie de fonctionnaires.

Eh bien, messieurs, le but de mes amendements est de traduire en chiffres l'observation de la section centrale. Il y aurait en effet injustice patente à laisser quelques commissaires d'arrondissement dans la troisème classe, à les ranger encore aujourd'hui dans la même catégorie que ceux de la quatrième classe dont la position va être sensiblement améliorée ; et d'après des renseignements que j'ai tout lieu de croire exacts, l'augmentation minime de 4,000 fr. que je sollicite serait suffisante pour faire droit à des réclamations les plus justes, les plus fondées.

Je puis, messieurs, vous citer à l'appui de ce que j'avance le commissariat de Verviers, parce qu'il est celui sur lequel je puis le mieux vous donner des renseignements positifs.

En 1847 le commissaire actuel de Verviers était rangé dans la deuxième classe et par conséquent touchait pour traitement et émolument 8,424 fr. 20 c ; en 1848 le canton de Stavelot fut annexé à ce ressort sans augmentation d'émolument.

Et en 1849, par suite des circonstances dans lesquelles le pays se trouvait, ce commissariat fut reporté à la troisième classe, de manière que ce même fonctionnaire qui avait en 1847 8,424 fr. 20 cent, ne touche plus maintenant que 7,000 fr. ; or je vous le demande, messieurs, n’est-il pas de toute justice de le rétablir à peu près dans sa position primitive, alors que les circonstances extraordinaires qui ont fait prendre à son égard une disposition exceptionnelle et exorbitante ont cessé, alors surtout que vous allez améliorer le sort de 11 commissaires d'arrondissement qui n'ont pas de position antérieurement acquise à réclamer ?

D'un autre côté il est inutile, je pense, messieurs, de vous faire remarquer que le commissariat de Verviers est un des plus importants du royaume, un de ceux qui donnent le plus de besogne.

Certes, lorsque, dans un arrondissement, les budgets communaux s'élèvent à la somme énorme de 1,277,255 fr. ; lorsqu'il y a 1,880 électeurs généraux, non compris ceux des villes ; que les terrains appartenant aux communes ont une étendue de 18,900 hectares ; qu'il existe dans ce ressort 4 communes à octrois, 3 villes, non compris Spa, 3 écoles moyennes de l’État, 1 collège patroné et 9 hospices dirigés par l'autorité administrative, on ne peut méconnaître qu'il n'y ait souvent de nombreuses affaires à surveiller, à instruire et à traiter.

Enfin, messsieurs, vous parlerai-je de la cherté des loyers et de la vie à Verviers, ville dont la population compte plus de 27,000 âmes ?

Tout le monde sait combien, dans cette localité industrielle, il en coûte pour vivre, non pas somptueusement, mais d'une manière honorable, combien même des jeunes gens aptes à être commis sont exigeant. Du reste, messieurs, la législation l'a déjà reconnu : en portant successivement de la quatrième classe dans laquelle était rangé le tribunal de Verviers lors de sa création, à la deuxième classe.

Ainsi, je ne demande pour le commissariat de Verviers que son rétablissement dans sa position primitive dans une position analogue à celle dans laquelle est placé le tribunal qui siège dans cette ville.

Maintenant, messieurs, les indications que je vous donne pour le commissariat de Verviers sont à peu près les mêmes pour quelques autres dont les titulaires se plaignent avec raison de leur position. On ne peut guère non plus laisser dans la troisième classe, qui sera aujourd'hui la dernière, l'arrondissement de Neufchâteau dont le ressort est extrêmement étendu.

En résumé je crois donc, messieurs, réaliser la pensée de la section centrale et celle du gouvernement en vous proposant les amendements dont il s'agit ; aussi je ne doute nullement que vous ne les accueilliez favorablement.

M. de Terbecq. - Je viens appuyer la proposition du gouvernement de fusionner la quatrième classe des commissariats d'arrondissement dans la troisième.

Cette mesure, qui a eu l'assentiment de la section centrale, me paraît rationnelle et équitable à tous égards ; elle ne portera d'ailleurs qu'une augmentation de onze mille francs au budget du département de l'intérieur.

Je saisis cette occasion, messieurs, pour prier M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien faire en sorte qu'au budget pour 1859, il puisse être fait droit aux justes réclamations qu'ont fait valoir depuis longtemps les employés des commissariats d'arrondissement. La section centrale vient de reconnaître par son rapport sur le budget du présent exercice, que la situation de ces employés est précaire sous tous les rapports, et de son côté le gouvernement, par l'enquête qui a été faite en 1856, semble avoir compris qu'il est de toute équité de leur donner une position convenable et de leur assurer des garanties pour l'avenir.

Les employés des commissariats, qui certainement rendent d'importants services, se trouvent dans une position tout exceptionnelle.

En effet, en vertu de l'article 53 de la loi communale du 30 mars 1836, ils ne peuvent exercer ni les fonctions de secrétaire ni celles de receveur communal, et l’article 48 de la même loi leur interdit même de faire partie des conseils communaux, comme l'article 40 de la loi provinciale les exclut des conseils provinciaux.

Les lois prononcent contre eux des exclusions, comme s'ils étaient des fonctionnaires publics, et cependant, messieurs, jusqu'ici ils ne sont que des commis choisis et nommés par les commissaires qui les emploient, rétribués et renvoyés par eux à leur volonté, ne pouvant réclamer de l’État ni de la province aucun des droits accordés aux employés de l'administration générale ou provinciale ; une telle position est injustifiable.

On ne peut pas le méconnaître, les employés des commissariats rendent, comme les employés des gouvernements provinciaux, des services publics ; les uns comme les autres concourent, chacun dans sa sphère, à l'action administrative, avec cette différence, comme de juste, qu'aux gouvernements des provinces le travail, bien plus étendu, est divisé et subdivisé, tandis qu'aux commissariats tout le travail est concentré dans un seul bureau ; et ainsi les employés des commissariats doivent être au fait de toutes les branches si multiples de l'administration, pour aider les commissaires d'arrondissements à instruire les affaires

Je forme donc des vœux, messieurs, pour voir au plus tôt régulariser leur position et améliorer sur le sort en général.

M. Coomans. - Je ne voeraitl aucune augmentation d'appointements pour les fonctionnaires supérieurs aussi longtemps que des milliers d'employés inférieurs, qui ne reçoivent par le strict nécessaire, ne verront pas leur sort amélioré. J'ajouterai un mot : c'est que je trouve étrange, déplorable qu'en augmente sans cesse les dépenses publiques alors que la nation exige des économies.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le budget que la Chambre discute n'est pas l'œuvre du cabinet actuel.

M. Coomans. - Cela m'est égal.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je le sais ; ce que j'en dit du reste n’est pas pour le blâmer, je l’ai fait mien. Je l’ai déposé tel qu’il avait été préparé par mon honorable collègue. Je crois qu’il y a des raisons pour proposer l’augmentation que nous demandons. J’ai manifesté l'intention d'améliorer la position d'autres commissaires d'arrondissement qui ont également droit à la bienveillance et à la justice de l’État.

Il faut, dit-on, avant d'augmenter le traitement des fonctionnaires supérieurs, venir en aide aux fonctionnaires inférieurs ; je crois qu'il faut améliorer la position de tous ; mais quand on a reconnu que des fonctions ne sont pas en rapport avec la position qui est faite au fonctionnaire, qu'il s'appelle commissaire d'arrondissement, gouverneur ou ministre, il a droit à la bienveillance des Chambres aussi bien que les fonctionnaires inférieurs.

Maintenant il est reconnu par tout le monde que les commissaires d'arrondissement, classe de fonctionnaires très utiles et très occupés, ont un traitement insuffisant pour leur position. Si cela continue, il viendra un temps où bien qu'aux termes de la Constitution, tous les Belges soient déclarés admissibles à tous les emplois, certaines fonctions n'appartiendront plus qu'aux Belges qui posséderont une fortune leur permettant de combler l'insuffisance du traitement.

M. de Mérode. - Il faudra le doubler !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Non le doubler, mais l'augmenter dans une certaine proportion. C'est ce qu'a compris l'honorable M. de Decker. En 1848, époque d'économies forcées, les commissaires d'arrondissement ont subi la loi commune, ont éprouvé une réduction de traitement ; nous cherchons à leur rendre la position que les circonstances leur avaient fait perdre. Après dix ans, on ne peut pas nous accuser de trop de précipitation.

(page 228) J'appuierai aussi la proposition qui vient d’être faite par plusieurs honorables collègues qui «endraient à faire passer quelques commissaires d'arrondissement de la troisième classe dans la seconde. Il y a des commissaires de la troisième classe qui sont réduits dans des villes importantes à une position incompatible avec la dignité de leurs fonctions. Quand toutes les fortunes s'accroissent autour d'eux, quand le luxe augmente, quand le prix des loyers s'élève et que toutes les dépenses de la vie deviennent de plus en plus considérables, ces fonctionnaires dont le traitement est resté le même sont relégués dans les rangs très secondaires de la société. Cette position n'est pas digne, il n'est pas juste que l’État les y laisse. Au moyen de l'augmentation proposée par les honorables membres, il sera possible de faire droit à plusieurs réclamations que j'ai reconnues très fondées. Mon intention était de proposer cette augmentation au budgat prochain ; si la Chambre veut être juste et bienveillante, elle l'adoptera dès aujourd'hui.

Je ne dissimule pas que mon intention est de ramener les commissaires d'arrondissement à la position de 1848. De même qu'ils ont compris alors la nécessité de subir une réduction de traitement, et il convient que le dommage qu'ils ont supporté avec patriotisme soit successivement réparé. Il n'en coûtera pas une somme considérable au trésor. J'appuie donc la proposition de nos honorables collègues.

On a parlé d'une autre catégorie de fonctionnaires, mais ceux-là ne sont pas des employés de l’État ; ils sont payés par les commissaires d'arrondissement ; si on veut aider à l'amélioration de la position de ces employés, il faut améliorer la position de ceux qui les payent, car si le commissaire trouve à peine dans son traitement les moyens de vivre honorablement, comment voulez-vous qu'il rétribue convenablement les employés qui doivent l'aider dans ses travaux ? Cela est tout à fait impossible.

On demande pour ces employés un changement de position ; je crois que l'administration ne pourrait qu'y gagner. On voudrait que les employés des commissariats d'arrondissement, qui ne sont aujourd'hui que des gagistes, pris et renvoyés au gré des commissaires d'arrondissement et, pour la plupart, assez mal rétribués ; on voudrait qu'ils devinssent fonctionnaires de l’État, et qu'ils fussent placés sur la même ligne que les fonctionnaires et employés des gouvernements provinciaux. Ce serait, je crois, une véritable amélioration au point de vue administratif ; s'ils étaient, comme les fonctionnaires de l’État, nommées par arrêtés royaux et s'ils avaient un traitement fixé par des règlements, leur position gagnerait en indépendance, en dignité et surtout en sécurité.

Pour introduire cette amélioration il y aurait, d'après des calculs faits par mon honnorable prédécesseur, une augmentation de dépense d'environ 58,000 francs à proposer au budget.

L'honorable M. de Decker avait aussi porté sa sollicitude sur cette catégorie de fonctionnaires ; il avait ouvert une enquête dans les provinces et fit préparer en quelque sorte les mesures que j'ai publiées dans les documents à l'appui du budget.

Aux documents relatifs à cette enquête on a même joint un projet de règlement organique préparé par l'honorable M. de Decker ; mais lui-même n'avait pas cru pouvoir comprendre l'augmentation de dépense au budget actuel. Nous verrons, en examinant le budget de l'année prochaine, s'il y a lieu de venir en aide à cette catégorie de fonctionnaires et de proposer une augmentation de crédit en leur faveur. Pour le moment je ne demande rien pour eux ; je me borne à signaler leur position et je répète que si l'on veut en venir à améliorer leur position, il faut commencer par améliorer la position de ceux qui les payent.

M. de Moor. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu l'honorable M. Coomans défendre les intérêts des petits employés. Toujours, en toute occasion, je me suis trouvé à côté de l'honorable membre pour défendre ces intérêts, mais je ne puis pas admettre qu'il ne soit pas opportun autant que juste de défendre également les intérêts de toutes les autres catégories de fonctionnaires dont les traitements sont notoirement trop faibles. Le moment viendra, je pense, où l'on reconnaîtra qu'en général les traitements des fonctionnaires publics sont de beaucoup insuffisants en Belgique.

Maintenant, quant à l'amendement déposé par l'honorable M. Moreau et que j'ai eu l'honneur de signer avec lui, je présenterai également quelques observations à la Chambre. Depuis la mise en vigueur de la loi du 25 mars 1847, bon nombre de commissaires d'arrondissement dans le Luxembourg ont eu leur besogne doublée. Nous ne répandons pas jusqu'ici dans le Luxembourg ces voies ferrées qui traversent toutes les provinces dans presque tous les sens et qui rendent les voyages si faciles et si peu coûteux aux fonctionnaires. D'un autre côté nos commissaires d'arrondissement ont certaines attributions qui exigent un travail considérable ; ainsi, par exemple la question des défrichements, l'administration des biens communaux, l’exercice des droits d'usage et d'affouage nécessitent de la part de ces fonctionnaires des déplacements nombreux et nn travail de cabinet assidu.

Je crois donc, messieurs, surtout après les considérations qu'ont fait valoir M. le ministre de l'intérieur et l'honorable M. Moreau en faveur de l'augmentation, je crois ne pas devoir insister davantage.

C'est moi, messieurs, qui, dans ma section, ai eu l'honneur d'appeler l'attention du gouvernement sur le changement de classification des commissaires d'arrondissement. J'ai fait remarquer que ceux de ces fonctionnaires qui ont 20 et même 25 années de services ne seraient guère encouragés en voyant des commissaires d'arrondissement de quatrième classe, tout jeunes et tout nouvellement entrés dans l'administration, se trouver placés pécuniairement au même niveau qu'eux.

L'amendement que nous avons signé obvie en quelque sorte à une lacune ; j'espère que la Chambre l'adoptera et qu'elle ne se refusera pas à poser cet acte de justice envers des fonctionnaires qui depuis longtemps se consacrent avec un véritable dévouement à la chose publique.

Puisque j'ai la parole, qu'il me sort permis d'appeler l'attention du gouvernement sur ce fait, que chaque année une discussion s'engage sur la classification des commissariats d'arrondissement. Mieux vaudrait, selon moi, modifier ce système et classer les commissaires au lieu de classer, comme on le fait, les commissariats. De cette façon on attacherait les bénéfices et les avantages de la classe au fonctionnaire qui y appartient ; tandis que maintenant ils sont attachés à la résidence. Ainsi, au département des finances, dans l'administration des contributions et dans celle de l'enregistrement, il y a des contrôleurs, des vérificateurs et des inspecteurs de première, de deuxième et de troisième classe ; mais il n'y a point de contrôle, de vérification et d'inspection de première, de deuxième et de troisième classe ; et quand un fonctionnaire de l'une ou de l'autre de ces administration obtient de l'avancement, il l'obtient sans changer de résidence. Je crois que ce système pourrait être très utilement appliqué aux commissaires d'arrondissement ; car il n'y a guère de mutations dans le personnel des commissariats d'arrondissement ; il en est même dont les titulaires restent dans la même localité jusqu'à la fin de leur carrière administrative. C'est un point sur lequel je crois pouvoir appeler la bienveillante attention du gouvernement. Je suis heureux d'apprendre que M. le ministre de l'intérieur ne perdra pas de vue la position précaire des employés des commissaires d'arrondissement. Je désire, pour ma part, que des propositions soient faites au prochain budget. Le gouvernement posera un acte de justice et de bonne administration.

M. de Decker. - Le budget qui est actuellement en discussion a été, en effet, élaboré par moi avant mon départ du ministère. J'en accepte très volontiers la responsabilité, parce que je puis donner à la Chambre et au pays l'assurance que le gouvernement a établi le chiffre de chaque allocation d'après les besoins rigoureux du service.

Mon honorable collègue et ami, M. Coomans s'étonne, en la regrettant, de l'augmentation croissante du budget de l'intérieur, et ces regrets sont partagés par plus d'un membre de cette Chambre. M. le ministre de l'intérieur actuel n'a-t-il pas, lui-même, l'année dernière, signalé au gouvernement cette progression dans les dépenses ? Ce reproche, je dois le dire en passant, était plus surprenant de sa part que de celle de l'honorable M. Coomans, car l'honorable M. Rogier devait parfaitement savoir comment et par quelles circonstances cette augmentation a été fatalement amenée.

Je suis, du reste, heureux qu'on me fournisse l'occasion d'expliquer en deux mots les causes de cette augmentation ; il est bon que le pays les connaisse. Depuis dix ans (c'est le terme de comparaison qui a été adopté l'année dernière par l'honorable M. Rogier), depuis 1847 jusqu'en 1857, il y a eu une augmentation de plus d'un million. Eh bien, je puis prouver que, par suite de votes législatifs et de l'organisation de services nouveaux, il y a eu fait une augmentation normale d'un million et demi ; de sorte qu'il a fallu opérer des économies à concurrence d'un demi-million pour n'avoir qu'une augmentation définitive d'un million.

Ainsi, pour le personnel de l'administration centrale, l'année dernière la Chambre, par un vote qu'elle ne doit pas regretter et qui lui fait honneur, a mis une certaine somme à la disposition du gouvernement pour améliorer la position des employés dont le traitement ne s'élevait pas à 1,600 francs. Il y a eu de ce chef, pour le budget de l'intérieur, une augmentation de dépense de 46,000 francs.

L'année dernière encore, pour réorganiser le personnel des bureaux des administrations provinciales, la Chambre a voté une augmentation de 62,000 francs.

Pour la voirie vicinale, en 1847 vous n'aviez que 300,000 francs ; aujourd'hui le chiffre est de 700,000 francs ; il y a donc de ce chef encore une augmentation annuelle de 400,000 francs.

Mais c'est surtout pour l'enseignement, messieurs, que les dépenses de l’État se sont notablement accrues ; et ici encore, nous devons le dire, il n'y a pas lieu de regretter une pareille augmentation, parce que c'est là évidemment aux yeux de tout le monde un des besoins les plus incontestables d'une nation civilisée.

Pour l'enseignement supérieur, en 1847 il n'y avait au budget que 600,000 francs. Aujourd'hui il y a pour l'ensemble de l'enseignement supérieur 748,000 francs. Augmentation 150,000 francs.

Pour l'enseignement moyen, en 1847 il ne coûtait que 217,000 fr. Depuis lors, on l'a complétement réorganisé sur de nouvelles bases et il coûte aujourd'hui 787,000 francs. Augmentation 560,000 francs.

Pour l'enseignement primaire, l'augmentation est plus saillante encore. En 1847, l'ensemble des dépenses du chef de l'enseignement primaire était de 900,000 francs. Aujourd'hui il est de près de 1,500,000 francs.

Le chiffre seul des subsides accordés par le gouvernement aux communes présente une augmentation considérable. Ainsi, en 1845, le gouvernement n'accordait aux communes que pour 145,000 francs de subsides. Aujourd'hui ces subsides vont au-delà d'un million.

Messieurs, vous le voyez, l'augmentation du chiffre du budget de l’intérieur s'explique. Il y ea a pour 1,500,000 francs, résultant de votes (page 229) parfaitement motivés de la Chambre, ainsi que de l'organisation ou du développement de services très importants.

Je tenais à dire ces quelques mots, à donner ces explications, parce qu'il est bon que la Chambre et le pays sachent que ce n'est pas par suite d'un désir illimité de dépenses de la part du chef du département de l'intérieur que ces augmentations ont lieu, mais que c'est réellement le résultat de votes de la Chambre dont la Chambre doit s'honorer et d'actes que le gouvernement est obligé de poser en exécution de nos lois organiques.

M. Coomans. - Certaines déclarations que je viens d'entendre m'obligent à insister sur mes observations.

L'honorable ministre de l'intérieur nous fait savoir que son intention est d'en revenir, quant aux appointements, au régime antérieur, aux économies que nous avons pratiquées avec tant de peine il y a une dizaine d'années, je regrette beaucoup que l'honorable ministre semble avoir pris cette détermination. A cette époque, dit-il, la Chambre fut forcée à faire des économies. Je n'admets pas cela, il en résulterait que la Chambre aurait subi alors des influences qui n'étaient pas conformes à sa manière de voir, à ses convictions, avec ce qu'elle croyait être son devoir. Une Chambre, un législateur, un gouvernement, n'est jamais forcé de subir que ce qu'il croit bon et juste.

C'est la seule force qu'un législateur doit subir, la force de la raison et de la justice. Or, lorsque je m'associai, il y a dix ans, aux économies proposées par le gouvernement, je le fis très sincèrement, sans arrière-pensée, avec le ferme espoir que ces économies seraient maintenues et même développées plus tard.

Je le répète, j'apprends aujourd'hui avec un vif regret que les ministres de cette époque et vraisemblablement plusieurs de leurs amis d'aujourd'hui ne proposèrent ces économies et ne les votèrent qu'avec le parti pris de les reprendre plus tard, de se rétracter au détriment des contribuables lorsque l'occasion serait opportune. (Interruption.)

Je ne crois pas que je m'effraye d'une vaine chimère ; l'autre jour j'entendais l'honorable M. Lebeau nous proposer indirectement d'augmenter les appointements des ministres.

Alors, disait-il, nous augmenterons les émoluments des évêques. Eh bien, je n'accepte pas cette proposition. Je m'en tiens pour les ministres et pour les évêques aux traitements actuels. J'apprends que M. le ministre des affaires étrangères vient d'augmenter considérablement les appointements de certains membres du corps diplomatique. Je ne m'associerai pas à cette augmentation, je le déclare dès à présent.

Les petites économies proposées et acceptées, il y a dix ans, n'étaient qu'une première promesse. A cette époque on nous promettait bien davantage. Cependant on vient de nous dire qu'on nous proposerait bientôt encore d'autres augmentations sous prétexte qu'un grand nombre de fonctionnaires publics ne sont pas en état de vivre avec ce que le gouvernement leur alloue.

Je crois que c'est l'honorable ministre qui vient de déclarer que si les traitements ne sont pas augmentés il faudra bientôt être riche, avoir un certain patrimoine, pour exercer des fonctions publiques. Je crois que ce ne sont pas les fonctionnaires qui nous manquent, l'impôt manquera plutôt que les fonctionnaires, grands et petits. Mais il y a une sorte de fonctionnaires publics en Belgique qui sera un jour forcée d'abandonner la place à des gens riches, ce sera nous, ce seront les membres de la Chambre, vu la cherté des élections. Ce sont les seuls hommes politiques qui nous manqueront un jour et qui seront forcés de céder la place aux millionnaires, lesquels n'y tiendront peut-être pas beaucoup. A nous s'applique l'observation de l'honorable ministre. Cependant je ne demande pas qu'on augmente notre indemnité. Quant aux fonctionnaires proprement dits, ils ne nous manqueront jamais, j'en suis sûr. Nous connaissons tous l'avidité avec laquelle la moindre place de 600 fr. est recherchée. Pour les places de 8,000 fr. telles que celles qu'on veut améliorer encore aujourd'hui, que l'honorable ministre, l'honorable M. de Moor et mon honorable ami M. de Decker se tranquillisent, les commissaires de district ne nous manqueront pas, pas même les bons.

En résumé, messieurs, je maintiens mes remarques et mon opposition, et je finirai par une observation générale. C'est que si l'on croit nécessaire d'améliorer le sort de certains fonctionnaires publics, il serait convenable de nous présenter un travail d'ensemble et de ne pas venir chacun pour son arrondissement, à propos d'un budget, remanier l'application des lois générales, des lois organiques. La proposition que je combats me semble tout au moins intempestive et je propose à la Chambre de l'ajourner sans, du reste, rien préjuger.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je veux d'abord rassurer la Chambre sur les intentions que l'on semble prêter au gouvernement et' qu'il n'a pas exprimée.

L'honorable M. Coomans fait parfaitement son devoir en recommandant les économies ; mais je ne viens pas proposer ici un système de dépenses exagérées ; et que l'on prenne acte de mes paroles, je ferai en sorte de renfermer toutes les dépenses du budget de l'intérieur dans les limites les plus restreintes. Mais ici il y a des faits constants que l'on ne peut pas nier, des besoins indispensables auxquels il faut satisfaire. Ce n'est pas moi seul qui les ai constatés ; ce sont aussi mes prédécesseurs et notamment l'honorable M. de Decker.

M. Coomans. - Ce n'est pas le gouvernement seul qui est coupable ; c'est la Chambre tout entière.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La Chambre est coupable avec nous ?

M. Coomans. - Oui, certainement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Eh bien, j'espère que les membres de la Chambre, que les coupables voudront bien m'aider à défendre l'allocation.

Mon honorable prédécesseur a demandé une augmentation de 11,000 francs en faisant entrevoir la nécessité prochaine d'une nouvelle augmentation.

C'est cette augmentation reconnue nécessaire par mon honorable prédécesseur, que j'accepte aujourd'hui avec la proposition d'honorables membres de cette Chambre qui ne font que devancer d'un an la proposition que j'aurais faite moi-même l'année prochaine.

Je dois, messieurs, relever ce qu'a dit l'honorable préopinant des économies auxquelles la Chambre aurait été forcée par les circonstances. Lorsque nous avons demandé des réductions en 1848, la puissance qui nous forçait la main n'était pas un pouvoir illégitime, ce n'était pas une pression extra-parlementaire ; il s'agissait de mettre le trésor dans de bonnes conditions ; le trésor manquait d'argent, il fallait y pourvoir soit par de nouveaux impôts, soit par des réductions de dépenses ; c'est ce dernier moyen qui a été employé.

Mais, messieurs, à mesure que les circonstances se sont modifiées, il y a eu augmentation des dépenses et rétablissement du statu quo auquel il avait fallu toucher en 1848. Mais que l'honorable préopinant se rassure, ce n'est pas moi qui placerai jamais la Chambre ou qui consentirai à placer le gouvernement sous l'empire de pressions illégitimes ; aussi longtemps que j'aurai l'honneur d'être au gouvernement, nous veillerons à ce que la Chambre délibère dans toute sa liberté.

Relèverai-je la plaisanterie que je ne puis pas, en conscience qualifier de bonne ? (Interruption.) L'honorable M. Coomans a parlé de représentant pour lesquels l'élection serait aujourd'hui devenue un fardeau pécuniaire tellement lourd qu'à l'avenir on ne trouverait plus que des millionnaires pour représenter le pays. J'ignore si l'honorable préopinant en parle de science certaine et par expérience personnelle.

M. Coomans. - Non, mais il en est beaucoup d'autres.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quant à moi, je déclare n'avoir jamais eu à subir cette triste nécessité. Je crois qu'un représentant du pays doit trouver sa force dans la justice des électeurs, dans les services qu'il a rendus, et je le répète, je ne sais pas si l'honorable M. Coomans doit ici se poser en victime de ses électeurs, mais quant à moi, je n'ai aucune espèce de regret à manifester de ce chef.

Le gouvernement dans des circonstances récentes, a fait ce qu'il a pu pour alléger la charge des électeurs. Je crois qu'il y aurait peut-être certaines mesures à généraliser ; ainsi j'espère bien qu'il sera admis à l'avenir que les électeurs pourront se faire transporter sur le chemin de fer à des conditions moins onéreuses qu'autrefois. Je pense que tous les partis seront d'accord pour accorder ce soulagement aux électeurs. Le jour où l'électeur n'aura plus à supporter des frais personnels pour l'accomplissement de son devoir, ce jour-là, il faut le dire, il y aurait culpabilité à venir en aide aux électeurs qui ne pourraient pas par eux-mêmes pourvoir aux besoins de l'élection.

Eh bien, je pense, messieurs, qu'il y a des mesures à prendre de commun accord entre le gouvernement et les Chambres pour faciliter de plus en plus aux électeurs l'exercice de leurs droits. Nous aurons ensuite à examiner si ces abus que l'on signale ne pourraient pas trouver leur répression dans la législation. Il y a, messieurs, dans d'autres pays qui ont à subir de ces fâcheuses circonstances, il y a dans ces pays des lois pénales, il y aurait donc à examiner si l'abus dont il s'agit devait prendre racine dans le pays, tel serait le double but à atteindre si les lois pénales ne pourraient pas être appliquées aux candidats à la représentation nationale qui voudraient y recourir.

Ainsi, messieurs, pour conclure sur ce point, accorder aux électeurs le plus de facilité possible pour exerce droits et réprimer, au besoin, par la loi pénale les abus qui peuvent se commettre dans l'exercice de ces droits, tel est le double but à poursuivre

M. Coomans. - Je prends la parole pour un fait personnel puisque j'ai déjà parlé deux fois.

L'honorable M. Rogier éprouve le besoin de déclarer que jamais il n'a fait de dépenses pour son élection ; je suis exactement dans le même cas ; je déclare que jamais je n'ai donné un sou pour entrer dans cette Chambre et que les électeurs qui m'ont nommé ne seraient pas disposés à en recevoir quelque chose pour l’accomplissement de leur devoir politique. Je puis donc traiter la question avec désintéressement.

Je serai le premier à adhérent à la loi qui semble annoncer l'honorable ministre et qui supprimerait les fraudes électorales, commises à table.

Mais l'honorable ministre aurait dû se borner a parler en son nom et au mien ; il n'aurait pas dû déclarer à la Chambre que tous les honorables ici présents tout dans notre cas. Il sait parfaitement bien qu'il n'en est rien.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas dit cela.

M. Coomans. - Alors votre observation n'a plus de portée attendu que vous et moi ne faisons que la cinquante-quatrième partie de la Chambre (interruption) et qu'il ne valait pas la peine de faire un discours (page 230) là-dessus. L'honorable ministre avait eu l'air de croire que je formulais des plaintes chimériques, qui nos observations n'étaient pas fondées, il l'a même traitée de plaisanterie. Eh bien, je déclare que la grande majorité des membres de cette Chambre ne considère pas du tout comme une plaisanterie une dépense de 20 à 40,000 fr, qui se renouvelle à chaque élection (Interruption) je parle des deux opinions. Le mal est général.

M. Manilius. - A qui la faute ?

M. Coomans. - Je vais le dire.

L'honorable ministre a touché du doigt la cause du mal ; c'est la difficulté énorme qu'éprouve la majorité des électeurs belges à exercer ses droits politiques, par suite de l'éloignement de la boîte à scrutin.

L'honorable ministre pense qu'il serait bon de faciliter l'exercice du droit, je dirai, moi, du devoir politique... (interruption.) Oui, ce droit est un devoir, selon moi. C'est dans ce but, dit-il, que, dans une circonstance récente, il a diminué le prix du transport des électeurs belges par le chemin de fer de l’État.

La mesure est bonne. Si l'honorable ministre avait pu supprimer entièrement le prix du transport, c'eût été plus juste encore.

Mais ici se place une difficulté grave à laquelle M. le ministre n'a pas songé : il crée tout bonnement des privilèges en faveur des électeurs qui emploient le chemin de fer de l’État. Que fera-t-il pour les électeurs qui doivent se rendre au chef-lieu par les chemins de fer des compagnies ? Que fera-t-il pour les électeurs, qui n'ayant pas un chemin de fer à leur usage, sont forcés d'employer d'autres moyens de transport ? indemnisera-t-il les électeurs, comme on indemnise les membres du jury des cours d'assises ? Je pose la question sans la résoudre ici, quoique mon opinion soit faite à cet égard.

Du reste, mon intention n'était pas d'entrer dans tous ces détails. Je m'étais borné à une observation générale provoquée par une autre observation générale de l'honorable ministre de l'intérieur, laquelle portait que les hauts fonctionnaires viendraient à vous manquer un jour, et je lui ai dit que cette remarque s'appliquait mieux aux membres de la Chambre, et qu'à moins d'être riche, on ne pourrait plus en faire partie. Je n'ai pas voulu dire autre chose, mais j'affirme cela. Vous le savez tous, messieurs, il ne s'agit pas de jouer ici sur les mots et de dissimuler le mal qui nous ronge.

Je l'indique et je le déplore ; je suis prêt, moi, à appliquer les moyens propres à nous en guérir, point sur lequel nous différons. Car il y a des orateurs qui signalent le mal, mais avec la ferme résolution de ne pas appliquer de remèdes ou de n'y appliquer qu'un remède anodin, tandis que je suis de ceux qui avouent hautement qu'ils désireraient un remède efficace en général, c'est-à-dire qu'ils désireraient que les électeurs ruraux furent mis vis-à-vis de l'urne dans une position semblable à celle des électeurs du chef-lieu de l'arrondissement ; c'est-à-dire que chaque électeur fût admis à voter chez lui en pantoufles, comme les électeurs des villes...

M. Devaux. - Ce serait de la fraude.

M. Coomans. - Aujourd'hui, vous avez l'autre fraude, qui est l'achat indirect des votes ; fraude qui est aussi une injustice et une immoralité.

M. Devaux. - Messieurs, quand on veut des changements aussi graves à une partie fondamentale de nos institutions, il ne faudrait pas produire son opinion d'une manière détournée et obscure ; il faudrait dire ouvertement tout ce qu'on veut. Ce que veut l'honorable député de Turnhout, c'est le vote à la commune pour les élections des. Chambres. Ce changement radical à notre législation électorale, je le combattrai de toutes mes forces, comme l'innovation la plus funeste et la plus déraisonnable. Le vote à la commune, c'est la fraude organisée. Ce qu'on veut en empêchant l'électeur rural de sortir de sa commune, c'est le mettre tout entier dans la main du curé, comme si déjà ce genre d'influence ne trouvait pas assez de moyens de s'imposer à l'électeur des campagnes. Ce qu'on veut par le vote à la commune, c'est la destruction du secret du vote.

Dans la plupart des communes, il n'y a pas 20 électeurs, souvent pas 12. S'ils votent à part, on comprend combien il sera facile que les votes soient connus et que les consciences soient intimidées. Dans les communes ainsi isolées, où la plupart du temps il ne pénètre pas deux journaux, souvent pas un seul, on sera pas maître d'accréditer tous les mensonges sur des candidats qui n'y sont pas personnellement connus et sur lesquels on empêche l'électeur de s'éclairer en prévenant son contact avec les électeurs des communes qui les connaissent.

Voilà ce que c'est que le vote à la commune. Ce serait une calamité législative, une destruction scandaleuse des premières garanties que la loi doit aux citoyens dans l'exercice de leurs droits politiques les plus importants.

Je conçois qu'on hésite quelque peu à produire ce système ouvertement et qu'on essaye de l'introduire dans les idées par des allusions indirectes ; mais des idées aussi dangereuses, de pareils brandons de discorde, nous ne leur permettrons pas d'être introduits ici, même indirectement, sans que le but et la portée en soit signalés.

On allègue des abus dans l'application du système actuel. Ce dont ou se plaint est exceptionnel. Ce qui le prouve, c'est la masse des électeurs ruraux qui arrivent au scrutin. Où donc a-t-on vu que les électeurs de la campagne fissent défaut ?

Vous aviez prédit qu’il ne s’en présenterait point au scrutin pendant l'hiver ; eh bien, malgré l'hiver, jamais plus d'électeurs ruraux ne se sont présentés au scrutin ; loin que les électeurs des campagnes, qui viennent prendre part au vote, deviennent moins nombreux, à chaque élection il en manque de moins en moins et le nombre des absents est vraiment insignifiant.

Vous parlez des dépenses qu'on a à faire. Ces dépenses sont exceptionnelles. Les frais de transport sont minimes dans la plupart des districts, (Interruption.)

Ce sont les amis de l'honorable M. de Mérode, qui m'interrompt, qui ont donné l'exemple des dîners coûteux.

M. de Mérode. - Je n'ai pas donné un seul dîner.

M. MalouM. Devaux. - Je le répète, ce sont vos amis qui ont donné l'exemple de ces dépenses. Quanti la dissolution a été prononcée, vos amis se sont réunis, chez vous, et le lendemain nous avons vu certains journaux - l'honorable M. Coomans, je crois, en sait quelque chose - annoncer au public que les membres de la réunion avaient voté 350,000 francs pour venir au secours des candidatures catholiques. Eh bien, nous, nous ne votons pas des sommes de 350,000 fr., parce que nous nous adressons aux convictions, que nous mettons notre confiance dans les moyens de persuasion et non dans l'influence de l'argent.

L'inconvénient dont vous parlez et qui se rattache aux grandes distances, n'existe que dans un très petit nombre de districts ; dans la plupart, la distance est courte du chef-lieu de l'arrondissement à l'extrémité du rayon. Dans ces districts, les dépenses de transport ne peuvent par conséquent être pas élevées ; il y a ici un grand nombre de députés qui peuvent vous le dire.

Le gouvernement a déjà pris des mesures pour diminuer les frais de transport des électeurs ; peut-être y en a-t-il d'autres à prendre dans le même sens ; mais quant au vote à la commune, je vous conseille d'y renoncer. C'es' une de ces mesures imprudentes qui sèmeraient de nouveau l'irritation dans les esprits. L'expérience a dû vous éclairer ; vous avez dû renoncer à une loi que vous aviez votée. Je vous engage à, ne plus mettre en avant des mesures devant l'exécution desquelles vous reculeriez probablement encore s'il vous était donné de les faire passer dans une loi.

(page 233) M. de Theux. - Messieurs, nous avions voulu que cette discussion vînt d'une manière complète et approfondie ; la Chambre en a décidé autrement. Nous ne pouvons donc aujourd'hui accepter le débat qu'incidemment. Je me bornerai, en conséquence, à quelques mots en réponse aux observations de l'honorable M. Devaux.

L'honorable membre dit que faire voter les électeurs au chef-lieu de la commune, c'est les mettre, pour leur vote, dans la dépendance du curé ; d'autres diront, et peut-être avec beaucoup plus de vérité, que ce serait les mettre dans la dépendance du bourgmestre.

Cette objection a été faite aussi dans le royaume des Pays-Bas ; cependant là le système se pratique dans les conditions où quelques membres désireraient le voir introduire en Belgique ; il y est appliqué, aux applaudissements de la population.

M. Devaux. - C'est le contraire.

M. de Theux. - D'après mes renseignements, ce système est appliqué en Hollande, aux applaudissements de la nation ; il est également appliqué en France.

On dit.. (Interruption). Oh ! ne rions pas trop ; beaucoup de tentatives ont été faites dans divers pays pour améliorer les lois électorales parce que des abus résultaient de tel ou tel système. Quant à la crainte de faire connaître le vote de l'électeur en le faisant voter à la commune, cette crainte n’est pas fondée, car en Hollande, où ce système se pratique, le secret du vote n'en existe pas moins, parce que les bulletins de toutes les communes sont réunis au chef-lieu du district, pour y être dépouillés. On ne sait pas même l'opinion d'une commune, d'un canton, tandis que dans le système qui nous régit où l'on vote par section, par canton on peut, en ayant recours à divers moyens, reconnaître le suffrage de tel ou tel électeurs par la couleur, la transparence du papier, la forme du bulletin ; ceux qui exercent cette pression entourent le bureau, observent le dépouillement et annotent les bulletins écrits sur tel papier ou de telle forme au fur et à mesure qu'ils passent. Voilà des faits qui se sont pratiqués aux dernières élections ; des bureaux étaient envahis par une seule opinion ; un membre de l'opinion contraire n'aurait pas osé se présenter sous peine d'être écharpé... (interruption), oui, messieurs, sous peine d'être écharpé.

L'honorable membre parle des voyages, des déplacements, comme d'une chose insignifiante. On paye la moitié du prix du transport par chemin de fer !

Mais il n'y a pas que des frais de transport, il y a les fatigues du voyage, ce qui est très important pour les personnes d'un certain âge ou d’une mauvaise santé ; en outre les frais de voyage ne consistent pas seulement dans un voyage par chemin de fer ; il y a des localités que le chemin de fer ne dessert pas ; il faut recourir à d'autres moyens de transport, il faut se procurer des voitures à grands frais ; il y a de plus les frais d’auberge qui ne sont pas indifférents. L’honorable membre parle de l’immense empressement du corps électoral aux derniers comices, il n’aurait pas pu se prévaloir de cet empressement si les frais avaient été à la charge des électeurs ; si on avait dû ajouter les frais considérables de déplacement aux fatigues, l'assertion serait en défaut.

Nous avons, nous dit-on, le jury qui est dans le même cas. Mais c'est là un droit et un devoir que l'on doit remplir sous peine de 500 francs d’amende. Mais aussi les membres du jury sont indemnisés des frais de voyage et de séjour. D’ailleurs ce sont des personnes qui jouissent d'une fortune plus considérable que la masse des électeurs ; de plus il y a un choix très restreint pour la composition des jurys.

Il existe un mal, inutile de se le dissimuler ; il a surgi le premier jour du vote au chef-lieu d'arrondissement ; ce mal s'accroît ; c'est un fait constant.

Mais, dit-on, c'est votre opinion qui a défrayé les électeurs des frais de voyage et d'auberge. C’est le fait des deux opinions. J'ai connu un candidat qui a dû dépenser 10,000 francs pour faire réussir son élection dans le Luxembourg ; il y avait un seul député pour le district ; il appartenait à l'opinion libérale.

On a parlé d'un grand fonds fait par le parti conservateur pour subvenir aux frais des élections : 350,000 francs ! C’est un conte, c'est une véritable fable. La plupart des membres qui siègent dans cette Chambre, de ce côté, ont fait seuls et personnellement les frais de leur élection et n’ont pas eu recours à cette bourse commune. Si l’honorable membre sait qui en est le distributeur, il fera plaisir aux membres qui ont fait les frais de leur élection ; car il les mettra à même de réclamer leur part de ce fonds commun.

Des personnes ont pu se cotiser dans quelques arrondissements pour diminuer la charge des candidats, ce sont là des faits particuliers, exceptionnels. Si les dépenses restaient à charge des électeurs, il en est un grand nombre qui ne se présenteraient pas et protesteraient ainsi contre l'iniquité de la loi.

Tant qu'on n'aura pas porté remède au mal réel qui existe, le plus grand nombre des électeurs aura le droit de déclarer la loi inique parce qu'elle est injuste.

Si vous ne voulez pas accorder des facilités aux électeurs éloignés, vous n'avez qu'à leur appliquer le système établi pour les jurés : les indemniser des frais de déplacement et de séjour à charge du trésor.

(page 230) M. Malou. - Messieurs, je ne suis pas partisan du vote à la commune. Je crois qu'il y a une raison décisive de ne pas l'y établir. Dans la plupart de nos communes il n'y a pas un nombre suffisant d'électeurs pour former un bureau indépendant et exercer le contrôle nécessaire dans l'intérêt de toutes les opinions. Il ne s'ensuit pas que je trouve parfait le régime électoral tel qu'il existe aujourd'hui. Dans tous les pays où le gouvernement repose sur des élections, l'examen des lois électorales est à l'état permanent.

Permettez-moi de vous présenter quelques observations sommaires : quand le vote au chef-lieu d'arrondissement a été établi, notre législation reposait sur une transaction qui a disparu, sur le principe du cens différentiel, c'est-à-dire que les populations qui avaient le plus de difficulté pour se rendre au scrutin avaient une représentation proportionnelle plus considérable. Mais en 1848, lorsque la réforme électorale a été faite, cette espèce d'équilibre encore imparfait a été rompu ; on a fait une réforme démocratique, on a descendu le cens au taux uniforme de 20 florins. Qu'est-ce qu'une réforme démocratique en vue de l'extension de l'exercice du plus beau des droits politiques si des obstacles qui paralysent l'exercice de ce droit existent ?

Si. lorsque vous avez écrit que, moyennant 42 francs de contributions payées à l’État, on a le droit de participer à la souveraineté nationale, si vous croyez avoir tout fait, vous êtes dans une étrange erreur puisque certains électeurs doivent, pour exercer ce droit, doubler indirectement leurs contributions.

Veux-je tirer aujourd'hui une conclusion pratique, une conclusion immédiate pour la réforme du système électoral ? Non, messieurs, mais je crois que c'est à bon compte que le pays s'occupe de cette question et que nous la discutons ici. De quoi s'agit-il, en définitive ? De savoir s'il y aura des privilégiés dans l'ordre des droits politiques quand, dans tous les autres ordres d'intérêts sociaux, il n'y a plus de privilégiés sous le régime de nos libres institutions.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Et le jury ?

M. Malou. - La formation du jury est le résultat d'un triple triage des listes électorales. On n'est pas juré pour payer 20 florins de contributions ; et puis, quand on est juré, on est indemnisé à raison de la distance parcourue et du nombre de jours pendant lesquels on siège.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est cela ; à raison du nombre de jours de fonctions.

M. Malou. - Je ne m'arrêterai pas à l'interruption ; elle n'en vaut vraiment pas la peine.

Je disais donc, messieurs, que la question électorale en Belgique consiste à savoir si le régime actuel ne crée pas inutilement, pour l'exercice des droits politiques d’une certaine classe de citoyens, des entraves qu'on pourrait faire disparaître sans donner lieu à aucune des conséquences monstrueuses que l'honorable M. Devaux a signalées. Eh bien, je le dirai franchement pour que nos institutions puissent fonctionner, il faut que tous, faisant abstraction de notre opinion, nous cherchions à les rendre le plus facilement praticable, de la manière la moins onéreuse (page 231) et la plus équitable. Mes sympathies, sont pour le vote au chef-lieu de canton ; en voici deux ou trois motifs.

Nous avons aujourd'hui le vote au chef-lieu de canton pour les élections provinciales. Il existe au chef-lieu de canton un président-né, qui fonctionne déjà dans beaucoup de localités et qui est indépendant, le juge de paix.

Nous avons pour chefs-lieux de canton des communes généralement assez importantes, dans les conseils communaux desquelles on peut trouver les éléments d'un bureau qui présente à toutes les opinions les garanties qu'elles ont le droit de posséder.

Dans ce système, les grandissimes objections que l'honorable M. Devaux entrevoit ne peuvent réellement pas se produire

Les grands mots ne me paraissent pas toujours rendre de bonnes raisons, bien au contraire. Ainsi, par exemple si je voulais reprendre la même manière de discuter cette question, je dirais que ce qui est scandaleux, puisque le mot a été employé, c'est qu'un électeur puisse voter à deux pas de chez lui quand d'autres doivent faire jusqu'à 14 lieues pour exercer leurs droits d'électeurs. Voilà ce qui est scandaleux ?

M. Devaux. - Je demande la parole.

M. Malou. - Ce qui est scandaleux, c'est qu'on maintienne ces entraves inutiles et qu'on se refuse à chercher un système autre qui donne à toutes les opinions les garanties auxquelles elles ont le droit de prétendre.

Je suis, messieurs, pris à l'improviste sur cette question.

M. Devaux. - Nous reprendrons demain, si voulez, cette discussion.

M. Malou. - Je ne demande pas mieux, mais pour aujourd'hui je réclame encore une minute pour rassurer l'honorable membre au sujet au capital colossal qui aurait été consacré par l'opinion conservatrice.

M. Devaux. - Je n'ai pas dit conservatrice, j'ai dit catholique.

M. Malou. - Et moi je dis conservatrice.

M. Devaux. - Vous avez vos raisons pour cela.

M. Malou. - Nous avons chacun notre langage, et le pays nous comprendra.

M. Devaux. - Il n'y avait rien d'injurieux dans mon observation.

M. Malou. - Aussi n'est-ce pas ainsi que je l'ai comprise. D'ailleurs, j'ai moi-même employé plusieurs fois l'expression catholique en l'appliquant à notre opinion, lors de la discussion qui a été si malheureusement close au mois de mai dernier.,

Pour en revenir au fait dont je veux parler, je dirai simplement que cette somme de 350,000 francs a été indiquée par des journaux ordinairement très mal informés de ce qui se passe dans nos réunions. J'ajoute qu'ayant été ministre des finances de cette caisse mystérieuse, j'ai eu à gérer quelques centaines de francs pour payer les frais d'impression et de distribution du manifeste de l'opinion catholique. Rien de plus, rien de moins.

- Plusieurs voix : A demain !

-La séance est levée à 4 heures trois quarts.