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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 25 juillet 1851

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1743) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs distillateurs agricoles dans le Brabant présentent des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Plusieurs pensionnés civiques et décorés de la croix de Fer réclament l'intervention de la chambre pour obtenir une augmentation de pension. »

M. Rodenbach. - Ce sont les blessés de Septembre de Liège et de Verviers qui se sont adressés à la chambre, en novembre dernier, et qui demandent à être mis sur le même pied que les légionnaires. Ils demandent aussi que leurs veuves puissent être pensionnées comme les veuves de légionnaires, faisant valoir qu'ils ont ainsi que leurs veuves autant de droits à être pensionnés que les légionnaires et leurs veuves.

Je demande le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Ce renvoi est prononcé.


M. A. Vandenpeereboom. - « Plusieurs habitants de Molhem-Bollebeek prient la chambre d'adopter la proposition de loi relative à l'abolition de quelques taxes communales. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi.

« Le conseil provincial de Brabant prie la chambre de mettre le gouvernement à même d'exécuter les travaux nécessaires pour prévenir le retour des inondations qui ont désolé la province au mois d'août dernier ; demande la construction des chemins de fer de Louvain à Wavre et de Wavre à Manage ; le maintien en faveur de la ville de Wavre, de l'ancien tracé du chemin de fer du Luxembourg ; une modification au tracé du chemin de fer direct d'Alost à Bruxelles, la canalisation de la Dendre ou tout au moins l'amélioration de son cours ; appelle l'attention de la chambre sur le canal projeté de la Campine, propose d'y ajouter une section pour relier la ville de Diest à la Meuse et à l'Escaut et d'ordonner l'exécution d'un canal de jonction entre le canal de Louvain et le Demer. »

- Distribution aux membres et renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics.

« Plusieurs négociants et propriétaires à Breedene prient la chambre de voter les fonds nécessaires pour l'exécution du projet de M. l'ingénieur en chef de Sermoise, qui embrasse tout le système des eaux de la Flandre occidentale. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Boisschot demande que le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics comprenne les travaux d'amélioration nécessaires à la Grande-Nèthe. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Louvain présente des observations en faveur de la demande de concession du chemin de fer de Louvain à Wavre, et de l'exécution du chemin de fer de Wavre à Manage. »

« Mêmes observations du tribunal de Louvain. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal et plusieurs habitants de Westende prient la chambre de voter les fonds nécessaires à l'exécution des travaux proposés par M. l'ingénieur en chef de Sermoise, pour l'écoulement des eaux de la Lys. »

« Même demande des membres du conseil communal et des habitants de Ghistelles, de Zande, et de Slype. »

- Sur la proposition de M. Van Iseghem, appuyée par M. Sinave, même renvoi.


« Les membres du conseil communal et plusieurs industriels et habitants de Fleurus demandent l'achèvement de l'embranchement du chemin de fer de Louvain à Charleroy, dans la direction de Gembloux et Fleurus. »

- Même renvoi.


M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces d'instruction qui y sont relatives, deux demandes de naturalisation.

-Renvoi à la commission des naturalisations.


M. Thibaut, ayant eu le malheur de perdre un de ses enfants, demande un congé de quelques jours.

- Ce congé est accordé.

Projet de loi réglant la taxe et le mode de liquidation des honoraires des notaires

Rapport de la commission

M. Moreau, au nom de la commission spéciale qui a examiné le projet de loi relatif à la taxe des honoraires des notaires, dépose le rapport sur ce projet de loi.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et met la discussion de ce projet de loi à la suite de l'ordre du jour.

Rapport sur des pétitions

M. H. de Baillet, rapporteur. - « Plusieurs habitants de Visé appellent l'attention de la chambre sur la réclamation qu'ils ont adressée au gouvernement contre l'arrêté qui dispose de la fondation des Sépulchrines de Visé, et qui a décrété l'établissement d'une école moyenne de l'Etat, en remplacement de l'école industrielle et commerciale, cela contrairement au vœu émis par le conseil communal. »

Dans leur réclamation les pétitionnaires s'appuient surtout sur les dispositions de la loi du 1er juin 1850 qui permettent aux communes possédant des établissements d'instruction moyenne, de l'un ou l'autre degré, de conserver à ceux-ci leur caractère d'établissements communaux. Ils soutiennent que les biens provenant de l'ancienne communauté des Sépulchrines, affectés à l'instruction primaire, appartiennent à la commune, qui doit en avoir la direction. Ils réclament du gouvernement, à l'égard de la commune de Visé, une mesure identique à celle prise par lui, conformément à l'avis de M. le ministre de Haussy, dans un cas semblable, à l'égard de la commune de Theux, qui a été envoyée en possession de biens provenant d'une ci-devant corporation religieuse et qui sont affectés à l'enseignement primaire. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explication.

M. Osy. - J'appuie ces conclusions et je demande que les explications soient données avant la fin de la session, c'est-à-dire avant l'organisation des établissements d'enseignement moyen.

M. Delfosse. - Il serait bon, en effet, que les explications fussent données dans cette session, qu'elles ne se fissent pas trop attendre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'elles soient données immédiatement. Elles seront données quand on les voudra.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

M. H. de Baillet, rapporteur. - « Les membres d'une société de rhétoriqne d'Eecloo et de la société littéraire dite : « den Wyngaerd », à Bruxelles, demandent l'abolition de la contrefaçon et la libre entrée des livres entre la Belgique et la Hollande. »

La commission propose le renvoi à MM. les minstres de l'intérieur et des affaires étrangères.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi établissant un droit de débit sur la vente des tabacs

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - La discussion générale a été close hier.

« Art. 1er. Tout débitant de tabac, vert ou sec, en feuilles ou en poudre, ou autrement fabriqué, à l'exclusion des cigares, est soumis à un droit de débit annuel, d'après le tarif suivant :

« Première classe, 15 francs ;

« 2ème classse, 10 francs ;

« 3ème classe, 6 francs.

« Tout débitant de cigares, sans distinguer s'il vend ou non d'autres tabacs, est soumis à un droit de débit annuel, de :

« Première classe, 96 francs ;

« 2ème classe, 84 francs ;

« 3ème classe, 72 francs ;

« 4ème classe, 60 francs ;

« 5ème classe, 48 francs ;

« 6ème classe, 36 francs ;

« 7ème classe, 24 francs. »

La section centrale propose le paragraphe additionnel suivant :

« La classification des débitants est déterminée par l'importance relative de leur commerce ; celle-ci est établie, sur le débit présumé. »

M. Osy a déposé l'amendement suivant :

« Ajouter une 4e classe de débitants de tabac, au droit de 4 fr. ; une 8ème classe de débitants de cigares, au droit de 12 fr. »

M. Coomans propose, par amendement, de supprimer les six premières lignes et de dire :

« Tout débitant de cigares est soumis à un droit de débit annuel de : etc. » (Comme au projet de la section centrale.)

(page 1744) M. Allard propose de modifier la rédaction de l'article premier de la manière suivante :

« Tout débitant de tabac en carotte, en poudre, haché ou autrement fabriqué à l'exclusion des cigares. » (Le reste comme au projet.)

M. Allard. - Messieurs, je propose de changer la rédaction de l'article premier de la loi qui nous est proposée, de la manière suivante :

« Tout débitant de tabac en carotte, en poudre, haché ou autrement fabriqué, à l'exclusion des cigares, etc. »

Messieurs, mon intention est d'abord de supprimer le mot « vert ». Le tabac vert n'esl pas fabriqué, et je ne veux pas qu'il soit imposé. Car, en définitive, ce serait imposer l'agriculture. L'agriculteur ne paye pas de patente pour vendre ses denrées ; je ne vois pas pourquoi on lui ferait payer un droit de débit pour la vente du tabac qu'il aura récolté.

Je ne suis pas favorable au projet, je voterai contre. J'ai voté en 1849 contre la loi qui nous a été soumise pour modifier la loi sur le débit des boissons distillées. Si j'avais fait partie de la chambre en 1838, j'aurais voté également contre celle qui l'a établi. Si l'on continue à nous faire voter des droits de débit de telle ou telle marchandise, il en résultera que des commerçants auront des patentes énormes.

Il n'y a pas de raison pour ne pas faire payer aussi un droit de débit pour les huiles, pour le savon, pour le café, pour le sucre, etc., etc.

Je suis tout à fait décidé à voter contre la loi ; mais cela ne m'empêchera pas de faire tous mes efforts pour la rendre le moins mauvaise possible.

M. Cools. - Messieurs, j'ai des reproches de plus d'un genre à adresser au principe du projet que nous discutons. Parmi ces reproches, il en est un qui s'applique également aux bières et aux genièvres. De celui-là je ne dirai qu'un mot. Je trouve que le gouvernement remue beaucoup d'impôts pour obtenir un bien faible résultat. Il prend quelque chose aux bières, quelque chose au tabac, quelque chose au genièvre.

C'est très bien pour le moment, mais je demande au gouvernement comment il s'y prendra quand il faudra encore une fois créer de nouveaux impôts et c'est bien le moment d'y penser. Car enfin on ne peut plus se faire illusion sur ce point, si le projet de loi sur les travaux publics passe tel qu'il nous est soumis par le gouvernement, il ne se passera pas trois ans sans que nous nous trouvions dans la même situation financière où nous étions il y a quelques mois, c'est-à-dire qu'il y aura un nouveau déficit et qu'il faudra encore une fois créer de nouveaux impôts pour le combler.

C'est là un point sur lequel on aime bien à s'étourdir ; cependant, je crois qu'on doit en être assez généralement convaincu. Malheureusement, en ce moment, on est très disposé à en prendre son parti. On consent à se trouver dans cette position, après trois années de répit, pourvu qu'en attendant, on obtienne son canal ou son chemin de fer. Or, je le demande encore une fois au gouvernement, que fera-t-il alors ? Car enfin, on ne peut pas remanier à chaque moment les lois d'impôt.

Je n'en dirai pas davantage sur ce point ; le moment n'est pas venu ; je ne veux pas soulever une discussion incidente.

En ce qui concerne les tabacs plus spécialement, je crains que le projet ne jette la perturbation dans les débits de tabac, surtout dans les communes rurales. Je crois que les petits débitants de tabac auront de la peine à continuer de subsister. Je reconnais que, sous ce rapport, M. le ministre a fait une concession dans la séance d'hier, mais j'aurais voulu qu'elle eût été plus large : il propose de mettre dans une catégorie exceptionnelle les débitants de tabac qui vendent cette denrée cumulativement avec d'autres, dans les communes d'une population inférieure à 1,500 âmes ; mais je ne sais pas pourquoi il n'agit pas de la même manière pour toutes les communes rurales sans distinction.

Je sais bien que M. le ministre répondra qu'il craint de perdre trop sur le produit qu'il a en vue, que tout le monde se mettrait à vendre autre chose avec le tabac, afin de se trouver ainsi dans la catégorie exceptionnelle dont il s'agit.

Mais, messieurs, il y a un correctif dans la proposition de M. le ministre, c'est le mot « accessoire » : il ne suffira pas qu'on se mette à vendre accessoirement n'importe quoi en même temps que du tabac ; il faudra que d'abord on vende autre chose et que le débit de tabac ne soit que l'accessoire qui vienne s'ajouter au principal. Il me semble qu'il y a là une garantie suffisante.

Mais j'ai un autre reproche à faire au projet : c'est que la loi manque complètement de base, que le tarif est vague et indéterminé, qu'il y a une part trop large qu'on fait à l'arbitraire.

Pour moi, ce reproche est tellement fondamental qu'il me décidera à voter contre le projet de loi, à moins que le gouvernement ne consente à y introduire des modifications de la nature de celles qui sont proposées par la section centrale. Dès ce moment, je me renfermerai dans l'examen de ces propositions.

Messieurs, il faut bien reconnaître une chose : l'impôt que nous allons établir d'une manière spéciale sur les débitants de tabac, de même que celui que nous avons établi en 1849 sur les débitants de boissons distillées, n'est réellement qu'une patente supplémentaire.

C'est là une chose qu'on voudrait pouvoir se cacher à soi-même, car tout le monde est d'avis que les patentes sont déjà très élevées ; qu'il faudrait plutôt les réduire ; et cependant, en y regardant de près, nous devons reconnaître que ce que nous faisons n'est pas autre chose que d'imposer aux débitants de tabac une patente supplémentaire. Du reste, c'est là une vérité qui n'est pas niée par le gouvernement lui-même.

Il résulte de ceci que pour connaître le principe que nous devons introduire dans le projet de loi, il faut s'en rapporter à la loi générale sur les patentes.

Cette loi est vicieuse ; on nous a promis depuis longtemps de la modifier. Je suis même étonné que le gouvernement tarde si longtemps à nous faire des propositions à cet égard.

Mais, quelles que soient les modifications que vous introduirez dans la loi, vous y maintiendrez toujours le principe fondamental de 1819 parce que ce principe sert de base à toute loi quelconque d'impôt. Ce principe est celui-ci : que pour toute patente, il faut rechercher avec soin les éléments propres à servir de base, et que lorsque ces éléments existent, il faut les préciser dans la loi.

Voilà un principe fondamental, en matière d'impôts, qui est observé dans tous les pays civilisés du monde.

Messieurs, j'ai examiné avec soin la loi de 1819 sur les patentes ; elle est très vaste. Je ne vous parlerai pas des catégories de patentes qui n'ont aucun rapport avec l'objet dont nous nous occupons, ni des sociétés anonymes, ni des banquiers, ni des notaires, ni des colporteurs ; il est inutile de nous occuper de cela ; il faut uniquement s'en tenir aux négociants qui offrent une analogie quelconque avec les débitants de tabacs.

Je n'ai trouvé que trois catégories à l'égard desquelles la loi de 1819 laisse aux répartiteurs une certaine latitude dans le genre de celle qu'on nous demande relativement aux débitants de tabac.

Ces trois catégories sont les fabriques dont la cotisation n'est pas subordonnée au nombre des ouvriers qu'elles emploient ; puis certains moulins de petite dimension ; puis une série, assez nombreuse, je le reconnais, de petits commerçants de diverses natures parmi lesquels figurent les cabaretiers.

Il y a d'abord une remarque à faire, c'est que pour ces catégories, où la loi laisse une certaine latitude, la latitude est néanmoins moindre que celle qu'on veut se réserver à l'égard des débitants de tabac.

Il y a ensuite une autre remarque qui est fondamentale : c'est que lorsque le législateur s'éloigne des principes généraux, lorsqu'il n'introduit pas des bases précises dans la loi, il a pour cela des motifs spéciaux, exceptionnels qui l'empêchent d'agir autrement.

Lorsque la remarque en a été faite dans la séance d'hier, qu'a-t-on répondu ? On a répondu : C'est que le pourquoi ne fait rien à la chose. Mais c'est le pourquoi, au contraire, qui fait tout ; c'est le pourquoi qui fait que pour les débitants de boissons distillées on a pu agir avec un certain arbitraire, tandis qu'on ne peut pas le faire pour les débitants de tabac, comme je le prouverai à l'instant. C'est qu'ici le pourquoi manque.

Prenons la première catégorie dont je vous parlais, les fabriques, les usines dont la cotisation n'est pas subordonnée au nombre d'ouvriers qu'elles emploient.

Nous trouvons, en parcourant la liste jointe à la loi de 1819, que généralement la répartition peut se faire en deux, trois ou quatre classes.

Ici nous en avons sept, et remarquez-le bien, pourquoi donne-t-on la latitude aux répartiteurs ? Mais cela est dit tout au long dans l'exposé des motifs.

Voici ce que contient l'exposé des motifs de 1819 :

« Pour les fabriques et les usines pour lesquelles le nombre des ouvriers est si peu considérable qu'on ne saurait y trouver une base à l'impôt, on a été forcé, comme pour les moulins désignés au tableau n°4, d'indiquer un certain nombre de classes, comme maximum et minimum, afin de pouvoir les taxer suivant les circonstances. »

Donc on n'a agi ainsi que parce qu'il était impossible de trouver une base.

Passons au tableau n°4, les moulins dont il a été question dans la séance d'hier.

Remarquez, messieurs, qu'ici il y a une distinction importante à faire. Les moulins considérables, de grande dimension, les moulins à farine, ceux-là ont une base et ne sont plus compris dans la catégorie dont nous nous occupons. Il ne s'agit ici que des moulins de petite dimension. Pour ceux-là encore, la loi établit des restrictions, elle établit trois catégories : les moulins à eau, les moulins à vent et les moulins à chevaux. Tous sont rangés dans des catégories différentes.

Maintenant, ces restrictions admises, pourquoi y a-t-il encore une latitude dans la loi ?

Voici encore ce que contient l'exposé des motifs : « Dans l'impossibilité d'indiquer des éléments certains, propres à servir de base à la cotisation de ces moulins, on a fixé le maximum et le minimum du droit, de manière à ce qu'il puisse être convenablement gradué, d'après les bénéfices que ces moulins produisent. »

Ainsi, encore une fois, la base manque, et c'est uniquement pour cela qu'on n'en indique pas dans la loi.

D'une part on ne saurait, comme pour les moulins à grande dimension, se guider d'après la valeur locative, parce que cette valeur est minime, et d'autre part, on ne pourrait frapper le propriétaire des moulins, à raison des produits qu'ils donnent, parce que les propriétaires de ces moulins ne sont pas des fabricants proprement dits, ils prêtent leur moulin à d'autres, moyennant salaire. Ce qui sort de ces moulins est déjà le produit d'une autre industrie taxée séparément. Voilà donc, encore ure fois, une raison spéciale qui dispensait d'introduire une base déterminée dans la loi.

Nous avons le tableau n°14, la série des négociants dont parle M. le ministre. Eh bien ! il y a, dans cette série, une masse de subdivisions. Il y a des industriels qui sont classés dans trois catégories différentes.

(page 1745) Je vous citerai entre autres les commissionnaires, les débitants en gros, qui sont classés dans trois catégories différentes, parce qu'on a toujours voulu chercher, autant que possible, d'arriver à quelque chose de précis. C'est dans cette catégorie que figurent les cabaretiers, sous le n°38. Ce sont les cabaretiers qu'on a dotés de ce droit de débit, le même qu'on veut maintenant imposer aux débitants de tabac. Remarquez que les cabaretiers sont frappés à raison du tarif B, c'est-à-dire selon l'importance des communes. Ainsi il y a dans la loi des garanties qui sont offertes aux cabaretiers et que vous ne voulez pas accorder aux débitants de tabac.

Mais il y a une remarque bien plus importante à faire que celle-là.

Lorsqu'en 1849 nous avons fait une loi de débit pour ceux qui vendent des spiritueux et que nous l'avons fait, en suivant les règles établies pour la patente des cabaretiers, nous sommes rentrés dans le droit commun. Si, au contraire, nous suivions la même marche aujourd'hui, si nous affections le même modèle aux débitants de tabac, nous ferions toujours une loi exceptionnelle, dans laquelle nous nous écarterions des principes généraux qui doivent nous guider. Rien n'est plus facile que de le démontrer.

Pourquoi, en ce qui concerne les trois catégories que je viens de rappeler, laisse-t-on une certaine latitude aux agents du fisc ? Mais parce qu'on ne peut pas faire autrement.

Mais agit-on de même quand on a une base ? Mais non ; on s'en empare. Ces bases sont indiquées avec précision dans la loi de 1819.

Tantôt on se règle d'après le nombre d'ouvriers employés dans la fabrique, tantôt d'après la quotité des objets fabriqués. C'est encore là une base fixe. Une autre fois on s'en rapporte à la valeur locative de l'usine, encore une base fixe et déterminée. Le législateur de 1819 a poussé le scrupule si loin, il a été tellement préoccupé de l'idée qu'il faut rechercher les éléments d'appréciation partout où il peut s'en rencontrer, qu'il a même fait des distinctions pour des catégories d'industrie qui sont à peu près les mêmes, qui présentent la plus grande analogie entre elles.

Ainsi il a fait une distinction entre le cabaretier et les aubergistes. Pour les cabaretiers il se déclare dans l'impossibilité d'indiquer une base. Pour les aubergistes, au contraire, comme les auberges sont fréquentées par des personnesqui passent, en général, la nuit, il prend pour base le nombre de chambres servant à héberger les passants. Voilà donc encore une fois une base fixe introduite dans la loi.

Ainsi, messieurs, ceci est démontré : la loi de 1819 répartit les patentes en deux grandes catégories : Une catégorie de patentés pour laquelle la base manque, pour laquelle il faut admettre un certain arbitraire, et une autre catégorie de patentés pour laquelle les éléments existent, qui doivent être taxés d'après des bases déterminées. Toute la question se réduit donc à savoir si les débits de tabac doivent être rangés dans la première ou dans la seconde catégorie. Si, pour les débits de tabac, la base manque, j'admets que vous puissiez vous contenter du projet tel qu'il nous est soumis ; mais si on peut découvrir une base, vous ne pouvez pas vous dispenser, à moins de manquer aux premières règles en matière d'impôt, d'introduire cette base dans la loi.

Eh bien, je dis que cette base existe. Et remarquez que ce n'est pas moi qui le dis, c'est le législateur de 1819. La base est indiquée dans la loi générale ; chose remarquable, on trouve indiquée en toutes lettres la catégorie des débitants de tabac dans la loi de 1819.

Prennt le tableau n°6, je recours une dernière fois à la loi générale. Ce tableau contient la catégorie des marchands détaillants boutiquiers, et c'est dans cette catégorie que figurent les débitants de tabac. La loi veut que tous les boutiquiers, qu'ils vendent du tabac ou autre chose, soient taxés à raison d'autant, d'après une importance déterminée de débit, dont le chiffre est indiqué, pour chaque classe, par la loi elle-même.

Ainsi, si nous voulons rester dans les principes généraux en matière de patente, il faut qu'aujourd'hui ou demain nous indiquions dans la loi le débit d'après lequel les débitants seront imposés, et que ce débit soit indiqué en chiffres. M. le ministre a prévu l'objection, il en a parlé dans la séance d'hier. Il prétend qu'en faisant cela, nous n'aurions rien obtenu, parce qu'on n'a pas de moyen de constater l'importance des débits présumés.

N'est-ce donc rien que de dire dans la loi le chiffre qui devra servir de règle, de donner une boussole aux répartiteurs ? Vous leur dites :« Vous devez vous enquérir avec soin de l'importance du débit ; quand vous êtes parvenus à constater que le débit s'élève à tel chiffre, votre besogne est terminée ; il faut imposer le débitant à raison de telle taxe. »

Il y a là, on ne saurait le nier, une garantie réelle pour le contribuable. N'est-ce rien ensuite que celui que vous allez frapper d'une patente, sache quel impôt on est en droit de lui demander, sache de quelle taxe est passible son débit que lui du moins connaît ? Si le répartiteur ou l'agent du fisc l'a trop fortement imposé, eh bien, il sait jusqu'où va son droit ; il s'adresse à la députation permanente, et au moyen des preuves qu'il a à sa disposition, il prouve à la députation qu'il a été trop fortement imposé ; il demande un redressement, non pas à titre de faveur, comme il devrait le faire d'après le projet de loi, mais à titre de droit ; il peut dire à la députation : J'ai le droit de réclamer, aux termes de la loi, contre un taux aussi élevé.

D'ailleurs, messieurs, est-ce que pour les répartiteurs les moyens de constater le débit manquent ? Mais remarquez qu'il s'agit ici de marchandises solides qui s'entassent dans les magasins à la vue du public ; que l'importance du débit peut être constatée, jusqu'à un certain point, par l'inspection des lieux. Indépendamment de cela, il y a les factures, les livres de commerce, d'autres moyens encore de faire constater l'importance des débits.

Messieurs, la preuve que les moyens existent, c'est la loi de 1819. Ou bien vous devez reconnaître qu'il y a des moyens de constater l'importance des débits ; ou bien vous devez prétendre que le législateur de 1819 ne savait pas ce qu'il faisait.

Messieurs, le projet offre-t-il quelque chose d'analogue ? Y a-t-il là une garantie quelconque contre l'arbitraire ?

En fait de renseignements, nous n'avons absolument rien qu'une simple annexe. Cette annexe donne quelques chiffres statistiques ; mais, comme document légal elle n'a pas plus de valeur qu'un chiffon de papier.

Examinons cependant cette annexe. Prenons une catégorie intermédiaire. M. le ministre suppose qu'il pourra frapper 500 débitants à raison d'un impôt de 60 fr. Mais pourquoi 500 débitants ? Pourquoi pas aussi bien 600 ? Je crois que M. le ministre serait bien embarrassé de le dire. Quelle raison a-t-il de supposer qu'il n'y a que 500 débitants ou qu'il y en aura même 500 que l'on fera payer à raison de 60 fr. ?

M. le ministre voudra peut-être nous donner une raison : c'est que le tableau est arrangé de manière que, faisant la part à chacun, on arrive, par l'addition des chiffres, à obtenir le produit qu'on a en vue, le produit de 500,000 fr. Mais si c'est réellement le motif, je répéterai toujours ma question : Pourquoi M. le ministre propose-t-il plutôt le chiffre de 500 que de 600 débitants pour la taxe de 60 fr. ? Car enfin si c'est pour obtenir un produit déterminé, il faut élever à un chiffre plus élevé la catégorie dont je m'occupe, celle qui payera 60 fr., et en faisant l'opération en sens inverse sur la catégorie suivante supérieure ou inférieure, le résultat final est absolument le même.

Mais je suppose qu'il y en ait 500 qu'on puisse imposer à raison de 60 francs. Je demanderai encore au gouvernement combien il y en aura dans la ville de Bruxelles, dans la ville d'Anvers, dans la ville de Liège. M. le ministre ne pourrait le dire.

Mais, messieurs, il y a une autre raison plus grave que celle-là. Je suppose, peut-être un peu gratuitement, qu'il pense que tous ceux qui ont un débit s'élevant annuellement à 20,000 francs, par exemple, pourront payer 60 francs par an. Mais qui nous dit que M. le ministre aura encore la même pensée demain ?

D'ailleurs, les ministères changent. Je suppose qu'un ministre qui viendra après l'honorable M. Frère pense que ceux qui ont un débit de 20,000 francs doivent payer, non pas 60 francs, mais 80 francs ; alors, pour peu qu'on augmente les classes supérieures, au lieu de s'en tenir au produit de 300,000 francs qu'on désire obtenir, rien n'empêche qu'on ne fasse produire à la loi 400,000 et 500,000-francs.

Ainsi, messieurs, vous le voyez, il y a là de l'arbitraire à pleine main. Nous n'avons aucune indication quelconque.

M. le ministre se rejette sur la moralité des agents de l'administration. D'après lui, les répartiteurs constituent une espèce de jury ; c'est un tribunal d'équité. Ils seront modérés dans la taxation.

Voilà de quoi il faut se contenter.

Eh bien, messieurs, je le déclare franchement, je ne puis pas me contenter de si peu. Il faut, dans une loi d'impôt, quelque chose de plus. La route que nous avons à suivre nous est nettement indiquée par la loi de 1819. Nous avons des règles qui nous ont été tracées par le gouvernement précédent. Nous n'avons qu'une chose à nous demander : Voulons-nous entrer dans cette voie ou voulons-nous en prendre une autre ?

Ceux qui trouvent que le gouvernement du roi Guillaume était fort scrupuleux, qu'il avait trop de souci pour les contribuables, ceux-là accepteront le projet de loi du gouvernement.

Ceux qui trouvent au contraire que le gouvernement du roi Guillaume n'était déjà pas mal fiscal, que si dans les lois d'impôts émanant de lui il faut introduire quelques changements, c'est plutôt pour diminuer le pouvoir des agents de l'administration que pour l'augmenter, ceux-là demanderont quelque chose de plus que ce que l'on veut nous faire voter. Ils voudront qu'on introduise dans la loi des modifications telles que celles qui sont proposées par la section centrale.

Quant à moi, mon choix ne saurait être douteux.

S'il s'agissait d'une loi de crédit, s'il s'agissait de mettre à la disposition du gouvernement des fonds dont on voudrait lui abandonner la disposition, je ne serais pas exigeant. J'aurais pleine confiance dans les bonnes intentions du gouvernement, mais lorsqu'il s'agit d'une loi d'impôt, je ne puis pas prendre cette position. Je dois me rappeler qu'après tout, je suis représentant de la nation, et qu'à ce titre, j'ai des devoirs rigoureux à remplir envers les contribuables. Je dois me rappeler que dans les lois d'impôt, il faut être exact et précis ; qu'il faut accorder aux contribuables tout ce qu'on peut leur accorder ; que c'est déjà une chose assez fâcheuse de devoir les imposer et que le moins qu'on puisse faire, c'est de rendre l'impôt le plus doux possible ; c'est de procurer aux contribuables toutes les garanties contre l'arbitraire qu'on peut leur accorder.

Messieurs, je ne pourrai voter la loi, comme je le disais, qu'avec la certitude que dès l'année prochaine nous pourrons corriger la loi, avec la certitude que dès l'année prochaine nous pourrons y introduire ce qu'il y manque, que nous pourrons y introduire des bases fixes.

Je ne sais pas pourquoi M. le ministre se refuserait à nous donner satisfaction sur ce point.

(page 1746) Je suis l'auteur de la proposition qui a été accueillie par la section centrale. C'est à ce titre que je la défends devant vous. Mais je le déclare sans détour, je n'y mets aucun amour-propre ; je ne tiens pas le moins du monde à la forme : j'ai voulu obtenir un résultat réel en faveur des contribuables, mais si je puis atteindre mon but d'une autre manière, oh ! cela m'est absolument indifférent. Si M. le ministre ne veut pas que cela soit dit dans la loi, qu’il prenne seulement un engagement. Dans la séance d’hier, il a dit qu’il s’expliquerait quand nous en serions à l’article suivant ; mais je ne me contenterai pas d’une réponse vague, je demande que le gouvernement s’engage dès à présent à nous donner des renseignements précis et à comprendre dans ces renseignements l’indication de la moyenne acceptée pour vase de débit de chaque catégorie.

Et vraiment, je ne sais pas ce qui pourrait empêcher le gouvernement de recueillir ces renseignements. Craint-il de ne pas pouvoir les obtenir ? Mais la loi va dire (et je pense que M. le ministre acceptera cette proposition) que la patente sera répartie d'après l'importance du débit ; dès lors les répartiteurs devront s'assurer du débit de chaque contribuable, et une fois que la répartition sera faite, le gouvernement pourra demander à chaque agent du fisc quel est le débit des différents patentables. Eh bien, en faisant le dépouillement du tout, il pourra vous donner les renseignements que nous demandons.

Si le gouvernement déclare qu'il nous donnera ces renseignements, ou s'il consent à ce que la proposition de la section centrale soit adoptée, je voterai pour le projet ; sinon je devrai émettre un vote négatif.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Neufchâteau

M. Cans, au nom de la commission chargée de la vérification des pouvoirs de M. Orban, élu membre de la chambre par l'arrondissement de Neufchâteau, fait rapport sur cette élection. La commission conclut à l'admission de M. Orban.

M. Osy. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer à l'adoption des conclusions de la commission, mais j'ai une interpellation à faire au gouvernement.

Le gouvernement a toujours promis de n'influencer en rien les élections, il nous a toujours déclaré qu'il veut qu'elles soient sincères. Jusqu'à preuve du contraire, je veux croire qu'il s'est conformé à ces déclarations ; mais, messieurs, j'ai vu dans le journal ministériel d'Arlon que le concurrent de l'honorable M. Orban s'était rendu à Bruxelles et avait réclamé du gouvernement une garnison pour la ville de Bouillon, qui en est privée depuis plusieurs années, circonstance qui avait déjà fait l'objet des réclamations de l'honorable M. Jullien dans cette enceinte.

Pour moi, messieurs, je ne sais rien du fait, mais il ne suffit pas que nous, députés, nous croyions à la sincérité des déclarations du gouvernement, il faut que les populations, également, soient certaines que les promesses du gouvernement sont en tout respeclées et fidèlement exécutées. J'espère donc, pour la moralité des élections, que le gouvernement voudra bien nous donner des explications sur le fait allégué par le journal ministériel d'Arlon, et j'espère qu'il pourra nous dire que ce journal était mal informé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne sais pas, messieurs, ce qu'il faut entendre par le journal ministériel d'Arlon ; je n'ai pas l'honneur de connaître ce journal. Il est possible qu'il y ait à Arlon un journal qui soutienne la politique du ministère, comme il y a une grande majorité dans cette chambre qui la soutient, mais je l'ignore.

J'ai vu dans les journaux de l'opposition qu'on faisait grand bruit du rétablissement éventuel de la garnison de Bouillon, si l'on peut appeler garnison le faible détachement qui se trouvait à Bouillon depuis un grand nombre d'années. J'ai pris auprès de mon collègue du département de la guerre quelques renseignements à ce sujet.

Il m'a fait savoir qu'au mois d'avril 1850, on avait retiré les troupes d'infanterie en garnison à Bouillon, à Hasselt, à Mariembourg, à Ath, à Audenarde et dans les forts du bas Escaut, et que, plus tard, on était revenu sur cette mesure, que les garnisons avaient été restituées à toutes ces places, sauf Bouillon ; qu'il ignorait, quant à lui, quel était le motif qui avait fait appliquer cette exception à la ville de Bouillon, qu'il pensait que la ville de Bouillon devait aussi recevoir de nouveau son ancienne garnison.

On parle, messieurs, de l'influence exercée dans cette affaire par un des candidats dans l'élection de Neufchâteau ; au sein du conseil provincial il y a eu une grande émotion au sujet du retrait de la garnison de Bouillon.

Le conseil provincial a réclamé le rétablissement de cette garnison, et parmi les promoteurs les plus ardents de cette réclamation, figurait précisément un des candidats (interruption), l'honorable M. Orban. On blâmait le gouvernement d'avoir retiré cette garnison, et l'honorable. M. Orban était à la tète de cette espèce de manifestation. Je ferai observer qu'on trouvait qu'il n'y avait pas assez de garnisons dans le Luxembourg, on en voulait partout. Voici comment ou s'expliquait :

« … Le Luxembourg n'a que la garnison d'Arlon, compensation minime de l'argent que nous payons pour les dépenses générales de l'Etat qui se font ailleurs ; car la garnison d'Arlon est faible comparativement. Pourquoi n'en placerait-on pas une à Bouillon ? La compensation serait plus large, bien qu'encore insignifiante. »

Le vœu du conseil provincial, en faveur du rétablissement de la garnison de Bouillon, parvint au gouvernement. Je transmis ce vœu à mon collègue de la guerre, comme je transmets à mes autres collègues les vœux émanés des conseils provinciaux qui concernent leurs départements, et M. le ministre de la guerre me fit savoir qu'il y avait lieu de rétablir la garnison de bouillon.

Voilà, messieurs, dans toute sa simplicité, le fait auquel on paraît attacher une si grande importance.

M. Osy. - L'honorable ministre de l'intérieur vient de donner lecture du vœu émis par le conseil provincial du Luxembourg, et quoique l'honorable M. Orban ne fasse pas partie du conseil provincial...

- - Un membre. - Si ! si ! depuis cette année-ci.

M. Osy. - Je ne sais pas si l'honorable M. Orban l'a proposé. Je n'ai rien à dire sur le fait du placement d'une garnison à Bouillon ; je n'approuve ni ne désapprouve ; c'est une affaire du gouvernement. Mais ce n'était pas l'objet de mon interpellation ; mon interpellation était celle-ci : j'avais lu dans un journal, que je n'appellerai plus ministériel, mais qui soutient le ministre, que l'honorable M. de Moor s'étant rendu à Bruxelles, y avait obtenu du gouvernement la promesse d'une garnison à Bouillon ; eh bien, ma question est uniquement de savoir si, effectivement, M. de Moor est venu réclamer à Bruxelles en faveur de la ville de Bouillon avant l'élection.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je commence par déclarer que je n'ai pas vu la personne dont on parle ; je ne sais si elle a vu M. le ministre de la guerre ou un autre de mes collègues ; je dois croire qu'il n'en est rien.

Du reste, dans cette élection, il paraîtrait que la garnison de Bouillon aurait joué un certain rôle. L'un des candidats, ayant une tribune ouverte au conseil provincial, y a parlé en faveur du rétablissement de la garnison ; l'autre candidat, de son côté, a pu laisser dire dans un journal que, par son influence, il ferait rendre la garnison à la ville.

M. le ministre de la guerre, à qui j'avais communiqué le vœu du conseil provincial, m'a fait connaître qu'il accueillait la demande, qu'il ne se rendait pas compte des motifs qu'on avait eus de ne pas restituer une garnison à la ville de Bouillon, alors qu'on en avait restitué une à toutes les places fortes de la même catégorie. Après la levée du camp, la ville de Bouillon rentrera donc en possession de la garnison qu'elle possédait, il y a un ou deux ans.

M. Dumortier. - Messieurs, la question a beaucoup plus de gravité qu'on ne paraît le croire (interruption), il est possible que ce que j'ai à dire ne soit pas bien accueilli par le parti ministériel, mais j'ai un devoir à remplir, et je le remplirai malgré lui.

Messieurs, la question est, à mes yeux, beaucoup plus importante qu'on ne le pense. Il ne s'agit pas de savoir si oui ou non on a donné ou l'on donnera une garnison à la ville de Bouillon ; mais il s'agit de savoir si pour faire élire un candidat ministériel, patroné par les agents du ministère, accompagné de village en village par les agents du ministère, si, dis-je, dans un pareil état de choses, on a promis à la ville de Bouillon une garnison, pour le cas où elle élirait le candidat ministériel. Eh bien, voici ce que je lis dans un journal du Luxembourg :

« Les électeurs de la ville de Bouillon, convoqués à l'hôtel de ville par M. N., bourgmestre démissionnaire, se sont réunis en partie le 11 de ce mois ; M. N. arrivé la veille d'Arlon, après avoir pris la précaution oratoire voulue qu'il parlait en électeur et non en fonctionnaire, leur fit part que la garnison allait être rendue à Bouillon, qu'il était autorisé à l'annoncer ; mais que si les électeurs ne votaient pas pour M. de Moor, son candidat, le ministère leur retirerait immédiatement cette garnison si vivement réclamée et si impatiemment attendue. »

Voilà ce que je lis dans un journal. Eh bien, il importe de savoir si M. N. a induit en erreur les électeurs de Bouillon, ou si, agissant en vertu d'un mandat émané directement du gouvernement lui-même, ou donné par les ordres du gouvernement, il a cherché à exercer de l'influence sur l'élection, à faire entrer dans le parlement une personne qui ne devait pas être élue par le vote populaire.

Messieurs, la sincérité des élections est la première base des gouvernements représentatifs. Quand la sincérité des élections n'existe plus, il n'existe plus de gouvernement représentatif.

En Angleterre on est tellement sévère sur ce point, qu'aucun agent du gouvernement n'oserait intervenir en matière d'élections, et qu'on y mettrait en accusation un agent qui se serait immiscé dans une élection.

En effet, qu'est-ce donc que le gouvernement représentatif ? C'est le gouvernement des majorités. Or, si par le fait d'influences, de corruption électorale, vous veniez à introduire, dans le parlement, la minorité, au lieu de la majorité, vous auriez faussé le système représentatif.

Messieurs, il y a quatre ans, le ministère a déclaré dans le discours du Trône qu'il se félicitait que les chambres nouvelles fussent sorties du vote libre des électeurs ; et dans la réponse au discours du Trône, la chambre a déclaré aussi que le gouvernement devait se tenir étranger aux élections.

Dans les élections, les opinions seules doivent être en jeu. Le gouvernement n'a pas à y intervenir. Lorsqu'il y intervient, il forfait à ses devoirs.

Si le fait annoncé par le journal du Luxembourg était vrai, le gouvernement serait donc intervenu dans l'élection à Bouillon en faveur du candidat qu'il patronait par ses agents, et cela en promettant une garnison impatiemment attendue ; il n'y aurait pas alors assez de blâme à déverser sur la conduite du gouvernement en pareil cas, car, je le (page 1747) répète, tout gouvernement constitutionnel repose sur la sincérité des élections, et en dehors de cette sincérité, le gouvernement représentatif est un mensonge.

J'aime à croire que le fait annoncé n'est pas exact ; mais il restera démontré qu'une personne s'est rendue à Bouillon, disant qu'elle était expressément autorisée à déclarer qu'une garnison serait rendue à cette ville, dans le cas où le candidat du gouvernement serait élu, et qu'elle ne le serait pas, si l'honorable M. Orban obtenait la majorité des suffrages. La responsabilité en sera à qui de droit.

Messieurs, j'ai dù prendre la parole parce que, défenseur, depuis mon entrée dans cette enceinte, de la sincérité des élections, je n'ai jamais laissé passer une circonstance, sans mettre en relief tout ce qui pouvait toucher à la sincérité des élections.

- Les conclusions de la commission des vérifications des pouvoirs sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi établissant un droit de débit sur la vente des tabacs

Discussion des articles

Article premier

La discussion continue sur l'article premier. La parole est à M. de Breyne.

M. de Breyne. - Messieurs, je voulais appuyer l'amendement de l'honorable M. Osy, mais l'honorable membre étant dans l'intention de retirer son amendement, je renonce à la parole.

M. Coomans. - Messieurs, je désire ajouter une observation à celles que j'ai eu l'honneur de présenter hier à l'appui de mon amendement. L'article premier reste enveloppé, à mes yeux, de nuages que je prie M. le ministre des finances de vouloir bien dissiper un peu, si c'est possible.

D'après les chiffres que l'honorable ministre nous a fournis, il y aurait 10,000 débitants qui seraient placés dans la première catégorie. Je demande à M. le ministre si ce nombre de 10,000 renferme cette foule de petits détaillants dont le débit de tabac n'est que l'accessoire et qui vendent principalement d'autres marchandises.

Cette foule de petits boutiquiers que l'on rencontre, non seulement dans les villages, mais dans les villes mêmes, qui vendent ensemble avec des épices, de la mercerie et du pain, un peu de tabac et quelquefois des cigares. (Interruption.)

M. le Ministre répond, oui.

Dans ce cas, je crains fort que sa statistique ne soit inexacte.

Je pourrais, pour ma part, lui indiquer de médiocres villages qui renferment au moins une dizaine de boutiquiers de ce genre. Mais je demanderai qui me dit que ces boutiquiers sont compris dans ce chiffre de dix mille ? Comment le savez-vous ? Par les patentes ? Mais ces boutiquiers ne sont pas patentés pour ce débit spécial et accessoire de tabac ; ils sont patentés pour d'autres spécialités commerciales.

De quelle manière avez-vous donc pu vous assurer du nombre exact des débitants de tabac ?

Du reste, en raisonnant dans l'hypothèse que les chiffres de M. le ministre soient justes, la nécessité d'adopter mon amendement devient beaucoup plus forte. En effet, ces boutiquiers qui vendent à peine une trentaine de kilogrammes annuellement, cesseront ce commerce accessoire ; et alors que deviendront les 81 mille fr. sur lesquels compte M. le ministre ? M. le ministre prétend qne l'adoption de mon amendement, que j'ai proposé principalement en faveur de ces boutiquiers, enlèverait au trésor un revenu de 81,000 fr.

C'est ce que je conteste ; car, dans la supposition que les merciers, boulangers, vendant accessoirement du tabac dans la campagne, soient compris dans le chiffre de 10 mille, ils renonceront à en vendre. Ce n'est donc pas un déficit réel que le trésor éprouverait par l'adoption de mon amendement, puisque ce déficit existera par le fait même de la loi telle qu'elle est proposée. Ce que je veux, c'est qu'on ne vexe pas inutilement, non seulement ces boutiquiers, mais cette foule de petits consommateurs qui, vivant dans les hameaux, n'ont pas le temps d'aller se pourvoir au village de ce qui leur est nécessaire.

Que la chambre le sache bien : si elle n'adopte pas mon amendement, la recette du chef de ces petits débits de tabac, sera tout aussi imaginaire qu'elle le serait par suite de l'adoption de mon amendement.

M. Osy. - Je demanderai à M. le ministre de vouloir donner lecture de l'amendement qu'il compte proposer. M. le ministre me l'a communiqué ; s'il est adopté, je pourrai retirer celui que j'ai déposé ; si, pour les populations agglomérées de 1,500 habitants, ceux qui ne vendent du tabac qu'accessoirement sont compris dans la première catégorie, nous atteindrons le but que nous nous sommes proposé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les observations présentées par M. Coomans doivent déterminer la chambre à adopter la proposition du gouvernement.

Selon l'honorable membre, on ne percevra pas les 81,000 fr., la taxe de 6, 10 et 15 fr., applicable aux simples débitants de tabac, ne sera pas perçue ; on renoncera à ce débit de tabac.

S'il en est ainsi, il n'y a pas d'inconvénient à maintenir la disposition, puisqu'elle n'atteindra personne. (Interruption.)

Vous dites qu'ils renonceront à leur débit, parce qu'il ne leur procure pas un bénéfice suffisant pour payer 50 c. par mois. S'ils renoncent à lenr commerce, la taxe ne les atteindra pas.

Sous ce rapport il n'y a pas d'inconvénient à voter la disposition. Au point de vue du gouvernement, il y a utilité à la voter, parce qu'il lui restera l'espoir que l'hypothèse ne se réalisera pas, du moins en totalité, qu'il y aura un grand nombre de débitants qui, trouvant un bénéfice suffisant à vendre du tabac, consentiront à payer la taxe de 50 c. par mois.

Il ne faut pas faire un très grand commerce ni surélever beaucoup le prix du tabac pour réaliser 80 centimes par mois ; en supposant qu'on vende pour 10 centimes par jour. Mais dans l'hypothèse du gouvernement, il y a intérêt à maintenir le tarif tel qu'il est proposé, non pas seulement à raison de la taxe qu'on veut percevoir, mais afin d'éviter la fraude ; la fraude se ferait immédiatement sur une assez forte échelle ; sous prétexte qu'il s'agirait seulement de débit affranchi de toute espèce de contribution, on vendrait des cigares, et la deuxième catégorie échapperait à l'impôt.

M. Coomans. - Vous ne percevrez rien de la première catégorie.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je récupérerai quelque chose, et à l'aide de l'amendement que je propose, de n'appliquer que la taxe de la première catégorie pour toutes les populations agglomérées de 1,500 habitants, je suis sûr de récupérer la totalité de la taxe ; ce qui prouve qu'il y a utilité de maintenir la disposition et qu'en fait la taxe sera perçue.

L'honorable M. Cools a longuement développé une considération présentée hier par l'honorable M. Mercier et à laquelle j'ai répondu ; elle consiste à dire que le projet de loi n'a pas de bases fixes immuables à l'aide desquelles les répartiteurs pourront attribuer une taxe égale pour un débit de même importance.

C'est vrai ; mais j'ai fait remarquer que dans la loi des patentes, quoi qu'en aient dit M. Cools aujourd'hui et M. Mercier hier, pour la plus grande partie des patentables, la catégorie des boutiquiers détaillants, il n'y a pas de base plus fixe, plus certaine, que celles qui vous sont actuellement proposées.

Il est vrai que pour certains patentables la loi de 1819 indique que ceux qui ont un débit de telle impertance sont rangés dans telle classe du tarif. Mais vous ne faites en cela que déplacer l'arbitraire. Arbitraire pour arbitraire, cela revient au même ; que les répartiteurs aient ou non à fixer un chiffre de débit d'après leurs connaissances ou la comparaison entre particuliers, il est incontestable que pour placer un patentable dans telle ou telle catégorie, ils devront supposer que son débit a telle ou telle importance. L'arbitraire est le même dans les deux cas.

Ce qu'il faudrait pour qu'il n'y eût pas d'arbitraire (vous êtes ici à la recherche d'une chose impossible à trouver), ce serait le moyen de constater l'importance de chaque commerce. Si cela existait, la loi des patentes serait extrêmement facile à appliquer. L'importance des profits qu'on relire d'un commerce étant connue, on dirait qu'on doit payer tant p. c. sur ces profits ; la loi des patentes se réduirait à dix lignes. C'est précisément parce que cette base n'existe pas, ne peut être trouvée qu'on est obligé de chercher une foule de moyens indirects de fixer aussi exactement que possible les diverses classes des patentables.Matgré tous les soins qu'on y a apportés, malgré les dispositions de la loi de 1819, on a été obligé de s'en remettre à un jury, à des répartiteurs désignés non par l'administration, mais par l'autorité communale, et qui sont chargés du soin de déterminer la classe dans laquelle doit être rangé chaque patentable.

Ainsi, la loi soumise à la chambre ne diffère en rien de la loi de 1819, de la loi sur les boissons alcooliques qui, depuis la réforme de 1849, est appliquée sans qu'il y ait aucune réclamation. Elle est appliquée de la même manière, avec cette différence, comme je l'ai dit hier, que pour cette loi, il y a des catégories en raison de l'importance des communes, ce qui ne fait que diminuer quelque peu les inconvénients de ce genre de taxation.

Reste l'observation présentée par l'honorable M. Cools. Voici l'amendement que propose la section centrale :

« La classification des débitants est déterminée par l'importance relative de leur commerce ; celle-ci est établie sur le débit présumé. »

Si cet amendement est adopté, l'honorable membre se tient pour satisfait.

M. Cools. -Non, je n'insiste pas sur cet amendement, mais je tiens à la disposition proposée à l'article 4.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est certain que le paragraphe additionnel à l'article 2 est insignifiant ; on peut l'adopter ou le rejeter, le résultat est le même.

C'est l'article 4 qui devient important, il est ainsi conçu :

« Le gouvernement communiquera aux chambres législatives, dans l'année qui suivra l'exécution de la loi, un tableau indiquant le classement des débitants de tabac et la moyenne de débit qui aura été adoptée pour chaque base. »

Je suis tout disposé à communiquer à la chambre, à l'occasion du budget des voies et moyens, non pas un travail spécial, exécuté pour cette matière (car c'est un mode inusité que l'on propose), mais tous les renseignements que je parviendrai à réunir sur l'application de la loi.

M. Cools. - Y compris la moyenne du débit ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je promets tout, excepté ce qui est impossible ; mais je trouve que ce qu'on me demande est précisément la chose impossible. Voilà le malheur pour la proposition de M. Cools. Si cet honorable membre connaissait la moyenne des débits, il pourrait faire autre chose, il pourrait déterminer les bases d'après lesquelles on classerait les débitants. Mais je ne puis pas dire au comité des répartiteurs : Vous suivrez telles bases ; à telles catégories vous appliquerez (page 1748) tel tarif ; je ne puis tenir ce langage puisque la loi ne le dit pas, puisqu'on reconnaît l'impossibilité de le dire dans la loi. Que l'honorable M. Cools veuille bien réfléchir à cela.

M. Cools (interrompant avec son assentiment M. le ministre des finances.). - Je m'aperçois que M. le ministre n'a pas compris l'amendement qui n'est plus le mien, mais qui est maintenant celui de la section centrale.

Voici ce que nous disons.

Nous laissons une latitude entière au gouvernement, nous disons (ce que le gouvernement admet dès à présent) que la classification devra se faire d'après le débit présumé.

Que résulte-t-il de là ? C'est que les contrôleurs et les répartiteurs, pour appliquer la loi d'après son esprit, devront s'enquérir de l'importance du débit de chaque débitant, c'est qu'avant de ranger ce débitant dans l'une ou l'autre des classes indiquées (et sous ce rapport toute latitude leur est laissée), ils devront en être venus à se former une idée à l'égard du chiffre auquel ils supposent que son débit s'élève. Pour cette fois-ci, ils prendront note de ce chiffre, et pour le reste, ils appliqueront la loi comme ils le trouveront bon.

L'année prochaine, quand la répartition sera terminée, le gouvernement fera demander à chaque contrôleur de former des tableaux en trois colonnes ; dans la première seront indiqués les fabricants par noms et prénoms, dans la deuxième le chiffre auquel ils supposent que leur débit s'élève, et dans la troisième, l'impôt dont ils auront été frappés. On fera le dépouillement de tous ces tableaux, on formera des moyennes et on nous communiquera les résultats. Il n'y a rien de plus simple que cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le répète, à l'occasion du budget des voies et moyens, je fournirai tous les renseignements que je pourrai réunir pour justifier de la bonne application de la loi. Je ne puis m'engager à faire plus ; je ne puis faire une promesse que peut-être je ne pourrais pas réaliser.

M. Cools. - Du moins vous essayerez.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si l'honorable M. Cools avait fait partie d'un comité de répartiteurs, il n'aurait pas fait cette question. Lorsqu'il s'agit d'appliquer la loi de 1819, il y a des catégories en raison d'un débit présumé qui donne lieu à telle ou telle taxe. Est-ce que l'honorable M. Cools pense que les répartiteurs s'arrêtent à la déclaration faite par les individus ? Pas le moins du monde. Ils commencent par taxer et, en regard de la taxe, ils mettent le débit qu'avait indiqué le débitant. Que signifie le renseignement ? Absolument rien.

Il suffit d'ailleurs que la chambre sache que tous les renseignements seront réunis de manière à nous permettre d'introduire dans la loi les améliorations dont elle serait susceptible.

Je suis le premier à reconnaître que si l'on pouvait calculer exactement les profits que chaque débitant retire de son commerce, mieux vaudrait indiquer dans la loi les bases de la classification. C'est parce que l'on ne peut le savoir exactement qu'on charge les comités de répartiteurs de cette appréciation.

L'honorable M. Osy m'a demandé tout à l'heure la lecture de l'amendement que je déposerai et qui viendrait précisément prendre place à la suite de cet article. Il est ainsi conçu : « Toutefois dans les communes dont la population agglomérée est inférieure à quinze cents âmes, les contribuables patentés qui ne vendent des cigares qu'accessoirement pourront être cotés d'après le premier tarif. »

Il résulte de cet amendement que dans toutes les communes rurales, à peu d'exceptions près, le premier tarif sera généralement appliqué. Cela est bien évident.

M. Osy. - D'après la proposition du gouvernement, je retire mon amendement.

M. Mercier. - Messieurs, la déclaration que vient de faire M. le ministre des finances laisse encore à désirer ; pourquoi hésiter à reconnaître que la base du débit est préférable au système proposé ? Sans doute elle ne sera pas toujours rigoureusement exacte, mais elle vaut mieux que l'absence de toute règle déterminée pour asseoir l'impôt ; ce n'est pas, comme le dit M. le ministre, arbitraire pour arbitraire. Car d'un côté on agit en quelque sorte au hasard. On n'est soumis qu'à un maximum et un minimum de droits, tandis qu'au moyen de la base du débit, les répartiteurs et les agents de l'administration, après avoir apprécié la vente d'un marchand à un chiffre déterminé, sauront quelle est la taxe qu'ils doivent lui appliquer.

Si, au contraire, on repousse cette base, qu'arrivera-t-il ? C'est que des commissions de répartiteurs agissant, par exemple, dans trois communes différentes, seront exposées à appliquer à des débits de tabac de même importance, trois classes et trois droits différents. Voilà en quoi le système que vous proposez est vicieux.

Jè veux bien admettre avec M. le ministre des finances qu'il est impossible de fixer les débits avec la dernière exaciitude ; cependant on ne rencontre pas dans l'application de la loi des patentes ces grandes difficultés qu'on semble redouter. C'est le débit de l'année précédente qui sert de base à l'impôt, ce renseignement est réclamé du marchand détaillant lui-même.

Si le collège des répartiteurs trouve que la déclaration est atténuée, en s'en rapportant à la notoriété publique, il peut la modifier et la porter à un chiffre plus élevé.

Dans le système proposé, un collège de répartiteurs croira devoir appliquer telle classe à un débit déterminé, tandis qu'un autre collège en appliquera une autre au même débit ; il en sera de même des agents de l'administration, à moins que le gouvernement ne fasse de sa propre autorité ce que la loi devrait faire elle-même.

Il y aura donc doublement de l'arbitraire dans le système présenté, tandis que dans celui que j'indique et qui est appliqué depuis 1819, l'arbitraire se borne à permettre l'augmentation des déclarations notoirement inexactes.

Lorsqu'il existe une base fixe, appréciable, il est du devoir du législateur d'en faire usage pour l'application des droits afin d'éviter l'arbitraire.

C'est ce qu'a fait le législateur de 1819 pour le plus grand nombre des patentables. J'ai cité les brasseurs, les distillateurs, les sociétés anonymes, les marchands détaillants ; il en est une foule d'autres.

Lorsque cette base n'existe pas, il faut chercher à se rapprocher le plus près possible de l'égalité proportionnelle au moyen de la subdivision des villes et communes en différentes classes et par tous les moyens qui peuvent tendre au même but.

C'est ainsi que l'on a toujours agi, même pour la loi relative aux droits sur le débit de boissons alcooliques.

Mais on conçoit qu'il serait absurde d'appliquer la seconde règle, celle de la division des villes et communes, selon leur population, lorsqu'il s'agit d'établissements qui, par leur nature, n'ont pas plus d'importance dans les villes populeuses que |dans les plus petites localités ; tels sont les hauts fourneaux, les laminoirs de fer, les moulins à écorces, à chicorée et autres.

Ce serait évidemment marcher en sens inverse du but que l'on veut atteindre, l'égalité proportionnelle.

C'est là une exception motivée par la nature des choses ; mais en ce qui concerne les moulins mentionnés au tableau n°4 de la loi du 21 mai 1819, que M. le ministre a cités, la législature a montré encore combien était grande sa sollicitude pour établir l'impôt avec équité ; à défaut de toute autre base, il a divisé ces moulins en trois catégories, il a rangé dans la première les moulins à vapeur et à eau ; dans la seconde, les-moulins à eau, et dans la troisième les moulins à chevaux.

Dans le projet en discussion, au contraire, nous ne trouvons absolument aucune règle de classification.

Dans une précédente séance, M. le ministre me disait : Vous ne pourriez vous-même préciser la classification qu'il faudrait établir pour obtenir le produit que l'on a en vue. J'en ai fait l'aveu immédiatement ; le département des finances seul aurait pu recueillir les renseignements nécessaires pour savoir quel droit doit être appliqué aux différentes catégories de débits pour arriver au chiffre de 300,000 fr.

Je sais que le temps a manqué pour réunir ces données, aussi ne demandé-je pas que l'on change immédiatement la loi ; mais je voudrais que M. le ministre des finances reconnût que les agents chargés de la classification auront infiniment moins de chances de commettre des erreurs, lorsqu'ils connaîtront d'une manière précise les droits qui doivent être appliqués à chaque espèce de débit déterminé, qu'en abandonnant tout au hasard et à l'arbitraire, comme le fait le projet de loi ; je ne puis croire que le gouvernement persiste à repousser ce principe.

J'ai d'ailleurs la certitude qu'au moyen des renseignements statistiques qu'il pourra recueillir par ses agents, il parviendra facilement à asseoir la loi sur cette base et à obtenir le résultat voulu.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ceci est bien plutôt une discussion théorique qu'une discussion pratique.

L'honorable M. Mercier reconnaît qu'il ne peut pas indiquer une autre base ue celle qui est proposée par le gouvernement.

Suivant lui, le département des finances aurait dû s'entourer de renseignements statistiques pour indiquer cette base. Mais où les trouver en cette matière ? De quels renseignements statistiques pouvait s'entourer le gouvernement qui fussent de nature à préciser, comme il le désire, l'application des tarifs ? L'honorable membre préfère-t-il la base du débit présumé ? Sans doute vous auriez pu dire dans la loi : Les individus ayant un débit de ..... seront ranges dans telle classe ; les débits de ….. seront rangés dans telle autre classe. Mais vous pouvez le faire dès maintenant si vous croyez que cela est praticable. Je vous ferai cependant observer que vous n'arriverez par là à aucun résultat, comme on n'est arrivé à aucun résultat par les taxations établies d'après la même base dans la loi de 1819.

L'honorable M. Mercier dit bien que dans la loi de 1819 les négociants sont patentés à raison d'un débit qui est indiqué dans la loi. Mais je réponds à cela que l'arbitraire est uniquement déplacé. Est-ce que d'après ce mode il ne peut pas arriver qu'un collège de répartiteurs dans une commune décide qu'un négociant a un débit de 10,000 fr. quand en réalité il a un débit de 20,000 fr., et qu'un autre collège de répartiteurs dans une autre commune estime à l'inverse le débit présumé du négociant, et n'en résultera-t-il pas nécessairement (puisque vous créez des hypothèses, j'en crée aussi) que les deux négociants, quoique ayant un débit égal, payeront une patente différente selon l'appréciation qui aura été faite de leur débit par le collège des répartiteurs ? Cela est évident. L'inconvénient qu'on signale dans l'application du tarif que nous proposons existe dans l'application de la loi de 1819.

Ce qu'il faudrait, je le répète, ce serait le moyen de déterminer véritablement quel est le profil que l'individu retire de son industrie ou de son commerce ; alors un tantième pour cent sur le profit constituerait une base parfaitement juste, toutes les autres sont de simples approximations et l'on est toujours obligé de s'en rapporter à un comité de répartiteurs/

(page 1749) Remarquez bien, messieurs, qu'on ne livre pas le contribuable aux agents du fisc ; on lui donne des juges ; on ne lui donne pas seulement le comité des répartiteurs où il trouve naturellement autant de défenseurs qu'il y a de membres, mais il a encore l'appel à la députation permanente. Voilà où sont en réalité les garanties en cette matière ; elles ne peuvent pas être ailleurs. Vous établiriez un impôt sur le revenu, que l'on serait obligé d'opérer de la même manière : il faudrait un comité de répartiteurs pour déterminer quel serait le revenu présumé de chaque contribuable et on appliquerait à ce revenu un tantième pour cent.

Celui qui aurait à se plaindre de la classe dans laquelle il aurait été rangé, soumettrait ses réclamations au comité des répartiteurs et ensuite à la députation permanente. Eh bien, il en sera de même ici : ceux qui croiront avoir été placés dans une classe trop élevée s'adresseront à la députation permanente, et comment pourront-ils justifier le fondement de leur réclamation ? Mais en faisant remarquer que tel autre négociant exerçant la même profession dans la même commune et ayant notoirement un débit plus important se trouverangédans la même classe.

Si alors la députation reconnaissait qu'en effet on a eu tort d'attribuer à celui qui réclame, un commerce aussi important que celui de son voisin, évidemment il serait dégrevé.

Il en serait exactement de même si vous opériez d'après la base du débit présumé ; il faudrait toujours l'appréciation et rien que l'appréciation du comité des répartiteurs.

Maintenant l'honorable M. Mercier doit bien se contenter de la déclaration que je fais, qu'après l'application de la loi, nous fournirons à la chambre tous les renseignements que nous aurons pu recueillir. La base que suivront naturellement tous ceux qui feront la répartition, sera le débit présumé, son importance relative ; ils ne peuvent pas en admettre d'autre.

Quand nous aurons vu fonctionner la loi, si l'expérience nous démontre qu'il y a des modifications à y introduire, qu'il est possible d'arriver à une plus grande certitude, à une répartition plus égale de l'impôt, nous nous empresserons de proposer à la chambre les mesures que nous croirons propres à faire atteindre ce but. Nous n'avons aucune espèce de motif pour maintenir les dispositions de la loi qui seraient reconnues vicieuses.

M. Dedecker. - Je désire ajouter quelques mots aux observations qui ont été présentées par mon honorable collègue et ami M. Coomans à l'appui de son amendement.

Messieurs, je suis, en principe, partisan du projet de loi qui est actuellement soumis à vos délibérations, cependant sous certaines réserves et sous certaines conditions. L'une de ces conditions, c'est qu'on exempte du droit de débit, ceux qui ne vendent que du tabac seulement, qui ne vendent pas de cigares.

L'impôt qui frappe cette catégorie de débitants ne doit rapporter qu'une somme peu considérable et pour se procurer cette somme minime, on frapperait un très grand nombre de détaillants. On évalue ce nombre a 10,000, mais cela ne ferait, pour les 2,500 communes de la Belgique, que quatre petits débitants par commune. Cette seule indication suffit pour faire comprendre qu'il doit y en avoir au moins 30,000 à 40,000.

D'ailleurs, ces petits débitants sont déjà la plupart fort gênés, parce que le mouvement commercial tend tout à fait vers la centralisation des affaires, au grand préjudice du petit commerce. Tous ceux qui connaissent la situation de nos campagnes peuvent attester que le commerce de détail est singulierement en souffrance. Il souffre même d'autant plus qu'il est souvent forcé de dissimuler son état de gêne et même de misère.

Ainsi, messieurs, cette partie de la loi, pour produire un très mince résultat, va accabler une foule de contribuables qui sont déjà fort gênés.

M. le ministre combat l'amendement de M. Coomans parce qu'il croit que la recette en sera diminuée et que la fraude sera possible.

Eh bien, comme l'a dit l'honorable M. Coomans, la recette ne sera pas diminuée, puisque dans le cas où l'amendement ne serait pas adopté la majeure partie des petits détaillants cesseront leur débit.

S'il n'en était pas ainsi, cette partie de l'impôt ne rapporterait pas 81,000 francs, mais elle rapporterait 300,000 francs, à cause du grand nombre de petits détaillants qu'elle frapperait. Mais tel ne sera pas le résultat de la loi ; ce résultat sera de porter les petits détaillants à renoncer à leur débit de tabac. (Interruption.)

Est-ce un malheur ? dit M. le ministre. Certainement c'est un malheur d'empêcher ces gens de continuer leur débit. Ce débit peut ne pas offrir un bénéfice suffisant pour leur permettre de payer l'impôt, mais il est cependant d'une certaine importance pources gensqui vivent d'une foule de petits bénéfices réunis.

On dit ensuite que la fraude est probable ; mais elle est probable aussi dans le système proposé par le gouvernement. Vous établissez un impôt pour le débit du tabac et un autre impôt pour le débit des cigares ; eh bien, les débitants déclareront qu'ils ne vendent que du tabac et ils vendront en même temps des cigares. Vous serez donc exposés à tous les inconvénients de la fraude, absolument comme dans le système de l'honorable M. Coomans.

Maintenant, messieurs, quelle est la portée de l'amendement proposé par M. le ministre, il dit que quand on vendra accessoirement des cigares dans les communes d'une population de moins de 1,500 âmes, on ne payera que le droit fixé pour le débit du tabac. D'abord, messieurs, qu'entend-on par accessoirement ? Où cesse l'accessoire et où commence le débit principal ? Lorsqu'une personne vend à peu près autant de cigares que de tabac, le débit de cigares sera-t-il considéré comme accessoire ? Tout cela est fort difficile dans la pratique.

Ensuite, on parle d'une population de moins de 1,500 âmes. Cela peut être bon dans les provinces wallonnes, où il y a une foule de petites communes ; mais, dans les Flandres c'est autre chose. Dans le pays de Termonde, par exemple, il y a des communes qui ont jusqu'à 21 hameaux ; chacun de ces hameaux a l'importance d'une commune, mais, par leur réunion, ils forment des communes populeuses. Les débitants de tabac dans ces hameaux se trouvent absolument dans les mêmes conditions que ceux des plus grandes communes. Ils ne jouiront pas de l'exception favorable aux petites communes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une erreur. Il s'agit d'une population agglomérée de moins de 1,500 âmes. Cela ne forme pas de doute. Il y a différentes applications des lois actuelles, dans ce sens.

M. Dedecker. - Je crois qu'il s'agit bien des communes de moins de 1,500 âmes. Je l'ai compris ainsi : En tout cas, une explication catégorique était nécessaire.

Messieurs, voilà les considérations que j'avais à présenter subsidiai-rementcontre l'amendement de M. le ministre des finances ; car pour moi, je tiens avant tout à l'adoption de l'amendement de mon honorable ami M. Coomans. J'ai la conviction que cette disposition enlèvera à la loi son côté impopulaire et qu'elle ne diminuera pas le chiffre de la recette. C'est donc pour moi la condition de mon vote. Si l'amendement n'est pas accepté, je voterai contre le projet de loi ; dans le cas contraire, je serai heureux de contribuer à le faire adopter.

M. Mercier. - M. le ministre des finances est dans l'erreur lorsqu'il suppose que je ne puis indiquer une base déterminée. Messieurs, j'indique formellement celle du débit déclaré et rectifiée, s'il y a abus, par la commission des répartiteurs avec le concours des agents de l'administration. Ce que je ne puis établir, c'est la classification qu'il faut adopter, pour obtenir exactement le produit que l'on a en vue, et ce par la raison toute simple que je ne possède pas les éléments nécessaires à cette fin.

Maintenant je prie M. le ministre des finances de remarquer qu'il y a dans la cotisation des débitants deux opérations bien distincles qu'il ne faut pas confondre. La première, c'est l'appréciation du débit. Sur ce point les deux systèmes, celui du gouvernement et le mien, sont identiques, ils présentent les mêmes avantages et les mêmes inconvénients ; ni dans l'un ni dans l'autre on ne peut éviter complètement l'arbitraire ; dans l'un comme dans l'autre des erreurs d'appréciation peuvent se commettre bien qu'il y ait de fortes garanties que ces erreurs seront peu nombreuses.

La seconde opération, c'est l'application des droits à l'appréciation qui est faite du débit. Or, ici, mon système est de beaucoup préférable à celui du gouvernement ; car, après l'appréciation, le répartiteur et les agents des finances sauront au moins quel droit ils doivent appliquer au débit qui a été accepté ou fixé par eux. A cet égard, aucune difficulté ne peut plus exister.

Il n'en est pas de même du système de M. le ministre des finances. Dans ce système, le débit étant connu, on ne sait à quel droit il doit être soumis ; un débit de 20,000 fr. par exemple sera considéré par les uns comme devant donner lieu au droit de la troisième classe, pour les autres comme tombant sous l'application de la quatrième ou de la cinquième ; tout est incertitude ; l'égalité proportionnelle devient impossible, à moins, je le répète, qu'on ne trace par des instructions administratives des règles qu'on refuse d'insérer dans la loi.

Je n'ai donc aucun doute à l'égard du système qu'il convient d'adopter. Je soutiens au contraire que le système que j'indique est le seul qui soit susceptible d'être adopté.

Si cependant le gouvernement ne possède pas les données suffisantes pour avoir la certitude de tirer de l'application de ce système le produit de 500,000 francs que l'on a en vue, je veux bien ne pas repousser le projet, du moment que je puis considérer cette loi comme transitoire et que M. le ministre des finances annonce l'intention formelle de recueillir les renseignements nécessaires pour l'asseoir sur une meilleure base sans crainte de mécomptes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il résulte de l'amendement que j'ai proposé, qu'à toute agglomération de population de 1,500 âmes et au-dessous, le dernier tarif peut seul être appliqué. Il s'agirait donc d'une taxe qui peut varier de 6 à 15 fr. Le plus grand nombre sera taxé à 6 francs ; c'est donc une somme de 50 centimes par mois ; et quelques membres ont considéré cette somme comme pouvant nuire à un grand nombre d'individus exerçant un petit commerce de détail.

C'est une réduction, dit-on, en ce qui concerne les profits qu'ils retirent de leur commerce. Il n'en est rien. Il est évident qu'en continuant à vendre du tabac, ils le vendront un peu plus cher à raison de la taxe.

M. Malou. - Messieurs, je me borne à demander à M. le ministre des finances s'il'accepte l'amendement de l'honorable M. Allard pour le tabac vert...

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non.

M. Malou. - En ce cas, uu seul mot : du texte de la loi il résulte que le cultivateur qui vendra directement au consommateur du tabac qui est encore planté, mais qu'il livre vert, sera soumis à la patente. Je crois que telle ne peut être l'intention de la chambre. Le cultivateur qui vend les produits de sa récolte, même directement aux consommateurs, n'est pas patentable et ne peut être patenté. S'il en est ainsi, il faut supprimer les mots tabac vert dans l'article premier ; car autrement vous établissez le principe d'une patente agricole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - (page 1750) Messieurs, si le cultivateur, dans l'hypothèse où se place l'honorable M. Malou, au lieu de vendre le tabac vert, vend le tabac sec directement aux consommateurs, serait-il oui ou non atteint par les dispositions du projet ? l'affirmative n'est pas douteuse. Peut-il tomber sous l'application de la loi ? Oui, puisqu'il est dans la position de tous les autres débitants : il se constitue débitant de tabac.

Si vous établissiez une patente pour le débit de carottes ou de choux, vous seriez bien obligés d'atteindre le cultivateur des carottes ou des choux directement.

Voici le principe : les cultivateurs qui vendent directement leur tabac au consommateur tombent sous l'application du projet, mais ceux qui le vendent à des marchands qui le débitent en détail, ne sont pas atteints. Mais vous comprenez que, si vous écriviez dans la loi une exemption en faveur des premiers, il arriverait que dans toutes les localités où l'on plante du tabac, le cultivateur de tabac deviendrait débitant, un pareil principe écrit dans la loi la rendrait inefficace.

Au reste, si nous insistons sur cette distinction, ce n'est pas que nous en attendions un grand produit : nous avons plutôt en vue de prévenir la fraude.

M. Rodenbach. - Messieurs, ce que vient de dire M. le ministre des finances me porte à croire que les employés vont verbaliser très souvent.

Un particulier se rend chez un cultivateur, pour acheter quelques kilogrammes de tabac sec : le cultivateur doit-il s'assurer si c'est un débitant de tabac ou seulement un consommateur ? Si c'est un consommateur, voilà les employés qui vont verbaliser contre le cultivateur. Il y aura là de l'arbitraire : il n'y aura pas le moindre doute.

Mais cette taxe qu'on va imposer à l'agriculteur me paraît un acheminement à la demande d'un abonnement pour débiter le grain au marché. Quelle protection pour l'agriculture ! Ce sont des entraves, des chicanes ; ce sont des procès qu'on veut faire au cultivateur. Et le cultivateur n'est pas déjà si heureux en Belgique ! Je crois qu'on ne peut adopter ici d'autre principe que celui-ci : le cultivateur doit être entièrement libre de vendre son tabac sec et vert ; sinon, vous ouvrez une large porte à l'arbitraire, et la loi sera plus odieuse encore, appliquée comme elle le sera.

M. Malou. - Je crois que la base de l'impôt, c'est la profession de débitant. En effet, quand on lit l'article premier aussi bien la première que la deuxième disposition, on voit que c'est au caractère de commerce que doit s'appliquer le principe de la loi ; c'est évident. Nous sommes d'accord sur ce point. Dès lors, il n'y a pas d'inconvénient à supprimer le tabac vert ; car le tabac vert n'est pas en état d'être livré aux consommateurs ; il est impropre en ce moment à la consommation. Dès lors, l'objection de M. le ministre des finances vient à tomber.

Si on maintient le tabac vert, il y a cet inconvénient de faire naître le doute sur la question de savoir si le cultivateur qui voudra vendre par petite partie au consommateur le tabac qu'il a récolté sera ou non assujetti à l'impôt. Personne ne peut vouloir que ces cultivateurs soient soumis à la patente ; s'il en est ainsi, il faut supprimer le mot : « tabac vert ».

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne peut plus y avoir de doutes ; je crois les avoir levés. L'honorable préopinant me fait cette concession que tout débitant de tabac doit payer. Vous ne savez pas s'il est cultivateur ; et par cela seul il est débitant de tabac, mais il doit payer l'impôt.

M. Coomans. - S'il achète à autrui.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La loi ne dit pas cela, c'est celui qui ouvre un débit de tabac qui est imposé. Ce n'est pas le fait de vendre le tabac qu'il aura récolté, qui soumettra l'individu au payement du droit ; c'est le fait d'avoir un débit de tabac pour les consommateurs.

Le cultivateur qui vendra accidentellement du tabac ne tombera pas sous l'application de la loi, mais tout cultivateur qui ouvrira un débit de tabac sera soumis à la taxe. C'est là le sens de la disposition.

M. Malou. - On ne débite pas du tabac vert.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une erreur ; il résulte des renseignements que l'administration s'est procurés que ce débit a lieu. Il suffit que cela soit pour que la disposition puisse être maintenue. Au surplus, je précise le caractère de la loi. Il s'agit d'atteindre le débit. Celui qui ouvre un débit, qui fait le commerce de tabac en détail (il est inutile de s'occuper s'il exerce une autre profession), il est soumis à l'impôt ; c'est au fait du débit que s'attache la disposition. Il n'y a pas le moindre doute que, s'il y a exemption de la taxe, par cela seul qu'on exerce en même temps telle ou telle profession, l'impôt ne sera pas perçu.

M. Dumortier. - Ce que dit M. le ministre des finances est contraire au piincipe que le cultivateur n'est pas tenu de payer patente pour vendre les produits de sa culture. Tout à l'heure, il disait que l'impôt serait payé par ceux qui vendent le produit de leur culture à des consommateurs. Maintenant il dit que ce sera seulement par ceux qui auront un débit ouvert. A laquelle des deux versions faut-il s'arrêter ? Il est évident que celui qui cultive pour sa consommation et récolte un peu plus qu'il ne peut consommer, cherche à se défaire de l'excédant.

Il est dans son droit ; il ne fait pas en cela un acte de commerce ; il peut vendre, me dit-on, mais pas en détail. Comment les choses se passent-elles ?... Si mon interrupteur habitait un district où l'on cultive le tabac, il saurait que ce sont les ouvriers qui vont acheter chez le cultivateur qui a récolté trop pour sa consommation, 20, 30 ou 40 plantes. Vous ne pouvez pas vouloir que celui qui vendra ainsi quelques plantes de sa récolte prenne une patente. Cependant il aura vendu au consommateur, on lui fera un procès...

- Une voix. - Ce n'est pas une vente habituelle !

M. Dumortier. - C'est ainsi que les choses se pratiquent. Voici une autre distinction qui n'a pas été faite et qui doit l'être à propos du tabac vert. Le tabac vert est un produit de l'agriculture, c'est une matière première qui doit subir une manipulation pour être mise en consommation. Ainsi, un cultivateur vend 40 ou 50 plantes de tabac vert à un ouvrier, cet ouvrier n'a acheté là qu'une matière première dont il ne peut pas faire usage immédiatement ; il faut qu'il lui fasse auparavant subir une préparation comme le fabricant qui, pour le livrer à la consommation, doit le faire hacher, mettre en poudre ou rouler en cigares. Je ne comprends pas comment vous pouvez imposer comme livré à la consommation du tabac vert qui est une matière première destinée à subir une fabrication avant de pouvoir être employée par le consommateur.

Je crois qu'il n'est pas plus juste de demander à l'agriculture de payer patente de débitant de tabac quand elle vend 20, 30, 40 ou 50 plantes, que de lui faire payer une patente de marché quand elle aura vendu des choux ou des carottes à un paysan qui en a besoin. C'est la même chose. Les produits de l'agriculture se vendent sans que le cultivateur soit assujetti à la patente. Jamais la vente des produits de sa culture n'a constitué pour un cultivateur un acte de commerce. Or, c'est l'acte de commerce et l'acte de commerce vis-à-vis du consommateur que vous voulez atteindre. Donc il faut retrancher de la loi le tabac vert qui ne peut se vendre qu'à une époque de l'année et pour être soumis à des procédés do fabrication.

M. Allard. - En présentant mon amendement, j'ai voulu d'abord supprimer le mot « tabac vert » seulement. Mais dans ma pensée, en ne reproduisant pas les mots en feuilles qui se trouvent dans le projet, j'entendais que le cultivateur ne dût pas payer pour la vente du tabac vert ou en feuilles. Mais quand il voudra le faire râper, hacher ou rouler en cigares pour le vendre en détail, il devra payer le droit de débit. Je demande donc que la chambre adopte mon amendement.

M. Delfosse. - La loi ne frappe que le débitant de tabac, elle n'atteint ni le cultivateur ni le fabricant. Si le fabricant débite le tabac qu'il a fabriqué, le cultivateur le tabac qu'il a cultivé, ils tomberont l'un et l'autre sous l'application de la loi, non en qualité de cultivateur ou de fabricant, mais à raison du débit auquel ils se livrent.

On donne à la question une importance qu'elle n'a pas ; je ne sais s'il y a des débitants de tabac vert ; s'il y en a, ils sont à coup sûr très rares, je n'en connais pas, pour ma part. Le mot vert offusque quelques membres ; eh bien, on pourrait, sans inconvénient, le faire disparaître, en supprimant en outre les mots : « ou sec » ; on dirait : Tout débitant de tabac, en feuilles ou en poudre, etc.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Coomans, tendant à supprimer les six premières lignes de l'article premier, est mis aux voix par appel nominal et rejeté par 45 voix contre 21.

Ont voté pour l'adoption : MM. de Meester, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Perceval, de T'Serclaes, Dumortier, Jacques, Landeloos, Malou, Moncheur, Pirmez, Rodenbach, Roussel (Ad.), Vanden Branden de Reeth, Van Grootven, Vermeire, Allard, Coomans, David, de Breyne et Dedecker.

Ont voté contre : MM. de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, Destriveaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jouret, Lesoinne, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Prévinaire, Rogier, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleempulte, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Anspach, Boulez, Bruneau, Cans, Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Haerne, Delescluse, Delfosse, Deliége et Verhaegen.

L'amendement de M. Allard (suppression du mot « vert ») est mis aux voix et rejeté.

L'amendement de M. Delfosse (suppression des mots « vert ou sec ») est mis aux voix et adopté.

L'article premier est adopté avec le paragraphe additionnel suivant, proposé par M. le ministre des finances :

« Toutefois dans les communes dont la population agglomérée est inférieure à quinze cents âmes, les contribuables patentés qui ne vendent des cigares qu'accessoirement, pourront être cotisés d'après le premier tarif. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demanderai à l'honorable rapporteur si le paragraphe additionnel, proposé par la section centrale, est retiré.

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, l'auteur de cette addition en section centrale a déclaré dans la discussion qu'il ne tenait pas à son maintien. Le rapporteur a dû l'insérer pour tenir compte d'une résolution prise à la majorité d'une voix ; mais il ne croit pas devoir la défendre. Il en sera de même de l'addition à l'article 4.

M. Cools. - Je n'insiste pas pour l'adoption de ce paragraphe.

M. le président. - Le paragraphe additionnel proposé par la section centrale est considéré comme retiré.

Article additionnel

M. le président. - M. Coomans vient de déposer un article additionnel ainsi conçu :

« Seront affranchis du droit spécial les détaillants dont le débit accessoire de tabac sera notoirement inférieur à 100 kil. par an. »

(page 1751) La parole est à M. Coomans, pour développer cet amendement.

M. Coomans. - Je n'ai rien à ajouter à mon amendement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est un amendement à l'article premier. La chambre vient de décider que l'on imposerait tel ou tel débit. L'honorable M. Coomans propose de revenir sur cette décision partiellement pour ceux dont le débit n'excéderait pas 100 kil.

M. Coomans. - Non ; l'article premier reste. Je propose une exception au principe que la chambre a décrété.

- La proposition de M. Coomans est mise aux voix, elle n'est pas adoptée.

Article 2

« Art. 2. Sont réputés débitants, tous ceux qui, soit chez eux, soit ailleurs, vendent ou livrent du tabac directement pour la consommation, sans distinction des quantités.

« L'impôt est dû intégralement pour chaque débit tenu séparément par une même personne. »

M. le président. - La section centrale propose d'ajouter après le mot directement ceux-ci : « aux consommateurs ».

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à cet amendement.

M. Malou. - Je demande qu'après les mots : « vendent ou livrent », on ajoute le mot « habituellement ».

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'insertion de ce mot donnera nécessairement lieu à des difficultés, à des contestations de tout genre. On prétendra, lorsqu'on aura constaté un débit de tabac, que cela n'est pas habituel, que c'est exceptionnel, que c'est un cas isolé. On soutiendra qu'on est affranchi de la taxe. De là des contestations, des procès. Il me semble que la disposition, telle qu'elle est proposée, ne donne lieu à aucun doute : « Sont réputés débitants tous ceux qui, soit chez eux, soit ailleurs, vendent ou livrent du tabac directement aux consommateurs.

Ceux qui livrent directement aux consommateurs se placent dans la position des patentables ; ils acceptent l'obligation de payer l'impôt. Le mot « habituellement » n'ajoutera aucune force à la disposition. Il est évident que le fait de livrer une fois par hasard du tabac à quelqu'un qui le consommera, ne donnera pas lieu à la taxe ; qu'il n'y aura pas une poursuite de ce chef. Mais il ne faut pas que par un mot que l'on insérerait dans la loi l'on donne des moyens d'élever des chicanes sur le point de savoir si la loi est applicable.

M. Malou. - Je ne crois pas que ce mot puisse donner lieu à plus de difficultés que le mot « accessoirement », que M. le ministre des finances a proposé d'insérer à l'article premier. Dans l'un et l'autre cas, il y aura une question à apprécier.

Notre Code de commerce se sert du mot que je propose d'introduire dans l'article pour définir la qualité du commerçant, et on a déclaré tout à l'heure unanimement qu'il ne fallait pas imposer le cultivateur qui vend sa denrée, que c'était la profession de débitant de tabac qu'il fallait imposer. Ainsi, le mot « habituellement » n'est qu'une application du principe de nos lois.

D'ailleurs, s'il doit donner lieu à quelques contestations, j'aime mieux quelques contestations que beaucoup d'injustices.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que celui qui vend du tabac aux consommateurs, qu'il soit cultivateur ou non, tombe sous l'application de la loi. Voilà quelle a été la décision de la chambre. (Interruption.) Vous pouvez soutenir que telle n'a pas été la décision de la chambre, mais la majorité l'a ainsi entendu, et il est impossible qu'on l'entende autrement. Comment voudriez-tous qu'on fît des exceptions ? Tout débitant de tabac, tout individu qui débite du tabac, est soumis à patente ; il doit supporter la taxe établie par la loi. On ne s'enquerra pas du point de savoir s'il est cullivateur ou s'il ne l'est pas. On ne s'enquerra que d'un seul point, à savoir s'il débite directement du tabac aux consommateurs, et, dans ce cas, il sera passible de la taxe.

Le mot « habituellement » que l'on voudrait insérer, avec la pensée qu'y attache l'honorable M. Malou, me paraît devoir être écarté.

L'honorable M. Malou veut faire dériver de l'insertion de ce mot « habituellement », la pensée que le cultivateur serait exempt de la taxe, s'il ouvrait un débit de tabac.

M. Malou. - Je n'ai pas dit cela. Je dis que, quand le cultivateur vend son tabac, il ne peut être soumis à l'impôt.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quand il se constitue débitant de tabac, il est soumis à l'impôt.

Je persiste à demander que le mot « habituellement » ne soit pas inséré dans la loi.

Il ne se trouve pas dans la loi sur les débits des boissons distillées, qui n'a donné lieu à aucune difficulté.

M. Dumortier. - Il me semble qu'il faut mettre la loi en harmonie avec ce que vous avez voté tout à l'heure. Qu'avez-vous voulu en votant l'amendement de l'honorable M. Delfosse ? C'est que le cultivateur puisse vendre son tabac sans être soumis à l'impôt. C'est ce qu'avait dit M. le ministre des finances lui-même, et il nous dit maintenant le contraire. Il disait tout à l'heure que c'est le fait d'avoir un débit ouvert de tabac qui constitue l'impôt.

Maintenant c'est tout autre chose, il ne faut plus avoir de débit ouvert. Il suffit que le cultivateur débite son tabac, vende le tabac qu'il a cultivé pour être passible du droit, Mais commencez donc par vous mettre d'accord avec vous-même. Tout à l'heure, vous vouliez qu'il y eût un débit ouvert pour appliquer la loi. Maintenant vous voulez que la seule vente de produits par le cultivateur rende passible de l'impôt.

Vous le voyez donc, messieurs, on soutient telle ou telle thèse en raison des articles que l'on discute pour faire passer la loi !

Eh bien, je dis que l'amendement de l'honorable M. Delfosse, que vous venez de voter, exige une modification à l'article en discussion.

Qu'est-ce qui constitue le débitant de tabac ? En réalité le débitant de tabac est celui qui vend le tabac propre à être mis en consommation. L'agriculteur au contraire qui ne vend que le produit de sa récolte ne peut être considéré comme un débitant de tabac.

- Un membre. - On le sait bien.

M. Dumortier. -Mettez-le dans la loi si vous le savez bien. La loi dit au contraire : Sont réputés débitants tous ceux qui soit chez eux, soit ailleurs, vendent ou livrent du tabac directement aux consommateurs sans distinction des quantités.

Il en résulte donc que le fait de vendre du tabac directement aux consommateurs, même sans avoir un débit ouvert, vous constitue débitant. Eh bien, tout à l'heure M. le ministre a dit que pour être débitant il fallait avoir un débit ouvert. Or, le cultivateur n'a pas un débit ouvert et dès lors il ne faut pas lui faire payer l'impôt ; il faut donc adopter l'amendement présenté par l'honorable M. Malou.

Voulez-vous autre chose ? Mettez : « Sont réputés débitants tous ceux qui, soit chez eux soit ailleurs, vendrent ou livrent du tabac fabrique directement pour la consommation. » Mais il est évident que celui qui vend le produit de sa récolte ne peut, en aucune hypothèse, être réputé débitant.

M. Delfosse. - Je ne veux pas ouvrir une discussion sur le sens de mon amendement, je me borne à dire qu'il n'a pas la signification que M. Dumortier lui donne.

M. Dumortier. - Que signifie-t-il alors ?

M. Delfosse. - Ce qu'il signifie, il n'y a qu'à lire pour le savoir.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas donné à ma pensée une autre portée en l'appliquant à l'article premier qu'en l'appliquant à l'article 2. En toute hypothèse j'ai soutenu et je continue à soutenir que tout individu qui débite du tabac devra supporter la taxe. Je ne m'occupe pas de la profession qu'exerce l'individu. C'est absolument comme si une taxe étant établie, par exemple, sur les débitants de boissons alcooliques, un distillateur se constituait débitant de boissons alcooliques ; eh bien il devrait supporter la taxe. Il s'agit uniquement de savoir si un individu débite du tabac.

M. F. de Mérode.- Il s'agit de savoir si un cultivateur qui vend du tabac qu'il a produit vend du tabac, oui ou non. S'il se fait marchand de tabac, qu'il cultive ou qu'il ne cultive pas, il est clair qu'il doit payer l'impôt, mais s'il vend seulement le tabac qu'il a récolté sur son terrain, sera-t-il considéré comme débitant ? Voilà la question, et selon l'explication de M. le ministre des finances, il paraîtrait que ce cultivateur ; n'eùt-il vendu qu'une seule plante à un consommateur, sera considéré comme débitant.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non ! Cela ne constitue pas un débit de tabac.

- L'amendement de M. Malou est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté avec l'amendement de la section centrale qui consiste à dire « aux consommateurs » au lieu de « pour la consommation ».

Article 3

« Art. 3. Les dispositions des articles 3, 5 à 1, 12, paragraphes 1 et 2 et 13 à 15 de la loi du 1er décembre 1849, Moniteur, n°355, sont rendues communes au droit de débit de tabac. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. La présente loi sera mise en vigueur a partir du 1er janvier 1852. »

La section centrale propose le paragraphe additionnel suivant :

« Le gouvernement communiquera aux chambres législatives, dans l'année qui suivra l'exécution de la loi, un tableau indiquant le classement des débitants de tabac et la moyenne de débit qui aura été adoptée pour chaque base. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on a demandé (et c'est dans ce but que la section centrale propose son amendement) que le gouvernement réunisse tous les renseignements qu'il pourra recueillir pour éclairer la chambre et la mettre à même d'aviser au moyen d'introduire des réformes dans la loi si elle renferme quelques vices. Je m'engage bien volontiers à fournir tous les renseignements possibles, dans la discussion du budget des voies et moyens qui suivra l'application de la loi ; mais je pense qu'il est inutile d'insérer à cet égard une disposition dans la loi.

M. Cools. - Puisque M. le ministre s'engage enfin à fournir tous les renseignements qui sont indiqués dans l'amendement que j'avais proposé et qui a été admis par la section centrale, je n'ai plus aucun motif pour insister sur son adoption.

- L'article 4 est adopté sans le paragraphe additionnel propose par la section centrale.

Second vote des articles et sur vote sur l’ensemble du projet

La chambre décide qu'elle procédera immédiatement au second vote.

Les amendements de MM. Delfosse et le ministre des finances sont successivement remis aux voix et définitivement adoptés.


Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi. En voici le résultat :

58 membres prennent part au vote.

(page 1752) 45 répondent oui.

13 répondent non.

2 (MM. F. de Mérode et de Mérode-Westerloo) s'abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, Destriveaux, de T'Serclaes, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jouret, Lesoinne, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Prévinaire, Rogier, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest),1 Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Haerne, Delescluse, Delfosse, Deliége et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. de Meester, Dumortier, Landeloos, Pirmez, Rodenbach, Sinave, Van Grootven, Vermeire, Allard, Coomans, David, de Breyne et Dedecker.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Mérode. - Messieurs, j'avais l'intention de voter les impôts acceptables (comme paraît l'être celui-ci), s'il s'agissait de combler le déficit ou de pourvoir aux besoins urgents, tels que ceux qui concernent l'armée. Mais comme cet impôt ne paraît destiné qu'à faciliter de nouveaux déficits, je me suis abstenu.

M. de Mérode-Westerloo. - J'ai voté, messieurs, le projet de loi sur les bières, parce que je le considérais plutôt comme la répartition équitable d'un impôt déjà existant et toujours décroissant, que comme une charge nouvelle. Ici, au contraire, je me trouve en face d'un impôt nouveau et je ne puis consentir à en voter un seul, sans connaître positivement à l'avance, l'objet auquel il sera appliqué.

Cependant, comme d'autre part, j'admets le principe de l'imposition du tabac comme juste, et que des dépenses nécessaires, parce qu'elles seront impérieusement commandées pour la sûreté militaire du pays, nous forceront peut-être à devoir recourir sous peu à de nouveaux impôts, je n'ai pas voulu donner un vote désapprobateur au projet de loi qui nous est présenté et dont je ne repousse pas, d'ailleurs, certaines dispositions.

M. le président. - Il reste à statuer sur la proposition de MM. A. Vandenpeereboom et Malou qui ont réclamé le renvoi à MM. les minisires des finances et de l'intérieur, avec demande d'explications, des pétitions relatives à l'augmentation de droit sur les tabacs importés par les frontières de terre.

- Cette proposition est adoptée.

La chambre fixe sa prochaine séance publique à mardi prochain, 29 juillet à deux heures.

- La séance est levée à 5 heures et un quart.