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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mardi 26 janvier 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à la compétence des
tribunaux et à la réunion de
2) Projet
de loi relatif au renouvellement des concessions de péage. Tracé du chemin de fer
(liaison Gand-Lille par la société générale) et alternative public/privé en
matière de travaux publics (A. Rodenbach, Kervyn, Desmanet de Biesme, de Theux, A. Rodenbach, Meeus, Verdussen, Dubus,
Desmet, Meeus, Dumortier, de Theux)
3) Projet
de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1836
4) Projet
de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1836.
Personnel de certains tribunaux (notamment celui de Charleroy) (Frison), Moniteur et Bulletin officiel (Ernst),
cour d’appel de Bruxelles (Bosquet, Coghen),
tribunaux de première instance (Dubus, Ernst,
Bosquet, de Behr, Dubus, Raikem), tribunaux de police (Ernst), statistiques criminelles ((+peine de mort) Devaux, de Muelenaere, (+peine
de mort) Ernst, Bosquet, (+peine
de mort) (Devaux, Ernst), Brabant, Ernst, Dubus,
Ernst), suivi des prisonniers libérés (A. Rodenbach, Ernst), statistiques
criminelles (Raikem, Devaux, Raikem)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°27, du 27 janvier 1836)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi et demi.
Il donne lecture du procès-verbal de la séance
précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des fabricants de coutellerie de Namur
demandent un traité de commerce avec
_______________
« Un grand nombre de gardes civiques adressent
des observations sur l’organisation actuelle de la garde civique. »
_______________
« Les notaires
de l’arrondissement de Luxembourg demandent que la chambre mette à l’ordre du
jour de ses séances le projet portant des modifications à la loi organique sur
le notariat, et adressent des observations sur ce projet. »
_______________
« La chambre
de commerce de Namur adresse des observations contre le projet relatif à la
compétence en matière civile. »
_______________
M. Fallon. - Parmi
les pétitions dont on vient de vous présenter l’analyse, il s’en trouve une qui
est relative au projet de loi sur la compétence des tribunaux de première
instance, projet de loi dont la chambre est saisie ; je demande que cette
requête soit renvoyée à la commission chargée d’examiner ce projet.
Je demande aussi que la pétition relative à la
réunion aux douanes allemandes soit renvoyée à la commission, qui la réunira à
d’autres concernant le même objet. Je demande de plus l’impression au Moniteur.
- Les propositions de M. Fallon sont adoptées.
Les autres pétitions sont renvoyées à la commission
chargée d’en faire le rapport.
PROJET DE LOI RELATIF AU
RENOUVELLEMENT DES CONCESSIONS DE PEAGE (AMENDE PAR LE SENAT)
M. le président. -
Dans la séance d’hier M. A. Rodenbach a demandé qu’à l’ouverture de la
discussion sur la loi concernant les péages, on lût une pétition adressée à la
chambre par les habitants de Roulers et relative cet objet.
M. Verdussen
donne lecture de cette pétition ainsi conçue :
(Note du
webmaster : le Moniteur intègre ensuite le texte intégral de cette pétition.
Celui-ci n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
M. le président. -
La loi sur les péages est ainsi conçue :
« La loi du 10 avril 1832 pour la concession
des péages est prorogée jusqu’au 1er janvier 1837. »
Le sénat a ajouté l’amendement suivant :
« Néanmoins le chemin à ornières de fer
destiné à lier
La commission propose l’adoption de l’amendement.
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, je viens déclarer que je m’oppose à l’amendement du sénat.
Lorsque j’ai voté la loi du premier mai 1834, j’ai
soutenu fortement que le gouvernement devait construire lui-même le chemin de
fer sur les lignes qui étaient alors désignées mais ces lignes doivent être
distinguées d’une foule d’autres. J’ai considéré le premier chemin de fer comme
étant une route nationale ; et j’en ai voté l’érection afin que nous pussions
soutenir la concurrence contre
C’est ce principe que j’ai fortement soutenu, qui a
déterminé mon vote. J’ai craint que si la route était faite par voie de
concession, le gouvernement n’eût pas le pouvoir de baisser les péages dans le
cas où
C’est sous ces points de vue spéciaux que j’ai
considéré la loi de mai 1834 ; mais la loi concernant les concessions de péages
à une toute autre portée ; elle est générale pour le pays : pourquoi faire une
exception de Gand à Lille ? il n’y a pas de privilèges
en Belgique. Le ministre, devant le sénat, a très bien réfuté l’opinion de ceux
qui ont soutenu l’amendement par lequel on a ôté à la loi sa généralité ;
depuis, il s’est rallié à cet amendement, parce que, a-t-il dit, il faut une
loi sur les concessions de péages ; ce ne sont pas là des arguments
parlementaires ; moi je repousse l’amendement, parce que je ne sais pas
transiger avec de petites convenances.
L’amendement tend à ôter à
Je vote contre l’amendement.
M. Kervyn. -
Messieurs, je n’ai pas l’intention d’examiner les deux systèmes qui depuis 1834
divisent les esprits en Belgique. Les concessionnistes
et les partisans des chemins de fer exécutés aux frais du gouvernement s’appuient
sur des raisonnements également solides, sur des faits également concluants ;
de sorte qu’il n’y a que le temps et l’expérience qui puissent nous démontrer
lequel de ces deux systèmes doit avoir à l’avenir la préférence sur l’autre.
Dans d’autres pays, on n’a pas été aussi exclusif que chez nous ; on a adopté
pour les travaux publics un système mixte qui procure à l’industrie et au
commerce toutes les garanties possibles, sans mettre en jeu les intérêts du
trésor, En France, par exemple, et en Amérique, on s’est décidé à faire
intervenir les compagnies et l’Etat lui-même. Le gouvernement fait lui-même les
études, détermine le tracé, et offre aux capitalistes l’exécution de
l’entreprise. En outre, pour que les intérêts du public soient à couvert, l’Etat
se rend actionnaire dans l’entreprise ; il dispose, dans le conseil de la
compagnie, d’une somme de voix proportionnée à la somme de ses actions, et
dirige l’ouvrage dans le sens le plus avantageux. C’est un discours de M. le
ministre de l’intérieur de France prononcé le 2 avril dernier devant la chambre
des députés, qui nous fait connaître ce mode adopté par le gouvernement
français.
Je n’examinerai pas les avantages que renferme ce
système. La question n’est plus là ; l’amendement du sénat a consacré tous les
systèmes à la fois : il confond, il embrouille tout, notre tâche n’est plus de
peser les avantages ou les désavantages que chaque système apporte avec lui,
mais plutôt de rechercher lequel de ces systèmes doit être appliqué, d’après
l’intention du sénat, aux différents chemins de fer projetés en Belgique. En
effet, messieurs, par suite de l’amendement que le sénat a adopté à la loi des
péages, le gouvernement reste chargé de l’exécution, à ses risques et périls,
de toutes les communications à ornières de fer, décrétées par la loi du 1er mai
1834 ; la question de savoir s’il peut concéder l’embranchement qui doit lier
Quant à cette route, messieurs, le sénat ne veut
pas qu’elle se fasse ; il ne charge pas le gouvernement de l’entreprendre à ses
frais ; il ne veut pas non plus qu’elle soit concédée comme toutes les autres
communications en fer, conformément à la loi des péages : il exige que le
chemin en fer qui traversera le Hainaut soit fait aux frais du gouvernement.
Mais il exige que celui qui traversera les Flandres, ne soit entrepris ni
concédé par le gouvernement ; il veut qu’il soit concédé par les chambres,
c’est-à-dire il veut (telle est du moins la portée de son amendement) qu’après
des enquêtes interminables, qu’après des délais rebutants, qu’après des combats
acharnés de localité à localité, tel qu’on n’en voit que trop dans cette
enceinte et au-dehors, cette communication si importante soit ajournée
indéfiniment. Tel est, messieurs, en dernière analyse, le résultat de
l’amendement du sénat.
Maintenant, messieurs, je me demande quel a pu être
le mobile qui a guidé les auteurs de cet amendement. Est-ce la supposition que
la route des Flandres sera tellement productive, qu’il est de l’intérêt du
trésor de l’exploiter à ses frais. Mais dans ce cas, pourquoi n’ont-ils pas
formulé un article additionnel de la loi du 1er mai 1834 ? Pourquoi, s’ils la
croient si productive, n’ont-ils pas forcé le gouvernement à entreprendre
lui-même, comme celle du Hainaut ? Si, au contraire, ils croient qu’elle puisse
être concédées pourquoi celle du Hainaut ne pourrait-elle pas l’être ? Cette
dernière serait-elle encore plus productive pour le trésor ? Certainement non,
messieurs ; et alors, pourquoi ne pourrait-elle pas, je le répète être
entreprise par concession en vertu d’une loi, comme celle des Flandres ? De
quelque manière qu’on envisage la question, on ne rencontre qu’injustice ou
absurdité.
Il n’entre certainement pas
dans mes vues de laisser au gouvernement la faculté de concéder à son gré et à
tout prix les grandes communications destinées à lier
M. Desmanet de Biesme. - (Erratum inséré au Moniteur belge n°28, du 28
janvier 1836 :) Je ne partage pas l’avis de ceux qui pensent que l’amendement
du sénat embrouille tout ; cependant j’ai besoin d’avoir des explications
sur sa portée. Je prierai M. le ministre de l’intérieur de nous les donner. Si
j’ai bien compris l’amendement du sénat, il décide que la concession du chemin
de fer passant par les Flandres et allant vers
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, je m’empresse de répondre à l’interpellation faite par l’honorable
préopinant.
Il est évident que les termes de l’amendement ne
décident rien. Il m’est impossible, au reste, de connaître la pensée qui a
présidé à la rédaction de l’amendement et à son adoption ; elle n’a pas été
explicite. Cependant je dois dire que lorsqu’il a été fait des arguments pour
et contre le système des concessions, plusieurs des orateurs qui ont voté
l’amendement, ont déclaré ne vouloir rien préjuger quant au système qui serait
adopté relativement au chemin de Gand à Lille, et qu’ils se réservaient leur
opinion entière à cet égard.
Telle est l’explication que je puis donner au
préopinant.
Je crois devoir dire un mot
sur l’opinion que vient d’émettre l’honorable député de Roulers. Je répéterai ici
ce que j’ai déjà déclaré dans une des séances précédentes ; c’est que je
maintiens intactes les opinions que j’ai développées relativement aux questions
dont il s’agit : et si je ne m’oppose pas à l’amendement devant cette chambre,
c’est parce que beaucoup de travaux sont prêts à être exécutés, et que si l’on
n’avait pas de loi sur les péages, il faudrait les ajourner indéfiniment. Ce
qui porterait le plus grand préjudice à certaines contrées. C’est la nécessité
d’avoir une loi qui m’oblige à demander sans changement celle que l’on discute
maintenant.
M. A. Rodenbach.
- On prétend que l’amendement est insignifiant ; je ne suis pas de cet
avis ; il ne peut faire aucun bien, mais il peut faire beaucoup de mal ;
et je ne vois pas pourquoi on montrerait de la condescendance pour le sénat ;
nous ne pouvons sanctionner cet amendement. Je demande au reste pourquoi les
mandataires de la nation sanctionneraient des choses insignifiantes.
Je présume que les honorables membres qui ont voté
la loi concernant les péages, il y a un mois et sans modification, n’ont pas
changé d’opinion depuis ce temps. La mienne est invariable, et je repousse la
proposition du sénat.
M.
Meeus. - Messieurs, je demande la parole parce que je ne comprends pas
que l’amendement du sénat soit insignifiant ; je le regarde, au contraire,
comme très significatif, et il me semble que les Flandres surtout sont très
intéressées à ce que cet amendement ne soit pas adopté. En voici les motifs :
Si les projets de la société qui veut faire une
route en fer et qui demande la concussion de Paris jusqu’à Cambrai, pour de là,
avec deux embranchements, arriver à Bruxelles par Mons, et à Gand par Lille, si
ces projets sont adoptés et si cette société obtient la concession,
l’amendement ne dit rien du tout.
Mais si ce projet était abandonné par la société,
je vous déclare franchement que la ligne entre Gand et Lille se trouverait dans
une situation fâcheuse : tandis qu’une société pourrait demander une concession
vers la frontière de France par Courtray, une autre société ne pourrait
demander la concession de Gand vers Lille sans le consentement des chambres ;
vous voyez bien que cette dernière ligne est dans une position exceptionnelle.
Or, je ne vois pas pourquoi on veut la mettre dans une semblable position.
Je n’irai pas plus loin, parce qu’il faut en finir
avec cette loi. Si l’on persiste à maintenir l’amendement, je demanderai quel
système on veut préférer, des concessions ou des constructions par le
gouvernement. Quoi qu’il en soit de la réponse qu’on nous fera, j’ai voulu
démontrer que l’amendement est très significatif, et que la ligne entre Gand et
Lille est placée hors la loi.
M. Verdussen. -
C’est avec peine que je vois s’élever une discussion sur un amendement auquel
le ministre donne son assentiment ; toutefois je ne puis laisser sans réponse
ce qu’a dit M. Rodenbach. A l’entendre, il paraîtrait que la tendance de
l’amendement serait de forcer le gouvernement à construire le chemin de fer de
Gand à Lille pour aller à Paris. Je crois que la simple lecture de cet
amendement, introduit par le sénat, suffit pour montrer qu’il ne s’agit pas
d’exclure les concessions, car on parle même de concéder dans cette disposition
: seulement on met une condition à la concession :
« Néanmoins le chemin à ornières de fer
destiné à lier
D’après cet amendement il ne reste qu’à examiner
une question fondamentale : savoir s’il convient que ce soit le gouvernement
qui construise le chemin de fer de Gand à Lille, ou que ce soit une société
particulière.
Mais, messieurs, ce n’est
pas ici le moment de discuter cette question ; le moment en viendra quand une
société particulière fera une demande pour obtenir la construction de la route
; alors on fera valoir les arguments de part et d’autre, c’est-à-dire en faveur
des constructions faites par le gouvernement, ou en faveur des constructions
faites par des entrepreneurs.
Quoi qu’il en soit, il y a une remarque à faire
dans l’intérêt même de ceux qui pensent qu’il faudrait donner à une entreprise
particulière la construction du chemin de fer de Gand à Lille, c’est que si l’amendement
était repoussé, la loi devrait être renvoyée une seconde fois devant le sénat ;
or, qu’arriverait-il par ce renvoi si le sénat persistait dans son opinion ?
C’est que l’on n’aurait pas de loi concernant les concessions, et que les
craintes des habitants des Flandres priveraient tout le pays d’une loi
importante. Cependant cette loi est d’une utilité, je dirai d’une nécessité
incontestable ; et M. le ministre de l’intérieur vous l’a démontré. La
privation de cette loi serait une véritable calamité.
M. Dubus. - Je
n’ai pas été étonné de voir le ministre de l’intérieur se rallier dans cette
enceinte à l’amendement du sénat, encore que ce ministre l’ait fortement
combattu dans l’autre assemblée ; loin de voir de l’inconséquence dans cette
conduite, elle me paraît très conséquente si je réfléchis aux motifs par
lesquels il a combattu l’amendement devant le sénat. Il a fait remarquer que
l’adoption d’un amendement aurait pour effet d’ajourner la loi, et que le
gouvernement serait sans législation concernant les péages ; et c’est ce qui
est arrivé : nous sommes effectivement sans législation depuis le 31 décembre.
Si vous rejetez l’amendement vous allez prolonger
cet état de choses. Le ministre agit ici dans le même sens qu’il agissait
devant le sénat ; ainsi il y a parfaite conséquence dans sa conduite.
On combat l’amendement introduit par le sénat comme
s’il avait tranché définitivement une question, mais point du tout, il ne
tranche pas la question, il la réserve ; il évite qu’elle soit tranchée : ainsi
on a présenté la chose tout à fait sous un faux jour.
La loi que nous avons discutée à la fin de décembre
était une loi d’urgence, elle est encore une loi d’urgence ; telle qu’elle
était rédigée elle soulevait des questions d’une haute importance que nous
n’avons pas le temps d’examiner profondément et que l’amendement ne fait que
réserver.
Cet amendement présente la loi des péages sous une
seule exception mais relativement à la route qui fait l’objet de l’amendement,
l’amendement ne décide rien ; il réserve à la législature à décider, parce
qu’il y a là une question importante sur laquelle il convient que la
législature se prononce plus tard après un examen suffisant.
Il y a plusieurs propositions de chemins de fer
destines à lier
On a soulevé les questions de savoir si dans la
circonstance que l’Etat s’est définitivement chargé de la construction de la
route d’Ostende vers Cologne et d’Anvers vers Cologne, avec un embranchement
vers
Le projet auquel je fais allusion sera non
seulement très favorable aux provinces des Flandres et beaucoup plus favorable
que l’autre parce que le péage sera moitié moindre, mais il sera également
favorable à la province du Hainaut. Est-ce que dans l’intérêt des provinces des
Flandres, il faut s’empresser de le répudier, ou faut-il répudier le droit de
choisir ? car en rejetant l’amendement vous abdiquez
le droit de choisir entre ces différents projets.
J’ai la conviction que l’adoption de l’amendement
est autant dans l’intérêt des Flandres que dans l’intérêt du Hainaut. Il me
semble que vous ne devez pas déléguer le droit de prononcer sur d’aussi graves
intérêts.
Tout à l’heure un honorable membre disait que, si
le projet de la société générale était écarté ou retiré, dès lors il y aurait
pour les provinces des Flandres, relativement à la communication dont il
s’agit, une position exceptionnelle ; mais c’est précisément le contraire ; on
ne ferait que mettre ces provinces dans la même position dans laquelle se sont
trouvées les autres provinces. C’est une loi qui a décidé que les chemins de
fer, maintenant en exécution, seraient faits aux frais de l’Etat, quelle serait
la direction des divers embranchements : peut-on dire qu’il y a une exception,
pour les Flandres, quand on décide aussi que ce sera une loi qui prononcera
quant à elles, qui déterminera le choix entre les différents projets présentés
au gouvernement, et que vous jugerez aussi, mais en pleine connaissance de
cause et après un examen suffisant, si ce sera l’Etat ou une entreprise qui
exécutera ces nouveaux travaux !
Je ne veux pas me prononcer
sur cette dernière question, je déclare que je ne suis pas suffisamment éclairé
pour cela.
Dans les autres circonstances la loi n’a été rendue
qu’après un examen approfondi ; cet examen a eu lieu dans les sections, dans la
section centrale, enfin dans cette assemblée même, au moyen d’une très longue
discussion ; discussion que je puis dire mémorable, car le souvenir ne s’en
perdra pas.
Eh bien, il résultera de l’amendement que l’on
examinera de la même manière cette autre partie, en quelque sorte, de ce chemin
de fer. Est-ce un malheur que l’on ne puisse prononcer qu’après un examen
approfondi ! Il me semble qu’en cela nous ne faisons que notre devoir.
L’amendement n’est donc pas insignifiant, comme le
suppose un honorable député des Flandres ; mais il n’est pas non plus
préjudiciable ; et je le défends sous ce rapport qu’il met les Flandres dans la
même position que les autres provinces. Je crois que ces observations suffiront
pour le justifier.
M. Desmet. - Je ne
puis partager l’opinion que vient d’émettre l’honorable député d’Anvers, que
nous devons adopter l’amendement parce que nous devons craindre que le sénat
tiendra opiniâtrement que, par suite, la loi sur les péages serait ajournée.
S’il est vrai que, dans ce moment, nous devons
subir la loi de l’autre chambre pour le retard d’une loi qui est de la plus
grande importance pour nos provinces, je pense cependant que pour ce qui
concerne l’amendement que le sénat a fait à la loi en délibération, il ne
mettrait point la même opiniâtreté, et que s’il lui était démontré qu’il était
dans l’erreur sur la portée de cet amendement, il ne balancerait point à se
railler à nous.
Messieurs, si l’amendement en question est
insignifiant alors il serait ridicule de l’adopter, car je ne puis concevoir
qu’une assemblée législative puisse faire passer en loi ce qui n’a aucune
utilité, ou si l’amendement a quelque importance et est très signifiant, comme
vient de le dire l’honorable M. Dubus, alors, messieurs, vous devrez
reconnaître qu’il a été rédigé par un esprit de criante partialité à l’égard
des provinces de Flandres.
Il est insignifiant, si on l’explique dans son sens
purement littéral, c’est-à-dire que, pour l’unique direction dont fait mention
l’amendement, celle qui conduit directement de Gand vers Lille, on aurait
besoin d’une loi pour pouvoir la concéder, mais que si on abandonne cette
direction et que des sociétés se présentent pour en exécuter d’autres, même pas
très éloignées du point de Gand, le gouvernement pourrait accorder des
concessions sans avoir besoin du concours de la législature. Comme, par
exemple, si une société se présentait pour construire un chemin de fer qui, du
vallon du Bas Escaut, en partant du village de Melle, se dirigerait vers celui
du Haut Escaut, et, en le suivant par Audenaerde, irait atteindre le village
d’Espierre et s’y partagerait vers Tournay et Lille. Si c’est ainsi qu’on peut
expliquer l’amendement du sénat, vous devrez avouer, messieurs, qu’alors son
insignifiante approche du ridicule.
Mais cet amendement sera
très signifiant s’il a la portée, comme plusieurs membres paraissent le croire,
qu’il s’étend à tous les chemins de fer qu’on trouverait utile de construire
dans les Flandres vers
Le gouvernement pourra accorder des concessions
pour construire un chemin de fer se dirigeant de Bruxelles vers
Je vous le demande donc, messieurs, n’est-ce pas là
une partialité des plus criantes contre les provinces flamandes, et comment
pourrez-vous expliquer cette injuste exception pour ces provinces ? Je ne pense
pas que vous vouliez les traiter en parias et que, comme sous le régime de 92,
vous vouliez les mettre hors la loi. Je ne puis donc douter que vous rejetiez
l’amendement.
M.
Meeus. - J’ai demandé la parole pour répondre à ce qu’a dit l’honorable
M. Dubus. Il prétend qu’il n’y a
pas de position exceptionnelle pour les Flandres dans l’amendement du sénat. En
vérité, je ne vois pas comment cela ; car encore une fois il est dit : « Le
chemin à ornières de fer, destiné à lier
D’ailleurs remarquez bien que pour les personnes
qui croient qu’il vaut mieux que les routes en fer soient exécutées par le
gouvernement, je conviens que l’amendement du sénat peut être considéré comme
favorable aux Flandres. Mais tout le monde n’est pas de cet avis. Si cette
question était résolue, à la bonne heure ! Or, elle ne l’est pas je dis donc
que dans l’amendement du sénat il y a position exceptionnelle pour les
Flandres.
M. Dumortier. -
J’ai quelques mots à répondre à l’opinion de l’honorable préopinant. Il y a,
dit-il, position exceptionnelle pour les Flandres. Il a dit plus tout à
l’heure. Il a dit que les Flandres étaient placées hors la loi par l’amendement
du sénat. Moi, je vois, au contraire, dans l’amendement du sénat que les
Flandres sont dans la loi.
C’est un principe très salutaire que de laisser à
la loi la concession des routes en fer. En ce qui concerne ces communications,
j’aurai l’honneur de rappeler que lorsque la loi de concessions de péages fut
votée en 1832, il n’était nullement question en Belgique de routes en fer ; il
n’y avait aucune route de cette nature pour le transport des personnes. Aussi,
dans la loi ne fut-il nullement question de routes en fer.
Il y avait, sous ce rapport, dans cette loi une lacune
que le sénat aurait très sagement comblée, en disant que les routes en fer de
plusieurs lieues ne pourraient être concédées que par une route en fer. En
effet, quand une route en fer est établie, on ne peut pas penser qu’une
deuxième route en fer sera établie sur la même ligne, en concurrence ; ces
concessions sont en outre accordées pour un terme très long, soit 80 ans. On ne
saurait donc environner ces concessions de trop de garanties : on ne perd
jamais rien à examiner le choses longuement.
Si la construction du canal de Tournay à Mons avait
été réglée par une loi, l’Etat n’aurait pas dû payer un million ou deux de
florins pour racheter ce canal. Si la canalisation de
La nation a le plus grand intérêt à ce que les
grands travaux soient réglés par des lois ; et quelle que soit mon estime
personnel pour M. le ministre de l'intérieur, et bien que je sois certain qu’il
examine les choses avec maturité, je serai toujours disposé à laisser à la législature
la connaissance de telles questions.
Mais est-il vrai que les Flandres soient dans une
position exceptionnelle ? Si on appelle leur position une position
exceptionnelle, tout ce que je désire, c’est qu’on place la ville de Tournay
dans une telle position exceptionnelle ; c’est qu’il soit décidé que l’on ne
pourra concéder qu’en vertu d’une loi l’exécution de la route en fer passant
par Tournay.
M. A. Rodenbach.
- Proposez un amendement dans ce sens.
M. Dumortier. -
Je le ferai volontiers, si on est disposé à l’appuyer ; je vais en exposer les
motifs.
Il est incontestable qu’une route en fer doit être
faite passant par Tournay, et se dirigeant vers
Je pense donc qu’il faut
admettre l’amendement du sénat, et si la chambre est disposée à adopter un amendement
tendant à ce que la route en fer par Tournay ne soit exécutée qu’en vertu d’une
loi, je déposerai volontiers une proposition dans ce sens.
M. le président. -
M. Dumortier dépose-t-il un amendement ?
M. Dumortier. -
Si M. le ministre de l’intérieur prend l’engagement de ne faire exécuter la
route en fer par Tournay qu’en vertu d’une loi, je ne déposerai pas
d’amendement.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux) fait un signe négatif.
M. le président. -
Aucun amendement n’étant déposé, je mettrai l’article aux voix. Je mettrai
d’abord aux voix la première partie de l’article, ainsi conçue :
« La loi du 19 juillet 1832 (Bulletin officiel, n. 519), sur les
concessions de péages, est prorogée au 1er janvier 1837. »
- Cette partie de l’article est adoptée.
M. le président. -
Je mettrai maintenant aux voix la deuxième partie de l’article ainsi conçue :
« Néanmoins, le chemin à ornières de fer, destiné à lier
Plusieurs
membres. - L’appel nominal !
- La chambre procède à l’appel nominal sur la
deuxième partie de l’article unique du projet. Voici le résultat du vote.
72 membres prennent part au vote.
49 votent pour l’adoption.
23 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Beerenbroeck,
Berger, Bosquet, Brabant, Coghen, Cornet de Grez, David, de Behr, de Longrée,
W. de Mérode, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmanet de
Biesme, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubois, Dubus, B.
Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Jadot, Keppenne,
Lebeau, Legrelle, Mast de Vries, Milcamps, Nothomb, Pirson, Quirini, Rogier,
Scheyven, Simons, Ullens, Troye, Vandenbossche, Vanderbelen, Verdussen, Watlet,
Zoude, Trentesaux.
Ont voté contre : MM. Andries, Bekaert, de Foere,
de Jaegher, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Roo, Desmaisières, Desmet, de
Terbecq, Kervyn, Lejeune, Manilius, Morel-Danheel, A. Rodenbach, Stas de
Volder, Vergauwen, Verrue, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Meeus, Raikem
La chambre procède à l’appel nominal sur l’ensemble
du projet de loi ; voici le résultat du vote
71 membres prennent part au vote.
49 votent pour l’adoption.
22 votent contre.
La chambre adopte. Le projet de loi sera soumis à
la sanction royale.
Ont voté pour l’adoption
MM. Beerenbroeck, Berger, Bosquet, Brabant, Coghen,
Cornet de Grez, David, de Behr, de Longrée. W. de Mérode de Nef, de Puydt,
Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Theux, Devaux.
d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubois, Dubus, B. Dubus, Dumortier, Eloy de
Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Jadot, Keppenne, Lebeau, Legrelle, Mast de
Vries, Milcamps, Nothomb, Pirson, Quirini, Rogier, Scheyven Simons, Ullens,
Troye, Vandenbossche, Vanderbelen, Verdussen, Watlet, Zoude, Raikem.
Ont
voté contre : MM. Andries, Bekaert, de Foere, de Jaegher, de Meer de Moorsel,
de Muelenaere, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Kervyn, Lejeune,
Manilius, Morel-Danheel, A. Rodenbach, Stas de Volder, Vergauwen, Verrue, C.
Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Meeus.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1836
M. Milcamps,
rapporteur de la section centrale chargée de l’examen du budget de l’intérieur,
dépose le rapport sur ce budget.
- La chambre en ordonne l’impression et la
distribution.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Discussion générale
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’ensemble du budget de la justice.
M. Frison. -
Messieurs, quand on discute le budget du département de la justice, je crois
être dans mon droit et dans la question en insistant de nouveau sur la
nécessité qu’il y a d’augmenter le personnel de plusieurs tribunaux ; mais
rassurez-vous, messieurs, je ne parlerai point exclusivement de Charleroy : ce
que je crains avant tout, c’est d’abuser de votre indulgence.
Lorsque nous tâchons de démontrer la nécessité et
l’urgence de créer une seconde chambre dans le chef-lieu de l’arrondissement
qui nous a envoyé au milieu de vous, nous pourrions peut-être nous étonner de
trouver, au nombre de nos adversaires, les honorables députés d’une ville
appartenant à la même province, eux que l’on devrait supposer mieux instruits de
ce qui se passe chez nous que presque tous les autres membres de l’assemblée.
Quel peut être le motif de leur opposition ? je n’en sais rien : je ne veux
point leur en faire un reproche, inculper leurs intentions, ni leur conduite,
convaincu que je suis qu’ils ne font que suivre l’inspiration de leur
conscience.
Toujours est-il que jamais nous n’avons contesté
les besoins qui se font sentir au tribunal de Tournay ; qui songerait à enlever
à cette ville la gloire et l’honneur d’avoir été le berceau de la monarchie
française ? d’avoir été longtemps la capitale d’une
province ? Qui méconnaît la prospérité de ses fabriques de tapis, de
porcelaines, de bas et de bonnets de coton, et la supériorité de sa chaux ?
Mais il faut bien l’avouer, messieurs, tout cela est le l’histoire ancienne, et
nous avons pour les vieilles traditions le plus profond respect.
Mais nous, nous d’hier, nous qui n’avons pas de
poudreux souvenirs historiques à réveiller, que l’on nous permette de vanter
une prospérité industrielle toujours croissante, quand elle doit nous aider à
démontrer la cause de notre arriéré, prouver que la justice ne peut être
convenablement dispensée dans notre arrondissement avec le personnel actuel. Si
l’on ignore encore que la plupart des contestations qui sont portées à notre
tribunal prennent leur origine dans les houillères et les minières, que ces
procès sont toujours de la plus grande importante, exigent un examen approfondi
de la part des juges, occupent souvent plus qu’il n’en faudrait pour expédier
une vingtaine les causes d’un autre genre, au moins ai-je tout fait, et à
plusieurs reprises, pour chercher à vous en convaincre.
Messieurs, notre état actuel est insupportable et
le déni de justice que nous éprouvons s’aggravera tous les jours, par le
développement de nos extractions ; c’est une cause permanente de procès : notre
richesse est inhérente à notre sol et notre terre sera d’autant plus sillonnée
en tous sens que l’industrie des autres provinces prendra plus d’essor ; la
houille et le fer, premiers mobiles de l’industrie actuelle, voilà ce que l’on
ne peut nous ôter ; toutes les déclamations du monde n’arrêteront pas d’une
seconde le piston de nos machines ; nous sommes en progrès, nous ne nous
arrêterons pas, nous sommes encore gros d’avenir.
Je devrais encore m’étonner, messieurs, de ce que,
tout en faisant abstraction du nombre des causes qui encombrent notre tribunal
et du nombre d’audiences consacrées à les vider, d’honorables jurisconsultes
paraissent ne point avoir égard à la nature de nos affaires et viennent
invoquer un projet de loi en matière de compétence civile qui ne pourra nous
soulager en aucune manière ; les juges de paix ne peuvent être appelés à
connaître des questions de houillères qui sont si fréquentes à notre tribunal.
Que ceux d’entre vous, messieurs, qui, par de
louables motifs d’économie, voudraient ne voir augmenter le personnel d’aucun
tribunal, veuillent bien réfléchir qu’il n’y aura de ce chef aucune charge
nouvelle pour le trésor : plus on pourra juger de procès, plus ils rapporteront
en droits d’enregistrement, de greffe, etc. S’il était permis de plaisanter en
si grave matière, je voudrais bien que l’on me chargeât de pourvoir au paiement
des traitements des membres de l’ordre judiciaire, à la condition de retirer
les bénéfices qui résultent de la dispensation de la justice ; je me
considérerais comme le concessionnaire le plus heureux du royaume.
On ne fait pas de difficulté d’admettre
immédiatement à une classe supérieure deux tribunaux en considération de la cherté
des vivres dans les villes où ils siègent : si j’étais partisan d’économies à
tout prix, je pourrais dire que les juges rendent tout aussi bien la justice
avec quelques centaines de fr. de moins et qu’il n’y a aucune urgence à
admettre la proposition : que l’on pourrait bien attendre aussi la mesure
générale ; mais je mettrai tout esprit de localité de côté et je donnerai mon
assentiment à ce projet, parce que je sais trop à quelles études a dû se livrer
un citoyen, quels sacrifices il a dû faire avant d’occuper une place de juge,
qui le met tout d’un coup au premier rang de la société et qu’il doit pouvoir
s’y maintenir d’une manière conforme à son état.
Dans une récente discussion, ce qui a le mieux plu
à M. le ministre de la justice, c’est la recommandation d’apporter de la
maturité dans l’examen de la question des tribunaux ; M. le ministre n’avait
pas besoin de ce conseil : il s’est très bien souvenu en cette circonstance du
précepte d’Horace et de Boileau : « festina lente » : hâlez-vous
lentement. Quoi ! depuis près d’un an des demandes
sont faites pour des augmentations de personnel, pour faire rendre justice, et
aucun travail ne nous est encore soumis ! il y a des
tribunaux, dont les besoins étaient déjà reconnu sous le ministère de
l’honorable M. Lebeau, et l’on trouve que l’on n’a point encore eu assez de
temps pour faire droit à leurs justes griefs !
Je n’insisterai pas davantage, messieurs, sur ces
considérations, sur des vues d’économies mal entendues, parce que vis-à-vis de
l’administration de la justice, l’on a été travaillé de ce mal pendant
longtemps, et qu’il en reste encore quelque chose quoique le sort des
magistrats ait été amélioré depuis le gouvernement sous lequel nous vivons.
Lorsqu’en l’an VIII, Bonaparte (je conserve à ce
grand homme le nom qu’il portait alors), qui visait déjà au pouvoir suprême,
s’occupa de réorganiser l’ordre judiciaire pour parvenir plus facilement à son
but, il le plaça dans l’état le plus complet d’abjection, et usa envers lui
d’une parcimonie révoltante : mais ce système odieux était au moins conséquent
avec les principes ; si l’on veut, aujourd’hui, une sage liberté, que l’on ne
recule pas devant une légère dépense, qui n’est pas réelle, pour donner aux
justiciables ce qu’ils sont en droit d’attendre. La justice est, sans
contredit, la base et le plus ferme appui d’un gouvernement constitutionnel
c’est même une garantie de sa durée. Que M. le ministre se hâte donc, mais
promptement, de faire cesser les nombreuses plaintes qui s’élèvent de tant de
côtés.
L’on ne viendra sans doute plus nous dire que la
chambre est saisie de tous les projets d’augmentation de personnel ; rien n’est
moins exact ; un rapport sur toutes ces demandes a été fait par l’honorable M. de Behr. Vous l’avez discuté en
séance du 24 août dernier et vous en avez adopté les conclusions de renvoi à M.
le ministre de la justice ; c’est donc de lui seul que dépend le redressement
de tant de griefs.
Quant à moi, n’y eût-il qu’un seul tribunal, parmi
tous ceux qui ont demandé une augmentation de personnel, dont les droits
fussent évidents, écartât-on même Charleroy de cette catégorie, je pense qu’on
ne peut pas reculer indéfiniment le jour d’avoir égard à sa réclamation ; et
que nous ne devons pas nous contenter d’une vague assurance d’y satisfaire dans
un temps que l’on ne précise jamais. Pour mon compte, si M. le ministre ne me
répond pas sous ce rapport autrement qu’il ne l’a fait jusqu’ici, je me verrai
dans la nécessité de refuser mon vote au budget. Je ne pourrais admettre
d’énormes dépenses qui ne rempliraient pas le but qu’elles doivent atteindre,
c’est-à-dire de faire rendre partout la justice convenablement. M. le ministre
attachera peut-être peu de prix à mon opinion, mais je croirai avoir rempli un
devoir de conscience.
Discussion des chapitres
Chapitre Ier. - Administration centrale
Article
premier
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr.
21,000. »
- Adopté.
Article
2
« Art. 2. Traitement des employés et des gens
de service : fr. 97,522. »
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Messieurs, je sois obligé de proposer à la chambre une
légère majoration de 478 francs, de manière à porter la somme totale du crédit
de 97,522 francs à 98.000. Voilà le motif de cette augmentation.
Dans le chiffre destiné au paiement des employés de
tout le ministère de la justice, se trouve une somme de 16,472 fr. destinée à
rétribuer les employés attachés au Moniteur
et au Bulletin officiel. C’est au
budget de l’année dernière que la section centrale, d’accord avec le
gouvernement, proposa de réunir dans une somme globale les deux crédits alloués
pour traitements d’employés.
Dans le deuxième se trouve une somme de 800 fr.
pour le traitement de l’aide-correcteur au Moniteur.
Pendant quelque temps j’ai pu payer un deuxième correcteur au moyen de cette
somme. J’en ai eu un excellent. Mais depuis que l’imprimerie a atteint un aussi
haut degré de prospérité dans la capitale, les bons employés sont recherchés ;
cet aide-correcteur m’a abandonné, et je me suis trouvé dans l’impossibilité de
me procurer un bon aide-correcteur au moyen de 800 francs. Le Moniteur en souffre. Quelquefois l’on a
adressé dans cette enceinte des plaintes très fondées qui provenaient de la
négligence de la correction. Je me suis assuré qu’au moyen de 1,200 francs
j’aurais un bon correcteur ; 400 francs seront consacrés à cet usage. J’ai
demandé 78 fr. de plus pour que la somme fût ronde. J’espère que ces
explications suffiront pour que la chambre veuille bien accorder le supplément
que j’ai l’honneur de proposer.
- La somme de 98,000 francs est mise aux voix et
adoptée.
Articles
3 et 4
« Art. 3. Matériel : fr. 13,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais de route et de séjour : fr.
2,000. »
- Adopté.
Chapitre II. - Ordre judiciaire
Article
premier
« Art. 1er. Cour de cassation, personnel : fr.
234,300. »
La section centrale propose une réduction de 500
fr.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). déclare se rallier à cette
réduction.
Le chiffre de 233,800 fr, est adopté.
Article
2
« Art. 2. Cour de cassation, matériel : fr.
13,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Cour d’appel, personnel : fr.
508,890. »
M. Bosquet. - Je
ne viens pas contester le chiffre présenté au budget pour le personnel de la
cour d’appel. Je proposerai seulement à la chambre de n’allouer le chiffre du
personnel pour le président et les conseillers des cours d’appel, notamment de
celle de Bruxelles, que sous la réserve de revenir sur ce chiffre pour pouvoir
le majorer au second vote, s’il plaisait à la chambre de s’occuper entre les
deux votes de la discussion de la loi d’augmentation du personnel de la cour de
Bruxelles, ainsi que des lois semblables pour les tribunaux de Hasselt et de
Verviers.
Je croirais manquer à mon devoir si je n’insistais
pas de nouveau sur l’urgence de ces projets. Je suis décidé à présenter une
proposition spéciale lorsque la discussion du budget de la justice aura été
terminée.
M. Coghen - Je
viens appuyer la demande faite par l’honorable préopinant. Il est urgent que
l’on s’occupe de la loi tendant à augmenter le personnel de la cour d’appel.
Il est de fait qu’il y a dans cette cours 800
affaires arriérées. L’intérêt des familles est compromis par les retards
qu’amène l’insuffisance du personnel. Je sais que le gouvernement désire tout
aussi bien que nous que l’on discute cette loi, puisqu’il reconnu l’urgence de
l’adopter. Quant au chiffre en discussion, on pourra le majorer par la loi même
qui décidera l’augmentation du personnel.
- La réserve proposée par M. Bosquet est admise.
Le chiffre en discussion est mis aux voix et
adopté.
Article
4
« Art. 4. Cour d’appel, matériel : fr.
18,000. »
- Adopté.
Article
5
« Art. 5. Tribunaux de première instance et de
commerce : fr. 853,550. »
La section centrale propose 853,020 fr.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Je déclare me rallier à l’amendement de la section
centrale. C’est moi-même qui ai proposé à M. le rapporteur de la section
centrale de réduire le chiffre de 530 francs, parce que depuis la présentation
du budget, j’ai reconnu qu’il était inutile de conserver deux juges
d’instruction à Gand.
M. Dubus. - Je
remarque dans l’article en discussion deux augmentations de dépenses. L’une est
destinée à augmenter le nombre des commis-greffiers rétribués par l’Etat.
L’autre est relative aux frais de bureau des procureurs du Roi.
J’ai quelques observations à présenter sur ces deux
augmentations de dépenses.
Pour justifier la demande de crédit peu élevé que
nécessite la rétribution d’un plus grand nombre de commis-greffiers, l’on a
fait valoir l’augmentation considérable des affaires dans les tribunaux.
Cependant il me semble qu’il y avait une considération qui devait ne pas être sans
influence sur la question des chiffres. C’est que par la loi d’organisation
judiciaire la position du greffier dans les tribunaux, qui n’était pas
malheureuse, a été considérablement améliorée, et le résultat de l’augmentation
du travail a eu pour conséquence immédiate de l’améliorer encore à tel point
que ce fonctionnaire gagne maintenant la moitié en sus et peut-être le double
de ce qu’il gagnait en 1832. Maintenant, si vous augmentez le nombre des
commis-greffiers dont la création est nécessitée par une augmentation de
travail et qu’ils soient aux frais du greffier, qui, s’il est obligé de payer
un personnel plus nombreux, gagne d’un autre côté davantage par suite de
l’augmentation des affaires, tout est bien. Mais si des commis-greffiers sont
rétribués par l’Etat, c’est le trésor public qui paiera et c’est le greffier
qui en profitera.
Il y a des tribunaux où il y avait autant de
commis-greffiers que maintenant. Un seul était rétribué par le trésor. Je crois
que ce titre de commis-greffier ne doit pas faire illusion, Les fonctions ne
sont pas les mêmes, si l’on considère un des premiers corps judiciaires, la
cour de cassation, la cour d’appel, ou bien si on les envisage par rapport aux
tribunaux d’une ordre subalterne.
Je comprends qu’un commis-greffier d’une de ces
cours ait une certaine position. Mais dans les tribunaux de première instance,
ces employés sont à la fois commis-greffiers et expéditionnaires. Qu’il y en
ait un ou deux à la charge du trésor, c’est bien. Mais s’il faut aller au-delà
de ce nombre, c’est au greffier à rétribuer une augmentation de personnel dont
la nécessité indique l’accroissement des affaires du tribunal.
Une autre observation que je voulais présenter à la
chambre a pour objet l’allocation de 15,000 fr. pour frais de bureau des
procureurs du Roi. Jusqu’ici l’allocation était beaucoup moindre. Je vois par
un arrêté mentionné dons les documents annexés au budget qu’il y a 9 procureurs
du Roi qui reçoivent ensemble une somme de 92,000 francs pour salaire d’un
commis, ce sont les procureurs du Roi des chefs-lieux des provinces.
Cette somme était prélevée autrefois sur un crédit
global de 10,000 fr. Maintenant ce crédit serait porté à 15,000 fr. Ce qui
serait 5,000 francs de plus que ce qui a été dépensé jusqu’à ce jour : cette augmentation,
dit M. le ministre de la justice, est justifiée par la nécessité de donner un
deuxième commis aux procureurs qui prouveront que le commis qu’ils ont déjà ne
peut suffire à l’expédition du travail.
Je ne m’oppose pas en principe à l’allocation.
Cependant j’ai des explications à demander. Dans l’état actuel des choses et
dans l’éventualité de l’adoption, sans l’amendement, sous ce rapport, de la loi
provinciale, les menues dépenses des cours d’assises, de première instance, de
commerce, etc., sont à la charge des provinces. En effet, ces menues dépenses
ont été couvertes jusqu’à ce jour par des allocations aux budgets provinciaux.
Je reconnais que ces allocations, qui sont les mêmes depuis 1801, ne répondent
guère, aux besoins actuels. Mais dans ces allocations sont confondues les
menues dépenses du tribunal et du parquet. Les procureurs du Roi qui ont besoin
d’un scribe ont prélevé sur ce fonds une somme, telle minime qu’elle fût, pour
rétribuer ce scribe.
Je crois que de la manière
dont M. le ministre entend maintenant les choses, les allocations si faibles
des budgets ne contribueraient pour aucune partie à rétribuer les scribes des
procureurs du Roi, puisque les traitements des deux commis seraient prélevés
sur l’article du budget de la justice actuellement en discussion. Le reste
serait employé aux véritables menues dépenses des tribunaux, quant aux frais de
chauffage, éclairage, achat de papier, salaire du personnel subalterne, qui
consiste dans le concierge et des hommes de peine.
Si c’est ainsi qu’on l’entend, je crois que
l’allocation pourrait être considérée comme suffisamment justifiée. Si on
l’entend autrement, l’état des mêmes dépenses des tribunaux demeurerait le même
et les procureurs du Roi continueraient à toucher à la fois une partie de
l’allocation provinciale et une partie de l’allocation du budget de l’Etat.
Cela présenterait un véritable inconvénient. Il
faut qu’il y ait une ligne de séparation bien tracée entre l’application des
deux crédits. Il résulterait de l’allocation qui serait faite par le présent
article aux procureurs du Roi que ceux-ci, pour leurs frais d’écriture,
n’aurait à s’adresser qu’au gouvernement et nullement aux budgets provinciaux.
Je me borne, pour le moment, à demander à M. le
ministre de la justice une explication sur ce second point.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Je répondrai aux observations de l’honorable préopinant.
J’au lieu d’espérer que nous serons bientôt d’accord.
L’honorable orateur s’est d’abord occupé des commis-greffiers.
L’article en discussion est majoré à raison de la création de deux places de
commis-greffiers à la charge du trésor, l’un à Liége au traitement de 1.700
fr., l’autre à Arlon au traitement de 1,200 fr.
L’honorable membre a fait à ce sujet quelques
remarques qui me semblent très justes.
Lorsque les causes d’un tribunal augmentent, la
position de greffier devient plus avantageuse ; dans ces circonstances, lui
accorder un nouveau commis-greffier rétribué par l’Etat, ce serait améliorer
doublement sa position aux dépens du trésor des contribuables.
Je pense avec l’honorable député de Tournay qu’il
ne faut pas sans nécessité augmenter le nombre des commis-greffiers rétribués
par l’Etat. Cette nécessité a été reconnue à l’égard de localités dont il
s’agit ; je pourrais mettre sous les yeux de l’honorable préopinant une
instruction faite de la manière la plus consciencieuse, et je dois le dire,
sans qu’il soit jamais entré dans l’intention de personne de faire chose
agréable et utile au greffier.
Le tribunal, le procureur du Roi et le
procureur-général étaient unanimes pour la création d’une nouvelle place de
commis-greffier à Liége et à Arlon. C’est d’après ce document que j’ai trouvé
qu’il était de toute justice de nommer les deux commis-greffiers dont je
demande le traitement.
Ce qui n’empêche pas que les greffiers dont il
s’agit ne soient obligés d’avoir deux greffiers surnuméraires payés par eux.
J’ai reconnu que les avantages des greffiers sont loin d’être aussi
considérables qu’on le pense. J’ai mis sous les yeux de la section centrale
toutes les pièces et elle a pu se convaincre que la mesure que j’ai proposée
est conforme à l’équité.
Quant à l’allocation des 15 mille fr. demandée pour
les procureurs du Roi, elle est encore de toute nécessite. L’honorable
préopinant ne conteste pas cette nécessité, mais il a fait quelques
observations que je crois devoir rencontrer.
Quant à la nécessité de l’allocation, je vous dirai
qu’une foule de réclamations fondées m’ont été adressées, je les ai mises sous
les yeux de la section centrale qui a reconnu qu’il était indispensable de
venir au secours des procureurs du Roi.
Dans un grand nombre de localités, les procureurs
du Roi étaient obligés de consacrer une partie de leur traitement à payer un
commis. Quelques-uns se trouvant souvent détournés de leurs fonctions
importantes, forcés qu’ils étaient d’employer leur temps à des écritures, à
faire des copies. Cela n’est ni juste ni utile. Il faut que les procureurs du
Roi comme les autres magistrats conservent l’intégralité de leurs appointements
et s’occupent uniquement des devoirs du ministère public sans être tenus aux
travails d’employés subalternes.
Maintenant, je ferai observer qu’il n’est pas
question de confondre le traitement des commis des officiers du parquet avec
les simples frais de bureau, cette minime dépense qui est à la charge des
budgets provinciaux.
Ces frais de bureau n’ont rien de commun avec les
traitements des commis. Ces sommes ne passent pas même par les mains du
procureur du Roi ; car l’allocation de 10 mille francs, comment est-elle
répartie entre les procureurs du Roi ? Ils jouissent chacun d’une quote-part de
cette somme pour un commis, mais le traitement de ce commis se trouve porté
dans le tableau collectif de tous les traitements, de sorte que c’est
directement que l’attribution en est faite à celui à qui elle est destinée ;
c’est de la même manière que seront employés les 15 mille fr. que je demande :
ils serviront à payer directement le commis du procureur du Roi qui ne pourra
dans aucun cas se prévaloir de cette somme pour augmenter son traitement.
Quant aux menues dépenses
qui sont à la charge des provinces, elles ne doivent aucunement servir à payer
des scribes ; dans tous les ces, elles ne pourront plus être employées de cette
manière à l’avenir ; c’est à payer les frais de bureau proprement dits qu’elles
sont destinées. Je sais qu’il s’est présenté quelques inconvénients à propos de
cette allocation, parce qu’elle comprend collectivement les dépenses des
parquets et des tribunaux. Je désirerais que le parquet eût sa part fixe ainsi
que le tribunal. Car, il y a quelquefois des difficultés à propos du partage ;
j’ai fait tout ce qui a dépendu de moi pour arriver à ce résultat, et en ce
moment même, je poursuis une instruction, je consulte les premiers présidents,
les procureurs-généraux et les présidents, pour voir si on ne parviendrait pas
à trouver un moyen de faire la part du tribunal et celle du parquet.
Pour résumer cette dernière
partie de mes observations, j’aurai l’honneur de dire à la chambre que les 15
mille francs comme les 10 mille recevront une destination différente des menues
dépenses allouée, par le budget provincial. Ces menues dépenses, je le répète,
ne sont pas destinées à payer les commis, mais des frais de bureau. Les 25
mille fr. seront répartis entre les procureurs du Roi, selon qu’on en aura
reconnu la nécessité, pour rétribuer un ou deux commis suivant les besoins plus
ou moins grands des localités ; et l’attribution s’en fera directement. C’est
sur le rôle de traitements collectifs que seront portés les traitements des
commis-greffiers que je croirai devoir attacher aux parquets de première
instance.
M. Bosquet. - M.
le ministre de la justice ayant présenté les observations que je me proposais
de faire, je renonce à la parole.
M. de Behr. - Je
demande à dire un mot seulement relativement aux commis-greffiers ; car pour ce
qui concerne l’allocation demandée pour les parquets des procureurs du Roi, je
ne pourrais rien ajouter aux observations que vient de présenter M. le ministre
de la justice.
Quant aux commis-greffiers,
M. Dubus a dit que le sort des greffiers avait été amélioré par la loi de 1830
; que si le nombre des affaires s’était accru, la position des greffiers en
était devenue meilleure, parce que plus il y avait d’affaires, plus ils
touchaient de droits de greffe. Je lui répondrai que la loi de 1830 n’a pas
amélioré le sort des greffiers, attendu que leur traitement est resté le même.
Je lui ferai observer ensuite que le greffier à
Liège emploie pour l’expédition des affaires non pas les greffiers
surnuméraires, mais des expéditionnaires, et que pas un seul commis-greffier ne
fait des expéditions ; tous les droits se trouvent épuisés par le paiement de
ces employés ; car, indépendamment des quatre commis-greffiers attachés au
tribunal, il y a deux greffiers surnuméraires que le greffier en chef paie ; de
sorte que ses émoluments sont en grande partie absorbés par le personnel qu’il
est obligé d’entretenir. Ce n’est qu’après que ces circonstances ont été
reconnues par le président, le procureur du Roi et le procureur-général que le
gouvernement s’est déterminé à nommer un nouveau commis-greffier. Il est
impossible d’en contester la nécessité.
M. Dubus. - Il
est impossible de concevoir comment les rétributions du greffier ne suffiraient
pas à payer le traitement des expéditionnaires. Il est reconnu par tout le monde
qu’il y a grand profit pour le greffier à avoir un grand nombre d’expéditions à
faire. Le droit de greffe est plus fort que celui alloué par le tarif aux
avoués pour copies de pièces. Eh bien, demandez aux avoués s’ils ont de la
perte à faire faire des copies pour lesquelles on leur alloue tant par rôle ?
Cela me paraît incompréhensible.
M. de Behr. - M.
Dubus n’a rien répondu à ce que j’ai dit relativement aux deux commis-greffiers
surnuméraires que paie le greffier. Les quatre commis-greffiers sont toujours
occupés, et il arrive que l’un d’eux soit malade, c’est un des surnuméraires
qui vient le remplacer.
M.
Dubus. - Cela fait voir qu’on veut que tous les commis-greffiers à
Liége soient en définitive aux frais de l’Etat ; car on vient de dire tout à
l’heure qu’il y en avait trois, et on veut faire rétribuer un quatrième par
l’Etat.
M. de Behr. - Il y
a en outre des quatre commis-greffiers payés par l’Etat, deux surnuméraires
payés par le greffier.
M. Dubus. - Il
y aurait ainsi six commis-greffiers. Il me semble qu’on s’est parfaitement mis
en mesure contre les événements, car la moitié peut être malade et l’autre
faire la besogne.
M. Raikem. -
Messieurs, je ne parlerai que de ce qui concerne les commis-greffiers, M. le
ministre de la justice ayant répondu de la manière la plus ample à ce qu’on avait
dit relativement à l’allocation demandée pour les procureurs du Roi chargés de
recueillir des documents de statistique judiciaire.
Quant aux greffiers dont l’honorable M. Dubus dit
la position améliorée par la loi de 1830, leur traitement est resté le même.
D’après les lois préexistantes, le traitement des
greffiers était le même que celui des juges. Le traitement des juges à Liége a
été porté à 2,800, qu’il était à 3,200 ; tandis que celui de greffier est resté
à 2,800. Ainsi la position du greffier n’a nullement été améliorée.
Maintenant, quant au nombre des commis-greffiers,
il doit être fixé d’après le besoin du service. Pour créer un nouveau
commis-greffier salarié par l’Etat, une instruction a été faite par le ministre
; les pièces de cette instruction, comme il vient de vous le dire, ont été
mises sous les yeux de la section centrale qui a reconnu que les besoins du
service exigeaient la nomination d’un quatrième commis-greffier. Cependant,
l’honorable préopinant sans contester que le nombre des commis-greffiers doive
être fixé d’après les besoins du service, a paru contesté que le nombre fixé
pour le tribunal de Liège fût réellement nécessaire.
On sait pourtant que le tribunal de Liége est assez
chargé de causes. Il doit y avoir constamment un commis-greffier à chaque
chambre, il doit y en avoir un près du juge d’instruction, et il arrive que le
juge d’instruction interroge, que les deux chambre tiennent audience, qu’on
procède à une enquête et que diverses procédures ont lieu en présence du juge et
qu’auprès de ce juge l’office d’un commis-greffier est absolument nécessaire.
Voilà une besogne qui peut se présenter journellement et qui nécessite l’emploi
de quatre commis-greffiers à la fois. Je viens d’indiquer la destination de
chacun. Indépendamment des commis-greffiers, il y a le commis surnuméraire qui
n’est pas salarié par l’Etat et d’autres personnes pour le service du greffe.
Je crois que ces simples observations démontrent la
nécessité des quatre commis-greffiers nommés par le gouvernement, et la loi
conférait au gouvernement, comme chacun sait, le pouvoir de faire ces
nominations. D’ailleurs, on n’a pas excédé les besoins du service.
Mais on a dit que plus il y avait d’affaires dans
un greffe, plus le greffier toucherait de rétributions, et qu’il devrait payer
une partie des commis-greffiers.
Je ferai observer qu’il y a des procédures
gratuites pour lesquelles il ne reçoit aucune rétribution quoiqu’il fasse des
écritures.
Il serait inutile, je pense, d’en dire davantage.
Des autorités compétentes à même de juger consciencieusement et qui
n’appuieraient pas une dépense inutile ont été consultées, et le ministre n’a
accordé un commis-greffier au tribunal de Liége qu’après avoir recueilli tous
les renseignements propres à former sa conviction.
Je crois pouvoir me borner à ces observations.
Plusieurs
membres. - Aux voix ! aux voix !
- L’article 5 est mis aux voix et adopté.
Article
6
« Art. 6. Justice de paix et tribunaux de
police : fr. 312,720. »
M. le président. -
La section centrale propose de réduire ce chiffre à 311,640.
M. le ministre se rallie-t-il à cette réduction ?
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - C’est moi-même qui ai proposé cette réduction de 1,080 fr.
à la section centrale, et je viens de nouveau proposer une réduction de
pareille somme sur le même chiffre, de sorte qu’au lieu de 1,080 fr. du chiffre
primitif, je déduirai 2,160, ce qui réduit l’allocation à 310,560 fr.
Voici le motif de cette réduction. Le gouvernement,
d’accord avec les chambres, a résolu de ne pas remplacer les greffiers de
police dont les emplois viendraient à vaquer. La place de greffier de police de
Gand n’est devenue vacante que depuis la présentation de mon budget, c’est pour
cela que j’avais proposé le chiffre de 312,720. Mais j’ai donné connaissance de
cette vacature à l’honorable rapporteur de la section centrale. Depuis le roi a
renvoyé le greffier de police d’Anvers, ce qui a fait une nouvelle place
vacante. Il ne sera pas pourvu non plus à cette place. Voilà la raison de la
double réduction de 1,080 francs et ce qui explique la réduction du chiffre de
l’article à 310,560 fr.
- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.
Chapitre III. - Justice militaire
Articles
1 à 3
« Art. 1er. Haute cour militaire, personnel :
fr. 62,050. »
- Adopté.
« Art. 2. Haute cour militaire, matériel : fr.
4,200. »
- Adopté.
« Art. 3. Auditeurs-militaires : fr.
53,921. »
- Adopté.
Chapitre IV. - Frais de
poursuite et d’exécution
Article
unique
« Article unique. Frais de poursuite et
d’exécution : fr. 550,000. »
- Adopté.
Chapitre V. - Constructions, réparations, loyers des locaux
Articles
1 à 3
« Art. 1er. Construction, réparations et loyer
des locaux : fr. 35,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Constructions pour la cour de
cassation : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 3. constructions pour la cour d’appel à
Gand : fr. 100,000. »
- Adopté.
Chapitre III. Moniteur et Bulletin officiel
Articles
1 à 3
« Art. 1er. Impression du Bulletin officiel :
fr. 21,300. »
- Adopté.
« Art. 2. Impression du Moniteur : fr.
58,000. »
- Adopté.
« Art, 3, Abonnement au Bulletin des arrêts de
la cour de cassation transmis à toutes les cours et tribunaux : fr. 2,100
fr. »
- Adopté.
Chapitre VII. - Pensions et secours
Articles
1 et 2
« Art. 1er. Pensions : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Secours à des magistrats ou à des
veuves de magistrats qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un
secours par suite d’une position malheureuse : fr. 4,500. »
- Adopté.
Chapitre VII. - Prisons
Article
premier
« Art. 1er. Frais d’entretien et de nourriture
des détenus : fr. 700,000. »
M. Devaux. - (Remarque du webmaster : Devaux a publié un
long erratum dans le Moniteur du 30 janvier 1836. Cet erratum se trouve à la
fin de ce discours.) Comme la discussion marché un peu vite, contre mon
attente, je n’ai pas pu me munir des notes que j’avais réunies, relativement au
ministère de la justice. La chambre me permettra de faire quelques observations
qui se rapportent bien aux prisonniers, mais qui, je l’avoue, se rattachent
plus particulièrement à la discussion générale. Je suis convaincu que le
caractère de ces observations sera apprécié par la chambre.
L’année dernière, si j’ai bonne mémoire, au moment
de la discussion du budget de la justice, quelques plaintes s’élevèrent dans
les deux chambres sur l’augmentation des crimes en général. On croyait que les
crimes augmentaient considérablement en Belgique. C’était vers la fin de 1834
que ces plaintes se faisaient entendre dans les deux chambres. Je demandai
alors une statistique partielle des grands crimes commis en Belgique.
Le ministre crut mieux faire d’ordonner de dresser
une statistique plus complète. Il nous a communiqué ce travail, je l’en
remercie, car c’est un document très important.
Une des premières question que je me suis posées en
lisant ce document, et que j’avais hâte de voir résolue dans l’intérêt de mon
pays, est celle de savoir si réellement les crimes augmentaient dans une grande
proportion, comme on semblait le penser généralement. J’avance que j’avais eu
toujours des doutes à cet égard. Et en voici la raison. C’est que maintenant il
semble qu’il y a plus de crimes, parce qu’ils reçoivent une plus grande
publicité. Autrefois, tel crime ou tel délit restait en quelque sorte enfoui
dans le lieu où il avait été commis, tandis qu’aujourd’hui que la publicité a
plus d’organes dont les relations s’augmentent chaque jour afin d’être mieux
informés, les moindres nouvelles se propagent avec beaucoup de rapidité et
d’éclat.
J’ai fait quelques rapprochements sur les résultats
que constate le rapport au Roi qui précède le travail statistique. Vous avez
remarqué dans ce rapport qu’on a établi une comparaison entre les crimes commis
antérieurement à la révolution, de 1826 à 1830, et ceux commis postérieurement
à la révolution, de 1831 à 1834. On a pris cinq années d’un côté et quatre de
l’autre : dans cette période beaucoup de crimes sont diminués.
D’après le rapport au Roi la moyenne annuelle
pendant la période antérieure à la révolution est de 703 et dans la période qui
a suivi la révolution, elle n’est que de 574.
Il y a donc surtout une diminution notable et dont
je vous entretiendrai ultérieurement ; c’est sur les vols. Les vols ont diminué
depuis dix ans dans une proportion vraiment incroyable.
La moyenne annuelle des empoisonnements, meurtres
et assassinats était de 36 avant la révolution, elle est aujourd’hui de 42.
La moyenne des incendies était de cinq, elle est
aujourd’hui de quatre.
La moyenne des infanticides était de sept, elle est
restée à ce chiffre.
Pour la fausse monnaie, elle était de 8, elle est
de 12.
Le premier article et celui-ci présente une
augmentation.
Pour le crime de faux, la moyenne est de 24, elle
est maintenant de 15.
Pour viol et attentant à la pudeur avec violence,
la moyenne était de 21, elle est aujourd’hui à 16.
Pour coups et blessures, la moyenne était de 98,
elle est aujourd’hui à 88.
Pour les menaces sous conditions, la moyenne était
de 3, elle est restée à ce chiffre.
Pour la banqueroute frauduleuse la moyenne était de
7, elle est aujourd’hui de 5.
Pour le vol, la moyenne était de 494, elle est
aujourd’hui de 382.
Ainsi, vous voyez dans ce tableau deux catégories de
crimes augmenter dans une légère proportion, les empoisonnements, meurtres et
assassinats renfermés dans un seul article, et le crime de fausse monnaie.
Pour faire une comparaison exacte dont on pût tirer
des conclusions rigoureuses, il faudrait connaître non seulement le nombre des
crimes poursuivis, mais l’intensité avec laquelle les poursuites ont été faites
; il faudrait savoir si dans une période on n’a pas mis plus de négligence que
dans l’autre à faire les poursuites.
Le ministre de la justice a établi une colonne pour
les crimes poursuivis dans la période postérieure à la révolution, et dont les
auteurs sont restés inconnus ; il aurait fallu qu’un travail pareil eût été
fait sur la période antérieure à la révolution, nous aurions pu alors tirer des
inductions très rigoureuses.
Mais comme cet élément manque, il est difficile que
la comparaison soit bien rigoureuse, dans un sens comme dans l’autre.
Un autre objet m’intéresse particulièrement. A la
fin de 1834, plusieurs personnes croyaient que les crimes augmentaient en
Belgique, et l’on attribuait cette augmentation à diverses causes. Je me suis
demandé si les renseignements fournis tendaient à appuyer cette opinion. J’ai
divisé le temps écoulé depuis la révolution en deux périodes, et j’ai voulu voir
si elles indiquaient des augmentations de crimes. Par ce travail, je suis
arrivé à un résultat que j’ai été très heureux de rencontrer. Je m’en vais vous
le faire connaître.
Je prends la période 1831 et 2832 d’un côté, et la
période 1833 et 1834 de l’autre.
- Crimes contre les personnes,
1ère période. Traduits devant les cours d’assises,
382.
2ème période, 362.
Si on fait la somme des accusations portées devant
les cours d’assises et des crimes dont les auteurs sont inconnus, on aura :
1ère période, 483.
2ème période, 497.
- Crimes contre les propriétés.
1ère période. Accusés, 1,326.
2ème période, 898.
La diminution est ici très remarquable.
Si vous faites la somme des accusations portées
devant les cours d’assises et des crimes dont les auteurs sont inconnus, vous
arrivez à un résultat à peu près semblable.
1ère période, 2,134.
2ème période, 1,997.
Ainsi, ce résultat est favorable à la seconde
période.
Je passe à d’autres crimes.
- Assassinats.
Dans les deux années qui ont suivi la révolution,
il y a eu 18 accusations d’assassinats, et 50 assassinats dénoncés ; ensemble
68.
Dans la deuxième période, il y a eu 20 accusations
d’assassinats devant les cours d’assises, et 21 assassinats dont les auteurs
sont restés inconnus ; ensemble 41 crimes.
- Infanticides.
1ère période :
Devant les cours d’assises, 19.
Infanticides dont les auteurs sont inconnus, 36.
Ensemble, 55.
2ème période :
Devant les cours d’assises, 18.
Auteurs inconnus, 24.
Ensemble, 42.
- Empoisonnements.
1ère période, 4.
2ème période, 2.
- Meurtres.
1ère période, 68.
2ème période, 54.
- Fausse monnaie.
1ère période, 22.
2ème période, 12.
- Incendies d’édifices.
1ère période, 90.
2ème période, 109.
Il y a ici exception : le nombre des crimes va en
augmentant.
- Vols sur les chemins publics.
1ère période, 28.
2ème période, 21.
Ainsi, et sur les crimes traduits devant les cours
d’assises, et sur les crimes dont les auteurs sont restés inconnus, il y a
diminution dans la seconde période ; il n’y a que les incendies qui présentent
une exception à cette règle : ces crimes ont augmenté, et leurs auteurs restent
presque toujours ignorés. Il y a encore l’article des vols graves qui a
augmenté.
Dans la 1ère période, le nombre de ces vols a été
de 20.
Dans la 2ème période, il a été de 16.
Messieurs, je le répète, j’ai été fort heureux de
trouver ce résultat ; il prouve que les alarmes qu’on avait jetées dans le
public, très sincèrement sans doute, n’étaient pas fondées : les crimes n’ont
pas augmenté en Belgique : les petits crimes ont diminué, et les grands crimes
n’ont pas présenté de progression croissante : on peut dire que généralement
les crimes ont diminué.
Messieurs, il me répugnerait de vous entretenir
longuement sur une circonstance qui se présente ici, c’est sur le
rétablissement temporaire de la peine de mort : quant à moi, je regrette que
l’on ait recours à cette peine, et j’espère que le ministre de la justice,
mieux éclairé par les faits, imitera ses prédécesseurs qui l’avaient suspendue.
Toutefois je ne veux pas trancher cette question ; l’expérience
n’est pas décisive ; je suis loin de dire qu’elle préjuge l’avenir : mais il
est un fait, c’est que l’espérance que l’on avait conçue de la suspension de la
peine de mort qui date de la révolution, et qui à mon avis a fait honneur à
tous les ministres de la justice qui se sont succédé, n’a pas été démentie par
les faits. Je sais que cet essai fixait l’attention des législateurs dans
divers pays : on le suivait avec un grand intérêt. Je dois dire aussi que si la
peine de mort a été rétablie, son application n’a pas été fatale. C’est tout ce
que je puis faire remarquer.
J’appellerai maintenant l’attention du ministre de
la justice sur un autre objet.
La criminalité des enfants est encore un point
remarquable.
S’il fallait en croire la comparaison des époques
antérieures à la révolution aux époques postérieures, la criminalité des
enfants aurait augmenté. Cette augmentation serait de mille individus par
année. On en traduisait autrefois devant les tribunaux six à sept mille,
actuellement on en traduit dix a onze mille par an.
Je crois qu’à cet égard les documents ne sont pas
complets ; s’ils étaient complets, les résultats pourraient être tout autres.
J’engage le ministre à porter son attention de ce côté-là.
Ce qu’il y a encore de très remarquable, c’est la
criminalité d’une province à une autre.
Sur 10,000 habitants, je trouve que les différentes
provinces ont donné en enfants prévenus et traduits, savoir :
Luxembourg, 5
Hainaut, 6
Liége, 9
Namur, 11
Flandre orientale, 12
Flandre occidentale, 13
Anvers, 13
Brabant, 13
Limbourg, 16.
Cette différence doit attirer l’attention des
personnes qui s’occupent de la législation criminelle.
Mais voici à mon avis l’importance du travail
statistique, et ce qui doit engager à le rendre aussi complet que possible.
Le rapport de M. le ministre de la justice constate
ce fait qu’en Belgique, pendant les quatre années qui ont suivi la révolution,
il y a eu 1,721 accusations criminelles devant les cours d’assises, et 3,267
crimes dénoncés dont les auteurs sont inconnus ou n’ont pu être poursuivis ; il
suit de là que sur quatre crimes il n’y en a eu qu’un de poursuivi devant les
cours d’assises, et qu’il y en a eu trois dont les auteurs n’ont pu être
atteints.
De ce qu’un acte est qualifié crime dans
l’instruction, il ne s’ensuit pas toujours que ce soit un crime ; car il arrive
souvent que les débats révèlent des circonstances atténuantes ; un crime
devient un délit ; un assassinat devient meurtre ou coups et blessures, enfin,
devient un délit correctionnel ; il arrive enfin qu’il n’y a quelquefois ni
crime ni délit. En tenant compte de ceci, je dis que sur 4 crimes il y en a
trois qui restent impunis. Je trouve que c’est là-dessus que doit se porter
l’attention de l’administrateur de la justice criminelle ; je crois que plus de
sévérité et de rigueur dans la police judiciaire rendra plutôt la loi efficace
qu’une pénalité rigoureuse.
M. le ministre de la justice a cité le Brabant
comme une des provinces où il y aurait le plus de crimes impunis. Je crois, si
je ne me suis pas trompé dans les calculs que je viens de faire à la hâte, que
le Brabant occupe le milieu parmi les autres provinces.
Sur cent crimes poursuivis ou non poursuivis, Il en
reste impuni, dans la province :
du Hainaut, 80
de
d’Anvers, 91
de Namur, 69
du Brabant, 63
du Limbourg, 60
de Liége, 39.
Je me permettrai de faire à cet égard quelques
observations à M. le ministre de la justice. Je crois comme lui que son attention
doit porter particulièrement sur ce point, et veiller à ce qu’il soit donné
plus de suite à l’instruction des crimes dénoncés.
Quand un crime est dénoncé, la police dresse sur
les lieux procès-verbal et l’adresse au procureur du roi, quand l’affaire est
importante. Tout va bien, le procès-verbal est transmis au juge d’instruction,
et l’instruction de l’affaire suit son cours. Mais, quand on n’a pas de données
positives sur les coupables, très souvent l’affaire en reste là, et, à moins
qu’il ne s’agisse d’un grand crime, il n’y est plus donné suite.
Je crois que le premier devoir du chef de
l’administration de la justice est d’attirer l’attention des officiers de
police, des juges d’instruction et des parquets, sur la nécessité de donner
plus de suite à l’instruction des affaires, concernant des crimes dont les
auteurs restent inconnus ; je crois que tous les trois mois il devrait être
transmis au procureur-général un aperçu de ces crimes, et que des rapports
devraient être adressés sur ce point de trois mois en trois mois ou de six mois
en six mois, par les procureurs généraux, au ministre de la justice. Je
désirerais que l’on employât cette mesure ou toute autre, pour qu’il soit
apporté plus de vigilance dans la poursuite des crimes dont les auteurs restent
inconnus.
Je citerai encore un défaut dans l’espèce de police
qui est faite par la gendarmerie. Quand on veut poursuivre quelques condamnés
évadés, ou des individus prévenus de crime, on fait faire une promenade à grand
bruit, à quelques gendarmes en grande tenue, montés sur leurs grands chevaux,
on les voit ou on les entend de loin ; et qu’arrive-t-il ? C’est qu’on arrête
quelque malheureux vagabond qui ne sait pas courir ; puis les autres
s’enfuient. Voilà le résultat de ces promenades de la gendarmerie qui ont pour
but l’arrestation des malfaiteurs.
Je m’aperçois que j’ai oublié quelques points.
Je désirerais que M. le ministre de la justice
voulût porter son attention sur les points les plus importants qui sont
qualifiés dans son travail ; par exemple, je signalais tout à l’heure les
incendies.
Les crimes d’incendie restés inconnus sont vraiment
dans une proportion effrayante. Sur 90 dans la première période de deux années
6 seulement ont pu être poursuivis. Il y en a donc 84 qui sont restés inconnus.
Dans la deuxième période, sur 109 crimes d’incendie, il y en a 7 seulement dont
les auteurs ont été connus. Il y a vraiment là une plaie de la société. Je sais
bien qu’il faudra toujours se résoudre à voir des crimes rester inconnus.
Toujours est-il qu’il y a dans ce fait de quoi exciter l’attention du
gouvernement.
J’ai entendu dire à quelques personnes dans une
discussion récente que la loi des distilleries aurait été cause d’une grande
augmentation de rixes, de coups et de blessures. J’ai voulu vérifier ce fait.
Il y a en effet augmentation de délits
correctionnels, de coups et blessures. Mais le chiffre de ces délits a à peine
atteint celui de l’époque antérieure à la révolution. Vous remarquerez que dans
les tableaux des tribunaux de simple police et des tribunaux correctionnels que
M. le ministre de la justice a donnés, il y a une augmentation de délits
correctionnels. C’est que beaucoup de ces délits ont été poursuivis plus
rigoureusement dans la dernière période que dans la première. Ainsi il y a
2,000 délits pour contravention au règlement des poids et mesures. Ainsi la
différence cotre les deux périodes ne tient qu’à ce que dans la seconde on a
introduit un autre genre de poursuites. Je ne pense pas que l’on puisse en
conclure que les délits correctionnels soient de beaucoup augmentés.
Je bornerai là mes observations.
(Erratum
inséré par lettre de Devaux, dans le Moniteur du 30 janvier 1836 : « Au
directeur du Moniteur Belge.
Bruxelles, 28
janvier 1836.
Monsieur,
Le compte-rendu de
la séance du 26 contient en ce qui concerne quelques observations que j’ai
présentées à la chambre, un si grand nombre d’inexactitude, que je voudrais en
rectifier quelques-unes.
Les chiffres 703 et
574 expriment la moyenne annuelle du nombre des accusés pendant les deux
périodes de 1826 à 1830 et 1831 à 1834, non pas pour tous les crimes, mais pour
crimes les plus graves, d’après le tableau que M. le ministre de la justice en
a formé, dans un rapport au Roi.
Le nombre des
accusés de crimes contre les personnes en 1831 et 1832 n’est pas de 382, comme
on l’a imprimé, mais de 388.
Le nombre
d’accusations pour infanticides a été, pendant ces deux années, de 9 et non de
19.
Le nombre des
accusations pour empoisonnements, joint à celui des faits d’empoisonnements
dont les auteurs sont restés inconnus, a été pendant les deux années 1831 et
1832, de 5 et pendant les deux années suivantes, de 4.
Dans cette dernière
période, le nombre des vols punis de mort a été de 18 et non de 16, et dans la
première période, de 1 et non de 10. Les renseignements manquent dans les
tableaux du gouvernement sur le nombre de ces vols, dont les auteurs sont
restés inconnus.
Du reste, dans
toute cette partie de mes observations, la comparaison que j’ai faite entre les
deux périodes de deux années porte sur le nombre des accusations joint au
nombre des crimes dont les auteurs sont restés inconnus.
Dans les lignes qui
concernent l’augmentation apparente de la criminalité chez les enfants (accusés
et prévenus de moins de seize ans), il faut remplacer les milliers par des
centaines. Si les tableaux publiés, il y a quelques années, étaient exacts,
voici quels seraient les chiffres de cette progression : 612 pour 1826, 753
pour 1827, 930 pour 1828, 918 pour 1829, 1,001 pour 1831, 1,345 pour 1832,
1,136 pour 1833, 1,152 pour 1834. Mais, ainsi que je l’ai dit, il m’a paru que
pour l’époque antérieure à 1830 cette partie du travail a été faite sur des
données tellement incomplète qu’il est impossible de tirer aucune conclusion de
la comparaison des deux époques ; je remarque même qu’en se bornant à ce qui
s’est passé devant les cours d’assises pour lesquelles les renseignements ont
dû être plus complets que pour les tribunaux inférieurs, on arrive à un
résultat tout contraire ; car, dans la période de 1826 à 1830, on trouve que le
nombre des accusés de moins de seize ans condamnés (à la détention) par les
cours d’assises a été de 64 ou 12 par an ; et dans la période de 1831 à 1834,
de 21 seulement ou 5 par an.
Le chiffre des
accusés et prévenus de moins de 16 ans, pendant la période de 1831 à 1834,
calculé à raison de 10,000 habitants, a été pour la province de Liége de 7 et
non de 9 ; pour
Voici les chiffres
exacts qui expriment, pour chaque province et pour les quatre années, le nombre
des crimes dénoncés dont les auteurs restent inconnus, comparé à la totalité
des crimes poursuivis et non poursuivis : dans le Hainaut 80, dont les auteurs
restent inconnus sur 100 ; dans
La proportion
générale du nombre des crimes dont les auteurs sont inconnus est à celui des
crimes sur lesquels les cours d’assises ont à se prononcer, non comme 3 à 1
mais à peu près comme 2 est à 1. En me servant des mots « crimes dont les
auteurs sont inconnus, » j’ai employé l’expression de la statistique de M.
le ministre de la justice ; mais j’ai été, comme lui, loin de croire que cette
expression fût rigoureusement exacte, quoique le Moniteur semble me faire dire
deux fois le contraire : j’ai tout au contraire reconnu, avant qu’on m’eût fait
aucune objection, qu’on se tromperait gravement en comptant comme crime tout
fait dénoncé comme tel ; mais j’ai ajouté qu’en faisant de ce chef subir au
chiffre une réduction très forte fût-ce de la moitie, des 2 tiers, même des
trois quarts, ou davantage encore, il était encore assez élevé pour que le
nombre des crimes qui échappent à toute poursuite méritât d’attirer sérieusement
l’attention du gouvernement et des magistrats. Il faut se rappeler aussi que
si, d’une part, tous les faits dénoncés comme crimes, dans les procès-verbaux
adressés aux parquets, sont loin d’avoir réellement tous ce caractère, d’autre
part tous le crimes qui se commettent dans la société ne sont pas dénoncés aux
parquets. Il ne faut pas oublier non plus, que les cours d’assises n’atteignent
pas les auteurs de tous les crimes dont elles ont à s’occuper, et que là encore
il y a des crimes dont les auteurs restent inconnus ou impunis.
Cette proportion
entre les crimes poursuivis et ceux qui échappent à toute poursuite, je ne l’ai
pas signalée comme un fait nouveau ; il est peut-être fort ancien ; seulement
c’est la première fois qu’on est à même de le constater par des chiffres.
Je n’ai pas parlé de l’effet des exécutions
récentes, comme le Moniteur le rapporte. Je n’ai avancé ni que cet effet eût
été fatal, ni qu’il ne l’eût pas été. Je n’ai pas dit que, dans mon opinion, la
peine de mort dût être maintenue en la restreignant à un petit nombre de crimes
; j’ai parlé de l’essai qui avait etc tenté depuis la gouvernement provisoire ;
mais, quant à la question de l’abolition complété de la peine de mort, ce
n’était pas le moment de la traiter, et je me suis abstenu d’énoncés à cet
égard aucune opinion.
J’ajouterai, en
finissant, que l’intention que j’ai eue en faisant la comparaison entre les
deux périodes de 1831 et 1832 d’une part, et de 1833 et 1834 de l’autre, me
paraît encore avoir été mal comprise. Je n’ai voulu en rien inférer pour
l’avenir, en tirer aucune conclusion exagérée, aucune conclusion positive, pas
même celle d’une diminution des crimes ; j’ai uniquement voulu faire voir que
les faits, aujourd’hui constatés, ne confirment pas l’opinion émise vers la fin
de 1834 par plusieurs membres de la chambre, que les crimes augmentaient en
Belgique dans une proportion alarmante : à cet égard, le doute ne me paraît
plus possible, pas plus pour les crimes auxquels on veut appliquer la peine de
mort que pour les autres.
P. Devaux.)
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai une seule observation à
présenter à la chambre sur le grand nombre de crimes dont les auteurs sont restés
inconnus, fait signalé par l’honorable député de Bruges et, à l’occasion duquel
il a recommandé plus de vigilance de la part du ministère public, de la
gendarmerie et des officiers de police. Je me joins à lui, parce qu’il est
toujours bon d’exiger, des officiers de police, tous les soins dont ils sont
capables.
Mais il n’y a pourtant pas de quoi s’effrayer,
comme a paru le faire l’honorable M.
Devaux. Il ne voit que les états statistiques qu’il a sous les yeux, mais
il n’a pu se rendre compte de ce qui se passe dans les parquets. C’est à cela
qu’il faut attribuer le nombre de crimes non poursuivis.
Il y a dans les parquets un registre que l’on
appelle registre de notices. Vous aurez remarqué d’après l’observation faite
par l’honorable préopinant lui-même, que c’est surtout en matière d’incendie
que se trouve le plus grand nombre de crimes dont les auteurs sont restés
inconnus.
Quand un incendie a lieu dans une commune, dans le
premier moment l’on ne sait pas si c’est le résultat de la malveillance, ou
d’une imprudence ou de tout autre cause. Dès lors l’officier de police dresse
un procès-verbal provisoire ; ce procès-verbal est adressé à l’officier du
parquet, lequel le porte sur le registre des notices. Comme le procès-verbal
constate qu’il y a eu un incendie dans telle ou telle commune sans que l’on en
sache précisément la cause, l’officier du parquet commence par le qualifier de
crime afin d’exiger une instruction ultérieure. Dès lors le fait est instruit
au registre des notices et l’on y ajoute : auteur inconnu. Alors l’officier du
parquet transmet le dossier de cette affaire au juge d’instruction et requiert
une investigation sur cet objet.
Sur 20 incendies qui ont lieu dans les communes et
qui sont portés au registre des notices et tous qualifiés de crimes, je puis
assurer à l’honorable préopinant, d’après ma propre expérience, qu’il n’y en a
pas un seul qui ait été le résultat d’un crime. Les incendies ont en effet
presque toujours lieu par imprudence ou par des causes fortuites. Mais c’est
par excès de vigilance que l’officier du parquet qualifie toujours ces
événements de crime.
Le plus souvent les informations prises sur les
lieux constatent que l’incendie n’est pas dû à la malveillance.
Dés que le fait est constaté, ii devient inutile de
constater l’instruction de l’affaire et l’on porte en marge sur le registre des
notices, la cause du fait que l’on avait d’abord qualifié de crime.
Il en est de même dans une foule d’autres
circonstances.
Je ferai remarquer que, dans
Il est nécessaire d’inscrire tous ces faits au
registre des notices, afin que l’on puisse toujours juger du degré
d’instruction des affaires. Ce registre reste aussi plusieurs années dans les
mains des procureurs du Roi et leur permet de se rendre compte de toutes les
affaires dont la poursuite a été ordonnée.
Je pourrais citer encore une foule de faits qui,
qualifiés d’abord de crimes et de délits au registre des notices, se trouvent,
après une première instruction ne plus être placés dans cette catégorie.
A l’époque des récoltes, je suis sûr que le nombre
des délits est plus fréquent que dans toute autre période de l’année.
Très souvent il y a contestation entre deux
fermiers ou entre des propriétaires sur la propriété d’une parcelle de terre.
En d’autres cas, un propriétaire s’empare des récoltes de son fermier sans
avoir passé par toutes les formalités voulues par la loi, afin de s’assurer une
garantie du paiement de son bail. Le fermier porte sa plainte à l’officier de
police qui dresse son procès-verbal d’après la déclaration du plaignant. Il se
trouve bientôt, après une instruction superficielle, que le fait qualifié de
délit n’en est pas un, mais une affaire du ressort des tribunaux civils. Le
fait a été porté d’abord au registre comme délit. Mais la chambre du conseil le
convertit en une affaire civile.
Dans les documents
statistiques, l’officier du parquet fait le relevé de tous les crimes et de
tous les délits inscrits au registre des notices.
Dès lors je ne m’étonne pas que l’honorable
préopinant se soit effrayé du grand nombre des crimes et des délits dont les
auteurs sont restés inconnus ; si l’on voulait aller à la source, il n’y aurait
rien d’effrayant. Si l’on voulait aller à la source l’on verrait que la plupart
des faits qualifiés de crimes ne sont au fond rien moins que cela.
Les incendies, les découvertes de noyés,
d’asphyxiés, etc., soit portées au registre des notices comme des crimes dont
les auteurs sont restés inconnus.
Je ne me suis étendu sur cette observation que pour
rassurer l’honorable préopinant sur le nombre effrayant au premier abord des
crimes dont les auteurs sont restés inconnus.
Quant au vœu qu’il a fait pour qu’on redouble de
vigilance à l’effet de découvrir les auteurs des crimes réels, je ne puis sous
ce rapport que joindre ma voix à la sienne.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Je commencerai par remercier l’honorable député de Bruges
des observations qu’il m’a adressées. Je saurai en faire mon profit, en
examinant avec attention les points qu’il a traités, en provoquant, s’il y a
lieu les mesures qu’il a indiquées, et d’autres que je croirais utiles.
Je le remercie également d’avoir mis en relief
quelques-uns des résultats du travail statistique que j’ai eu l’honneur de
soumettre aux chambres. Je ne connais à ces documents que le mérite de
l’exactitude et de l’impartialité. Sous ce rapport j’en revendique l’honneur.
C’est ce qui doit donner à la chambre le plus de confiance dans les faits
constatés.
Ce travail n’a pas été fait dans un esprit de
système, mais uniquement dans l’intention de recueillir des données
incontestables, n’importe les conséquences qu’on pourrait en tirer.
Quoi qu’il en soit, je n’admets pas les inductions
de l’honorable préopinant quant à la peine de mort.
Dans cette question, je vois autre chose que des
chiffres, je consulte les besoins moraux, l’opinion du pays. Je crois avoir
fait mon devoir en provoquant des exécutions à mort : si la nécessité s’en
présentait encore, je remplirais ce triste devoir avec la même conviction.
Je ne pense pas que l’on ait abusé de la peine de
mort. Combien de grâces n’ont pas été accordées à des individus condamnés à la
peine capitale. Dans quelques parties de
Les exécutions qui ont en lieu ont été unanimement
approuvées par l’opinion publique. Elles ont frappé trois grands scélérats qui,
depuis leur jeunesse, avaient marché de crimes en crimes, ne respectant ni la
propriété ni la vie, et qui se jetaient comme des bêtes fauves sur les biens et
sur les personnes.
Du reste, lorsqu’une exécution a mort a eu lieu,
j’ai exposé toutes les circonstances du crime dans le Moniteur. Car j’ai pensé que la nécessité pouvait seule justifier
une exécution capitale.
Voyez ce qui vient de se passer en France à
l’occasion de l’exécution de Lacenaire. S’est-il élevé une seule voix contre
cette exécution dans le camp des partisans des théories, je pourrais dire, des
utopies nouvelles ?
Je dis que ce fait seul
prouve que nous n’en sommes pas encore venus au point de pouvoir supprimer les
exécutions à mort dans toutes les circonstances.
Quant à la vigilance que l’honorable membre
recommande dans la recherche et la poursuite des crimes et délits, je n’ai
aucun conseil, aucune instruction à donner sous ce rapport ni aux officiers des
parquets, ni aux juges d’instruction, ni à la gendarmerie. Je n’ai que des
éloges à leur dispenser. Il est impossible de mettre plus de soin, plus de zèle
qu’ils n’en apportent pour seconder les intentions du gouvernement.
Malheureusement nous ne sommes pas toujours
secondés dans toutes les communes ; C’est un point sur lequel j’attirerai
l’attention de la chambre lors de la discussion de la loi communale.
Quelquefois il y a complaisance, quelquefois crainte, quelquefois intention
manifeste de ménager les électeurs. Ce sont des faits graves que je
n’accueillerais pas très facilement. Mais une infinité de rapports m’ont fait
connaître que dans plusieurs localités la poursuite des crimes et surtout des
délits était embarrassé par l’apathie des administrations communales.
M. Bosquet. - Sans
doute l’on ne saurait trop recommander trop la vigilance aux officiers de
police judiciaire dans la recherche des auteurs des crimes et délits. Mais je
pense que si malheureusement certains crimes et délits ne sont pas poursuivis,
c’est qu’il ne dépend pas toujours des officiers de la police judiciaire que la
justice parvienne à atteindre les malfaiteurs.
Je le dis et je le répète avec M. le ministre de la
justice, dans l’état actuel de l’organisation communale, l’action des officiers
de la police judiciaire est souvent paralysé. Je pense aussi, messieurs, qu’il
n’y a pas lieu de s’effrayer comme semble le faire l’honorable M. Devaux, du
grand nombre de crimes dont les auteurs sont restés inconnus. Je ferai
remarquer à la chambre que, parmi les crimes de cette catégorie, se trouvent un
grand nombre de vols dont les auteurs ont été réellement poursuivis. C’est
ainsi que, pour l’arrondissement de Bruxelles, où il y a eu beaucoup de vols
graves, depuis la révolution, l’on porte dans les documents statistiques un
grand nombre de vols dont les auteurs seraient restés inconnus, tandis que
réellement les auteurs en sont très bien connus aujourd’hui et ont fini par
être atteints par la justice, et expient leur crime dans les prisons de
Vilvorde et de Gand. Je puis assurer que la chose est ainsi.
Je suis d’autant plus intéressé à constater ce fait
devant l’assemblée que, chargé des fonctions d’officier de la police judiciaire
dans l’arrondissement de Bruxelles, je tiens à expliquer comment il se fait que
cet arrondissement figure pour un dixième dans le chiffre de 3,267 crimes dont
les auteurs sont restés inconnus.
Je vois que, pendant une période de quatre années, il
y a eu, dans l’arrondissement de Bruxelles, 14 assassinats, 7 incendies, 7
infanticides et 298 vols qualifiés.
Je puis affirmer que la plus grande partie des vols
qualifiés ont été atteints par la loi.
L’honorable M. Devaux a
signalé un autre abus. Il a dit que dans les crimes et délits dont les auteurs
sont restés inconnus, on se bornait à dresser un procès-verbal, et que là
s’arrêtait toute la vigilance de la police judiciaire.
Je ne sais pas ce qui se passe dans les autres
parquets, mais je peux affirmer que ce n’est pas la marche que l’on suit au
parquet de Bruxelles. Quand on reçoit un
procès-verbal on ordonne des recherches aux officiers de police auxiliaires du
procureur du Roi de toutes les catégories, et on leur demande des rapports
négatifs prouvant que leurs démarches ont été infructueuses. Il est vrai que
quand l’officier du parquet a fait tout ce qui dépendait de lui sans arriver à
aucun résultat, il s’abstient de transmettre les pièces au juge d’instruction
parce que ce serait faire des frais inutiles.
Mais quand les renseignements qu’il a recueillis
présentent quelques indices, il n’hésite jamais à transmettre l’affaire au juge
d’instruction. Voilà la marche qu’on suit au parquet de Bruxelles, auquel j’ai
l’honneur d’appartenir.
M. Devaux. - M. le
ministre de la justice en me répondant vous a parlé d’utopie de narrateur.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Ces paroles ne s’adressent pas à vous.
M. Devaux. - Aussi
je m’étonnais, car je ne croyais pas les avoir méritées. Ce que j’ai dit était
empreint de la plus grande modération. Je n’avais pas accusé le ministre
d’avoir rétabli la peine de mort ; et je ne viens pas soutenir la nécessité de
l’abolir. Je reconnais avec M. le ministre de la justice qu’il faut l’appliquer
le moins possible, mais je ne dis pas quand l’opinion la demande, parce qu’en
toutes choses il y a des opinions diverses, et ici il est possible qu’une
opinion en majorité désire qu’on applique cette peine tandis qu’une autre plus
faible désire qu’on examine la question et qu’on applique une peine le moins
possible, et une autre enfin qui ne veut pas qu’on l’applique du tout.
Mais nous devons être d’accord sur ce point que
pour qu’il y ait lieu à application de la peine de mort, il ne faut pas
seulement que l’opinion la demande, que des hommes soient rassemblés autour de
l’échafaud qui se félicitent de voir tomber une tête, il faut qu’il y ait
nécessité, et cette nécessité doit être dans les faits. Et quant à moi, je
dirai que les faits constatés par M. le ministre ne m’ont pas démontré
complètement cette nécessité.
J’ai cru qu’il était de mon devoir de faire voir
non seulement à la chambre mais au pays que les crimes n’augmentaient pas dans
une proportion effrayant, comme en 1834 on l’avait fait craindre.
L’honorable ministre des affaires étrangères a fait
une observation dont j’avais déjà tenu compte et que le rapport mentionne,
c’est que toutes les crimes dénoncés ne sont pas des crimes ; mais tout en
retranchant un grand nombre du chiffre posé, il restera encore assez de marge
pour attirer l’attention lorsque sur quatre crimes dénoncés, un seul est
poursuivi.
M. le ministre des affaires étrangères a cru qu’il
ne s’agissait que de crimes d’incendies, mais cela existe pour tous les crimes
: parcourez le tableau, et vous trouverez partout cette proportion.
J’avais engagé M. le ministre de la justice à
stimuler la vigilance des officiers du parquet et des magistrats, il m’a
répondu que les magistrats faisaient leur devoir. Cependant voici ce que je lis
dans son rapport :
« En présence de données statistiques aussi
graves, on doit croire que l’action de la justice criminelle, malgré les
louables efforts des magistrats qui la dirigent, manque de l’énergie qui lui
est nécessaire. »
Eh bien, c’est aussi ce que
je crois, et ce que j’affirme comme un fait, non pas pour tout tribunal ni en
particulier pour la cour d’assises de ma province, où il y a des magistrats
très actifs, qui ne méritent aucun reproche ; mais j’affirme que dans telle
localité, il m’est connu d’après des renseignements sur lesquels je ne puis
avoir aucun doute que les juges d’instruction, quand il leur arrive des
dénonciations de faits dont les auteurs sont inconnus, les considérant comme ne
les intéressant pas, jettent les procès-verbaux dans leurs archives d’où ils ne
sortent que quand des révélations dues au hasard viennent les en tirer.
C’est un fait sur lequel il faut que le ministre
porte son attention. Et malgré les éloges qu’il a donnés aux juges
d’instruction et aux procureurs du Roi, je pense que beaucoup conçoivent mal
leurs devoirs. Il ne suffit pas qu’ils entendent des témoins, mais il faut
qu’ils fassent tous leurs efforts, aussi bien que la police locale, pour
arriver à la découverte des coupables.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je ne comprends pas que
l’honorable préopinant ait pu penser que j’aie voulu lui adresser des paroles
désobligeantes. J’aurais eu grand tort d’échanger des paroles de cette nature
contre les choses utiles qu’il m’a fait connaître. Quand j’ai parlé de
partisans d’utopies et d’innovations prématurées, je ne m’adressais pas à
l’honorable préopinant ; je faisais allusion à ce qui s’était passé en France à
propos de l’exécution d’un grand criminel, et je disais qu’aucun utopiste,
aucun novateur même n’avait blâmé cette exécution qui, il faut le dire, est
venue au secours de la morale publique qui se trouvait ébranlée.
Ensuite, quand j’ai dit dans mon rapport au Roi que
les poursuites criminelles manquaient d’énergie, mes paroles ne s’adressaient
pas aux officiers des parquets ou aux magistrats instructeurs. C’est dans la
police locale que se trouve le vice dont je me suis plaint. Mes explications
l’avaient d’ailleurs assez montré, mais, comme j’ai eu l’honneur de le dire, la
chambre trouvera moyen d’obvier à cet inconvénient, quand il s’agira
d’organiser la commune.
L’honorable membre dit que nous sommes d’accord, qu’il
faut appliquer la peine de mort le moins possible. C’est le principe que j’ai
mis en avant, et je crois que les faits répondent à ce principe.
M. Brabant. -
Puisqu’on a jugé convenable d’entretenir la chambre du rapport adressé au Roi
par le ministre de la justice sur la justice criminelle en Belgique, je crois
devoir élever la voix dans l’intérêt de ma province, qui a été fort mal traitée
dans ce rapport et qui a été surprise, indignée des résultats annoncés à la
page 9.
Je dois relever un éloge que le ministre a donné à
son travail. Il a dit que personne ne l’avait soupçonné d’inexactitude ou de
partialité. D’abord, je déclare que je ne soupçonne pas ce travail de
partialité, et s’il en était empreint, je ne ferais pas tomber une pareille
accusation sur le ministre, parce que je sais qu’il est impossible qu’il ait pu
donner une attention bien sérieuse à un travail aussi compliqué, mais
j’attaquerai le travail sous le rapport de l’exactitude.
Je vois d’abord que pour plusieurs provinces on a
écarté tous les crimes qui ne se présentent pas dans le cours ordinaire des
choses. C’est ainsi qu’on fait remarquer que 494 accusés étaient mis en
jugement comme auteurs des pillages, qui ont désolé les principales villes du
royaume, et que des causes accidentelles ayant donné naissance à ces crimes, on
a cru convenable de ne pas confondre les accusations qui s’y rapportent avec
celles dont les cours d’assises connaissent habituellement.
Mais on n’a pas suivi cette règle à l’égard de la province
de Namur. On a maintenu, en ce qui la concerne, tous les accusés de pillage et
de dévastations de l’Ecluse, et on l’a gratifiée de toute la bande de Tornaco
parce que cette bande a été jugée à Namur.
Ensuite, je prierai le
ministre de la justice de vouloir bien ne pas établir la moralité des provinces
sur les accusations portées devant les assises, mais de prendre les accuses
appartenant à ces provinces.
J’ai été au parquet, nous avons comparé les
documents, et nous sommes assurés que l’auteur du document n’a pu atteindre son
chiffre accusateur contre la province de Namur, qu’en comprenant les 23 accusés
de la bande de Tornaco et les accusés des pillages d’avril 1834 et des
dévastations de l’Ecluse qui ont eu lieu à la même époque.
Je ferai remarquer qu’il y a un an les assises de
Namur ont eu à juger une bande dont sept ont été condamnés à mort. De ces sept
individus, six appartenaient à la province de Liége, un était Français ; la
plupart de leurs crimes avaient été commis dans les provinces de Liège et du
Brabant, et c’est parce que les autorités de Namur ont été plus vigilantes pour
poursuivre les crimes commis dans l’arrondissement que cette bande a été
traduite devant la cour d’assises de Namur.
Je fais cette observation sans aucune pensée désobligeante
pour le ministre de la justice, mais seulement afin que ceux qui sont chargés
de ce travail, y mettent désormais plus d’attention.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Je ne puis pas vérifier, pour le moment, les faits cités
par l’honorable préopinant, je les examinerai et ensuite je répondrai d’une
manière catégorique.
Si ses observations sont exactes, il en résultera
qu’on a commis une erreur en ce qui concerne la province de Namur, et dans ce
cas il suffit de la signaler pour qu’elle soit réparée, puisque nous n’avons
d’autre but, d’autre intérêt que de dire la vérité.
Quoi qu’il en soit, a-t-il
dit, on ne peut pas juger de la moralité d’une province par le nombre des
condamnations qui y ont été prononcées. C’est très juste. Aussi n’ai-je pas
voulu faire par ce moyen la part de moralité de chacune des provinces, je me
suis borné à constater que dans telles et telles provinces il y avait eu autant
d’accusés, autant de condamnés, laissant à chacun le soin d’apprécier le degré
de moralité de chaque province.
Quant à ce qu’a ajouté l’honorable préopinant, que
parmi les accusés poursuivis dans la province de Namur, il se trouve nombre
d’étrangers, cela est vrai aussi pour les autres provinces, où il se trouve
également des étrangers ; il y a même des provinces où il y a habituellement
beaucoup plus d’étrangers que dans celle de Namur, celle de Brabant par
exemple.
L’honorable membre ne doit pas attacher trop
d’importance au fond à ses observations, et attaquer, en général, l’exactitude
d’un travail difficile et consciencieux. Il est difficile de se donner plus de
peine et de mettre plus de soin qu’on n’en a mis. Il ne serait pas juste, pour
une erreur involontaire, d’accuser nos collaborateurs auxquels il n’y a que des
éloges à donner.
M. Dubus. - Des
observations ont été faites sur le grand nombre de délits dont on n’est pas
parvenu à découvrir les auteurs, et l’on croit que la cause en est, en partie,
dans l’inaction des parquets ou des juges d’instruction ; je crois qu’à cet
égard une mesure a été prise, laquelle est tout à fait propre à faire connaître
si l’on a quelque reproche à leur adresser. Depuis près d’un an le ministre de
la justice a prescrit aux procureurs du Roi et aux juges d’instruction,
lorsqu’une affaire correctionnelle ou criminelle n’est pas terminée dans un
délai qu’il a fixé, de lui en faire connaître le motif.
Le terme indiqué est de
trois mois. Ainsi, si après trois mois, une affaire n’est pas arrivée au point
que la chambre du conseil ait prononcé, ils sont obligés d’en dire les raisons.
Il y a donc un moyen de connaître si l’on a des reproches à adresser soit aux
procureurs du Roi soit aux juges d’instruction.
On a dit encore assez formellement que des
reproches d’une autre nature pourraient être adressés aux administrations
communales ; ce serait le reproche d’entraver le cours de la justice, de faire
échapper les coupables, d’empêcher qu’on ne les reconnût. Je crois qu’en
général, et saut quelques exceptions, car partout on trouve des exceptions, les
administrations municipales font tous leurs efforts pour découvrir les auteurs
des crimes et des délits. A l’égard des délits dont beaucoup d’auteurs ne sont
pas connus on a cité des vols ; mais y a-t-il des hommes plus intéressés à ce
que l’on connaisse les coupables, à ce que l’on réprime les vols, que ceux qui
sont à la tête de l’administration des communes ? Je ne crois pas qu’on puisse
citer un seul exemple d’une administration communale qui eût cherché à
soustraire un voleur à la peine qu’il aurait méritée.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je pense, messieurs, qu’il
n’est entré dans la pensée d’aucun des préopinants pas plus que dans la mienne,
de supposer que les autorités communales favorisaient l’impunité d’une manière
ouverte et volontaire ; mais on a dit que quelquefois les officiers municipaux
ne mettaient pas dans la recherche et la poursuite des crimes et des délits
toute l’énergie qu’ils devraient y porter ; ce qui est bien différent. Quant à
moi je ne connais pas un officier municipal qui aurait la lâcheté de ne pas
poursuivre un voleur.
Mais cette négligence
s’applique souvent à d’autres délits dont la répression importe cependant au
bon ordre social.
M. A. Rodenbach.
- Lors de la discussion du budget du département de la justice pour l’année
dernière, nous avons reconnu qu’il y avait une lacune dans la police
judiciaire, en ce que les condamnés libérés, pouvant à leur gré changer de
résidence, n’étaient pas suffisamment surveillés. Je désirerais savoir si
l’organisation des commissions de patronage a suffisamment remédié dans la
pensée de M. le ministre au mal que nous avions signalé l’année dernière.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Une loi sur la surveillance des
condamnés libérés a été réclamée par la chambre pour des raisons de sécurité
publique. Il était de mon devoir de satisfaire au vœu qu’elle a exprimé. Je
l’ai fait en présentant un projet de loi dont les sections sont maintenant
saisies.
Un arrêté royal a institué des commissions de
patronage dans l’intérêt des individus qui ont subi leur peine. Cette
institution est récente ; j’espère que ses résultats répondront à mon attente.
M.
Raikem. - Un des honorables préopinants vous a dit que les juges
d’instruction ne font pas leur devoir, que quand il n’y a pas d’indices
évidents à l’égard des coupables, après un premier examen d’une affaire
criminelle, ils l’abandonnent sans soins ultérieurs.
Je ne parlerai pas de tous les juges d’instruction
du royaume, je ne sais à quelle localité le préopinant a voulu faire allusion ;
mais, en ce qui me concerne, je puis déclarer qu’il est à ma connaissance que
les juges d’instruction et les officiers du ministère public avec lesquels je
puis avoir des relations, font tous leurs efforts pour arriver à la découverte
des auteurs de crimes qui sont restés inconnus, et qu’ils n’abandonnent une
affaire que lorsqu’ils ne croient plus possible de rien découvrir.
Je ferai remarquer à l’honorable préopinant que le
vague de ses assertions pourrait faire planer des soupçons sur des juges
d’instruction et des officiers du ministère public qui remplissent parfaitement
leur devoir.
M. Devaux.
- Je demanderai à l’honorable préopinant s’il veut que je m’établisse
dénonciateur. J’ai constaté des faits qui ne s’appliquaient pas à la province
de Liège, puisque cette province se distingue d’une manière extrêmement
flatteuse. Tandis que dans d’autres provinces le nombre des crimes est de 86
elle ne présente qu’un chiffre de 39. Cette différence est même si forte que je
ne puis croire qu’il n’y ait pas erreur. Ce que j’ai dit ne s’applique ni à la
ville de Liége ni à celle que j’habite, deux localités où les procureurs du Roi
font preuve d’une grande activité. Mais encore une fois j’ai signalé des faits.
Il n’est pas convenable pour cela que je fasse des dénonciations.
M. Raikem. - Mon
intention n’a été nullement de vouloir que l’honorable préopinant fît une
dénonciation. Mais comme les paroles de l’honorable préopinant laissaient
planer un vague qu’il était nécessaire de dissiper et qu’il a même détruit
lui-même en partie par l’énonciation qu’il vient de faire, je ne pouvais
m’empêcher de le prier de préciser les faits. Il a rempli mon intention par la
réponse qu’il vient de faire. Mais je le répète, mon intention n’était pas de
lui demander des dénonciations. Je tenais à ne pas laisser planer un soupçon
sur toute un partie de la magistrature belge.
- La séance est levée à quatre heures et demie.