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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 3 avril 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Veydt, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1285) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il lit le procès-verbal de la séance de samedi.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, vous vous souviendrez qu'à la fin du comité secret de samedi dernier, les deux projets de loi que j'avais présentés à la Chambre ont été réunis en un seul ; cette réunion des deux projets en un seul s'est faite très rapidement, et les changements de rédaction qu'elle nécessitait ont aussi eu lieu d'une manière très prompte. Il en est résulté que dans le procès-verbal qui a été dressé des votes de la Chambre, il n'est pas fait mention de l'article 2 d'un de ces projets, soit qu'il ait été compris dans le vote d'une autre disposition, soit qu'il ait réellement été perdu de vue ; cet article était ainsi conçu :

« Le paragraphe premier de l'article 5 de la loi du 25 janvier 1817 est abrogé. »

Cette omission n'est évidemment, dans tous les cas, que le résultat d'une erreur, car la disposition passée sous silence, toute et uniquement dans l'intérêt belge, n'a donné et ne pouvait donner lieu à aucune observation quelconque. Je demande donc que la Chambre veuille bien consentir à ce que dans le procès-verbal dont il vient d'être donné lecture, il soit mentionné que l'article 2 est compris dans le vote de la Chambre. Cela ne peut souffrir la moindre difficulté.

- La proposition de M. le ministre des affaires étrangères est mise aux voix et adoptée.

Le procés-verbal, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des sauniers à Sotteghcm prient la Chambre de rapporter la disposition de la loi du 2 janvier 1847 qui autorise le gouvernement à exempter de l'accise le sel destiné à l'alimentation du bétail et à l'amendement des terres ou bien d'engager le gouvernement à n'accorder la décharge des droits qu'après que les employés des accises auront constaté l'emploi réel du sel. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Montignies-sur-Roc prie la Chambre d'accorder aux sieurs Hertogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer destiné à relier la Flandre orientale avec les charbonnages du Couchant de Mons en passant par Péruwelz, Blaton, Thulin, Elouges, Dour, Fayt-le-Franc et Bavay. »

- Même disposition.


« Le sieur Guilbert demande que le gouvernement nomme une nouvelle commission de récompenses nationales. »

- Même disposition.


« Le sieur Bocous, ancien chef de musique, demande une pension, »

- Même disposition.


« Plusieurs négociants et industriels à Bruxelles prient la chambre d'accorder aux sieurs Hertogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer destiné à relier la ville de Gand au bassin houiller du Couchant de Mons, en passant par Audenarde, Renaix, Frasne, Leuze et Péruwelz. »

M. Roussel. - Messieurs, cette pétition est signée par un grand nombre de négociants et industriels de la ville et de l'arrondissement de Bruxelles. Les maisons les plus honorables du commerce bruxellois se sont réunies pour demander la direction du tracé du chemin de fer dont il s'agit dans la requête. Sans avoir étudié à fond la question elle-même, je crois cependant que la pétition, à raison des personnes qui s'adressent à la Chambre, à raison de la considération dont elles jouissent et des arguments qu'elles présentent, je crois, dis je, que la pétition mérite l'attention spéciale de la Chambre ; je demande donc que la pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Des pharmaciens à Boussu, Ath, Enghien, Lessines, Pâturages, Elouges, Frameries, Dour déclarent adhérer à la pétition du cercle pharmaceutique du Hainaut, relative au cumul de l'exercice de la médecine avec celui de la pharmacie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques fabricants de trass, à Bruxelles, demandent que le trass moulu soit frappé, à l'entrée, d'un franc par 100 kilog. de plus que le trass brut. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Des habitants de Saint-Gilles présentent des observations contre le projet de loi sur la réunion des faubourgs avec la ville de Bruxelles. »

« Mêmes observations d'autres habitants de Saint-Gilles. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

M. de Muelenaere. - Je crois que la section centrale a terminé son travail.

M. de Perceval. - Elle doit encore se réunir pour entendre la lecture du rapport.

M. de Muelenaere. - Si aucune décision n'intervient sur cette pétition, j'en demanderai le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

- La Chambre décide que ce dépôt aura lieu.


« Le sieur Michel Boever, curé à Awenne, né à Goesdorf (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la requête du lieutenant de Kersmaker (Edmond-Alphonse), tendant à obtenir une augmentation de pension. »

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Rousselle. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant demande d'un crédit extraordinaire de 250 mille fr. au département des travaux publics.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l’exercice 1855

Discussion générale

M. Osy. - Messieurs, comme il est probable que nous ne discuterons .pas de sitôt le budget des voies et moyens pour 1855, je profite du budget actuel des finances pour vous occuper de la situation financière du pays.

Je crois que, dans l'état actuel de l'Europe, il est temps de pourvoir aux besoins du trésor ; il n'est pas convenable de rester en présence d'un déficit aussi considérable que celui que nous avons maintenant et que nous aurons à la fin de la session. Je prendrai donc la confiance de parler non seulement de la situation actuelle, mais de celle des années antérieures ; car quoique j'eusse pris l'engagement de ne pas parler du déficit provenant de l'ancienne administration, je suis obligé de vous en parler ; il m'est impossible d'attendre, pour le faire, la présence de l'ancien ministre que je ne vois pas à son banc. Je n'en dirai que peu de mots, mais il m'est impossible de vous entretenir de la situation financière sans parler de l'ancienne administration.

On a toujours dit que l'ancienne administration avait rétabli l'équilibre dans nos finances, je vais vous démontrer par des chiffres qu'il n'en est rien. Examinez la situation au 1er septembre 1852, vous verrez que l'arriéré se montait encore alors à 18,873,000 fr. Je prends l’époque de l'entrée de la nouvelle administration ; à cette somme il faut ajouter toutes les dépenses faites depuis le 1er septembre 1852 qui, d'après moi, étaient prévues par l'ancienne administration.

Vous vous rappellerez que quand nous avons discuté le grand projet de travaux publics, dans le sein de la section centrale aussi bien qu’en séance publique au début de la discussion au mois d'août 1851, nous avons insisté, plusieurs de mes collègues et moi, nous avons insisté pour savoir quels pouvaient être les besoins du département de la guerre ; vous vous rappelez aussi qu'on a répondu qu'on n'en dirait rien, qu'il fallait voter ce qui était demandé et qu'on nous a laissés dans l'ignorance. Il en est résulté qu'au commencement de 1852, quand l'ancienne administration était encore au banc ministériel, vous avez voté par la loi du 3 mai 1852 une somme de 4,700,000 fr. ; sous la nouvelle administration le 3 décembre 1852 nous avons voté une somme de 2,092,000 fr. et le 14 décembre 1852 une somme de 6,358,000 fr., total 13,150,000 fr.

La commission militaire ayant fini ses travaux sous l'ancienne administration, le gouvernement savait que nous aurions été obligés d'augmenter le budget de la guerre. En effet, le premier budget que nous avens voté, après l'examen de la commission militaire, a été de 32,190,000, tandis que pour l'exercice précédent le budget avait été de 26,800,000 fr. (chiffre rond). Augmentation 5,390,000 fr.

Ce qui, avec les crédits votés en 1852, fait pour la guerre seulement 18,540,000 fr.

Vous vous rappelez également que la section centrale et l'honorable M. Rolin avaient formellement insisté sur une demande de crédit pour le chemin de fer. Déjà, à cette époque, on reconnaissait que, pour pouvoir assurer ce service si important, il fallait un crédit de 5 millions. Vous savez tous que ces 5 millions n'ont pas été votés. Ils ont été rejetés sur une proposition formelle du ministère d'alors. Depuis nous avons voté pour les travaux publics 4,880,000 fr.

De manière que voilà 23,420,000 fr. que nous avons votés et qui étaient prévus, avant que nous ayons voté la grande loi des travaux publics.

Maintenant il faut déduire de cette somme 5,700,000 fr. qui se trouvaient en caisse et qui étaient prévus provenir du non-amortissement des fonds publics. Il faut déduire aussi le bénéfice annuel de la conversion que nous avons votée sous l'administration actuelle. Ensemble 7,700,000 fr.

Reste, déficit 15,720,000 fr.

Ce qui, ajouté aux 18,873,000 fr., montant de l'excédant de dépense constaté par la situation du trésor du 1er septembre 1852 donne un déficit de 34,593,000 fr.

(page 1286) Vous voyez dont, d'après ces chiffres qui sont très logiques et très exacts, que l'ancien ministère ne peut dire qu'il a rétabli la situation financière du pays.

Le principal n'est pas de s'occuper du passé, c'est de s'occuper du présent. C'est ce dont je veux m'occuper principalement.

Dans le cours de la session, nous avons eu plusieurs fois l'occasion de parler du déficit, dont je viens d'indiquer le chiffre. Mais comme il faut beaucoup d'exactitude, je me hâte d'ajouter que par les communications que m'a faites l'honorable ministre des finances, je me suis éclairé sur la situation actuelle, et j'ai reconnu que le chiffre du déficit exact n'est plus de 35 millions, mais de 29 millions.

La différence provient de la connaissance de la clôture du budget de 1852. Les recettes ont produit en plus 2,488,000 fr., et on avait calculé sur des annulations de crédit sur un million, tandis que les annulations se montent à 556,000. Boni de l’exercice 1852 2,994,000 fr.

Si je déduis cela de la somme dont nous avons toujours parlé et que tout le monde devait croire exacte, je trouve que le déficit actuel ne s'élève qu'à 29 millions. Je tiens compte de ce que jusqu'au 1er août vous n'aurez pas de revenu sur les denrées alimentaires et de ce que vous aurez un déficit sur les impôts indirects à cause des événements politiques.

Le chiffre de 29 millions est donc très exact, mais ce n'est pas la seule somme à laquelle nous ayons à faire face. Lors de la conversion le gouvernement a dû rembourser 12 millions qui n'ont pas pu être remis en circulation. Nous arrivons ainsi à 41 millions.

Mais, messieurs, nous savons tous que pour pouvoir garantir la bonne exploitation du chemin de fer, pour avoir la continuation d'une belle recette sur les chemins de fer, il faut absolument faire une dépense très importante. Je crois que M. le ministre des travaux publics aura à vous soumettre dans le cours de la session actuelle une demande de 9 à 10 millions, qui sont nécessaires pour assurer le maintien des revenus actuels du chemin de fer. Vous voyez qu'au mois de février les recettes ont dépassé celles de l'année dernière de près de 300,000 fr. ; il faut maintenir cette situation, et pour cela il est indispensable que le gouvernement ait son matériel à lui et qu'il ne soit pas obligé, comme il a dû le faire dans le courant de l'année, d'emprunter le matériel des sociétés concessionnaires. Je me hâte de dire que cette dépense, très lucrative, serait échelonnée sur trois années, mais elle devrait être autorisée maintenant parce qu'il faut faire en temps utile les commandes aux établissements industriels. D'après le résultat des examens auxquels nous nous sommes livrés dans la commission des travaux publics, tout ce que le gouvernement dépenserait de ce chef pendant l'année courante, ce serait une somme de 3 millions.

J'ajoute ces 3 millions au déficit de 41 millions que j'ai indiqué tout à l'heure, cela fait 44 millions. Dans les circonstances actuelles un découvert de 44 millions que vous ne pouvez combler que par des bons du trésor, c'est une chose extrêmement dangereuse, et je voudrais qu'avant la fin de la session M. le ministre des finauncs trouvât un moyen de faire disparaître une grande partie de ce découvert.

Dans la session dernière nous avons autorisé M. le ministre des finances à consolider 15 millions de l'ancien arriéré et les 12 millions qu'il a fallu rembourser lors de la conversion de la dette ; mais par suite des circonstances politiques cette opération n'a pas réussi.

Eh bien, messieurs, les circonstances s'étant aggravées depuis le commencement de l'année, il est plus que temps d'aviser à la situation et d'éteindre une partie de l'arriéré autrement que par une inscription au grand-livre.

Je sais, messieurs, que c'est une tâche très impopulaire que d'indiquer au gouvernement les moyens de faire face aux besoins du trésor ; mais, pour moi, je ne connais que mon devoir et ce qu'exige le bien-être du pays. Je dirai donc toute ma pensée, et je soumettrai à M. le ministre quelques idées que je l'engagerai beaucoup à vouloir mûrir, je le prie d'examiner si le moyen que je vais indiquer ne pourrait pas, au moins, soulager la situation.

Vous savez, messieurs, que l'Angleterre et la France ont eu besoin de très grandes sommes pour les premiers frais de la guerre ; ces deux pays ont employé deux moyens différents : la France a fait un emprunt volontaire de 250 millions, qui a été souscrit avec le plus grand empressement ; l'Angleterre a eu recours à un autre moyen, elle a doublé l'income-tax ; cela doit rapporter uue somme de 5 millions de livres sterling, ce qui, joint aux excédants présumés de 1854, donnera au gouvernement 8 millions de livres sterling, soit 200 millions de francs. Le gouvernement belge, messieurs, doit recourir soit au système français, soit au système anglais. Faire uu emprunt : je suis persuadé que si le gouvernement voulait seulement consolider 15 millions il serait obligé, au cours actuel, de faire une inscription d'au moins 20 millions, ce serait un sacrifice de 5 millions.

Mais il faudrait, en outre, grever l'avenir d'au moins 1,200,000 francs, pour l'intérêt et l'amortissement. Je dis que je m'opposerais à un pareil système aussi longtemps qu'il resterait un autre moyen de sortir de la situation fâcheuse où se trouve le trésor. J'ai pensé, messieurs, qu'il vaudrait beaucoup mieux avoir recours au mode anglais, et je suis persuadé que s'il ne le fait pas, il sera obligé dans la session prochaine de venir, comme en 1848, proposer un emprunt forcé.

Eh bien, messieurs, s'il faut recourir à un emprunt forcé, sur quoi reposera cet emprunt ? Vous ne pourrez l'établir que sur sur les trois bases des contributions directes, c'est-à-dire sur le foncier, sur le personnel et sur les patentes. Eh bien, messieurs, pour ma part, je crois qu'il y a un autre moyen de combler le vide du trésor ; je voudrais que toute la nation, sans distinction, participât dans la même proportion au sacrifice à faire ; je voudrais qu'au lieu de cet emprunt forcé, que je prévois dans un avenir rapproché, le gouvernement proposât un prélèvement de dix centimes additionnels sur tous les impôts sans exception.

J'ai fait le relevé de toutes les contributions : nous avons, avec les centimes additionnels, une recette annuelle de 91 millions. Eh bien, je voudrais que le gouvernement nous présentât, dans la session actuelle, un projet de loi ayant pour objet d'imposer 10 p. c. additionnels sur le principal de toutes les contributions sans exception ; je voudrais que cette proposition fût également faite dans le budget des voies et moyens de 1855 ; nous trouverions là une ressource de 15 millions. Cette charge, répartie sur tous les impôts, ne me paraît pas trop lourde dans les circonstances actuelles.

Quant à de nouveaux impôts, il serait impossible d'en créer d'ici à la fin de la session, qui est prochaine ; du reste, vous savez les difficultés qui s'attachent à la création de nouveaux impôts.

Le moyen que j'indique pour pourvoir à la situation, ne me paraît pas trop onéreux pour le pays, et il donne au moins la garantie au gouvernement qu'il pourra réduire le déficit de 15 à 16 millions.

La Chambre s'ajournera probablement à la fin de la semaine ; eh bien, j'engage vivement M. le ministre des finances à s'occuper, pendant la courte session que nous aurons après Pâques, de la situation financière du pays ; car il est impossible, dans les circonstances où se trouve l'Europe, de clore la session avec le déficit considérable qui est constaté aujourd'hui ; je prie M. le ministre des finances d'examiner les données que j'ai indiquées ; je crois qu'il les trouvera exactes.

Je dirai encore deux mots : nous avons vu dernièrement l'élan national qui s'est manifesté en France pour prendre part à l'emprunt de 250 millions de francs que l'on a ouvert en vue des affaires d'Orient. La perte sur cet emprunt s'est établie dès le lendemain ; on savait qu'il en serait ainsi ; et cependant les souscriptions se sont élevées à plus de 400 millions : c'est donc par patriotisme que les souscripteurs se sont présentés en si grand nombre ; de son côté, le gouvernement anglais a demandé et obtenu du parlement de doubler l’income-tax. Eh bien, je crois que la Belgique ne voudra pas rester en arrière des deux pays que je viens de mentionner ; avec la ressource que j'ai indiquée, nous ne grèverons pas l'avenir et je suis persuadé que nous sortirons honorablement de la situation actuelle.

M. de Renesse. - Messieurs, je ne puis partager l'opinion de l'honorable baron Osy qu'il faille frapper de 10 centimes additionnels tous les différents impôts existants au budget des voies et moyens pour rétablir l'équilibre dans les finances de l'Etat ; il me semble qu'il y a encore d'autres ressources à trouver, notamment en faisant contribuer le tabac pour une plus large part dans les charges de l'Etat ; en 1844, l'honorable M. Mercier, alors ministre des finances, avait proposé un projet de loi d'après lequel le tabac aurait dû rapporter plus de35 millions au trésor ; actuellement il ne donne environ qu'une recette de 600,000 à 700,000 fr. ; le sucre devrait aussi donner une plus forte ressource ; c'est ainsi que, si l'on admettait la proposition, faite dans le temps par l'honorable M. Mercier, de n'accorder de restitution des droits aux sucres à exporter que lorsqu'ils auraient été raffinés en entrepôt, l'on obtiendrait, au lieu de 3,500,000 fr., une recette de 5 à 6 millions.

Le café pourrait aussi rapporter un chiffre plus élevé dans les recettes du budget par une légère augmentation du droii actuel.

Lorsqu'il a été question de modifications à la loi sur la contribution personnelle, j'ai indiqué que les rentiers de l'Etat ne contribuaient pas dans les charges du trésor ; cependant, en Angleterre, ils payent dans l’încome tax 3 p. c. à l'Etat.

Les revenus des capitaux sur hypothèques ne contribuent pas non plus dans les voies et moyens du trésor ; cependant, d'après les renseignements fournis à la Chambre en 1851, il a été prouvé qu'il y aurait de 800 à 900 millions de capitaux hypothéqués. Il me semble qu'avant de frapper surtout la contribution foncière, qui devrait être réservée pour les temps de crises tout extraordinaires, comme en 1848, il faudrait faire produire des ressources nouvelles pour le trésor, soit par les matières non suffisamment imposées, soit par d'autres qui jusqu'ici ont toujours été épargnées.

En vérifiant dans le budget des voies et moyens la part contributive de la propriété immobilière dans les impôts proprement dit, portés au budget pour une somme de plus de 91,000,000 de francs, j'ai trouvé que cette propriété y contribue pour une somme de plus de 42,000,000 de francs, tandis que le reste de la richesse nationale, se montant à un revenu de près de 2 milliards, ne paye à l'impôt que 49,000,000 de fr. Je m'opposerai donc de toutes mes forces à ce que l'on frappe de nouveaux centimes additionnels la contribution foncière ; si l'on a besoin de ressources nouvelles, que l'on fasse payer les capitaux et rentes de l'Etat, qui ne payent actuellement rien dans les charges de l'Etat.

M. Rodenbach. - Messieurs, un honorable député d'Anvers indique, comme moyen de couvrir une partie du déficit, une augmentation de 10 p. c. sur toutes les contributions. Je dois déclarer qu'une pareille combinaison me paraît inacceptable dans une année aussi calamiteuse que celle où nous nous trouvons, et où il faut au moins 30 à 40 p. c. de plus pour pouvoir subsister ; je dis que les familles de la petite (page 1287) bourgeoisie et même de la classe moyenne seraient dans l'impossibilité de supporter une augmentation de 10 p. c. sur les contributions.

Sans doute, quelques grandes villes sont dans une situation relativement prospère et supporteraient moins difficilement l'aggravation dont on nous parle ; mais j'affirme qu'il serait impossible d'exiger ce sacrifice des habitants des campagnes, où la population pauvre forme le quart, le tiers et plus même de la population aisée. A Bruges, et dans la plupart des communes des Flandres, où s'exerce l'industrie linière, la moitié des habitants sont complètement pauvres. Les hospices et les personnes bienfaisantes doivent puissamment leur venir en aide ; comment ces personnes pourront-elles continuer ces secours aux malheureux, si vous voulez leur faire payer 10 p. c. de plus ?

J'affirme que non ; pour moi je ne voterai pas d'augmentation d'impôt, je le déclare de nouveau. S'il y a des déficits, nous les comblerons dans des temps plus heureux. Pour le moment la seule chose à faire c'est de rechercher s'il n'y a pas d'économies à opérer. En Angleterre on est parvenu à imposer les rentes sur l'Etat, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire en Belgique ; il y a encore les assurances qui pourraient être une source de revenu. Je sais qu'il faut faire honneur aux engagements de l'Etat, mais ce n'est pas aux moyens indiqués par l'honorable député d'Anvers qu'il faut avoir recours.

Cet honorable membre a parlé de ce qui s'est fait en France et de ce qui s'est fait en Angleterre, mais la France est en guerre, l'Angleterre est en guerre, tandis que nous, qui sommes un pays neutre, nous ne sommes pas en guerre ; nous ne sommes en guerre qu'avec M. le ministre des finances et. à propos du déficit de 29 millions et plus.

Si on veut le combler qu'on fasse un emprunt, si les économies ne suffisent pas. Je sais que si nous faisons un emprunt, nous devrons payer un intérét énorme et faire d'énormes sacrifices ; mais nous pouvons faire supporter par nos successeurs une partie des dépenses que nous avons faites pour constituer et conserver notre nationalité et leur assurer la liberté.

Je veux donc un emprunt plutôt qu'un impôt, mais avant l'emprunt des économies, car telle doit être notre devise : économie, économie, toujours économie.

M. David. - Je ne pense pas que la proposition de M. Osy soit votée d'enthousiasme ; quant à moi, je la combattrai, je ne m'attendais pas à la voir surgir ; elle aurait mieux trouvé sa place à la discussion du budget des voies et moyens qu'à celle du budget des finances.

Je ferai observer qu'on faisait naguère miroiter devant nous une position financière allant constamment s'améliorant ; en citait les impôts indirects et plusieurs autres sources de revenus qui donnaient de meilleurs produits.

Ce n'était pas sur cet objet que j'avais l'intention de prendre la parole dans la discussion générale du budget des finances, je voulais appeler l'attention de M. le ministre sur ce qui se passe dans le rayon réservé des douanes. Il faut avoir habité ce rayon réservé pour se faire une idée des embarras, des entraves auxquels on y est assujetti. Ce rayon a dix mille mètres de profondeur, c'est-à-dire deux lieues. Dans cet immense rayon, ni hommes ni choses ne peuvent circuler sans être exposés à des embarras ; certaines marchandises doivent être couvertes par des documents, si vous ne voulez pas être considéré connue fraudeur quelque honnête homme que vous soyez.

Le commerce du bétail est entravé, parce qu'on ne peut pas entrer dans l'intérieur du pays sans certificat qui constate l'origine du bétail et la direction que vous voulez lui donner ; et si le brigadier des douanes n'est pas au bureau quand vous vous présentez, vous pouvez y être retenu jusqu'au lendemain, parce qu'on ne peut pas circuler avec du bétail, après le soleil couché.

D'autres articles du tarif sont dans le même cas. Cette situation a été aggravée par le traité conclu avec le Zollverein ; une convention pour la répression de la fraude a été faite entre la Belgique et le Zollverein ; cette convention a aggravé la position des habitants du rayon réservé des douanes ; quand vous vous dirigiez de l'intérieur vers la frontière, aussi bien que quand de la frontière vous vous dirigiez vers l'intérieur, vous étiez soumis à des visites et à des entraves. Plusieurs genres d'industrie et de commerce ne pouvaient s'exercer sous ce régime dans le rayon ; certains commerces étaient surveillés de telle façon que quand les magasins renfermaient plus de marchandises qu'on ne supposait nécessaire pour la consommation locale, on pouvait être considéré comme fraudeur. Le traité avec la Prusse est venu à tomber, la convention douanière aussi ; je demanderai à M. le ministre si on a rétabli les choses dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de ce traité et de cette convention.

M. Osy. - Je sais que chaque fois qu'on propose des dépenses on se montre assez facile pour les voter, mais quand il s'agit d'imposer quelques charges pour satisfaire aux besoins du pays, on a beaucoup de peine à obtenir un vote favorable. Je sais qu'on n'est pas populaire quand on propose de nouveaux impôts quels qu'ils soient, mais pour moi, je ne connais que l'intérêt du pays.

Je n'ai pris la parole en cette circonstance qu'après de mûres réflexions. Je crois que, dans les circonstances actuelles, le moyen que j'ai indiqué est le seul auquel nous puissions avoir recours pour réduire le fardeau de notre dette flottante.

L'honorable comte de Renesse vous a parlé d'imposer les inscriptions de rente ; ne perdons pas de vue que par la conversion opérée l'année dernière nous avons réduit 158 millions de notre dette de 5 à 4 1/2 p. c. C'est un sacrifice de 80,0000 fr. que nous avons imposé aux rentiers, qui, au lieu de 5 p. c, ne reçoivent plus que 4 1/2. Lorsque j'ai suggéré cette mesure, je n'ai pas considéré l'intérêt des rentiers, j'ai vu l’utilité pour les intérêts financiers du pays de leur imposer ce sacrifice de 800,000 francs.

Maintenant cette conversion n'a pas seulement procuré un allégement de 800 mille francs d'intérêt annuel au trésor, mais si on ajoute les frais que cette mesure a économisés, on trouve que le budget a été soulagé d'une somme de près de deux millions. Vous voyez que les rentiers qui n'ont que le grand-livre ont supporté leur part des charges de l'Etat.

L'honorable comte de Renesse vous a parlé encore d'augmenter l’impôt sur les tabacs. Vous vous rappelez les réclamations qui ont surgi quand l'honorable M. Mercier a fait le premier cette proposition ; il est impossible d'augmenter cet impôt sans réduire les revenus de l'Etat. Lorsqu'on a porté le droit de 2 fr. 50 à 12 fr., on avail compté sur une recette de 1,200,000 fr., elle ne s'est élevée qu'à 600 mille francs, ce qui a prouvé, comme on l'a dit souvent, qu'en matière d'impôt et surtout de droit de douane deux fois deux ne font pas quatre. De plus, le mouvement commercial a considérablement diminué, il a diminué dans une proportion beaucoup plus forte que l'impôt, car nous avons vu les importations diminuer des deux tiers ; le travail national s'est ralenti dans la même proportion.

L'honorable député de Bruxelles voudrait aussi frapper le sucre. Je le frappe également. Le sucre produit au trésor 3,500,000 fr. J'augmenterais ce revenu de 350,000 fr. Avec la loi telle qu'elle est le rendement officiel est plus considérable que le rendement effectif. Ainsi tout ce qui se consomme dans le pays se paye.

L'honorable député de Bruxelles voudrait aussi imposer le café. Il produit aujourd'hui 2 millions, ce qui fait 11 francs par cent kilogrammes J'augmente également le droit de 10 p. c, c'est-à-dire que le café payerait 200,000 fr. de plus qu'aujourd'hui.

De manière que, d'après le vœu que je désirerais voir mûrir par M. le ministre des finances (car je ne fais pas de proposition, je me borne à émettre une idée), tous payeraient à proportion, tandis que si nous devons chercher de nouveaux impôts, comme le propose l'honorable M. de Renesse, c'est-à-dire remanier les lois existantes, je suis persuadé que vous ne trouveriez pas, d'ici à deux ans, une ressource d'un million.

L'honorable M. David dit que la Chambre ne votera pas ma proposition d'enthousiasme. Je suis loin de le demander. Moi-même je n'y mets pas d'enthousiasme.

Je demande seulement au gouvernement d'examiner la question. Je crois que nous serons assez bons patriotes pour venir en aide au gouvernement et pour chercher les moyens les moins onéreux, tandis que si vous procédez par voie d'emprunt vous grèverez indéfiniment un budget qui déjà ne présente pas d'excédant de recettes, même en affectant aux dépenses ordinaires le million provenant de la vente des domaines qui aurait dû être affecté à diminuer la dette.

M. de Muelenaere. - Je voudrais soumettre à la Chambre uue seule observation.

D'après l'exposé que vient de donner l'honorable M. Osy, tout le monde, je pense, sera d'accord avec moi, que nous ne pouvons dans ce moment entamer une discussion sur les questions extrêmement importantes que vient de soulever l'honorable député d'Anvers. Ces observations ont été produites à l'improviste. Personne ne se trouve préparé à suivre l'honorable membre sur ce terrain.

Quoi qu'il en soit, il n'a pas fait de motion spéciale ; il s'est borné à recommander ses idées au gouvernement. Lorsque le gouvernement fera des propositions, nous les examinerons avec toute la maturité convenable.

Je dois cependant dès à présent faire une remarque : c'est que je pense que la proposition de l'honorable M. Osy, telle qu'elle est faite, c'est-à-dire la proposition d'augmenter de 10 centimes additionnels toutes les contributions de l'Etat quelles qu'elles soient, n'est pas une conception fort heureuse, et que cet impôt, dans les circonstances actuelles, pèserait très lourdement sur plusieurs catégories de contribuables.

M. de Mérode. - Lorsqu'il s'agit comme l'a dit l'honorable M. Osy, de voter les dépenses, on ne s'en fait pas faute. Ainsi au budget de l'intérieur, on a voté pour la voirie vicinale une augmentation de 200,000 fr. malgré l'opposition du ministre des finances. Pour moi, j'avais proposé d'affecter une somme considérable à l'amélioration de la voirie vicinale, lorsqu'on nous a fait cette fameuse proposition de 120 millions qui ont été absorbés par les travaux à la Meuse, etc.

- Un membre. - Ce n'est pas la question.

M. de Mérode. - Cela a parfaitement rapport à la question ; car si vous ne limitez pas les dépenses aux recettes, vous ne ferez jamais rien qui ait le sens commun.

Il m'est bien permis sans doute de m'élever contre ces gaspillages, lorsque je vois les résultats que j'avais prévus, indiqués et combattus de toutes mes forces.

J'ai ajouté qu'on serait obligé de proposer de nouveaux impôts ; je l'ai dit positivement, non pas une fois, mais dix fois. Aujourd'hui, où en est-on ?

Pouvcz-vous laisser le trésor sans ressources ? Je ne le crois pas ; car un jour viendra où le ministre, avec toute la bonne volonté possible, ne pourra pas payer. On sera donc obligé de voter des impôts nouveaux, ou un emprunt qui aggraverait encore la situation, puisque les intérêts vont toujours en augmentant.

(page 1288) Aussi, tout en blâmant l'honorable M. Osy, est-on obligé de reconnaître qu'il y a quelque chose de raisonnable à ce qu'il propose. Quant à moi, j'aime infiniment mieux sa proposition que rien du tout ; car si l'on ne nivelle pas les recettes avec les dépenses, il sera impossible de continuer à faire marcher les affaires financières du pays.

Ce que je trouve seulement d'un peu trop absolu dans la proposition de l'honorable M. Osy c'est qu'il met 10 p. c. seulement sur toute espèce d'impôt. Or, il serait facile de percevoir des droits beaucoup plus élevés sur le café qui est taxé bien davantage en France et surtout en Angleterre, et qui, d'après ce que me disaient des négociants d'Anvers, subit des fluctuations de prix de 20, 30 et même 40 p. c. sans que l'on s'en aperçoive (à plus forte raison ne s'apercevrait-on pas d'une augmentation de 11 centimes par kilogramme qui résulterait de ce que le droit serait doublé), sur le sucre, sur le tabac ; car si pour ne pas nuire au commerce interlope, nous n'adoptons pas le régime français qui donne un produit de 100 millions, et qui nous donnerait un produit de 5 millions et demi à 6 millions au lieu de 600,000 francs, au moins pourrions-nous augmenter les droits dans une proportion supérieure à 10 p. c.

Tout au moins, me rallierais-je volontiers à l'idée de l'honorable M. Osy, les 10 p. c. étant considérés comme un minimum.

Quant au renvoi de la discussion du budget des finances au budget des voies et moyens, c'est une manière que je ne puis admettre. C'est un procédé commode, mais qui n'amène aucun résultat. Quand on discute le budget des finances, on veut renvoyer au budget des voies et moyens. Quand on discutera le budget des voies et moyens, on trouvera d'autres motifs pour renvoyer au budget des finances. On se tire ainsi d'embarras, à la manière de l'autruche qui, traquée par les chasseurs, se cache la tête derrière un arbre pour ne pas les voir ; ce qui ne l'empêche pas de tomber sous leurs coups.

Quant à moi qui ne désire pas imiter l'autruche, je ne veux point fuir la discussion, et comme il faut pourvoir au déficit du trésor, je suis disposé à voter la proposition de l'honorable M. Osy, non pas avec enthousiasme, mais avec raison, puisque je suis soumis à cette nécessité.

M. Veydt. - L'honorable membre qui vient de s'asseoir a parlé d'une proposition de M. Osy ; il n'y a pas de proposition. C'est une simple indication.

M. de Mérode. - Je n'ai fait qu'appuyer l'idée émise par l'honorable M. Osy, et combattre ceux qui la repoussent. Je demande qu'on l'examine, pour qu'on ne vienne pas dire plus tard : C'est une surprise ; nous n'avons pas eu le temps d'y penser. Je demande qu'on y réfléchisse, et qu'on ne repousse pas l'idée.

M. Tesch. - Dans une séance antérieure il avait été convenu, je pense, que la discussion relative à la situation qu'a laissée l'ancienne administration serait renvoyée à la discussion du budget des voies et moyens. Cela avait été convenu il y a environ six semaines, lorsque encore une fois l'honorable M. Osy avail fait allusion, en l'absence de l'honorable M. Frère, à cette situation, M. Frère étant entré quelques moments après dans la salle, il a été dit, si ma mémoire est fidèle, que cette question serait examinée lorsqu'on s'occuperait du budget des voies et moyens.

J'ai donc été étonné de voir l'honorable membre soulever aujourd'hui cette question, alors que l'honorable M. Frère est absent. Aucun de ses anciens collègues ne s'y attendait ; il nous serait impossible de répondre aux chiffres mis en avant par l'honorable M. Osy et d'entamer une discussion à ce sujet.

Je dois donc faire toutes mes réserves pour ramener l'examen de cette question au moment où l'on discutera le budget des voies et moyens, auquel elle se rattache tout naturellement.

M. Osy (pour un fait personnel). - Il a été convenu avec l'honorable M. Frère, il y a maintenant six semaines, que nous aurions examiné la gestion financière de l'ancien cabinet à l'occasion du budget de la dette publique. Ce budget a été voté, il y a 15 jours, mais l'honorable M. Frère ne se trouvant pas dans le pays nous avons cru ne pas devoir soulever la question. Aujourd'hui il est de retour et j'ai même eu l'honneur de le voir samedi dernier ; je crois donc qu'il est plus que temps d’examiner la situation, puisque la session va à sa fin. Or pour bien apprécier la situation actuelle, il était indispensable de parler er du passé. J’ai pris une grande part au malheur qui a frappé l'honorable M. Frère, et pendant son absence je me serais bien gardé de soulever cette discussion ; mais aujourd'hui j'ai cru pouvoir l'aborder sans aucune indélicatesse, puisque, je le répèle, l'honorable membre est de retour.

M. Tesch. - Je n'ai pas reproché la moindre indélicatesse à notre honorable collègue M. le baron Osy ; je n'ai pas l'habitude de faire des reproches semblables à qui que ce soit, beaucoup moins encore à mes collègues qu'à tous autres.

J'ai cru me rappeler que l'examen de la situation financière avait été renvoyé à la discussion du budget des voies et moyens ; l'honorable M. Osy me dit que c'est à la discussion du budget de la dette publique ; je me suis donc trompé, mais l'honorable membre comprendra qu'alors même que je me suis trompé, il m'est impossible aujourd'hui de discuter ces chiffres et je me suis borné à faire une réserve, à dire que je ramènerai la discussion lorsque nous nous occuperons du budget des voies et moyens.

M. Dumortier. - Je trouve que l'honorable M. Osy est loin d'avoir mal fait de nous entretenir de la situation financière. Certainement il est regrettable qu'un honorable membre de cette Chambre ait été forcé de s'absenter depuis quelque temps par un malheur auquel nous prenons tous part, mais cependant l'intérêt du pays nous commande de ne pas retarder davantage l'examen de la question soulevée par l'honorable M. Osy.

Pour moi, messieurs, je dis que la situation du trésor public est due avant tout au projet gigantesque de travaux publics qu'on nous a apporté en 1851.

M. Lesoinne. - Elle est due au budget de la guerre.

M. Dumortier. - Si vous voulez défendre la nationalité du pays avec quelques brigades de gendarmerie, libre à vous ; mais ce système n'est pas le mien ; je dis que le maintien de la nationalité belge est une chose pour laquelle nous devons nous imposer tous les sacrifices.

Mais en matière de travaux publics il est beaucoup de choses qui peuvent être ajournées, et c'est en précipitant l'exécution des travaux publics que nous sommes arrivés à avoir un budget réellement écrasant.

Eh bien, messieurs, si ce sont les travaux publics qui ont causé tout le mal dont nous nous plaignons tous, comment se fait-il que nous ne soyons pas d'accord pour vouloir qu'ils le fassent cesser ? Je dis, pour mon compte, qu'il existe une ressource très grande sur laquelle les financiers n'ouvrent pas assez les yeux, c'est de faire rapporter au chemin de fer et aux canaux plus qu'ils ne rapportent.

Cette thèse, je l'ai soutenue devant vous depuis plus de dix ans. On a prétendu que tout ce que je disais était déraisonnable, que c'était de l'exagération ; il n'y avait pas d'expressions assez fortes pour condamner mes paroles ; eh bien, voyez ce qui se passe : vous avez commencé à réaliser ce que j'ai demandé, et quel a été le résultat des mesures prises en ce sens ? Une augmentation considérable dans les recettes.

L'an dernier le chemin de fer a produit 19 millions, c'était déjà une augmentation sensible, et si les choses continuent comme elles marchent maintenant, si les mois suivants de cet exercice correspondent aux mois qui sesont écoulés jusqu'ici, nous aurons un excédant d'au moins 3 millions de francs sur les recettes de l'année dernière.

Il est certain que d'après les produits obtenus pendant les mois de janvier et de février, d'après les tableaux que le Moniteur a publiés il y a quelques jours, nous devons nous attendre, pour cette année à une recette de 22 millions. Eh bien, messieurs, je crois qu'alors même les revenus du chemin de fer n'auront pas dit leur dernier mot ; je crois que sous ce rapport il y a encore à faire et beaucoup à faire.

Oh ! je sais bien que toutes les parties prenantes au chemin de fer trouvent commode d'obtenir les transports à vil prix, même quand le gouvernement est en perte ; quant à moi lorsque je vois les chemins de fer français et anglais rapporter beaucoup plus que les nôtres, je dis que nous devons également augmenter nos recettes.

On viendra me dire qu'il faut des millions pour augmenter le matériel et on a cité tout à l'heure le chiffre de 10 millions ; eh bien, je déclare que si l'on venait nous demander ces 10 millions je les refuserais sans hésiter ; je dirais au gouvernement : Vous avez votre matériel qui vous a rapporté et qui vous rapporte encore ; eh bien, quand les temps seront meilleurs et quand les recettes du chemin de fer auront atteint le chiffre de 26 ou 27 millions, alors nous aviserons. Le talent du gouvernement n'est point d'augmenter les recettes du chemin de fer pour consacrer les sommes obtenues en plus, à faire de nouvelles dépenses ; le talent du gouvernement est d'élever les recettes du chemin de fer, de manière qu'elles puissent, dans un moment difficile, venir en aide à l'Etat, qui a fait tant de sacrifices pour le chemin de fer.

Je dis donc, messieurs, que c'est là une source de revenus qu'il ne faut point perdre de vue. Mais venir demander à la Chambre des dépenses équivalentes à l'augmentation de recettes qu'on a obtenue, dépenses qui peuvent être utiles, mais qui ne sont pas indispensables, je dis que c'est là un calcul que ne fera jamais un homme qui gère ses intérêts privés.

Maintenant, messieurs, je ne veux pas entrer dans l'examen de tous les impôts proposés, mais je dois dire qu'il y a eu du courage de la part de M. Osy à sonder la plaie et à indiquer un remède.

L'honorable membre a parlé d'augmenter de 10 p. c. tous les impôts sans exception : je ne pense pas que ce soit le moment de voter une pareille augmentation, et si elle était proposée formellement aujourd'hui, je crois que la Chambre devrait la repousser. Mais je dis que l'indication de ce moyen ne doit pas être repoussée avec dédain. C'est de cette manière qu'aux grandes époques de la révolution, il a été pourvu aux besoins du trésor : le ministère est venu alors demander des centimes additionnels, vu les circonstances extraordinaires, et c'est ainsi que nous avons pu traverser ces circonstances extraordinaires sans nous endetter trop fortement. Il ne faut donc pas dédaigner d'une manière absolue le moyen indiqué par l'honorable M. Osy, mais je dis que le moment serait très mal choisi pour y avoir recours.

L'honorable M. Osy l'a dit lui-même avec infiniment de raison, ce n'est pas dans un moment de crise, lorsque toutes les denrées alimentaires sont à des prix très élevés, lorsque la gêne commence a paraître chez les petits industriels, chez les petits cultivateurs, chez les boutiquiers et débitants ; ce n'est pas dans un pareil moment qu on peut songer à augmenter les impôts.

Mais messieurs, dans tous les cas, le moyen que je repousserai avant tout et au-dessus de tout, c'est le moyen de l'emprunt : il est impossible que le pays crée toujours de nouvelles dettes sans marcher au précipice ; il faut savoir, lorsque le moment est venu, donner un coup de trait financier pour faire sortir le pays d'une mauvaise position, mais, je le répète, ce moment ne me semble pas arrivé.

(page 1289) Je ne pense pas d'ailleurs qu'on discute le budget des voies et moyens dans le cours de cette session ; la Chambre devant être renouvelée par moitié, on fera très bien de remettre, comme on l'a fait dans le passé, de remettre cette discussion à la session prochaine : le budget des voies et moyens doit être entre les mains de la Chambre nouvelle ; il ne serait pas juste, il ne serait pas même constitutionnel que la Chambre nouvelle ne fût pas mise à même de voter le budget de l'exercice prochain. Eh bien, ce sera alors le moment d'examiner ces questions. Dans tous les cas, nous n'avons pas à prendre l'initiative en pareille matière, c'est au gouvernement à la prendre sous sa responsabilité.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je répondrai d'abord deux mots à l'interpellation que m'a adressée l'honorable M. David relativement à l'expiration du traité avec le Zollverein. L'honorable membre a engagé le gouvernement à faire cesser toutes les entraves que l'on éprouvait dans le rayon des douanes sous l'empire de la convention pour la répression de la fraude ; eh bien, je puis assurer à la Chambre que le jour où ce cartel de douanes est venu à expirer, l'ordre a été donné de faire cesser tous ses effets, et, à l'heure où nous sommes, la douane belge ne prête plus ses services à la douane allemande, pas plus que la douane allemande ne prête ses services à la douane belge.

Chacun surveille l'exécution des lois de son pays ; rien de plus, rien de moins. En deux mots donc, tous les effets de la convention sont venus à cesser, et les populations, dans le rayon de la douane, se trouvent replacées dans l'état de choses où elles étaient avant la convention.

Messieurs, dans le discours que l'honorable M. Osy vient de prononcer, il y a deux choses : d'abord le chiffre de notre découvert ; ensuite, les causes de ce découvert. Quant au chiffre, je déclare qu'il est exact ; quant aux causes, je crois avec l'honorable M. Tesch qu'il convient de les examiner dans une autre circonstance, si tant que la Chambre le juge utile.

Je dis « si la Chambre le juge utile », car, pour moi, je déclare franchement que ces débals auxquels on consacre des séances entières, à l'effet de rechercher pour quelle part chacun des ministères précédents peut être dans le déficit qui existe... (interruption), y compris le ministère qui est aux affaires. Ce déficit est tout autant l'œuvre de la Chambre que celle des ministères, attendu que toutes les dépenses sont votées librement par la majorité de l'assemblée.

Toutefois, je déclare que je ne recule nullement devant cette discussion et je l'entamerai quand on voudra.

Ce déficit ou plutôt ce découvert est en réalité de 29 millions auxquels viennent se joindre près de 11 millions, résultant des demandes de remboursement qui ont été faites lors de la dernière conversion. Eh bien, cela n'est pas à proprement parler un découvert ; l'honorable membre en conviendra, attendu que 11 millions et plus qui ont été remboursés, sont représentés dans la caisse de l'Etat par les titres des obligations dont on a demandé le remboursement, de telle sorte que nous payons aujourd'hui, au budget de la dette publique, au moins l'intérêt de ces 11 millions.

Il n'en est pas moins vrai cependant que ces 11 millions élèvent le chiffre du découvert à 41 millions.

Eh bien, si les temps étaient normaux, je dis que cette situation ne présenterait rien d'alarmant. En 1847, le découvert était à peu près au même chiffre, et le pays en est sorti très facilement ; nous en ferions autant, si les temps étaient ordinaires. Mais, comme on l'a très bien dit nous entrons dans une situation politique grave. On a beau dire : Les événements politiques n'atteignent pas notre pays. Non, sans doute ; ils n'atteignent pas directement notre pays ; mais il faudrait fermer les yeux à la lumière pour ne pas reconnaître que ces événements, bien qu'ils s'accomplissent en Orient, exerceront uue influence désastreuse sur la plupart des sources de la richesse publique, sur le développement de notre industrie.

Ainsi, il est à ma connaissance que si l'on en excepte les constructeurs de machines et les établissements métallurgiques, il n'arrive plus de nouveaux ordres ; la plupart de nos grands établissements ont encore des ordres pour six mois, mais il n'en vient pas d'autres. Ainsi, dans quelques mois, il y aura un ralentissement dans beaucoup de grandes industries et une diminution de recette dans la plupart de nos impôts indirects.

Je citerai notamment le chemin de fer, les voies navigables et les transports par terre. On ne peut pas se faire une idée de la diminution que nous avons à craindre de ces trois chefs. Ainsi, sur les 20 millions de diminution de recette que l'épouvantable catastrophe de 1848 a occasionnée à la Belgique, six prenaient leur origine dans la diminution de recette des canaux, du chemin de fer et des transports par terre.

Force sera donc d'aviser au moyen d'augmenter la recette. A quel moyen le gouvernement aura-t-il recours ? Je sais gré à l'honorable M. Osy de l'indication qu'il vient de me donner. Je dirai même que récemment, étant appelé dans le sein de la réunion des présidents des sections, pour la discussion en sections du budget des voies et moyens, j'ai développé un système qui ne s'éloigne pas beaucoup des idées présentées dans cette séance.

Du reste, il y a encore un projet de loi qui est à l'ordre du jour après le budget des finances et qui est de nature à diminuer de quelque peu le découvert, si ce projet venait à être adopté. C'est la loi sur les distilleries. Je ne me fais pas illusion : je crains fort que ce projet n'ait le même sort que la contribution personnelle.

L'honorable M. de Renesse peut en être persuadé, il en serait de même si, au lieu d'une loi sur les distilleries, j'étais venu avec une loi sur le tabac, sur le sucre ou sur le café.

Je puis dire que depuis 1830, il n'y a pas de ministre des finances qui se soit occupé plus que moi de lois d'impôts, non pas que je veuille faire un reproche à mes honorables prédécesseurs ; je les félicite, au contraire, de ne s'être pas trouvé dans une situation qui leur rendît nécessaire la recherche de nouveaux impôts. J'ai en ce moment sur mon bureau une loi de révision de la législation sur les patentes. Mais encore une fois cette loi n'est pas destinée à amener une forte recette dans le trésor public ; on voudra diminuer quelque peu les petits patentables, et aggraver quelques gros patentables qui forment l'infime minorité, et l'on arrivera bien plutôt à une diminution qu'à une augmentation de recettes. Vous avez la loi sur la contribution personnelle qui est très importante et qui est une loi organique.

La loi sur les distilleries est à l'ordre du jour, c'est une loi complète ; eh bien, si cette loi éprouve le même sort que la loi sur la contribution personnelle, force me sera, avant la séparation de la Chambre, de présenter une dernière loi pour faire face à toutes les éventualités.

J'ai entendu dire qu'on pourrait faire en Belgique ce qu'on fait en Angleterre : imposer les rentiers de l'Etat. Eh bien, je crois que ce serait de tous les systèmes le moins praticable. Le pays, dans ce moment, est saturé de sa dette publique, c'est-à-dire que notre dette publique est, pour une très grande partie, casée dans l'intérieur du pays ; mais je crois qu'il serait très difficile de lui en faire absorber une portion plus considérable ; qu'en résultera-t-il si l'étranger qui doit forcément prendre part dans les emprunts que la Belgique négociera dans l'avenir ; si l'étranger sait que l'Etat belge impose ses rentiers ? Je suis convaincu que celui qui émettra un emprunt, escomptera ce quart ou cette moitié dont la législature aurait frappé les rentes sur l'Etat.

Au reste, je n'ai vu que des indications dans tout ce qu'a dit l'honorable M. Osy, je lui en sais gré ; j'en ferai mon profit, lorsque le moment sera venu, si tant est qu'il arrive.

Ce qu'il y a de plus évident pour tous, c'est qu'il est impossible de continuer à payer s'il n'y a pas d'argent. Nous arriverions infailliblement à cette situation si perpétuellement on poussait le gouvernement à construire, à continuer les travaux publics, à leur imprimer plus d'activité si c'est possible et qu'ensuite on refusât de se prêter à la création de nouvelles ressources pour faire face aux dépenses.

(page 1291) M. de Brouwer de Hogendorp. - Je vous demande pardon, messieurs, de vous occuper d'une question qui est étrangère à l'ordre du jour, mais je ne puis laisser sans réponse ce que vous a dit l'honorable M. Dumortier concernant l'inutilité de nouvelles dépenses à faire pour le chemin de fer. Veuillez m'accorder votre attention bienveillante pour quelques minutes. Je serai bref.

L'honorable membre vous a dit que le chemin de fer pouvait vous donner des ressources considérables. Je suis complètement de son avis sur ce point ; mais voici en quoi je diffère avec l'honorable membre.

L'honorable M. Dumortier croit qu'avec ses moyens actuels de production, dans l'état actuel de la voie, des stations et du matériel, le railway pourra fournir au trésor 22 millions et peut-être davantage, à la seule condition qu'on augmente les tarifs. Je ne m'oppose pas à une augmentation raisonnable et prudente des tarifs ; je ne nie pas que les tarifs puissent avoir une influence favorable ou défavorable sur les recettes ; sur ce point donc, je ne combats pas l'honorable membre ; mais je dis que si vous voulez augmenter les tarifs, il est, avant tout, nécessaire que vous vous soumettiez à une règle qui est fondamentale dans l'exploitation des chemins de fer et qui seule assure le succès c'est la célérité et la régularité dans les expéditions pour les marchandises, c'esl la célérité et la sécurité pour le transport des voyageurs.

Or, je soutiens que dans l'état actuel de notre chemin de fer, il n'est plus possible d'observer cette règle. La voie est mauvaise sur une très grande étendue de nos lignes ; donc pas de sécurité. Notre matériel est insuffisant et en mauvais état ; donc pas de célérité, pas de régularité dans les expéditions ! Si dans l'étal actuel des choses, l'honorable M. Dumortier compte sur un accroissement de produits nels, je n'hésite pas à lui déclarer qu'il s'expose à de grands mécomptes.

Vous aurez beau augmenter les tarifs, vous aurez beau voter des lois qui, d'après lui, doivent augmenter vos recettes, vos efforts resteront vains, à moins que vous ne portiez en même temps remède à ce qu'il y a de défectueux dans vos moyens d'exploitation. Récemment vous avez voté une loi portant augmentation du prix de transport par les convois express ; eh bien, je le déclare en conscience, ces convois ne sont établis sur une partie de nos lignes qu'au risque de la sûreté des voyageurs. Vous ne voulez rien dépenser, dites-vous ! la vie des hommes est-elle donc si peu de chose que la question d'argent doive l'emporter ? Certaines parties de nos lignes sont en si mauvais état, que si elles appartenaient à des compagnies, l'Etat y interdirait la circulation.

Je suppose que nous soyons assez heureux pour voir la situation politique ne pas s'empirer ; parviendrez-vous à maintenir les recettes dm chemin de fer à 20 millions ? Non ! à moins que vous ne mettiez votre exploitation en bon état, vos recettes baisseront, car ni votre matériel, ni votre voie ne suffiront plus aux transports que vous avez faits en 1853. Et si la situation politique devient plus mauvaise, vous flattez-vous de voir encore 20 millions entrer dans les caisses de l'Etat ? Non !

Vous devez avoir cet espoir que si vous parvenez à attirer au chemin de fer des transports qui lui échappent aujourd'hui, c'est-à-dire en mettant dans vos opérations plus de célérité, plus de régularité que vous n'en mettez maintenant, en augmentant les facilités et les avantages que peuvent avoir les expéditeurs à se servir du chemin de fer, c'est-à-dire en améliorant votre système d'exploitation, votre matériel et vos stations.

(page 1292) Mais, je vous prie de remarquer, messieurs, que tout n'est pas dans l'augmentation des recettes ; la question des dépenses n'est pas moins importante. Le chemin de fer dépense aujourd'hui plus de 11 millions. Ces dépenses réduisent d'autant les recettes.

Il me semble qu'il ne doit pas être indifférent pour l'Etat de voir réduire ces dépenses de 2 ou de 3 millinus. Or, c'est là un côté de la question que l'honorable M. Dumortier a complètement perdu de vue. S'il en eût été autrement, il aurait compris la nécessité qu'il y a de consolider la voie pour éviter les dépenses excessives de matériaux et de main-d'œuvre, d'obvier aux causes de perturbation qui agissent d'une manière si fâcheuse sur le matériel roulant, de réduire de 50 p. c. la consommation du coke, de faciliter le travail dans les stations, de réduire les manœuvres, etc.

Mais toutes ces améliorations ne peuvent être faites, toutes ces économies ne peuvent être réalisées qu'en remaniant une partie de la voie, en établissant des voies d'évitement, en construisant des hangars à marchandises, en remplaçant une partie de nos locomotives, en modifiant le système des moins défectueuses, en augmentant le nombre de nos waggons.

M. le président. - J'engage l'orateur à se renfermer dans le budget des finances.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je sais, M. le président ; que je traite une question qui ne devrait pas être traitée en ce moment, mais j'ai pris d'avance la précaution de demander pardon à la Chambre de l'occuper d'un point que je n'étais pas préparé à traiter. Je n'ai été entraîné sur ce terrain que malgré moi, par les observations faites par l'honorable M. Dumortier, observations que je n'ai pas pu laisser sans réponse, parce que je craignais les impressions fâcheuses qu'elles auraient pu exercer sur l'esprit de la Chambre. Au surplus, je ne tiens pas à en dire davantage et je vais finir.

M. le président. - La parole est continuée à l'orateur ; je voulais seulement l'engager à ne pas trop s'écarter de l'objet en discussion.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je ne puis donc pas partager, messieurs, l'opinion de l’honorable M. Dumortier. Je ne veux pas qu'on dépense pour le chemin de fer un centime qui ne serait pas reproductif ; mais les dépenses auxquelles l'honorable baron Osy a fait allusion, je les considère comme urgentes et je crois que la Chambre ent allouant un crédit pour les couvrir ne fera qu'une avance placée à gros intérêt.

M. Dumortier. - A quel chiffre montent-elles ?

M. de Brouwer de Hogendorp. - M. le baron Osy vous l'a dit.

(page 1289) M. Orts. - Je suis parfaitement de l'avis de l'honorable M. de Muelenaere. La Chambre est mal préparée pour une discussion aussi importante. Je ferai de plus remarquer que les propositions de la nature de celle que vient de faire l'honorable M. Osy doivent plutôt venir du gouvernement à la Chambre qu'aller de la Chambre au gouvernement. Cette observation faite, je crois néanmoins pouvoir appeler l'attention de la Chambre et du gouvernement sur un point ; avant de s'occuper de la création de nouveaux impôts, il faudrait, à mon avis, voir d'abord s'il n'y a pas moyen de tirer, des impôts actuellement existants, quelque chose de plus qu'ils ne donnent maintenant, non pas en aggravant le chiffre de l'impôt, parce que l'aggravation porterait sur ceux qui payent déjà sans atteindre ceux qui trouvent moyen de se soustraire à l'impôt qu'ils devraient payer, mais en cherchant à atteindre ces contribuables qui ne payent pas et qui devraient payer.

Je prierai M. le ministre d'examiner si son administration ne pourrait pas, par une meilleure application, amener les impôts existants à donner un produit plus rapproché de la somme qu'ils doivent produire. Il est impossible, en effet, que des lois d'impôt fonctionnent longtemps sans que les contribuables ne découvrent à la longue un moyen quelconque d'éluder, d'éviter l'impôt. Donc, au bout de quelques années d'application d'une loi d'impôt, la tâche importante consiste à rechercher les moyens de rétablir l'équilibre, entre ceux qui se sont ingéniés à frauder le fisc et ceux qui n'ont pas pris cette peine ou qui par bonne foi et conscience ont continué à payer leur dette au pays.

En matière d'enregistrement, par exemple, n'a-t-on pas découvert par la pratique mille moyens de passer des contrats, de faire des actes, de conclure des conventions qui ne payent pas et qui devraient payer ; qu'il était dans l'intention du législateur de faire payer et pour lesquels payent ceux qui ne cherchent pas à frauder la loi ? Pareil état de choses, n'est pas juste.

En matière d'enregistrement, je le répète, ces détours sont très fréquents.

Je regrette d'être pris ici à l'improvisle, car j'aurais pu singulièrement multiplier les exemples. Citons-en un entre mille.

Le droit de quittance rapporte itès peu de chose ; parce que le droit payé est un droit assez minime lorsque la quittance figure dans l'acte même d'obligation.

Or, quand on achète, et quoique rarement on ait de quoi payer, on met une quittance fictive dans l'acle et on convient de termes de payement au moyen d'une contre-lettre.

A chacun de ces termes une quittance non enregistrée est donnée. On se soustrait ainsi à l'obligation de payer le droit de quittance aux dépens de la sécurité même des parties, parce qu'il faudrait payer un droit proportionnel. Si toutes les quittances étaient soumises à uu droit fixe, personne ne chercherait à s'y soustraire. Le gouvernement rendrait un service aux contribuables en enregistrant les quittances et percevrait un droit pour prix de ce service. L'impôt produirait plus, et le contribuable gagnant en sécurité dans ses transactions ne murmurerait pas.

(page 1290) Autre exemple.

Aujourd'hui il est certain que le droit payé sur les apports dans les sociétés civiles qui se font entre gens de mainmorte de fait, non de droit, sont très minimes et que les conditions dans lesquelles se font ces sociétés permettent qu'il en soit ainsi au point de vue du droit.

Puisque la jurisprudence assimile ces communautés qui se prolongent à l'infini à des sociétés ordinaires devant se dissoudre un jour d'après le cours ordinaire des événements, et je ne suis pas contraire à cette jurisprudence, je la considère comme très légitime, mais puisqu'il en est ainsi, il est incontestable aussi qu'un apport dans ces communautés qui ne doivent jamais se dissoudre devrait payer plus qu'un apport dans une société qui doit se dissoudre un jour. Pourquoi ? Par cela même que l'apport une fois englobé et immobilisé, là ne produira plus jamais rien au fisc. Ce péril effraye à bon droit. Ceux qu'il effraye contestent la légalité de l'acte, tracassent ceux qui le posent et n'y gagnent rien. Pourquoi ne pas se borner à demander quelque chose de plus aux associés de ce genre qu'à d'autres associés, un droit périodique par exemple, au lieu d'un droit une fois payé ? Tout le monde y trouverait son compte, et les gens qui dans l'état de la législation éludent impunément la loi restrictive de la mainmorte et le fisc lui-même.

Ensuite il y a des dégrèvements accordés, en matière d'enregistrement, qui ne devraient plus l'être. J'indiquerai les dégrèvemenls accordés, en 1824, sur les ventes de bois considérées comme ventes mobilières. Si les droits étaient perçus conformément à la loi de frimaire an VII, ils rapporteraient davantage, sans porter préjudice à des contribuables très capables de supporter cette aggravation légère.

On pourrait appliquer ce système à d'autres impôts, par exemple à la contribution personnelle. Ainsi, il faudrait atteindre ceux qui, par de fausses déclarations, réussissent à se soustraire en partie à cette taxe. Rappeler à la véritable exécution de la loi, vaudrait mieux que de changer les bases.

Il suffirait pour cela de quelques instructions aux employés de l'administration, et de faire cesser une faculté dont M. le ministre des finances a annoncé qu'il demanderait la suppression au budget de l'exercice prochain.

M. le ministre des finances a parlé de la révision dè la loi des patentes. Un mot, à ce propos.

Nous serons appelés, paraît-il, à examiner si les sociétés anonymes étrangères pourront légalement et très largement fonctionner chez nous, à côté des sociétés anonymes nationales. Or, les sociétés anonymes belges payent une patente ; les sociétés anonymes étrangères payeront-elles aussi une patente en Belgique ? Je soumets cette idée à M. le ministre des finances ; je serais charmé de voir qu'elle produisît quelque chose, car l'étranger payerait au lieu du Belge.

Il est une autre idée que je me permettrai de suggérer encore à M. le ministre des finances. Il nous disait à l'instant : « Le pays est saturé de sa dette ; tout le placement se fait à l'intérieur. » Par conséquent, il repoussait l'idée d'un impôt sur les rentes dues par l'Etat, impôt que je repousse avec lui, mais pour d'autres motifs. Cette réflexion de M. le ministre des finances m'en fournit une autre. Aujourd'hui une grande quantité de donations et de legs se font à des communautés qui, dans l'état actuel de la législation, jouissent de la personnification civile, aux provinces, aux communes, aux hospices, aux fabriques, aux bureaux de bienfaisance, aux fondations de bourse, etc. La plupart de ces établissements possèdent tous les biens immeubles nécessaires à leurs besoins. Pourquoi, sauf les exceptions dont quelques circonstances particulières pourraient faire reconnaître la nécessité, pourquoi l'autorisation pour ces établissements d'accepter les dons et legs qui leur seront faits à l'avenir ne serait-elle pas donnée par le gouvernement à la condition de transformer l'objet légué s'il est immobilier en rentes sur l'Etat ?

Pareille mesure améliorerait la situation de la dette, qui, dit-on, se trouve en trop grande abondance entre les mains des particuliers, et ne rencontre plus d'acheteurs dans le pays. Elle permettrait à l'administration de l'enregistrement de percevoir, en outre, sur les immeubles vendus un droit de mutation entre vifs. Il y a là évidemment une ressource assez considérable qui n'est pas à dédaigner.

On pourrait obtenir de ces établissements administrant sous la haute tutelle du gouvernement qu'ils se chargent d'une partie plus considérable encore de la dette, en leur interdisant le placement de leurs fonds à la caisse d'épargne et en les engageant ou les contraignant, s'il le faut, à y substituer le placement en fonds publics nationaux.

M. Coomans. - Ce seraient des emprunts forcés.

M. Orts. - Ce seraient des emprunts forcés indirects soit, mais très légitimes, attendu que les caisses d'épargne n'ont été instituées que pour favoriser l'accumulation des économies des particuliers, et c'est aller directement contre le but et l'esprit de l'institution que de recevoir dans ces caisses les fonds des établissements publics.

Beaucoup d'idées nouvelles ont été émises par divers orateurs. Elles tendent toutes vers la création d'impôts nouveaux à laquelle je préfère la régularisation des impôts existants.

L’honorable M. de Renesse a cité plusieurs bases de matière imposable. Sans les admettre, sans même les discuter ainsi à l'improviste, il en est une que je dois particulièrement appuyer, c'e'st l'impôt sur les créances hypothécaires. Depuis la nouvelle loi hypothécaire, les difficultés pratiques qui pouvaient rendre cette idée peu réalisable me semblent complètement disparues et je necomprends plus dès lors pourquoi ce revenu échappe à la taxe.

Enfin je signalerai un dernier élément de ressources que l'on n'a pas cité : ce seraient les cautionnements à demander à certains officiers publics, aux notaires et aux greffiers, par exemple, et à des taux minimes d'intérêt.

Je ne donne pas ces idées improvisées comme merveilleuses et comme pouvant éviter de nouveaux sacrifices à l'Etat, loin de là.

Mais avant de demander de nouveaux sacrifices, il faut, me semble-t-il, chercher tous les moyens possibles de faire produire aux impôts tout ce qu'ils sont susceptibles de rendre, surtout en faisant payer ceux qui devraient payer et ne payent pas.

Cette besogne accomplie s'il est indispensable de voter de nouveaux impôts, je ne serai pas le dernier à les voter. J'ai fait mes preuves sous ce rapport. J'ai voté, par exemple, l'impôt sur les successions, parce que je le croyais juste et nécessaire, lorsque beaucoup de membres qui nous conseillent aujourd'hui ne le votaient pas. T jje me hâte de le dire, si cet impôt était derechef demandé par quelque ministère que ce fût, quelle que fût sa couleur politique, je le voterais encore.

M. Dumortier. - Je ne veux dire qu'un seul mot, c'est pour ne pas laisser la Chambre sous l'impression des idées entièrement fausses à mon avis qui ont été émises par l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp.

Je ne puis croire que le moyen d'améliorer les recettes du chemin de fer soit d'y verser dix millions. Le chemin de fer va bien ; il marche d'une manière satisfaisante. C'est avec ses propres ressources qu'il doit augmenter les ressources du pays. On ne doit pas considérer une entreprise sous un point de vue étroit ; on ne doit pas la regarder comme constituée de telle manière qu'elle doive, pendant toute l'année, transporter la houille qu'elle a pu transporter en décembre dernier.

Ce sont des circonstances extraordinaires, en vue desquelles le service ne doit pas être organisé. Toutes les augmentations de dépense et de matériel doivent donc être ajournées. J'engage le ministère à ne pas toujours augmenter les dépenses de travaux publics ; je l'engage surtout à ne pas créer de nouvelles sources de dépenses. Quand on évite des dépenses, on recueille de grands bénéfices, car, comme dit Tacite, magnum vectigal, magna parcimonia.

M. Rogier. - Ce n'est pas en ce moment que je m'attendais à une discussion financière. Je croyais, comme l'honorable M. Tesch, que cette discussion aurait été renvoyée au budget des voies et moyens ; je m'associe aux réserves qu'il a faites. Le découvert signalé dans notre situation financière, on vient de nouveaude l'attribuer à ce qu'on a appelé nos gigantesques travaux publics, les gaspillages de la Meuse. M. le ministre des travaux publics sous l'administration de qui ces travaux ont été projetés, défendus et exécutés, serait à même, j'en suis convaincu, de répondre d'une manière tout à fait victorieuse à ces accusations. Je me bornerai à faire remarquer que les travaux à exécuter par l'Etat doivent entraîner une dépende de 26 millions, et qu'à l'heure qu'il est ces travaux sont loin d'avoir absorbé cette somme.

La grande loi de travaux publics comprend trois espèces de travaux.

1° Travaux exécutés sans aucun concours de l'Etat, et qui, par conséquent, ne coûtent rien au trésor ;

2° Travaux exécutés avec la garantie d'un minimum d'intérêt. (Les travaux exécutés jusqu'à présent dans ces conditions donnent lieu à une dépense annuelle de 80,000 fr.) ;

3° Travaux exécutés directement par l'Ettl.

C'est à ceux-ci que les honorables MM. Dumortier et de Mérode ont fait allusion. Les travaux de la Meuse, dont ils ont parlé, figurent dans la loi pour 8 millions dont il faut déduire les sommes allouées par la province et par la ville de Liège, jusqu'à concurrence de 1,300,000, ce qui réduit la dépense à charge de l'Etat à 6,700,000 fr. Encore faut-il tenir compte du rabais obtenu à l'adjudication sur l'évaluation de la dépense.

Pourquoi s'attache-t-on exclusivement aux travaux de la Meuse ? Pourquoi cet acharnement dont ce travail hydraulique est l'objet ? Pourquoi ne pas rappeler aussi qu'à la suite de 50 discours prononcés par l'honorable M. Dumortier il a été applique des sommes considérables à l'amélioration du régime de l'Escaut ?

M. Dumortier. - On n'a pas dépensé un centime.

M. Rogier. - L'Escaut figure dans les 26 millions pour 1,500,000 fr. ; l'achèvement du canal de Deynze pour 2,500,000 fr. Les travaux hydrauliques réunis s'élèvent à des sommes plus considérables que ceux de la Meuse. Cependant c'est à ceux-ci qu'on s'attaque exclusivement. Evidemment, il y a là un but qui n'échappera à personne. Je dois protester contre cette manière de récriminer contre un ministre absent pour un motif légitime, dont on devrait, je ne dirai pas par délicatesse, mais par convenance, attendre îa présence pour se livrer à de pareilles récriminations.,

Si j'avais supposé qu'il s'établirait ici une espèce de concours pour les idées financières à suggérer aux ministres, j'aurais pu m'y préparer. Mais n'ayant pas prévu cette discussion, je ne puis entrer dans la lice. Lorsque le moment sera venu de discuter les voies et moyens, on pourra revenir sur tout ceci. En attendant je ne vois pas de motif de préférer aux propositions du ministère celles qui ont surgi dans le sein de la Chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'étais pas présent à la séance lorsque l'on parlé de la loi du 20 décembre 1851 relative à l'ensemble de travaux pullics voté par la Chambre. Je tiens à répondre aux critiques présentées à ce sujet.

(page 1291) Pour ce qui concerne la garantie d'un minimum d'intérêt, je ferai remarquer que plusieurs demandes ont été introduites dans la loi par la Chambre. D'après le projet, la garantie portait sur un capital de 42 millions ; la Chambre l'a fait porter sur un capital de 67 millions. Pour les lignes garanties par un minimum d'intérêt, il en est qui ne sont pas concédées définitivement.

En tout cas, pour les travaux à exécuter pour le compte de l'Etat, je ferai remarquer qu'ils étaient d'une nature telle que l'on n'aurait pas pu se passer de l'intervention directe de l'Etat. Jusqu'à présent, sur la somme de 20 millions, il y a à peine 7 ou 8 millions qui aient été appliqués à des travaux publics.

Pour ce qui concerne la Meuse, le vote de la Chambre a été émis à une grande majorité. D'autre part, les Flandres n'ont pas été oubliées. La Chambre a voté le canal de Schipdonck, qui a déjà absorbé un capital de 3,000,000 fr. Une somme de 2,500,000 fr. a été votée pour l'extension du prolongement du canal de Deynzc à Schipdonck. Et il faudra encore une dépense de 2,500,000 fr. pour achever ce canal. De manière qu'il aura été fait pour les Flandres une dépense de 8,000,000 fr.

Quant à l'Escaut, l'honorable M. Dumortier est dans l'erreur, lorsqu'il prétend qu'il n'a été rien fait. On a dépensé un million pour améliorer le régime de l'Escaut.

Après cela on a voté 1,500,000 francs. Déjà on a engagé plusieurs centaines de mille francs.

Je le répète, des travaux décrétés en 1851, la plupart exigeaient impérieusement le concours de l'Etat. Ils devaient être exécutés par l'Etat ; ils ne pouvaient être exécutés que par l'Etat.

M. Dumortier. - C'est moi qui ai parlé de la grande loi des travaux publics qui a placé le pays dans la situation financière où il se trouve.

Deux orateurs ont bien voulu me répondre : l'honorable M. Rogier m'a reproché de parler de cette question quand un honorable ancien ministre était absent. Je lui répondrai que ce n'est pas le ministre des finances qui a présenté ce projet de loi, mais l'honorable ministre des travaux publics qui est à son banc de ministre des travaux publics. Cette loi, je l'ai toujours condamnée, parce qu'elle a été votée par la coalition des intérêts contre le trésor public, et ces coalitions, je n'en veux à aucun prix.

M. le ministre des travaux publics dit que c'est la Chambre qui a augmenté la dépense ; mais le gouvernement a dû s'y rallier pour avoir son projet qu'il n'aurait pas eu sans ces augmentations.

Parmi les travaux votés à cette époque, je trouve la déplorable concession du chemin de fer du pays de Waes qui, de l'aveu des ingénieurs, coûtera à l'Etat 1,000 fr. par jour, lorsqu'elle sera mise en exploitation. J'engage vivement le ministère à examiner s'il ne serait pas possible de racheter cette entreprise sans ruine pour le trésor public.

Eh bien, je dis que ce projet de loi, dont personne aujourd'hui ne veut plus être le parrain, est la plus grande calamité que nous ayons eu à subir, et qu'il faut absolument que le gouvernement fasse cesser un pareil abus.

Maintenant, messieurs, l'honorable ministre, en me répondant, s'est mis encore à côté de la question. J'ai dit à l'honorable M. Rogier que si l'on a voté un million et demi pour l'Escaut, c'est uniquement sur le papier.

M. le ministre me répond qu'on a dépensé un million pour l'Escaut ; mais, messieurs, c'est depuis 1830 jusqu'en 1850, c'est-à-dire en 20 ans que ce million a été dépensé, c'est depuis que l'Escaut a été repris par l'Etat et tous les travaux qui ont été faits sur l'Escaut ont été exécutés exclusivement à un point de vue étranger à l'Escaut lui-même, au point de vue de la navigation. L'Escaut a été victime des sommes que vos prédécesseurs y ont dépensées ; et quant à vous, depuis que la loi vous a autorisés à dépenser un million et demi sur l'Escaut, vous avez conservé cette somme en caisse ; vous auriez dû travailler sur l'Escaut comme vous avez travaillé sur la Meuse.

Et puisque je parle de la Meuse, je demanderai à MM. les ministres s'ils sont bien décidés à maintenir les conventions qui ont été faites avec la ville et la province de Liège, s'ils sont bien décidés à résister aux prétentions qui se sont produites, comme on peut le voir par le compte rendu de l'un des dernières séances du conseil communal de Liège, en un mot, s'ils sont formellement résolus à exécuter ces conventions telles qu'elles ont été expliquées dans cette enceinte par le ministre des finances de cette époque, l’honorable M. Frère-Orban.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai demandé la parole que pour rectifier une erreur commise par l'honorable M. Dumortier. Il a affirmé que l'exploitation de la section d'Alost à Termonde coûte à l'Etat mille francs par jour ; ce fait est complètement inexact ; cette exploitation coûte de 4 à 5,000 fr. par mois, tandis qu'elle rapporte, par mois, à l'Etat 7 à 8,000 fr.

On ne peut pas juger du chemin de fer de Dendre et Waes par une section qui ne donne pas encore son revenu normal, mais il y a erreur matérielle dans l'allégation de l'honorable M. Dumortier.

Maintenant, messieurs, l'honorable membre a dit que l'Etat a dépensé pour l’Escaut un million depuis 1830 jusqu'en 1850 ; c'est encore une grave erreur ; l'Etat n'administre pas l'Escaut depuis 1830.

M. Dumortier. - C'est depuis que l'Etat a repris le fleuve. C'est depuis 1839.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est donc environ 100,000 fr. par an.

Le troisième point dont l'honorable M. Dumortier a parlé n'a pas étéperdu de vue par le gouvernement. L'honorable membre a demandé si le gouvernement fera exécuter les arrangements pris relativement au travail connu sous la dénomination de dérivation de la Meuse ; mes démarches auprès du conseil communal de Liège, pour faire remplir les obligations de la ville, n'ont pas cessé et ne cesseront pas qu'elles n'aient abouti au résultat voulu.

M. Malou. - Je demande à la Chambre la permission d'indiquer une distinction que l'on paraît perdre de vue et qui doit absolument être faite en ce qui concerne le découvert du trésor. Ce découvert est malheureusement très considérable, mais pour savoir quels sont les remèdes à y opposer, il faut en constater l'origine. Depuis 1830 jusqu'à ce jour on a toujours admis que les dépenses représentées par un capital devaient être demandées au crédit de l'Etat, et que l'impôt devait payer seulement les dépenses ordinaires. Ainsi, pour prendre un exemple, notre découvert provient aujourd'hui en partie du remboursement d'une fraction de la dette constituée; eh bien, il n'y a aucune raison pour demander à l'impôt d'une année de payer les 10 ou 12 millions qui résultent des remboursements de capitaux faits à l'occasion de la conversion. Je comprends que dans les circonstances actuelles le trésor a besoin de ressources extraordinaires; mais ne serait-il pas préférable, puisqu'il est impossible de consolider immédiatement une partie de la dette flottante, de donner aux porteurs de bons du trésor des conditions meilleures, comme on le fait dans d'autres pays, d'échelonner les échéances à des termes plus longs qu'une année?

De cette manière, sans grever exclusivement le présent d'une dette qui représente un capital, il serait peut-être possible d'atteindre une époque où la consolidation pourrait se faire à des conditions plus convenables pour le crédit et les intérêts de l'Etat. C'est une idée que je soumets également à l'honorable ministre des finances.

- La discussion générale est close.

La séance est levée à 4 heures 3/4.