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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 17 février 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à la répression de la
fraude des céréales dans le Limbourg (de Renesse, Eloy de Burdinne)
2) Projet
de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Droit de suspension et de révocation, du
bourgmestre et des échevins, par la députation provinciale, le gouverneur et/ou
le Roi (Pollénus, Doignon, Legrelle, Desmet, Pollénus, Jullien, Dubus, Dumortier, de Theux, Legrelle, Pollénus, (+indépendance des députés-fonctionnaires) Gendebien, de Theux, Pollénus, F. de Mérode, Jullien, de Theux, Gendebien, Eloy de Burdinne, Demonceau, Gendebien, de Theux)
(Moniteur
belge n°50, du 19 février 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen
fait l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse
donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. Verdussen
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Un grand nombre de propriétaires et
cultivateurs du district de Maestricht se plaignent de la grande fraude des
céréales venant de
_______________
« Le conseil communal
et des habitants de Florennes demandent que la chambre adopte une disposition
dans la loi communale, qui admette aux fonctions municipales les employés
salariés par la commune ou par l’Etat. »
_______________
« Des
industriels de Courtray, employant des machines à vapeur, demandent que la chambre
intervienne pour faire cesser l’impôt exorbitant de 20 centimes par hectolitre
perçu par la ville sur la houille, dont l’emploi est indispensable à leurs
usines. »
M. Dequesne écrit pour informer la
chambre qu’il n’est pas encore remis de l’indisposition qui l’empêche de se
rendre aux séances.
- Pris pour notification.
_______________
M. de Renesse.
- Messieurs, par cinq pétitions, plus de mille habitants du district de Maestricht
se plaignent de la fraude des céréales, faite au moyen du rayon stratégique de
Maestricht ; ces pétitions contiennent les mêmes observations que celles des
deux pétitions dont il a été fait l’analyse à la séance de lundi. J’ai
l’honneur de demander le renvoi au ministre des finances et le dépôt sur le
bureau de la chambre pendant la discussion du projet de loi présenté pour la
répression de la fraude des céréales dans le Limbourg.
M. Eloy de
Burdinne. - Pour les autres pétitions on a ordonné de plus l’insertion
au Moniteur. Je demanderai qu’on en
agisse de même à l’égard des pétitions dont vient de parler l’honorable
préopinant.
M. de Renesse.
- Les pétitions dont j’ai parlé contenant, sur la fraude des céréales, les
mêmes faits et les mêmes vues que les pétitions précédentes, je crois qu’il est
inutile d’en ordonner l’insertion au Moniteur.
M. Eloy de
Burdinne. - Alors je n’insiste pas.
- La proposition de M. de Renesse est adoptée.
_______________
M. le président. -
La pétition relative à la loi communale restera déposée sur le bureau, d’après
les antécédents de la chambre.
Quant aux autres pétitions,
elles seront renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
PROJET DE LOI PORTANT
ORGANISATION DES COMMUNES
Discussion des articles
Titre Ier. - Du corps
communal
Chapitre IV. - De la durée
des fonctions des membres du corps communal
Article
56
M. le président. -
Nous en étions restés à l’art. 56, qui est ainsi conçu
:
« Art. 56. Les échevins peuvent être suspendus
de leurs fonctions pour cause d’inconduite notoire ou de négligence grave, par
arrêté de la députation provinciale ; la suspension ne pourra excéder trois
mois.
« A l’expiration de ce terme, les échevins
peuvent être démis par la députation provinciale ; les échevins seront entendus
préalablement à la suspension ou à la révocation. »
La section centrale propose l’amendement suivant :
« Art. 56. Les bourgmestre
et échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions pour cause d’inconduite
notoire ou de négligence grave, le premier par arrêté du gouverneur rendu sur
avis conforme de la députation provinciale ; les seconds par arrêté de la
députation provinciale ; la suspension ne pourra excéder trois mois.
« A l’expiration de ce terme, les échevins
peuvent être démis par la députation provinciale ; les échevins seront entendus
préalablement à la suspension ou à la révocation ; les bourgmestre seront
pareillement entendus avant la suspension.
M. Pollénus propose à cet article un amendement
ainsi conçu :
« Les bourgmestres et échevins peuvent être
révoqués par le Roi ; ils peuvent être suspendus de leurs fonctions pour un
terme de 15 jours au plus par le gouverneur de la province. »
M. Pollénus. - Le
droit de révocation appliqué aux fonctionnaires municipaux chargé du pouvoir
exécutif dans la commune n’est pas contesté.
Je pense que la seule question qu’il s’agit de
décider est celle de savoir quelle autorité aura mission de prononcer soit la
démission, soit la suspension de ces magistrats. La rédaction que je viens
proposer est puisée dans la loi française du 21 mars 1831, loi dont on a déjà
dans une précédente séance invoqué plusieurs dispositions.
Dans une précédente séance, vous vous rappelez que
vous avez adopté une disposition par laquelle vous avez attribué au Roi le
droit de nomination des bourgmestres et des échevins ; il me paraît qu’il
résulte de l’adoption de cette disposition que le droit de révocation et de
suspension doit également être attribué au Roi, car il est de principe que le
droit de suspension et de révocation doit être attribué au pouvoir auquel est
attribué le droit de nomination.
Pour ma part, j’estime que l’intervention des états
ou de toute autre autorité par voix consultative ne peut avoir lieu à l’égard
des échevins. En effet, vous avez établi que le bourgmestre avec les échevins
constituerait une autorité collective appelée à exercer dans tous les cas les
mêmes attributions.
Il faut donc, pour qu’il y ait homogénéité dans le
conseil, que les règles que vous établissez pour le bourgmestre existent
également pour les échevins qui n’ont pas d’autre mission que celle attribuée
au bourgmestre. Si vous adoptiez d’autres règles à l’égard des échevins qu’à
l’égard du bourgmestre, vous n’auriez plus d’autorité collective dont tous les
membres agissent en vertu du même principe.
Je ne suis pas de l’avis de
ceux qui pensent que l’intervention d’un grand nombre de personnes dans
l’exécution des mesures administratives soit une garantie pour les
fonctionnaires. Je ne pense pas que nous ayons à redouter des suspensions ou
des révocations injustes. Le gouvernement ne tarderait pas à encourir la
responsabilité d’une mesure injuste quelconque.
Vous savez que le gouvernement est obligé de
choisir le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil. S’il arrivait
qu’une mesure violente et injuste fût prise vis-à-vis d’un magistrat municipal,
il serait impossible au gouvernement de trouver dans le conseil un membre qui
voulût succéder à un collègue injustement destitué. Pour ma part, je trouve une
garantie dans la responsabilité qui doit peser sur le gouvernement seul. Si
vous faites intervenir une autorité comme la députation des états, la
responsabilité du gouvernement, par là même qu’elle se trouvera partagée, sera
moindre. Je désire un système franc, je désire que la responsabilité du
gouvernement soit entière.
Vous ne pouvez pas faire intervenir la députation
des états, parce que la députation ne relève pas du pouvoir central. Si vous
permettiez à cette autorité d’intervenir efficacement, si vous investissiez un
pouvoir du droit de prononcer à l’égard des échevins, vous ne seriez pas
conséquents avec la solution donnée à la question de principe.
En partant de cette solution, pour conserver de
l’homogénéité à l’autorité collective que vous avez voulu établir, mais que moi
je ne puis approuver, parce que je ne comprends pas une autorisé exécutive
collective, je pense qu’on doit adopter l’amendement que j’ai proposé.
M. Doignon. - M.
le ministre s’est-il rallié à la proposition de section centrale ?
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - J’attendrai la discussion pour me
prononcer.
M. Doignon. - Je
demande la parole.
Messieurs, je ne puis admettre, ainsi que le propose
l’honorable préopinant, que le gouvernement ait le droit illimité de révoquer les bourgmestre et échevins. Quant à moi, je pense qu’il y a
lieu de mettre sur la même ligne et les bourgmestres et les échevins ; je pense
que les uns et les autres ne doivent être soumis à la révocation que pour des
causes déterminées, pour négligence grave ou inconduite notoire. Sans cela, il
n’y a plus de responsabilité. La responsabilité devient illusoire si l’autorité
supérieure n’est tenue de donner aucun motif de la révocation.
Depuis que vous avez écarté le principe de
l’élection directe et celui de la présentation par le conseil, vous devez
admettre aussi un changement en ce qui concerne la révocation. Si vous aviez
adopté le système de l’élection directe, le gouvernement aurait pu vous dire :
Puisque je n’interviens pas dans la nomination du bourgmestre, ce magistrat
n’est pas l’homme de mon choix, je dois avoir de lui une certaine défiance. Il
est possible qu’il ne partage pas mes principes et mes vues. Mais aujourd’hui
que le gouvernement a la faculté de choisir librement dans le conseil un
magistrat qui partage ses principes et ses opinions, qu’il peut trouver un
homme de confiance, dévoué à ses intérêts, il y a lieu de restreindre le droit
de révocation dans de justes limites et d’exiger qu’il y ait des motifs
plausibles pour qu’on puisse user du droit de révocation.
On dit vulgairement que celui qui nomme révoque. Il
n’est pas exact de dire que le gouvernement nomme le bourgmestre, il ne fait
que le désigner parmi les membres du conseil. Ce sont les électeurs qui donnent
au gouvernement les éléments nécessaires pour faire le bourgmestre, de sorte
qu’il tient sa mission d’une source toute populaire ; dès lors, d’après le
principe qui nomme révoque, la révocation ne devrait avoir lieu qu’avec
l’intervention des électeurs et du gouvernement. Mais comme il est physiquement
impossible que les électeurs interviennent, il me paraît dans la nature des
choses que la députation provinciale intervienne pour eux, donne son avis et
déclare s’il existe de justes motifs de révocation.
On peut considérer si l’on veut les fonctions de
bourgmestre comme des fonctions mixtes. Le bourgmestre ainsi que les échevins
sont chargés de l’exécution des lois et des mesures d’administration générale.
Mais il n’en demeure pas moins l’homme de la commune, car, s’il est chargé de l’exécution des lois, c’est en tant qu’il
s’agit de les appliquer aux intérêts communaux. Le principal objet de
l’exécution des lois de la part du bourgmestre, est donc l’intérêt communal,
car la question d’application de la loi à la commune est elle-même aussi une
question d’intérêt communal. Le bourgmestre n’est donc pas simplement l’agent
du pouvoir central, il est avant tout l’homme de la commune, il est l’âme de l’administration
communale. Et à ce titre il ne peut être soumis une révocation pure et simple
comme le sont les fonctionnaires de l’administration générale.
On vous dira peut-être que le gouvernement doit
avoir toute liberté, de révoquer le bourgmestre, parce que le bourgmestre doit
être son homme de confiance, parce qu’il est possible qu’il n’ait pas les
opinions politiques du gouvernement. Cet inconvénient, s’il se présente, sera
excessivement rare. Mais dans ce cas même, il suffit que l’administration de la
commune puisse marcher, que le service public soit bien assuré, pour qu’il n’y
ait pas lieu de donner arbitrairement le droit de révocation. Or, si vous
examinez l’ensemble du projet, vous voyez qu’il résulte des diverses
dispositions, notamment de la loi sur les attributions, que vous donnez à
l’autorité supérieure des moyens coercitifs tels qu’il est impossible que
l’administration ne marche pas alors même que le bourgmestre y mettrait la plus
mauvaise volonté.
Non seulement vous donnez à l’administration
supérieure le droit de révoquer le bourgmestre pour cause de négligence grave
ou d’inconduite notoire ; mais vous lui donnez encore le droit d’envoyer à ses
frais un commissaire dans la commune pour faire exécuter les mesures
d’administration générale, les lois et arrêtés dans le cas où il y aurait
mauvais vouloir ou résistance de la part de l’autorité locale. Dans tous les
cas l’exécution peut donc avoir lieu sans avoir recours au droit de révocation.
Indépendamment de ces moyens, vous donnez au pouvoir dans ses attributions le
droit de briser, d’annuler tous les actes de l’autorité locale contraires aux
lois et à l’ordre public, afin de la maintenir dans de justes bornes.
Enfin, si on craint que l’administration communale
gère mal les intérêts de la commune, il y est encore pourvu en ce qu’on soumet
à l’approbation de l’administration supérieure presque tous les actes de
l’autorité communale. On a donc des moyens plus que suffisants pour contenir
dans leurs devoirs les magistrats communaux. Et on ne doit point par conséquent
donner au gouvernement un pouvoir aussi exorbitant que celui de révoquer ces
fonctionnaires quand bon lui semble et sans être obligé d’alléguer
aucun motif.
Le gouvernement, vous dit-on, sera sobre dans
l’usage qu’il fera du droit de révoquer. Remarquez que ce n’est pas seulement
dans l’usage qu’on fera de ce droit, mais dans la crainte de l’usage qu’on
pourra en faire qu’est le mal ; il suffit qu’un magistrat se trouve à tout
instant menacé d’être révoqué, pour qu’il perde toute liberté d’action, pour
qu’il perde toute indépendance. Que deviennent alors les magistrats communaux ?
En perdant cette indépendance, le pouvoir communal perd en même temps toute son
existence ; ce pouvoir constitutionnel serait donc très sérieusement compromis
si on accordait au gouvernement un droit aussi arbitraire que celui que veut
lui attribuer l’honorable préopinant.
Aujourd’hui que les
magistrats de la commune sont nommés directement par le peuple, on ne peut les
révoquer dans les villes : il en était de même sous le régime hollandais
Accorderez-vous au gouvernement un droit de révocation que l’autorité
supérieure n’avait pas sous le régime de Guillaume et qui n’existe pas
maintenant en Hollande.
On a dit que c’était là une lacune dans nos
règlements. C’est une erreur. Guillaume n’aurait pas commis une lacune de cette
importance. En Hollande, on a toujours attaché le plus grand prix à
l’indépendance des bourgmestre et échevins, tellement
que Guillaume n’aurait pas osé toucher à cette franchise. Je ne sais pas si je
ne devrais proposer aujourd’hui de borner le droit de révocation aux
bourgmestres des campagnes ainsi que cela existait sous le régime précédent.
L’honorable préopinant a argumenté de la loi
française. J’argumente aussi quelquefois des lois françaises, mais c’est quand
il s’agit de dispositions libérales, tandis que la disposition qu’on veut
emprunter aujourd’hui à la législation françaises, tuerait le pouvoir communal.
Il y a cette différence entre
En France, les maires et les adjoints peuvent être
considérés comme les délégués du pouvoir exécutif. Dès lors, on peut accorder
au pouvoir exécutif le droit de révoquer, purement et simplement, quand il le
veut, les maires et les adjoints.
Je rejetterai donc l’amendement proposé par M.
Pollénus, et je proposerai de supprimer le dernier paragraphe de l’article de
la section centrale afin de mettre le bourgmestre sur la même ligne que les
échevins quant au droit de révocation ou de suspension.
M. Legrelle. - Il est vraiment
surprenant que pour établir de l’homogénéité dans le conseil un honorable
membre soit venu vous proposer une disposition que vous avez rejetée à une
grande majorité, c’est-à-dire la suspension du bourgmestre prononcée par le
gouverneur. La première fois que cette proposition a été faite, je l’ai
combattue ; la chambre a écouté mes motifs et fait droit à ma demande.
Aujourd’hui que nous avons rejeté la suspension sans motifs déterminés du
bourgmestre, et qu’elle ne figure pas dans le projet de loi, l’honorable M.
Pollénus, sous prétexte d’homogénéité, vient vous proposer de la rétablir alors
qu’elle n’existe ni pour le bourgmestre ni pour les échevins.
Je vous le demande, que deviendrait un collège s’il
était loisible à un gouverneur de le suspendre sans motifs et sans avoir
recours au ministère, parce qu’il aurait eu son amour-propre blessé par la
résistance des magistrats municipaux à des prétentions injustes. Evidemment ce
serait jeter de la déconsidération sur le pouvoir communal. Lors de la
précédente discussion, j’ai démontré les conséquences d’une pareille mesure ;
j’ai fait voir que, quelle que soit la mesure prise ensuite par le
gouvernement, il restait toujours de cette suspension quelque chose qui tendait
à déconsidérer les fonctionnaires qui en avaient été l’objet.
On aura beau demander la parole pour me réfuter, je
suis convaincu qu’on ne me réfutera pas.
M. le ministre fait très sagement d’attendre la
discussion avant de se prononcer. J’espère qu’il ne se ralliera pas à la
proposition de M. Pollénus. Je
le dis d’avance, il suffirait que cette disposition fût adoptée pour que je ne
puisse pas voter pour la loi. Je veux bien qu’une simple suspension puisse être
prononcée pour négligence grave et pour inconduite notoire, enfin pour des
motifs tels que le fonctionnaire ne puisse plus, sans porter atteinte à
l’honneur du collège, en faire partie. Je pense même que dans ce cas une
révocation pure et simple vaudrait mieux. Si vous voulez une révocation
conditionnelle, exigez qu’elle ne puisse être prononcée que sur l’avis motivé
de la députation.
Mais accorder au gouvernement un droit de
suspension illimité et arbitraire, ce serait faire de chaque gouverneur un
tyranneau. Je crains davantage le pouvoir illimité d’un gouverneur que
l’arbitraire ministériel.
M. Desmet. - Quand
la section centrale avait laissé au gouvernement la révocation ad nutum des bourgmestres,
c’est qu’elle n’avait vu dans ces fonctionnaires que de simples commissaires du
gouvernement ; elle a dit : Ces hommes du pouvoir ne sont que ses délégués, et
celui qui les désigne peut en faire ce qu’il veut et les révoquer à volonté.
Mais depuis le vote qui a établi une seule et même
administration pour les affaires du gouvernement comme pour celles de la
commune, qui a rendu inséparable l’administration municipale proprement dite de
celle dont on a besoin dans chaque commune pour l’exécution des lois et des
actes gouvernementaux ; depuis que le bourgmestre n’est plus ce seul homme qui
représente le gouvernement dans la commune, mais qui, de concert avec les
échevins, remplit collectivement le double mandat, on ne peut plus isoler le
bourgmestre des échevins, et le gouvernement ne peut plus agir sur ce
fonctionnaire, qui n’est plus à lui seul, mais qui appartient aussi à la
commune, comme il le trouverait bon.
La nomination du bourgmestre et des échevins
n’appartient pas directement au gouvernement, il ne fait qu’y intervenir et
même que secondairement. Les éléments de ces nominations sont puisés dans
l’élection populaire ; le gouvernement doit prendre ce que les électeurs, les
habitants de chaque commune lui présentent ; si le peuple n’élevait point ceux
qu’il destiné aux fonctions municipales, le gouvernement ne pourrait faire
aucun choix, aucune nomination ; il ne pourrait délivrer aucun mandat.
On ne peut donc pas dire que le gouvernement fait
les nominations des bourgmestre et échevins ; que ces
fonctionnaires, étant nommés par lui, il a le droit de les révoquer.
Ayant les bourgmestres et échevins un double
mandat, qui est tellement inséparable qu’on ne pourrait assurer s’ils tiennent
une plus grande part du gouvernement que de la commune, s’ils sont des
commissaires ou des magistrats, on peut donc dire que ces fonctionnaires ne
remplissent point de simples commissions, que l’office qu’on lui a confié est
une charge, et par conséquent qu’ils ne sont point révocables à volonté et
purement dépendants des caprices du pouvoir.
C’est dans l’essence de ces charges que ceux qui
les remplissent aient une certitude qu’ils ne peuvent être le jouet des
autorités supérieures ni d’après un bon plaisir quelconque être mis de côté.
Si on veut avoir aux places municipales des
honnêtes gens et des hommes probes, qui tiennent à l’honneur, il faut leur
assurer la durée de leurs fonctions pour tout le temps de la nomination. Sauf
le cas de forfaiture, la loi doit leur garantir la durée de leurs fonctions.
Il doit en être des officiers municipaux comme des
juges. La loi leur garantit également la durée de leurs fonctions, et nous
devons tenir en principe, comme on l’a toujours fait avant la révolution de 93,
que, semblables aux juges, les officiers municipaux ne peuvent être destitués
que pour forfaiture, concussion et malversation, judiciairement constatées.
C’est le principe qui a été reconnu, quand en 1817
nos cités avaient été dotées de cet excellent régime municipal, qui fit pendant
un laps de huit ans tout le bonheur du pays comme du souverain, et que nous
désirons voir renaître dans toute sa plénitude.
Le gouvernement y trouvait
toute la garantie dont il pouvait avoir besoin pour assurer l’administration, et
jamais il ne fut plus populaire et plus considéré, comme jamais il n’y eut tant
de tranquillité, d’union et d’accord dans le pays.
On avait alors reconnu que quand le gouvernement ne
nommait pas directement des fonctionnaires, et que leurs emplois étaient plus
que de simples commissions ou délégations qu’il ne pouvait avoir le droit de
renvoyer à volonté, et que le mandat au gouvernement était tellement lié à
celui de la commune, que ces fonctionnaires avaient acquis les qualités de
magistrats et remplissaient une charge ou un office, ils ne pouvaient être
destitués pendant la durée de leur nomination que pour forfaiture et à la suite
d’un jugement.
Messieurs, je ne pense pas que personne pourra dire
qu’il y eût alors des abus, et que l’administration a souffert ; il a été
reconnu que la suspension avait suffi pour obvier aux négligences
administratives, et pour conserver l’ordre et la bonne administration dans nos
cités. Mais il est vrai aussi que Guillaume ou ses faux amis ne trouvant pas
dans ce régime paternel assez d’éléments pour faire entrer dans
l’administration cet absolutisme auquel ils aspiraient, le détruisit
entièrement en 1825 ; mais je vous le demande de même, n’est-ce pas depuis lors
que sa déconsidération a commencé ?
J’ose donc croire que nous pouvons suivre, sans
aucun risque de compromettre l’administration, le régime municipal de 1817, et
ne pas laisser au gouvernement la révocation à volonté des fonctionnaires
municipaux. J’ose même avancer que si nous le faisions, nous ferions quelque chose
qui serait fort dangereux, et en portant l’inquiétude dans les communes qui ne
verraient plus rien de certain et de stable pour leurs administrateurs, nous
pourrions être cause de conséquences fâcheuses pour la popularité et la
considération du gouvernement.
Je me prononce donc contre l’amendement de
l’honorable M. Pollénus et la disposition du paragraphe qui donne au
gouvernement le droit de révoquer ad nutum, mais pour ce qui concerne le mode
de suspension, et les conditions auxquelles on voudra l’assujettir, j’attendrai
la suite de la discussion pour arrêter mon opinion.
M. Pollénus. - On
prétend qu’au moyen de la proposition que je viens de faire, j’enlève à la loi
le caractère libéral que d’autres ont voulu lui imprimer. Mais il me semble que
ma proposition est plus libérale que la leur, et je crois qu’il ne me sera pas
difficile de le prouver.
Les honorables préopinants ont voulu placer à la
tête de la commune une autorité collective ; c’était contraire à mon opinion, mais
la chambre a adopté ce système. Car si dans l’existence de cette autorité
collective ils trouvent une plus grande garantie pour la commune, il est
impossible de contester cette conséquence que les membres de cette autorité
collective doivent être placés sur la même ligne et avoir la même garantie,
tandis que mes adversaires refusent au bourgmestre les mêmes garanties que je
propose et pour les échevins et pour les bourgmestres.
Je dis que je veux des garanties : pour ma part je
trouve, en effet, plus de garanties dans l’intervention libre du gouvernement
que dans une intervention subordonnée à
l’appréciation de telle ou telle autorité intermédiaire. En laissant au
gouvernement la liberté d’action qu’il doit pouvoir exercer sur les
fonctionnaires municipaux, en tant qu’ils sont ses agents, rien n’altère les
principes de l’unité administrative, et la responsabilité du gouvernement est
entière pour toutes mesures injustes qu’il pourrait prendre à l’égard des
bourgmestre et des échevins ; mais partagez cette responsabilité par
l’intermédiaire obligé d’une autorité quelconque, dès lors la responsabilité du
gouvernement disparaît, puisqu’elle est couverte par l’autorité consultative
intermédiaire, et avec la responsabilité disparaissent les garanties que la forme
du gouvernement me paraît assurer aux fonctionnaires publics.
Je commencerai par faire observer que ces
honorables membres se trompent quand ils veulent établir des garanties
différentes, une position différente pour les uns et pour les autres.
Lorsque nous en viendrons aux attributions, si on a
établi des garanties différentes pour les bourgmestres et les échevins, on ne
manquera pas de s’emparer de cette circonstance et de dire : Puisqu’on leur a
fait une position différente, il faut que leurs attributions diffèrent.
La disposition que je propose n’a pas d’autre but
que d’harmoniser la disposition de principe adoptée contre mon opinion, il est
vrai, avec le droit de révocation.
L’honorable M. Doignon trouve de très grandes
garanties en ce qu’il détermine dans quels cas la suspension et la révocation
pourront être prononcées.
Je le demanderai à tout homme pratique, est-ce dans
des causes vagues qui n’ont rien de déterminé qu’un fonctionnaire trouve une
garantie, quand la loi ne dit pas qui jugera s’il y a eu négligence grave ou
inconduite notoire ? Des mots si généraux ne déterminent rien, ne présentent
aucune garantie.
L’honorable membre a aussi prétendu que qui a le
droit de nomination doit aussi avoir le droit de révocation, et que ce principe
ne recevait pas ici son application, parce que les bourgmestres ne sont pas
nommés par le gouvernement, mais seulement désignés. Il ne raisonnait pas ainsi
quand il s’agissait de la question de constitutionnalité relative aux échevins.
Le Roi nomme, disait-il alors. Il a soutenu ici le contraire de ce qu’il
prétendait alors. Pour être conséquent avec lui-même, il devait encore soutenir
que le Roi nommait.
L’honorable M. Legrelle
s’est élevé contre le pouvoir exorbitant que je donnais au gouverneur, comme
devant entraîner la déconsidération des fonctionnaires municipaux qui en
subiraient les effets. Je crois qu’en général les mesures de rigueur ne
déshonorent que lorsqu’elles sont injustement appliquées. Je pourrais citer des
exemples plus d’une fois rappelés dans cette assemblée de fonctionnaires
administratifs injustement révoqués qui n’ont pas pour cela été déconsidérés.
Il en est plusieurs que je connais qui, sous plusieurs gouvernements, ont été
victimes de mesures de rigueur, et qui ont vu la considération dont ils
jouissaient augmenter en raison de la brutalité des mesures qui les avaient
frappés.
La responsabilité devient-elle illusoire depuis que
le gouvernement n’est plus obligé de donner les motifs de ces révocations et
suspensions ? Je dis que dans notre organisation, et avec la responsabilité des
fonctionnaires, il n’y a pas d’abus à craindre ; l’honorable M. Doignon l’a
reconnu lui-même. S’il en est ainsi, ne vaut-il pas mieux abandonner au
gouvernement et sous sa responsabilité le droit de prendre les mesures qu’il
jugera convenable ? Il faut laisser au gouvernement la liberté d’action qui lui
est nécessaire.
Je crois en avoir assez dit pour prouver d’une part
que les garanties que l’on croit trouver dans des énonciations vagues sont
illusoires, et d’une autre part, que les abus ne sont pas à craindre. Alors
placez donc sur la même ligne des fonctionnaires auxquels vous donnez les mêmes
pouvoirs. Il me paraît impossible de laisser intervenir la députation des états
pour des actes de ce genre, et je pense que l’on jetterait quelque
déconsidération sur les états députés, en les faisant intervenir de cette
manière.
Pour donner au pouvoir central l’action qu’il doit
avoir, il faut adopter ma proposition. Les objections que l’on a faites n’ont
pas détruit mes observations.
M. Jullien. -
Messieurs, je regrette que le ministre de l’intérieur n’ait pas jugé à propos
d’accommoder l’article qui est soumis à vos délibérations au système nouveau
qui a été adopté ; car dans l’état de la discussion nous ne savons
véritablement pas quelle est l’intention du gouvernement, et nous sommes
obligés de former nous-mêmes un nouveau système.
C’est peut-être pour la dixième fois que la
question a été agitée dans cette chambre ; après de longues discussions on
s’est enfin arrêté à une solution : voilà que maintenant on propose encore de
nouveaux amendements, de nouveaux systèmes, pour la suspension et la
révocation. Si nous opérons toujours de cette manière, et surtout si les
discussions reparaissent à de longs intervalles, quand on aura oublié tout ce
qui a été dit auparavant, nous ne pourrons plus en sortir ; et vous devez
considérer maintenant l’organisation provinciale et communale comme devant
appartenir à des temps éloignés. Lorsqu’il faut revenir dix fois, vingt fois
sur le même sujet, je ne prévois pas de fin.
De quoi s’agit-il ? Du
droit de suspension et de révocation. Dans la première discussion on a agité
longtemps pour quels cas on pourrait révoquer et suspendre les magistrats
municipaux. Je me souviens que quand le gouvernement demandait le pouvoir de
suspendre et de révoquer pour des causes graves, la plupart des orateurs
trouvaient que cette expression était bien vague. Qu’est-ce que c’est,
disait-on, que des causes graves ? Qu’est-ce que c’est qu’une inconduite
notoire ? Tout le monde voyait que c’était laisser beaucoup d’arbitraire au
pouvoir que de lui laisser la faculté de déterminer ce qu’il entendait par ces
mots ; mais, après une longue discussion, on s’aperçut qu’il était impossible
de mieux déterminer les causes graves, et en quoi consisterait l’inconduite
notoire ; alors, de guerre lasse, on a adopté l’article présenté par le
gouvernement.
Par cette adoption, il en résultait que le
magistrat municipal ne pouvait être suspendu ni destitué sans qu’aux yeux de
ses concitoyens il y ait véritablement dérangement notoire, inconduite notoire
de la part de ce magistrat.
On exigeait que les choses graves fussent motivées
dans l’arrêté de suspension ou de révocation ; maintenant que propose-t-on ? On
propose de laisser la révocation et la suspension au bon plaisir du pouvoir ;
ainsi vous reviendriez contre ce que la chambre a précédemment adopté.
Messieurs, je ne pourrai jamais donner mon
assentiment à un pareil amendement. Je maintiendrai ce qui a été adopté,
quoique j’y trouve encore beaucoup d’arbitraire, et je ne consentirai pas à
accorder au pouvoir la destitution du bourgmestre et des échevins selon sa
volonté, proprio motu.
II y a un double caractère dans les bourgmestres et
dans les échevins. Les uns et les autres sont nommés par le Roi et par les
électeurs ; si vous accordez au gouvernement le droit de les suspendre et de
les révoquer, ce droit ne peut affecter la qualité de conseillers municipaux
qu’ils ont reçue des électeurs.
Encore une fois, je vous engage à repousser toutes
ces propositions nouvelles qui ne tendent qu’à nous faire perdre du temps, et
qui ont été solennellement rejetées par la chambre.
M. Dubus. -
J’avouerai, messieurs, qu’en arrivant dans cette enceinte, je ne m’attendais
pas à avoir un pareil amendement à combattre ; je m’attendais au contraire à ce
que l’on proposerait des modifications dans le sens libéral, ou dans le sens du
système de conciliation, de transaction, qui nous avait été préconisé ; mais je
m’aperçois que le pouvoir, après avoir pris d’un côté, veut encore prendre de
l’autre ; de sorte qu’il devient évident que le système que l’on veut établir
n’est point un moyen de conciliation, mais un système de déception. Et sur ce
point, messieurs, il suffit de se rappeler ce qui a déjà été adopté par la
chambre.
Par son premier vote voici ce qui avait été décidé
;
« Les bourgmestres et échevins peuvent être
suspendus de leurs fonctions par le gouvernement ou par la députation provinciale
pendant le terme de trois mois ou plus pour cause d’inconduite ou négligence
grave.
« Les échevins peuvent dans le même cas être
démis par la députation.
« Les bourgmestres peuvent être révoqués dans
le même cas par le Roi. »
Au second vote on a signalé les inconvénients qu’il
y aurait à abandonner, sans aucune garantie, le droit de suspendre pour des
causes déterminées ; on a démontré que c’était armer les gouverneurs du droit
de mal noter, par son acte de suspension, le fonctionnaire qui en serait
l’objet. On a voulu sur ce point prendre des précautions : on a voulu que la
suspension fût prononcée :
« Par arrêté du gouverneur rendu sur avis
conforme de la députation provinciale ; »
Et puis que :
« Les échevins fussent entendus préalablement
à leur suspension, et, de même que les bourgmestres fussent préalablement
entendus avant leur révocation. »
C’est ainsi que l’art a été formulé au second vote.
Dans le mode de nomination la chambre avait admis
une différence entre les bourgmestres et les échevins.
Au sénat, voulant l’homogénéité entre les
bourgmestres et les échevins, l’article relatif à la nomination de ces
magistrats fut modifié, et on dit que les bourgmestre et échevins seraient
nommés par le Roi dans le sein du conseil.
Quant aux articles relatifs au droit de suspension
et de révocation, le sénat les a maintenus à l’unanimité, et le projet qui nous
est revenu de l’autre chambre était l’année dernière tel
que je l’ai cité.
La section centrale qui s’est occupée en second
lieu de la loi communale et qui a examiné le projet élaboré par le sénat, avait
été d’avis d’accorder aussi au Roi la nomination des échevins sur présentation
du conseil. Elle a été unanime encore pour maintenir l’article que nous
discutons et les garanties contre la suspension arbitraire des bourgmestres et
des échevins. Aujourd’hui, à prétexte d’homogénéité, l’honorable M. Pollénus
propose de détruire toutes ces garanties et d’accorder un droit illimité de
suspension et de révocation sur les membres du collège municipal.
Il est vrai qu’il soutient que sa proposition est
tout ce qu’il y a de plus de libéral ; quant à moi, il m’est impossible de
comprendre le libéralisme de cette manière. Si le libéralisme pouvait se
trouver là, le pouvoir du Grand-Turc serait excessivement libéral, car il a le
pouvoir de suspension et de révocation dans son entier. Par une telle
proposition, on arriverait à une loi plus illibérale
que le projet du sénat dont la chambre des représentants n’a pas voulu l’année
dernière, puisque vous effacez toutes les garanties contre les suspensions et
révocations arbitraires ; on arriverait également à une loi plus illibérale que le résultat du premier vote de cette
chambre, résultat auquel on disait qu’on allait revenir ; plus illibérale sous le rapport de la nomination, puisque les
échevins n’étaient nommés par le Roi que sur la présentation du conseil.
On pose comme principe absolu que, puisque le Roi
nomme, il faut qu’il puisse révoquer à son gré : mais il n’est écrit nulle
part, ni dans la constitution ni dans les codes de nos lois, que le droit de
nomination emporte le droit de révocation ; le contraire est même notoire. Il y
a un grand nombre de fonctions qui sont à la nomination du Roi et que le Roi ne
peut révoquer. Les notaires, les avoués, les huissiers sont dans ce cas. II y
en a beaucoup d’autres : les juges... Quant à ceux-là, la question ne peut être
faite, puisque leur inamovibilité est écrite dans la loi. (Alors, selon M.
Pollénus, c’est un principe illibéral écrit dans la
constitution.)
Le Roi ne peut révoquer les notaires et les avocats
que dans le cas d’abus constatés par les tribunaux.
Il n’est pas vrai de dire que celui qui nomme, par
cela même, a le droit de révoquer ; il faut considérer, avant tout, la nature
des fonctions qui ont été conférées.
Or, Ici il n’y a pas seulement à considérer la
nature des fonctions, il faut encore considérer le mode de nomination à ces
fonctions.
Quant à la nature des fonctions, on a dit que le
bourgmestre et les échevins, tel qu’on a conçu le système dans lequel nous
sommes placés, au moins provisoirement, jusqu’à ce que la chambre ait voté sur
les attributions, étaient des magistrats mixtes : dès lors vous ne pouvez pas
accorder au gouvernement le droit arbitraire de nomination et de révocation
comme s’ils étaient ses simples agents. Les bourgmestre et échevins seront
chargés de l’exécution des lois dans la commune ; mais ils seront plus
particulièrement chargés de tout ce qui est d’intérêt communal ; ils auront la
gestion exclusive des affaires de la commune, la mise à exécution de toutes les
délibérations du conseil et l’administration journalière de tous les intérêts
locaux. Leur fonction principale est celle d’officiers municipaux ; l’autre
fonction, comme agents du pouvoir central, n’est qu’accessoire.
Aussi leur nomination est en quelque sorte le
résultat d’un contrat. Un mandat se révoque bien par le mandataire ; mais quand
la mission est le résultat d’un contrat, elle devient irrévocable ; une des
parties ne peut la révoquer sans l’aveu de l’autre. N’a-t-on pas dit que
c’était pour établir ce contrat que l’on avait imaginé le mode de nomination
adopté ? Le Roi doit prendre les magistrats municipaux dans le conseil afin que
la nomination par le peuple fût une présentation au Roi ; une fois qu’il a
désigné le bourgmestre et les échevins, le contrat est parfait, il est
consommé, et chaque fonctionnaire devient non pas le mandataire exclusif du
gouvernement, mais le mandataire commun au gouvernement et à la localité. Dans
ce mode de nomination se trouve la garantie d’une bonne gestion dans l’intérêt
du gouvernement et dans l’intérêt de la communauté.
Si vous établissiez le droit arbitraire de
révocation et de suspension, vous détruiriez tout à fait la garantie, vous la
feriez disparaître.
Je dis que dans le mode de nomination se trouve la
garantie d’une gestion où on fera la part à tous les intérêts ; en effet, les
fonctions ne sont que temporaires ; le bourgmestre et les échevins arrivés au
terme de leurs fonctions ont besoin d’être réélus ; voilà la garantie pour le
peuple : ils ont besoin encore d’être désignés bourgmestre et échevins par le
pouvoir ; voilà la garantie pour le gouvernement. Toutefois on doit convenir
que l’intérêt de la commune est plus pressant que celui du pouvoir.
Remarquez quelle différence vous amenez dans cette
situation, alors que vous accordez au gouvernement un droit arbitraire de
suspension et de révocation ; d’une part ces fonctionnaires, en ce qui touche
les intérêts de la commune ou les intérêts du peuple, ont une perspective de
non-réélection, mais dans un temps plus ou moins éloigné ; et contre cette
possibilité ils peuvent toujours se flatter de lutter au moyen de l’influence
même qu’ils ont par leurs fonctions, tandis qu’au contraire, par suite du droit
arbitraire et absolu de révocation et de suspension, ce n’est pas dans une
perspective plus ou moins éloignée qu’ils entrevoient la perte de leurs
fonctions ; c’est chaque jour, à chaque
instant qu’ils sont sous le coup de leur démission.
Supposez maintenant que le bourgmestre, par suite
des inspirations de sa conscience, et d’après son devoir écrit dans la loi, ait
résisté, dans une hypothèse donnée, à quelque exigence injuste du pouvoir ;
cela peut arriver, car cela est déjà arrivé. Eh bien, que fera-t-il si l’on
insiste pour obtenir de lui ce qu’il ne croit pas devoir faire ? Il n’y a pas
de doute qu’il sera entraîné à céder aux instances du pouvoir s’il écoute son
intérêt personnel, et qu’il sacrifiera ainsi l’intérêt de la commune et sa
conscience elle-même.
Messieurs, il est d’autant plus étrange que l’on
ait présenté un pareil système, qu’il est diamétralement contraire à tout ce
qui s’est pratiqué jusqu’à ce jour ; on a invoqué les règlements ; mais il est
incontestable que d’après le règlement des villes, le gouvernement n’avait pas
le droit de révoquer les bourgmestre et échevins, et
il s’appliquait aux 96 communes principales de
On a dit que c’était une lacune.
Ce qu’il y a de certain, c’est que ce n’est pas un
oubli. Car si cela avait été un oubli dans les règlements de 1817, on l’aurait
réparé dans ceux de 1824. Il est d’autant moins probable que ce soit un oubli,
que dans les règlements des campagnes on accordait le droit de suspension et de
destitution. Ce que l’on avait fait dans l’un des règlements, on aurait pu le
faire dans l’autre si l’on avait cru que le droit de révocation et de
suspension fût nécessaire pour les villes. Mais c’est que l’on a senti que
c’était un droit exorbitant.
Que ce droit ait été consacré dans les règlements des
campagnes, cela étonne moins, parce que ces règlements des campagnes étaient
mis en quelque sorte hors de la loi, hors de la liberté. L’on avait réellement
donné des libertés communales aux villes. Il n’en existait pas pour les
campagnes.
Mais maintenant que l’on reconnaît qu’il y a autant
et plus de raison d’accorder des libertés communales aux campagnes qu’aux
villes, il me semble que la circonstance que, dans les règlements des villes
qui nous ont régis jusqu’en 1830, l’on n’avait pas stipulé le droit de
révocation et de suspension, est d’un très grand poids. Si en effet il peut y
avoir danger à laisser l’administration entre les mains de fonctionnaires qui
en feraient un abus de tous les jours, n’est-ce pas dans les communes
importantes plutôt que dans les petites communes ? Eh bien, j’en appelle à
l’expérience des 13 ou 14 années qui ont précédé la révolution, et pendant
lesquelles les grandes communes du royaume ont été administrées sans que le
gouvernement eût le droit de révocation ou de suspension des fonctionnaires
municipaux. Je n’ai jamais ouï dire que l’on se soit plaint de l’absence d’une
semblable disposition.
Nous ne devrions pas avoir une si grande hâte
d’insérer dans la loi une disposition de cette nature lorsque le besoin ne s’en
est pas fait sentir pendant une aussi longue période de temps.
Mais au reste, les règlements des campagnes étaient
bien loin de contenir une disposition pareille à celle que propose l’honorable M. Pollénus. En la lisant avec
attention, je ne vois pas qu’elle contienne toutes les garanties qu’il y avait
alors.
La suspension du mayeur, selon les premiers
règlements, lorsqu’il ne s’était pas bien acquitté de ses fonctions, pouvait
être prononcée au nom du Roi par les états députés, à charge d’en rendre compte
immédiatement. Ces fonctionnaires pouvaient être destitués par le Roi. La
destitution et la suspension des échevins étaient prononcées également par les
états députés, mais c’était comme peine que cela avait lieu ; c’était
lorsqu’ils ne s’étaient pas acquittés de leur devoir.
Au lieu de cela, l’on veut établir un droit
arbitraire et sans limite de suspension et de destitution qui serait abandonné
au pouvoir supérieur, qui pourrait atteindre celui qui se serait honorablement
acquitté de ses fonctions. Il y a une énorme différence entre ces deux
systèmes.
Je vois encore que les mayeurs pouvaient être non
pas révoqués, mais destitués par le Roi. Cette expression, qui est la même dont
on se sert pour les échevins relativement au jugement des états députés,
implique encore l’idée que ce n’était que l’application d’une peine au
fonctionnaire qui n’aurait pas rempli son devoir.
Les seconds règlements sont dans le même sens, et
même l’on a écarté jusqu’à un certain point ce que cette expression de
destitution pouvait avoir de trop vague. Le droit de suspension ou de démission
y est subordonné au cas de mauvaise conduite ou de négligence. Il n’y a qu’un
seul et même droit qui n’est appelé démission que quant au bourgmestre par
exception. Et cette exception porte non pas sur le cas dans lequel ce droit
sera exercé, mais sur les motifs dont il sera donné. L’exception dit qu’au lieu
que ce soient les états députés, ce sera le Roi qui leur donnera leur
démission.
Si donc nous voulons rester dans les termes des
règlements du plat-pays, alors qu’il n’y avait pas de liberté pour les
campagnes, nous devons non seulement rejeter l’amendement de M. Pollénus, mais
même modifier la proposition de la section centrale. Quant à moi, je désirerais
beaucoup qu’elle fût modifiée.
L’on a dit qu’il était nécessaire qu’il y eût de
l’homogénéité entre le bourgmestre et les échevins.
Il faut convenir que si ceux qui sont entrés dans
le système de concession ou de transaction, et qui ont invoqué le principe
d’homogénéité pour changer l’ordre de nomination du bourgmestre et des
échevins, accordent sans limites le droit de révocation, ils se sont
singulièrement trompés.
Je demande qu’il y ait égalité quant à la
révocation et à la suspension entre les bourgmestres et les échevins. Lorsque
le bourgmestre se conforme aux lois, lorsqu’il obéit à sa conscience, je
demande pourquoi il y aurait lieu à le révoquer ?
Je cherche les motifs plausibles d’une révocation
semblable, je ne les trouve réellement pas.
Dans les discussions précédentes, l’on a beaucoup
insisté sur une administration en de mauvaises mains. Ce qui vous a été proposé
jusqu’aujourd’hui pour les échevins est un remède suffisant. Quand
l’administration sera en de mauvaises mains, il y aura inconduite ou négligence
de la part des administrateurs, et évidemment il pourra y avoir lieu à la
suspension ou à la démission. Vous ne supposerez pas, je pense, que la
députation des états maintienne en fonctions des magistrats municipaux qui
administreront réellement contre les intérêts de la commune. Dès lors vous ne
pouvez pas craindre les abus qui ont été signalés.
On vous a déjà rappelé, messieurs, le système de
répression qui résulte d’une foule de dispositions de la loi. Il n’y a pas un
acte irrégulier qui puisse échapper à son annulation. Il n’y a rien dans la
conduite des administrateurs municipaux qui ne soit immédiatement réprime par
la loi.
Indépendamment de cela, pour les abus les plus
graves, le code pénal n’est-il pas là ? En cas de malversation, de concussion,
de suppression des titres, etc., la loi prononce des peines qui entraînent
l’inhabilité du condamné à reprendre ses fonctions.
Pour les cas moins graves et qui seraient de nature
à compromettre l’intérêt de la commune, le droit de la suspension ou de la
destitution, sur l’avis conforme de la députation, est un remède suffisant, et
je ne conçois pas que l’on demande davantage.
C’est sans nécessité aucune
que l’on accorderait au gouvernement le droit de révoquer ou de suspendre les
magistrats communaux. On les placerait dans une dépendance de tous les jours et
de tous les instants.
La garantie qui se trouve dans le besoin qu’ont les
fonctionnaires d’obtenir leur réélection au bout d’un certain temps s’effacera
tout à fait devant cette considération plus immédiate, qu’ils peuvent être
révoqués de leurs fonctions d’un moment à l’autre, encore qu’ils se soient
acquittés de leurs devoirs religieusement et selon de leur conscience.
On a fait valoir, contre le système que je défends,
que si l’avis motivé de la députation des états était nécessaire, il serait
plus défavorable qu’utile au fonctionnaire d’exprimer les motifs de sa
suspension ou de sa destitution.
Je ne suis nullement touché de cet argument. Je ne
vois pas pourquoi l’on ménagerait la réputation d’un fonctionnaire coupable au
détriment de ceux qui ne le sont pas. En définitive ceux qui auront encouru un
jugement semblable seront ceux qui l’auront mérité. Ils ne pourront se plaindre
de la publicité donnée aux justes motifs de leur révocation.
Ainsi, sous prétexte de porter dommage à des hommes
réellement coupables, vous voulez que l’on puisse destituer sans motif des
fonctionnaires honorables, et vous placez sur la même ligne ceux qui n’auront
pas mérité d’être révoqués ou suspendus et ceux qui auront mérité une pareille
peine. Je ne comprends pas une semblable manière de raisonner.
C’est pour ces motifs que j’adopterai l’amendement
de mon honorable ami.
M. le président. -
MM. Gendebien, Legrelle et Dumortier ont présenté chacun un amendement à
l’article en discussion.
M. Dumortier, rapporteur.
- De tous les articles que vous ayez à voter dans la loi communale, il n’en est
peut-être pas de plus important que celui qui est en discussion. En effet, si
la nomination des bourgmestres et des échevins donne un grand pouvoir au
gouvernement, il est incontestable que le droit de suspension et de révocation
est plus considérable encore puisqu’il pèse sur ces fonctions à chaque instant
de la journée.
Je ne pense pas que l’on puisse admettre le droit
illimite de révocation. Pour ma part je désirerais que le gouvernement ne pût
ni révoquer ni suspendre un fonctionnaire qu’il a nommé. C’est à lui à faire de
bons choix. De même que le peuple n’a pas le droit de révoquer les personnes
qu’il a investies d’un mandat, ainsi le gouvernement ne devrait pas avoir le
droit de destituer une personne à laquelle il a accordé sa confiance.
L’on a souvent dans cette discussion signalé des
abus résultant de l’élection populaire ; mais je le demande, si le peuple avait
le droit de révocation, est-ce que les abus dont on s’est plaint arriveraient ?
Si le peuple retirait son mandat à la personne qu’il en a investie et qui n’a
pas accompli les promesses qu’elle avait faites au grand jour de l’élection, de
pareils abus ne se renouvelleraient pas.
Je ne vois pas pourquoi l’on accorderait au
gouvernement ce que l’on refuse au peuple.
Le principe que je soutiens, messieurs, n’est pas
d’hier. Il est très ancien dans notre pays.
Sous le régime de l’ancien droit public du Brabant le
gouvernement ne pouvait, dans aucun état de choses, retirer le mandat qu’il
avait accordé. Aussi c’était un axiome de droit public dans le Brabant que
quand le duc nommait un sergent, il nommait son maître, en ce sens que le
sergent exerçait librement son emploi sans craindre d’être sous le coup d’une
destitution.
Malheureusement, messieurs, nous nous éloignons de
plus en plus des anciennes doctrines de notre nationalité. Nous allons puiser
nos lois, comme l’a fort bien dit un honorable préopinant, dans l’arsenal des
lois françaises. Les lois françaises ne sont pas faites pour nous. Elles
tendent à effacer notre nationalité. Puisons des exemples dans notre pays, et
n’allons pas prendre modèle sur les lois françaises, surtout en ce qu’elles ont
de despotique.
Je demanderai d’ailleurs si les lois françaises ont
toujours présenté ce cachet de despotisme que M. Pollénus voudrait introduire
dans nos lois. Le droit de révocation accordé au gouvernement n’est pas si
ancien qu’on le pense. Sous l’ancienne monarchie française, le roi ne l’avait
pas.
C’est sous la convention que cette doctrine a été
introduite, et on le conçoit. Du moment que les lois devenaient iniques, il
fallait que les fonctionnaires chargés de les exécuter y fussent contraints,
qu’ils fussent brisés comme verre s’ils s’y refusaient. Il fallait des moyens
de violence alors que l’on conduisait à la guillotine et la noblesse et le
clergé ! C’est de cette nécessite qu’est né le principe de la révocation des
fonctionnaires.
Ce système a continué sous l’empire, parce que le
despotisme impérial était la continuation du despotisme de la convention. Mais
ce n’est pas par un gouvernement sorti d’une révolution, sorti des barricades,
qu’un pareil système devrait être préconisé.
Le roi Guillaume, vous le savez, messieurs, n’était
pas investi du droit de destitution des magistrats communaux. Il avait reconnu
en principe que du moment qu’il avait nomme un magistrat communal, ce magistrat
devait continuer jusqu’au bout de son mandat. S’il avait à s’en plaindre, c’est
à lui seul qu’il devait s’en prendre. Des restrictions à ce principe avaient
été admises pour les communes rurales ; mais, comme l’a dit mon honorable ami,
il n’y avait pas de liberté pour les communes rurales. Aujourd’hui nous devons
donner aux communes plus qu’elles n’avaient alors.
Le projet du gouvernement tend à diminuer leurs
libertés. L’amendement de M. Pollénus tend à étendre sur tous les
fonctionnaires communaux un vaste filet qui les rendrait méprisables aux yeux
de leurs administrés.
Et cependant, messieurs, la bonne harmonie entre le
prince et les sujets doit reposer sur la confiance. Lorsque la confiance
abandonne le fonctionnaire nommé par le souverain, alors le gouvernement se
corrompt ; il tend à sa perte. Quelle confiance voulez-vous que le gouvernement
ait des fonctionnaires sur la tête desquels sera suspendue l’épée de Damoclès,
dans des fonctionnaires auxquels il dira à chaque instant ; Si vous écoutez la
voix de votre conscience pour résister à ma volonté, je vous briserai comme verre
?
Des fonctionnaires municipaux placés en présence
d’une menace incessante ne seront plus les agents de la commune, mais bien les
agents du pouvoir.
Si vous voulez à toute force que le gouvernement
ait le droit illimité de révocation et de suspension, rétablissez l’équilibre,
accordez-le aussi au peuple. Vous ne le ferez pas. Car on accorde toujours au
gouvernement des moyens d’influence et on les refuse au peuple.
Cependant, pour qu’une commune puisse être bien
administrée il faut que les habitants aient confiance dans leurs magistrats
municipaux ; or, quelle confiance voulez-vous que les habitants aient dans des
magistrats qui seront toujours sous le coup d’une révocation ou d’une
destitution ?
Les conseils communaux n’auront pas plus de
confiance dans ces magistrats, quoique ceux-ci aient été choisis dans leur
sein. En effet, quand un conseil aura une revendication à faire contre le
gouvernement par l’intermédiaire des magistrats municipaux, il sera dans un
état de méfiance perpétuelle ; il craindra que ceux-ci ne trahissent leur
mandat dans l’intérêt du gouvernement. Si le système de M. Pollénus était
admis, au lieu de la bonne organisation que nous voulons tous établir, vous
introduiriez la défiance dans toutes les communes du pays.
Que l’on ne s’y trompe pas. Ce que l’on vous
demande, c’est encore une de ces mesures que l’on a qualifiées dans des
discussions précédentes de moyens de gouvernement, c’est-à-dire que quand le
jour des élections viendra, tous les magistrats communaux seront invités à se
rendre aux élections et à voter dans le sens du gouvernement sous peine de
destitution. Ainsi le droit de révocation et de suspension que vous
accorderiez, ne tendrait à rien moins qu’à corrompre la représentation
nationale.
Les conseils provinciaux seront ainsi corrompus par
ce système. Les élections se faisant par district, il est probable que beaucoup
d’échevins et de bourgmestres seront nommés conseillers. C’est ainsi que vous
arriverez à avoir des conseils provinciaux corrompus. C’est ainsi que nous marcherons
vers le système de corruption, le pire de tous les systèmes.
Dès lors, la constitution, au lieu d’être une
vérité, deviendra un mensonge. Le peuple, privé de ses organes
constitutionnels, cherchera d’autres moyens pour faire entendre sa voix. C’est
fort déplorable à penser. Mais c’est vers ce but que nous nous acheminons.
Je dis, pour moi, que nous ne devons pas accorder
au gouvernement un moyen de fausser le gouvernement représentatif, que la force
du gouvernement doit résider dans l’appui du peuple, dans l’appui de la
représentation nationale, et que le gouvernement, qui cherche sa force dans la
corruption des chambres et des institutions provinciales, se perd, et marche
nécessairement à sa ruine.
Mais j’entends que l’on dit : Si vous n’admettez
pas le droit de suspendre les fonctionnaires publics, quelle garantie avez-
vous de la bonne administration de la commune ? Je m’étonne de cette objection,
alors que nous avons donné toutes les garanties possibles de l’exécution des
lois dans la commune. On perd de vue que la commune ne peut faire aucun acte
sans l’autorisation du gouvernement ; que si les magistrats communaux ne font
pas exécuter les lois et ordonnances, le gouvernement envoie un commissaire qui
les fait exécuter à leurs frais. Avez-vous oublié que vous avez donné au
gouvernement tous les moyens d’action possibles sur les actes de la commune ?
Si le gouvernement n’a pas d’arrière-pensée, il
doit se désister franchement et s’en rapporter à ce qui existait sous le roi
Guillaume.
On a prétendu que le peuple était incapable de
faire de bons choix, que le gouvernement seul en était capable. Et maintenant
le gouvernement vient demander le droit de révocation ; il n’a donc même pas
confiance en lui-même, puisqu’il veut pouvoir défaire son ouvrage à chaque
instant.
Je dis que, dans mon
opinion, on peut se passer du droit de révocation et de suspension, puisqu’on
s’en est passé sous le gouvernement précédent.
Je pense donc que la chambre doit s’en tenir à ce
qui a été admis par elle et par le Sénat.
D’après ce que j’ai eu l’honneur de dire
précédemment, je proposerai l’amendement suivant :
« Les bourgmestre et échevins peuvent être
suspendus de leurs fonctions pour cause d’inconduite notoire ou de négligence
grave, par arrêté du gouvernement, sur l’avis conforme de la députation
provinciale. La suspension ne pourra excéder 3 mois.
« A l’expiration de ce terme, le fonctionnaire
suspendu pourra, après avoir été entendu, être révoqué par l’arrêté royal rendu
sur l’avis conforme de la députation provinciale.
« Les arrêtés de suspension et de révocation seront
motivés sur les faits qui y ont donné lieu ; les motifs ne seront pas rendus
publics. »
Il y a, entre mon amendement et celui de
l’honorable député d’Anvers, une différence importante : c’est que cet honorable
membre exclut la garantie que j’avais proposée de l’avis de la députation
provinciale. C’est la une disposition de la plus haute importance. Le peuple
n’a pas le droit de révocation des choix qu’il a faits ; lorsque vous donnez ce
droit au gouvernement, vous ne sauriez l’entourer de trop de garanties. Le
donner au gouvernement sans aucune intervention de l’autorité provinciale,
c’est réunir entre ses mains, en quelque sorte, le pouvoir judiciaire et le
pouvoir exécutif. C’est une chose inconstitutionnelle contre laquelle je dois
m’élever. Je veux un tribunal qui apprécie les faits. Ce tribunal, je le trouve
dans la députation provinciale.
On a parlé de la responsabilité ministérielle, on a
dit que le gouvernement serait responsable des suspensions et des révocations
qu’il prononcerait ; mais lorsque nous avons vu le ministère révoquer
d’honorables représentants de leurs fonctions, prix des services rendus au pays
pendant la révolution, lorsque nous avons vu la représentation nationale garder
le silence en présence de pareils abus, pouvons-nous encore invoquer la
responsabilité ministérielle ? Elle signifierait quelque chose dans les cas de
dilapidation et de forfaiture ; hors de là elle n’est qu’un vain mot.
Je demande que la chambre refuse au gouvernement le
moyen qu’il demande de fausser la représentation nationale et provinciale. Si
vous accédez à sa demande, au lieu des différents pouvoirs établis par la
constitution, il n’en resterait plus qu’un seul, le pouvoir exécutif.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant, fidèle à ses
antécédents, ne voit jamais qu’abus là où les chambres et le gouvernement
trouvent des garanties
Il ne vous aura pas échappé que le préopinant, tout
en s’appuyant sur des décisions antérieures de la chambre, s’en écarte
cependant considérablement dans la proposition qu’il fait. Je lui répondrai, en
ce qui concerne la révocation du bourgmestre, que jusqu’ici elle a été
accordée, sans limites, au gouvernement.
Pour moi j’ai toujours pensé qu’il y avait une
distinction à faire entre la suspension et la révocation, et que l’on pouvait
admettre une distinction entre la révocation des échevins et celle des
bourgmestres. Je demeure conséquent avec les principes que j’ai émis dans les
discussions antérieures sur cette matière. Ainsi j’ai pense que la suspension
ne devait être prononcée que pour des causes déterminées ; d’après cela je ne
vois aucune difficulté à admettre l’intervention de la députation provinciale
pour constater ces causes.
En ce qui concerne la révocation, je crois que
celle du bourgmestre doit être illimitée ; et ce principe vous l’avez admis
dans trois décisions antérieures, et le sénat l’a également admis ; en effet
vous savez que le bourgmestre quoique participant collectivement avec les
échevins à l’administration est le premier membre du collège, en est la tête. (Réclamations. Hilarité.)
Je m’attendais à l’hilarité de quelques membres qui
ont combattu la nomination des échevins par le Roi ; j’étais persuadé qu’ils
s’empresseraient de saisir la moindre allusion dans mes paroles. Je crois
cependant pouvoir assurer que c’est à tort que cette hilarité s’est manifestée
; en effet le bourgmestre est le président du collège échevinal, et ce point a
été admis sans partage d’opinions et par l’opposition et par la majorité de la
chambre. Cette seule observation doit faire tomber les réclamations qui
viennent de s’élever à l’instant même.
Au bourgmestre appartient la convocation du collège
et du conseil de régence. C’est lui qui doit être particulièrement chargé de la
réquisition de la garde civique et de la force militaire, en cas de trouble.
C’est une remarque que j’ai déjà faite. Lorsque j’ai appuyé l’institution du
collège échevinal, j’ai toujours dit que le bourgmestre seul requerrait la
garde civique et l’autorité militaire.
Ainsi il est facile de concevoir que le
gouvernement doit avoir des garanties plus spéciales, à l’égard du bourgmestre,
et que si, dans des circonstances graves et difficiles, le bourgmestre
n’offrait pas au gouvernement des garanties suffisantes, il devrait être
révoque à l’instant même. C’est ce que réclament l’ordre public, l’intérêt
général et l’intérêt de la commune.
Mais en ce qui concerne la suspension des
bourgmestres et des échevins, et la démission même des échevins, je ne vois
aucune difficulté à exiger l’avis conforme de la députation provinciale. C’est
dans ce sens que j’ai modifié la rédaction du projet, en conséquence du vote
qui donne au Roi la nomination des bourgmestres et échevins.
Voici la rédaction que j’ai cru devoir proposer :
« Les bourgmestre et
échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions pour cause d’inconduite
notoire ou de négligence grave par arrête du gouverneur, sur l’avis conforme de
la députation provinciale. La suspension ne pourra excéder trois mois. »
« A l’expiration de ce terme, les échevins
peuvent être démis de la même manière.
« Les échevins seront entendus préalablement à
la suspension ou à la révocation : les bourgmestres seront également entendus
avant la suspension.
« Les bourgmestres peuvent être révoqués de
leur fonctions par le Roi. »
A la simple lecture vous aurez remarqué que cet
amendement est presque entièrement conforme à la disposition adoptée dans la
dernière discussion ; en effet, elle ne diffère en ce qui concerne la
suspension et la démission des échevins qu’en ce que le gouverneur la prononce
après avoir reçu l’avis conforme de la députation provinciale. J’ai pensé que
puisque c’est le Roi qui nomme, il appartenait au gouverneur, qui représente
dans la province le gouvernement du Roi, de prononcer la suspension ou la
démission. Mais j’ai admis l’avis conforme de la députation provinciale, parce
que la suspension et la démission des échevins, devant être fondée sur des
causes déterminées, « inconduite notoire » ou « négligence
grave », je ne voyais aucune difficulté à ce que la députation provinciale
fût chargée de constater ces faits.
J’en reviens à faire quelques observations sur la
révocation du bourgmestre.
L’honorable préopinant se prévaut de ce que sous
l’empire des anciens statuts de
L’honorable préopinant
s’étonne de ce que le gouvernement réclame un droit de révocation, alors que ce
droit de révocation n’appartient pas au collège électoral. Mais je demanderai
au préopinant de quelle manière il entend qu’un collège électoral opérerait une
révocation. Jusqu’à ce que le préopinant ait trouve ce moyen, nous n’avons pas
à nous occuper de ce nouveau genre de révocation. Pour le gouvernement au
contraire rien de plus simple. Il appréciera facilement les motifs qui peuvent
donner lieu à la révocation, et la révocation sera faite sans aucune espèce
d’embarras.
Le droit de révocation, a
dit un préopinant, est plus grand que le droit de nomination. C’est, dit-on,
une épée suspendue sur la tête des fonctionnaires ; à tout moment, le
gouvernement pourra abuser de ce droit ; les bourgmestres n’auront plus aucune
liberté dans leur administration. Ce sont là toutes grandes phrases qui ne
reposent nullement sur les faits pratiques. En effet je demande combien de fois
on a usé du droit de révocation dans les fonctions de l’administration publique
; je demande spécialement combien de fois on a usé de ce droit dans les
communes rurales quoique là il fût illimité, combien de fois on en a usé
pendant 15 ans qu’il a été en vigueur. La réponse à cette question prouve
suffisamment que c’est bien à regret que le gouvernement recourt à la mesure
extrême d’une révocation.
Je dirai que s’il y a un reproche à adresser au
gouvernement, en matière de révocation, c’est qu’il n’use pas assez de ce
droit. L’intérêt de l’administration requerrait un usage plus fréquent de ce
droit. Ainsi ce n’est pas à le restreindre, mais à encourager le gouvernement à
en faire usage dans l’intérêt public, que l’on devrait penser.
Je crois que ces courtes observations suffiront
pour vous faire persister dans les votes que vous avez émis précédemment, et
vous faire écarter les amendements qui s’éloignent du système que vous avez
reconnu être le plus utile.
M. le président. -
Voici l’amendement qui a été présenté par M. Legrelle :
« Les bourgmestres et les échevins pourront
être suspendus et révoqués de leurs fonctions par arrêté du gouvernement, pour
cause d’inconduite notoire ou de négligence grave. La suspension ne pourra
excéder 3 mois.
« Les bourgmestres et les échevins seront
entendus préalablement à la suspension ou à la révocation. »
M. Pollénus. - Je
me rallie à l’amendement de M. Legrelle.
M. Legrelle. - L’adhésion de
l’honorable M. Pollénus à mon amendement cadre mal avec ses paroles primitives,
C’était sa proposition primitive qui avait motivé tout mon amendement. En
effet, que voulons-nous ? Poser des garanties à la suspension des
fonctionnaires municipaux ; car un fonctionnaire de l’administration supérieure
peut faillir aussi bien qu’un autre, et il pourrait dans un moment d’irritation
décréter un arrêté de suspension. Mon amendement présente
une garantie contre cet inconvénient. Une seconde garantie est dans des motifs
de la suspension ou de la révocation. Enfin une troisième garantie résulte de
ce que les fonctionnaires inculpés seront préalablement entendus.
Quoi qu’il en soit, ayant déterminé le retrait de
l’amendement de M. Pollénus, que j’aurais vu avec peine adopter par la chambre
; en présence de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, qui demande
maintenant plus que je ne voulais (on rit)
; en présence des autres amendements, je déclare retirer le mien.
M. le président. -
L’amendement suivant a été présenté par M. Gendebien :
« Le gouvernement peut, sur l’avis conforme et
motivé de la députation provinciale, suspendre ou révoquer, pour inconduite
notoire ou négligence grave, les bourgmestres et les échevins ; ils seront
préalablement entendus.
« La suspension ne pourra excéder trois
mois. »
La parole est à M. Gendebien pour développer son
amendement.
M. Gendebien. -
Le motif du premier amendement, dont son auteur a fait lui-même justice,
c’était, avait-il dit, d’établir l’homogénéité. Grand mot dont on s’est
beaucoup servi et dont on a beaucoup abusé dans cette discussion. Il me semble
que si, pour établir l’homogénéité dans une disposition, on devait méconnaître
les élus du peuple, décimer sans façon et sans motifs l’administration
communale, le gouvernement ferait mieux de déroger à ce grand principe.
Je place sur la même ligne le bourgmestre et les
échevins, non pas précisément comme l’auteur du premier amendement, pour les
exposer tous ensemble à l’arbitraire du gouvernement, mais pour leur donner les
mêmes garanties, puisqu’ils participent aux mêmes fonctions et qu’il y a
homogénéité entre eux ; c’est à cause de leur origine commune, l’élection
populaire.
Voici l’amendement que je propose :
« Le gouvernement peut, sur l’avis conforme et
motivé de la députation provinciale, suspendre ou révoquer, pour inconduite
notoire ou négligence grave, les bourgmestres et les échevins ; ils seront
préalablement entendus.
« La suspension ne pourra excéder trois
mois. »
Mon amendement a l’avantage de satisfaire au vœu
manifesté par l’honorable M. Legrelle au commencement de cette discussion et à
celui qu’il a exprimé il y a un an à pareille époque. Il y a un an, M. Legrelle
ne voulait pas de l’avis motivé de la députation, mais de l’avis conforme de la
députation ; cette disposition se trouve dans mon amendement. Aujourd’hui,
l’honorable membre demande l’avis motivé de la députation, c’est encore dans
mon amendement, car ce n’est que sur l’avis conforme et motivé de la députation
que le bourgmestre pourrait être révoqué on suspendu.
Maintenant, reste à discuter la question de savoir
s’il y a lieu de faire une différence entre le bourgmestre et les échevins.
Sous ce rapport je ne peux que m’en référer à ce qu’a dit M. Pollénus pour
soutenir son premier amendement, l’homogénéité, car elle est complète dans mon
amendement. Je ne sais pas quelle objection il pourrait faire à mon amendement,
puisqu’il atteint le but qu’il désirait, fait justice des raisons qu’il a mises
avant, et donne en même temps toutes les garanties possibles à l’indépendance de
l’administration communale. Je ne pense pas que son intention ait été de les
mettre sous le coup du gouvernement, puisqu’il s’est successivement rallié à
l’amendement de M. Legrelle qui avait pour but d’obtenir ces garanties, et
ensuite à l’amendement de M. le ministre de l’intérieur qui a, à ce qu’il dit,
le même but.
M. Pollénus. - Je
ne me suis pas rallié à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gendebien. -
Ah ! pas encore ? cela
viendra. (On rit.)
On a voulu établir une différence entre le
bourgmestre et les échevins ; on a reconnu aujourd’hui, pour la première fois,
que le bourgmestre était le chef, la tête de l’administration, chose qu’on nous
avait niée pendant 8 jours, lorsqu’on voulait fait dire à la constitution ce
qu’elle ne disait pas. Alors, au dire des ministres, le bourgmestre et les
échevins étaient tous chefs. Pour donner au gouvernement la nomination des
échevins comme des bourgmestres, on disait : ils ont les mêmes attributions,
ils participent au pouvoir exécutif ; il faut que le pouvoir central les nomme.
Maintenant qu’il s’agit de conquérir le droit de les révoquer, on dit que les
bourgmestres sont des chefs distincts des autres chefs dans l’administration :
il faut prendre, à leur égard, des dispositions spéciales.
Si vous voulez éviter une anomalie, prenez pour le
bourgmestre la même disposition que pour les échevins. Il y aurait en effet
anomalie à donner au gouvernement le droit indéfini de révoquer, selon son bon
plaisir et sans contrôle, les bourgmestres, par la raison qu’il ne les nomme
pas seul. Il y a intervention du collège électoral communal dans la nomination
du bourgmestre comme dans celle des échevins. Pourquoi voulez-vous que
l’élection communale ne trouve pas sa garantie comme la nomination royale ?
Pour établir le niveau, pour donner à chacun sa part, le bourgmestre et les
échevins ne devraient pouvoir être révoqués par le pouvoir exécutif que de
l’avis des électeurs ou du conseil municipal, car les électeurs interviennent
dans les nominations, et à moins d’avoir deux poids deux mesures, il faudrait
qu’ils intervinssent dans la révocation, et qu’ils eussent un droit égal de
révocation.
Je crois qu’il y aurait un inconvénient à faire
intervenir les électeurs et même le conseil municipal ; mais je veux bien faire
une concession, et j’arrive à une institution tout à fait indépendante :
j’arrive à la députation provinciale, qui interviendra et remplacera les
électeurs communaux on le conseil communal, c’est-à-dire, une des deux
personnes qui ont nommé.
Vous répondrez sans doute à toutes ces observations
par cette raison banale, qui a été répétée et réfutée cent fois, ou plutôt
mille fois depuis quatre ans : la garantie qu’offre la responsabilité
ministérielle, l’inconséquence qu’il y aurait de la part d’un ministre à
destituer légèrement un bourgmestre sans motif plausible, sans motif légitime,
sans nécessité bien reconnue. Mais, messieurs, l’année dernière, lorsque l’on
discutait la même question, M. Lebeau disait la même chose ; il disait aussi :
Il faudrait qu’un ministre eût perdu la tête pour destituer sans motif grave,
sans nécessité bien reconnue, un bourgmestre ou un échevin. Je me permis alors
de lui faire cette petite observation : vous avez bien pu, vous, en qualité de
ministre, révoquer deux commissaires de district, sans motif ; j’ajoute
aujourd’hui : Pourquoi vos successeurs, vous-même, si vous revenez au pouvoir,
ne révoqueriez-vous pas de même les bourgmestres et les échevins ?
M. Lebeau répondit : « Il y avait des motifs
graves (pour destituer les deux commissaires de district), et si c’était à
recommencer, je ferais encore ce que j’ai fait alors. » (Mouvement dans l’assemblée.)
Voilà un exemple du grand respect du gouvernement
envers les fonctionnaires qu’il peut destituer suivant son bon plaisir. Voilà
la mesure de ce que le gouvernement regarde comme des motifs graves. Vous vous
rappelez les graves motifs pour lesquels l’honorable M. Doignon a été destitué
c’est pour s’être mis sur les rangs pour la députation avec un ambassadeur ;
remarquez que ce n’est pas pour l’en avoir fait sortir, car il ne l’a remplacé
qu’après destitution, c’est pour le seul fait de s’être mis sur les rangs.
Voilà les motifs graves qui détermineraient M. Lebeau à faire demain ce qu’il faisait
hier, s’il redevenait ministre.
D’après ce qui a été fait à l’égard de M. Doignon,
est-ce qu’un ministre ne regardera pas comme un motif grave de destitution le
refus d’un bourgmestre d’intrigailler pour tel ou tel
candidat ministériel, d’avoir, suivant sa conscience et son opinion, voté pour
un candidat qui déplaisait à un ministre, et d’avoir engagé ses amis à voter
dans le même sens ?
Vous parlerai-je de M. Desmet, également destitué
par M. Lebeau ? Quels étaient les motifs graves de cette destitution ? Non
seulement il y avait injustice, mais inconstitutionnalité, puisqu’un article de
la constitution dit positivement qu’un député ne pourra être poursuivi ni
recherché du chef des opinions qu’il aura émise dans cette enceinte. Et quand
on a demandé au ministère Lebeau des explications sur cette destitution, il a
déclaré positivement qu’il avait destitué M. Desmet pour les votes et les
opinions qu’il avait émis dans la chambre.
M. F. de Mérode.
- C’est inexact.
M. Gendebien. -
Je vous somme de prouver le contraire de ce qui je dis. Demain, s’il le faut,
j’apporterai le texte et je vous confondrai ici comme dans toutes les autres
circonstances.
M. F. de Mérode.
- Une fois par hasard.
M. Gendebien. -
C’est-à-dire que quand vous avez raison, c’est toujours par hasard.
Je dis qu’ici, dans le sein
de la représentation nationale, les ministres ont déclaré qu’ils avaient destitué
un député pour les votes émis par lui dans cette chambre. Non seulement il n’y
avait pas motif grave, il y avait injustice, mais il y avait encore
inconstitutionnalité ; car la constitution défend formellement de poursuivre et
de rechercher un député pour ses votes. Voilà la mesure de nos consciences
ministérielles, voilà les motifs justes et graves qui les déterminent dans
l’exercice du droit de destituer. Pourquoi, je vous le demande, rechercher sans
cesse ce qui se passe dans des pays voisins ; alors que nous avons dans notre
pays, dans cette chambre même, des exemples de la violation de la constitution
pour satisfaire l’amour-propre froissé d’un ministre. Il en sera des ministres
actuels comme des autres, parce qu’une fois qu’un gouvernement est engagé dans
un faux système il le poursuit jusqu’à la fin. Quand ils sont remplacés,
malheureusement ceux qui les remplacent trouvent des faits consommés, ils les
adoptent. Cela est si commode ! Nous en avons eu un exemple de la part du
ministère actuel. Ils avaient blâmé certains actes de leurs prédécesseurs, et
quand ils sont arrivés au pouvoir, ils ont dit : « Il n’y a rien à faire,
c’est un fait consommé, nous le maintenons. » Il y avait 27 ou 30
personnes expulsées injustement, inconstitutionnellement ; on s’était fortement
élevé contre ces expulsions ; arrivé au pouvoir, on a dit : C’est un fait
consommé, mais on n’expulsera plus ; cependant on a continué à expulser et on
expulsera encore. On a adopté un mauvais système et on le poursuit. Il en sera
de même pour les destitutions. Au surplus, s’il pouvait en être autrement, nous
ne pouvons pas exposer nos administrations communales à toutes ces chances de
caprices et de changement ministériel. Tantôt ce sera une opinion qui dominera
dans le conseil, tantôt une autre, et tour à tour on destituera les magistrats
municipaux qui ne partageront pas les opinions du jour. Indépendamment de ces
dangers que je ne fais qu’énoncer brièvement, il est palpable que si vous
mettez à la disposition du gouvernement, les bourgmestres et les échevins, et
que vous permettez de le destituer arbitrairement il n’y a plus de liberté
d’élection. Je l’ai déjà dit, et je le répète, à la dernière élection, des
bourgmestres n’ont pas osé aller aux élections, parce qu’il y avait dans le
projet de loi la destitution des bourgmestres.
La raison en est simple, un honnête homme qui n’a
rien à se reprocher ne veut pas même se trouver dans la nécessite de se
justifier. Un homme destitué par le pouvoir n’en est pas moins estimé par ses
amis, et quelquefois il l’est plus. Mais tout le monde n’a pas la même
conviction, et on comprend que le gouvernement, avec les moyens qu’il a en son
pouvoir, dénature les faits et fait calomnier par ses journaux le fonctionnaire
destitué. Un bourgmestre ne veut pas s’exposer à de si graves inconvénients.
Messieurs, je crois que mon amendement offre au
gouvernement le moyen d’agir bien et vite, car le gouvernement (et quand je dis
le gouvernement, c’est le gouverneur, car le ministre a le droit de faire faire
par le gouverneur, qui est son délégué dans sa province, ce à quoi l’autorise
le pouvoir législatif) ; le gouvernement, dis-je, peut, sur l’avis conforme et
motivé de la députation, suspendre et révoquer un bourgmestre. Quelle
circonstance si grave peut donc amener la nécessité de révoquer un bourgmestre,
une heure après qu’un commissaire de district l’aura dénoncé ?
Le gouverneur aura toujours le temps de demander
l’avis du conseil provincial. D’un autre côté, sans avoir une foi pleine et
entière dans les députations des conseils, je crois cependant que les électeurs
des communes et les magistrats qu’ils auront élus y trouveront une garantie. (La clôture ! la clôture !)
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il me semble que plusieurs
membres tiennent singulièrement à ce qu’il y ait homogénéité dans le mode de
révocation applicable aux bourgmestres et aux échevins ; mais s’ils veulent à
toute force cette homogénéité, il y a un moyen bien simple de l’obtenir ; il
suffira pour cela d’ajouter à mon amendement un seul mot et dire :
« Le Roi révoque les bourgmestres et les
échevins. » (On rit.)
Si l’on ne veut pas de cette homogénéité, qui est
là seule que l’on puisse admettre, je dois maintenir la distinction que j’ai
établie dans mon amendement.
Je vous rappellerai, messieurs, que lorsqu’en 1834
et 1835 on a accordé au Roi la faculté de révoquer le bourgmestre, on la lui a
accordée sans limites.
J’ajouterai que l’année dernière vous avez accordé
ce droit au Roi, alors que vous donniez au gouvernement la faculté de prendre
le bourgmestre en dehors du conseil ; ainsi la révocation avait beaucoup plus
de portée qu’elle n’en a maintenant ; car le gouvernement devra user d’autant
plus rarement du droit de révoquer qu’il sera obligé de prendre le bourgmestre
dans le conseil même. Il faudra prononcer des révocations avec la plus grande
circonspection puisqu’on aura plus de peine à remplacer les magistrats démis.
Messieurs, je ne répéterai pas ce que j’ai dit
relativement à la différence que je propose d’établir entre le bourgmestre et
les échevins ; mais je vous rappellerai que le bourgmestre est président du
collège échevinal et du conseil municipal et je ferai observer en outre que le
bourgmestre doit avoir droit de requérir la force armée pour le maintien de
l’ordre public ; or il serait impossible que le gouvernement répondît du
maintien de l’ordre public s’il n’avait pas le droit de révoquer le
bourgmestre, officier spécialement chargé de sévir contre l’émeute et s’opposer
à ce que la tranquillité publique soit troublée. Ce n’est pas dans de telles
circonstances que l’on peut recourir à toutes les lenteurs dont on veut
environner la révocation : vous concevez, en effet, qu’il est impossible alors
d’admettre l’avis motivé de la députation des états ; car pendant qu’on
l’attendrait, de grands malheurs pourraient arriver.
La proposition de motiver
les révocations a été faite l’année dernière et elle a été écartée ; l’on a
compris que l’on ne pouvait motiver les révocations, parce que les motifs
seraient souvent très désagréables aux personnes révoquées.
Je l’ai dit et je le répète, il ne résulte d’une
révocation pure et simple aucun blâme ; la seule chose qui en résulte, c’est
que le gouvernement ne croit pas pouvoir placer sa confiance dans le magistrat
démis, ou bien qu’il existe une telle dissidence de principes entre le
gouvernement et le fonctionnaire que l’administration ne puisse marcher avec
cet agent.
Le préopinant a allégué que des bourgmestres
n’auraient pas osé se présenter aux élections dans la crainte que la loi
communale en discussion leur inspirait. J’ai peine à croire qu’il y ait dans le
Hainaut des bourgmestres assez pusillanimes pour concevoir de telles craintes
du chef d’un vote secret, et pour s’abstenir d’aller aux élections sous de
pareils motifs ; s’il en est qui aient tenu un semblable langage, c’était pour
s’excuser de n’avoir pas été aux élections, car au fond de leur âme ils ne
regardaient pas cela comme un motif réel.
Le député de Mons, par sa proposition, fait
intervenir le gouvernement dans toutes les suspensions d’officiers municipaux ;
dans celles des bourgmestres comme dans celles des échevins des communes
rurales. Messieurs, il faut laisser ces mesures aux gouverneurs des provinces
et ne pas faire intervenir le gouvernement dans ces actes de détail ; c’est
assez qu’il ait à s’occuper de la révocation des bourgmestres.
Je pense qu’il est véritablement inutile d’insister
davantage sur l’amendement que j’ai proposé, car il est conforme à toutes vos
décisions antérieures et on n’a pas encore allégué de motifs suffisants pour
vous faire revenir sur vos premières décisions.
M. Pollénus. - (Erratum au Moniteur belge n°50, du 19
février 1836 :) D’après les interpellations qui m’ont été adressées par
quelques honorables préopinants et principalement par M. Legrelle, je trouve
qu’il est nécessaire que j’explique les motifs qui m’ont déterminé à abandonner
mon amendement, et à me rallier à celui de l’honorable député d’Anvers.
Dans mon opinion, l’amendement de M. Legrelle ne
diffère pas essentiellement du mien : le droit de révocation et de suspension
est accordé au gouvernement ; les bourgmestres et les échevins sont placés sur
la même ligne ; en cela mon amendement est conforme à celui de M. Legrelle. Mon
collègue d’Anvers trouve une garantie en exprimant dans la loi que ces mesures
ne pourront avoir lieu que pour inconduite ou négligence, et après avoir
entendu le fonctionnaire inculpé.
Messieurs, en me ralliant à cette rédaction, je ne
suis aucunement en opposition avec les principes qui ont dicté mon amendement ;
en le faisant, je ne fais que consentir à exprimer dans des termes vagues et
indéterminés des garanties que la forme du gouvernement représentatif me
présente, indépendamment des stipulations qui cependant me paraissent trouver
de l’approbation dans la chambre.
En effet, peut-on admettre que le gouvernement
prononce une mesure telle qu’une destitution ou une suspension sans motifs
plausibles, sans qu’il y ait faute grave de la part du fonctionnaire municipal
? La responsabilité qu’entraîne un acte de ce genre est une garantie contre
l’abus ; les conditions mal définies que l’on veut opposer au droit de
révocation et suspension me paraissent inhérentes à la forme d’un gouvernement
qui, avant d’agir, doit savoir qu’à tous moments il peut être dans le cas de
devoir justifier ses actes.
Je croyais aussi que le gouvernement, avant de
prendre une mesure rigoureuse, avait soin de donner au fonctionnaire inculpé
l’occasion de se défendre.
Ainsi vous voyez, messieurs, que la seule
différence qui existe entre M. Legrelle et moi, c’est que le député d’Anvers
veut des garanties explicites que, moi, je crois trouver dans les formes du
gouvernement même.
Je le répète, je suis d’accord avec M. Legrelle en
ce qu’il a soutenu que les échevins et les bourgmestres, comme formant une
autorité collective, devaient en tous points être mis sur la même ligne.
M. le ministre de l’intérieur persiste dans son
opinion, qui établit une différence essentielle entre les échevins et les
bourgmestres ; quant aux premiers, il maintient la nécessité d’un avis
préalable de la députation des états ; cet avis, il le rejette pour ce qui
concerne les bourgmestres.
S’il est nécessaire de protéger les échevins au
moyen d’un avis des états députés (et j’aurais tort de contester cette
nécessité, puisque le ministre la reconnaît), je soutiens que dans ce cas il y
a nécessité de protéger tout aussi efficacement les bourgmestres.
Je soutiens même qu’il y a des motifs plus
puissants à faire valoir en faveur de garanties à stipuler pour les
bourgmestres contre les abus dont la possibilité ne peut plus maintenant être
contestée ; depuis, le gouvernement lui-même a semblé la reconnaître pour ce
qui concerne les échevins.
En effet, la création d’un
collège, d’une autorité collective, n’empêchera jamais que le bourgmestre ne
soit le principal fonctionnaire de la commune ; conséquemment ce sera sur lui
que tombera presque exclusivement toute la responsabilité morale qui s’attache
aux actes d’exécution ; c’est toujours au bourgmestre que s’adresseront les
intéressés, c’est donc lui qui sera le plus en contact avec les passions et
avec les intérêts particuliers, c’est donc le bourgmestre qui sera le plus
exposé ; pour être conséquent, c’est donc le bourgmestre qu’il faudrait le plus
efficacement protéger, et le protéger moins que les échevins, cela ne me paraît
ni logique ni conforme aux idées de l’autorité collective que la chambre a
votée.
Si vous n’établissez pas dans cette disposition une
parfaite homogénéité dans le collège exécutif, dès lors vous pouvez vous
attendre que l’on argumentera de ces distinctions, lorsque plus tard on voudra
donner des attributions exclusives au bourgmestre, et ainsi l’on s’expose à se
mettre en opposition avec la disposition principe, proposée par le ministre, et
adoptée par la chambre.
Je le déclare, je voterai
contre toute proposition qui établirait des distinctions entre les bourgmestres
et les échevins, quant au droit de révocation et de suspension.
Vous voyez, messieurs, que je n’ai d’autre but que
d’organiser le principe de l’autorité collective, que vous avez votée
contrairement à mon opinion.
Je crois avoir établi la nécessité de mettre les
bourgmestres et les échevins sur la même ligne, je crois aussi avoir justifié
pourquoi je me suis rallié à l’amendement de notre collègue d’Anvers ; en
abandonnant ma proposition et en adoptant celle d’un collègue, je crois avoir
prouvé que je ne méritais pas le reproche de n’être pas ami d’un système de
conciliation.
M. le président. -
La parole est à M. F. de Mérode.
M. F. de Mérode.
- Je ne voulais parler qu’incidemment sur une attaque contre mes collègues les
anciens ministres. On a dit qu’ils avaient destitué pour ses votes un
fonctionnaire membre de cette chambre. Je crois cela inexact ; je pense que ce
fonctionnaire a été destitué non pas uniquement pour ses votes, mais aussi pour
d’autres faits accessoires.
M. Jullien. - Il
est de ces vérités desquelles on ne peut s’écarter sans que la force des choses
vous y ramène ; telle est la question de la supériorité du bourgmestre sur les
échevins. Ainsi, quoique vous ayez investi collectivement les
bourgmestre et échevins de l’autorité municipale, vous voyez ceux qui
nous ont combattu, et notamment M. le ministre de l'intérieur, obligés de
convenir que le bourgmestre est la tête de l’administration municipale : il ne
veut pas seulement qu’il soit la tête, le président de l’administration
municipale ; il insiste sur la nécessité de le charger de requérir seul la
force publique, de se présenter seul devant l’émeute pour l’apaiser. C’est
encore une prérogative que vous serez peut-être obligés d’accorder au
bourgmestre, malgré l’administration collective.
Sous ce rapport, je suis entièrement de l’avis de
M. le ministre de l’intérieur.
Je ne puis pas comprendre le bourgmestre sans qu’il
soit le premier magistrat de la cité. Je ne veux pas répartir le respect entre
le bourgmestre et les échevins parce que le respect réparti entre 5 personnes
se réduit à très peu de chose. Il faut que le bourgmestre soit le premier homme,
le premier magistrat de la cité. S’il ne l’est pas, il n’est pas bourgmestre.
L’honorable M. Pollénus a reconnu l’impossibilité
de l’homogénéité parfaite que, par voie de conséquence, il voulait établir
entre tous les membres du collège, cet être collectif que M. Devaux a comparé à
une administration provinciale dont, par parenthèse, je faisais partie, et où
il n’y avait ni chef ni président, ni par conséquent aucun point de
ressemblance avec le collège échevinal.
Il est impossible que vous
accordiez à l’administration collective le droit de se présenter devant le
peuple pour apaiser une émeute. Si, des cinq échevins, un seul craint de se
présenter, comme cela est possible dans un pareil danger, on ne pourra arriver
au but. S’il y a besoin de requérir la force publique, Il faudra que les quatre
ou six échevins se réunissent pour prendre une décision. Vous voyez donc qu’il
faut reconnaître dans le bourgmestre un chef, et lui en accorder les
prérogatives. Sous ce rapport, je partage l’opinion de M. le ministre de
l'intérieur, parce que je préfère que le gouvernement commette une
inconséquence plutôt qu’il n’en commette deux (on rit) au préjudice de la commune.
Malgré ces différences que l’on est obligé de
reconnaître, s’ensuit-il qu’il faille établir une différence entre le droit de
révoquer et de suspendre le bourgmestre et les échevins ? Non sans doute.
L’honorable M. Dubus a dit une multitude de raisons qui me paraissent
péremptoires pour qu’on ne puisse faire une distinction entre les bourgmestres
et les échevins, au sujet du droit de révocation et de suspension.
Le principal motif qui m’empêcherait d’admettre
cette différence, c’est que vous ne pouvez méconnaître, dans le bourgmestre
comme dans les échevins, avant tout l’élu de la commune, et que vous ne pouvez
laisser à l’arbitraire du pouvoir de le dépouiller de ce caractère, de ce
mandat qu’il tient en premier lieu de la confiance des électeurs.
A la vérité, M. le ministre
de l'intérieur a suggéré une idée, dans le but d’arranger l’affaire. Si vous
voulez, dit-il, l’homogénéité entre le bourgmestre et les échevins, donnez au
gouvernement le droit de révoquer et de suspendre les bourgmestres aussi bien
que les échevins. Je conviens qu’ici il y aurait homogénéité. Mais ce serait un
abus double de celui que la chambre veut, je pense, éviter.
J’ai cependant fait attention à une observation de
M. le ministre de l’intérieur et j’engage l’honorable M. Gendebien à la prendre
en considération dans son amendement que je me propose d’adopter : c’est qu’il
est inutile d’attirer l’attention sérieuse du gouvernement sur la suspension
d’un échevin de village, et qu’il suffit que le gouvernement et la députation
provinciale interviennent dans cette mesure.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je suis surpris que l’honorable
préopinant prétende que je demande la révocation de l’élection populaire. Il
est à remarquer que lorsqu’on révoque un bourgmestre on ne le révoque que de
ses fonctions de bourgmestre ; le bourgmestre révoqué reste membre du conseil
communal ; il est donc inexact de dire que le gouvernement veut révoquer
l’élection populaire.
Je regrette que l’honorable préopinant, qui tient
tant à ce que l’on soit conséquent avec ses antécédents, ne soit pas conséquent
avec le discours qu’il a prononcé à l’ouverture de la séance. Il m’a engagé à
reproduire le dernier vote de la chambre, et, lorsque je reproduis ce vote,
l’honorable orateur vient à une demi-heure d’intervalle changer dans sa base
principale ce vote de la chambre. Il veut que le gouvernement ne puisse
révoquer ni le bourgmestre ni les échevins. Pour moi, je crois que cette
faculté est essentielle au gouvernement. Il est impossible que vous ne
l’accordiez pas. Je suis persuadé que vous avez apprécié les motifs que j’ai eu
l’honneur de faire valoir. D’ailleurs, vous avez déjà émis trois votes dans ce
sens, et le vote du sénat y a été conforme.
M. Gendebien. -
Au sujet de l’objection présentée par M. le ministre de l'intérieur et reproduite
par M. Jullien contre mon amendement, je dois déclarer qu’en disant : « le
gouvernement », j’ai prétendu dire : « le gouvernement ou ses
délégués. » Quand je dis : « le gouvernement fera poursuivre un
délit, » je ne veux désigner ni le Roi, ni le ministre, mais le procureur
du Roi ou le juge d’instruction. De même, en fait d’administration provinciale,
quand on dit le gouvernement, on désigne implicitement le fonctionnaire qui le
représente dans la province, c’est-à-dire le gouverneur. Au reste, qu’on mette
dans mon amendement : « le gouverneur, » au lieu de : « le
gouvernement, » toute objection disparaîtra.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je suis d’accord sur ce point avec l’amendement de M. Gendebien. Mais il existe entre son amendement et le mien deux
différences radicales que la chambre saisira.
Un grand
nombre de membres. - La clôture !
M. Jullien renonce
à la parole.
M. Gendebien. -
Je demande que M. le président veuille bien donner lecture des différents
amendements.
M. Dumortier, rapporteur,
demande la division du dernier paragraphe de son amendement.
M. Eloy de Burdinne. - Les
amendements présentés sont si compliqués qu’il me sera impossible de voter. Je
demanderai qu’on les imprime et qu’on les distribue, comme cela a eu lieu à
l’occasion des amendements sur le cens électoral.
- L’impression et la distribution des amendements
sont mises aux voix et ne sont pas adoptées.
La clôture est mise aux voix et adoptée.
La chambre décide que l’amendement de M. Gendebien
sera mis aux voix le premier.
M. Demonceau. -
Je demanderai à M. Gendebien si d’après son amendement, le gouverneur aura le
droit de suspension et même de révocation.
M. Gendebien. -
Il est bien clair que qui dit le gouverneur dit le gouvernement. Tout ce que j’ai
voulu, c’est que l’avis conforme de la députation provinciale fût nécessaire
dans tous les cas. De cette manière ce ne sera pas un commissaire de district
qui destituera ou suspendra en définitive les fonctionnaires municipaux.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Ce ne seraient pas les commissaires de
district qui suspendraient ou révoqueraient d’après ma proposition, ce serait par
arrêté royal que le bourgmestre serait révoqué, comme il serait nommé par
arrêté royal.
M. Gendebien. -
Tout le monde sait bien que les commissaires de district ne signeraient pas les
arrêtés de destitution mais c’est sur leur dénomination qu’ils seraient pris.
- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix par
appel nominal.
M. le président
proclame le résultat du scrutin en ces termes :
70 membres ont répondu à l’appel.
1 membre s’est abstenu.
37 ont adopté.
33 ont rejeté.
M. Trentesaux.
- 39 membres ont adopté et non pas 37 (Note
insérée au Moniteur : Il résulte, en effet, du relevé consigné dans notre
compte-rendu que 39 membres et non 37 ont adopté l’amendement.)
M. le président. -
J’ai proclamé le relevé fait par l’un de MM. les secrétaires. S’il était
inexact, il serait rectifié demain. Dans tous les cas, l’amendement est adopté.
Ont répondu oui : MM. Andries, Beerenbroeck,
Bekaert, Berger, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Renesse, de Roo,
Desmaisières, Desmet, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus aîné, Bern. Dubus,
Dumortier, Fallon, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Kervyn,
Manilius, Pirson, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rouppe,
Scheyven, Seron, Mast de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Vandenbossche,
Vanden Wiele, Vergauwen, Watlet,
Zoude.
Ont répondu non : MM. Bosquet, Cols, Cornet de Grez, de Behr, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de
Muelenaere, de Nef, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux,
d’Huart, Dubois, Duvivier, Ernst, Keppenne, Legrelle, Lejeune, Milcamps. Morel-Danheel, Pirmez, Raikem, Simons, Smits,
Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq,
C. Vuylsteke.
M. Eloy de
Burdinne s’est abstenu pour les motifs qu’il a énoncés plus haut.
La séance est levée à 5 heures.