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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 7 décembre 1838

(Moniteur belge du 8 décembre 1838, n°343

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les principaux habitants du canton de Horst réclament contre une disposition de l'administration des ponts et chaussées qui supprime le grand passage d'eau de Lottom et le convertit en petit passage. »

« Des élèves de l'université de Liége adressent des observations sur la loi relative au jury pour les grades académiques. »

« Le sieur Willemart propose des modifications à la loi sur les patentes. »

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d'en faire rapport.


« M. de Man d'Attenrode demande un congé pour cause de maladie. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1839

Discussion générale

M. Verdussen. - Messieurs, c'est avec raison que, dans les deux séances précédentes, on vous dit qu’il n'y avait qu'une opinion dans la chambre, en ce sens qu'on voutait mettre le gouvernement à même de défendre nos droits, si notre ennemi s'avisait de les méconnaître les armes à la main. Nous sommes et devons être unanimes sur ce point, mais nous pouvons différer d'opinion quant aux moyens. Ceux que j'ai indiqués de préférence aux moyens que préconisent le gouvernement et la section centrale, ont été l'objet de quelques observations critiques que je crois devoir relever et qui méritent une réponse.

On pense qu'il n'y a rien de plus naturel, quand il s'agit de combler un déficit de balance entre le budget général des dépenses et le budget général des recettes, que d’augmenter les impôts déjà existants, au moyen de centimes additionnels. On trouve une semblable mesure simple et naturel. Quant à moi, je la trouve extrêmement grave et même, je ne le cache pas, dans la position actuelle, je la trouve impolitique.

Lorsque les esprits ont été rassurés par le discours du trône, on nous a dit non seulement que le pays pouvait se tenir sur un pied respectable, mais encore que nul sacrifice nouveau ne serait imposé à la nation pour le maintien de cette position. Tout le monde s’est trouvé rassuré par ces paroles, mais dix jours s’étaient à peine écoulés que ce beau rêve s'est évanoui et qu'on nous frappe d’impôt nouveaux, qu’on demande particulièrement à la propriété foncière que la prudence nous ordonne de ménager jusqu'au moment qu’il s'agira de porter de grands coups.

J'ai voulu proposer une mesure qui permît l’examen de nos budgets ; car je me persuade que vous n’êtes pas déterminés dès aujourd’hui à accorder tous les fonds que le gouvernement demande. Je me persuade que la discussion qui aura lieu dans cette enceinte pourra amener des économies qui couvriront e grande partie le déficit assez léger que présentent nos ressources comparativement à nos besoins. Par exemple, je demanderai si, dans votre pensée, vous avez déjà consenti à accorder l’augmentation de 70,000 fr. demandée pour les traitements d’attente, et le surcroît de 130,000 francs demandé pour la caisse de retraite ; je vous demanderai si vous avez déjà consenti à augmenter les traitements de la cour des comptes, les traitements des médecins de l’armée, et les frais de représentation des généraux. Il me paraît que tout ces questions sont encore indécises et que, si je devais les décider, ce serait en notre faveur, d'après les antécédents de la chambre. Sans doute il Y a eu un louable enthousiasme national dans la section centrale, lorsque, de l'aveu de son rapporteur, elle n'a pas même songé à quelles devaient être les dépenses de la nation pour l’exercice de 1839, mais de ne s'être occupée que de la possibilité d'obtenir une augmentation de revenus, düt-on n'en pas faire l'application.

Cependant pour ma part, j'ai pensé qu'il était préférable de présenter un moyen qui permît cet examen sans compromettre la chose publique, et ce moyen, c'était un délai. Il est vrai que l'honorable membre qui a parlé le premier à la séance d'hier et le ministre des finances ont prétendu que je voulais couvrir d'une manière absolue et exclusive le déficit par des bons du trésor. Mais c'est une erreur, car l'émission de bons du trésor que je propose n'est qu'une ressource subsidiaire pour le cas où il n'y aurait pas moyen de faire payer à la banque soit volontairement, soit par suite d'une action judiciaire, ce qu'elle peut nous devoir comme caissier de l'état, et ainsi les bons du trésor ne seraient émis qu'autant qu'on ne pourrait pas obtenir de la banque un paiement immédiat.

C'est donc à tort que le ministre de finances a dit que l'émission de bons du trésor était le prélude d'un nouvel emprunt. Ce n'est pas le cas ici, puisque la créance sur la banque serait assignée comme hypothèque et nous trouverions les moyens de rembourser les bons du trésor, dans la solution de la question de la banque qui sera résolue, j'espère, dans le cours de l'exercice prochain.

Mais, dit encore le ministre des finances, si vous faisiez payer à la banque ce qu'elle doit, vous mangeriez une ressource qu'il est utile de conserver. J'avoue que je ne suis pas touché d'un pareil langage. Je pense qu'il vaut infiniment mieux manger une créance, si le mot est propre, que de frapper dès aujourd'hui les contribuables et surtout ceux qui doivent payer la contribution foncière. Où est-il donc écrit que l'encaisse de la banque est inaliénable, qu'il est immobilisé. Un jour viendra où nous aurons à traiter avec la Hollande pour la liquidation générale de ce qu'elle a encaissé antérieurement pour le compte de la communauté. Alors ce ne sera pas un fonds capital que nous aurons touché mais un fonds de revenu ordinaire qui sera compris dans la liquidation générale, en déduction de la partie de la dette mise à notre charge, ou à décompter sur les sommes que la Hollande se sera appropriées quoique appartenant à la communauté du royaume des Pays-Bas.

J'ai déjà dit, messieurs, que je donnerai la préférence sur les centimes additionnels, au recouvrement des sommes que nous doit la banque, et qu'à leur défaut et seulement comme moyen subsidiaire, je mettrais en circulation plus de bons du trésor. Mais, m'a dit l'honorable M. Beerenbroeck, donner de l'extension à la dette flottante est une chose très imprudente. Le ministre des finances s’est exprimé à peu près de la même manière. J'étais déjà venu au-devant de cette objection en faisant sentir avant-hier que le chiffre auquel s'élèveraient les bons du trésor ne serait ni exorbitant, ni hors de proportion avec le crédit de la Belgique.

En effet, l'année dernière, vous avez autorisé le gouvernement à émettre pour 25 millions de fonds du trésor, et nous voyons figurer sur le budget de la dette publique pour l'exercice prochain la faible somme de 150 mille fr. pour intérêts de la dette flottante, ce qui correspond à un capital de trois millions à l'intérêt de 5 p. c. Nous ne devons donc pas être effrayés de voir s'élever à 7 ou 8 millions le chiffre total de notre dette flottante. Au surplus, si l'inconvénient qu'on trouve à ce qu'il y ait une dette flottante aussi minime était fondé, je dirais que le ministre ne va pas assez loin ; car dans le budget il demande l'autorisation d'émettre pour 12 millions de bons du trésor. Il a donc dû prévoir la possibilité d'une pareille émission, quoique le chiffre porté au budget de la dette publique prouve qu'il ne pense pas devoir faire usage de ces 12 millions, mais puisque la faculté de les émettre est laissée, il doit craindre le même inconvénient pour ces 12 millions que pour les 5, dont j'ai parlé, et qui devraient combler le déficit qu'on présume devoir exister entre nos recettes el nos dépenses.

Mais ce déficit existera-t-il ? Je ne le pense pas; car indépendamment des économies que nous pourrons apporter dans les dépenses, nous n'avons pas à craindre de manquer de fonds. J'en trouve la preuve dans un document qui nous a été remis hier au soir par le ministre des travaux publics. Là nous voyons que le chemin de fer, pour tous les exercices précédents, y compris celui de 1838, n'a absorbé que 34 millions, et l'emprunt 3 p. c., calculé au taux de 71 p. c. auquel il a été négocié, déduction faite de 2 1/2 p. c. de commission, aura fourni jusqu'à 36 millions qui sont déjà rentrés en partie, et qui doivent pour le restant rentre dans le courant de l'exercice de 1839.

Vous voyez donc que déjà de ce chef nous avons dans nos caisses deux millions, indépendamment des 18 millions de l'emprunt 4 p. c. qui ont été affectés au chemin de fer.

Je sais qu'en 1839 le chemin de fer absorbera quelques sommes, mais il n'enlèvera pas de suite la totalité de ces 20 millions ; et la preuve que cette ressource existera pour le gouvernement et qu'il y a compté, c'est la faible somme demandée pour servir les intérêts de la dette flottante.

D'après ces considérations, je persiste dans mon premier système, et je voterai contre les centimes additionnels, persuadé que le gouvernement pourra faire rentrer ce que nous doit la banque dans les caisses de l'état, et que dans le cas où il ne le pourrait pas assez tôt, il vaut mieux émettre des bons du trésor en affectant à leur remboursement notre créance sur la banque.

M. Gendebien. - Messieurs. je suis charmé que nous soyons au moins d'accord sur un point avec le ministre des finances sur la nécessité de pourvoir aux besoins du trésor pour satisfaire aux exigences de l'organisation de notre armée sur un pied de guerre respectable ; nous ne différons que quant aux moyens, ou plutôt il n’y a entre nous de différence qu’une question de temps, une question d’opportunité. Le ministre des finances a dit qu'il finirait par où je voulais commencer...

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Si la chose était nécessaire...

M. Gendebien. - Si la chose était nécessaire, sans doute; il a terminé par cette phrase :

« Le patriotisme est tout aussi vivace maintenant qu'il n'a jamais été ; et vienne le moment où il faudra faire appel à la fortune de nos concitoyens, nous n'hésiterons pas à leur demander les plus grands sacrifices. si le salut du peuple le réclame. »

J'applaudis avec toute la chambre à ces paroles qui annoncent de l’énergie, de la résolution, et la volonté de se maintenir dans une position honorable avec persévérance et courage. J'en prends acte, et je prie le ministre de finances et tous les ministres ses collègues, de ne pas oublier que ces paroles ont été accueillies par des marques d'adhésion générale par toute la chambre.

Vous voilà fermement décidés à vous mettre en mesure et à compter sur le patriotisme de la nation. Eh bien, je vous le demande, est-ce en assurant une réserve de deux ou trois millions ; est-ce en imposant des contribuables déjà surchargés que vous vous procurerez des ressources faciles et assurées, que vous rendrez la guerre plus populaire, que vous maintiendrez le patriotisme sur lequel vous comptez et sur lequel on comptera avec raisons si l’on ne pressure pas les classes les moins aisées pour ménager les riches.

Pourquoi refuse-t-on l'emprunt foncier et veut-on des centimes additionnels ? C'est parce que, vous dit-on, il est inutile de demander aujourd'hui aux contribuables au-delà de nos besoins du moment: mais l'emprunt foncier ne vous oblige pas à aller au-delà des besoins ; mais, messieurs, quand on a pris la position que nous avons prise à l'unanimité des deux chambres législatives. et de commun accord avec le pouvoir exécutif, peut-on vivre au jour le jour ? Peut-on se contenter de satisfaire aux besoins du moment ? Peut-on hésiter à se ménager des ressources certaines pour un avenir menaçant et très prochain peut-être ? Avec les centimes additionnels que vous demandez, quelles ressources pour le moment ? Vous ne les recevrez pas par anticipation ; ils suivront le cours des contributions ordinaires; vous les recevrez à peine en entier à la fin de l'exercice 1839; alors comment pourrez-vous subvenir aux dépenses des mois de février et mars qui pourront être fortes et exiger beaucoup de promptitude. Vous ne satisferez d pas aux besoins du moment, comme vous le dites, avec les centimes additionnels.

Le ministre de la guerre vous a annoncé que de nouveaux subsides seraient nécessaires, des subsides plus forts que ceux qu'il a demandés. Cette nécessité doit être comprise par la chambre comme par le ministre de la guerre : comment y pourvoir, avec des centimes additionnels ? Vous n’attendrez sans doute pas que l'ennemi ait envahi le territoire pour demander ces subsides, pour vous assurer des ressources extraordinaires ? Il faut donc les avoir à votre disposition pour toutes les éventualités, pour toutes les chances. Vous ne les aurez pas , je le répète, avec des centimes additionnels. Vous n'en aurez pas un douzième par mois, vous commencerez à peine à entrer en perception en mars et en avril, à moins que vous ne fassiez une nouvelle loi pour vous faire autoriser à anticiper sur les échéances. Mais cette nouvelle loi ne serait-elle pas de nature à répandre plus d'inquiétude et de perturbation, que l'emprunt foncier que je propose.

Vous allez déranger l'économie de chaque ménage, jeter dans l’embarras presque toutes les familles, par vos centimes additionnels et vos perceptions anticipées, tandis qu'en faisant l'emprunt foncier, vous n'atteignez que les propriétaires, vous n'attaquez que l'aisance ; vous ne leur demandez en définitive, que le douzième ou le quatorzième de leur revenu ; et vous voulez remplacer ce revenu certain pour le trésor, insensible pour le contribuable, par un dixième de contribution personnelle, foncière, et par un dixième d'autres impôts plus onéreux encore !!

Faites donc attention qu'en demandant au locataire qui a payé sa contribution foncière, personnelle et mobilière, un dixième sur ces mèmes contributions, vous lui demandez presque l'impossible ; car il y a beaucoup de locataires qui ont une peine infinie à payer leurs contributions. C’est à ces hommes qui a ont à peine de quoi vivre, lorsqu'ils ont satisfait le fisc et leurs propriétaires souvent très exigeants, que vous demandez le dixième de leurs contributions. Mais les neuf dixièmes ne pourront payer ces impôt qu'en prenant sur leur nécessaire ; beaucoup même manquent du nécessaire quand ils ont payé leur contribution et le prix de leur loyer ; tandis que quand vous vous adressez aux propriétaires, vous demandez une part sur une chose certaine et positive, sur un revenu réalisé. Vous demandez sur un superflu ; car quel propriétaire est assez peu prudent pour dépenser la totalité de son revenu. On peut estimer que la presque totalité des propriétaires, économise le douzième de ses revenus fonciers. En demandant à ces propriétaires de nous prèter à un intérêt de 4 1/2 ou 5 p. c. ce superflu, du placement duquel ils sont pour la plupart très embarrassés, vous leur demandez à leur rendre un service au lieu de les accabler ; car ne plaçant pas ces fonds, ils peuvent les dépenser ; vous les forcez donc à une économie qui ne les gène pas, qui ne leur cause aucune privation. Vous demandez à leur payer l'intérêt d'une économie faite, ou au moins d'une économie facile à faire.

On vous a dit qu'un emprunt foncier, un emprunt forcé était odieux, vexatoire, onéreux. Odieux ! Sur ce point. je vous prie de le remarquer, je viens de prouver que l'impôt est plus odieux quand il porte sur le locataire, que quand il porte sur le propriétaire. Odieux ! Je ne comprends de l'odieux en fait de fiscalité. que lorsque le fisc s'adresse à ceux qui ne possèdent pas, lorsqu'au lieu de demander une partie du superflu, il demande une partie du nécessaire à ceux qui souvent ne le possèdent même pas. Je pense que s'il y a de l'odieux, c'est lorsqu’on demande aux locataires qui n’ont pas le nécessaire, pour éviter de demander aux propriétaires qui ont du superflu.

On vous a dit qu'nn emprunt forcé aurait pour résultat de favoriser l'agiotage. On vous a dit que c'est ce qui s'est passé au sujet des emprunts des 10 et 12 millions votés par le congrès. Oui, il y a eu agiotage ; oui, les contribuables en ont été victimes. C'est précisément ce que j'ai prédit au congrès ; ce n'était pas une contribution de guerre qu'Il fallait décréter, mais un emprunt foncier ; car je disais alors ce que je dis aujourd'hui.

Je disais au congrès, indépendamment de toutes les raisons que je fais valoir maintenant à l'appui de ma proposition, je disais au congrès : Si vousM. Pirson vous adressez aux locataires: comme ils n'ont pas de superflu, comme ils seront pour la plupart hors d'état de verser les fonds que vous leur demanderez, qu'en résultera-u-il? qu'ils s’adresseront aux agioteurs.

Ils leur compteront une partie de la somme à verser, et ils leur feront l'abandon des coupons de remboursement ; ceux qui auront versé leur contingent, vendront à vil prix leur bon de remboursement, soit par besoin. soit par crainte de tout perdre. Voilà ce. que j'ai dit, et ma prédiction s'est réalisée.

L'agiotage a commencé par s'adresser aux contribuables qui n'avaient pas le moyen de payer ; il a reçu par exemple 50 fr. de ce contribuable à charge du versement de 50 fr. et de l'abandon du coupon de remboursement ; de sorte que c'est 50 p. c. que ce malheureux contribuable a perdu.

Quant à ceux, qui après avoir payé, n'ont pas pu attendre l'échéance du remboursement, ils ont été obligés de vendre à tout prix. Ainsi ceux qui ont échappé à l'agiotage pour le paiement n'ont pas pu y échapper lorsqu'il a fallu attendre le remboursement.

SI vous établissiez un emprunt sur les locataires, vous auriez en 1839 ou en 1840, selon les époques que vous fixeriez, les mêmes inconvénients que j'ai signalés au congrès et qu'on a rappelés hier ; mais, si au lieu de décréter une contribution de guerre, on eût décrété un emprunt foncier, un emprunt sur la propriété et à la charge des propriétaires exclusivement, on aurait évité les inconvénients que j'ai signalés. Aussi, ce que je demande aujourd’hui, ce n'est pas une contribution de guerre, ni une contribution quelconque, c'est un emprunt à charge du propriétaire et de sa propriété ; la contribution foncière servirait uniquement à déterminer la quotité de chacun dans l'emprunt.

Messieurs, je ne rentrerai pas dans la discussion générale ; mais je dois dire un mot au sujet des sucres. Le ministre, répondant à M. Pirmez, a dit que, loin d’avoir diminué l'impôt sur les sucres, il a changé la loi pour l’augmenter et qu’il s'élève maintenant à un million. Sans doute, si on part de zéro où l’impôt était tombé pour arriver à la perception actuelle d'un million, il y a augmentation, il y a avantage pour le trésor ; mais ce n'est pas ainsi qu'il faut compter. If se reporter à l'époque où l'on percevait 3 à 4 millions. Cet impêt est tombé à zéro, cependant on consomme la même quantité de sucre ; je me trompe, on en consomme une beaucoup plus grande quantité, parce que la prospérité étant plus grande, telles personnes consomment du sucre qui n'en consommaient pas, d’autres qui en consommaient en consomment davantage.

Par suite de l'abus que des fraudeurs ont fait de la loi (je dis des fraudeurs et non des raffineurs, car le plus grand nombre des enrichis sont des fraudeurs ; je pourrais citer le nom de telle personne qui avait une raffinerie pouvant tout au plus rapporter de 5 à 6 mille francs par an, et qui a fait une fortune considérable en peu de temps), voilà comment le droit est tombé à zéro ; la loi nouvelle est sans doute une amélioration, mais il s'en faut bien qu’elle atteigne à ce que cet impôt devrait produire. L'année dernière j'ai présenté une statistique de la consommation du sucre en France. en Espagne, aux Etats-Unis. en Angleterre, en Prusse. J’ai pris la moyenne de la consommation dans ces différents pays, et il est certain que cette moyenne est, pour la Belgique, en dessous de la réalité : car nous consommons plus de sucre qu'en France, où l'on boit moins de thé, moins de café, où les fruits sont plus mûrs et exigent moins de sucre. Enfin la Belgique étant plus riche que la France en proportion de la population, consomme davantage. Il n'est pas moins certain que nous consommons plus de sucre que l'Espagne, ce pays si pauvre et si malheureux ; nous en consommons plus que la Prusse, pays moins riche que le notre et qui a moins de besoins que nous. parce qu'on n'y connait pas le luxe que l'aisance générale fait régner en Belgique. Restent l'Angleterre et les Etats-Unis, dont la consommation ne peut être en grande disproportion avec la Belgique.

D’après cela, la consommation en Belgique peut être évaluée à 6 kilog. Par tête, d’après la moyenne des cinq populations que j’ai nommées : elle serait ainsi, pour toute la Belgique, de 24 millions de kilog. Jugez d'après cela si l'impôt produit ce qu'il doit produire, et si le ministre a raison de se réjouir du succès dont il se vante. Voilà l'impôt qu'il faudrait faire produire et frapper de centimes additionnels. Mais, comme dit M. Pirmez, l'intérêt privé est si actif qu'il est impossible de le vaincre ; cet intérêt se défend par tous les moyens; tous les moyens lui sont bons, et il en a usé largement. On vous a dit que toutes les raffineries étaient détruites ; on en a compté jusqu'à 30 dans une localité, probablement à Anvers, et là-dessus doléances du ministre sur les résultats de la loi.

Quand on a combattu le premier projet du ministre, que nous soutenions, on vous disait, et on l'a répété encore hier : il ne faut pas considérer le sucre comme consommation de luxe et comme pouvant produire un impòt ; il faut songer à notre navigation . il faut considérer que le sucre seul l'alimente. D'après cela, plus de raffineries, plus de navigation. Eh bien, messieurs, on affirme que les raffineries sont dans la détresse, que toutes sont fermées ou peu s'en faut ; il résulte cependant des statistiques. que jamais nos navires n’ont été plus nombreux qu’aujourd’hui ; jamais il n’y a eu un plus grand mouvement dans nos ports qu'en 1838. Je désirerais, si cela était possible, qu’on expliquât cette contradiction.

Il y a une chose positive, c'est que la raffinerie de sucre exotique en Belgique est une industrie aussi exotique que le sucre même qu'elle raffine ; c'est une industrie factice qui ne peut se soutenir, et qui n'a pour aliment que la fraude des droits. Je comprends bien que les raffineries prospèrent lorsqu'elles ont à se partager de 6 à 7 millions aux dépens du trésor ; mais je n'admets pas que ce soit là une industrie. Je dis que si une industrie doit coûter 6 ou 7 millions au pays, il est bon qu'elle disparaisse du sol de la Belgique le plus possible.

Remarquez qu'à coté de cette industrie exotique se trouve une industrie toute nationale, la fabrication du sucre indigène, industrie qyu se compose de main-d'œuvre, qui consomme tous produits du pays et qui fait circuler de nombreux capitaux dans le pays.

D'abord la culture des champs, l'ensemencement des champs, la manipulation et le transport des engrais, le sarclage qui emploie un grand nombre d’ouvriers, puis l’exploitation de la betterave et la raffinerie du sucre qui emploient grand nombre de bras dans la saison où ils étaient autrefois inoccupés. Depuis la semence jusqu'au résidu de la betterave tout se crée dans le pays et profite au pays ; rien n'est emprunté du dehors. Ajoutez à cela, l'emploi de machines faites dans le pays, la consommation de combustibles produits dans le pays, et vous vous ferez une idée des immenses ramifications et mouvements de cette industrie toute nationale. Eh bien il faudrait la sacrifier pour faire prospérer une industrie éphémère aussi exotique que la matière sur laquelle elle opère.

Et on hésite dans un moment de gêne à imposer les sucres étrangers, à faire payer un impôt à un objet de luxe ! et on propose en même temps dix centimes additionnels sur l'impôt du sel, l’impôt du sel qui est une chose de première nécessité pour tous, et particulièrement pour la classe qui est le moins en état de faire des sacrifices ! vous voyez donc, messieurs, que s'il y a des impôts susceptibles d'augmentation, ce sont précisément ceux-là que l’on néglige, et l'on s'adresse à ceux qui sont déjà surchargés.

Pour me résumer en deux mots, ainsi que j'ai eu l’honneur de le dire hier, je répéterai aujourd'hui que si l’on veut sincèrement, franchement nous mettre dans une position respectable, dans une position à nous garantir contre une invasion de la part d'un ennemi qui nous observe sans cesse, vous ne faites pas assez si vous ne voulez prendre des mesures effectives ; vous faites trop si vous ne voulez faire que du bruit. Il faut une bonne fois savoir ce que nous voulons. Pas plus que qui que ce soit , je ne désire la guerre : et c'est justement parce que je ne la veux pas, c'est parce que je désire l'éviter, que je veux qu’on se mette en mesure de la faire avec succès.

En 1831 on a pu pardonner à la Belgique de se laisser envahir. On sait que les événements d'août 1831 n'ont été que le résultat d'une combinaison diplomatique pour déshonorer notre révolution par une défaite apparente, afin de la dompter, de l'écraser plus facilement. Il y avait d’ailleurs dans la nation ou du moins au congrès deux partis, celui qui prévoyait la guerre et demandait qu'on se mît en mesure de faire la guerre, et celui de la diplomatie qui ne voulut rien prévoir, rien préparer pour la défense du

pays ; il se laissa surprendre. La défaite ne frappa donc pas la nation tout entière, mais un parti. Aujourd'hui que cette unanimité est d'accord avec le pouvoir exécutif, avec les promesses royales, je vous demande, si nous étions pris au dépourvu, ce que deviendrait la Belgique ; ce serait pour elle une tache ineffaçable ; elle perdrait tous ses droits à la nationalité. Il ne suffit pas de tenir un langage honorable et ferme, pour qu'on l'apprécie à sa juste valeur, pour qu'à l'étranger on ne puisse le taxer d'exagération ; il faut encore faire tout ce qu'il est humainement possible de faire pour éviter une nouvelle catastrophe. Et pour mon compte, je serai apaisé que quand je verrai qu'on a réuni les ressources nécessaires, qu’on s’est assuré de tous les moyens pour pourvoir à tous les besoins ; pour réaliser ces ressources, il faut qu’on les prenne là où on peut les trouver le plus sûrement et sans gêner les contribuables.

M. F. de Mérode. - Il me semble qu’en continuant la discussion de la sorte, on n’en finira jamais. Hier, le ministre des finances a répondu à tout ce qui avait été dit, et sa réponse s’applique encore à ce qu’on vient d’entendre. Le ministre de la guerre vous a donné des explications sur l’emploi des fonds demandés. Il ne s’agit pas de mettre tout le monde sur pied, mais de faire les préparatifs nécessaires dans un cas où cela deviendrait indispensable. Il ne faut pas les appeler inutilement ; mais on doit tout préparer pour le cas d’appel ; il faut acheter des chevaux, avoir tout le matériel nécessaire, etc.

Quant aux moyens qu’on propose, il me semble qu’ils sont pas très onéreux. Dans notre pays, il n’est pas possible que les contribuables trouvent une charge bien grande l’addition de 10 centimes à leurs contributions. J’aurais voulu une addition plus considérable. C’est en montrant une résolution bien positive d’agit que l’on met ses paroles d’accord avec les faits. Je ne sais pourquoi l’on emploie un temps si long pour discuter des charges aussi légères. Le ministre des finances a dit que si l’on avait besoin d’un emprunt foncier, on y aurait recours ; mais ce cas ne peut arriver que s’il était nécessaire de réunir une grande masse d’hommes sous les armes. Alors on demanderait aux propriétaires non pas un emprunt forcé, mais une contribution extraordinaire, remboursable ou non, selon qu’on le jugera à propos. Nous pouvons voter maintenant ; nous sommes éclairés. Si nous voulons continuer à rechercher des moyens de toute espèce pour arriver au but, nous n’en finirons pas ; chacun présentera son moyen. Arrêtons-nous à ceux qui ont été présentés par la section centrale et adoptés par le ministre.

M. Angillis. - Le gouvernement demande une somme qu’il croit nécessaire pour mettre notre armée sur un pied respectable, et qu’il croit devoir suffire aux besoins du moment ; M. Gendebien va plus loin ; il demande une contribution foncière ; c’est-à-dire que l’on accorde au gouvernement, non 3 millions, mais 15 ou 16 millions. Pour moi, je demande à la chambre si sa mission est d’accorder au gouvernement plus de fonds qu’il n’en réclame ? Je ne pense pas qu’il en soit ainsi. Quand la nation nous a envoyés ici, elle nous a donné mandat pour accorder les fonds strictement nécessares aux services ; nous ne sommes pas ici pour examiner si le gouvernement diemande assez, mais pour examiner s’il ne demande pas trop. Je pense donc que l’honorable M. Gendebien propose une mesure que je me permettrai d’appeler violente, et qu’on ne peut admettre.

Si les circonstances devenaient telle qu’il fallût absolument des fonds extraordinaires, alors j’admettrais ces mesures parce qu’elles seraient justifiées par la nécessité ; mais il sera toujours temps alors d’y recourir, car il ne faudrait pas trois semaine pour réaliser la plus grande partie des fonds dont il s’agit.

M. le ministre des finances nous a déjà fat remarquer que l’emprunt de 12 millions a en grande partie profité aux spéculateurs ; ce qui est arrivé alors arriverait encore aujourd’hui, même avec le système de l’honorable M. Gendebien, car il ne faut pas se faire illusion, il y a dans notre pays un nombre considérable de petits propriétaires.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Sept cent mille.

M. Angillis. - Eh bien, messieurs, tous les petits propriétaires seraient forcés de vendre leurs bons à 40 et 50 p. c. de perte, et cette perte ne servirait qu’à enrichir les spéculateurs.

Quoi qu’il en soit, messieurs, si des moyens extrêmes étaient indispensables, nous ne reculerions pas devant l’emploi de semblables moyens ; mais tant que le gouvernement ne les réclamera pas, je m’opposerai toujours à ce qu’on les lui impose.

M. le ministre a également répondu, messieurs, à l’honorable préopinant, qui a proposé une nouvelle émission de bons du trésor. J’ajouterai seulement que les bons du trésor ne constituent pas une faculté réelle de paiement, mais seulement une facilité de paiement ; c’est une manière momentanée et non pas un moyen d’opérer un paiement définitif ; c’est un signe non pas de la fortune mais du crédit ; or, si vous allez émettre des bons du trésor dans un moment où les circonstances inspirent des inquiétudes, vous ne parviendrez jamais à en opérer le placement, à moins que vous ne vous soumettiez à une grande perte. Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, qu’il ne faut jamais séparer une dette flottante de ce qui en est la base, c’est-à-dire la libération ; l’émission des bons du trésor ne peut être qu’un moyen d’anticiper sur les recettes futures. En France on a dénaturé la dette flottante, et l’on s’en est très mal trouvé ; on a émis une si grande quantité de bons de toute espèce que, le moment du remboursement étant venu, on n’a pas trouvé de fonds pour y faire face et que l’on a été obligé d’emprunter à 40 et à 50 p. c. de perte. Je pense, messieurs, que vous ne voudrez pas vous engager dans une semblable voie. Il est toujours dangereux pour un gouvernement d’avoir une dette flottante exigible à des époques plus ou moins rapprochées, et il serait de la plus grande imprudence de faire en ce moment une nouvelle émission de bons du trésor.

Quant aux 6 ou 7 millions qui nous sont dus par la banque et dont on a proposé de faire usage, je vous avoue, messieurs, que je ne connais pas cette question ; j’abandonnerai à ceux qui sont plis initiés ou plus habiles dans la matière, le plaisir ou l’embarras de débrouiller cette affaire.

Pour en finir, puisque nous voulons tous, messieurs, donner au gouvernement les fonds dont il a besoin, je pense qu’il ne nous restent rien autre chose à faire que d’adopter ce qui nous est proposé par M. le ministre des finances d’accord avec la section centrale. Nous verrons plus tard s’il faut avoir recours à d’autres moyens et si les circonstances deviennent telles qu’il faille employer des mesures extraordinaires ; je suis persuadé qu’aucun de nous ne reculera devant les sacrifices qui seraient exigés pour la défense du pays.

M. Pirson. - J’ai demandé la parole, messieurs, pour motiver mon vote et pour répondre brièvement à ce qui a été dit par l’honorable M. Gendebien.

Je crois, messieurs, que le gouvernement fait ce qu’il doit faire, tout ce qu’il doit faire et rien que ce qu’il doit faire. Il ferait plus que ce qu’il doit faire, s’il faisait autre chose que de se mettre à même de repousser une agression ; notre intention ne peut pas être de commencer des hostilités ; nous ne devons attaquer personne, mais nous devons repousser tous ceux qui nous attaqueraient soit pour nous enlever une partie de notre territoire, soit pour nous forcer à payer plus que notre part légitime dans la dette.

Voilà, messieurs, ce que nous avons à faire, et pour y réussir, nous devons mettre le gouvernement à même d’utiliser le nombre d’hommes que les lois mettent à sa disposition ; ce nombre d’hommes est de 140,000, et jusqu’ç présent, le gouvernement n’avait jamais demandé tous les fonds nécessaires pour porter l’armée à ce chiffre ; il y a toujours eu des économies ; on a renvoyé des officiers en permission, on a négligé de remplit entièrement les cadres ; maintenant les circonstances exigent que l’armée soit portée au grand complet, et le gouvernement a fait ce qu’il devait faire en rappelant tous les hommes sous les drapeaux. Si maintenant nous sommes attaqués, qu’au premier coup de canon tiré par l’ennemi sur notre territoire, on prenne les mesures indiquées par l’honorable M. Gendebien ; puisqu’il prétend qu’il y a toujours de l’argent chez les propriétaires, nous le trouverons là lorsque nous en aurons besoin, mais il n’est pas nécessaire de lui faire faire le voyage de Bruxelles, si nous n’en avons pas besoin. Il suffit de faire l’emprunt dont parle l’honorable M. Gendebien aussitôt que la guerre sera devenue imminente, et alors il n’est aucun propriétaire qui se refuserait à y contribuer pour sa part ; d’ailleurs, qui est-ce qui oserait s’opposer à l’exécution d’une mesure prise pour assurer l’indépendance nationale lorsque tout la nation serait en quelque sorte en mouvement pour défendre cette indépendance ?

La comparaison qu’on a voulu faire entre notre position actuelle et celle dans laquelle nous nous trouvions en 1831, cette comparaison n’est pas exacte ; en 1831 nous n’avions que des apprentis-ministres, des apprentis-diplomates ; les ministres venaient nous dire que nous avions 60,000 hommes sous les armes, tandis que nous n’en avions pas 27,000 ; nous diplomates étaient si contents d’être diplomates, si contents de se trouver avec des hommes galonnés (ils ne l’étaient pas encore, eux) qu’ils avaient toute confiance dans les belles paroles dont ils les amusaient. Aujourd’hui les choses sont changées ; on peut dire, je pense, que le gouvernement a profité de l’expérience du passé et qu’il fait son devoir ; ce qui le prouve, à mon avis, c’est qu’il met l’armée dans un état tel qu’elle puisse repousser avec succès les attaques dont nous serons l’objet.

M. Gendebien. - Il m’importe, messieurs, de rectifier une erreur dans laquelle est tombé l’honorable M. Angillis. Je ne prétends pas donner au gouvernement plus que ce qu’il demande ; si l’honorable membre m’avait écouté, il se serait aperçu que tel n’était pas le sens de mes paroles ; nous ne différons que quant au mode de prélever les fonds, mais nullement sur le montant de ce qu’il convient de mettre à la disposition du gouvernement ; le gouvernement demande des centimes additionnels, moi je préfère un emprunt foncier, mais j’ai ajouté que le gouvernement ne serait autorisé à prendre de cet emprunt que conformément à ses besoins ; j’ai dit qu’il pourrait être autorisé à prendre 1/4, 1/3, 1/2, 3/4, selon qu’il serait nécessaire ; il est donc inexact de dire que j’offre au gouvernement plus qu’il ne demande.

Au surplus, je prie l’honorable M. Angillis de bien se rappeler que, si en 1831 on avait eu le courage de forcer le gouvernement à faire plus que ce qu’il faisait, nous n’aurions pas essuyé la honte d’une défaite apparente ; averti par ce précédent, nous aurions bien le droit aujourd’hui de presser le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre complètement impossible le retour des malheurs de 1831, et de lui offrir à cet effet même plus de fonds qu’il n’en demande ; néanmoins ce n’est pas là ce que je veux faire, puisque, comme je viens de le dire, je ne proposer d’accorder que les crédits qui sont demandés ou qui le seront dans la suite, pour mettre l’armée sur un pied convenable.

Maintenant, je dois faire une interpellation à M. le ministre de la guerre ; et, pendant qu’il en est temps encore ; je le prie de bien faire attention que sa responsabilité est ici en jeu d’une manière toute spéciale ; sous le congrès, lorsque nous nous plaignions de ce qu’on ne faisait pas assez pour se préparer à la guerre, de ce qu’on négligeait tous les moyens de défense, le ministère se proclamait solidaire, tous les membres du cabinet faisaient à cet égard les plus belles protestations ; mais lorsque les journées déplorables du mois d’août sont venues étonner les uns et faire maudire les autres, alors on a rejeté toute la responsabilité sur le ministre de la guerre. Je prie instamment l’honorable général Willmar de ne pas perdre cela de vue avant de me répondre. Je le prie de me dire, s’il peut, sous sa responsabilité, garantir le pays contre tous les événements prévus ou imprévus. Je lui répète qu’en sa qualité de ministre de la guerre, il doit me répondre de tout : que s’il arrivait une catastrophe il ne pourrait pas venir dire qu’il a été impossible de prévoir telle ou telle circonstance ; il fait qu’il prévoie tout et qu’il se mette en mesure de parer à tout.

Je demande donc au ministre de la guerre si, sur sa responsabilité, il déclare que les ressources demandées sont suffisante pour mettre l’armée en état de repousser toutes les attaques les plus inopinées, les moins prévues. Si le ministre fait cette déclaration je serai satisfait pour le moment.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je suis vraiment surpris de l’interprétation que l’honorable préopinant vient de me faire, après la déclaration très catégorique que j’ai faite, il y a quelques jours. J’ai déclaré positivement qu’avec les fonds demandés maintenant, je n’entendais faire autre chose que de prendre des mesures préliminaires nécessaires pour qu’on puisse au besoin mettre sur pied l’armée que la chambre vote annuellement, et j’ai ajouté que ce résultat pourrait être obtenu au moyen des fonds actuellement demandés et de ceux qui le seront encore d’après le rapport de la section centrale sur le budget de 1839, mais que ces fonds n’ont d’autre objet que les mesures préliminaires dont je viens de parler.

Il s’agit uniquement de matériel, de dispositions organiques. IL n’est pas question d’augmenter le personnel de l’armée. Si les circonstances exigent que tout d’un coup le personnel de l’armée soit augmenté, que tout ou partie des 140,000 hommes soit appelé sous les armes, je trouverai, avec les fonds qui seront votés pour le service d’une armée entière, et en les dépensant même (en un mois de temps, s’il le faut), je trouverai, dis-je, la ressource nécessaire pour faire venir sous les drapeaux le nombre d’hommes qu’il serait indispensable d’y appeler. Mais il faudrait alors que je vienne immédiatement demander de nouveaux fonds pour le service du mois ou des mois suivants. (Sans doute.)

Que l’on comprenne bien la position : il faut, pour le cas où il serait nécessaire de compléter l’armée, prendre certaines mesures qui demandent quelque temps pour pouvoir être accomplies. Or, c’est uniquement en vue de ces mesures que des fonds vous ont été demandés, et que d’autres fonds seront encore demandés par augmentation au budget de 1839.

M. Gendebien. - Je suis satisfait de la réponse de M. le ministre de la guerre ; mais je le prie de vouloir bien considérer qu’il pourrait se faire qu’un mois ne suffît pas pour se procurer les fonds nécessaires, à l’effet d’agir ultérieurement.

M. Demonceau, rapporteur. - Messieurs, ce qui se passe en ce moment m’a fait faire plus d’une réflexion. Ceux qui disent que le gouvernement ne demande pas assez lui refusent cependant ce que le gouvernement déclare être suffisant. N’est-ce pas la plus étrange contradiction. Comment ; le gouvernement, sous sa responsabilité, vous demande une somme déterminée ; vous dites que vous voulez donner plus, et cependant vous refusez de faire droit à la demande du gouvernement ; cette manière d’agir ne revient-elle pas à dire au gouvernement : Je n’ai pas confiance en vous ? Telle n’a pas été la pensée qui a présidé aux délibérations de la section centrale ; cette pensée, la voici : Nous avons pleine et entière confiance dans les hommes placés à la tête des affaires de la Belgique ; ces hommes nous disent : Nous avons assez dans ce moment. La section centrale leur a répondu : Puisque, sous votre responsabilité, vous déclarez que pour le moment les sommes que vous demandez vous suffisent, la section centrale vous les alloue sans s’inquiéter des dépenses que vous ferez. C’est ainsi que doit penser tout vrai Belge en ce moment, et je pense que la chambre allouera les fonds demandés.

- La discussion générale est close.

Projet de loi modifiant la loi sur l’enseignement supérieur

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter un projet de loi apportant des modifications à la loi sur l’enseignement supérieur. Je ne m’explique pas pour le moment ay sujet de la pétition sur laquelle l'honorable M. Zoude vous a fait un rapport, attendu ce rapport ne m’est pas encore. parvenu. Aussitôt je l'aurai reçu, je m'expliquerai sur ce point.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre du projet de loi qu'il vient de présenter ; ce projet sera imprimé el distribué.

La chambre désire-t-elle le renvoyer en sections ou à une commission ?

La chambre décide que le projet sera envoyé aux sections.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1839

Discussion du tableau des recettes

La chambre entame ensuite la discussion des articles du budget des voies et moyens.

M. le président. - M. Verdussen a demandé qu'on statuât d’abord sur la question de savoir si l'on admettrait le principe des centimes additionnels, pour subvenir aux besoins du trésor.

La chambre veut-elle voter en premier lieu sur cette question. (Oui ! oui !)

- La chambre décide qu’elle admet le principe des centimes additionnels, pour subvenir aux besoins du trésor.

M. le président. - Nous pouvons passer aux articles du budget, parce que les amendements qui ont été déposés se rapportent aux centimes additionnels.

Discussion du tableau des recettes (I. Impôts)

Contributions directes, cadastre, douanes et accises, etc.

Foncier

« Principal : fr. 15,879,327.

« 5 centimes additionnels ordinaires dont 2 pour non-valeurs : fr. 793,967.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,587,932.

« 10 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 1,826.122.

« Total : fr. 20.087.348. »

M. le président. - Amendement de M. Must de Vries. Cet amendement admet les 10 centimes supplémentaires sur l'Impôt foncier ; le reste de l'amendement se rapporte aux articles suivants du budget ; l'auteur de la proposition propose de ne frapper l'Impôt personnel que de 5 centimes, et de retrancher les centimes additionnels pour la patente ; il les admet pour les eaux-de-vie.

L'amendement de M. Mast de Vries est-il appuyé ?

- L'amendement n'est pas appuyé.

M. le président. - Amendement de M. Eloy de Burdinne. M. Eloy de Burdinne propose de répartir l'augmentation proposée par le ministre sur tous les impôts, tant directs qu’indirects, dans la même proportion.

- L'amendement est appuyé ; il est ensuite mis aux voix et n'est pas adopté.

La chambre adopte ensuite l'article « foncier », tel qu’il est proposé par le gouvernement.

M. le président met ensuite aux voix, et la chambre adopte successivement les articles suivants du budget.

Personnel

« Principal : fr. 7,636,360

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 763.036

« 10 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 840,000

« Total : 9,240,000. »

Patentes

« Principal : fr. 2,600,000

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 260,000

« 10 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 286,000

« Total : fr. 3,146,000 »

- Adopté.

Redevances sur les mines

« Principal : fr. 126,000

« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 12,600

« 5 centimes sur les deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 6,930

« 10 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 14,533

« Total : fr. 160,083. »

Douanes

« Droits d’entrée (16 centimes additionnels) : fr. 8,955,500

« Droits de sortie (idem) : fr. 610,500

« Droit de transit (idem) : fr. 66,000

« Droit de tonnage (idem) : fr. 305,000

« Timbres : fr. 35,000

« Total : fr. 9,972,000. »

Droits de consommation sur les boissons distillées

« Droits de consommation sur les boissons distillées : fr. 1,000,000. »

Accises

« Sel (30 centimes additionnels) : fr. 4,022,000

« Vins étrangers (idem) : fr. 2,475,000

« Eaux-de-vie étrangères (sans additionnels) : fr. 274,000

« Eaux-de-vie indigènes (10 centimes additionnels) : fr. 3,300,000

« Bières et vinaigres (30 centimes additionnels) : fr. 7,387,000

« Sucres (idem) : fr. 1,031,000

« Timbres sur les quittances : fr. 1,491,000

« Timbres sur les permis de circulation : fr. 20,000

« Total : fr. 20,000,000 »

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je. vois encore que le sel, ce seul assaisonnement de la nourriture du pauvre, est frappé d’une augmentation, tandis que moi et beaucoup d'autres de mes collègues réclamons depuis longtemps une diminution de l’impôt sur cette denrée. Quant au sucre, qui est la consommation de l’homme riche, de l’homme aisé, l’on veut encore le favoriser aux dépens du sel (Dénégations.) Oui, vous le favorisez au détriment du sel, en ce que vous le frappez au même taux ; je ne voterai jamais pour une loi qui consacre une semblable injustice.

MM. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, on revient sans cesse à la charge avec cet impôt du sel, ce qui peut paraître très populaire ; cependant je ne saurais admettre ce qu’on dit de sa élévation, u égard à la minime place qu’il occupe dans notre budget. (Les quatre premières lignes de la première colonne du Moniteur sont illisibles).

D’honorables membres parlent à toute occasion de réduire ou de supprimer l’impôt dont il s’agit, ainsi que d’autres sources du revenu public ; mais avec un pareil système que ferions-nous pour subvenir aux dépenses indispensables des divers services. Il faut que tout le monde concoure aux charges publiques et l’impôt sur le sel spécialement ne va pas au-delà d’une sage modération. C’est un impôt très ancien dont personne ne se plaint et auquel personne ne songerait dans le pays, si on n’en disait quelques mots à l’occasion des budgets, car la majeure partie des contribuables ignorent en Belgique que cet impôt existe.

Quant au droit sur le sucre, il n’est pas exact de dire qu’on le ménage plus que celui du sel, puisqu’on l’atteint du même nombre de centimes additionnels que les autres articles mentionnés au même paragraphe, à l’exception seulement de la fabrication des eaux-de-vie indigènes qu’on frappe de 10 centimes additionnels au lieu de 4.

Il n’y a donc pas lieu d’apporter de modification quelconque à l’article dont il s’agit.

M. Eloy de Burdinne. - M. le ministre des finances vient de dire que le sel était insensible. Cela est vrai pour lui et pour moi mais non pour le malheureux qui, quand il va acheter du sel, doit payer une accise supérieure à la valeur de l'objet, tandis que le sucre qui n'entre que dans la consommation du riche paie un impôt très léger que le trésor ne perçoit pas, mais qui entre dans la poche des spéculateurs. II est injuste de venir encore augmenter l'impôt sur le sel, quand on n'augmente que de la même quotité l'impôt sur le sucre. Je demande que les additionnels dont on vient frapper le sel soient reportés sur le sucre, ce qui mettra à 8 au lieu de 4 les additionnels sur ce dernier objet.

- L'article relatif aux accises est mis aux voix et adopté.

Garantie

« Droits de marque des matières d’or et d’argent : fr. 160,000. »

Recettes diverses

« Droits d’entrepôt : fr. 20,000.

« Recettes extraordinaires et accidentelle : fr. 9,000.

« En tout, 29,000. »

Enregistrement, domaines et forêts

Droits additionnels et amendes

« Timbres : fr. 2,150,000.

« Enregistrement : fr. 9,080,000.

« Greffe : fr. 200,000.

« Hypothèques : fr. 825,000.

« Successions : fr. 3,475,000.

« 30 centimes additionnels : fr. 4,719,000.

« Amendes : fr. 180,000.

« Total : fr. 20,629,000. »

Recettes diverses

« Passeports et ports d’armes : fr. 220,000.

« Indemnité payée par les miliciens pour remplacement et pour décharge de responsabilité de remplacement : fr. 100,000.

« Amendes en matière de simple police, civile et correctionnelle : fr. 180,000.

« Total : fr. 500,000. »

« Produits des examens pour l’obtention des grades académiques : fr. 63,000.

« Produits des brevets d’invention : fr. 25,000.

« Produit des diplômes des artistes vétérinaires : fr. 2,500.

« Total : fr. 90,500. »

Discussion du tableau des recettes (II. Péages)

Enregistrement, domaines et forêts

Domaines

« Produits des canaux et rivières, droits d’écluses, ponts, navigation : fr. 550,000.

« Produits de la Sambre canalisée : fr. 400,000.

« Produits des droits de bac et passages d’eau : fr. 120,000.

« Produits des barrières sur les routes de première et deuxième classe : fr. 2,500,000.

« Produits de l’entrepôt d’Anvers : fr. 120,000.

« Total : fr. 3,690,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Postes

« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 2,520,000.

« Port des journaux : fr. 70,000.

« Droits de 5 p.c. sur les articles d’argent : fr. 35,000.

« Remboursement d’offices étrangers : fr. 25,000.

« Service rural : fr. 150,000.

« Total : fr. 2,800,000. »

M. de Langhe. - Je vois figurer à cet article une somme de 35,000 fr. pour transport d'argent par la poste. L’exiguïté de ce produit est une preuve qu'on fait peu usage de ce moyen : je crois que cela provient de l'énormité de la taxe. Il est à remarquer que l'argent transporté par la poste provient de gens pauvres qui envoient des sommes très minimes à leurs enfants à l'armée. Je trouve cette taxe de 5 p. c. beaucoup trop forte, et en la réduisant, on en augmenterait le produit plutôt qu'on ne le diminuerait.

Je sais que pour le transport de fortes sommes on aura toujours des moyens moins coûteux que la poste ; mais pour les petites sommes la poste offre un moyen de transport plus facile et plus sûr.

Cependant je conçois qu'on ne peut rien changer à ce service pour cette année et je me borne à livrer ccs observations à M. le ministre des travaux publics pour qu'il y ait tel égard que de raison.

- L'article des postes est mis aux voix et adopté.

Discussion du tableau des recettes (III. Capitaux et revenus)

Travaux publics

« Chemin de fer : fr. 4,790,000. »

M. F. de Mérode. - Je répéterai, à propos du chemin de fer, ce que j'ai dit l'année dernière, c'est qu'il me semble qu'on pourrait tirer du chemin de fer beaucoup plus qu'on ne le fait. Il n'est pas de contribution plus facile à obtenir que celle qu'on paierait en faisant 10 lieues à l'heure. Le prix des places est trop bon marché, on pourrait très bien l'augmenter de 20 à 25 p. c., faire payer 5 fr. au lieu de 4 ; j'engage M. le ministre des travaux publics à augmenter dans cette proportion le prix des places.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, l’année dernière j'ai dit à M. le ministre des travaux publics que je croyais que c'était chose onéreuse pour l'Etat que de louer des waggons à des entrepreneurs moyennant 50 francs par voyage d'Anvers à Gand ou à Tirlemont, le transport des marchandises, et qu'il ne tirerait de cette location que à 50,000 francs. M. le ministre. Comptait sur une somme de 700,000 à 800,000 francs. Je sais qu'il y a maintenant 50 waggons affectés à ce service ; l'année dernière, il n’y en avait que 10 ; ce nombre pouvait être trop minime pour organiser une administration, mais aujourd'hui qu'il y en a 50, le gouvernement pourrait établir un service de transport de marchandises, faire des transports spéciaux de nuit ou mettre quelques waggons à la suite des convois et se charger de remettre les petits paquets à domicile, ce qui rapporterait beaucoup. Le commerce irait conduire et recevoir la marchandise à la station.

Il est temps que le gouvernement se charge de cette exploitation. Les revenus du chemin de fer ne sont pas considérables ; nous serons heureux si nous obtenons l’intérêt de notre argent ; nous aurons de la peine à obtenir 4 ou 5 p. c. du capital engagé. Voilà pourquoi il y a lieu d’apporter une grande économie dans cette administration.

Ce n’est pas seulement pour les voyageurs, mais aussi pour le commerce que ce système de communication a été établi.

J’engage de nouveau M. le ministre à ne pas persister dans son système de location, car il serait comme l’année dernière trompé dans ses prévisions.

M. Dumortier. - Messieurs, nous nous occupons du budget des voies et moyens. et le gouvernement nous a demandé des centimes additionnels sur l’impôt foncier et tous les autres impôts directs et indirects. C'est surtout quand il s’agit d'augmentation de charges qu'il faut examiner si nous ne pouvons pas rendre quelques ressources plus productives, afin de diminuer les charges directes. Pour ma part, je partage l’opinion de M. de Mérode, je trouve qu’on pourrait faire produire davantage au chemin de fer. Je me permettrai à cet égard quelques réflexions que chacun de nous a pu faire, mais qui sont ici particulièrement à leur place.

Vous savez que depuis que le chemin de fer existe, la réduction du prix des transports est réellement trop forte. Je prendrai un seul exemple : le transport des personnes par les waggons de Bruxelles à Anvers. La distance est de 8 lieues de Brabant ou de 10 de France. Autrefois, pour faire ce trajet en diligence, on mettait 5 heures et le prix des places sur l’impériale était de 2 fr. Aujourd’hui on fait ce trajet par le chemin de fer 3/4 heures et les places de waggons se paient 1 fr. 25 cent. La réduction n’est-elle pas évidemment beaucoup trop forte ? d’autant plus que le revenu du chemin de fer sera plus tard insuffisant pour couvrir la dépense faite jusqu’ici.

Il faut considérer que les parties exécutées de Bruxelles à Anvers, de Ans à Malines et de Malines à Ostende sont les parties les plus faciles et les plus productives. Un homme très habile, versé dans la partie, me disait que les 7 ou 8 lieues d’Ans à la frontière coûteraient au moins autant que tous le reste du chemin de fer. N’est-il pas manifeste alors qu’il faudra augmenter le prix des transports ; car il a toujours été entendu que le chemin de fer doit couvrir ses dépenses.

Dans le commencement du chemin de fer, on a reculé devant les prix élevés, parce qu'on ne voulait pas mécontenter les populations.

Aujourd'hui une occasion se présente. Nos charges sont augmentées, et l’on augmente les impôts directs. Mais ne vaudrait-il pas mieux augmenter les droits de péage sur le chemin de fer, et par ce moyen procurer au public une ressource certaine fournie par ceux qui voudraient profiter du chemin de fer. On pourrait, par exemple, élever le prix du transport par les waggons de Bruxelles à Anvers de 1 fr. 25 c. à 1 fr. 50 c. De telles augmentations seraient tout bénéfice pour l'Etat.

J'appelle sur ce point l'attention du gouvernement et de M. le ministre des travaux publics.

Lorsqu’on a fait la loi du chemin de fer, on y a stipulé qu’une loi interviendrait pour régler le prix des places. Dans l'origine, on a abandonné cela au gouvernement et on a bien fait. Il faudrait cependant que cette matière soit réglée par une loi. Eh bien, qu’on présente un projet de loi, et nous établirons, dans le prix des places, les majorations nécessaires. Nous serons. je pense, unanimes pour reconnaitre que le péage actuel est insuffisant.

- L'article « Travaux publics, chemin de fer, fr. 4,790,000. » est mis aux voix et adopté.

Les autres articles du tableau annexé au budget des voies et moyens sont successivement mis aux voix et adoptés ; ils sont ainsi conçu :

Enregistrement, domaines et forêts

La chambre passe à l’article suivant :

« Rachat et transfert de rentes : fr. 100,000

« Capitaux du fonds de l’industrie : fr. 650,000

« Capitaux de créances ordinaires et d’avances pour bâtiments d’écoles : fr. 75,000

« Prix de vente d’objets mobiliers ; transactions en matière domaniale ; dommages et intérêts, successions en déshérence ; épaves, fr. 215,000

« Prix de vente de domaines, en vertu de la loi du 27 décembre 1822, payés en numéraire en suite de la loi du 28 décembre 1833 (858) : fr. 2,000,000

« Pris de coupes de bois, d’arbres et de plantations ; vente d’herbes ; extraction de terre et de sable : fr. 550,000.

« Fermages de biens-fonds et bâtiments, de chasses et de pêches ; arrérages de rentes ; revenus des domaines du département de la guerre : fr. 325,000

« Produits des houillères domaniales de Kerkraede : fr. 270,000

« Intérêts des créances du fonds de l’industrie, de créances ordinaires et d’avances faites pour bâtiments d’écoles : fr. 175,000

« Restitutions et dommages-intérêts et matière forestière : fr. 4,000

« Restitutions volontaires : fr. 1,000

« Total : fr. 4,365,000.

Trésor public

« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, ventes de vieux effets) ; fr. 30,000

« Intérêts de l’encaisse de l’ancien caissier-général, sans préjudice aux droits envers le même caissier, dont il est fait réserve expresse : fr. 600,000

« Produits de l’emploi des fonds de cautionnements et consignations : fr. 220,000

« Abonnements au Moniteur et au Bulletin officiel : fr. 53,000

« Produits des haras : fr. 15,000

« Produits des établissements modèles pour la culture du mûrier et l’éducation des vers à soie : fr. 6,000

« Produits de l’école vétérinaire et d’agriculture : fr. 77,000

« Total : fr. 1,001,000. »

Discussion du tableau des recettes (IV. Remboursements)

Contributions directes, cadastre, douanes et accises, etc.

« Prix d’instruments fournis par l’administration des contributions, etc. : fr. 1,000

« Frais de perception des centimes provinciaux et communaux : fr. 60,000 »

« Solde des comptes : fr. 60,000. »

« Total : fr. 61,000. »

Enregistrement, domaines et forêts

Avances faites par le ministère des finances

« 2 p.c. sur les payements faits pour le compte de saisies réelles : fr. 3,500

« Frais de poursuites et d’instances ; frais de justice en matière forestière : fr. 17,000

« Recouvrements sur les communes, les hospices et les acquéreurs des bois domaniaux, pour frais de régie de leur bois : fr. 167,000

« Frais de perceptions faites pour le compte de tiers : fr. 28,000.

Avances faites par le ministère de la justice

« Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle, de simple police, etc. : fr. 130,000

« Frais d’entretien, de transport et de remplacement de mendiants ; d’entretien et de remplacement de mineurs, d’enfants trouvés, etc. : fr. 18,000

Avances faites par le ministère des travaux publics

« Frais de justice devant les conseils de discipline de la garde civique : fr. 1,500 Adopté.

Trésor public

« Recouvrement d’avances faites par le ministère de la justice aux ateliers des prisons pour achats de matières premières : fr. ; 1,350,000 francs.

« Recouvrement d’une partie des avances faites par le département de la guerre aux corps de l’armée pour masse d’habillement et d’entretien : fr. 300,000

« Recouvrement d’une partie des avances faites aux régences par le département de la guerre, pour construction d’écurie destinées à la cavalerie : fr. 40,000

« Recouvrement d’avances faites à des provinces et à des communes, et autres recettes diverses : fr. 150,000.

« Pensions à payer par les élèves de l’école militaire : fr. 49,600.

« Versement des sommes allouées aux budgets des communes et des provinces pour le transport des dépêches : fr. 60,000

Discussion du tableau des recettes (V. Recettes pour ordre)

« Produits des amendes, saisies et confiscations opérées par l’administration des contributions : fr. 120,000.

« Cautionnements versés par les comptables de l’Etat : fr. 80,000.

« Cautionnements versés antérieurement à la révolution, et dont les fonds sont en Hollande (pour mémoire)

« Expertise de la contribution personnelle : fr. 30,000.

« Produit d’ouverture des entrepôts : fr. 14,000.

« Total : fr. 244,000.

Fonds de dépôts

« Consignations : fr. 30,000. »

Discussion des dispositions légales

Articles 1 à 4

(Les cinq premières lignes de la première colonne du Moniteur sont illisibles) extraordinaires, tant pour le fonds des non-valeurs qu’au profit de l’Etat, ainsi que la taxe des barrières, continueront à être reconduits, pendant l’année 1839, d’après les lois et tarifs qui en règlent (un mot illisible)

« Toutefois, à titre de subvention extraordinaire, les centimes additionnels aux droits de douane, de transit et de tonnage, sont portés de treize à quinze ; ceux aux droit d’accise sur le sel, les vins étrangers, les bières, vinaigres et sucres sont portés de vingt-six à trente.

« Ceux aux droits de timbre, d’enregistrement, de greffe, d’hypothèques et de successions, sont également portés de vingt-six à trente.

« Il sera perçu dix centimes additionnels à l’accise sur la fabrication des eaux-de-vie indigènes ; il sera, en outre, prélevé dix centimes supplémentaires sur le principal et les additionnels au profit de l’Etat et du fonds des non-valeurs des impôts foncier, personnel et des patentes, ainsi que de la redevance des mines.

« La disposition de l’article 15 de la loi du 20 décembre 1835 (n°859) est renouvelée pour l’exercice 1839.


« Art. 2. D’après les dispositions qui précèdent, le budget des recettes de l’Etat, pour l’exercice 1839, est évalué à la somme de 104,095,931 fr. (la subvention extraordinaire s’élève à la somme de 4,567,675 fr.) et les recettes pour ordre à celle de 244,000 fr., le tout conformément au budget ci-annexé.


« Art. 3. Pour faciliter le service du trésor, pendant le même exercice, le gouvernement pourra, à mesure des besoins de l’Etat, renouveler et maintenir en circulation, jusqu’à concurrence de la somme de 42,000,000 les bons du trésor dont la création a été autorisée par la loi du 16 février 1833 (n°157).


« Art. 4. La présente loi est exécutoire le 1er janvier 1839. »

- Ces articles sont adoptés séparément.

Vote sur l’ensemble

Cette loi, dans son ensemble, est soumise à l’appel nominal et est adoptée à l’unanimité des 66 membres qui prennent part à la délibération.

Trois membres se sont abstenus de voter : ce sont MM. de Langhe, Gendebien et Seron. Aux termes du règlement, ils sont invités à exposer les motifs de leur abstention.

M. de Langhe. - Messieurs, je suis resté dans la persuasion que nous avons à notre disposition d’autres moyens que la création de centimes additionnels pour parvenir à notre but ; je n’ai donc pu les voter en ce moment ; cependant, je ne puis refuser au gouvernement les subsides qu’il juge nécessaire ; dans cette position, j’ai dû m’abstenir.

M. Gendebien. - Je vote tous les ans contre le budget des recettes, parce que tous les ans je le trouve mal assis, et que je trouve mauvaises et injustes les bases de la répartition des impôts. Cette année, j’ai une raison de plus pour voter contre le budget des voies et moyens puisque je repousse les centimes additionnels ; cependant je n’ai pas voulu voter contre le budget actuel à cause de l’interprétation fâcheuse qu’on aurait pu donner à mon vote dans la position critique où nous nous trouvons ; je n’ai pas non plus voulu en voter l’adoption puisque je me serais mis en contradiction avec tous mes précédents, et que d’ailleurs je n’admets pas les centimes additionnels.

M. Seron. - Les motifs de mon abstention sont ceux que vient d’exposer l’orateur que vous venez d’entendre.

- Ont voté l’adoption du budget des voies et moyens :

MM. Angillis, Beerenbroeck, Bekaert, Berger, Coppieters, Cornel, de Brouckere, de Florisone, de Foere, de Longrée, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Donny, Dubus (aîné), Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Lecreps, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson Polfvliet, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verdussen, Vergauwen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Zoude, Raikem.

Le budget des voies et moyens sera envoyé au sénat.

Ordre des travaux de la chambre

La chambre consultée décide que sa prochaine séance publique et générale aura lieu lundi, 10 décembre, et qu’elle s’occupera du budget de la marine, du budget particulier de la chambre, des pétitions et des naturalisations s’il y a lieu.

M. Dumortier demande que les rapporteurs des sections centrales chargées de l’examen des budgets des dépenses des différents départements ministériels soient invités à hâter leur travail.

M. le président fait observer que les sections centrales n’ont pas cessé de travailler depuis leur formation.

- La séance est levée un peu avant 5 heures.