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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 24 janvier 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 464) M. Maertens procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Dumon donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Evrard demande que les avocats soient soumis au droit de patente. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Musch présente des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries et demande que la déduction de 15 p. c. soit maintenue pour les distilleries agricoles. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Des distillateurs agricoles à Lanaekc-en présentent des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries et demandent une déduction de 30 p. c. en faveur des distilleries agricoles et la faculté de déclarer un renouvellement de matières par 48 heures pour les cuves de macérationet par 24 heures pour la cuve de vitesse. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Vandenbergh et comp., distillateurs à Anvers, présentent des observations contre le projet de loi sur les distilleries et demandent que le taux de l'accise reste fixé à 1 fr. 50 c. et que la décharge à l'exportation des eaux-de-vie de grains soit de 30 fr. 70. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Vermeylen, Simon et autres membres de la chambre de rhétorique dite « Het kerssouwken » demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole et dans le projet de loi qui doit être présenté sur l'organisation des cours d'assises. »

« Même demande de plusieurs habitants d'Oostroosebeke. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur l’expropriation forcée

Rapport de la section centrale

M. Lelièvre dépose le rapport de la commission qui a examiné les amendements apportés par le Sénat au projet de loi sur l'expropriation forcée.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. A. Vandenpeereboom, au nom de la commission des naturalisations, dépose plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Deliége dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant au département des travaux publics des crédits supplémentaires s'élevant à 567,468 fr.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

La Chambre décide qu'ils seront mis à la suite des objets à l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. de Perceval. - Messieurs, par pétition datée de Malines le 10 décembre 1853, plusieurs brasseurs à Malines réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir l'interprétation de la disposition de la loi du 2 août 1822 sur les brasseries, qui se rapporte à l'emploi des paniers dits « stuikmanden » dans la fabrication de la bière brune.

Vous avez renvoyé cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

J'ai l'honneur de m'acquitter de cette tâche.

Les pétitionnaires se plaignent de se trouver exposés à être mis chaque jour en contravention sans qu'aucune fraude ou tentative de fraude puisse leur être reprochée, par le motif que quelques agents du fisc considèrent comme contraire à la loi le résultat d'un mode de travail, universellement suivi jusqu'à ce jour.

Voici les faits relatés dans leur requête :

L'article 13, n°9 de la loi du 2 août 1822 autorise le brasseur à faire emploi des paniers dits « stuikmanden » dans la cuve-matière, à la seule condition d'en faire mention dans la déclaration qui doit précéder le brassin.

Ces paniers en osier sont généralement en usage à Malines, à Bruxelles et dans quelques autres villes ; ils servent à puiser dans la dréche qui se trouve dans la cuve-matière le liquide blanc que fournissent les matières farineuses qui ont reçu dans cette cuve la première préparation.

Ce liquide, extrait ou trempe, est introduit dans la chaudière, y reçoit l'ébullilion, il est déversé ensuite sur la cuve-matière puer y être clarifié.

Les paniers, dont aucune loi ne détermine la forme, sont nécessairement à mailles ; ils sont, pour leur étendue, en proportion avec la profondeur et la grandeur de la cuve dans laquelle il sont destinés à fonctionner.

Introduits à force de bras ou de pieds dans la dréche compacte qui se trouve dans la cuve, les paniers reçoivent les extraits ; mais ces extraits sont nécessairement mélangés de matière farineuse, qui s'infiltre par les mailles des paniers ; le contenu des paniers étant versé dans la chaudière, il s'ensuit que la chaudière reçoit, en même temps que les extraits, une partie de dréche ou de matière farineuse.

Notons ici deux circonstances sur lesquelles l'administration est d'accord : la première, qu'il est matériellement impossible de séparer entièrement la trempe de la matière farineuse : la seconde, que cette matière farineuse, introduite dans la chaudière accessoirement avec la trempe, sort de la cuve-matière, qui a été soumise à l'impôt pour sa contenance intégrale.

Il arrive maintenant à Malines que l'employé constate de la matière farineuse dans la chaudière ; sans se demander si cette matière y a été portée par le travail au moyen des paniers ou autrement, il déclare contravention, parce que, dit-il, le brasseur qui emploie un autre bac ou vaisseau pour y préparer la farine ou mouture, est obligé de déclarer cet autre bac est de le soumettre, tout comme la cuve-matière, à l'assiette de l'impôt.

Ainsi les employés ne tiennent aucun compte de la circonstance importante que la matière farineuse, accessoirement et forcément introduite par l'emploi des paniers dans la chaudière grasse, est exclusivement puisée dans la cuve-matière.

Cependant l'administration admet dans la pratique qu'une certaine quantité de matière farineuse ou de dréche doit se trouver dans la chaudière, mais elle ne détermine pas cette quantité, de sorte que les brasseurs sont soumis à l'appréciation arbitraire des employés.

Vainement s'est-on adressé à l'administration pour solliciter une expérience qui servirait désormais de règle ;vainement les pétitionnaires ont-ils mis leur usine à la disposition des agents du trésor, et demandé de pouvoir établir, par un travail qui se passerait, depuis le commencement jusqu'à la fin, sous les yeux de l'administration, que les paniers font nécessairement passer tantôt plus, tantôt moins, mais toujours une quantité assez notable de dréche dans la chaudière ; la demande a été passée sous silence et l'administration s'est bornée à répondre que les paniers ont un usage déterminé et qu'ils doivent servir uniquement à la clarification des deux premières trempes ; comme s'il était possible d'employer les paniers pour saisir ces trempes, sans recueillir en même temps de la matière farineuse !

C'est encore en vain que l'on a demandé que l'administration voulût bien prescrire le modèle d'un panier et indiquer le mode d'emploi ; rien n'a été obtenu. Il s'ensuit que les brasseurs subissent une pure appréciation, sans règle comme sans limite.

C'est là, messieurs, une position anormale qu'il importe de faire cesser, car elle est contraire aux prescriptions formelles de la loi du 2 août 1822.

En effet, cette loi autorise l'usage des paniers ; elle accorde même une prolongation de travail de deux heures aux brasseurs qui s'en servent. Nulle part elle ne prescrit la forme des paniers, nulle part elle ne détermine le mode à suivre quand ils sont employés.

Ces paniers sont nécessairement à parois et proportionnés à la profondeur et à l'étendue de la cuve dans laquelle ils doivent fonctionner. Introduits dans la pâte, ils reçoivent les extraits, mais ces extraits se trouvent forcément mélangés de dréche, car il est impossible de saisir les extraits sans prendre eu même temps la dréche avec laquelle ils sont confondus.

En portant à la chaudière ces extraits ainsi mélangés, on fait ce que l'on appelle une chaudière grasse, une chaudière à extraits, une (page 465) chaudière à l’ébullition de la trempe. Or, tel est justement le but de l'emploi des paniers.

Il est donc incontestable, répétons-le, que la drêche, dans une quantité plus ou moins forte, est inséparable des extraits que l'on doit recueillir à l'aide des paniers.

L'administration ne doit avoir en vue que d'empêcher les brasseurs, qui ont déclaré ne faire usage pour la préparation de la farine que de leur cure-matière, de les empêcher, dis-je, d'employer les autres vaisseaux de leur usine en guise de cuve-matière, par l'introduction de nouvelle farine dans ces vaisseaux. Lorsqu'il est établi que la matière trouvée dans la chaudière provient uniquement de la cuve-matière, et n'y a été puisée que par suite du travail des paniers, il ne saurait exister de contravention ; l'Etat a perçu, dans ce cas, les droits qui lui sont dus, et la fraude a disparu.

Pour ces motifs, votre commission estime que la réclamation des brasseurs de Malines est fondée en tous points, et elle vous propose de la renvoyer à M. le ministre des finances avec demande d'explications.

M. Allard. - Les faits qui viennent d'être exposés par l'honorable M. de Perceval sont de la plus exacte vérité. Il est impossible que l'on emploie ces paniers, qui sont en osier, à mailles assez grandes, sans qu'il se trouve dans la chaudière quelques parcelles de farine. Je me réserve, lorsque M. le ministre des finances aura donné des explications, de les combattre, si elles ne sont pas favorables à la pétition des brasseurs de Malines.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Roeulx le 20 décembre 1853, les membres du bureau de bienfaisance de cette ville prient la chambre de décider si les frais d'entretien des enfants abandonnés sont à la charge de l'administration des hospices ou du bureau de bienfaisance et demandent la révision de la loi sur le domicile de secours.

Il résulte de leur requête qu'un conflit a surgi entre les administrations de bienfaisance de cette ville au sujet de savoir à qui incombe le payement des frais d'entretien d'enfants trouvés et abandonnés que leur réclament les villes de Bruxelles et de Mons. C'est sur l'interprétation de la circulaire ministérielle du 17 août 1847, insérée au Mémorial administratif, n°34, que ces administrations sont en désaccord.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le dépôt de cette requête sur le bureau pendant la discussion prochaine du projet de réorganisation des administrations de bienfaisance, et le renvoi M. le ministre de la justice.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétitions respectivement datées des 13 et 15 décembre 1853, les habitants d'Achel et de Lille-St-Hubert demandent qu'il soit interdit de faire dériver dans le Warmbeke les eaux surabondantes du canal, depuis le mois d'avril jusqu'au mois de novembre, et que des mesures soient prises pour approfondir ce cours d'eau. Les pétitionnaires se plaignent des dommages considérables que leur cause le débordement de ce cours d'eau, qui les empêche d'engraisser leurs prairies en temps utile et de récolter les foins de bonne qualité.

Votre commission s'est demandé si l'entretien et le recreusement du Warmbeke, que les pétitionnaires demandent, ne constituaient pas une charge locale, et si ce n'était pas ici le cas de constituer les propriétaires riverains d'un cours d'eau en association de wateringue, comme cela a eu lieu récemment pour les prairies du haut Escaut ; dans ces conditions votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de leurs requêtes à MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'appelle l'attention de la Chambre sur la pétition qui vient de faire l'objet du rapport de l'honorable M. Vander Donckt. Les faits qu'elle signale viennent confirmer une observation qui se trouve insérée au rapport de la section centrale.

De quoi se plaignent les habitants de la commune d'Achel en Campine ? Ils se plaignent de ce que par suite de manœuvres injustifiables, les ingénieurs, qui dépendent du département de l'intérieur, se permettent de faire refluer les eaux qui viennent de la Meuse et qui arrivent dans le canal de la Campine dans les courants d'eau appelés le Dommel et le Warmbeke. Et le croirait-on ? Quelle est l'époque qui est choisie pour faire des manœuvres comme celles-là ? C'est l'été, et elles ont été exécutées notamment cinq jours avant l'époque où il s'agissait de procéder à la coupe des foins.

C'est ainsi que, sous prétexte de faire des défrichements en Campine au moyen d'irrigations, on nuit à des prairies qui sont en culture depuis un temps immémorial.

Si MM. les ingénieurs de la Campine ne font pas d'autre besogne que celle-là, il est certain que les traitements qu'on leur donne ne sont guère justifiés. J'ajoute qu'il me semble étonnant que le département de l'intérieur ne les fasse pas surveiller de plus près ; mais je le comprends, ses attributions sont trop étendues, en voilà la cause.

Au reste, ne n'est pas la seule pétition qui ait été déposée sur le bureau ; il en est beaucoup d'autres encore. J'ajourne à l'article qui concerne les irrigations ce que j'ai à dire sur cette question.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - S'il fallait s'en rapporter aux accusations si générales qui viennent encore d'être dirigées contre certains fonctionnaires, on croirait véritablement dans cette enceinte que les fonctionnaires, et surtout ceux du département de l'intérieur, sont en quelque sorte mis hors la loi, et qu'il n'y a plus pour eux de justice. Au lieu d'apprécier leurs acles, on commence par dire que tout ce qu'ils font est mauvais, qu'ils n'ont pas de règle de conduite, qne personne ne les surveille et qu'ils n'ont d'autre mission que de porter le trouble dans les propriétés particulières.

Permettez-moi de le dire, et je le dis à l'honorable rapporteur, tout cela est de l'exagération, et il ne se livrerait pas à toutes ces accusations qui ne sont, selon moi, nullement fondées, s'il avait la bonté de s'enquérir plus particulièrement des faits.

Sur les faits dont il s'agit, je m'engage, lorsque j'aurai vu le dossier auquel cette pétition peut se rattacher et quand viendra le chapitre particulier du budget de l'intérieur où il s'agit des irrigations, de démontrer que tout cela n'est autre chose que des plaintes mal fondées. Les irrigations dont il s'agit sont soumises à un régime établi par le département de l'intérieur ; des époques sont fixées pour ces irrigations, et les ingénieurs ne méritent en aucune manière le blâme qu'on paraît vouloir leur infliger. C'est ce que je prouverai lorsque viendra le chapitre spécial du budget.

M. le président. - Cette discussion est anticipée.

M. de Man d'Attenrode. - Il m'est impossible de ne pas répondre à ce qui vient d'être dit. M. le ministre n'est pas au courant da la question ; ses paroles le prouvent. Il ne sait pas ce qui se passe en Campine, bien qu'il devrait le savoir ; et l'on se permet de taxer mes paroles d'exagération ! Je ne puis pas passer là-dessus. Je suis obligé de protester contre un pareil reproche.

M. le président. - Vous pouvez répondre ; mais cette discussion aurait pu être ajournée jusqu'au moment de la discussion des articles relatifs aux ingénieurs de la Campine.

M. de Man d'Attenrode. - Je trouve vraiment singulier que lorsque des membres de la Chambre viennent, pour remplir un devoir, réclamer contre certains actes, on croie devoir attaquer leurs paroles pour défendre aveuglément des agents en province.

Messieurs, je suis au courant de ce qui se passe en Campine. Il y a déjà longtemps que ces faits se reproduisent ; mais savez-vous pourquoi on n'a pas réclamé jusqu'ici ? C'est que l'on craint les agents du gouvernement. Il doit donc exister des motifs pour cela dans cette contrée. On n'a pas osé réclamer ! cela est inouï ; et si on fait aujourd'hui entendre des plaintes, c'est sur mes instances qu'on s'y est déterminé. J'espère qu'il suffira de signaler ces abus pour les faire cesser, malgré le langage de M. le ministre de l'intérieur.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Le sieur Maertens réclame le droit de priorité pour son projet de chemin de fer de Saint-Ghislain vers la frontière zélandaise soit Breskens par Leuze, Renaix, Gand et Eccloo, avec embranchemont de Braine-le-Comte à Renaix, et demande l'intervention de la Chambre pour qu'il soit donné suite à ce projet. »

Le pétitionnaire étant mort, la commission se borne à proposer le dépôt de la requête au bureau des renseignements.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion générale

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - M. le ministre de l'intérieur.— Il me reste, messieurs, peu d'observations à présenter dans la discussion générale, pour répondre aux demandes d'explications qui ont été faites par plusieurs honorables membres.

L'honorable M. Lelièvre a demandé au gouvernement ce qu'il compte faire à propos des jurys universitaires ; il a signalé des imperfections dans le régime encore aujourd'hui en vigueur, et comme la loi actuelle approche de son terme, il a demandé quelles sont, à cet égard, les intentions du gouvernement. Messieurs, les inconvénients que l'on a signalés à plusieurs reprises dans le régime actuel n'ont pas échappé à l'attention du gouvernement ; un projet de loi nouveau est à l'étude mais il me paraît qu'une affaire de cette importance aurait fort peu de chance d'être discutée dans le cours de la session actuelle. En conséquence le gouvernement a été d'avis de proposer une loi de prorogation pour le terme d'un an et de recueillir, en attendant, tous les avis des hommes compétents afin de pouvoir arriver à une combinaison qui ait des chances d'être accueillie par la législature.

A propos de quelques services du département de l'intérieur, on a, dans la séance d'hier, prononcé encore le mot d'économie ; on a signalé quelques faits particuliers et on a invité le ministre à user de tous les moyens possibles pour réaliser des économies. Je ne puis dire qu'une chose, c'est que les économies ont produit tout ce qu'elles pouvaient produire ; à quoi de nouvelles économies s'appliqueraient-elles ? Est-ce au personnel ? Tout le monde sait que les fonctionnaires en Belgique ne reçoivent que des traitements très modérés, que beaucoup même ne reçoivent qu'un traitement insuffisant. Est-ce au matériel ? Eh bien, messieurs, il est impossible, après toutes les expériences qui ont été faites depuis plusieurs années, de songer à des économies de quelque importance, d'autant plus que le contrôle que les Chambres législatives exercent chaque année sur les divers services, amène constamment des améliorations, des perfectionnements qui ne s'obtiennent qu'à prix d'argent. Je dis dès lors qu'en fait d'économies, il est impossible d'aller au-delà de celles qui ont été réalisées.

(page 466) On a cité de prétendus abus qui existeraient dans le mode d'indemniser certains fonctionnaires.

Ainsi, à propos de l'Académie de médecine, un membre a critiqué les indemnités accordées au président et au secrétaire de ce corps savant, et l'emploi des fonds destinés à propager à l'étranger la connaissance des travaux de l'Académie.

Quant aux fonctionnaires dont il s'agit, je prouverai, quand nous en serons arrivés au chapitre des sciences, que le gouvernement a réglé les indemnités qui lui sont dues avec la plus sévère économie, et qu'ils sont, sous ce rapport, dans une position inférieure à celle de leurs collègues de l'Académie des belles-lettres, quoique chargés d'un travail très considérable.

En ce qui concerne une somme de 1,500 fr. employée à l'étranger, cette dépense a été parfaitement justifiée ; et elle vient d'ailleurs de cesser par suite d'un changement survenu dans les relations de l'Académie.

L'école vétérinaire ne pourrait pas échapper davantage à ce besoin de critique universelle.

L'honorable directeur de cette école a été signalé comme recevant un double traitement à raison de fonctions qu'il exerce à l'école, et de, celles qu'il occupe dans le service de l'armée.

C'est encore là une erreur, messieurs. La direction de l'école vétérinaire est entre les mains d un fonctionnaire qui occupe un autre emploi. Cela est vrai ; mais ce qui ne l'est pas moins, c'est qu’il ne reçoit pas un double traitement.

Je borne là mes explications relatives à la discussion générale.

Quand nous arriverons aux articles, je reviendrai sur plusieurs points indiqués dans la séance d'hier.

M. de Muelenaere. - Messieurs, dans la séance d'hier, l'honorable M. Lelièvre a soumis à la Chambre une observation qui me paraît assez importante et à laquelle M. le ministre de l'intérieur n'a pas répondu. Si c'est par simple inadvertance, je prierai M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien nous dire ce qu'il se propose de faire à ce sujet. Si le gouvernement croyait devoir s'abstenir, j'annonce dès à présent que je soumettrai avec mon honorable collègue, M. Lelièvre, une proposition à la chambre en vertu de notre droit d'initiative. Voici la question.

L'observation de l'honorable M. Lelièvre tend à faire disparaître de nos lois une anomalie réellement choquante, une de ces bigarrures législatives que rien ne justifie.

Vous savez, messieurs, que par l'article 58 de la loi du 4 août 1832, il est prononcé une indemnité contre celui qui succombe dans un pourvoi en cassation. Par la loi du 1er avril 1843, et dans l'intérêt de la prérogative électorale, vous avez exempté le pourvoi en cassation des frais de timbre, d'enregistrement, d'amende et d'indemnité.

Ainsi donc lorsque aux termes de la loi du 1er avril 1843, un individu dans l'exercice légitime des droits qui lui appartiennent, se pourvoit en cassation, il n'est pas soumis à l'indemnité prononcée par la loi du 4 août 1832.

Or, vous savez que celle indemnité est considérable : elle s'élève, si je ne me trompe, à 150 fr., et on peut la prononcer autant de fois qu'il y a de défendeurs en cause, parce que chaque défendeur a un intérêt distinct.

Mais lorsqu'on a fait la loi du 1er avril 1845, on a perdu de vue la loi du 30 mars 1836 ; l'article 18 de cette dernière loi s'occupe également du pourvoi en cassation, mais il n'exempte le pourvoi en cassation que des frais de timbre, d'enregistrement et d'amende ; il est muet sur l'indemnité. Il résulte de là que lorsqu’un pourvoi en cassation a lieu en vertu de la loi de 1843, celui qui succombe dans son recours n’est pas condamné à l’indemnité, mais cette loi de 1843 ne s’applique qu’aux élections, c’est-à-dire aux élections générales pour les Chambres et les conseils provinciaux.

Tout ce qui concerne les élections communales est régi par la loi du 30 mars 1836. Ainsi, d'une part, quand il s'agit d'élections générales, on échappe à l'indemnité ; d'autre part, quand il s'agit d'élections communales, l'individu qui succombe est, en vertu de l'article 58 de la loi du 4 août 1832, condamné à l'indemnité.

Vous voyez qu'il y a réellement là une anomalie extrêmement choquante, et qu'il est important de la faire disparaître le plus toi possible.

Si le gouvernement ne partage pas cette opinion, mon honorable collègue, M. Lelièvre et moi, nous userons de notre droit d'initiative.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le fait dont les honorables MM. de Mueleuaere et Lelièvre ont parlé n'a pas échappé à mon attention ; mais je ferai remarquer qu'il se produit pour la première fois dans cette enceinte ; j'aurai l'occasion de mon expliquer ultérieurement. Je reconnais dès à présent qu'il y a là une anomalie qu'il faut faire disparaître ; mais je prierai les honorables membres de me permettre de faire une étude particulière de cette question ; je m'engage à m'expliquer à cet égard dans le cours de. la session actueile.

M. Roussel. - Messieurs, j'ai entendu sans surprise l'honorable ministre de l'intérieur déclarer que les inconvénients des jurys d'examen universitaire n'ont pas échappé à son attention. Il y a longtemps que j ai eu l’honneur de faire ressortir en termes brefs les inconvénients de ce système. Mais ce sur quoi je dois manifester mon étonnement, c'est que M. le ministre de l'intérieur ailtattendu jusqu'à ce jour, pour s'apercevoir que la loi qui a réglé la matière a cessé d'exister au mois de juillet dernier, et qu'il n'ait pas jugé convenable de faire étudier cette matière pour nous soumettre à l'instant un projet de loi nouveau, au moyen duquel une institution indispensable à la Belgique aurait pu continuer de fonctionner, tout en recevant les améliorations dont l'expérience a fait reconnaître la nécessité.

Voici ce qui s'est passé pour cette institution importante, et j'appelle à ce sujet l'attention de la Chambre.

C'est au mois de juillet dernier que la loi de 1849 a cessé d'avoir ses effets en ce qui concerne les jurys d'examen ; au mois de juillet dernier, M. le ministre était donc parfaitement prévenu. Que vient-il nous dire ? Que cette affaire est d'une telle importance qu'il a jugé utile de présenter, non un projet de loi nouveau, mais un projet destiné à proroger pendant une année encore le régime actuel dont il a lui-même reconnu les vices, et par suite à la proroger indéfiniment ; car il n'y a pas de raison pour que cette prorogation ne soit encore renouvelée.

Il n'y a pas de motif pour que, dans un an, M. le ministre de l'intérieur qui. je l'espère bien, siégera encore alors à ce même banc, ne vienne dire à la Chambre : « Il est évident que. je n'ai pas eu le temps de faire l'étude de la matière. Par conséquent, je viens vous proposer de proroger de nouveau la loi d'une année. » Rappelez-vous cependant que le Sénat avait unanimement déclaré, il y a deux ans, que c'était la dernière prorogation de la loi qu'il entendît accorder. La Chambre, à diverses reprises,s 'est, sinon explicitement, au moins catégoriquement prononcée dans le même sens.

Il est incontestable que, depuis 1830, cette question a fait l'objet d'études continuelles ! Comment ! les Chambres ont organisé l'enseignement supérieur, et même l’enseignement à tous ses degrés, et il n'y a qu'une chose qui reste à organiser, c'est la garantie exigée par la société à l'égard des professions dont le mauvais exercice peut être dangereux pour elle. J'estime donc que M. le ministre de l'intérieur devrait faire un effort pour que, dans cette session même, la Chambre fût appelée à régler cette matière qui depuis trop longtemps traîne dans le bourbier du provisoire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il ne me paraît pas que cette question soit soumise à la Chambre ; mais elle lui sera soumise dans cette session.

Le gouvernement n'a pas encore élaboré de projet de loi définitif. Mais je ferai remarquer que le régime provisoire actuel a été considéré comme un progrès.

M. Roussel. - Allons donc !

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Allons donc, si vous voulez. Mais toutes les personnes qui s'occupent de ces matières considèrent les jurys combinés comme ayant amené une amélioration dans les études par la fréquentation plus régulière des cours.

Je n'hésite pas à convenir que cette amélioration n'est pas complète, et qu'il y a quelque chose de mieux à vous présenter.

Le gouvernement a soumis l'examen de cette question à une commission spéciale composée de membres des jurys. Ce n'est que depuis peu de temps que le travail de cette commission est parvenu au département de l'intérieur. Quand ce travail aura été examiné, il sera possible sans doute de présenter un projet de loi définitif. Si le gouvernement ne le fait pas, c'est qu'il lui paraît impossible que la Chambre examine dans cette session une loi qui règle d'une manière complète une matière aussi difficile.

M. Lelièvre. - A l'occasion du budget en discussion, je dois recommander à l'attention particulière de M. le ministre de l’intérieur la position des employés des bureaux des commissaires d'arrondissement. Dans l'état des choses, non seulement ces employés sont privés contre toute justice du droit à la pension, mais il paraît qu'il serait question de les assimiler aux commis des bureaux des gouvernements provinciaux sans aucun égard au rang que plusieurs d'entre eux occupent dans les bureaux des commissariats.

A mon avis, il est injuste de ne pas admettre ces employé à la pension comme les autres employés et fonctionnaires de l'Etat.

Je recommande donc cet objet à la sollicitude de M. le ministre de l'intérieur et je suis convaincu que jamais il ne méconnaîtra les longs et loyaux services qu'ont rendus à l'Etat les employés en question.

Quant à la déclaration qu'a faite M. le ministre de l'intérieur relativement à l’organisation du jury d'examen, je pebse, messieurs, que cette question très difficile mérite un examen particulier. Je conçois donc parfaitement que le gouvernement ne soit pas encore en mesure de proposer uu système complet sur ce point. Je me bornerai donc à engager M. le ministre de l'intérieur à s'occuper de cette difficulté sérieuse et à soumettre le plus tôt possible aux Chambres un projet de loi sur cette importante matière. Qu'on ne le perde pas de vue, il s'agit de concilier les principes de la liberté de l'enseignement avec les intérêts de la science, et certes, formuler un projet qui réponde à tous les besoins est chose qui mérite l’attention la plus sérieuse.

Je suis donc d'avis qu'il est convenable de ne pas presser outre mesure la présentation d’un projet ainsi important, je me borne à inviter le gouvernement à s'en occuper dans le plus bref délai.

M. Rodenbach. - L'honorable comte de Muelenaere a interpellé M. le ministre de l'intérieur sur la question de l’indemnité à charge de la personne qui succombe dans un pourvoi en cassation, en matière d'élections communales. J'ai demandé la parole pour citer un fait. Dans mon arrondissement (l’arrondissement de Roulers), un électeur, dans l'intérêt de la chose publique, dans ce seul intérêt, est allé en cassation, (page 467) et parce qu'il avait omis une simple formalité, la signification à la partie adverse, il a été condamné à une indemnité de 1,200 fr. Je vous demande s'il n'est pas urgent de faire disparaître une anomalie qui a pour conséquence de telles iniquités.

Mais puisque M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il était d'avis qu'il fallait faire disparaître ces irrégularités après examen, je me borne à appuyer de toutes mes forces la demande de MM. Lelièvrc et de Muelenaere.

M. Roussel. - Sur tous les bancs de cette Chambre, il doit y avoir un même désir de voir trancher la question qui nous occupe. Je suis certain que la discussion, dans le sein des Chambres législatives, amènerait une conciliation entre toutes les opinions et qu'on finirait par adopter un mode de composition des jurys qui serait garantissant pour la science et la liberté. Il1 est impossible que ce ne soit pas le résultat d'une discussion sincère, calme et approfondie.

M. le ministre a parlé de commissions nommées et de travaux à faire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - De travaux faits.

M. Roussel. - De travaux faits, soit, de tout ce que vous voudrez. Mais il y a un fait certain, c'est qu'on s'occupe de cette matière depuis 1830 et spécialement depuis 1835. En conséquence, M. le ministre de l'intérieur n'aurait, pour se renseigner, qu'à prendre connaissance de tous les écrits qui ont été publiés, de toutes les discussions qui ont eu lieu sur cet objet dans les Chambres.

Cette lecture l'instruirait beaucoup mieux que toutes les commissions possibles.

Je me plains du retard apporté dans son étude par M. le ministre de l'intérieur. Je suis, en ce point, l'organe de l'enseignement supérieur libre tout entier, c'est-à-dire, de cet enseignement qui ne se trouve point sous la dépendance de M. le ministre de l'intérieur.

Permettez, messieurs, aux professeurs de cet enseignement, de dire aussi quelques mots en faveur de la science et de la liberté. Je me plains sérieusement de ce que M. le ministre de l'intérieur, sachant que la loi expirait à telle époque, n'ait pas commencé plus tôt ses méditations, et mûri plus tôt ses réflexions, nommé ses commissions à temps, afin de nous présenter un projet avant que la loi existante ne vînt à mourir d'une mort prévue.

Il est évident que M. le ministre s'est dit : J'obtiendrai plus facilement la prorogation du mauvais système qui fonctionne encore, quand on se trouvera acculé à la fin d'une session qui doit être suivie d élections générales. Voilà ce que je dois supposer, sans vouloir médire du département de l'intérieur.

Vous savez bien, M. le ministre, que le provisoire que vous appelez un progrès a été en réalité une reculade à l'égard de la science, et en partie à l'égard de la liberté. Vous ne pouvez l'ignorer et pourtant vous avez employé tous les moyens possibles à conserver un système mauvais et un provisoire qui doit l'aggraver de plus en plus. Ce qu'il y a de moins supportable au monde, c'est le provisoire dans le provisoire, c'est-à-dire renouvelé d'année en année.

Comment voulez-vous que les élèves aient confiance et apportent du zèle dans leurs études et que les pères de famille soient encouragés, que les études soient faites lorsque toute la matière est aux prises avec une indécision décourageante ?

Je pense qu'il est temps encore de mettre un terme à cet état de choses et qu'un projet de loi peut encore y remédier utilement. Pour moi, je déclare que si un projet n'est pas présenté par le gouvernement endéans les dix jours, je serai en mesure d'en offrir un à la Chambre à mes risques et périls ; ce projet est préparé, j'y mettrai la dernière main.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne puis pas empêcher l'honorable préopinant de déposer dans la huitaine un projet de loi sur les jurys d'examen. Mais ce que je puis affirmer, c'est qu'il me sera impossible d'en présenter un dans ce délai.

Pour mettre un terme aux incertitudes et répondre à la sollicitude de l'honorable membre, je déclare qu'un projet de loi pourra être présenté dans le cours de cette session ; quant au régime détestable dont on parle, je n'en suis pas coupable, c'est vous qui l'avez décrété, c'est votre œuvre, vous l'avez considérée comme un progrès. Je ne pense pas que ce soit un progrès auquel il faille s'arrêter. Je n'ai pas plus d'admiration que vous pour ce provisoire, mais je ne crois pas qu'il convienne de l'appeler détestable, car il a été considéré comme une amélioration. Tout ce qu'il sera possible de faire, messieurs, c'est de saisir la Chambre d'un projet de loi, qu'elle n'aura probablement pas le temps de discuter, et il deviendra dès lors nécessaire de proroger pour un an la loi actuelle.

M. de La Coste. - Dans les explications qu'a bien voulu donner M. le ministre, ce qui sera accueilli avec le plus de satisfaction par les personnes qui s'intéressent à la liberté et au progrès des études, c'est la déclaration que nous recevrons, dans le cours de cette session, un projet indiquant les vues du gouvernement relativement au jury. La session actuelle devant être suivie d'élections à la Chambre, quand ce projet n'aurait d'autre résultat que de faire connaître les intentions du pouvoir, il aurait l'intérêt incontestable d'un appel au jugement du pays.

Mais il y a plus : quand le gouvernement aura présenté ses propositions, avec le zèle et la promptitude que nous avons le droit d'attendre et que nous attendons de l’honorable ministre de l'intérieur, ce sera l’affaire de la Chambre de voir s'il y a lieu de s'en occuper ; elle le fera ans doute à son tour avec l'intérêt et l'empressement que la matière appelle.

Je me permets en attendant de joindre mon témoignage négatif à celui de l'honorable M. Roussel quant à la perfection prétendue du régime actuel. Ce régime ne consiste guère qu'à donner pour ainsi dire carte blanche au gouvernement.

Il en a fait usage pour établir un double jury, le jury combiné et le jury central ; pour ma part, je doute que ce mécanisme rencontre une approbation générale. Mais en tous cas, on conviendra qu'il n'y a rien de plus contraire à la liberté de l'enseignement, que d'abandonner presque entièrement ces matières à la volonté du gouvernement.

Celui qui est le maître des examens est le maître de l’enseignement. Le gouvernement est maître de l’enseignement moyen par l'examen pour les grades d'élève universitaire ; il est maître des études supérieures par les pouvoirs qui lui ont été provisoirement donnés relativement au jury d'examen universitaire.

Je ne dis pas que le gouvernement ait abusé de ce pouvoir, mais c'est une vérité presque trop triviale pour oser la formuler, que celui qui a un maître n'est pas libre.

La liberté de l'enseignement est peut-être la plus contestée de toutes ; mais c'est une partie essentielle, un corollaire indispensable de nos institutions.

Est-elle, en elle-même, un principe absolu ? Convient-elle à tous les temps et à tous les pays ? Nous n'avons pas à examiner ces questions. Moi-même, je l'avouerai, ma première éducation politique ne m'avait pas préparé à admettre ce principe dans toute l'étendue que lui a donnée la Constitution belge. Mais enfin, la Constitution l'a établi et l'a établi très sagement en rapport avec les autres libertés qu'elle consacre, en rapport avec le système électif.

Quoi ! messieurs, des générations tout entières seront élevées dans un système ou dans un autre tout contraire, suivant que les chances électorales amèneront au pouvoir l'un ou l'autre des partis en lutte, et ce résultat immense dans le présent, incalculable dans l'avenir, peut dépendre de quelques voix, d'un mode d'élection plus ou moins sincère, de la pression presque inévitable qu'exercent les événements extérieurs ! Heureusement, nos institutions mêmes nous ont pourvus d'un correctif ; c'est la liberté de l'enseignement ; or, pour que cette liberté se maintienne, il faut que les conditions en existent.

Il ne suffit pas qu'on puisse librement enseigner, il faut que l’enseignement libre puisse produire les mêmes effets que l’enseignement de l'Etat. Lorsque les professeurs dans l’enseignement libre seront moins habiles, lorsque les élèves seront moins studieux, eh bien, qu'ils soient traités moins favorablement ; rien de plus juste ; mais hors de là il faut égalité complète ; il faut plus, il faut qu'elle soit garantie.

Je demanderai donc avec instance à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien persévérer dans la résolution qu'il vient d'annoncer. Ce sera, je le répète, ensuite à la Chambre et au pays à juger ; mais je proteste d'avance contre certaines prétentions qui se sont manifestées assez publiquement et qui tendent non pas à améliorer le régime actuel, mais à donner à l’enseignement de l'Etat une domination qui serait l'antipode de la liberté. J'espère que de semblables idées qui se réfutent d'elles-mèines, ne trouveront pas d'accueil dans les conseils du gouvernement.

M. Rogier. - Messieurs, cette discussion aurait mieux trouvé sa place au chapitre de l'instruction publique ; cependant puisqu'elle se prolonge, je demanderai à dire quelques mots.

L'honorable M. Roussel a qualifié de détestable la loi de réorganisation de l'enseignement supérieur. M. le ministre de l'intérieur s'est étonné que cette loi qui avait été accueillie par la Chambre fût aujourd'hui l'objet des attaques de l'honorable M. Roussel. Si.M. le ministre avait été membre du gouvernement, lors de la discussion de cette loi, il ne s'étonnerait pas de l'opposition de l'honorable M. Roussel. L'honorable M. Roussel a déclaré la loi détestable dès le principe ; il l'a attaquée dans toute la discussion, mais il est resté dans une infime minorité. Cette loi qu'il n'a pas trouvée bonne alors, il ne la trouve pas bonne aujourd'hui ; il est en ceci conséquent avec lui-même ; mais cela ne prouve pas que cette loi soit mauvaise. Cette qualification de détestable ne signifie pas que la loi le soit en effet, et, quant à moi, je ne partage pas plus l'opinion de l'honorable M. Roussel aujourd'hui que lorsque la loi a été discutée. Ce principe qu'on déclare détestable et qu'il faut modifier dans les huit jours a été accueilli à la presque unanimité des Chambres. Et pourquoi, messieurs ? Parce qu'il consacre de la manière la plus formelle, et comme elle n'avait jamais été consacrée, la liberté de l'enseignement.

Que dit la loi sur l'enseignement supérieur pour la formation des jurys d'examen ? Que l'enseignement libre et l'enseignement de l'Etat seront également représentés dans les jurys d'examen. Voilà le principe essentiellement libéral, essentiellement constitutionnel déposé dans la loi sur l’enseignement supérieur.

Le gouvernement a été chargé d'organiser ce principe. Il n'est pas exact de dire que le gouvernement soit maître, comme vient de le prétendre l'honorable député de Louvain. Le gouvernement, en organisant ce principe si libéral, est obligé de le faire de telle manière que les représentants de l'enseignement libre et les représentants de l'enseignement de l'Etat soient en nombre égal dans les jurys.

(page 468) Voilà ce qui a été fait, et l'on aura beau dire, on ne pourra revenir sur ce principe. Ce principe, loin d'être détestable, est excellent, Je sais qu'il a été attaqué. Mais par qui ? Par des hommes qui, de bonne foi, trouvaient que la place était faite trop large à l’enseignement libre, et les raisons que l’on a données à l'appui de cette thèse ne sont pas toutes dignes de dédain ; elles méritent, au contraire, d'être examinées.

Le système des jurys combinés n'est pas dans la loi ; il a été organisé par le ministre en éxecution de la loi et conformément au principe de la loi. On dit que tout le monde trouve aujourd'hui que les jurys combinés sont une mauvaise institution. Je ne connais pas les rapports des commissions. Mais je soutiens que les jurys combinés sont une institution que l'on peut défendre comme étant essentiellement libérale et constitutionnelle.

Au surplus, il serait libre à M. le ministre de l'intérieur de modifier l'institution des jurys combinés, à condition cependant de rester fidèle aux prescriptions de la loi qui exige que l'enseignement libre et l'enseignement de l'Etat soient également représentés dans le jury. Quant à moi, je ne suis pas pressé ; je ne vois nullement la nécessité de modifier la loi d'enseignement supérieur en ce qui concerne les jurys d'examen. Je défie les partisans les plus outrés de la liberté d'enseignement de substituer unû disposition plus libérale à celle qui existe, et vous vous le rappellerez, messieurs, cette disposition a été adoptée à la presque unanimité dans cette chambre.

Suivant l'honorable représentant de Louvain, la liberté de l'enseignement se trouverait compromise, menacée, en quelque sorte, esclave ; le gouvernement aurait dans les mains l'enseignement à tous les degrés, et la liberté de l'enseignement, je le répète, serait dans une position précaire, dans une position servile, ou menacée. Mais est-ce bien à un représentant de Louvain de tenir un pareil langage, est-ce bien à un représentant de Louvain de venir soutenir que l'enseignement de l'Etat est privilégié et qu'on ne fait rien pour la liberté ?

Messieurs, je connais, moi, des établissements libres qui sont privilégiés à l'égard d'autres établissements libres, mais je voudrais bien que l'on me dît de quelle manière, quand et où le gouvernement a contrarié en quoi que ce soit l'existence, les manifestations des établissements libres. Je voudrais bien, avant de se livrer à de pareilles accusations, que l'on citât un seul exemple.

Je le répète, de bons esprits ont trouvé que le gouvernement avait été trop loin dans l'organisation des jurys, qu'il avait fait la part de la liberté trop grande ; il y a une opinion qui soutient, par exemple, qu'il serait plus utile aux sciences et aux études, de revenir à l'ancien système qui consistait à donner aux universités de l'Etat le droit de conférer les diplômes sauf à nommer un jury central pour les études libres. Je ne sais si c'etl le système que l’honorable M. Roussel tient tout prêt et qui serait adopté dans les 24 heures. (Interruption.) Vous avez dit que le système était prêt.

M. Roussel. - Je n'ai pas dit qu'il serait adopté dans les 24 heures.

M. Rogier. - Vous avez dit que ce système concilierait toutes les opinions ; il est donc probable qu'il serait promptement adopté.

Je disais, messieurs, que cette opinion s'était fait jour, que cette opinion avait des partisans sérieux ; je ne dis pas que je me range à cette opinion, mais je dis que le principe déposé dans la loi de 1850 est un principe essentiellement libéral et contre lequel aucune opinion ne peut, ce me semble, protester avec justice.

Mainlenantfaul-il, messieurs, que le gouvernement dépose, dès maintenant, un projet de loi ? Quel serait le résultat de ce dépôt ? Ce serait un inconvénient et rien de plus.

Si vous voulez donner un peu de fixité aux études, un peu de sécurité aux élèves et aux professeurs, un peu de stabilité aux établissements, il ne faut pas, messieurs, longtemps à l'avance leur annoncer des changements, les placer sous le coup de modifications qui, peut-être, ne seront pas acceptées par la Chambre. Je concevrais l'impatience des honorables membres si le projet de loi qu'ils demandent pouvait être discuté dans la session actuelle, mais il n'en sera rien ; le gouvernement déposera un projet de loi, il jettera de nouvelles perturbations dans les études, il jettera l'inquiétude et l'incertitude partout, et je ne vois pas, je le répète, la nécessité de soumettre les établissements libres et les établissements de l'Etat à cette nouvelle épreuve.

Voyez ce qui va se passer pour l'enseignement agricole : on a demandé un projet de loi ; ce projet a été déposé ; il tend à introduire certaines réformes, à supprimer certains établissements, à en modifier d'autres ; il ne sera pas discuté dans cette session. Qu'arrivera-t-il ? C'est que les établissements menacés dans leur existence souffriront beaucoup de cette situation précaire ; il y aura relâchement dans les études, découragement chez les professeurs et chez les élèves, incertitude chez les parents. Il serait très utile que de pareilles lois, lorsqu'elles sont présentées, fussent discutées le plus tôt possible.

Je ne puis donc pas m'associer aux honorables membres qui engagent le gouvernement à présenter un projet de loi pour réaliser une nouvelle combinaison en ce qui concerne le jury d'examen. Le principe qui existe dans la loi actuelle est excellent, et l'application qui en a été faite a, quoi qu'on en dise, trouvé beaucoup de partisans, notamment parmi les professeurs de l'enseignement libre. Mais si l'organisation actuelle présentait des vices tels qu'il fût urgent de la modifier, M. le ministre de l'intérieur n'a-t il pas le pouvoir de le faire ? Il peut sans loi modifier cette organisation, il n'est tenu qu'à une chose, c'est de rester fidèle au principe de la loi, d'après lequel l'enseignement libre et l'enseignement de l'Etat doivent être également représentés dans le jury.

M. Devaux. - Messieurs, je regrette aussi que ce débat ait été soulevé dans la discussion générale ; il gagnerait beaucoup à se préciser. Cependant cette question ne pourrait être traitée utilement qu'en présence de renseignements. Le gouvernement a fait depuis longtemps une espèce d'enquête auprès des présidents des jurys ; par exemple, les présidents des jurys ont constaté des faits que nous pourrons examiner quand nous serons en présence d'un système ou d'une loi ; je crois qu'on reviendra alors de beaucoup d'erreurs.

Messieurs, la question du jury d'examen, c'est-à-dire de la conciliation des garanties de la liberté d'enseignement et des besoins de la science, est une des questions les plus difficiles qui puissent être soumises à la Chambre. Cette question jusqu'ici n'est sans doute pas résolue complètement, mais elle a fait un assez grand pas par la loi nouvelle.

Sous le rapport scientifique, je le répète, je ne crois pas que la question soit complètement résolue, sous ce rapport, l'influence des examens produit de graves inconvénients. Depuis que les examens existent en Belgique, c'est-à-dire depuis notre régime nouveau, leur influence a été fatale à l'enseignement supérieur ; elle a fait descendre l'enseignement supérieur ; mais cette influence fatale n'a point sa source dans la loi actuelle, elle remonte bien plus haut, elle remonte à l'établissement de l'examen lui-même.

Concilier les garanties de la liberté de l'enseignement et les intérêts de la science, ià, messieurs, est véritablement la grande difficulté ; il sera toujours très facile de critiquer tel ou tel système, mais il sera très difficile de trouver un système parfait.

Au système actuel des jurys d'examen, on peut apporter, je crois, plus d'une modification utile, sans changer le fond du système. Les hommes qui ont été consultés et qui ont la pratique des jurys, les présidents des jurys ont indiqué plusieurs de ces modifications ; ces magistrats, tout en convenant de l'influence que les examens exercent sur la science et sur les hautes études, depuis qu'ils existent, ne proposent cependant pas de modifier essentiellement la manière dont les jurys sont composés. Suivant eux, le mal n'est pas là, il est dans certains détails que ce n'est pas le moment d'énumérer ici.

Qu'on ne le perde pas de vue, la loi actuelle a eu un effet immense : elle a écarté la question des jurys d'examen du terrain politique. Depuis que la loi nouvelle existe, c'esl un grief qui a disparu. Autrefois, c'était une question brûlante que celle des jurys d'examen. Lorsque les Chambres intervenaient, sous l'ancien régime des jurys, la question du jury était une question politique qui avait pris une grande importance.

Je ne crains pas de dire que, depuis la loi du 15 juillet 1849, la question a dépouillé ce caractère. C'est là un très grand résultat ; il devrait l'être surtout aux yeux de ceux qui, à tout moment, prêchent la conciliation des partis. La loi de 1849 a été en fait une loi de conciliation.

La composition actuelle des jurys est la plus impartiale qu'on puisse imaginer, aussi n'a-t-ellc soulevé aucune réclamation politique. Il ne faut pas dédaigner de pareils résultais, ni les tenir pour rien.

Je ne dis pas que la loi ne puisse pas être améliorée ; elle peut et doit l'être. Quant à moi, j'appelle ces améliorations de tous mes vœux ; j'aurais désiré qu'elles eussent été présentées dans la session actuelle et même dans la session précédente ; mais maintenant je crains que la session ne soit bien avancée pour qu'une pareille matière puisse encore être préparée, examinée et discutée comme il est désirable qu'elle le soit. Quoi qu'il en soit, si on adopte un autre système de jury, on y trouvera, vous pouvez en être persuadés, de grands inconvénients.

Je ne puis admettre comme un inconvénient sérieux du système actuel celui dont on s'est plaint ici plusieurs fois, à savoir la nécessité, pour les professeurs de l'université de Bruxelles, de se déplacer tandis que, dans l'ancien système, c'était des professeurs des autres villes qui se rendaient dans la capitale.

Et cependant, c'est cette nécessité de se déplacer qu'on a présentée comme un des inconvénients les plus graves du système actuel !

Je crois avec l'honorable M. Roussel qu'on peut arriver à parer à beaucoup d'inconvénients, et qu'on peut se rapprocher. Mais le moyen de se rapprocher, c'est de rester sur le terrain de la loi actuelle qui a été, en fait, une loi de conciliation.

Quant à la question de savoir si la loi elle-même doit fixer les détails du mode de composition du jury, on se rappellera que la loi du 15 juillet 1849, en ce qui concerne le jury d'examen, n'est qu'une loi d'essai. Quand on aura un système éprouvé dont on sera satisfait, je ne verrai pas d'inconvénient à ce que la loi laisse moins de latitude au gouvernement et entre dans plus de détails.

Mais il faut convenir d'une chose : c'est que le gouvernement n'a pas abusé de la faculté qui lui a été attribuée par la loi ; et qu'il a prouvé que le contrôle des Chambres suffisait. Les nominations doivent se faire par quelqu'un. Il vaudra toujours mieux qu'elles se fassent par le gouvernement que par des corps politiques irresponsables.

M. Van Overloop. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour faire une seule observation. « Le principe de la loi actuelle, a dit (page 469) l'honorable M. Rogier, c'est le principe d'égalité ; c'est à ce principe que je tiens. »

Eh bien, moi élève d'une université libre, je tiens aussi au principe d'égalité, et c'est précisément parce que la loi actuelle me semble ne pas avoir respecté ce principe que j'appuie la proposition de l'honorable M. Roussel.

Les professeurs des universités libres et ceux des universités de l'Etat sont représentés en nombre égal dans les jurys ; jusque-là l'égalité est parfaite. Mais qui nomme le président ? N'est-ce pas le gouvernement ? En faveur de qui cette nomination fait-elle pencher la balance ? N'est-ce pas en faveur des universités de l'Etat ? Le principe d'égalité n'existe donc pas au complet dans la loi.

Maintenant adressez-vous aux professeurs des universités libres ; ne vous adressez pas seulement à ceux qui vous sont subordonnés et qui ne voient pas d'un très bon œil la liberté de l’enseignement, témoin certains discours qui ont été prononcés dans des circonstances récentes ; mais adressez-vous aux professeurs des universités libres, et vous saurez comment l'égalité est observée en fait dans la composition des jurys d'examen et quelles sont les conséquences qui en résultent.

M. de La Coste. - Messieurs, je suis assez embarrassé de la position que me fait l'honorable M. Rogier. L'honorable membre trouve que, moi député de Louvain, je ne devrais pas tenir tel ou tel langage. Je ne sais si, de mon côté, je ne puis pas interdire à l'honorable M. Rogier de parler sur telle ou telle matière. Je pense qu'il serait beaucoup plus simple que chaque député jugeât lui-même de ce qu'il doit dire, sauf à la Chambre à juger ce qu'il aura dit.

Messieurs, je ne me considère pas du tout ici comme le mandataire de l'université de Louvain. Si j'étais le mandataire de l'université de Louvain, j'aurais pris un autre thème. J'aurais porté la discussion sur l'espèce de croisade générale qui depuis quelque temps, dans la presse périodique et ailleurs, a été dirigée contre l'université de Louvain.

Mais je ne suis pas l'avocat de l'université de Louvain, et elle n'en a pas besoin. Si l'université de Louvain ne se distinguait pas par les études qu'on y fait, si elle n'avait pas la confiance des familles, la gloire de son passé qui se lie à celle du pays, on ne se donnerait pas la peine de l'attaquer. C'est précisément parce qu'elle réunit tous ces titres, qu'on l'attaque ; aussi me garderai-je bien de la défendre contre une si honorable hostilité.

Ce que je défends, c'est la liberté de l'enseignement ; nous en avons tous le droit et le devoir, c'est une des libertés inscrites dans la Constitution, c'est la plus inoffensive et la plus féconde.

Maintenant je demande si relativement à la liberté de la presse, à la liberté individuelle, on donnerait un blanc seing au gouvernement comme on l'a fait pour le jury d'examen ? Incontestablement chacun s'empresserait de déclarer que c'est l'anéantissement de la liberté.

Mais, dit l'honorable M. Rogier, la loi veut que les jurys comprennent également des professeurs des universités libres. Evidemment ce n'est pas là ce que je critique ; c'est la latitude exagérée qui a été donnée au gouvernement, latitude telle, qu'il n'a pas seulement été saisi de la nomination des membres des jurys, mais qu'il a pu bouleverser complètement l'organisation même du jury sans que l'on y fût préparé.

Maintenant M. Rogier trouve que ce système est admirable. J'ai entendu des personnes très compétentes en juger tout autrement. Du reste, messieurs, je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Devaux que nous ne pouvons pas juger cette question en ce moment, aussi je me garderai bien de vouloir la trancher.

Ce que je demande, c'est qu'on sorte du provisoire, qu'on appelle l'attention de la Chambre et du public sur un mode d'examen dont M. le ministre ait fait l'objet de ses méditations. C'est alors que la question sortira du secret des commissions, de l'atmosphère officielle qui pèse en quelque sorte sur elle. Ce sera un appel fait aux universités libres, aux savants, au public en général ; la question pourra se mûrir et arriver à une solution satisfaisante pour tous, que, pour moi, je ne voudrais pas improviser.

M. Rogier nous dit de croire que de bons esprits voudraient un mode d'examen très différent de celui qu'il défend lui-même. Je ne comprends pas trop bien comment l'honorable M. Rogier semble approuver un mode tout autre que celui qu'il trouve si excellent, c'est-à-dire le retour à l'ancien système qui donnait aux universités de l'Etat le droit exclusif de juger de la capacité des jeunes gens.

Ce mode était tellement lié au régime exclusif qui existait alors que lorsqu'il eut été profondément modifié par un arrêté que j'ai provoqué, on a immédiatement reconnu que le mode de juger de la capacité des jeunes gens devait également subir une modification ; dès lors, en 1830, mais avant les événements qui ont amené l'ordre de choses actuel, on a annoncé, par une circulaire, que le mode d'examen qui existait alors n'était maintenu que provisoirement et qu'on s'occupait d'y apporter des changements. Ce mode, en effet, est la négation la plus complète de la liberté d'enseignement ; ce serait, selon moi, une mesure parfaitement inconstitutionnelle. Je ne demande pas même au ministre de se prononcer contre cette mesure, car il n'y aurait pas deux membres dans cette Chambre pour la défendre.

M. Roussel. - Je n'ai redemandé la parole que pour dire un seul mot. Notre honorable et savant collègue, M. Devaux, s'est trompé, lorsqu'il s'est imaginé que le désagrément, qui résulte pour les professeurs des déplacements dans le système de jury actuellement en vigueur, forme la cause véritable de mon opposition à ces déplacements et à ce système. Voici mon explication sur ce point ; vous la jugerez, messieurs. Suivant moi, la loi actuelle est coupable de deux grands torts : le premier est d'avoir organisé la décentralisation en disséminant les forces de l'enseignement supérieur, en ce qui concerne les examens et en établissant la concurrence entre les examinateurs au lieu de la favoriser dans l'enseignement lui-même.

Le second inconvénient des jurys combinés qui ont la prétention de représenter l'enseignement supérieur tout entier, c'est de ne représenter chacun en définitive que deux établissements rivaux. Ces deux funestes conséquences devaient découler d'un système que du premier abord je jugeai fort défectueux, et à ce sujet je ne rétracterai pas le mot de détestable que j'ai prononcé tout à l'heure.

Par suite de la décentralisation du jury vous avez été obligés de composer un nombre considérable de jurys d'examen ; il vous a été désormais impossible de réunir dans la composition de vos jurys à la fois tous les hommes les plus compétents ; tout professeur des universités libres et des universités de l'Etat doit faire ipso jure partie d'un de ces jurys dits combinés.

Quelle était pourtant la mission de ces tribunaux ? Ils étaient appelés à dominer l'enseignement pour l'améliorer, le conduire dans la voie du progrès. Et comment l'enseignement pouvait-il subir une telle domination et de telles améliorations, lorsque tous les hommes qui enseignent sans exception, et non les supériorités de l'enseignement ou tout au moins chacune d'elles successivement, font partie du jury. Ajoutez qu'avec la décentralisation des jurys vous finirez par arriver à la délivrance des diplômes sans aucune garantie ; chaque université ayant intérêt à exalter le plus grand nombre de récipiendaires possible, la concurrence s'établirait sur un terrain déplorable, celui de l'examen. Cela ne saute-t-il pas aux yeux ?

Mais un vice plus évident encore, c'est d'avoir placé en présence deux établissements rivaux. Je m'efforce toujours de me dégager de tout préjugé spécialement en ce qui concerne mes jugements sur les hommes ; les présidents des jurys sont très honorables, et si l'on a cru remarquer quelques actes de partialité, ils ont été, j'en suis convaincu, parfaitement involontaires.

Il n'en est pas moins vrai que la position est très difficile pour un établissement libre en présence d'un établissement officiel et pour un président nommé par l'Etat en présence de deux établissements rivaux.

Ces graves difficultés ne se présenteraient point s'il n'y avait qu'un seul jury ; toutes les impartialités étant réunies se tempéreraient les unes par les autres.

D'ailleurs, les intérêts seraient plus variés et partant l'impartialité plus facile.

Mais que voulez-vous que fasse le professeur d'une université libre devant son collègue appartenant à un établissement de l'Etat et qui, revêtu de la robe magistrale et gouvernementale, lève la tête de manière à faire comprendre qu'il est le représentant de la science officielle, l'homme du gouvernement, en un mot, le pouvoir dans la science ?

En présence de ce collègue si imposant, que trouvai-je dans le jury pour me défendre au besoin ? Un président respectable par la science et par le caractère, mais qui ne possède ni l'habitude de l'enseignement, ni la pratique professorale.

Placé entre le professeur libre et l’homme officiel, ce président tiendra-t-il toujours un compte suffisant de l'avis émis par le premier ? Involontairement et sans s'en douter, ne se rapprochera-t-il pas davantage du second ? Pour l'Etat la science officielle ne doit-elle pas être le superlatif de la science, ainsi qu'on l'a fait entendre dans une récente solennité ?

Voilà ce qui peut arriver, et je le dis sans crainte ni passion, cela serait inconstitutionnel et injuste.

Il faut décentraliser l'instruction, parce qu'elle doit être partout répandue comme une rosée salutaire, mais centraliser l'examen, parce que c'est la porte unique par laquelle doivent passer tous les jeunes gens qui veulent entrer dans les professions pour lesquelles la société exige des garanties.

Ainsi il faut disséminer d'une part, puis réunir d'autre part toutes les supériorités de l'enseignement dans le jury, de manière à y représenter, non deux universités seulement, mais tous les établissements : par conséquent toutes les forces vives de l'enseignement, non dans le pays officiel, mais dans le pays intellectuel, sur le territoire du travail scientifique, où le labeur existe pour lui-même et où l’independance est la première condition.

Nous serions bientôt d'accord si nous pouvions entamer sur ce point grave et intéressant une discussion étrangère à l'esprit de parti ; nous nous entendrions bien facilement avec l’honorable M. Devaux, qui a réellement approfondi ces questions et dont l'expérience en cette matière, comme en beaucoup d'autres, nous est une garantie sérieuse de son concours, lorsque nous cherchons à concilier les intérêts sacrés de la science et de la liberté ! J'ai dit.

M. Rogier. - Je pense que la Chambre ne désire pas entrer dans une discussion approfondie des principes qui doivent présider à l’établissement des jurys d'examen. Lorsque la loi sera présentée, ce sera le moment de discuter ces principes. Je me suis borné à défendre la loi (page 470) actuelle, que je trouve bonne dans la plupart de ses dispositions, à la défendre surfont quant au principe libéral qu'elle renferme, principe qui consacre la représentation égale des établissements de l'Etat et des établissements libres dans le jury. Quelles que soient les combinaisons que l'on substitue à la combinaison actuelle, je ne crois pas qu'on puisse remplacer ce principe par un principe aussi libéral.

Je n'ai pas, quoi qu'en ait dit l'honorable représentant de Louvain, approuver le système hollandais, c'est-à-dire la collation des grades par les universités de l'Etat. J'ai dit qu'il y a de bons esprits qui soutiennent ce système. Mais je n'en suis pas partisan. Je crois, avec l'honorable député de Louvain, que si cette proposition était faite à la chambre, il n'y aurait pas deux voix pour l'adopter. Nous sommes donc d'accord sur ce point.

On dit que la loi est défavorable aux établissements libres. Pourquoi ? Parce que les personnes désignées en vertu de la loi pour présider les jurys sont pleines de respect pour la robe du professeur des universités de l'Etat, et pleines de dédain pour l'habit noir du professeur des universités libres. Est-ce sérieusement qu'on se livre à des attaques semblables contre les présidents des jurys ? Où sont-ils choisis pour la plupart ? Dans les corps judiciaires, c'est-à-dire dans ce que le pays possède de plus indépendant ; des membres de la cour de cassation et des autres cours supérieures consentent à présider ces jurys, et c'est la première fois que j'entends dire qu'ils aient fait preuve de partialité dans l'exercice de leurs fonctions.

La composition des jurys, tels qu'ils fonctionnent aujourd'hui, a rencontré de nombreux partisans. Y a-t-il lieu de changer cette composition, d'établir un seul jury central où seraient représentés en nombre égalles établissements de l'Etal et les établissements libres ? La Chambre en jugera. Rien, au reste, n'empêche M. le ministre de l'intérieur de modifier le système actuel, qui, pour le dire en passant, n'est pas venu tout bouleverser à l'improviste ; car le projet de loi exposait dans ses développements ce système qui a été appliqué.

Je n'ai pas voulu interdire à l'honorable M. de La Coste de défendre l'université de Louvain. Seulement j'ai été surpris de voir que l'honorable membre pût apprécier aussi mal les grands avantages dont jouissent certains établissements libres. Je croyais qu'il devait mieux apprécier ces avantages, ces privilèges accordés à un établissement d'instruction situé dans la ville qui le nomme son représentant. Je ne trouve pas mauvais que l'honorable M. de La Coste s'occupe de ces matières. Il est très compétent pour les traiter. Seulement je m 'étonne de ce qu'un député de Louvain apprécie aussi mal la position avantageuse à tous égards dont jouit l'université de Louvain.

M. Verhaegen. - Je suis grand partisan de la liberté d'enseignement, et certes jamais je ne sacrifierai l'intérêt de l'enseignement libre à l'intérêt de l’enseignement de l'Etat. Mais je ne puis admettre l'exagération dans laquelle est tombé l'honorable M. Van Overloop, et je dois tout au contraire reconnaître avec l'honorable M. Rogier que le principe fondamental de la loi est essentiellement un principe libéral. Car qu'est-ce que le principe de la loi ? C'est la représentation d'une manière égale des quatre universités, des universités de l'Etat et des universités libres. Sur ce point, nous sommes parfaitement d'accord. Les quatre universités sont représentées. Nous ne pouvons rien demander de plus ; car il faut bien que les jurys soient composés en nombre impair ; et qui doit nommer les présidents des jurys ? Vous ne prétendez pas sans doute, et je ne prétends pas non plus, que la présidence des jurys appartienne aux membres des universités libres.

Il faut cependant que quelqu'un soit appelé à la présidence du jury ; car, je le répète, il doit être composé en nombre impair. Et le gouvernement, chacun le reconnaît, a nommé les présidents d'une manière impartiale. Il les a choisis dans des corps respectables, dans des corps de la magistrature.

Les présidents des jurys ont rempli leurs fonctions d'une manière très convenable.

Nous ne réclamons pas contre le principe de la loi ; c'est un principe de liberté. Il y a égalité pour tous. Les universités libres sont représentées d'une manière convenable dans les jurys d'examen.

Ceci dit, je me permettrai de faire une réflexion.

Il y a, dans la manière dont les jurys fonctionnent, de grands inconvénients : c'est que, de la manière dont on applique le principe, on examine beaucoup trop et sur beaucoup trop de matières. Voilà en un mot l'inconvénient de la loi.

Tâchons de trouver mieux, celui qui aura trouvé mieux aura bien mérité de la liberté d'enseignement.

Faut-il un jury central ? Je trouve qu'un jury central vaudrait mieux que tous ces jurys que nous avons eus jusqu'à présent.

Mais il ne faut pas que l'organisation de ce jury central nuise au principe d'égalité qui fait la base de la loi.

Vous ne pouvez avoir dans ce jury central les quatre facultés entières ; il serait trop nombreux. Comment donc choisirait-on les membres des jurys ? Il y aurait grand avantage à avoir dans le jury le professeur qui donne certains cours spéciaux. Qui nommerait dans les facultés le professeur spécial ?

Si c'est le gouvernement, il n'y aura plus d'équilibre. Il faudrait donc que chaque université désignât le membre qui ferait partie de tel et tel jury, pour telle ou telle branche.

Ce serait une question à examiner. Mais ce qu'il m'importe de bien recommander au gouvernement et de recommander à tous ceux, qui portent intérêt à la liberté d'enseignement, c'est de ne pas battre en brèche le principe fondamental de la loi, qui est un principe libéral et auquel nous, qui tenons à ce principe, nous ne devons pas demander que l'on retranche quoi que ce soit, ni que l'on ajoute quoi que ce soif.

M. de La Coste. - Messieurs, je dois continuer à remercier l'honorable M. Rogier des conseils qu'il veut bien m'adresser ; je n'insisterai pas davantage là-dessus, mais je vois que l'honorable membre met une certaine insistance à revenir sur une observation que j'avais laissée tomber comme ne se rattachant pas à la discussion.

L'honorable M. Rogier insinue que l'université de Louvain jouit d'une situation privilégiée. Je ne sais pas quelle est l'intention de l'honorable M. Rogier, je ne sais pas s'il veut faire dépouiller, je ne dis pas l'université, mais la ville de Louvain des quelques restes d'anciens avantages dont elle jouit encore. J'aime à croire que telle n'est pas l'intention de l'honorable membre.

Il ne demandera pas, comme membre de cette Chambre, ce qu'il n'a pas fait comme ministre, ce dont il aurait senti l'injustice. Je ne veux pas employer d'expressions plus fortes ; certes elles ne me feraient point défaut.

Je n'ai pu me dispenser de répondre ces quelques mots à l'honorable député d'Anvers pour lui faire apercevoir que s'il y avait une certaine menace déguisée sous ces paroles, la justice du gouvernement, la justice de la Chambre et les intentions que l'honorable M. Rogier lui-même a manifestées quand il était au pouvoir, me rassureraient complètement.

Si l'on veut porter sur ce terrain la discussion qui deviendrait tout à fait oiseuse nous ne serons pas embarrassés de répondre à toutes les objections.

M. Rogier. - Je veux croire que l'honorable M. de La Coste ne me suppose pas d’intention mauvaise vis-à-vis de l'établissement de Louvain. Cependant il s'est permis une insinualion que je dois relever. Il a cru voir une sorte de menace de ma part contre l'établissement de Louvain. Je suis bien persuadé qu'au-dehors de cette enceinte, demain, peut-être, il sera annoncé que M. Rogier a demandé la suppression de l'université de Louvain.

Messieurs, pourquoi ai-je constaté les avantages dont jouit l'université de Louvain et dont je n'ai pas l'intention de la dépouiller ? C'est parce que l'honorable M. de La Coste, député de Louvain, était venu se livrer à une sorte de lamentation sur la position de la liberté d'enseignement en présence de l'enseignement de l'Etat. Il nous avait parlé d'un enseignement privilégié, d'un gouvernement qui était maître des entraves qu'on éprouvait, des privilèges dont jouissait l’enseignement de l'Etat.

M. de La Coste. - Je n'ai pas parlé de cela.

M. Rogier. - Je vous demande pardon. Vous avez parlé d'un enseignement privilégié, d'un gouvernement étouffant en quelque sorte la liberté. J'ai été étonné qu'un député de Louvain, qui connaît la position de l'université de cette ville, vînt faire entendre des lamentations sur la situation malheureuse, sur la situation précaire où se trouvait l'enseignement libre.

Voilà ce que j'ai dit. Vous nous adressez des plaintes ; j'ai constaté des avantages. Ces avantages, je n'en suis pas jaloux ; je ne songe pas à en dépouiller l’établissement auquel vous portez, auquel vous devez porter un intérêt particulier. Je repousse de toutes mes forces de pareilles intentions. Mais j'ai dû constater les avantages, les privilèges dont cet établissement avait continué à jouir, et par conséquent j'ai constaté aussi l'injustice, le peu de fondement de ces plaintes que l'honorable député de Louvain a fait entendre.

M. de La Coste. - J'ai réclamé l'exécution de la Constitution.

M. Rogier. - La Constitution a toujours été respectée. La Constitution n'attribue de privilèges à personne, et s'il y a des établissements qui jouissent de privilèges, ils sont en dehors de l'esprit de la Constitution. Ce n'est pas, je le veux bien, un motif de leur enlever ces privilèges ; mais c'est encore moins un motif pour ceux qui s'intéressent particulièrement à ces établissements de venir se livrer à des attaques injustes contre l'espèce de domination exclusive qui serait exercée par le gouvernement au préjudice des établissements libres. Il n'en est rien, le gouvernement s'est toujours montré bienveillant, généreux, libéral pour les établissements libres dont il s'agit.

M. Verhaegen. - Messieurs, je dois le dire, parce que c'est la vérité, on adresse à l'honorable M. Rogier des reproches qu'il ne mérite pas.

Je me rappelle fort bien qu'à diverses époques c'était moi qui, sur le même banc où je suis assis aujourd'hui, venais demander au gouvernement, aux divers ministres qui se sont succédé, ce que devenaient tes. propriétés de l'Etat dont l'université de Louvain s'était mise en possession. Je me rappelle aussi que c'était entre autres l'honorable M. Rogier qui alors, par pur esprit de générosité, venait en aide à cette université, qui faisait l'objet de mes interpellations, et c'est ce même M. Rogier qu'on semble aujourd'hui vouloir payer de la plus notre ingratitude.

L'université de Louvain jouit de locaux et de collections qui sont la propriété de l'Etat ; elle dispose de nombreuses bourses de fondations qui ne lui appartiennent pas. Après des efforts réitérés (c'était sous le ministère de l’honorable M. de Theux), j''élais parvenu à faire nommer par la Chambre une commission qui fut chargée, de rechercher et de (page 471) constater ces propriétés ; aujourd'hui que l'honorable M. de la Coste a jugé à propos de réveiller un incident que je croyais oublié. Je viens demander ce qu'est devenue cette commission, et surtout ce qu'ont amené ses recherches. Si elle n'existe plus, qu'on en nomme une autre.

J'attends ce que l'honorable M. de La Coste voudra bien me répondre.

M. le président. - La Chambre consent-elle à ce que M. de La Coste obtienne une quatrième fois la parole ?

Personne ne s'y opposant, la parole est à M. de La Coste.

M. de La Coste. - Si j'ai parlé une deuxième et une troisième fois et si j'ai demandé la parole de nouveau, ce n'est, à coup sûr, pas de ma faute ; il faut s'en prendre à l'honorable M. Rogier qui d'abord n'a pas trouvé bon que j'eusse parlé dans cette discussion, qui a trouvé ensuite que j'aurais dû parler autrement ; il ne lui restait plus qu'à faire lui-même le discours que j'aurais dû prononcer.

Maintenant l'honorable M. Verhaegen, contre son gré sans doute, est parti d'une supposition tout à fait erronée, c'est que j'aurais soulevé la question qui est venue se mêler au débat : l'honorable M. Rogier l'a soulevée une première fois et je l'ai passée sous silence ; il est revenu à la charge comme pour donner la réplique à l'honorable M. Verhaegen à qui il était réservé de compléter sa pensée.

Force m'a donc été de lui répondre, parce que sans cela on se serait écrié que personne sur nos bancs n'avait osé prendre la parole lorsque la question avait été posée.

Je ne sais pas pourquoi l'on semble vouloir faire de ceci presque une discussion personnelle ; mais puisque c'est à moi que l'on s'adresse, je me permettrai de faire observer à l'honorable M. Rogier que je ne me suis nullement livré à des lamentations ; s'il a entendu des lamentations, elles partaient probablement des bancs les plus voisins du sien. J'ai parlé d'une manière, je crois, fort calme et tout à fait générale, de la liberté d'enseignement ; j'en ai fait sentir la nécessité au point de vue de nos institutions constitutionnelles et j'ai fait voir qu'elle est incompatible avec une loi qui donnerait au gouvernement un pouvoir presque absolu sur les examens. Voilà ce que j'ai dit sans prendre aucunement ce ton larmoyant qui justifierait l'expression de lamentation et dont je laisse le privilège à d'autres.

Quant à la question tout à fait incidente qui a été soulevée par l'honorable député d'Anvers, à laquelle je m'attendais plus ou moins, parce que cela était dans l'air, parce qu'on y avait préparé les esprits, mais qui n'est point ici à sa place, nous serions prêt à la traiter à fond, si la Chambre jugeait utile d'en faire l'objet d'un examen spécial ; je dirai seulement, quant à présent, que je ne crois pas à ces privilèges dont on a parlé : je crois, au contraire, qu'il serait souverainement injuste de priver la ville de Louvain et le haut enseignement qu'on y donne de l'usage des collections et des bâtiments qui sont depuis si longtemps affectés à cette utile destination ; l'honorable M. Rogier partageait sans doute mon avis quand il était au pouvoir, puisqu'il n'a pas voulu porter atteinte à une situation que tous les cabinets ont respectée.

Aujourd'hui qu'il se trouve, je ne dirai pas dans l'opposition, quoiqu'il semble parfois en approcher d'assez près, mais aujourd'hui qu'il n'est plus au pouvoir, il vient agiter cette question ; eh bien, il me suffit de lui opposer sa conduite qui, cette fois, vaut beaucoup mieux que ses paroles.

Je me bornerai à ces observations, et j'espère qu'on ne voudra pas m'obliger à demander encore une fois la parole.

M. Dumortier. - Messieurs, la question qui a été soulevée d'abord me paraît avoir fait un singulier chemin : il s'agissait de savoir si l'on aurait revisé, comme la loi l'ordonne, l'organisation du jury d'examen, et nous voici retombés sur cette pauvre université de Louvain, à laquelle on fait des griefs dont le plus petit n'est pas, sans doute, le grand nombre de ses élèves et les bonnes études qu'on y fait.

On dit que cette université, tout en paraissant vivre sous le régime de la liberté, vit, au contraire, sous un régime d'inqualifiables privilèges. A entendre l'honorable M. Rogier et l'honorable M. Verhaegen après lui, l'université de Louvain jouirait de certains objets appartenant à l'Etat ; elle serait dans une position privilégiée de par l'Etat, elle jouirait de bourses, etc.

Eh bien, messieurs, puisque cette question a été soulevée je n'hésite pas à l'aborder et à l'aborder avec franchise.

De quoi donc jouit l'université de Louvain dont les autres universités ne jouissent pas ? De collections. Mais ne portez-vous pas chaque année au budget des sommes considérables pour les universités de Liège et de Gand ? (Interruption.) Ce sont des universités de l'Etat, soit ! Mais, est-ce que, par hasard, il n'a point été dit dans la loi que les collections dont il s'agit appartiennent aux villes où elles sont déposées ? Voilà ce que vous avez fait, et pourquoi donc auriez-vous deux poids et deux mesures ; pourquoi, lorsque les collections des universités de l'Etat appartiennent aux villes où elles se trouvent, pourquoi n'en serait-il pas de même des collections des universités libres ? Ce serait là une logique dont je voudrais bien qu'on me donnât l'explication.

L'honorable M. Verhaegen a rappelé la motion qu'il a faite pour savoir jusqu'à quel point l'université de Louvain avait le droit de se servir...

M. Verhaegen. - Pour savoir quelles étaient les propriétés de l'Etat.

M. Dumortier. - Quand l'honorable M. Verhaegen a fait cette motion, la ville de Bruxelles qui patronne de tous ses moyens l'université libre, avait des collections à elle, et je conçois qu'alors l'honorable membre pût trouver, sous ce rapport, une certaine différence entre la position de l'université de Louvain et la position de l'université de Bruxelles ; mais aujourd'hui je prierai mon honorable collègue de dire à qui appartiennent les collections dont se sert l'université de Bruxelles.

M. Verhaegen. - Elle se sert de ses propres collections.

M. Dumortier. - Je crois qu'elle a à son usage les collections, que l'Etat a rachetées de la ville de Bruxelles. (Interruption ) Il n'en est pas autrement à Louvain.

Vous parlez de locaux. Je ne pense pas que l'université de Bruxelles ait des locaux à elle ; je crois que le local ou elle siège est une propriété du domaine public, je ne dis pas du domaine de l'Etat, mais du domaine public. (Interruption.)

Ainsi vous êtes logés dans une propriété qui appartient au domaine public et vous faites à d'autres un reproche d'être logé dans une propriété du domaine public ! vous faites à d'autres un reproche quî s'adresse directement à vous-mêmes !

Pour mon compte, je trouve très bien que la ville de Bruxelles mette à votre disposition des locaux pour l'université qui est établie dans son sein, et si j'avais un vote à émettre dans le conseil communal, je m'associerais pleinement à cette mesure, mais ce n'est pas quand je recevrais une donation semblable que je reprocherais à d'autres de jouir d'un avantage analogue.

Vous parlez des bourses, mais la question des bourses est aussi claire que le jour. Des bourses ont été données à l'université de Louvain et qu'avez-vous fait ? Vous avez poussé les choses si loin que les bourses créées aux dépens des contribuables ont été affectées exclusivement aux universités de l'Etat et c'est quand on s'est porté à une pareille extrêmité dans la loi, qu'on vient se plaindre de ce que des bourses aient été données à un établissement libre ! Mais commencez donc par être conséquents.

Quant à moi, je trouve que ces attaques n'ont qu'un seul et unique but : c'est de détourner la discussion du résultat qu'elle devait atteindre : c'est ce que fait toujours avec une extrême habileté l'honorable M. Rogier.

Quelle était la question sur laquelle portait le débat ? C'était celle de savoir s'il faut réviser, oui ou non, les dispositions législatives sur les jurys d'examen ; eh bien, je reviens à cette question, et je dis qu'à mes yeux il est indispensable que la révision de ces dispositions se fasse le plus tôt possible.

Il n'est pas un seul professeur, pas un seul élève, soit dans les universités libres, soit dans les universités de l'Etat qui ne réclame à grands cris la révision de la loi sur les jurys d'examen. Eh bien, quand parmi toutes les personnes qui doivent concourir à l'application de la loi, quand parmi toutes celles qui aspirent à un diplôme en vertu de cette loi, il n'y a qu'une seule voix, un seul cri pour réclamer des changements à l'état de choses existant, cet état de choses doit être bien mauvais.

J'ai vu beaucoup de professeurs appartenant aux diverses universités, et je dois déclarer qu'il n'y en a pas un seul qui approuve le mode actuel de la nomination des jurys d'examen ; j'ai causé avec beaucoup d'élèves appartenant soit aux universités de l'Etat, soit aux deux universités libres, et je n'ai entendu qu'une seule voix pour réclamer à grands cris des changements au système des jurys d'examen actuellement en vigueur.

Ne détournons donc pas la question du terrain où elle doit rester placée ; elle mérite bien d'être sérieusement examinée. Comme la loi exige qu'une révision ait lieu cette année, il n'est pas possible de prolonger davantage un état de choses qui excite chez les professeurs et les élèves indistinctement d'aussi vives et unanimes réclamations.

M. Orts. - Messieurs, je n'ai pas à m'expliquer sur la question de savoir s'il convient de réviser ou de ne pas réviser les dispositions législatives relatives au jury d'examen. J'ai combattu ces dispositions lorsqu'elles ont été proposées en 1849.

J'ai dit d'avance qu'elles présenteraient des difficultés et des complications graves. Je persiste dans cette opinion. Mais je ne me dissimule pas que cette matière est extrêmement difficile à organiser. Du reste, je n'aborderai pas ces questions maintenant ; j'ai l'habitude de n'intervenir dans un débat aussi sérieux qu'après m'être livré à des études préalables qui me permettent d'y prendre une part utile. Ces études me manquent aujourd'hui.

Je ne dirai donc que quelques mots pour répondre à des comparaisons qui me paraissent extrêmement inexactes, très peu justes de la part de l'honorable M. Dumortier.

Je ne sais si l'université de Louvain est l'objet d’un privilège ou si elle ne l'est pas ; je ne sais si elle obtient à titre de ce privilège la jouissance de propriétés de l'Etat ; ce sont des questions qui ont été posées, devant le parlement avant que j'eusse eu l'honneur d'en faire partie ; je ne me prononce ni pour ni contre sur le fond du débat. Le débat lui-même me serait complètement indifférent, si je n'était pas ici, et avant tout, le représentant de l'intérêt général. Si je n'avais que la qualité de membre d'un corps d'enseignement libre, je me soucierais très peu de savoir si d'autres établissements d'instruction ont ou n'ont pas de privilèges. L'université de Bruxelles ne jalouse les faveurs de personne : elle a des émules ; elle n'a pas de rivales. Comme elle et pour elle je ne réclamerai jamais qu'une seule, chose : la liberté. Les. autres feront ce qu'ils veulent.

(page 472) Mais, sous le rapport du privilège, les comparaisons faites à l'adresse de l'université de Bruxelles ne sont pas exactes. Jamais cette université n'a été l'objet d'un privilège quelconque de la part de l'Etat. Je tiens à le constater de manière à ne laisser aucun doute dans l'esprit de la Chambre.

On a parlé de collections, l'université de Bruxelles n'a à sa disposition aucune des collections de l'Etat. Les collections dont elle dispose, ce sont ses collections à elle : elle les a formées à l'aide de ses ressources privées ; elle ne dispose pas des bibliothèques, des musées, des cabinets d'histoire naturelle ou de physique que l'Etat peut posséder dans la capitale.

Si les membres de cette université, si les étudiants sont admis, à certains jours, à visiter ces collections, c'est au même titre que tous les citoyens, c'est au même titre que l'honorable M. Dumortier, par exemple, c'est parce qu'on n'a pas le droit ou la volonté de consigner aux portes les professeurs et les élèves de l'université de Bruxelles ; ils ne sont pas encore, Dieu merci, hors la loi. Voilà, à ce point de vue, le privilège dont ils jouissent.

Le local où siège l'université de Bruxelles est un local qu'elle tient du patronage que veut bien lui accorder l'administration communale de la capitale. Si l'administration communale de Louvain met des locaux à la disposition de l'université de cette ville, je n'ai garde de m'en plaindre, c'est pour cette administration un droit et même un devoir ; car elle fait ainsi une chose utile dans l'intérêt matériel des habitants de cette ville. L'université de Bruxelles jouit d'une faveur aussi légitime de la part de l'administration communale de la capitale, mais cela n'a rien de commun avec l'Etat et ses largesses.

On cite l'intervention pécuniaire de la commune et de la province ; c'est absolument la même chose.

L'université de Bruxelles figure dans le budget provincial, et celle de Louvain n'y figure pas. Pourquoi ? Parce que l'université de Louvain n'a pas accepté les conditions que posait le conseil provincial à son intervention, conditions que l'université de Bruxelles a acceptées. Voilà le seul motif pour lequel cette université figure dans le budget provincial, et pour lequel l'université de Louvain n'y figure pas. Il n'y a pas privilège pour elles.

Un mot encore. Quant aux locaux appartenant à l'Etat. Je n'ai qu'un souvenir des rapports qui, à ce point de vue, se sont établis entre l'université de Bruxelles et l'Etat ; le voici : Avant la cession des collections et des musées de la ville de Bruxelles au gouvernement, la ville avait accordé l'hospitalité à l'université dans un des bâtiments cédés par elle ; mais lorsque l'Etat est devenu le propriétaire de ces bâtiments, qu'a-t-il fait ? Il a mis l'université de Bruxelles à la porte. (Interruption.) Comme on le fait observer à mes côtés, on lui a donné huit jours pour déménager.

Maintenant le patronage communal et provincial qui a été obtenu et qui est maintenu chaque année, ce patronage dont l'université s'honore et dont elle est reconnaissante, ne constitue pas toutefois une libéralité pure. Si l'université de Bruxelles a trouvé l'hospitalité dans un des locaux de la ville, elle paye cette hospitalité, en admettant gratuitement à ses cours les enfants des fonctionnaires communaux ; si le conseil provincial lui accorde une subvention, elle la paye en admettant également chez elle, à titre gratuit, les élèves que la province veut bien lui désigner ; de plus, elle ouvre des cours publics ; elle appelle à son enseignement tous les habitants de la commune qui veulent y prendre part. Voilà les services qu'elle rend, voilà comment elle paye largement, honorablement l'hospitalité qu'elle a reçue, sans avoir jamais rien réclamé dans le passé, sans réclamer dans l'avenir autre chose que la liberté, sans vouloir de privilège, car le privilège que l'on accepte se paye en renonçant à l'indépendance, et la liberté comme l'indépendance sont les bases et la raison d'être de l'université de Bruxelles.

M. de Theux. - Messieurs, je ne dirai que très peu de mots pour rappeler les faits tels qu'ils se sont passés. Il est tout à fait inexact de dire que la ville de Louvain jouisse d'un privilège par les collections qu'on a laissées dans son sein. Je commence par faire observer à la Chambre que plusieurs grandes villes jouissent de certains avantages dont on a quelquefois cherché à les dépouiller et auxquels le gouvernement ni les Chambres n'ont voulu porter la main. Je commencerai par citer la ville d'Anvers qui possède dans son musée des tableaux appartenant à l'Etat.

Qu'a fait le gouvernement ? Qu'ont fait les Chambres ? On a laissé exister l'état des choses et on a agrandi le Musée de Bruxelles aux frais du trésor, laissant jouir la ville d'Anvers des avantages dont elle était en possession provisoirement. Il en est de même à Louvain. Il y avait une ancienue université dont la fondation avait été faite par nos ancêtres ; cette université a été supprimée, de même que celle qui fut érigée par le gouvernement en 1817. Il s'est trouvé des locaux, des restants de collections, de bibliothèques et autres objets à l'usage de l'enseignement ; qu'a fait le gouvernement ? Il a laissé la ville, provisoirement, sans abandonner le droit de l'Etat, pas plus que pour Anvers, jouir de ces restants d'anciennes collections et des bâtiments qui auraient été d'une très faible valeur pour le gouvernement.

A Bruxelles, qu'a-t-on fait ? L'université libre ne trouvent-t-elle aucun avantage de la part du gouvernement ? Le gouvernement a racheté à la ville de Bruxelles de riches collections qu'il lui avait données gratuitement ; le gouvernement les a rachetées moyennant une rente de 300,000 francs- J'ai voté pour le résultat de la négociation. Cependant si le gouvernement avait refusé de racheter ces collections moyennant cette rente, la ville de Bruxelles se serait trouvée dans l'impossibilité de subsidier l'université libre.

D'ailleurs, toutes les collections achetées par le gouvernement et agrandies chaque année sont à la disposition des professeurs et des élèves de l'université qui a son siège à Bruxelles.

Les avantages de l'université de Bruxelles sont plus grands que ceux de l'université de Louvain.

Il y avait à l'université de Louvain un assez grand nombre de fondations de bourses, la plupart pour la théologie ; ces bourses sont-elles données exclusivement à des étudiants de l'université de Louvain ? Non, des fonctionnaires publics ont été investis par le gouvernement des Pays-Bas, lors du rétablissement des bourses, du droit de conférer ces bourses.

Les professeurs de l'université de Louvain ne remplacent pas aujourd'hui les professeurs de l'ancienne université. Sous ce rapport, l'université de Louvain n'a aucune espèce de privilège. Nous pouvons fonder aujourd'hui des bourses d'étude comme autrefois ; elles seront conférées suivant le vœu des fondateurs. Tout est là. Je ne vois donc aucune espèce de matière à récrimination.

L'on a parlé de la composition du jury ; mon intention n'était pas de prendre part au débat, mais je demande, en cas de résolution, qu'on tienne compte des faits existants. Puisque nous avons quatre universités, je demande que toutes les quatre soient toujours représentées dans le jury de quelque manière qu'on le constitue ; c'est essentiel pour la conservation de la liberté ; si on ne le faisait pas, on commettrait une infraction à la Constitution, qui a voulu que tous fussent également admissibles aux grades et aux emplois.

Quant à la composition du jury en nombre égal de membres des diverses universités, cela existe de fait, mais c'est parce que le gouvernement a bien voulu l'établir ainsi conformément à un projet qui avait été annoncé ; mais ce n'est pas la conséquence obligée de la loi. C'est pourquoi nous avons protesté contre le principe qui laissait au gouvernement la faculté de composer le jury comme il le voulait. Nos protestations ont été admises, les diverses compositions de jury ont présenté des garanties, c'est pourquoi nous avons maintenu le provisoire à titre d'essai.

Quand il s'agira de régler d'une manière définitive la composition du jury d'examen, je soutiendrai que les garanties doivent se trouver dans la loi elle-même.

Nous avons pu d'année en année proroger la loi provisoire, parce que rien ne se trouvait compromis. Quant au procédé qu'on a adopté, s'il semble présenter assez de garanties pour les élèves et pour les établissements d'enseignement, je ne dois pas cependant laisser ignorer que j'ai souvent entendu dire par des professeurs des universités libres, aussi bien que par des professeurs des universités de l'Etat, que le mode actuel présentait de graves inconvénients.

Quant au meilleur mode à prendre, c'est ce que nous rechercherons quand le ministre aura saisi la Chambre, comme il l'a annoncé, de cette question grave dont il est si difficile de trouver une solution satisfaisante. Aussi je demande que cette discussion, quand elle viendra, soit abordée sans esprit de parti, sans préoccupation de personnes. C'est une question constitutionnelle, il y va des plus grands intérêts du pays qu'elle soit résolue d'une manière satisfaisante.

M. Loos. - Je n'avais pas l'intention de prendre part à cette discussion et je n'aurais pas demandé la parole sans la citation qu'a faite l'honorable comte de Theux. Il a dit que l'université de Louvain jouissait des collections qui se trouvaient dans cette ville au même titre que la ville d'Anvers qui était dépositaire de tableaux appartenant à l'Etat. La ville d'Anvers ne jouit pas d'objets d'art appartenant à l'Etat ; les objets d'art qu'elle a dans son musée lui appartiennent bien légitimement, au même titre que toutes les villes qui ont reçu des objets d'art dont elles avaient été dépouillées autrefois. Ce sont des objets qui appartenaient à des églises situées dans la ville d'Anvers.

En 1815 quand la conquête a rendu les puissances alliées maîtresses des collections d'objets d'art dont les différentes nations avaient été spoliées, on en fit le partage entre les différents pays auxquels ces divers objets avaient appartenu autrefois, et parmi ceux qui revinrent à la Belgique, Anvers, Malines, Alost, Audenarde et d'autres villes ont été remises en possession des tableaux qui leur avaient appartenu.

La ville d'Anvers n'en possède pas à d'autre titre.

Peut-être y a-t-il deux tableaux que la ville d'Anvers a reçus de l'Etat, non qu'ils aient été acquis des deniers de l'Etat, mais acquis par l'Etat et la commune conjointement ; de sorte que si l'Etat les réclamait, il devrait restituer à la ville d'Anvers la somme qu'elle a payée. Le musée d'Anvers ne jouit pas d'autre objet d'art appartenant à l'Etat. Si l'on avait fait des objets d'art acquis par l'Etat une juste répartition entre les différentes villes du royaume, la ville d'Anvers en posséderait un bien plus grand nombre qu'aujourd'hui.

M. Frère-Orban. - Deux questions se présentent incidemment devant la Chambre : l'une est relative aux avantages ou aux privilèges dont jouissent certains établissements libres ; l'autre est relative aux jurys d'examen.

Je crois que la Chambre n'est préparée pour examiner ni l'une ni l'autre de ces questions. Les faits, en ce qui touche la première, ne nous sont pas suffisamment connus. Quant à l'autre, elle a une extrême gravité, et il serait téméraire de la traiter par accident.

(page 473) Cependant je crois nécessaire de dire quelques mots en réponse aux observations qui vous ont été présentées soit par l'honorable M. de Theux, soit par l'honorable M. Dumortier.

Ils prétendent l'un et l'autre que l'université catholique de Louvain ne jouit d'aucun privilège, d'aucune faveur, d'aucun avantage. C'est là, messieurs, beaucoup trop affirmer. Il n'est pas nécessaire, il n'est pas juste d'aller jusque-là.

Si nous parlons d'un établissement libre, fondé par le seul concours des particuliers, l'idée qui s'éveille alors dans notre esprit, c'est qu'un pareil établissement n'emprunte rien à la fortune publique, rien à la force sociale ; il est évident que nous ne pouvons pas comprendre qu'il est absolument libre, si sa condition est subordonnée à certains avantages qui lui sont procurés par la société. Une industrie qui serait subsidiée par une commune serait privilégiée, cela est de toute évidence.

Autre chose est la question de savoir si l'on fait bien ou mal d'accorder ces avantages, ces faveurs, ces privilèges et la question de savoir si on les possède réellement. Or, lorsqu'on les possède, je trouve injuste de prétendre qu'on est parfaitement libre, qu'on ne reçoit aucune faveur, qu'on n'est tenu à aucune reconnaissance.

Si les fondateurs de l'université catholique avaient acheté un local pour y placer leur établissement, ils seraient parfaitement fondés à dire : C'est à nous que les locaux appartiennent. Nous ne devons rien à personne. Nous sommes libres ; nous voulons continuer à rester libres ; nous voulons vivre et sans doute aussi un jour mourir libres. Mais il n'est pas contesté que les locaux occupés par l'université de Louvain ne lui appartiennent pas. Je n'examine pas en ce moment si l'on a eu tort ou raison de les mettre à sa disposition. Je ne recherche pas si la ville de Louvain a usé de son droit. Je ne conteste pas qu'elle ait fait une chose utile aux habitants en affectant ces bâtiments à l'université qui a pu ainsi s'établir dans cette ville.

Mais toujours est-il que l'université jouit de ces choses qui ne lui appartiennent pas, qui n'appartiennent pas aux personnes qui ont constitué l'université de Louvain.

Il en est de même pour les collections qui appartiennent à l'Etat et dont dispose également l'université de Louvain. Ces collections, est-il clair, oui ou non, que l'Etat a la faculté de les reprendre ? Est-il certain, oui ou non, qu'il peut les donner aux universités de l'Etat, ou à d'autres établissements ? Cela n'est pas contestable. C'est donc une faveur que reçoit l'université de Louvain.

M. Dumortier. - Personne ne reconnaît que les collections appartiennent à l'Etat.

M. Frère-Orban. - L'honorable M. de Theux lui-même vient de dire que l'université de Louvain détient ces collections à titre provisoire.

M. Verhaegen. - Les bâtiments appartiennent à l'Etat.

M. Frère-Orban. - Je n'examine pas s'ils appartiennent à la ville ou à l'Etat. Je me borne à dire : Vous jouissez de cet avantage, de ce privilège. C'est un subside que vous recevez, et dans de telles conditions, décliner toute reconnaissance, ce n'est pas juste, ce n'est pas même habile, car que diriez-vous si l'Etat vous retirait cette faveur ?

Et ce n'est pas tout. Il y avait des bourses affectées à l'ancienne université de Louvain ; mais elles ont été affectées à d'autres universités, et l'honorable M. Dumortier a parfaitement tort d'énoncer que ces bourses appartiennent à la ville de Louvain, elles appartiennent à l'Etat. Elles constituent une propriété publique grevée d'une affectation spéciale, en exécution de la loi et conformément aux conditions déterminées par la loi.

Autrefois il a paru juste de les attribuer à l'université de Louvain. Mais ce régime est quelque peu changé. Ces bourses ont été mises à la disposition de la nation, qui en a réglé l'emploi. La loi organique des universités en 1817 - et je rencontre ici une nouvelle erreur dans laquelle est tombé l'honorable M. Dumortier - la loi organique des universités a déclaré formellement que ces bourses étaient attribuées aux universités de l'Etat. Or ce ne sont pas les universités de l'Etat qui en jouissent. Ces bourses sont données ; mais elles servent pour étudier à Louvain. Voilà où est l'avantage, voilà où est la faveur. L'avantage est-il licite ? Est-il autorisé par la loi ?

L'honorable M. de Theux répond : Ces bourses sont conférées aux ayants droit par des administrateurs sous certaines conditions ; elles ne sont pas données à l'université de Louvain. Nous n'avons pas à examiner ici quelle est la valeur de l'organisation qui régit les bourses d'études, et qui a son principe dans les arrêtés de 1818 et de 1823. C'est une affaire obscure, une administration essentiellement défectueuse et à laquelle il faudra porter remède.

Mais examinons en fait ce qui se pratique réellement. En fait, peut-on nier que les choses se passent comme je l'ai indiqué ? Non. Il y a donc en fait un avantage, une faveur, et, de plus, il y a un avantage, une faveur qui est donnée contrairement à la loi.

Lorsqu'on jouit de ces avantages, de ces faveurs, on est mal venu à répéter souvent, trop souvent, que la liberté est maltraitée, qu'on n'a pas pour elle les égards qui lui sont dus. On fait pour elle ce que l'on ne doit pas faire. Je constate le fait et ne le juge pas. Mais je relève ce que je considère comme des récriminations imprudentes et mal fondées.

Je crois que ceux qui se constituent dans cette Chambre les partisans de l'université de Louvain devraient, au contraire, se féliciter de ce qui existe et faire en sorte de lui conserver la position privilégiée dont elle jouit aussi longtemps qu'ils le pourront.

Maintenant, un mot de la question des jurys d'examen. L'honorable ministre de l'intérieur a promis que, dans peu de temps, cette question serait portée devant la chambre. Ce sera alors le moment de la discuter. Mais je me permets aujourd'hui d'appeler l'attention toute spéciale de la Chambre sur cette grave question.

Je crois qu'il y a quelque chose à faire. Mais peut-être ne suis-je pas tout à fait d'accord avec ceux qui insistent également sur la nécessité d'une réforme.

On signale les vices du système actuel et quelques-uns prétendent qu'il faut attribuer aux universités de l'Etat le droit de délivrer des diplômes aux élèves qui fréquentent ces universités et instituer un jury central pour les établissements libres. Rationnellement, cela ne semble pas devoir soulever trop d'objections.

Mais il me paraît qu'en réalité, par le fait, avec un système de ce genre, on arrive à donner une prééminence incontestable aux universités de l'Etat.

Il y aurait un incontestable avantage pour les élèves à être examinés directement par leurs professeurs, tandis que les élèves des autres établissements devraient comparaître devant un jury où ne figureraient pas nécessairement et exclusivement les professeurs des établissements libres, à moins de déclarer qu'eux aussi seraient chargés de délivrer les diplômes, ce qui présenterait les plus graves inconvénients et serait d'ailleurs légalement impossible.

Je ne me prononce pas d'une manière absolue, je n'ai pas suffisamment étudié la question, mais il me paraît que ce système n'est guère compatible avec la liberté d'enseignement.

Or, je désire, je désire beaucoup que le principe de la liberté de l'enseignement soit conservé, soit sauvegardé. J'y attache autant de prix que j'en attache à un enseignement public bien organisé. Je les crois également utiles, et je voudrais faire en sorte que l'on jouît véritablement et complètement du régime de la liberté.

En jouissons-nous dans l'état actuel des choses ? Oui, en ce sens que chacun peut ouvrir un établissement, peut monter dans une chaire et enseigner ce que bon lui semble.

Non, en ce sens que réellement il y a un programme uniforme pour tout le monde ; il y a des matières imposées ; il y a un système à suivre. Sous ce rapport, l’enseignement libre n'est pas plus libre que l'enseignement de l'Etat ; ils sont tous deux forcés de se conformer à un programme arrêté d'avance. Eh bien, si l'on considère par la pensée l'essor que pourraient prendre les intelligences en suivant sans entraves la carrière qui s'ouvrirait devant elles, et si l'on porte ensuite les regards sur le régime d'immobilité que l'on impose à tous, on est amené à conclure qu'il ne satisfait pas à ce que l'on pouvait espérer, à ce qu'on peut attendre de la liberté d'enseignement.

Je me demande, et je prie la Chambre de considérer ceci non comme un système que je préconise et que je suis prêt à défendre, mais comme une idée sur laquelle j'appelle la discussion, comme une idée que je soumets à chaque membre de la Chambre et au gouvernement ; je me demande s'il n'y aurait pas de grands avantage à supprimer la plupart des examens que l'on subit actuellement en Belgique. On examine beaucoup trop ; on finit par n'avoir plus le temps, les uns d'enseigner, les autres d'étudier. Une moitié de la Belgique est occupée à examiner l'autre.

On cherche des garanties scientifiques et on ne les rencontre pas quels que soient les examens ; mais pourquoi ne s'attacherait-on pas à obtenir uniquement la garantie de capacité que l'on croit utile d'exiger encore pour l'exercice de certaines professions ? N'arriverait-on pas à simplifier beaucoup ce qui se passe actuellement et à faire disparaître en grande partie les inconvénients qui se révèlent ?

On pourrait, par exemple, s'en tenir à un premier examen, comme celui d'élève universitaire, pour s'assurer que les jeunes gens ont fait un cours suffisant d'humanités, puis laissant un certain temps obligatoire, après cette épreuve, prescrire un seul et unique examen professionnel.

Je demande que cette idée soit examinée. La difficulté se présentera à la vérité, lorsqu'il s'agira de former le jury.

Eh bien, ne pourrait-on encore ici procéder d'une manière large et libérale, composer une grande liste, et de cette liste, tirer au sort, à certain jour déterminé, un jury de jugement qui serait chargé de délivrer les diplômes de capacité ? Le sort déciderait de même l'ordre d'examen des récipiendaires.

Je demande quelles sont, en réalité, les garanties qu'offre aujourd'hui le grand nombre d'examens que l'on fait subir ? Voit-on, par l'expérience de plusieurs années, que l'on ait obtenu de bien grands succès ? Est-ce que la science a notablement progressé ? Est-ce que le niveau des études s'est considérablement élevé ? Je suis porté à en douter. On dirait que l'on veut obtenir des savants au sortir de l'école, tant est grand le nombre des matières dont on accable les élèves. La plupart succombent sous le fardeau. C'est moins l'intelligence entière que la mémoire qui se développe et la fatigue est telle que, les examens subis, on ne trouve rien de mieux que de ne plus étudier. De tant d'efforts et de tant de soins, quel bénéfice retire la société ?

Tous ces doutes, messieurs, je les soumets à la Chambre. J'appelle sur ce point, dans un intérêt de science, dans un intérêt d'avenir, dans un intérêt social, les méditations de tous mes collègues.

(page 474) M. de Theux. - Je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion, j'ai seulement demandé la parole pour répondre à un honorable député d'Anvers, M. Loos.

Il n'est jamais entré dans mes intentions de dépouiller la ville d'Anvers de l'avantage dont elle jouit. Mais quant à la question de propriété des tableaux qui ont été déposés au Musée d'Anvers, je pense que les titres de cette propriété sont parfaitement établis au département de l'intérieur, qu'il n'y a jamais eu de doute à cet égard.

Quoi qu'il en soit, ceci n'est qu'une question de théorie ; car il n'est nullement question de dépouiller la ville d'Anvers d'une partie de son Musée.

Quant à ce que j'ai dit que l'université de Louvain ne jouissait d'aucun privilège, je ne répéterai pas les observations que j'ai faites. Elles sont présentés à votre mémoire, je les maintiens exactes et spécialement en ce qui concerne les bourses. Je pense qu'il n'y a aucune espèce de privilège en faveur de l'université de Louvain dans la collation des bourses qui est faite conformément aux titres et aux arrêtés du gouvernement précédent.

L'honorable M. Frère, en terminant, a soumis une idée nouvelle au sujet des examens. Son observation est très juste ; nous avons des examens extrêmement nombreux qui sont fatigants pour la jeunesse et pour les professeurs. L'idée qu'il a soumise à la Chambre a déjà occupé plusieurs personnes ; cette question à déjà été examinée, à savoir s'il ne conviendrait pas de se borner à un examen définitif qui serait l'examen professionnel ; mais ce qui a arrêté l'application de cette idée, c'est qu'on a craint que l'examen ne pût pas embrasser sufïisament de matières scientifiques qu'il convient que l'on possède, que d'autre part il y aurait peut-être un inconvénient à ce que des jeunes gens, arrivés au terme de leurs études, fussent rebutés dans l'examen professionnel, après que leurs familles auraient dépensé des sommes considérables pour leur instruction. Voilà les deux motifs qui se sont opposés à ce que cette idée prévalût.

Du reste il importe que la chambre examine cette idée et reste, comme toutes les autres qui se sont fait jour dans cette discussion, réservée pour l'époque où nous serons saisis d'un projet de loi.

M. le président. - M. de La Coste a demandé la parole pour la cinquième fois ; je consulte la Chambre.

- La Chambre décide que M. de La Coste sera entendu.

M. de La Coste. - Je vous demande pardon de réclamer encore un moment votre attention, je crois qu'il y a ici une question qui importe à chaque membre.

On a voulu, dans cette discussion, me faire une position qui nuirait à la liberté de la discussion, une position ignoble que je ne puis accepter. On me dit : Il existe dans votre arrondissement une université qui jouit, à ce que l'on prétend, de certains avantages ; vous n'avez donc plus qu'à vous taire ; vous ne pouvez plus vous mêler aux questions qui regardent la liberté d'enseignement. Je proteste de toutes mes forces contre une prétention si inadmissible.

L'honorable M. Frère a pensé qu'un établissement cesse d'être libre lorsque l'intérêt public lui laisse la jouissance de certains avantages ; mais l'honorable M. Frère n'ignore pas, sans doute, ce qui se passe en Angleterre quant à l'instruction primaire ; le gouvernement anglais abandonne entièrement celle-ci à l'enseignement libre, et pourtant il y intervient par des subsides qui passent par l'intermédiaire de deux sociétés : l'une est principalement consacrée à l'instruction primaire donnée sous les auspices de l'Eglise établie ; l'autre s'occupe des établissements appartenant aux cultes dissidents.

Le gouvernement, il est vrai, en accordant ces subsides, y appose certaines conditions ; mais du reste les établissements demeurent libres quoique subsidiés par le gouvernement. Il n'y a donc là aucune espèce d'incompatibilité.

Voilà, messieurs, des idées vraiment larges et que j'ai cru devoir soumettre à vos méditations.

Quant aux bourses, messieurs, ce qui importe en cette matière c'est, après toutes les révolutions, après tous les événements qui ont changé les conditions primitives des institutions, de se rapprocher autant que possible de la volonté des fondateurs, et c'est là ce qu'on a fait.

M. H. de Baillet. - Permettez-moi, messieurs, de dire un mot relativement à la position des tableaux d'Anvers. Quel titre l'Etat peut-il avoir à la possession de ces tableaux, autre que celui qu'a fait valoir l'Empire lorsqu'il les a enlevés et qu'il les a fait transporter à Paris ? Evidemment l'Etat belge ne peut avoir aucun autre titre. Or, l'Europe entière a vu la réparation d'une injustice dans l'acte qui a rendu ces tableaux aux localités qui en avaient été dépossédées. Eh bien, la ville d'Anvers occupait alors, à l'égard de l'Empire, la position qu'elle occupe aujourd'hui à l'égard de la Belgique, et l'injustice que commettrait celle-ci, en privant Anvers de ses tableaux, ne serait pas moins grande que celle qui avait été commise par l'Empire.

M. de Mérode. - C'est faute de réflexions suffisantes sur les précédents que l'on a parlé de privilèges dont jouirait l'université de Louvain ; personne ne l'ignore, cette université répond à un besoin considérable des habitants du pays tout entier, et c'est là un fait que la confiance de nombreuses familles démontre suffisamment ; mais à ce besoin, comment est-il pécuniairement satisfait ? Uniquement par la générosité privée. Le budget de l'Etat, le budget provincial ne lui fournissent rien. Il est clair cependant que la majorité des contribuables belges étant catholiques, une université dans laquelle l'enseignement donne des garanties certaines aux familles au point de vue religieux n'était pas un simple établissement de fantaisie, mais un établissement indispensable ; et l'article de la Constitution qui traite de l'enseignement organisé aux frais de l'Etat n'interdisait aucunement à la législature de fonder, à l'aide des deniers du budget, une université catholique.

On n'a créé, au contraire, que des universités sans caractère religieux déterminé, lesquelles ne répondent ainsi qu'imparfaitement à des convenances d'un ordre très légitime, très grave et qui intéresse non pas quelques personnes, quelques milliers de Belges, mais pour citer une quotité certaine, plus de la moitié des habitants du pays.

Dès lors il a fallu que la souscription seule vînt remplir une lacune si considérable, et l'on a mauvaise grâce de signaler comme un privilège quelques livres, quelques collections scientifiques abandonnées par l'Etat à une université qui devrait être, en bonne justice distributive, complètement établie et soutenue aux frais de l'Etat, dès qu'il se mêle de payer une instruction publique. Du reste, cette question était dans l'occurrence un hors-d'œuvre, puisque le débat réel ne concernait que le jury d'examen.

M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j'ai été prévenu par mes amis qu'un des principaux organes de la presse bruxelloise, rédigé par des étrangers, pour la plupart, un journal dont les relations avec l'ancien cabinet ne sont un mystère pour personne, a dirigé contre moi, dans son numéro d'aujourd'hui, les attaques les plus malveillantes. Si je n'étais pas le rapporteur de la section centrale, je n'élèverais pas la voix pour me plaindre de ces attaques ; ma loyauté, ma sincérité, ma bonne foi sont suffisamment connues pour que de pareilles attaques ne doivent nullement m'émouvoir ; mais le mandat que j'ai reçu de mes collègues ne me permet pas de laisser passer des attaques qui tendent à porter atteinte à la liberté de contrôle des sections centrales qui ont à examiner les actes de l'administration. Je dis que ces attaques portent atteinte au régime constitutionnel, à nos institutions.

M. Rogier. - Je veux seulement dire deux mois en réponse aux observations de l'honorable M. de Man. Il vient de rendre l'ancien cabinet solidaire d'un journal de Bruxelles contre lequel il s'est livré à une attaque assez intempestive, suivant moi. Je n'ai pas lu l'article dont il s'agit ; je ne sais pas de quel journal veut parler l'honorable membre ; mais si nous apportions ici nos griefs personnels contre les infamies que publient chaque jour des journaux qui sont en relation avec M. de Man et ses amis, nous exciterions dans cette Chambre des scandales perpétuels. Nous méprisons ces infamies de la presse contrôlée ou non-contrôlée ; nous n'en saisissons pas la Chambre.

Je crois qu'il est de la dignité de l'assemblée, de la dignité du rapporteur d'une section centrale, de laisser les articles de journaux en dehors de nos débats et dont personne ici ne peut accepter la solidarité. Quant à moi, je n'attaque ni ne défends le journal dont il est question et que je ne connais pas ; mais j'engage l'honorable M. de Man, lui qui n'épargne pas les critiques violentes à ses collègues, je l'engage à prendre patience en ce qui concerne les critiques qu'un journal peut faire de son rapport.

M. le président. - De part et d'autre il faut savoir supporter les attaques de la presse.

M. de Man d'Attenrode. - Je ne puis suivre le conseil que vient de me donner l'honorable député d'Anvers : le conseil de prendre patience ; d'ailleurs en me conduisant comme je viens de le faire je n'ai fait qu'imiter son exemple : ce qu'il a fait maintes fois, quand il est venu protester ici contre des articles de journaux, infiniment moins malveillants que celui dont je me suis plaint. Je suis accusé de mauvaise foi, je suis accusé d'avoir sciemment énoncé des faits contraires à la vérité, de manquer de loyauté ; et l'honorable M. Rogier viendra faire appel à ma modération et m'engager dorénavant à ne pas élever la voix quand des attaques de cette espèce seront dirigées contre un organe de la section centrale, contre un organe de la chambre tout entière ! Je le répète, je n'ai fait que suivre l'exemple qui m'a été donné maintes fois par l'honorable M. Rogier.

M. Rogier. - Si, contre mon gré, j'ai pris la parole en cette circonstance, c'est qu'il a paru convenable à M. de Man de faire intervenir de nouveau l'ancien cabinet, qui lui apparaît constamment comme une sorte de fantôme. Sans cela je ne me serais pas permis de donner à l'honorable membre un conseil auquel je sais qu'il ne peut pas être très sensible.

- La discussion générale est close.

M. le président. - Dix-sept membres de la Chambre ont déposé un amendement qui tend à la suppression du crédit destiné à l'achat d'étalons. Cet amendement sera imprimé et distribué.

- La séance est levée à 4 heures et un quart.