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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 8 février 1850

Séance du 8 février 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 695) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à midi et quart.

La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants de Passchendaele prient la chambre de voter l'allocation demandée par le gouvernement pour continuer la fabrication des toiles russias. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi de crédits supplémentaires au département de la justice.


« Plusieurs propriétaires et cultivateurs de la commune de Glabbeek-Suerbempde déclarent adhérer aux observations présentées par les habitants de Tirlemont contre le projet de loi sur les denrées alimentaires. »

« Même adhésion des propriétaires et cultivateurs de Capellen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.


« Plusieurs administrations communales, dans la Flandre orientale, prient la chambre de modifier les dispositions qui règlent les frais d'entretien des indigents. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs pharmaciens, dans la province de Hainaut, présentent des observations contre la disposition du projet de loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire, qui accorde aux médecins et aux maréchaux vétérinaires la faculté de délivrer des médicaments. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Les membres du conseil communal d'Hornu demandent une réduction des droits de navigation sur les canaux de Mons à Condé et de Pommerœul à Antoing, la liberté de passer par l'Escaut français pour se rendre en Belgique, sans acquitter les droits du canal de Pommerœul à Antoingt et la mise en adjudication du canal de Jemmapes à Alost, ou au moins de Jemmapes à Ath.

« Même demande des membres du conseil communal de la Bouverie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Il est fait hommage à la chambre, par le bureau de l'association pharmaceutique de Belgique, de 108 exemplaires d'une brochure traitant de la préparation et de la vente des médicaments destinés aux animaux domestiques par V. Pasquier.

- Distribution aux membres de la chambre.


M. Jullien demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Peers. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre quelques rapports sur des demandes en naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

M. de Perceval (pour une motion d’ordre). - Je fais à la chambre la proposition de mettre à la suite des objets que nous avons à l'ordre du jour, ces demandes de naturalisation, ainsi que toutes celles sur lesquelles, depuis l'ouverture de la session, des rapports ont été déposés par les membres de la commission des naturalisations, dans plusieurs séances précédentes.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi sur les denrées alimentaires

Discussion des articles du tarif

Bétail

M. le président. - La discussion continue sur l'article « Bétail ». Voici un nouvel amendement présenté par MM. Liefmans et Reyntjens :

« Nous avons l'honneur de proposer de modifier le tarif annexé à la loi du 31 décembre 1835, ainsi qu'il suit :

« Taureaux, bœufs, vaches, taurillons et bouvillons, par kilogramme, poids brut, 5 centimes.

« Génisses ayant encore 4 dents de lait, 2 centimes.

« Veaux, 2 centimes. »

M. Liefmans. - Messieurs, quels que soient les développements que l'on veuille donner à cette discussion, elle doit avoir pour effet la perception d'un droit sur le bétail à son entrée en Belgique. Je remarque que les partisans du libre-échange et ceux de la protection sont d'accord sur ce point. Ce qui les divise, c'est plutôt le nom que la chose; car les uns qualifient ce droit de mesure fiscale, les autres de mesure protectrice, de prime.

Pour moi, j'attache plus de prix à la chose qu'au nom. Comme mesure fiscale, ou, comme prime, je désire que ce droit soit, non pas exagéré, mais même aussi peu élevé que possible. C'est pour parvenir à ce but que mon honorable collègue M. Reyntjens et moi nous vous présentons un amendement qui, tout en s'écartant de la proposition de la section centrale, se rapproche autant que possible de la proposition du gouvernement.

Notre amendement me paraît de nature à obtenir un accueil favorable. Il me paraît de nature à concilier les deux opinions divergentes qui se manifestent dans cette enceinte, soit au point de vue de l'assiette du droit, soit au point de vue de son importance.

Nous donnons, messieurs, par notre proposition, la préférence au droit au poids, parce que ce droit peut s'établir avec plus d'égalité que le droit par tête. Le droit par tête, messieurs, hier l'honorable M. Mercier nous l'a dit, frappe aveuglement, car un bœuf gras, qui pèse, par exemple, plus de 500 kilog., cl le bœuf maigre qui pèse plus de 300 kilog., ne payent que 15 fr., tout comme la tête de bétail maigre qui ne pèse pas 200 kilog. et qui ne vaut pas 100 fr.. c'est-à-dire que l'un paye 5 p. c. seulement, tandis que l'autre paye 15 p. c.

L'impôt par tête, messieurs, présente cet inconvénient qu'il attire en Belgique le bétail maigre de la plus grande dimension et qu'il en écarte celui de moyenne et de petite dimension. Il a encore cet inconvénient de ne pas attirer en Belgique le bétail gras de la plus grande dimension et de n'y appeler, au contraire, que le bétail gras de moyenne et de petite grandeur.

Que le droit par tête attire le bétail maigre de la plus grande dimension et qu'il écarte celui de moyenne grandeur, c'est facile à démontrer. Supposons d'abord l'importation d'un bœuf do 500 kilog. et plus; il aura une valeur de 300 fr.; l'impôt par tête sera de 15 fr., c'est-à-dire de 5 p c de sa valeur. Le bétail maigre de son côté, qui n'a qu'une valeur de 100 fr., paye aussi 15 fr., c'est-à-dire 15 p. c; que résulte-t-il de là?

(page 696) C'est qu'on a intérêt ù importer du bétail maigre de la plus grande dimension.

Cependant, comme on l'a dit, messieurs, l'élève du bétail n'est pas assez considérable en Belgique et peut-être l’assiette actuelle du droit en est-elle cause. Il faut encourager non seulement l'importation du bétail de la plus grande dimension mais aussi, et surtout, comme on l'a fort bien fait remarquer, le bétail de taille moyenne.

Eh bien, messieurs, le meilleur moyen d'arriver à ce but c'est de ne pas établir sur le bétail de petite taille un impôt double, triple même de celui que l'on perçoit sur le bétail de grande dimension.

Il est facile de comprendre que le droit par tète favorise l'importation du bétail de grande dimension. En effet, deux animaux pesant ensemble 500 kilog. payeront 30 fr., alors qu'un seul animal pesant 500 kilog. ne payera que 15 fr. Il faut ajouter à cela que deux bœufs sont plus difficiles à transporter et occasionnent plus de dépenses que n'en entraîne le transport d'un seul bœuf, de même que la conduite de quatre bœufs entraîne plus de dépenses que n'en exige celle de deux.

Il nous est impossible, messieurs, d'effacer complètement ces inconvénients, car cela nous mènerait beaucoup trop loin ; mais il faut cependant faire en sorte que le kilogramme de viande d'un petit animal ne paye pas davantage que le kilogramme de viande d'un grand animal.

Il faut que le kilog. de chair porté par l'animal de petite dimension, ne paye pas plus que le kilog. de chair porté par l'animal plus pesant.

J'ai dit aussi, messieurs, que le système actuel n'a pas l'avantage de faire arriver en Belgique le bétail gras de la plus grande dimension, et c'est ce que M. le ministre des finances vous a confirmé hier : « L'importation du bétail gras n'a pas augmenté, il y a même diminution sous ce rapport. » On vous a fait observer avec raison que le bétail gras de la plus grande dimension s'exporte de préférence en Angleterre; il en résulte que le bétail gras qui est introduit en Belgique est évidemment de la taille moyenne ou petite.

Pour quel motif exporte-t-on de préférence en Angleterre le bétail gras de la plus grande dimension? Peut-être pour une raison analogue à celle qui fait introduire ici le bétail maigre de la plus forte taille. L'intérêt seul porte les Hollandais à exporter en Angleterre le bétail gras de la plus grande dimension. On paye les frais de transport assurément également par tête, au lieu de les payer au poids. Si cela est, si l'on paye le transport par tête, il y a de l'avantage à faire passer par bateau à vapeur en Angleterre le bétail de la plus grande dimension, car il arrivera que le bœuf gras, pesant 600 à 700 kilog., ne payera par tête que 40 fr. par exemple, tandis que le bœuf pesant 300 kilog. payera la même somme, et que deux bœufs qui n'ont que le même poids en payeront 80.

Tout ce que je viens de dire, non seulement me paraît probable ; mais même je le crois bien certain. Si, messieurs, vous en voulez la preuve, elle se trouve dans la statistique inexplicable que M. le ministre des finances nous a donnée dans la séance d'hier. Nous y avons vu que l'administration douanière avait formulé son opinion relativement àli'état d'embonpoint qu'avaient les bestiaux à leur entrée en Belgique, et elle a jugé qu'il n'y avait qu'une différence de 25 à 30 kilog. entre le bétail maigre et le bétail gras....

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Comme moyenne.

M. Liefmans. - Absurdité pour moyenne comme pour toute autre chose.

Mais voici où vous conduit la statistique : elle vous conduit naturellement à cette conclusion qu'on introduit en Belgique du bétail gras de la plus petite dimension et qu'on y introduit du bétail maigre de la plus grande dimension. Je vois dans ces détails statistiques la preuve que le bétail maigre de la plus grande dimension est introduit en Belgique de préférence au bétail de moyenne grandeur, c'est-à-dire que les animaux âgés, vieux, sont introduits préférablement aux jeunes. Or, je crois qu'il est dans l'intérêt bien entendu de l'agriculture, qu'il est de l'intérêt de l'élève du bétail que ce soient les animaux jeunes qui nous soient importés de préférence. Pour arriver à ce but, le gouvernement prend un moyen tout à fait opposé.

Notre amendement cherche à remédier à cet inconvénient. Nous disons que la taxe sera perçu au poids. Notre système n'obviera pas à tous les inconvénients. L'honorable M. Mercier l’a dit hier avec justesse en répondant à l'honorable M. Bruneau : Nous avons toujours ce mal que le bétail maigre payera un peu plus que le bétail gras, si vous en considérez la valeur; mais s'il fallait porter remède à cet inconvénient, vous en rencontreriez de bien plus graves; vous auriez la difficulté de faire constater quel est l'animal qui est gras et quel celui qui ne l'est pas; il faudra recourir à des formalités et on ne pourrait éviter les contestations.

Mais quand on ne peut pas atteindre complètement le but qu'on se propose, s’ensuit-il qu'on doive renoncer aux moyens d'y parvenir dans une certaine proportion je dirai même en grande partie. Je conviens que vous aurez toujours l'inconvénient de frapper du même droit le kilogramme de bétail gras qui vaut 1 franc, que le kilogramme de bétail maigre qui vaut que 60 centimes. Nous ne pouvons pas y porter remède sans rencontrer des inconvénients plus graves, sans provoquer de fréquentes contestations, mais nous aurons beaucoup fait en taxant le bétail au poids.

Hier on a fait une observation relativement à la perception du droit au poids; M. le ministre des finances nous a parlé d'un régiment de douaniers à réorganiser, de formalités sans nombre à rétablir, ce qui entraînerait le pays dans des dépenses plus considérables que celles que nécessiterait la perception par tête, ce qui, de plus, aurait pour résultat de vexer tout le monde, au point de dégoûter et les importateurs et les acheteurs.

Il y a là de l'exagération, et beaucoup d'exagération. Il ne me semble pas plus difficile de percevoir le droit au poids que par tête.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas là l'objection ; ce n'est pas la tarification au poids, mais l'élévation de droit qui entraîne les difficultés dont j'ai parlé.

M. Liefmans. - J'allais y venir. Je disais que les formalités dont parlait M. le ministre étaient chimériques, car la perception du droit au poids ne présente pas plus de difficulté que la perception par tête. La raison en est simple. Si l'on veut percevoir le droit par tête, il faut voir l'animal, l'examiner dans certaines circonstances très minutieusement; surtout quand il s'agit de génisses, il faut s'assurer si la génisse a deux fortes dents ou plus. C'est une formalité qui demande des connaissances spéciales. On doit même souvent recourir au pesage, cela est nécessaire pour constater si le veau pèse plus ou moins de 30 kilog.

Ce n'est pas, comme j'ai eu l'honneur de le dire et comme me l'a fait observer M. le ministre des finances ; ce n'est pas la perception au poids qui doit entraîner des formalités et des dépenses, c'est le droit élevé; ; nous sommes parfaitement d'accord que c'est le droit élevé qui entraînerait des formalités nouvelles parce qu'il stimulerait la fraude et mettrait le gouvernement dans la nécessité de faire les dépenses signalées par M. le ministre. Messieurs, c'est justement pour cette raison que nous avons repoussé la proposition de la section centrale.

Notre amendement a l'avantage de se rapprocher tellement de la proposition du gouvernement que je ne vois pas comment on pourrait le repousser.

Nous proposons le droit de 5 centimes par kilogramme sur le bétail, si on veut faire la compensation; si nous voulons défalquer de ce droit le quart, conformément au traité avec la Hollande, il en résultera que nous aurons à peu près le droit proposé par le gouvernement; s'il y a un excédent, il sera très faible.

Prenons un bœuf pesant 400 kilogrammes; nous proposons 20 francs, défalquez le quart, le droit sera de quinze, c'est la proposition du gouvernement. Supposez le poids de cinq cents kilogrammes, vous avez 25 fr., dont il s'agit de défalquer le quart; mais si le bœuf pèse seulement deux cents kilogrammes, il ne payera plus que 10 fr. au principal, et, déduisez le quart, il restera fr. 7-50.

Si vous opérez sur une plus vaste échelle, si vous prenez un taureau de 600 kilog., vous arrivez au chiffre de 30 fr., mais il faut toujours diminuer de 25 p. c. Ce ne sera jamais une augmentation considérable; j'admets qu'il y en aurait parfois quelque peu, mais vous aurez un dédommagement dans une importation bien plus considérable, car le petit bétail va arriver en plus grande quantité; il ne payera plus quinze francs par tête, le plus souvent il payera tout au plus dix francs.

Vous aurez une augmentation dans les importations. Vous aurez beaucoup plus d'animaux qui pèseront 220 kilog. environ, que vous n'en avez actuellement.

Dans la proposition que vous a faite la section centrale, elle a tenu compte de la décision de la chambre relativement aux denrées alimentaires, car nous nous trouvons aujourd'hui devant un système de protection. Le gouvernement proposait un droit de 50 cent. Le système préconisé par l'opposition tendait à obtenir un droit beaucoup plus élevé. A la fin, on est tombé d'accord. On a majoré un peu la proposition du gouvernement. Si nous suivions cet exemple, ce ne serait également qu'en vue d'obtenir une transaction, pour pouvoir nous rencontrer sur un même terrain pour pouvoir nous fixer sur un même chiffre.

Sous ce rapport, l'amendement présente un avantage : il tranche la question du mode de tarification et de la quotité du droit. Nous proposons le droit au poids; c'est de toute justice. Le droit doit être très modéré. Notre proposition est très modérée. Je crois qu'on peut s'y rallier.

Il est inutile de vous dire qu'en vue de favoriser l'agriculture nous avons proposé un droit réduit de moitié pour les génisses et les veaux.

Cette mesure était vivement sollicitée dans l'intérêt de l'agriculture. Car on se plaint de ce que le nombre des bestiaux est trop restreint. Un droit minime favorise l'introduction des génisses, qui sont presque toutes destinées à la reproduction. C'est par ce motif que nous avons cru devoir proposer le droit de deux centimes seulement.

M. Manilius. - Messieurs, je voterai pour un droit modéré, parce que je veux protéger l'agriculture et l'élève du bétail. J'aurai très peu de chose à ajouter au discours qui vient d'être prononcé par l'honorable préopinant. J'appuie son amendement.

Je suis d'avis qu'il faut nécessairement l'établir par la perception au poids. La perception au poids doit nécessairement être admise. Je ne répéterai pas ce qu'a dit mon honorable collègue et ami. M. Liefmans. Le droit au poids frappe le gros et le petit bétail, d'après sa valeur. Notre proposition est donc parfaitement équitable.

C'est lorsque M. le ministre des finances s'est oppose à l'adoption de la perception au poids, en raison des difficultés d'exécution, que j'ai pris la parole. J'ai cl- extrêmement frappé des objections que M. le ministre des finances a fait valoir hier.

Il vous a dit que, pour percevoir le droit sur le bétail au poids, il fallait recourir à des moyens très dispendieux, augmenter le personnel de la douane, commencer par l'augmentation d'une centaine de douaniers, qui nous entraînerait à une dépense première de 100,000 fr. C'est l'estimation qu'il a faite de la dépense pour cent douaniers, pour le cas où nous admettrions le système de la perception du droit au poids.

(page 697) Quelques moments auparavant, M. le ministre des finances nous avait dit (je regrette de ne pas l'avoir lu dans le Moniteur, son discours n'ayant pas paru), que l'on avait opéra une très grande économie sur la dépense relative à la douane; que ‘on avait diminué le personnel de la douane au moins de 400 personnes. Je crois, M. le ministre, que c'est bien là le chiffre que vous avez indiqué.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, j'ai dit que le personnel avait été diminué de 400 personnes, si l'on compare l'organisation de 1846 à celle de 1849.

M. Manilius. - J'aime, par le temps qui court, à être précis, c'est pourquoi je vous ai demandé si le chiffre que j'indique est exact.

Messieurs, j'ai eu depuis longtemps l'habitude de m'assurer des chiffres qui concernent la surveillance de la perception des droits que nous votons dans cette enceinte. Car aussi longtemps que nous n'aurons pas le système d'économie politique qui professe le libre-échange, je tiens à ce qu'on assure par une exécution sincère et franche toutes les lois que nous votons dans un autre système.

Je serais le premier à applaudir, si ce système de la liberté des échanges pouvait nous être accordé. Mais pour échanger librement, il faut ne pas rester seul; il faut se marier avec une autre nation pour opérer ce libre-échange; nous ne pouvons pas échanger seul. Or, aussi longtemps que nous ne serons pas mariés à une autre nation pour faire les échanges, nous aurons besoin d'avoir une ligne de douane qui assurera la perception des droits, aussi légers qu'ils soient. Par cette raison, tout en étant libre-échangiste, j'userai de tous mes moyens pour assurer l'exécution de nos lois de protection, de cette protection que nous devons conserver à défaut de mieux.

Messieurs, ayant toujours eu soin de me tenir au courant du chiffre de la dépense de la douane, j'ai été extrêmement étonne d'apprendre hier qu'à mon insu on eût supprimé 400 douaniers. Car je suis habitué à élever la voix tous les ans à cet égard dans cette enceinte.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est une armée de 4,000 hommes.

M. Manilius. - M. le ministre de l'intérieur, je vous prie de m'écouter et de ne pas m'interrompre ; mais puisque vous désirez paraître dans la discussion, je vais tout à l'heure m'occuper de vous.

Messieurs, je vais vous donner aussi une statistique, c'est celle du budget de la douane. Si je n'avais pas eu pour auxiliaire l'honorable M. Rogier, je ne pourrais pas le faire.

En 1843, et les années précédentes, nul de nous ne pouvait savoir quelle était la dépense pour la douane. J'ai eu à cet égard une correspondance suivie avec la cour des comptes; je me suis adressé à la cour elle-même pour connaître quelle était la dépense relative au personnel chargé de la surveillance de la douane. Eh bien, le président de la cour des comptes m'a répondu qu'il y avait impossibilité matérielle à me le donner ; parce que la douane, les accises, la surveillance de l'or et l'argent, etc., ne formaient qu'un seul article au budget, et que dès lors il était impossible de pouvoir se rendre compte de la dépense pour chacun de ces services, à moins de dépouiller des mètres cubes de pièces justificatives.

Sur ce fait, j'ai insisté pendant plusieurs années à la chambre, et il m'est arrivé le grand hasard, l'extrême bonheur de me voir appuyé par l'honorable M. Rogier; j'ai obtenu en 1843 la division de l'article. L'honorable M. Rogier était très porté alors à soutenir nos instances, à rectifier les erreurs, à ce que les ministres satisfissent à nos vœux, et loin de m'interrompre, il m'appuyait. Il disait que mes objections étaient fondées, qu'il fallait connaître ce que la douane coûtait; et nous avons obtenu ensemble, par nos instances, ce que nous désirions, c'est-à-dire la division de l'article qui comprenait les accises et les douanes. Nous avons maintenant le plaisir de pouvoir voir ce que, depuis 1844, nous coûte la douane, et je vais vous le dire; vous serez tout étonnés d'apprendre que les 400 douaniers n'ont pas disparu.

Messieurs, après avoir eu le bonheur de pouvoir, avec l'aide de l'honorable M. Rogier, me rendre compte de la dépense de la douane, j'ai veillé tous les ans à ce que cette dépense ne fût pas trop réduite. Car je ne veux pas qu'on se relâche d'une surveillance active de l'exécution de nos lois, et notamment de nos lois de douane qui, quoi qu'on en dise, frappent l'étranger; et voici ce que j'ai remarqué :

En 1844, première année où il nous a été possible de savoir ce que coûtait la douane, le chiffre de la dépense a été de 3,950,200 fr., en 1845, de 3,950,608 fr. et en 1846, de 3,,950,200.

Jusque-là nous avons eu ce système si pénible de la tarification au poids dont l'honorable M. Frère nous a fait hier le tableau.

Savez-vous ce que nous a coûté depuis la douane, c'est-à-dire après l'économie des 400 douaniers, et la libre entrée du bétail? Elle nous a coûté non plus 3,950,200 francs aujourd'hui, mais 3,999,050 francs. La dépense a été élevée même au-delà, au moment où l'honorable M. Frère est entré au ministère. J'ai applaudi alors pour la première fois à ses tendances ; j'ai dit : Voilà un ministère libéral comme il nous le faut. Que nous demandait l'honorable M. Frère? Il nous demandait, non pas 3,999,050 francs, mais 4,107,000 francs. Je ne lui ai pas demandé pour quoi il y avait une augmentation ; je n'ai rien dit, j'ai laissé faire.

En 1849, le chiffre a encore été voté à 3,999,050 francs ; et cependant la surveillance pour l'entrée du bétail n'était pas difficile, il y avait un droit fixe.

Dans le budget de 1850, que nous avons voté il y a quelque temps, on nous a encore demandé 3,999,050 francs, c'est-à-dire près de 4 millions. Et on vient nous dire qu'il y a économie de 400 douaniers, et que si nous votons le droit au poids, il y aura augmentation de cent mille francs!

Je m'attends à ce que M. le ministre me réponde tout à l'heure : Mais ce ne sont que des demandes de fonds, ce n'est pas la dépense qui a été faite.

Il est certain que je ne sais pas ce qu'on dépensera en 1850, que je ne sais pas non plus ce qu'on a dépensé en 1849, que je ne sais même pas ce qu'on a dépensé en 1848, puisqu'on ne nous rend compte que trois ans après; mais je suis sûr de ce qui a été dépensé en 1846, par le compte-rendu qu'on nous a présenté il y a peu de temps sous le n°3. Eh bien, dans cette pièce je vois qu'on a tout dépensé, à 24,000 fr. près; or je pense qu'il en sera de même pour les autres budgets.

Ainsi, messieurs, je crois que l'objection faite par M. le ministre n'est réellement qu'un épouvantail et qu'il n'y aurait rien à dépenser pour les douaniers nouveaux, d'autant plus que, pour empêcher la fraude d'un droit par tête, il faut la même surveillance que pour empêcher la fraude d'un droit au poids, et je pense qu'en votant provisoirement le droit par tête, on n'a pas eu l'intention de se relâcher de la rigoureuse perception de ce droit.

Ceci posé, messieurs, je dois insister de nouveau sur la nécessité et la logique de la perception du droit au poids.

Tous les objets qui figurent dans notre tarif de douanes sont tarifés au poids, à l'exception d'un petit nombre d'articles pour lesquels la perception au poids est impossible. Pour tous les autres articles, la perception au poids a été substituée à la perception à la valeur, parce que les visiteurs ne sont pas toujours aptes à bien apprécier la valeur, tandis que la balance est toujours apte à constater le poids.

Messieurs, nous avons une quantité d'objets qui viennent aussi en volumes de 400 à 500 kil., par exemple les caisses de sucre du Brésil ou de la Havane; or jamais il n'est venu à la pensée de personne d'imposer les caisses de sucre de la Havane par caisse. (Interruption.) Si on ne pesait pas les caisses, elles doubleraient bientôt de volume. Il y a un droit sur le café, est-ce qu'on le perçoit par balle? Il y a un droit sur les vins, est-ce qu'on le perçoit par barrique? Mais non, messieurs, on pèse les balles de café, on jauge les barriques de vin. On fait la même chose pour toutes les marchandises sujettes à l'entrepôt.

Je crois que la chambre sera convaincue qu'il faut maintenir le droit au poids. C'est ce qu'il y a de plus équitable, de plus juste. Quant à la déclaration de M. le ministre des finances, je crois qu'elle n'effrayera personne, puisque nous avons voté cette année 3,999,050 fr. pour la douane, c'est-à-dire une somme plus forte que celle que l'on dépensait en 1846, lorsque le droit était établi au poids. J'ai dit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Manilius a eu le malheur, dans le discours qu'il vient de prononcer, de s'occuper de toute autre chose que des observations que j'ai présentées; il s'est donné un mal fort inutile pour rencontrer des objections qui n'étaient point sorties de ma bouche et il n'a pas répondu un seul mot aux objections sérieuses que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre.

L'honorable M. Manilius, bien que je vinsse un instant auparavant d'avertir l'honorable M. Liefmans, l'honorable M. Manilius s'est dit : Toute la difficulté consiste dans le point de savoir si la tarification aura lieu au poids ou par tête, et le gouvernement prétend que tous les embarras vont résulter de la tarification au poids. Le gouvernement prétend (c'est toujours la supposition de M. Manilius) que par cela seul que la tarification aura lieu au poids, il faudra augmenter le personnel de la douane.

Eh bien, non, il n'y a pas un seul mot dans tout cela qui soit exact. Voici ce que le gouvernement a déclaré : si le droit est élevé il faut en revenir aux mesures de surveillance et de précaution prescrites par la loi de 1835, et ces mesures nécessiteront un accroissement de dépenses. Il a ajouté que, abstraction faite de la question de dépenses, que l'on pourrait, à la rigueur, considérer comme accessoire, il y a encore la question d'inquisition, de vexation à l'égard d'une grande partie des contribuables. Voilà à quoi vous ne répondez pas...

M. Manilius. - J'ai dit que ce serait la même chose avec le droit par tête comme avec le droit au poids.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est possible que l'honorable membre ne se préoccupe pas de cela ; il lui est parfaitement indifférent, vivant au milieu de la ville de Gand, qu'on oblige les cultivateurs de la frontière, sous prétexte de protéger l'agriculture, à donner le détail de tout ce qu'ils possèdent, à faire une foule de démarches extrêmement gênantes et onéreuses, à subir d'intolérables vexations. Cela importe fort peu à M. Manilius, mais cela importe beaucoup aux cultivateurs auxquels je m'intéresse pour ma part....

M. Manilius. - Vous le faites pour le sel et pour le genièvre,

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a pas de législation plus vexatoire, plus inquisitoriale que la loi de 1835 et il est impossible, sous une semblable législation, de surveiller la perception d'un droit élevé.

M. Manilius. - J'appuie l'amendement de M. Liefmans; je ne demande donc pas un droit élevé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je suis disposé à déposer sur le bureau tous les documents administratifs concernant cet objet. Voici la vérité :

Lorsque le gouvernement a établi ce droit qualifié de si modéré, lorsqu'il a établi ce droit par l'arrêté du 31 décembre 1848, les fonctionnaires de l'administration ont émis immédiatement cette opinion que (page 698) même pour ce droit il fallait en revenir aux mesures de surveillance formulées par la loi de 1838.

An simple bruit que ces mesures pouvaient, de nouveau, être appliquées, les plus vives réclamations vous ont été adressées et ont été adressées au département des finances.

J'ai été interpellé dans cette chambre, et j'ai répondu que j'examinerais avec le plus grand soin les réclamations, que je ferais tout ce qui dépendrait de moi pour éviter le retour d'un pareil système, que je rechercherais avec le plus grand soin les moyens d'assurer la perception du droit de 15 fr., d'empêcher la fraude et d'éviter en même temps les mesures vexatoires dont tout le monde s'était plaint.

Divers projets ont été formulés et adressés aux fonctionnaires administratifs en province, et voici ce que les fonctionnaires entendus ont unanimement reconnu nécessaire de maintenir :

Compte ouvert au bureau du ressort avec chaque détenteur ;

Déclaration de chaque mutation par suite de vente, d'achat , de naissance, d'abatage ou de décès ;

Obligation de lever un document pour la circulation du bétail dans la commune;

Autres formalités si le bétail sort de la commune; dans ce cas, il faut indiquer le lieu de destination, la route à suivre, le délai pour y arriver, visa aux postes ou bureaux de passage.

Pour chacune de ces opérations il faut indiquer exactement le signalement du bétail : espèce, âge, couleur dominante de la robe et de la tête, marques particulières, etc., etc.

Dès que le bétail sort de l'écurie, soit en troupeau, soit par tête isolément, il doit être couvert par un document de douane. Lorsqu'il est à l’écurie, il est soumis au recensement des employés.

Contravention, amende, confiscation, le cas échéant, s'il y a manquant, excédant ou différence dans le signalement. Ajoutez à cela des courses à faire pour se rendre au bureau de leur ressort, pour obtenir les documents exigés, courses qui seraient aujourd'hui plus longues par suite de la suppression du quart à peu près des bureaux, et vous aurez une idée des douceurs du régime que l'on veut nous contraindre à établir.

Et ce régime serait probablement insuffisant pour assurer la perception d'un droit supérieur à 15 francs par tête ; il faudrait, pour un droit plus élevé, revenir au régime odieux de la loi de 1835 ! C'est là ce que nous repoussons de toutes nos forces.

M. Manilius. - La loi n'a pas fait cela, ce sont des mesures fiscales.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Que l'honorable M. Manilius me permette de lui dire que ces mesures sont écrites dans la loi de 1835; Si loi de 1845 a autorisé le gouvernement à modifier les formalités, et tout ce que le gouvernement a pu faire, a été de faire disparaître quelques formalités qui n'étaient pas essentielles. Mais tous les faits que je viens de relever, sont ceux qui résultent des formalités prescrites par la loi.

M. Manilius. - J'ai soutenu l'amendement de l'honorable M. Liefmans, je veux la mesure au poids.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez, il faut d'abord démontrer quelles sont les formalités indispensables pour assurer la perception d'un droit élevé. Je rencontrerai tout à l'heure toutes les objections relativement à la tarification elle-même.

Messieurs, si le droit est élevé, que la tarification ait lieu par tête ou au poids, voilà donc des formalités; il n'y a là aucune espèce d'épouvantail dressé devant la chambre.

En vérité, je ne sais si l'on peut sérieusement venir faire une pareille objection, prétendre que je viens énoncer ici des choses qui ne seraient pas exactes, pour empêcher que la chambre ne vote librement sur le projet de loi qui lui est soumis.

Encore une fois, c'est la chambre elle-même qui a arrêté ces mesures en 1835, ce sont ces mesures qui ont été maintenues jusqu'au jour où le droit a été entièrement aboli; ce sont ces mesures dont le rétablissement a été demandé le jour où il y a eu un nouveau droit.

Cela posé, l'honorable M. Manilius sera-t-il dans le vrai lorsqu'il appuie l’amendement de l'honorable M. Liefmans? Dira-t-il que les droits au poids sont diminués, pour prétendre qu'il n'y a plus lieu à employer les mesures que je viens d'indiquer ? Tout déperd de la quotité du droit. Combien aurez-vous par le tarif proposé? Avez-vous un droit supérieur à 15 fr. par tête? Alors des mesures de précautions deviennent nécessaires. Voilà la question. Or, vous proposez un droit plus élevé, un droit qui va jusqu'à 27 fr.

Il est donc impossible d'adopter même la proposition de l'honorable M. Liefmans, sans rétablir les mesures que j’ai indiquées. (Interruption.)

L'honorable M. Manilius, qui m'interrompt à chaque mot que je prononce, peut méconnaitre tout cela. Il n'est pas moins vrai que les mesures seront appliquées, quoi qu'il dise et quoi qu'il fasse; sinon, le droit ne sera pas perçu, et alors l'honorable M. Manilius, qui a horreur de la fraude, se plaindra.

Le droit proposé par l'honorable M. Liefmans est même trop élevé. Il faudra recourir aux mesures que j'ai rappelées; il faudra augmenter le personnel, et c'est ici que je rencontre l'objection de l'honorable M. Manilius : « Non, il ne faudra pas une augmentation de personnel. »

L'honorable membre l'affirme: il n\ a pas eu de réduction dans les dépenses de l'administration des finances; l'honorable M. Manilius ne les a pas lui-même votées: l'honorable M. Manilius doit savoir, ou il l'a oublié, et alors je le lui apprends de nouveau, qu'il a voté dans les dépenses du département des finances pour l'exercice 1849 une réduction qui s'élève à un million environ.

M. Manilius. - Pas sur la douane.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre est dans l'erreur; que l'honorable membre compare le budget de 1848 à celui de 1849, il y a sur l'article douane une réduction de 170,000 francs. On peut comparer l'état du personnel existant sous l'empire de l'arrêté organique de 1846 et l'état de celui qui existe sous l'empire de l'arrêté organique de 1849; tout le monde peut faire cette comparaison; pas n'est besoin pour cela de se livrer à des recherches pénibles dans les bureaux de la cour des comptes ; je mettrai cet état sous les yeux de l'honorable M. Manilius, et il verra que le personnel de la douane dont nous nous occupons était, en 1846, d'environ 400 personnes supérieur à celui où il est aujourd'hui.

Je vais donner d'autres renseignements à l’honorable M. Manilius. Dans les six provinces où il serait nécessaire d'établir le régime douanier que je viens d'indiquer, si un droit élevé était établi sur le bétail, il y a aujourd'hui 245 employés de moins qu'il n'y en avait en 1846, Or, ai-je supposé qu'il faudrait rétablir le personnel, tel qu'il était en 1846? Ai-je supposé qu'il faudrait rétablir les 400 douaniers qui existaient en plus sous l'empire de l'arrêté organique de 1846?

J'ai supposé seulement que pour assurer la perception du droit, il faudrait 100 employés de plus, et nous trouvons ainsi une nouvelle dépense de 100,000 francs au moins.

Cela dit, je m'occupe de la tarification, ainsi que de la proposition de l'honorable M. Liefmans. J'apprécie l'intention qui a dirigé l'honorable membre; en proposant son amendement, sa pensée a été de se rapprocher, autant que possible, du droit proposé par le gouvernement.

Si j'ai bien compris l'honorable membre, la seule modification qu'il propose consiste dans la substitution de la perception au poids à la tarification par tête ; mais quant à la quotité du droit, il considère le droit proposé par le gouvernement comme suffisamment élevé! Sous ce rapport donc, nous sommes à peu près d'accord.

Mais l'honorable membre s'est trompé dans la tarification proposée, Il a supposé que, quelle que fût la quotité du droit, il y avait toujours lieu à une réduction déterminée par le traité du 29 juillet 1846; il a supposé que, du moment où l'on fixait un droit même inférieur à 7 centimes par kilog., il y avait encore lieu d'accorder le droit de faveur stipulé par le traité. Là est l'erreur : le traité détermine un droit inférieur à celui qui existait au moment où il a été conclu; c'est un droit de faveur de 7 centimes par kilog.; on a accordé cet avantage à la Hollande; il n'a pas été, paraît-il, dans la pensée des parties contractantes que toute réduction de droit dût encore profiter à la Hollande dans la même proportion.

C'est ainsi que l'arrêté du 31 décembre 1848 a été appliqué sur toutes les frontières. D'ailleurs, la Hollande serait sans intérêt à demander une réduction, dès que le droit est inférieur à 7 centimes, puisqu'elle fait seule à peu près toutes les importations.

Il faudrait donc, pour répondre à la pensée du gouvernement, établir un droit au poids qui représenterait celui de 15 fr. par tête.

Dans cette circonstance, nous serions d'accord avec l'honorable membre. Resterait la difficulté de la perception au poids, qui est indépendante du droit élevé. La tarification au poids présente en elle-même des inconvénients; elle oblige les cultivateurs à de longs détours, à la différence de la perception par tête, qui peut se faire à peu près à tous les points de la frontière, tandis que la perception au poids ne peut se faire qu'à certains bureaux désignés.

On n'opérera, dit-on, qu'au moyen du jaugeage, c'est plus facile; sans doute, mais on peut demander la vérification au poids, et ce n'est pas sans raison qu'on le fait, car il a été constaté que la vérification du même bétail à la jauge et à la bascule présentait des différences assez notables; la vérification à la jauge présentait 4 3/4 p. c. en plus. Encore faut-il pour jauger une certaine expérience, de l'intelligence, une certaine habitude de l'opération, et il faut, en outre, que l'animal soit complètement tranquille; sans cela, les erreurs sont faciles.

On aura donc ces inconvénients, ils sont assez graves. D'un autre côté, les avantages qu'on en espère sont-ils assez considérables pour faire passer sur ces inconvénients ? Voilà ce qu'il faut se demander.

On s'est récrié contre les indications du gouvernement quant au poids du bétail maigre et du bétail gras, et on a fait un raisonnement complètement faux. On a dit : Un bétail maigre étant donné qui est mis à l'engrais, la différence de poids avant et après l'engrais sera de cent kilogrammes environ.

Mais ce n'est pas de cela que je me suis occupé. Tenons le fait pour constant, je n'ai pas été admis à le vérifier, je n'ai pas les connaissances suffisantes pour le contredire. Quel est le renseignement que je vous ai donné? Il n'a rien de commun avec cela. C'est que le bétail gras importé en Belgique est au bétail maigre dans une certaine proportion. Cela ne dit pas qu'un bétail maigre mis à l'engrais dans un temps donné aura un accroissement plus ou moins fort. Nous avons constaté le fait de la qualité du bétail importé. Tel bétail constaté gras à l'importation peut être de petite charpente osseuse, et avoir un poids moins considérable qu'un bétail reconnu maigre, de dimension plus considérable.

Il n'y a là rien de contradictoire avec les faits signalés par MM. Faignart et de Bocarmé, on s'occupe de faits qui n'ont aucun caractère commun.

Les raisons données tenues pour vrai, la conclusion à tirer est celle que (page 699) j'ai indiquée, c'est que l'importation du bétail maigre est plus considérable que celle du bétail gras.

Si ces faits sont constants, le but que vous vous proposez est atteint; le fait prouve que ce que vous voulez obtenir on l'obtient.

Je rappellerai cette considération qu'a fait valoir M. Bruneau, et qui est irréfutable, qu'avec votre système vous donnez une véritable prime à l'importation du bétail gras. Il est vrai, comme l'a fait observer M. Mercier, que dans le système contraire il peut y avoir aussi certaine prime à l'importation du bétail gras si le droit est élevé.

Mais ce que nous répondons, c'est qu’avec la tarification par tête la prime est moins considérable que dans votre système. Ainsi vous allez contre le but que vous voulez atteindre quand vous demandez la tarification au poids avec un droit élevé.

Ces différentes considérations m'engagent dans l'intérêt des cultivateurs de la frontière, dans l'intérêt de l'agriculture et dans l'intérêt du trésor, à persister dans la proposition que j'ai soumise à la chambre, proposition qui a été expérimentée et n'a présenté aucun inconvénient ni provoqué aucune réclamation.

M. Manilius. - Je demanderai la permission de répondre un mot à M. le ministre des finances. Je n'ai pas parlé du personnel, mais des chiffres des allocations.

M. le ministre vient de dire qu'en 1846, il y avait 245 personnes de plus qu'à présent; je lui répondrai que je trouve 18,450 fr. de plus dans le chiffre pétitionné pour 1850 ; que s'il y avait moins de personnes en 1850, il devait demander moins d'argent et qu'il demande plus d'argent. En effet en 1846, le budget pour la douane s'élevait à 3,950,200 fr. et en 1850 à 3,999,050 fr.

Il y a donc augmentation. Où est l'économie du personnel?

M. de Mérode. - J'avais plusieurs choses à dire, messieurs, sur l'ensemble de la loi en discussion. Maintenant, il serait peu convenable d'y revenir. Je me bornerai donc à quelques paroles, pour soutenir la meilleure application du droit sur le bétail.

On parle toujours exclusivement de la consommation à bon marché de toutes les substances, comme si le bon marché n'était pas relatif aux facultés de l'acheteur. Or, l'acheteur pris en masse est absolument comme l'acheteur pris en particulier; et si une nation s'appauvrit par de fausses mesures, peu lui importera de payer un peu moins ce dont elle use, si elle s'est mise en situation de produire beaucoup moins, par conséquent de posséder beaucoup moins.

En favorisant sans exagération, car exagération n'est pas raison, l'agriculture indigène, lui donne-t-on la facilité de produire plus ? Nous répondons d'une manière affirmative Et nous y sommes parfaitement autorisés, puisque l'industrie en général, je ne parle pas des rares exceptions confirmatives de la règle, aime la protection ; et la preuve qu'elle y tient infiniment, c'est que ses délégués dans cette enceinte n'y proposent jamais autrement qu'en paroles de la supprimer.

Bien mieux, plusieurs, y compris le ministère, ont défendu à outrance des primes exorbitantes pour la raffinerie du sucre étranger, lesquelles se prélèvent, non pas au profit du trésor, mais à son détriment.

Maintenant pour écarter l'adoption du droit sur le bétail établi au poids, M. le ministre des finances nous a présenté sous les plus sombres couleurs les mesures nécessaires à sa perception ; et pour les caractériser durement, il a dit qu'elles ressemblaient aux mesures de l'empire. Cependant, sur les frontières de France, là où on se livre à l'élève ou à l'engraissement du bétail, les agriculteurs, les herbagers sentent la nécessité de se soumettre aux gênantes formalités des douanes à leur égard, parce qu'après tout, ils les préfèrent aux pertes qu'ils éprouveraient dans le débit de leur propre bétail.

M. le ministre des finances vous dit que cinq provinces en Belgique seront soumises à ce régime; mais ce ne sont que les bordures extérieures des provinces et non pas la totalité.

Si l'on veut la vérité, il ne faut se servir dans les débats que de termes exacts; car ceux-ci portent seuls la lumière, les autres ne produisent que la confusion. Aussi, messieurs, j'évite soigneusement, lorsque j'ai la parole, de prendre le tout pour la partie, la partie pour le tout, et d'employer aucune espèce de locution à double sens, parce que j'aime encore mieux ce qui est vrai que mes opinions, et que je n'aiderai jamais leur succès éventuel par un langage qui donnerait, passez-moi l'expression, la berlue à mes auditeurs.

C'est aussi pour cela que je repousserai toujours ce mot énigmatique et nébuleux de libre-échange. parce qu'il est employé pour nous donner la berlue sur le « dupe-échange », qui seul est en notre pouvoir, tandis que l'autre ne nous appartiendra que quand nous aurons conquis le monde avec nos 80 mille hommes et la Louise-Marie.

Quant aux arguments de sir Robert Perl, que M. le ministre des finances a de nouveau cités à propos du bétail, il n'a oublié qu'une circonstance capitale qu'il connaissait pourtant très bien, c'est-à-dire les considérations par lesquelles sir Robert Peel appuyait ces arguments en Angleterre, et dont l'honorable M. Dumortier avait ici suffisamment rappelé le texte et le souvenir.

Raisonner sans tenir compte de pareilles observations, c'est jouer au propos interrompu; c'est esquiver les difficultés d'une cause, et si j'avais contre la mienne de semblables objections, je ne les passerais pas sous jambe, et dupe-échangiste en Belgique, par exemple, ce que je ne suis pas, Dieu merci, je n'invoquerais plus Robert Peel, et je chercherais à trouver une meilleure autorité. Malgré cet habile Anglais, j'appuie donc en Belgique, pour le bétail, le droit au poids plutôt que par tête.

M. de Bocarmé. - Messieurs, je prends la parole pour répondre un mot à une observation faite, hier, par M. le ministre des finances relativement, aux inconvénients de faire voyager les bêtes grasses; il vous a dit qu'elles perdaient beaucoup par le transport, et que, par conséquent, elles n'arrivaient qu'en petit nombre de le Hollande en Belgique. Je ferai remarquer que, pour venir de la Hollande en Belgique, on n'a que la frontière à traverser et que, pour se rendre sur le marché de Bruxelles, la distance à parcourir n'est pas assez considérable pour que les animaux puissent en souffrir; vous pouvez être certains que la Hollande nous importera toujours du bétail en grande quantité et du bétail gras de préférence à toute autre catégorie.

Et ce qui prouve d'ailleurs que les voyages, même de long cours, ne sont pas nuisibles aux animaux, c'est que, sur le marché de Poissy, il arrive beaucoup de bœufs de l'Allemagne, du royaume de Wurtemberg surtout, où l'engraissage du bétail se fait avec intelligence et sur une grande échelle. Ces bœufs sont en général préférés pour la boucherie, parce que, s'ils perdent quelque chose en poids en chemin, ils gagnent en qualité. La marche provoque chez les animaux une espèce de fusion de la graisse dans la chair. Ce qui fait que la viande est plus estimée. A poids égal, les bœufs qui ont voyagé sont préférés aux autres sur les marchés qui avoisinent et approvisionnent Paris.

J'ajouterai que je ne suis pas convaincu par les renseignements qu'à donnés l'honorable ministre des finances sur l'application du système, et que je conserve l'opinion que la perception du droit au poids est plus avantageuse que celle qui applique l'impôt par tête.

Les éleveurs ou marchands de Hollande, qui auraient envie de frauder, ne pourraient l'essayer que pour les bêtes grasses, par la substitution de gros animaux à de plus petits chez leurs voisins de Belgique. Cela les exposerait à des frais, à des difficultés, à des dangers, tels que cette fraude ne pourrait s'essayer que sur une petite échelle et sans appât suffisant, car j'ai le pressentiment que les droits seront diminuées et que l'on n'adoptera pas, sans l'amender, le tarif de 1835. Je crois qu'on y fera des modifications dans le sens qui vient d'être indiqué par l'honorable M. Liefmans.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La chambre a décidé par un premier vote, à une forte majorité, que le système du gouvernement, en fait de denrées alimentaires, serait adopté. La chambre a décidé qu'il y aurait des droits modérés sur les denrées alimentaires.

M. Dedecker. - Sur les céréales.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sur les denrées alimentaires. Voilà le principe. L'honorable M. Dedecker a fait une distinction que je ne puis admettre entre les céréales et le bétail. En fait, le système général a été d'assurer au peuple l'alimentation à bon compte. Faut-il rester conséquent avec le premier vote? Telle est la question. Je crois que la même majorité qui a voulu assurer au pays l'alimentation à bon compte, quant aux céréales, doit par les mêmes raisons, chercher à la lui assurer par l'introduction du bétail étranger.

Il y a même ici une raison de plus pour voter un droit modéré, c'est qu'en votant un droit élevé, vous frapperiez l'industrie agricole elle-même.

Quelles sont les espèces de bétail qui arrivent en plus grande quantité dans le pays? Evidemment du bétail maigre, personne ne le nie. Quelle en est la destination? D'être utilisé par ceux qui s'occupent de l'engraissage du bétail. C'est un motif de plus pour ne pas soumettre un droit élevé le bétail étranger; car on peut, à bon droit soutenir que le bétail est pour l'engraisseur une matière première qu'il lui faut obtenir à bon compte.

Je ne sais si les personnes qui n'habitent pas la campagne toute l'année sont incompétentes pour traiter cette question. Je fais beaucoup de cas des hommes pratiques; mais ceux qui par leur position (je ne dis pas par leurs études, pour ne pas encourir le reproche de théoricien) sont toute l'année en rapport avec les hommes de la campagne, s'entretiennent et correspondent avec eux, recueillent tous les jours une multitude de faits, seraient-ils moins compétents que ceux qui ont vu trois ou quatre exploitations, ou qui ne sont jamais sortis de leurs exploitations. Nous raisonnons en nous appuyant sur des faits, qui, tous les jours, parviennent à notre connaissance officieusement et officiellement.

Parmi les nombreux documents que l'administration possède, je ne citerai qu'un seul fait : il remonte à 1845, époque où existait encore la loi qui a été suspendre depuis.

La Société d'Agriculture de Thourout, que j'ai souvent eu l'occasion de signaler, s'occupe de faire venir de Hollande un certain nombre de bestiaux qui sont ensuite distribués par ses soins entre les cultivateurs.

Voici comment cette société apprécie les effets de la loi de 1835 :

« La Société Agronomique de Thourout aurait pu, M. le ministre, sans crainte d'être taxée exigeante, demander au gouvernement un large subside pour couvrir, en partie, les frais auxquels cette opération doit nécessairement donner lieu; mais elle a cru, pour plusieurs motifs, devoir s'abstenir de le faire. Cependant, comme il est plus que probable que, sans compter les droits de douane, il y aura pour ses membres une perte assez considérable à cause des frais énormes de transport, d'entretien, etc.; elle se voit forcée de demander, pour une minime part, l'intervention du gouvernement, et a l'honneur de vous présenter la présente requête, M. le ministre, afin que vous vouliez consentir au remboursement des droits d'entrée qui, pour les treize têtes de (page 700) bétail, s'élèvent ainsi que vous le verrez, par l'acquit ci-joint, à la somme de fr. 581 92. c. »

Tels sont, messieurs, fes Irais excessifs contre lesquels protestaient des agriculteurs.

M. Vanden Berghe de Binckum. - Il s'agit de types producteurs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quelle que soit d'ailleurs la destination qu'on leur donne, la société réclamait contre l'élévation des droits qui frappait à la frontière les bestiaux dont elle avait à faire emploi.

Ainsi, messieurs, je le répète, il y a ici un motif de plus pour persister dans le système que vous avez consacré en ce qui concerne les grains étrangers.

Messieurs, comme on a invoqué l'opinion des hommes pratique, nous indiquerons celle des corps qui ont été consultés en 1848, et l'on ne nous fera pas, cette fois, le reproche d'avoir voulu dissimuler à la chambre les avis des autorités compétentes. J'en ai fait le relevé. Comme il n'est pas long, je vais vous en donner lecture :

« Anvers. La commission d'agriculture et la chambre de commerce d'Anvers demandent la libre entrée du bétail.

« Brabant. La commission d'agriculture et la chambre de commerce de Bruxelles demandent la libre entrée du bétail.

« La chambre de commerce de Louvain s'abstient de se prononcer sur ce point, quoiqu'il eût été spécialement indiqué.

« Flandre occidentale. La commission d'agriculture demande le retour de l'ancienne législation.

« La chambre de commerce de Bruges demande qu'au moins pendant une partie de l'année, le bétail maigre de la Hollande soit admis en franchise de droits.

« Pour le bétail gras, et durant les autres époques de l'année, elle désire une protection, sans en indiquer le taux.

« La chambre de commerce de Courtray s'abstient de se prononcer sur la question du bétail.

« La chambre de commerce d'Ostende demande une réduction de droits.

« La chambre de commerce d'Ypres demande le maintien d'un droit d'entrée, gradué d'après la valeur relative du bétail.

« Flandre orientale. La commission d'agriculture demande des droits sur le bétail, afin de mettre l'éleveur indigène en mesure de lutter contre la concurrence étrangère.

« La chambre de commerce de Gand demande la libre entrée ou l'établissement d'un droit très modéré sur le bétail comme sur les autres denrées.

« La chambre de commerce d'Alost demande le maintien des anciens droits, sauf pour les vaches pleines qui, selon elle, devraient être libres à l'entrée.

« La chambre de commerce de Saint-Nicolas demande le maintien des anciens droits.

« Hainaut. La commission d'agriculture, après avoir demandé des droits pour les céréales, déclare qu'elle n'a pas cru nécessaire, dans l'intérêt de l'agriculture, de frapper d'aucun droit à l'entrée les autres denrées.

« La chambre de commerce de Mons ne se prononce pas sur la question du bétail.

« La chambre de commerce de Charleroy demande des droits très ^modérés et par conséquent la réduction des droits existants sur le bétail.

« La chambre de commerce de Tournay demande la libre entrée du bétail.

« Liège. La commission d'agriculture demande des droits modérés, établis de manière que graduellement on puisse arriver à l'abolition des droits.

« La chambre de commerce de Liège et celle de Verviers demandent la libre entrée du bétail.

« Limbourg. La commission d'agriculture et la députation permanente, remplissant les fonctions de chambre de commerce, demandent un droit de 6 centimes au kil. pour le bétail adulte et la libre entrée pour le bétail ayant encore des dents de lait.

« Luxembourg. La commission d'agriculture demande un droit de 5 centimes par 100 kil. pour les bœufs, taureaux, vaches, génisses, bouvillons et taurillons; 50 centimes pour veau au-dessous de 30 kil.; 1 fr. par tête pour les moutons; 50 centimes par agneau ; 5 fr. par porc.

« Namur. La commission d'agriculture demande le maintien des anciens droits.

« La chambre de commerce de Namur demande le maintien du droit existant pour le gros bétail ; elle désire qu'on réduise d'un tiers le droit sur les moutons et qu'on impose les cochons au poids comme les mourons.

En résumé :

« Trois commissions d'agriculture demandent la libre entrée du bétail;

« Trois commissions d'agriculture demandent le maintien des anciens droits.

« Une commission demande une réduction des anciens droits, telle que graduellement on arrive à la suppression des droits.

« Une commission demande que le droit au poids soit réduit à 6 centimes pour le bétail adulte, ut que le jeune bétail soit libre à l'entrée. (Limbourg).

« Une commission demande que tout le bétail, adulte et jeune, ne paye que 5 centimes au kil., et que le droit pour les moutons soit réduit à 1 fr. par tête.

« Six chambres de commerce demandent la libre entrée du bétail.

« Deux chambres de commerce demandent des droits beaucoup plus modérés que ceux des lois de 1835 et 1845.

« Une chambre de commerce demande la libre entrée du bétail maigre pendant une partie de l'année.

« Trois chambres de commerce demandent le maintien des anciens droits.

« Mais l'une d'elles désire qu'on laisse entrer librement les vaches pleines. »

Ainsi, messieurs, vous voyez que des divers corps spéciaux consultés, la plupart se prononcent en faveur d'un régime libéral ; c'est la minorité qui demande le rétablissement des anciens droits.

On a cité aussi l'exemple des pays étrangers. Que se passe-t-il dans les pays étrangers? Le gouvernement anglais qu'on a cité hier, qui, nous a-t-on dit, ne cède rien pour rien, le gouvernement anglais a aboli toute espèce de droit sur le bétail. L'entrée est libre. On a conservé un certain droit sur les céréales; mais quant au bétail, l'entrée est parfaitement libre, et, malgré l'énorme importation du bétail hollandais, on n'a pas attendu pour l'admettre que la Hollande eût à traiter avec l'Angleterre. L'abolition a été générale pour toutes les nations. On n'y connaît pas ce système qui consisterait à faire payer, pendant des années, les denrées alimentaires à un prix élevé dans le but éventuel de traiter un jour avec d'autres pays. C'est là de la politique comme peuvent en faire certains hommes pratiques, mais contre laquelle, pour ma part, je proteste.

En Hollande, il n'y a pas non plus de droits sur le bétail, ou ce droit est insignifiant.

Quant à la France, messieurs, prenez-y garde, le rétablissement de la loi de 1835 vous placerait sous un régime moins libéral que le régime français. A part le droit sur les bœufs qui est de 50 francs, le tarif français est plus libéral que le tarif belge de 1835; et notez en passant que, dans ce pays, qui est à peu près le seul aujourd'hui que vous puissiez invoquer en faveur du système prohibitif en ces matières, la perception se fait par tête et non pas au poids.

Dans le Zollverein, les droits sont beaucoup plus modérés qu'ils ne l'étaient sous le régime de la loi de 1835 que vous voulez rétablir. (Interruption.)

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il n'a pas dépendu de nous que cette discussion ne fût plus courte. Si nous sommes d'accord, je ne veux pas prolonger le débat, votons immédiatement.

Mais comme nous nous trouvons en présence d'une recrudescence de velléités prohibitives, il faut bien que nous continuions à défendre le système que nous avons fait jusqu'ici prévaloir.

La position du gouvernement a ceci de particulier dans cette question, qu'il lutte pour des principes contre lesquels, au contraire, on lutte à son égard dans d'autres circonstances et dans d'autres pays. Ainsi que reproche-t-on quelquefois aux gouvernements ? C'est d'user de moyens vexatoires, de ne pas avoir assez d'égards, assez de ménagements pour les contribuables.

Aujourd'hui le gouvernement combat, quoi? un système qu'il déclare vexatoire, et vous voulez lui imposer ce système. Les rôles sont en quelque sorte changés.

Il importe au gouvernement de défendre le terrain qu'il occupe et le système qu'il a fait triompher.

Le système auquel on voudrait nous faire revenir serait inconséquent et absurde. Vous ne pouvez pas faire un tarif libéral par en haut, et prohibitionniste par en bas, un tarif libéral pour les céréales et prohibitionniste pour le bétail. Cela répugne au sens commun; une loi pareille serait peu digne de la chambre.

Il faut faire des lois conséquentes avec elles-mêmes; il faut que la majorité, qui a voulu introduire un régime libéral quant aux céréales, vote également un régime libéral quant au bétail. Que ceux qui veulent protéger l'agriculture par des droits élevés votent aussi des droits exagérés quant au bétail, mais que ceux qui ont voulu avec nous un régime libéral pour les céréales, votent encore avec nous en faveur d'un régime libéral pour le bétail. Ils peuvent le faire avec d'autant plus de sécurité de conscience que l'agriculture elle-même est intéressée à ce que le bétail entre aussi librement que possible.

- Un membre. - Le bétail maigre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est celui qui entre en plus grande quantité.

M. le président. - MM. Liefmans et Reyntjens viennent de modifier leur amendement de la manière suivante :

« Taureaux, bœufs, vaches, taurillons et bouvillons, par kilog. brut, quatre centimes.

(page 701) « Génisses de moins de deux ans ayant encore six dents de lait, deux centimes.

« Veaux pesant plus de 30 kilog. et moins de 75 kilog., deux centimes. »

- La clôture est demandée.

M. Coomans (sur la clôture). - Je pensais, M. le président, qu'il me serait permis de répondre quelques mots au dernier discours de M. le ministre de l'intérieur.

M. Liefmans. - Messieurs, je demande à expliquer les modifications que nous venons d'introduire dans notre amendement. Je n'ai pas l'intention d'abuser des moments de la chambre.

- La clôture est mise aux voix, elle n'est pas adoptée.

M. Liefmans. - Messieurs, c'est l'honorable M. Reyntjens qui est, en quelque sorte, l'auteur de l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer de commun accord avec lui. Mais lorsqu'il a proposé le droit de cinq centimes, il croyait qu'il y avait lieu à une réduction d'un quart, et dans ce cas, le droit de cinq centimes n'était certainement pas exagéré, car dans la plupart des circonstances, il serait peu supérieur au chiffre proposé par le gouvernement, même il serait bien souvent inférieur à ce chiffre, car il s'agit pour nous de favoriser l'importation des jeunes animaux ne pesant que 200 à 250 kilog. Sous ce rapport, notre amendement procure un certain avantage au bétail jeune. Nous venons de le réduire de cinq centimes à quatre, parce que le traité avec la Hollande n'étant pas applicable, le droit que notre amendement exigeait sans cette réduction nous paraîtrait exagéré. Or, c'est l'exagération que nous voulons surtout éviter.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, un seul mot. L'honorable M. Liefmans poursuit le même but que le gouvernement. Le gouvernement veut surtout, avant tout, éviter le rétablissement des mesures douanières qui ont excité de si vives réclamations; voilà le point capital. L'honorable M. Liefmans veut établir le droit au poids, mais de telle sorte qu'il n'y aurait pas lieu au rétablissement de ces mesures douanières ; je reconnais que le droit qu'il propose est très modéré; cependant pour éviter toute espèce de fraude et par conséquent pour éviter la nécessité de rétablir les mesures douanières dont il s'agit, il faudrait descendre de 4 centimes à 3 centimes et 1/2, ce qui serait, du reste, la proportion que l'honorable membre s'était proposée d'abord, puisqu'il avait supposé que le droit de 5 centimes devait être réduit d'un quart. Nous nous trouverions alors dans les conditions de la tarification par tête.

Il resterait seulement cet inconvénient que nous avons signalé, la nécessité d'augmenter le personnel puisque le pesage devrait toujours avoir lieu.

M. Delfosse. - Est-ce que vous proposez 3 centimes et demi?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je maintiens le principe de la perception par tête; mais je dis que si la chambre votait la perception au poids, il faudrait réduire le droit à 3 centimes et demi.

- La clôture est demandée et prononcée.

M. Rodenbach. - Je demande que la chambre vote d'abord sur cette question de principe : « Y aura-t-il un droit au poids ou par tête.»

- La chambre, consultée, décide qu'elle votera d'abord sur cette question de principe.

- Des membres. - L'appel nominal !

M. le président. - Il va être procédé au vote par appel nominal. Ceux qui sont d'avis que le droit doit être perçu par tête, répondront oui; ceux qui sont d'avis que le droit doit être perçu au poids, répondront non.

Voici le résultat de l'appel nominal :

81 membres ont répondu à l'appel nominal.

25 membres ont répondu oui.

56 membres ont répondu non.

En conséquence, la chambre décide que le droit sera perçu au poids.

Ont répondu oui : MM. Veydt, Anspach, Bruneau, Cans, David, H. de Baillet, Delescluse, Delfosse, Deliége, Dequesne, Destriveaux, d'Hoffschmidt. Frère-Orban, Jacques, Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Rolin et Thiéfry.

Ont répondu non : MM. A. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Boulez, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, Cumont, de Bocarmé, Debroux, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de Liedekerke, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, de Theux, de T'Serclaes, G. Dumont, Faignart, Jouret, Julliot, Lange, Le Hon, Lelièvre, Liefmans, Manilius, Mascart, Mercier. Moncheur, Peers, Pierre, Reyntjens, Rodenbach, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth et Verhaegen.

M. le président. - Maintenant que la question de principe est vidée, nous sommes en présence :

1° de la proposition de la section centrale à laquelle se rattache le sous-amendement de MM. A. Vandenpeereboom et Delehaye ;

2° de la proposition de MM. Liefmans et Reyntjens.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. le ministre des finances a annoncé que nous présenterions un droit de 3 1/2 centimes au lieu de 4 centimes.

M. le président. - L'amendement n'est pas sur le bureau.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai dit tout à l'heure que pour atteindra le but que l'honorable M. Liefmans veut atteindre avec le gouvernement, celui d'éviter le rétablissement des mesures douanières, il ne faut pas que le droit soit supérieur à quatre centimes.

Maintenant voici la raison pour laquelle je propose le taux de trois centimes et demi, c'est parce que le poids réel constaté sous le régime de la perception au poids.....

M. de T'Serclaes. - La discussion est close.

M. le président. - La discussion a été effectivement close.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Close sur la question de principe.

M. le président. - Si M. le ministre des finances a la parole, il est juste qu'on lui réponde.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est sur la position de la question.

M. le président. - M. le ministre des finances a la parole sur la position de la question.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole sur la position de la question. On avait proposé le droit de 4 centimes par kilog.; il était impossible que le gouvernement s'expliquât sur le chiffre avant qu'on eût pris une résolution sur la question de principe, sur le mode de perception. M. Delfosse m'a demandé si je proposais un sous-amendement à l'amendement de M. Liefmans, j'ai répondu que si la tarification au poids était admise, je proposerais une modification. Je produis cet amendement, j'en donne l'explication et je dis que le droit de 4 centimes pourrait entraîner les inconvénients que j'ai indiqués. Afin de les éviter plus sûrement, je propose 3 1/2 centimes.

Je propose en outre qu'on donne au gouvernement le pouvoir nécessaire pour déterminer les signes distinctifs d'après lesquels on ferait entrer les animaux dans les diverses catégories du tarif. C'est le seul moyen d'éviter des embarras de toute sorte et même des procès.

M. le président. - Le gouvernement se borne à proposer de fixer à 3 1/2 centimes par kil. au lieu de 4, le droit sur le n°1° de l'amendement de M. Liefmans et de supprimer les signes caractéristiques des catégories.

M. Mercier. - Je pense qu'il y aura maintenant à voter sur la question de savoir si la chambre entend maintenir la législation de 1835. Déjà un vote est intervenu sur le mode de tarification. Je trouve une lacune dans les amendements présentés ; il n'y est pas question des moutons. Dans la loi de 1835 ils sont taxés au poids; il faudrait que l'amendement de M. Liefmans fût complété. La section centrale n'a rien à faire puisqu'elle propose d'en revenir à la loi de 1835. Dans cette loi le droit sur les moulons est fixé à 15 centimes par kilog., celui sur les bœufs étant de 10 centimes; il faut donc déterminer un autre chiffre dans le cas de l'adoption de l'amendement de M. Liefmans.

M. le président. - MM. Liefmans et Reyntjens proposent des modifications à la loi de 1853, en frappant de 4 c. par kilog. les bœufs, taureaux, etc., et de 2 centimes les génisses, etc., pour le reste, pour ce qui n'est pas mentionné dans leur proposition, ils maintiennent le tarif de la loi de 1853. S'il n'en est pas ainsi, il faut qu'ils s'en expliquent.

M. Mercier. - Comme membre de la section centrale, je dois maintenir ces propositions; si elles n'étaient pas adoptées, je demanderais qu'on réservât la faculté de présenter un amendement, quant aux moutons.

- Plusieurs voix. - C'est entendu!

M. Liefmans.- Nous n'avons voulu faire de proposition que quant au gros bétail, aux espèces dénommées dans notre amendement; quant aux moutons , aux agneaux, aux cochons, nous conservons l'impôt par tête, nous nous joignons à la proposition du gouvernement. Le motif est qu'entre un mouton et un mouton la différence de poids ne peut pas être très grande, tandis qu'elle peut être considérable entre tel bœuf et tel autre bœuf. Le principe de la tarification au poids ne peut être appliqué qu'au gros bétail; si on devait percevoir sur les moutons, agneaux, etc., un droit proportionné à celui de 3 centimes et demi que nous proposons pour les bœufs, on arriverait à un droit dont la perception serait compliquée.

M. Christiaens. - M. Liefmans par son amendement propose un droit de 2 centimes par kilogramme sur les génisses ayant 6 dents de lait et moins de deux ans. M. le ministre veut supprimer cette indication, je voudrais connaître les motifs pour lesquels il demande cette suppression.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Parce que ce ne sont pas des signes certains.

M. Christiaens. - Vous ne pouvez pas connaître autrement l'âge du bétail; si ces indications sont supprimées, on admettra des génisses de 4 ans au lieu de génisses de deux ans.

M. Faignart. - Je suis étonné que M. le ministre dise que l'indication contenue dans l'amendement est incertaine pour déterminer l'âge de l'animal. Pour la race bovine, l'âge se détermine par la denture jusqu'à 5 ans. Je désire que la chambre maintienne l'indication consignée dans l'amendement, c'est le seul moyen de savoir ce qu'on fait.

M. le président. - Je mets d'abord aux voix l'amendement de la section centrale, qui est le rétablissement de la loi de 1835.

(page 702) - Cette proposition est mise aux voix par appel nominal.

Voici le résultat du vote :

Nombre des votants, 80.

34 membres votent pour l'adoption.

52 membres votent contre.

La chambre n'adopte pas.

Ont voté l'adoption : MM. A. Vandenpeereboom, Van Renynghe, Vermeire. Vilain XIIII, Ansiau, Boulez, Christiaens, Clep, Coomans, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de Liedekerke, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, G. Dumont, Dumortier, Faignart, Jouret, Lelièvre, Mercier, Moncheur, Peers, Rodenbach, Thibaut, Vanden Berghe de Binckum et Vanden Brande de Reeth.

Ont voté contre : MM. Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Veydt, Allard, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, Cumont, David, H. de Baillet, de Baillet-Latour , de Bocarmé, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Pitteurs, Dequesne, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Rolin, Sinave, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Van Cleemputte et Verhaegen.

M. le président. - Par suite de ce vote, il n'y a pas lieu de mettre aux voix l'amendement de MM. A. Vandenpeereboom et Delehaye.

La chambre a maintenant à statuer sur deux propositions : 1° celle du gouvernement qui consiste à fixer le droit par kilog. à 3 cent. 1/2 sur les bœufs, vaches, taureaux et tourillons, et à 2 cent, sur les génisses et veaux; 2° celle de MM. Liefmans et Reyntjens.

M. Liefmans. - La différence qui nous divise est celle d'un huitième; le chiffre de 3 c. 1/2 se perçoit aussi facilement que celui de quatre centimes. Je ne vois aucun inconvénient à m'y rallier, d'autant plus que je suis aussi partisan du libre-échange que qui que ce soit.

Mon honorable collègue M. Reyntjens adhère à cette déclaration.

Quand nous avons inséré dans notre amendement le signe caractéristique de l'âge, les six dents de lait, c'est que nous croyions que les signes de l'âge tirés de la dentition sont très positifs. M. le ministre ne combat pas cette manière de voir.

Je pense que son intention est de faire examiner cette question par des personnes plus compétentes que nous.

(erratum, page 718) M. de Man d'Attenrode. - Je reprends l’amendement de M. Liefmans.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voici les motifs qui ont engagé le gouvernement à demander qu'on n'insère pas dans l'article les signes distinctifs d'après lesquels on classe les animaux dans l'une ou l'autre catégorie du tarif.

D'après le tarif, on devrait considérer comme bouvillons, taurillons ou génisses tous les sujets qui ont encore quatre dents de lait. Or, les veaux ont encore quatre dents de lait, car ils en ont huit. Aucune règle précise n'existe donc pour guider les employés dans la perception du droit et il arrive souvent qu'ils croient devoir traiter comme bouvillons, etc., des animaux ayant plus de quatre dents de lait, tandis que le déclarant prétend qu'il y a lieu de les considérer comme veaux.

Voilà un renseignement donné par l'administration ; c'est donc pour atteindre le but déterminé par le tarif que le gouvernement demande le pouvoir de déterminer le signe distinctif le plus propre à faire reconnaître dans quelle classe l'animal doit être rangé.

Si le signe est certain, il sera employé. Mais il y a plus d'une difficulté. Je demande aux hommes compétents ce que c'est qu'une génisse? (Interruption.)

Cela paraît très simple. Eh bien l'animal qui a eu un veau est-il une génisse? On a dit oui; on a dit non. C'est un sujet de contestation. Nous vous demandons que, pour faire cesser cette contestation, le gouvernement puisse déterminer par un arrêté royal les signes distinctifs les plus certains, ceux qu'on croit les plus favorables pour constater que l'animal rentre dans l'une ou l'autre des catégories du tarif.

M. Faignart. - Messieurs, l'honorable ministre des finances nous a parlé des signes distinctifs des animaux. Il n'y en a pas d'autres certains pour reconnaître l'âge que ceux qui sont indiqués par la dentition.

Je reconnais qu'il peut se faire qu'un animal démontre avoir deux ans, lorsqu'il n'a que vingt-deux mois, comme il peut avoir vingt-six mois sans dénoter encore deux ans. Mais dans la pratique on ne regarde un animal comme ayant deux ans que lorsqu'il a deux dents adultes, et que par conséquent, il lui reste six dents de lait.

L'amendement des honorables MM. Liefmans et Reyntjens pare, selon moi, à cette incertitude. L'honorable ministre nous demandait tantôt, si une génisse qui aurait donné un veau serait encore une génisse ou si elle serait vache. Je répondrai que si elle n'a que deux dents adultes, comme il est stipulé dans l'amendement, il est probable qu'elle n'aura pas donné de veau.

L'honorable ministre des finances nous propose par son amendement le droit de 3 centimes et demi au lieu de quatre centimes qui se trouvait dans l'amendement des honorables MM. Liefmans et Reyntjens que je reprends. Je trouve, messieurs, que le droit de 4 c. n'est pas trop élevé, et c'est ce qui m'a déterminé à vous soumettre l'amendement de ces honorables membres.

J'insiste donc pour l'adoption de cet amendement parce que je le crois de nature à protéger suffisamment l'introduction du bétail étranger en Belgique, et d'autre part parce qu'il protège un peu plus les intérêts agricoles que celui proposé par l'honorable ministre, qu'en outre le droit sur le bétail jeune sera considérablement réduit, si mon amendement est adopté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce que demande le gouvernement, c'est tout simplement d'être chargé de l'exécution de la loi. On doit supposer que le gouvernement exécutera la loi, comme il doit le faire loyalement. Dernièrement la chambre a, dans une question identique, donné des pouvoirs beaucoup plus considérables au gouvernement. La chambre lui a donné le pouvoir de déterminer les vices rédhibitoires. Il a été reconnu que le législateur ne pouvait s'occuper utilement de déterminer en quoi consistaient les vices rédhibitoires, et on a laissé cela aux soins du gouvernement.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de MM. Liefmans et Reyntjens repris par MM Faignart et de Man.

M. Coomans. - Je demande la division. Je demande qu'on mette d'abord aux voix le chiffre de 4 centimes et ensuite la question de savoir si on laissera au gouvernement le soin de déterminer les signes distinctifs.

M. le président. - La division est de droit. Je mettrai donc d'abord aux voix les chiffres de 4 et de 2 cent.

M. Delfosse. - L'honorable M. Coomans demande qu'on vote d'abord sur le chiffre de 4 cent.

Le chiffre de 2 cent est commun à tous les amendements. Le dissentiment ne porte que sur le chiffre de 4 cent. ; c'est donc sur ce chiffre qu'il faut d'abord voter. (Assentiment.)

- Le chiffre de 4 cent, est mis aux voix par appel nominal.

En voici le résultat :

86 membres sont présents.

46 adoptent.

40 rejettent.

1 membre (Jacques) s'est abstenu.

En conséquence, le chiffre de 4 centimes est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Vandenpeereboom (Alphonse), Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau. Boulez, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, de Bocarmé, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de Liedekerke, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, Dumont (Guillaume), Dumortier, Faignart, Jouret, Julliot, Le Hon, Lelièvre, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Peers, Rodenbach, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum et Vanden Branden de Reeth.

Ont voté le rejet : MM. Van Grootven, Van Hoorebeke, Verhaegen, Veydt, Anspach, Bruneau, Cans, Cumont, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Delescluse, Delfosse, Deliége, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Lange, Lebeau, Lesoinne, Liefmans, Loos, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Rolin, Thiéfry et Toussaint.

M. le président. - M. Jacques est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Jacques. - Messieurs, je me suis abstenu parce que j'aurais préféré le droit de 15 fr. par tête.

- La chambre adopte ensuite le chiffre de 2 centimes pour les autres catégories de bétail comprises dans l'amendement de MM. Reyntjens et Liefmans.

M. le président. - Le gouvernement propose de supprimer dans l'amendement les mots : « ayant encore 6 dents de lait », et de les remplacer par la disposition suivante :

« Le gouvernement déterminera les signes distinctifs d'après lesquels les animaux doivent être placés dans l'une ou l'autre des catégories ci-dessus. »

M. Faignart. - Messieurs, s'il est entendu qu'on laisse subsister les mots : « ayant moins de deux ans, » je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on abandonne au gouvernement le soin de déterminer de quelle manière on s'y prendra pour faire apprécier l'âge de l'animal.

M. de Denterghem. - Je partage l'opinion de M. Faignart. Il suffit que la loi détermine que le droit de 2 centimes ne s'applique qu'aux animaux de moins de deux ans.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai fait remarquer que l'indication donnée dans la proposition n'est pas suffisante pour prévenir les contestations; j'ai dit qu'il y a eu des procès. C'est pourquoi nous demandons que la loi charge le gouvernement de déterminer les signes distinctifs d'après lesquels on fera entrer les animaux dans l'une ou l'autre des catégories du tarif.

M. David. - Les honorables MM. Faignart et de Denterghem se préoccupent exclusivement du bétail de haute taille. Il faudrait bien cependant songer aussi aux provinces qui introduisent du bétail de petite dimension. Il est des animaux de deux ans qui n'ont absolument que la taille d'un veau.

M. Mercier. - Messieurs, nous ne pouvons rien changer à la substance de l'amendement. Il faut maintenir les mots : « Agés de moins de deux ans. » Mais il ne faut pas insérer dans la loi l'indication des signes caractéristiques au moyen desquels on constatera l'âge de l'animal.

(page 703) M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition d'insérer dans la loi les mots : « Agés de moins de deux ans, » et d'abandonner au gouvernement le soins de déterminer les signes d'après lesquels l'âge sera constaté.

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - Restent maintenant les moutons, agneaux et veaux pesant moins de 30 kilog.

M. Mercier. - Il ne reste plus, pour cette catégorie, que les propositions du gouvernement, c'est-à-dire la tarification par tête, avec les chiffres indiqués dans l'arrêté du 31 décembre 1848.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En effet, il n'y a pas sur ces articles d'autres propositions que celles du gouvernement.

- La proposition du gouvernement est mise aux voix et adoptée.


Riz

M. le président. - Nous arrivons à l'article « riz ». Nous avons la proposition de la section centrale et l'amendement de M. Loos. Le gouvernement se rallie-t-il à l'une ou à l'autre de ces propositions?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, M. le président.

(page 717) M. Loos. - Messieurs, les changements proposés au tarif des droits d'entrée sur le riz sont de deux natures. D'abord on fait disparaître la distinction établie par la loi du 21 juillet 1844 entre le riz importé des Indes orientales et le riz d'autres provenances. Ensuite la section centrale ne laisse plus exister la même différence entre le droit sur le riz en paille et le droit sur le riz pelé.

J'ai déjà dit dans une séance précédente qu'à mon avis, la section centrale n'avait pas suffisamment réfléchi aux conséquences que pourrait avoir sa proposition.

Messieurs, pour la première partie de sa proposition, c'est-à-dire, la suppression de la distinction entre le riz des Indes orientales et le riz d'autres provenances, j'ai eu l'honneur de dire qu'à mes yeux la conséquence infaillible de cette proposition devait être l'anéantissement de notre grande navigation vers les Indes orientales. J'ai fait observer aussi que cette proposition était en quelque sorte en contradiction avec tous les efforts qui ont été faits jusqu'ici pour maintenir cette navigation.

En effet, le gouvernement subventionne, pour un chiffre assez élevé, la navigation vers les Indes orientales, pour Batavia, Manille et Singapore, Il a pu se convaincre de la réalité du fait que j'ai signalé à la chambre, à savoir que le plus grand nombre de vaisseaux qui vont aux grandes Indes font retour en Belgique avec du riz. Or, si par suite d'une nouvelle tarification vous ne donniez plus assez d'avantages aux importations du riz des Indes orientales, vous paralyseriez entièrement les opérations qui se font aujourd'hui et qui n'auront plus lieu.

Il avait paru, dans la discussion de la loi du 21 juillet 1844, qu'il fallait essentiellement créer un encouragement pour la navigation vers les Indes orientales. On a fait ressortir toute l'utilité que présente cette navigation pour le pays; on a trouvé, et je crois qu'on le reconnaîtra encore aujourd'hui, que c'est la grande navigation qui procure des avantages à notre industrie, en recherchant des marchés nouveaux pour le placement de nos produits. Il m'a donc paru essentiel de conserver à cette navigation la faveur dont elle jouit aujourd'hui pour l'importation du riz.

Il y aurait, d'un autre côté, justice à maintenir pour le riz des Indes orientales un droit moindre que pour le riz des autres provenances. Le riz des Indes orientales a une valeur beaucoup moindre ; ainsi, par exemple, le riz des Etats-Unis vaut de 58 à 60 francs, tandis que le riz des Indes orientales ne vaut que 28 à 30 francs; le riz des Indes orientales n'a donc que la moitié de la valeur du riz des Etats-Unis. Si vous adoptez la tarification projetée, il est évident que ce riz, qui sert de nourriture à la classe pauvre, payera, d'après sa valeur, un droit double à celui des Etats-Unis.

Il est donc évident qu'il y a lieu d'établir un droit différentiel pour le riz des provenances diverses, en raison de la valeur, et non pas au poids.

Vous avez établi la même distinction quand il s'est agi des céréales. Vous n'avez pas établi le même droit pour le seigle et pour le froment. Il me semble que vous avez été mus par cette considération, que le seigle était d'une moindre valeur et qu'il servait, d'ailleurs, à la nourriture de la classe la plus pauvre de la société.

Il en est de même du riz. Le riz des Indes orientales est consommé par la classe inférieure.

Evidemment, eu égard à la différence des prix, le droit n'aura jamais pour résultat que ceux qui ont l'habitude de consommer le riz des Indes orientales consommeront le riz d'autres provenances; ceux qui, aujourd'hui, consomment du riz des Indes orientales n'en consommeront plus du tout si, par suite de l'élévation du droit, cette denrée vient à renchérir. Ce seraient donc encore les classes de la société en faveur desquelles vous avez établi des réductions dans notre tarif des douanes, qui auraient à souffrir de la mesure proposée par la section centrale.

Messieurs, pour ce qui est de la différence qui doit exister entre le droit sur le riz en paille et le droit sur le riz pelé, je pense que si on veut le maintien des établissements qui se sont formés depuis 1845 en Belgique et à la création desquels on a consacré des capitaux importants, il faut que le droit soit établi de manière que, le droit réuni au fret, l'introduction du riz en paille soit possible. Or la proposition de la section centrale ne permettrait plus l'importation du riz en paille. Il est facile de vous en convaincre. On propose un droit de 2 fr. sur le riz en paille, ce qui avec les additionnels fait 2 fr. 32 centimes. Il est reconnu que l'opération du pelage de 100 kilogrammes de riz des Indes orientales ne donnent que 65 kilogrammes de riz pelé et cassé; si donc 65 kilogrammes payent 2 fr. 32 c, 100 kilogrammes en payeraient 3 fr. 57 c.

Messieurs, il faut ensuite tenir compte du fret ou transport qui s'établit de la même manière sur les 100 kilog. de riz en paille; le fret des Indes orientales est en moyenne de 5 livres; les 35 kilog. de déchet payent donc 4 fr. 63, ce qui avec le droit de 3 fr. 57 fait un total de 8 fr. 20 les 100 kilog. La section centrale propose de fixer le droit sur le riz pelé à 6 fr. 50, avec les additionnels 7 fr. 55. Ainsi, 100 kilog. de riz pelé payeraient 7 fr.55, tandis que 100 kil.de riz importé en paille payeraient 8 fr. 20.

Cela vous démontre que l'importation du riz en paille sera rendue impossible. Il en résultera que les établissements qu'on a cherché à créer, qu'en 1844 on désirait voir s'élever, devront nécessairement être fermés. Je ne sais quel est le but que le gouvernement et la section centrale ont voulu atteindre, car en présence des inconvénients que je viens de vous signaler, la tarification projetée ne peut être justifiée; je ne vois d'ailleurs dans le rapport ou l'exposé des motifs aucune considération qui tend à l'expliquer ; la section centrale et le gouvernement ont opéré d'une manière qui n'est expliquée nulle part, on a dit : Le riz des Indes orientales paye tel droit et les autres riz tel autre droit; prenons une moyenne, voilà le tarif fait. Ou n'a pas tenu compte des considérations que je viens de faire valoir et qui sont d'une grande importance pour le pays. Je demande que la chambre adopte les propositions que j'ai eu l'honneur de lui faire.

(page 703) M. Osy. - Je viens appuyer la proposition de mon honorable collègue et ami, M. Loos. Puisque le gouvernement abandonne la proposition qu'il a faite, il y a six semaines, je veux dire quelques mots pour expliquer la question. En 1844, lorsque nous nous sommes occupés du tarif général, nous avons demandé un droit différentiel pour les riz des Indes orientales et les riz d'Amérique.

Dans la loi du 21 juillet 1844, le gouvernement a admis ce principe ; dans son tarif de 184s, il a adopté le même système, en laissant un droit différentiel entre ces deux riz. En nous présentant, à la fin de l'année, le projet de loi actuellement en discussion, le gouvernement se prononce encore pour le même système, et voilà que, sur quelques observations faites en section centrale, il se rallie à un droit uniforme sur les riz des Indes orientales et sur ceux des Indes occidentales!

Nous voulons faire en sorte que le prix des denrées alimentaires augmente le moins possible, et voilà que le gouvernement augmente une denrée consommée par le peuple et le petit bourgeois.

Le riz des Indes orientales vaut 6 florins, tandis que le riz de la Caroline, le riz d'Amérique en vaut 14.

Le gouvernement, qui jusqu'ici a toujours maintenu un droit différentiel de 2 et 3 francs sur ces riz, propose aujourd'hui l'égalité de droit. Je ne puis me rendre compte d'un pareil changement dans l'espace de 6 semaines, quand pendant 6 ans il y a eu toujours un droit différentiel.

A la fin de l'année, le gouvernement le proposait encore. Aujourd'hui qu'il est prouvé que ce droit différentiel est encore nécessaire, tant à raison de la qualité qu'à raison du prix, on propose l'égalité de droit. Je ne puis me rendre compte d'une proposition pareille. Il faut qu'il soit survenu quelque chose.

Comme je n'ai rien appris, que les prix sont les mêmes, je ne puis me rallier à la proposition de la section centrale, aujourd'hui celle du gouvernement. Mais avant d'en dire davantage, je désirerais entendre les explications du gouvernement, me réservant de reprendre la parole après.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les explications sont extrêmement simples; je suis persuadé que vous les accueillerez. Le gouvernement n'a pas changé de système ; il n'a pas fait de proposition de tarif il y a six semaines; il s'est borné à demander l'autorisation de régler provisoirement ces tarifs, il n'a pas fait de proposition; il n'y a rien eu à changer sous ce rapport. Quand il a été décidé que la loi serait définitive, le gouvernement a examiné la question de tarif, il s'est entendu avec la section centrale. On a reconnu de commun accord que le droit proposé par le gouvernement, quant au riz, était celui que l'on devait adopter.

Le droit préexistant sur le riz se divisait en deux catégories, l'une pour le riz des Indes orientales, l'autre pour le riz des Etats-Unis; c'était le système de la loi des droits différentiels, c'est celui qui avait été établi en 1844.

Mais, en 1845, la Belgique a fait un traité avec les Etats-Unis, et voici la condition qui a été stipulée :

« Ni l'une ni l'autre des parties contractantes n'imposera sur les marchandises provenant du sol ou de l'industrie de l'autre pays, qui seront importés dans ces ports, d'autres ou de plus forts droits d'importation ou de réexportation que ceux qui seront imposés sur l'importation ou la réexportation des marchandises similaires provenant de tous autres pays étrangers. »

Je demande quelle est l'interprétation loyale de cette disposition du traité.

Pouvons-nous appliquer un droit différent au riz des Indes orientales et au riz des Etats-Unis? Si l'honorable M. Osy le pense, qu'il fasse une proposition ; la chambra statuera. Quant à nous, il nous a paru prudent d'interpréter le traité en un sens qui ne peut donner lieu à aucune difficulté.

On nous objecte que par le tarif que nous avons été autorisés à faire en vertu de la loi de 1838, nous avons nous-mêmes maintenu un droit différentiel. C'est exact; mais c'est que notre attention n'avait pas été attirée sur l'article 15 du traité. Aujourd'hui qu'il s'agit de faire, par la loi, une chose définitive que nous ne pourrons modifier par un simple arrêté s'il y a réclamation, il faut prévoir les inconvénients qui pourraient résulter d'une disposition qu'une puissance qui a stipulé avec nous considérerait comme une violation du traité. La chose est assez grave; elle mérite d'être examinée.

Le riz, c'est toujours le riz, qu'il vienne des Indes, du Piémont ou de la Caroline. Peut-être pourrait-on soutenir que des riz d'une valeur absolument différente ne peuvent être considérés comme une marchandise similaire. Que ce doute soit possible, c'est ce que je ne veux pas discuter ici. Mais si d'honorables membres ont une conviction inébranlable sur ce point, si la chambre partage leur opinion; soit, on courra les risques de cette interprétation.

La différence de valeur entre les riz fait, au surplus, disparaître, selon moi, les objections qui s'élèvent contre un droit uniforme; car le riz des Indes orientales valant 30 et celui des Etats-Unis valant 60, le droit égal de 2 francs sur la même marchandise ne fera pas que l'un sera substitué à l'autre dans la consommation.

Il est bien clair que le droit ajouté à la valeur du riz des Indes orientales, n'en élevant le prix qu'à 32 francs, par exemple, n'aura pas pour effet de faire préférer le riz de la Caroline à 62 francs. C'est aussi l'un des motifs qui ont fait repousser par la section centrale la proposition d'un droit différentiel.

Quant à la différence de droits entre le riz pelé et le riz non pelé, elle est aussi exagérée. Qu'en résulterait-il? Qu'il n'y aurait plus d'importations qu'en riz non pelés à un faible droit, partant au préjudice du trésor.

Voilà les motifs qui s'opposent à ce que nous donnions notre appui à la proposition de l'honorable M. Loos.

Nous demandons l'adoption du droit formulé dans le tarif de la section centrale. C'est la moyenne du droit fixé par la loi de 1844. C'est ce que nous avons cru équitable de faire, par application du traité avec les Etats-Unis. Nous avons pensé que, par là, nous obtiendrions le produit, sur lequel nous avons le droit de compter, à raison d'une consommation de 5 millions de kilog. environ.

La différence entre le riz pelé et le riz non pelé aurait pour objet la protection qu'on veut accorder à des établissements de pelage de riz. Ces établissements sont au nombre de trois. Ce n'est donc pas là une industrie qui intéresse beaucoup de monde. Si l'on accorde une protection pareille à ces établissements, il est évident que l'on contreviendra à toutes les idées que nous avons essayé de faire prévaloir dans cette discussion.

M. Osy. - Je me doutais de cette réponse. Ce n'est pas moi qui ai soulevé la question du traité avec les Etats-Unis. Mais puisqu'on en a parlé, je dirai mon opinion. Si le gouvernement était de cet avis, je suis étonné qu'après l'adoption du traité, il n'ait pas proposé un changement de tarif. Depuis, jamais le gouvernement des Etats-Unis n'a réclamé. En 1848, le ministère actuel a proposé un droit différentiel pour le riz. Il y a 6 semaines, il le proposait encore. Aujourd'hui, sans qu'il y ait eu réclamation de la part des Etats-Unis, on parle de l'article 15 du traité. Cet article porte : « Articles similaires ». Je suis persuadé que le gouvernement pourrait dire que ce ne sont pas des marchandises similaires. Si vous voyiez du riz de la Caroline et du riz du Bengale, c'est une différence du tout au tout. La preuve, c'est que l'un vaut 7 et l'autre 14. M. le ministre dit que le droit est indifférent, puisque les deux espèces de riz valent l'une 30, l'autre 60 fr. Comment ' ! un droit de 2 fr. ne ferait rien sur une marchandise de 30 fr. !

Je veux admettre aussi scrupuleusement que le gouvernement l'article 15 du traité avec les Etats-Unis. Dans ce cas, comme je veux maintenir la différence entre les deux espèces de riz, je demanderai à M. le ministre des finances s'il trouverait contraire au traité que le riz fût frappé, dans le tarif, d'un droit à la valeur.

Je demande si les Etats-Unis pourraient réclamer. Je n'ai pas les calculs : ils sont au ministère des affaires étrangères. Si nous disions: Le riz payera d'après sa valeur, les Etats-Unis pourraient-ils réclamer? Ce serait impossible. Ce ne serait pas éluder la loi. L'Amérique n'aurait rien à dire. Si le gouvernement n'y voit pas d'objection, je lui demanderai de substituer à la proposition de la section centrale une tarification à la valeur. Je sais qu'il y a un inconvénient, qu'on pourra déclarer une fausse valeur, puisque le préempteur doit donner 15 p. c. de plus que la valeur déclarée. Mais on en tiendra compte. Le tarif sera un peu plus élevé pour l'un et pour l'autre, de manière qu'on ne pourra pas l'éluder.

Je demande au gouvernement de vouloir me dire s'il y a inconvénient à établir le droit à la valeur. Il m'est impossible de présenter immédiatement un amendement dans ce but; mais je crois que le gouvernement pourrait faire ce tarif ; car je sais que les calculs se trouvent au ministère des affaires étrangères.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il est incontestable que, si nous nous étions considérés comme entièrement libres de régler cet objet, nous aurions, par application même du principe qui a présidé à la formation de ce tarif, établi un droit différent pour les deux espèces de riz. Ainsi, nous avons établi certain droit sur le froment. La valeur du seigle étant à celle du froment dans une proportion connue, nous avons conservé la même proportion dans l'établissement du droit. Libres, nous aurions suivi le même principe pour le riz. Mais il nous semble que la disposition du traité, que je vous ai fait connaître, s'y oppose.

L'honorable M. Osy demande si l'on ne pourrait pas fixer le droit à la valeur.

(page 704) L'honorable membre reconnaît les inconvénients graves qui doivent résulter de la tarification à la valeur, et surtout en cette matière; il serait impossible d'assurer la perception du droit. Voici pourquoi : la préemption serait impossible. Or, c'est là la seule sanction efficace de la perception d'un droit à la valeur.

C'est à leur compte et à leurs risques que les employés opèrent la préemption. Comment voulez-vous qu'ils puissent préempter le riz? Comment voulez-vous surtout qu'ils puissent préempter le riz en paille? Cela n'est pas possible; d'ailleurs, comme il n'existe dans le pays que trois établissements pour le pelage du riz, les employés seraient à la discrétion des propriétaires de ces établissements qui pourraient les mettre dans l'impossibilité de se défaire de la marchandise préemptée. Ainsi la préemption du riz en paille est évidemment impossible.

Ce sont ces considérations qui ne nous permettent pas d'accueillir un droit à la valeur.

Messieurs, il se peut que notre scrupule pour le respect du traité soit trop grand. Il se peut, comme le pense l'honorable M. Osy, que les Etats-Unis ne fassent pas de réclamations si l'on établit une différence dans les droits, en tenant compte de la différence dans la valeur. Mais il faudrait alors que l'on donnât au gouvernement le pouvoir de modifier le tarif. Il ferait les démarches nécessaires pour s'assurer si l'on peut, sans inconvénients, établir un droit différentiel.

Ce moyen concilierait peut-être toutes les opinions.

M. le président. - La parole est à M. Loos.

M. Loos. - Je veux bien céder mon tour de parole à l'honorable M. Dechamps, sous le ministère duquel le traité avec les Etats-Unis a été négocié.

M. Dechamps. - Messieurs, il s'agit d'une interprétation de l'article 15 du traité conclu avec les Etats-Unis. J'aurai d'abord une demande à faire à M. le ministre des affaires étrangères. Le gouvernement des Etats-Unis a-t-il fait la moindre réclamation sur l'interprétation du traité, dans le sens que lui attribue M. le ministre des finances?

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Il n'y a pas eu de réclamation jusqu'à présent.

M. Dechamps. - Il n'y a pas eu de réclamation. Or, messieurs, quel est le fait? Lorsque le traité avec les Etats-Unis a été conclu, la loi du 21 juillet 1844 existait.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a pas eu de réclamation de la part des Etats-Unis; mais nous devons dire que le consul belge, aux Etats-Unis, à la vue du tarif du 31 décembre 1848, a appelé l'attention du gouvernement sur le point de savoir s'il ne constituait pas une contravention au traité.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - J'ajouterai que, dans l'opinion du consul belge, il y aura réclamation de la part des Etats-Unis.

M. Dechamps. - Je suis étonné que ce soit un agent du gouvernement belge qui provoque des doutes, dans un sens défavorable aux intérêts belges, relativement à l'interprétation d'un traité.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faut être loyal avant tout.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dechamps interpelle le gouvernement ; il lui demande s'il y a eu des réclamations. Mais l'honorable M. Dechamps désire qu'on dissimule les faits, qu'on ne dise pas la vérité. Il ne convient pas à la dignité du gouvernement de répondre en termes ambigus. Il dit qu'il n'y a pas eu de réclamations jusqu'ici, mais que le consul belge aux Etats-Unis l'a averti qu'il y en aurait probablement, parce qu'il croyait qu'il y avait contravention à l'article 15 du traité.

M. Dechamps. - Je ne veux pas qu'on dissimule les faits. J'ai demandé, au contraire, quels étaient les faits. Mais il m'est permis à coup sûr de faire remarquer à la chambre qui en a été sans doute frappée comme moi, qu'il est au moins étrange que ce soit le ministère belge et un agent diplomatique belge qui provoquent une interprétation du traité des Etats-Unis défavorable à la Belgique, et cela en absence de toute réclamation du gouvernement américain depuis cinq ans.

Mais voyons quelle est la question d'interprétation. Je dis que lorsque le traité avec les Etats-Unis a été conclu, il a reposé évidemment sur les tarifs belges existant au moment où il a été conclu. Or, le droit différentiel entre le riz des Etats-Unis et le riz des Indes orientales existait alors dans le tarif belge. Evidemment le traité repose sur ce tarif; il n'y a apporté de modifications d'aucune espèce. Cela me paraît de toute évidence. Le gouvernement belge a interprété le traité le lendemain du jour où il a été conclu; il l'a interprété comme il l'est encore aujourd'hui, et les Etats-Unis n'ont pas réclamé.

Messieurs, cet article 15 dont on parle renferme une clause analogue à celle qui se trouve dans tous les traités de réciprocité. Voici comment il est conçu :

« Ni l'une ni l'autre des parties contractantes n'imposera sur les marchandises provenant du sol ou de l'industrie de l'autre pays qui seront importés dans ses ports, d'autres ou de plus forts droits d'importation ou de réexportation que ceux qui seront imposés sur l'importation ou la réexportation des marchandises similaires provenant de tous autres pays étrangers. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Cet article ne se trouve pas dans tous les traités.

M. Dechamps. - En général, une clause analogue se trouve dans tous les traités de réciprocité et d'assimilation. Cela veut dire que les gouvernements se promettent de ne pas accorder à d'autres nations des faveurs nouvelles, sans y faire participer l'autre partie contractante. Si nous changions les proportions existantes par rapport au riz dans la loi du 21 juillet, si nous établissions des droits dont les proportions seraient plus favorables au riz des Indes orientales et moins favorables au riz des Etats-Unis, je crois que les Etats-Unis auraient le droit de réclamer, parce que nous aurions changé les bases des tarifs qui existaient lorsque le traité a été conclu. Mais je trouve dans l'exposé des motifs à l'appui du traité que le but de l'article 15, aux yeux du gouvernement belge, était tout autre que celui qu'on lui attribue. Voici l'exposé des motifs :

« L'article 15 du traité assure réciproquement le partage de toute faveur qui pourrait être accordée, de part et d'autre, à un Etat tiers, en matière de douane et de navigation.

« Il convenait de prévoir le cas où des négociations entamées entre l'Union américaine et l'un ou l'autre des Etats de l'Europe, avec lesquels nous sommes en concurrence industrielle, amèneraient pour résultat des réductions au tarif américain. »

Ainsi donc, aux yeux du gouvernement belge, la stipulation de l'article 15 était faite dans l'intérêt de la Belgique; elle avait pour objet de prévoir les faveurs différentielles que l'Amérique aurait pu accorder à l'Angleterre avec laquelle il s'agissait, à cette époque, pour les Etats-Unis de faire un traité de commerce.

On peut me répondre que les Etats-Unis ont pu interpréter cette clause aussi en leur faveur; cela est vrai, mais il ne paraît pas qu'il en soit ainsi, puisque jamais le gouvernement américain n'a soulevé la difficulté que M. le ministre des finances a découverte, dans l'intérêt de l'opposition qu'il fait à l'amendement de M. Loos.

Du reste, la lettre de l'article 15 peut présenter certains doutes; mais il me semble qu'il eût été sage et prudent d'attendre que ce doute fût élevé par le gouvernement américain, avant de prendre nous-mêmes l'initiative de cette réclamation.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, tout le raisonnement de l'honorable M. Dechamps consiste à dire : Le traité a été conclu sous l'empire de la loi de 1844, et, par conséquent, le gouvernement américain savait qu'il existait un droit différent pour le riz des Indes et le riz des Etats-Unis. La base de ce raisonnement est complètement fausse. En fait, le traité a été conclu sous l'empire de la loi du 24 septembre 1845 qui déclarait le riz libre à l'entrée. (Interruption.)

Lorsque le traité du 10 décembre 1845 a été conclu, la loi du 21 juillet 1844 n'existait pas; elle avait été suspendue par la loi du 24 septembre 1845.

Comment l'honorable M. Dechamps interprète-t-il le traité? L'article 15 a été fait pour la Belgique et non pas pour les Etats-Unis. Il a été fait pour que le gouvernement belge pût empêcher les Etats-Unis d'accorder une faveur différentielle à une autre nation, mais il n'a pas été donné le même droit au gouvernement des Etats-Unis.

M. Dechamps. - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que le gouvernement belge avait entendu l'article 15 en ce sens.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est tout simple que dans l'exposé des motifs le gouvernement belge ait déclaré qu'il s'était mis à même de réclamer pour la Belgique le partage des faveurs que le gouvernement américain viendrait à accorder à d'autres nations; mais le gouvernement des Etats-Unis avait absolument le même droit, et le président des Etats-Unis, dans son message au congrès, aura probablement dit la même chose. La question est donc entière.

L'honorable M. Dechamps s'est trompé lorsqu'il a dit que l'article 15 est en quelque sorte une disposition banale (interruption), une disposition qui se trouve dans tous les traités. (Interruption.)

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Cette disposition ne se trouve que dans le traité avec les Etats-Unis. La première partie de l'article se trouve dans les autres traités, mais le deuxième paragraphe ne s'y trouve pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ainsi cette clause banale, qui se trouvait dans tous les traités, ne se trouve, en effet, que dans le traité avec les Etats-Unis.

Il faut, messieurs, interpréter les traités loyalement. Il faut rechercher de bonne foi ce que les parties ont voulu. Je ne me prononce pas. J'admets que les mots « produits similaires » puissent être interprétés dans ce sens que des produits de valeurs tout à fait différentes ne sont pas des produits similaires.

Mais, prenez-y bien garde, lorsque l'honorable M. Dechamps dit : Les Etats-Unis n'ont pas réclamé ; cela doit suffire, l'honorable membre se trompe : il a assez d'expérience et, comme ancien ministre des affaires étrangères surtout, il doit savoir que le gouvernement des Etats-Unis ne réclame pas : il use de représailles, il frappe de surtaxes les marchandises des pays dont il croit avoir à se plaindre, et l'on s'explique ensuite. Voulez-vous, avant toute espèce d'explications, courir le risque de voir prendre des mesures hostiles au commerce belge, et cela pour un intérêt d'ailleurs assez minime ?

Ce que nous demandons, ce qui nous paraît de nature à concilier toutes les opinions, c'est de pouvoir régler cette partie du tarif. Nous nous assurerons du véritable sens que l'on veut attribuer au traité. Si la chose est possible, nous ferons droit à des réclamations qui, en l'absence du traité, nous sembleraient devoir être accueillies. (Aux voix ! aux voix !)

(page 705) M. de Bocarmé. - Messieurs, je ne dirai que deux mots.

Il me semble, messieurs, qu'on est sur la voie dangereuse de créer encore une industrie factice, une industrie trop protégée. J'admets qu'on soutienne ces entreprises, mais d'après le système de l'honorable M. Loos, la protection serait trop forte, et à la longue, ce mode d'introduction des riz pourrait absorber toute la consommation et en même temps tout l'impôt qui a aujourd'hui une certaine importance.

Puis quand viendraient d'autres temps, quand nous serions assez heureux pour pouvoir appliquer les principes du libre-échange, la concurrence étrangère viendrait peser de tout son poids sur l'industrie développée outre mesure. Ainsi, par cette protection exagérée, on préparerait une secousse, des revers qui jetteraient des ouvriers sur le pavé, et nous rendraient les témoins impuissants de tous les désastres que l'anéantissement d'une industrie traîne à sa suite.

Je voterai donc contre le système de l'honorable M. Loos, à moins qu'il ne modifie sa proposition et qu'il ne descende pas au droit insignifiant de 10 centimes; du reste, s'il veut une protection plus forte, je ne m'opposerai pas à une augmentation du droit sur le riz pelé, qui rétablirait une différence telle que, sans provoquer leur exagération, les trois établissements existants puissent continuer leurs opérations.

(page 717) M. Loos. - Messieurs, je n'ai pas soulevé ici la question relative au traité avec les Etats-Unis, parce que j'ai considéré d'abord qu'il était dangereux de traiter cette question ici. et ensuite qu'il était fort inutile d'en parler.

Messieurs, l'honorable M. Dechamps vous a dit que le traité avait été négocié sous l'influence du régime établi par la loi du 21 juillet 1844; cela me paraissait évident ; je vais vous fournir la preuve que le gouvernement lui-même, à une époque très récente, l'avait envisagé de cette manière. En effet, l'arrêté royal du 31 décembre 1848 maintient, à quelques différences près, le régime de la loi du 21 juillet 1844. Si le gouvernement des Etats-Unis avait à élever quelques réclamations, c'était le moment de la faire valoir.

Vous dites que vous avez traité sous le régime de la libre entrée du riz, et vous croyez que, d'après cela, vous ne pouvez établir plus tard une distinction entre le riz des Etats-Unis et celui des Indes orientales, et par votre arrêté du 51 décembre, vous en revenez au régime de la loi de 1844.

Le gouvernement des Etats-Unis n'a pas pu se méprendre sur le caractère de la loi qui suspendrait le droit sur le riz. Une calamité publique pesait sur la Belgique. Pour prévenir les malheurs qui devaient en rivaliser, le gouvernement juge à propos d'abolir tout droit sur les denrées alimentaires; le riz, compris dans ces denrées, subit le même régime. Le gouvernement des Etats-Unis pouvait-il croire qu'une situation semblable serait permanente? Evidemment non : le gouvernement des Etats-Unis a dû se dire que la Belgique reviendrait à la loi de 1844 sous l'influence de laquelle le traité avait été négocié.

J'ai donc pensé qu'il était fort inutile de parler de ce traité, et que je pouvais me livrer à l'appréciation des propositions de la section centrale sans me préoccuper d'engagements internationaux.

M. le ministre des finances a expliqué le mécanisme des chiffres que nous discutons; il a dit qu'il lui avait paru équitable d'établir une moyenne entre le droit d'entrée sur le riz des Indes orientales et le droit d'entrée sur le riz des autres provenances,

Mais pourquoi une distinction avait-elle été établie par la loi du 21 juillet 1844? Je ne suis pas grand partisan de la loi des droits différentiels, mais je trouve qu'elle a ceci de bon, qu'elle fait une distinction entre la grande navigation et la navigation vers les pays plus rapprochés de nous.

Le but qu'on a cherché à atteindre, tant en Belgique que dans les différents pays qui possèdent une marine marchande, même en Angleterre, quoi qu'on en dise, et en France comme en Angleterre, était d'encourager la grande navigation.

(page 718) Ce but assigne à la loi du 21 juillet 1844 me paraissait utile. Eh bien, je trouve que, quand on s'occupe d'une tarification nouvelle pour le riz, il fallait rechercher ce qui en 1844, avait motivé cette distinction entre le riz des Indes orientales et le riz des autres provenances, alors on serait arrivé à faire d'autres propositions, et l'on aurait jugé qu'il y avait lieu de continuer à la grande navigation la protection qu'elle avait obtenue en 1844 pour le riz.

Messieurs, j'ai fait voir tout à l'heure pourquoi il fallait maintenir un droit différentiel sur le riz des Etats-Unis et sur celui des Indes orientales. Alors même qu'on eût eu quelques appréhensions sur les intentions du gouvernement des Etats-Unis, on aurait dû opérer différemment qu'on ne l'a fait. Si vous pensiez que le gouvernement belge fût tenu de ne pas faire de distinction entre le riz des Etats-Unis et celui des Indes orientales, alors il eût fallu du moins étudier l'économie d'un tarif qui put trouver son application utile, en continuant à protéger, autant que possible, sous l'influence du traité avec les Etats-Unis, votre navigation vers les Indes orientales; vous eussiez alors proposé d'autres chiffres.

Messieurs, je me suis plaint eu d'autres circonstances de l'instabilité de nos lois, et surtout de nos lois commerciales et industrielles. Or, j'ai recherché quels avaient été les motifs qui en 1844, firent établir une distinction entre le riz pelé et le riz en paille ; j'ai trouvé que le ministre qui défendait la loi des droits différentiels a dit que cette distinction devait être établie afin de provoquer en Belgique l'érection d'établissements analogues à ceux qui existaient en d'autres pays, pour le pelage du riz; que c'était une industrie utile à introduire, et que, par suite de la promulgation du nouveau tarif, des établissements de ce genre viendraient à se créer.

En effet, après la mise en vigueur de la loi du 21 juillet 1844, de semblables établissements se formèrent en Belgique. Et qu'on ne croie pas que ces établissements ont été élevés à peu de frais; ils sont, au contraire, très coûteux. Il en existe aujourd'hui dans trois localités du pays; un, de création récente, à Anvers; un autre, érigé à Gand, immédiatement après la promulgation de la loi du 21 juillet 1844 ; et le troisième, à Bruxelles. Comment voulez-vous que l'industrie opère avec quelque certitude, si les lois sous l'influence desquelles elle crée des établissements et les développe, sont renversées du jour au lendemain? Je ne pense pas qu'un semblable système prévaudra aujourd'hui devant la chambre. Il n'existe aucun motif pour ne pas continuer à cette industrie la protection que lui a assurée la loi du 21 juillet 1844.

J'ai entendu l'honorable M. de Bocarmé dire que si l'on accordait une protection à une industrie factice, la consommation du pays serait exclusivement fournie par le riz des Indes orientales qui aura été pelé en Belgique, et que les consommateurs payeront les frais de cette protection.

Je répondrai à l'honorable membre que, dans aucun cas, les consommateurs du riz des Etats-Unis ne prendront le riz des Indes orientales ; il y a une différence énorme dans les prix, aussi bien que dans les qualités. Le riz des Indes orientales ne sera jamais consommé que par la classe moyenne ou même par les classes pauvres de la société, tandis que vous ne parviendrez jamais, quoi que vous fassiez, à mettre le riz des Etats-Unis à la portée des classes inférieures; jamais on ne confondra les deux riz, quelque protection que vous accordiez. Les appréhensions qu'on manifeste sous ce rapport ne sont donc point fondées.

Si l’on avait tenu compte des motifs qui, en 1844, avaient fait établir un tarif différentiel, on serait arrivé à une tarification tout autre que celle qui est proposée. Si on voulait établir une moyenne, il fallait faire en sorte que la protection que vous avez voulu donner à l'industrie fût conservée. M. le ministre n'a pas répondu à cet argument que la différence établie entre le droit sur le riz pelé et sur le riz en paille était dépassée par la différence du droit et du fret qui portent sur le déchet du riz pelé dans le pays, déchet qui s'élève à 35 kilog. sur 100. Ajoutez cette différence et vous trouverez non plus le taux de moitié, mais dépassé. D'une part, vous avez 8,22 et de l'autre 7,56.

Il sera impossible à l'industrie nouvelle de continuer si le tarif du gouvernement et de la section centrale est adopté.

(page 705) M. Coomans. - Messieurs, le gouvernement ne soutient pas sa manière de voir d'une manière absolue; il ne repousse pas nettement la proposition de l'honorable M. Loos, il est arrêté par une question préjudicielle, par la crainte de représailles ou tout au moins de réclamations sérieuses de la part des Etats-Unis. Si donc nous parvenons à prouver que ces réclamations ne sont pas à craindre, si nous parvenons à faire comprendre les raisons pour lesquelles les Etats-Unis n'ont pas réclamé et ne réclameront pas contre un tarif différentiel, nous aurons calmé les inquiétudes prématurées du cabinet, et ce sera alors le cas de rentrer dans la discussion approfondie de la proposition de M. Loos. Jusqu'ici le gouvernement ne prétend pas que la proposition de M. Loos soit mauvaise en elle-même; aucun membre de cette assemblée n'a encore soutenu cette thèse. Ce point du débat n'a pas même été entamé. Il reste intact. Je le laisserai intact, et je ne parlerai que de l'incident.

Les Etats-Unis n'ont pas réclamé contre la loi du 31 décembre 1848, d'une part parce qu'ils ont probablement interprété le traité dans le sens indiqué par mon honorable ami, M. Dechamps, et d'autre part parce qu'ils n'avaient aucun intérêt réel à réclamer.

En effet, ils n'ont pas intérêt à empêcher l'introduction du riz du Bengale en Belgique; au contraire, et voici pourquoi. Les consommateurs de riz du Bengale appartiennent à d'autres classes de la société que les consommateurs de riz des Etats-Unis. Les consommateurs de riz du Bengale ne touchent pas au riz Caroline, au riz des Etats-Unis, attendu qu'il est trop cher, et les consommateurs de riz des Etats-Unis ne mangent pas de riz du Bengale, vu qu'il n'est pas assez délicat.

Les Etats-Unis ont intérêt à favoriser la consommation du riz commun en Belgique où l'on en consomme trop peu, peut-être, c'est un moyen d'étendre insensiblement la consommation du riz des Etats-Unis; on commencera par consommer du riz d'Asie qui se vend à bon marché ; peu à peu on s'affriandera et on finira par consommer le riz américain qui est d'une qualité supérieure quant à la vue et au goût du moins. Voilà un progrès qui se réalisera naturellement.

Une raison encore pour laquelle les Etats-Unis ne réclameraient pas contre la tarification dé M. Loos, c'est qu'il serait toujours loisible à la Belgique d'éluder loyalement les difficultés qu'occasionnerait l'interprétation du traité, telle que la donne M. le ministre des finances, si elle venait à prévaloir.

L'honorable M. Osy a déjà dit qu'on pourrait établir les droits d'après la valeur. Et pourquoi pas d'après la couleur?

Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, la taxe différentielle prévaudrait, et le but qu'on prête aux Etats-Unis serait manqué. Or, le peuple ne se remue que lorsqu'il est sûr de réussir et il ne se plaint que lorsqu'il est lésé. Il tolérera donc nos importations de riz Bengale, importations qui nous sont utiles, nécessaires, qui favorisent à la fois et nos relations directes, et notre marine, et la consommation des classes laborieuses, et qui ne nuisent en rien à la vente des riz fins. En somme, messieurs, les scrupules du cabinet sont jusqu'à présent imaginaires; ils ne sont venus qu'à l'esprit de notre consul à New-York, qui les a sans doute trop légèrement communiqués au gouvernement belge.

L'Union américaine s'est tue depuis le 31 décembre 1848, elle se taira encore pour les motifs que j'ai dits, à moins qu'on ne la force à parler. Je ne sais quelle est la date de la lettre du consul en question, mais si, comme j'ai lieu de le croire, elle est déjà ancienne, ce sera une preuve de plus que les craintes du cabinet et de son agent sont peu fondées, et qu'en cela, ils se sont montrés plus américains que les Américains eux-mêmes.

M. Veydt. - Messieurs, je renoncerai à la parole, si M. le ministre des finances a l'intention de demander à la chambre l'autorisation de régler temporairement les droits d'entrée sur les riz, jusqu'à ce que le doute, sur l'interprétation de l'article 15 du traité, soit entièrement éclairci. Je crois aussi que c'est le meilleur parti à prendre. Aucune proposition n'étant faite, j'userai d'une initiative en déposant un amendement ainsi conçu : «Jusqu'au 1er janvier 1851, le gouvernement est autorisé à régler la tarification sur le riz. »

Quelques instants suffisent pour développer cet amendement.

Ce qui a été dit par les honorables membres qui ont traité la question prouve à l'évidence qu'il existe un doute. Nous voulons tous que le traité soit loyalement appliqué; mais comment faut-il entendre cette disposition relative aux articles similaires?

Dans ma conviction, elle ne fait en aucune façon obstacle au maintien du droit proportionnel sur les riz, suivant leurs qualités et leurs prix. Nous avons entendu l'opinion de notre honorable collègue, qui a négocié le traité en 1845; il a fait valoir des raisons très puissantes. Je pense, comme lui, que c'est en prenant pour base la loi du 21 juillet 1844, qui consacre les droits différentiels sur les riz des Indes orientales et les autres, que le traité a été négocié. La négociation était sans doute commencée et probablement arrêtée, de commun accord, quant aux principaux articles, lorsque, par suite de la disette, une loi essentiellement provisoire de septembre 1845 est venue suspendre l'application d'un droit de douane sur les riz. Le représentant des Etats-Unis, résidant à Bruxelles, a très bien su que ce n'était là qu'une exception de courte durée et que la loi de 1844 devait reprendre son empire dès que le motif qui lui avait donné naissance viendrait à cesser. Pour moi, cela n'aurait pas fait l'objet d'un doute.

Mais je respecte l'opinion de ceux qui croient le contraire ou du moins qui hésitent sur la portée des expressions du traité.

Dans cette situation, il convient que la législature ne tranche pas définitivement la question. Je lui propose de n'adopter ni la proposition de la section centrale, ni l'amendement de l'honorable M. Loos. Le gouvernement réglera provisoirement les droits ; il recueillera toutes les informations pour assurer au traité sa véritable interprétation.

En procédant ainsi, nous agissons avec prudence ; nous ne prenons aucune mesure sur laquelle on aurait peut-être à revenir. Nous ménageons au gouvernement le moyen de tarifer l'entrée du riz, comme il désire qu'il le soit, l'honorable ministre des finances l'a déclaré, c'est-à-dire en tenant compte des bas prix du riz des Indes, comparativement au riz des Etats-Unis. C'est ainsi qu'il l'a été par la loi de 1844 et par l'arrêté royal du 31 décembre 1848. Eu égard à ces raisons, j'espère que le gouvernement se ralliera à mon amendement et qu'il sera adopté par la chambre.

En réalité, il n'est que la prolongation tout à fait temporaire du régime, en ce qui concerne le riz, sous lequel nous vivons encore et cette prolongation est justifiée par le sentiment qui nous anime tous, le respect dû à un traité international. J'ai une entière confiance que cette question sera résolue comme il convient qu'elle le soit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'objection qui vient d'être faite par l'honorable M. Veydt, objection déjà présentée par M. Loos, me paraît être une pétition de principe. On nous dit : Le traité a été négocié sous l'empire de la loi des droits différentiels, par conséquent cette loi peut être maintenue en présence du traité.

Mais quel était l'objet de l'article 15 du traité? N'était-il pas de faire disparaître le traitement différentiel? Ne devait-il pas avoir pour conséquence de faire appliquer les mêmes droits à des marchandises similaires? Voilà les questions qu'il faudrait résoudre préalablement. Le traité a eu pour objet d'établir un droit égal sur des produits similaires de provenances différentes.

Quant à l'amendement de M. Loos en lui-même, M. Coomans disait que j'étais d'accord avec son auteur, que je ne le combattais pas, que personne ne l'avait combattu dans la chambre.

M. Coomans. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne puis accepter cette position. Il faut que je m'explique clairement.

J'ai combattu l'amendement de l'honorable M. Loos sous un double rapport : 1° parce qu'il a pour objet d'établir un droit différentiel selon la provenance du riz ; 2° parce que le droit établi sur le riz non pelé est beaucoup trop faible selon moi, en comparaison du droit proposé sur le riz pelé. Sous ce rapport je n'admets pas non plus l'amendement. Il suppose que le rendement en riz pelé du riz importé en paille est de beaucoup inférieur à celui que j'admets. On suppose un déchet bien plus considérable que celui qui résulte des renseignements que j'ai sous les yeux.

Je tenais à faire cette déclaration, parce que la position du gouvernement doit être nette.

Si l'on ne donne pas au gouvernement le pouvoir de régler le tarif, il ne faut pas croire que nous admettions l'amendement de l'honorable M. Loos.

M. Dumortier. - Je ne crois pas que l'on puisse adopter la proposition de l'honorable M. Veydt; car ce serait une délégation du pouvoir législatif aux mains du gouvernement, et nous ne pouvons déléguer notre pouvoir. D'ailleurs le gouvernement ne le demande pas, et il a raison. En matière d'impôt surtout, la Constitution est formelle. Les chambres seules ont le droit de voter des impôts. Or, il s'agit bien ici d'un impôt de consommation. Il ne peut s'agir d'un droit protecteur, puisque le droit est établi sur une substance alimentaire que la Belgique ne produit pas.

J'appuie donc la proposition de M. le ministre des finances. Dans un moment où la situation du trésor n'est pas brillante, il est juste de mettre un léger impôt sur le riz. L'impôt est réellement très léger, si vous considérez que c'est la classe aisée qui consomme le riz. Je ne conçois donc pas que la proposition de M. le ministre des finances rencontre une aussi forte opposition.

Je ferai observer que lorsque nous défendions les intérêts de l'agriculture, on venait nous prêcher la liberté commerciale. Aujourd'hui, qu'il s'agit du port d'Anvers, on défend l'intérêt opposé. Il faudrait commencer par être conséquent avec soi-même. Il s'agit ici d'un droit en faveur du trésor public. On ne peut contester que le trésor n'ait besoin d'argent.

Le droit est tellement modéré que nous ne pouvons le refuser. Je voterai pour la proposition du gouvernement.

Je repousse la proposition de l'honorable M. Veydt, parce que nous ne pouvons, en matière d'impôt, déléguer le pouvoir législatif.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. le ministre des finances vous a fait part des scrupules du gouvernement au sujet de l'interprétation du texte du traité. Je pense que la chambre saura gré au ministère de sa réserve.

En principe, nous croyons qu'il serait désirable que l'on établît un droit différent, en raison des espèces différentes de riz, en raison de la différence de valeur. Le tarif ainsi réglé serait une conséquence du principe en vertu duquel les diverses espèces de céréales ont été tarifées d'après leur valeur.

A l'époque où le gouvernement, usant des pouvoirs qui lui avaient été donnés, avait dans le tarif provisoire qui va expirer établi des droits différents sur les différentes espèces de riz, il les aurait définitivement maintenus dans la loi, s'il n'avait pas été en présence d'un texte qui lui a inspiré des doutes.

Dans cet état de doute, et jusqu'à ce que la question soit éclaircie, je pense que la chambre fera bien de laisser au gouvernement la faculté de régler par arrêté les droits relatifs au riz. En cela, la chambre fera ce qu'elle a fait en d'autres circonstances et notamment l'année dernière.

La chambre peut donc accorder cette faculté au gouvernement, sans qu'il y ait là innovation exorbitante. Cette délégation serait temporaire. Rien n'empêche, dans une loi définitive, de déléguer un pouvoir temporaire au gouvernement, quant à l'exécution d'un article spécial. J'appuie donc l'amendement de l'honorable M. Veydt.

Je m'empresse d'ajouter que, si le gouvernement demande, en présence d'un traité international, le pouvoir de régler le tarif, ce n'est pas en vue de favoriser, par la protection de droits différentiels exorbitants, tel ou tel établissement particulier.

Les établissements belges de pelage de riz seront traités avec justice, mais nullement avec faveur.

M. Loos. - J'avais présenté mon amendement, parce que je n'avais pas les mêmes scrupules que le gouvernement. Je ne croyais pas que nous fussions tenus d'exécuter le traité avec les Etats-Unis dans le sens qu'ont indiqué MM. les ministres. Mais comme je tiens, tout autant que le gouvernement, à ce que le traité avec les Etats-Unis soit loyalement exécuté, puisque l'amendement de l'honorable M. Veydt est appuyé par te gouvernement, je retire volontiers mon amendement.

J'avais, pour proposer mon amendement, un autre motif qui vient à cesser. M. le ministre des finances a déclaré que le déchet sur le riz pelé n'est pas aussi important que je l'avais supposé. J'ai recherché avec toute la bonne foi possible (la chambre n'en doute pas, j'en suis convaincu) quel est le déchet sur le riz.

Du moment que ce point est contesté, je n'insiste pas. J'abandonne à l'honorable ministre des finances le soin de rechercher avec exactitude quel est le déchet sur le riz, et de régler le droit en conséquence.

Je retire mon amendement.

- La clôture est demandée.

M. Mercier (contre la clôture). - Il n'y a qu'un instant que la question a changé de face. Nous ne nous attendions pas à la proposition que vient de faire l'honorable M. Veydt et qui est très importante. Je voudrais donc que la discussion fût continuée. Il me semble que ce n'est que dans des circonstances très graves qu'on peut déléguer des pouvoirs pareils au gouvernement. Ces circonstances n'existent pas. Le gouvernement va d'ailleurs se trouver dans un grand embarras. Car avant le 15 février il devra prendre un arrêté. Or il n'y a pas plus d'inconvénients à porter une loi que de forcer le gouvernement à prendre un arrêté pour cette époque.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - L'amendement de M. Veydt, auquel se rallie le gouvernement, écartant tous les autres, je le mets le premier aux voix.

- Cet amendement est adopté.

M. le président. - Nous avons un amendement de M. de Bocarmé, mais je le crois écarté par un vote précédent.

M. de Bocarmé. - Je le retire.


Article additionnel

M. le président. - Voici un autre amendement qu'a proposé M. de Brouwer de Hogendorp :

« Les sommes que produiront les droits établis par la présente loi seront spécialement appliquées au perfectionnement de la voirie vicinale, sans préjudice aux crédits alloués à cet effet au budget de l'intérieur. »

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je le retire.


Article 2

M. le président. - La proposition de M. Bruneau porte à l'article 2 : Les céréales ne sont soumises à la sortie qu'à un droit de balance de 5 centimes par 100 kilog. »

M. Bruneau insiste-t-il ?

M. Bruneau. - Oui, M. le président.

M. le président. - La section centrale propose l'article 2 suivant : « Le gouvernement pourra , dans des circonstances graves, réduire les droits d'entrée sur les denrées alimentaires, et même en prohiber la sortie, lorsque les chambres ne seront pas assemblées, sauf à soumettre à leur approbation, dans le mois de leur première réunion les mesures qu'il aura prises. »

M. Bruneau. - Je ne me rallie pas à cette proposition.


Article premier

M. Osy. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Messieurs, nous avons voté le tableau renfermant le tarif; mais nous n'avons pas voté la disposition qui se trouve en tête du tarif, et qui est ainsi conçue : « A dater du 16 février 1850, les droits d'importation sur les articles suivants sont fixés, savoir : »

Je demande la suppression des mots : « à dater du 16 juillet 1850 ». Le sénat devant examiner la loi, je crois que nous ne pouvons pas fixer de date. Le gouvernement verra pour demain s'il ne croit pas convenable que, avant notre séparation, nous votions un projet prorogeant de quelques jours la loi aujourd'hui en vigueur.

Je demande donc que l'article premier commence par ces mots : « Les droits d'importation sur les articles suivants sont fixés, savoir : »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je voulais faire la même proposition que l'honorable M. Osy. Les mots dont il demande la suppression sont complètement inutiles. La loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. Si, par événement, il y avait nécessité de proroger encore la loi qui existe, on devrait aussi vous demander la suppression de ces mots de l'article premier.

- La suppression demandée par M. Osy est mise aux voix et adoptée.


Article additionnel

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 2 proposé par M. Bruneau.

M. Bruneau. - Messieurs, je veux que les céréales soient toujours libres à la sortie. Mais je désire qu'il soit constaté quelles sont les quantités de céréales que l'on exporte. C'est le but de mon amendement. Si l'on croit que le droit de balance que je propose peut être réduit à 1 centime, je ne m'y oppose pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le but que se propose l'honorable membre peut être atteint sans droit. Toute exportation doit être précédée d'une déclaration. Ainsi il est inutile de rien déterminer à cet égard dans la loi.

Quant à l'article 2 proposé par la section centrale, nous demandons qu'on en supprime les mots : « et même en prohiber la sortie. »

M. Bruneau. -Si le retranchement des mots : « et même en prohiber la sortie, » indique que les grains seront toujours libres à la sortie, je ne tiens pas à mon amendement, je le retire.


Article 2

M. le président. - En ce cas nous passons à la discussion de l'article 2 proposé par la section centrale. Le gouvernement se rallie à la première partie, mais non à la seconde.

M. Vermeire. - La section centrale adopte le principe de la proposition faite par l'honorable M. Jullien, et qui a été reproduite, avec de légères modifications, par moi et mon honorable ami et collègue M. Dedecker. Ce principe, messieurs, consiste à laisser au gouvernement la faculté de réduire, en l'absence des chambres, selon l'exigence des circonstances, les droits d'entrée sur les denrées alimentaires, et même d'en prohiber, au besoin, la sortie, sauf à soumettre ces mesures exceptionnelles à l'approbation des chambres, pendant le premier mois de leur réunion. Toutefois, la section centrale propose de remplacer les mots « suivant l'exigence des circonstances », par ceux-ci : « dans des circonstances graves ». Nous nous rallions à ce changement de rédaction.

Le gouvernement, messieurs, a déclaré ne pas vouloir de la prohibition à la sortie. Nous ne concevons point le refus de la part du ministère, d'accepter cette faculté dont, certes, il ne devra faire usage que quand il le jugera convenable, qu'en ce moment extrême où le salut du peuple devient, pour ainsi dire, la suprême loi.

En fait d'alimentation générale, alors que des circonstances graves se présentent, comme celles d'un manque simultané de récoltes par tout le continent, les gouvernements sont forcés de fléchir devant les principes absolus, d'abandonner la règle générale, et d'avoir recours aux exceptions, afin de conserver au pays les aliments dont il a immédiatement besoin pour pourvoir à sa nourriture.

Les temps, messieurs, ne sont pas éloignés où de pareilles mesures prises par le gouvernement, en l'absence d'une autorisation légale, reçurent néanmoins l'assentiment général des chambres et du pays.

En effet, messieurs, la mesure prise par le gouvernement, pendant les années 1845, 1846 et 1847, n'a pas peu contribué à la tranquillité du pays et à le préserver de bien grands malheurs.

Du reste, messieurs, le pays et les chambres sont toujours d'accord de prendre toutes les mesures pour faire sortir le pays de la position (page 707) critique où il pourrait se trouver par suite d'un manque d'aliments nécessaires à sa subsistance, en un mot d'appliquer aux grands maux les grands remèdes.

N'avons-nous pas entendu, messieurs, partir de tous les côtés de cette enceinte les protestations les plus énergiques, surtout de la part des honorables adversaires du projet du gouvernement, alors qu'on les accusait de provoquer la disette, de rétablir l'impôt sur le pain? Et l'adhésion par la section centrale à ce principe de prohibition facultative, motivée sur d'impérieuses nécessités, n'est-elle pas une preuve de plus que, quand le pays est en danger, tout le monde s'empresse de lui porter secours?

Messieurs, en présence des manifestations d'impatience de la chambre à la suite de si longs débats, je ne me permettrai pas de justifier notre amendement par d'autres considérations. Je crois suffisantes celles d'intérêt général que je viens d'indiquer brièvement, pour faire inscrire dans la loi la prohibition facultative des denrées alimentaires dans des circonstances graves.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, nous devons réfuter la faculté qui est offerte au gouvernement, de prohiber, en des circonstances extraordinaires, les denrées alimentaires à la sortie. Ce n'est point un caprice de notre part, c'est pour être conséquents avec nous-mêmes. Ce n'est pas non plus dans le but de faire renchérir les denrées alimentaires en temps de disette, mais c'est parce que nous croyons que le meilleur moyen d'assurer le bon marché relatif des denrées en temps de disette, c'est de les laisser entrer et sortir librement, c'est de donner au commerce le plus grand développement, c'est de donner à ceux qui doivent nous approvisionner la certitude qu'à toute époque les denrées qu'ils ont fait entrer dans le pays pourront sortir librement. C'est par les opérations d'un libre commerce qu'on parvient le plus sûrement à garantir le pays contre un trop grand avilissement des prix et contre une cherté excessive, même dans les temps de disette. C'est ainsi que la Hollande a procédé depuis longtemps; et nous n'avons pas remarqué que ce régime ait fait dépérir la Hollande. Nous avons passé par des circonstances difficiles; le ministère a été plusieurs fois interpellé, il a été plusieurs fois engagé très vivement à empêcher l'exportation des denrées alimentaires. Le gouvernement a résisté, et je pense qu'il a bien fait de résister; il a maintenu par là la sécurité pour tous les intérêts, et nous n'avons pas vu que la Belgique ait manqué d'approvisionnements ; au contraire, il s'est opéré dans les relations commerciales de la Belgique, en ce qui concerne les denrées alimentaires, une sorte de révolution toute favorable au pays.

Nous maintenons et nous voulons maintenir, aussi longtemps que nous le pourrons, cette liberté pour les denrées alimentaires, liberté à l'entrée, moyennant un léger droit, mais liberté complète à la sortie; et, sous ce rapport, nous donnons encore des gages de sympathie aux intérêts agricoles.

- La clôture est demandée.

M. de Brouwer de Hogendorp (sur la clôture). - Messieurs, je me proposais de soutenir l'opinion qui vient d'être développée par M. le ministre de l'intérieur; si personne ne le contredit, je renoncerai volontiers à la parole.

- La discussion est close.

La proposition est mise aux voix par division.

La partie qui est relative à la réduction des droits d'entrée, est adoptée.

La partie qui est relative à la prohibition de la sortie, n'est pas adoptée.


Article additionnel

M. Lelièvre. - Je proposerai, messieurs, l'article additionnel suivant :

« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Cet article est adopté.

La chambre décide que le second vote aura lieu demain.

La séance est levée à 5 heures.