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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 14 mars 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 919) M. Maertens procède à l'appel nominal à deux heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pétitions qui ont été adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Hasselt prie la Chambre d'accorder à la compagnie Goddyn et Riche la concession d'un chmin de fer direct d'Anvers par Lierre et Diest à Hasselt et se prononce en faveur d'un chemin de fer de Bruxelles par Louvain, Diest et Beeringen sur le camp de Beverloo. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.


« Le conseil communal de Linden demande que la société concessionnaire d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit tenue de prolonger cette ligne jusqu'au, camp de Beverloo, par Winghe-Saint-Georges, Diest et Beeringen. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Courtrai prient la Chambre d'accorder au sieur Tarte la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai. »

- Même renvoi.


« La députation permanente du conseil provincial d'Anvers demande que le gouvernement restitue à cette province le subside de 15,000 fr. qu'elle lui a voté pour l’établissement d'un service régulier de bateau à vapeur entre Anvers et les communes du littoral de l'Escaut jusqu'à Tamise. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des affaires étrangères.


« Le sieur Roche demande une pension du chef d'infirmités contractées au service militaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La commission royale d'histoire adresse à la Chambre 110 exemplaires du n°1 du tome VIII de ses bulletins. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« Par messages du 13 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté les trois projets de loi dont le détail suit :

« Dotation annuelle de 150,000 fr. à S. A. R. le Comte de Flandre ;

« Crédits supplémentaires au budget du département des travaux publics de 1855 ;

« Frais de déplacement des conseillers provinciaux délégués en vertu de l'article 21 de la loi du 8 mai 1850 »

- Pris pour notification.


« M. Allard demande un congé. »

- Accordé.


M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion d'un prompt rapport sur deux pétitions qui n'ont aucun caractère d'urgence, je propose à la Chambre d'aborder immédiatement la suite de la discussion du projet de loi sur les extraditions.

- Adopté.

Projet de loi, amendé par le sénat, visant à améliorer le sort des officiers qui ont combattu en 1830

Rapport de la section centrale

M. le président. - La parole d'abord est à M. de Mérode, pour le dépôt d'un rapport.

M. de Mérode. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif aux officiers qui ont pris part aux combats de la révolution en qualité de volontaires.

Ce projet a été renvoyé à cette Chambre, à la suite d'un amendement qui y a été introduit par le Sénat.

L'amendement consiste à ajouter aux combattants les décorés de la croix de Fer ; la section centrale proposée la Chambre d'adopier cette disposition.

Une pétition est annexée au rapport ; je la dépose sur le bureau.

- Le rapport sera imprimé et distribué.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, il est à désirer que la Chambre veuille bien voter ce projet avant les vacances de Pâques ; plusieurs intéressés soupirent après la mise à exécution de cette loi.

M. Delfosse. - Il faut avoir le temps d'examiner.

M. le président. - Quand le rapport aura été imprimé et distribué, M. le ministre de la guerre pourra renouveler sa motion.

Projet de loi modifiant la loi sur les extraditions

Discussion générale

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, la Chambre me permettra de revenir en quelques mots sur une partie de la discussion d'hier et qui concerne particulièrement le discours de l'honorable M. Frère et la réponse que j'ai eu l'honneur de lui faire.

L'honorable M. Frère a signalé à la Chambre comme un des dangers de la loi nouvelle l'acte de complicité, comme il s'exprime, pour non-révélation du crime d'attentat contre un souverain ; l'honorable membre a présenté cette non-révélation comme un acte de complicité. J'ai suivi l'honorable M. Frère dans cette discussion ; j'ai raisonné comme lui au point de vue de la complicité ; eh bien, je crois, l'honorable membre me permettra cette expression, je crois que nous nous sommes trompés tous les deux : la non-révélation, selon moi, n'est pas un cas de complicité...

M. Frère-Orban. - D'après la législation autrichienne, ai-je dit.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Nous parlons maintenant au point de vue de la législation belge...

M. Frère-Orban. - C'est vous qui avez dit cela et non pas moi.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Cela importe peu. Au point de vue de notre législation, la non-révélation d'un crime d'attentat n'est pas un crime de complicité, c'est un délit spécial, sui generis, cela résulte à toute évidence du texte même du Code pénal.

« Toutes personnes, porte l'art.icle103 de ce Code, qui ayant eu connaissance de complots formés ou de crimes projetés contre la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat, n'auront pas fait la déclaration de ces complots ou crimes et n'auront pas révélé au gouvernement ou aux autorités administratives ou de police judiciaire, les circonstances qui en seront venues à leur connaissance, le tout dans les vingt-quatre heures qui auront suivi ladite connaissance seront, lors même qu'elles seront reconnues exemples de toute complicité, punies pour le seul fait de non-rèvélation de la manière et selon les distinctions qui suivent :

« Art. 104. S'il s'agit du crime de lèse-majesté, tout individu qui, au cas de l'article précédent, n'aura point fait les révélations qui y sont prescrites sera puni de la réclusion. »

La simple lecture de ce texte prouve que la non-révélation du crime d'attentat n'est plus un acte de complicité du crime d'attentat ; il y a une peine spéciale ; si c'était un acte de complicité, la peine serait celle de tous les cas de complicité, c'est-à-dire la même que pour le crime commis.

On m'objecte que c'est un cas de complicité dans la législation autrichienne, cela importe ici fort peu, parce que dans l'énumération de la loi de 1833 ne se trouve pas le crime de non-révélation ; par conséquent, la non-révélation ne peut jamais donner lieu à l'extradition. Le danger qu'on a fait entrevoir n'existe donc en aucune façon.

La Chambre voudra bien m'entendre dans quelques observations très courtes sur la portée exagérée qu'on a voulu donner à quelques principes que j'ai posés pour le cas où il y a conflit entre nos lois et la législation étrangère.

N'oublions pas à quel point de vue j'ai eu à m'occuper de cette question. C'est au point de vue des traités existants à l'heure qu'il est, et j'ai soutenu alors que les traités existants étant des contrats entre deux gouvernements, ils devaient continuer à être régis par les lois existantes au moment où ces contrats ont été conclus.

Quand on négocie un traité, chacune des deux parties contractantes examine et discute avec attention les différents faits qui peuvent constituer des crimes, voire même des délits pouvant donner lieu à l'extradition ; elles recherchent quels sont dans les deux pays les éléments de ces différents crimes. C'est à la suite de cet examen qui donne lieu à une correspondance souvent fort longue, qu'on se met d'accord ; l'on peut se convaincre si les faits mentionnés ne renferment rien qui heurte soit le sentiment national, soit l'opinion publique ; s'ils ne présentent rien d'exorbitant.

C'esi dans cette situation que l’on contracte.

J'ai dit, messieurs, qu'une fois que l'on avait fait un traité d'extradition, il fallait respecter complètement et de bonne foi ce traité et qu'il n'appartenait pas à une des parties de le modifier pendant son cours par un changement à sa législation ; et c'est pour cela que j'ai pris un exemple qu'hier on m'a opposé. J'ai cité l'exemple de la Prusse. J'ai demandé ce que nous ferions si la Prusse voulait modifier, pendant la durée du traité que nous avons conclu avec elle, les principes en matière de complicité et nous refuser l'extradition d'un Belge que nous aurions condamné ou accusé conformément aux lois belges réglant la complicité.

(page 920) La Prusse, ai-je demandé, pourrait elle nous répondre que le fait n'est plus un crime d'après ses lois ? J'ai répondu : Non, la Prusse ne pourrait nous opposer ce langage, parce qu'elle est liée par le traité conclu en 1836.

Voilà ce que j'ai dit ; il ne faut pas donner à mes paroles une autre portée.

J'ai réellement revendiqué pour la Belgique le principe de la souveraineté nationale. Je ne puis pas admettre que cette souveraineté nationale perde son empire, lorsqu'un Belge, ayant commis un crime en Belgique, et ayant été condamné par les tribunaux belges, passe la frontière.

Pour moi le droit d'extradition est une espèce de droit de suite qui fait que le pays auquel appartient le coupable peut mettre la main sur celui-ci lorsqu'il se trouve dans un pays que lie envers nous un traité d'extradition.

J'ai donc revendiqué, je le répète, le droit de la souveraineté nationale sur tous nos régnicoles.

Bien que cette opinion, messieurs, ait paru rencontrer des contradicteurs, je persiste à croire qu'elle est fondée au point de vue du strict droit. Je n'y mets certainement pas d'amour propre ni d'obstination mots que l'on m'a depuis quelques jours beaucoup trop prodigués.

Cette question de savoir quelle est la législation applicable en matière d'extradition est une question neuve, et fort importante. Elle se rattache à cette grande question de savoir comment peuvent être décidés les conflits entre deux législations ; et j'avoue que je ne l'ai trouvée traitée nulle part.

L'opinion que j'ai embrassée, et que je crois être la bonne, ne s'est pas formée légèrement. Je pourrais exhiber à son appui des autorités infiniment respectables, des magistrats des plus distingués, des criminalistes éminents. Je serais très heureux de montrer à mes honorables contradicteurs les documents réellement remarquables que je possède à cet égard, et j'oserais affirmer que l'étude approfondie de la question les ramènera à partager mon opinion. Loin de redouter l'examen, je le désire et je le provoque.

Quoi qu'il en soit, messieurs, je ne crois pas que la question théorique, qui appartient autant au droit international qu'au droit pénal, doive beaucoup nous préocuper ici.

Quelle que soit l'opinion que l'on adopte sur cette question en théorie, on arrive dans la pratique à une solution qui doit satisfaire tout le monde. C'est qu'en matière d'extradition la législation la plus douce, la plus clémente prédomine toujours dans les traités ; parce que les traités ont pour base exclusive, pour base fondamentale, une exacte réciprocité, et que cette réciprocité n'existe qu'à cette condition que l'on écarte ce que l'une des deux législations a de plus rigoureux que l'autre.

Trois situations peuvent se présenter, lorsque deux gouvernements veulent faire un traité d'extradition.

Voici la première : les deux législations sont identiques ou ne diffèrent que par des nuances imperceptibles. Dans les deux pays les éléments de la criminalité pour les faits sur lesquels on est tombé d'accord, sont les mêmes.

Telle est, par exemple, la situation de la Belgique vis-à-vis de la France, de la Hollande, de la Prusse rhénane. Dans cette situation, il n'y aura point de difficultés, puisque les législations sont identiques.

Une seconde hypothèse est celle où la législation belge serait la plus douce, où nous traiterions d'une manière moins sévère les cas de complicité dont il s'agit. Dans ce cas-là il est évident que la Belgique ne voudrait pas s'engager.

Elle ne voudrait pas se lier vis-à-vis de l'autre pays, parce que nous ne pourrions pas, le cas échéant, demander à ce pays l'extradition d'un Belge ayant commis chez nous un fait de complicité de ce genre. La base essentielle du traité, la réciprocité viendrait à manquer. Nous ne pourrions demander à la puissance étrangère ce que celle-ci pourrait nous accorder d'après sa législation, et dès lors nous ne traiterions pas.

Une dernière hypothèse pourrait être celle où notre législation serait plus rigoureuse que celle de la puissance qui offre de contracter avec nous. Dans ce cas, la position est renversée et c'est le gouvernement étranger qui ne voudra pas conclure de traité avec la Belgique ; parce que, ayant une législation plus bienveillante que la nôtre, il ne pourrait réclamer de nous l'extradition de l'un de ses régnicoles pour un fait qui ne serait pas un crime chez lui et qui en serait un chez nous

La réciprocité, messieurs, viendrait encore à manquer et le traité devient impossible.

Je tire de là la conséquence que quelle que soit l'opinion qu'on puisse avoir sur la question, au point de vue théorique, on arrive toujours, en fait, à cette conclusion que c'est la législation la plus bénigne qui sert de règle. Dès lors les dangers qu'on a signalés n'existant qu'à l'état de chimère et la Chambre ne doit pas s'en préoccuper surtout à propos de la loi toute spéciale et uniquement accessoire que nous faisons en ce moment, car la loi générale sera toujouis la loi de 1833 et cette loi générale continuera à recevoir l'application qu'elle a reçue jusqu'à présent, sans qu'aucune difficulté sérieuse soit intervenue.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, le département que j'ai l'honneur de diriger, devant mettre à exécution la loi qui est en discussion, je demande à la Chambre la permission de dire quelques mots sur la manière dont la loi de 1833 a été exécutée depuis 23 ans. Je dis la loi de 1833, car il est évident que la loi actuelle n'étant qu'une disposition additionnelle à la loi de 1833, elle sera exécutée d'après les mêmes principes généraux qui se trouvent inscrits dans la loi de 1833.

Messieurs, quand une loi pareille se présente devant les Chambres, elle est discutée au point de vue de grands principes, au point de vue des principes d'humanité, au point de vue des principes qui servent de base aux rapports de la Belgique avec les nations étrangères, au point de vue des principes d'utilité, des principes de haute moralité ; ce sont ces principes qui inspirent les discussions dans les Chambres. Mais une fois la loi sanctionnée et publiée, elle arrive au ministère des affaires étrangères et tous ces principes qui ont présidé à la discussion de la loi s'effacent complètement pour faire place à un nouveau principe, au principe qui préside aux rapports internationaux, c'est-à-dire au principe de la réciprocité.

On n'accorde rien à une puissance étrangère, que la puissance étrangère ne nous accorde en même temps. La Belgique ne peut rien accorder à une puissance étrangère qu'elle n'ait le droit de lui demander et une puissance étrangère n'accorde rien à la Belgique qu'elle n'ait aussi le droit de lui demander.

Il suit de là que la Belgique ne peut pas sortir de son Code pénal pour demander l'extradition d'un prévenu quelconque à une puissance étrangère, et que les puissances étrangères ne peuvent pas sortir des faits qualifiés dans leur Code pénal pour demander à la Belgique l'extradition d'un prévenu.

Il suit de là que toujours, dans les conventions qui se concluent entre une puissance étrangère et la Belgique, c'est le Code pénal plus doux qui est l'élément essentiel, c'est que dans les conditions les plus dures, c'est le Code pénal belge qui est le type de la convention. Il ne peut pas en être autrement en vertu de la réciprocité.

Toute convention qui ne serait pas absolument dans les conditions de la réciprocité serait une convention léonine et serait une convention qu'aucune nation ne voudrait conclure, pas plus le ministère des affaires étrangères de la Belgique qu'aucun autre ministère des affaires étrangères de l'Europe.

On sacrifie même à cette réciprocité les intérêts du pays. Voyez ce qui s'est passé pour la convention d'extradition conclue avec la France. La loi de 1833, vous le savez, comprend, parmi les délits pouvant donner lieu à l'extradition, l'escroquerie. La France n'a pas voulu comprendre l'escroquerie dans la convention conclue avec la Belgique.

La France ne rend pas à la Belgigue les escrocs belges qui se sont réfugiés chez elle ; eh bien, la Belgique ne rend pas non plus à la France les escrocs français qui se trouvent en Belgique. (Interruption.)

Ce n'est certainement pas l'intérêt de la Belgique de conserver chei elle les escrocs qui viennent se réfugier sur son territoire, il n'y a là ni honneur ni profit ; mais elle préfère subir certains inconvénients plutôt que de faire à la France un avantage qu'elle ne pourrait pas réclamer, avantage qui consisterait à punir les escrocs belges qui auraient commis des escroqueries en Belgique. Ainsi, l'intérêt même du pays doit fléchir devant le grand principe de la réciprocité.

Appliquons le principe à la loi qui nous occupe.

En France, par exemple, l'article 88 du Code pénal est effacé ; il subsiste encore en Belgique. Je suppose qu'un Belge se rende coupable en Belgique du crime prévu par l'article 88 ; ce Belge se réfugie en France ; aurions-nous le droit de le réclamer de la France ? Non, messieurs, parce que la France ne connaît plus ce crime, parce que la France ne pourrait plus venir nous demander, à titre de réciprocité, un Français qui se serait rendu coupable de ce fait, non plus réputé crime en France. Il faudra donc que, dans ce cas, le code belge fléchisse devant la douceur du code français.

Il en sera de même à regard de la Hollande et de la Toscane.

Vis-à-vis de l'Autriche les positions seraient renversées. En Autriche, on qualifie de crime la non-révélation du complot contre la vie du souverain ; ce crime n'est pas prévu par la législation belge ; eh bien, il faut que le Code autrichien s'incline devant le Code belge, et un Autrichien réfugié en Belgique ne pourra jamais être livré à l'Autriche pour ce fait, parce que le fait n'est pas qualifié crime en Belgique.

Ainsi donc, en réalité, la question qui a été soulevée hier n'a pas d'importance.

Depuis 23 ans, des conventions sont conclues en vertu de la loi de 1833 ; le système de réciprocité a toujours été admis, et il est impossible d'établir la réciprocité, sinon sur le Code pénal belge ou sur un Code pénal étranger plus doux, devant lequel le Code pénal belge doit s'incliner.

Je crois que ces explications sont suffisamment claires (oui ! oui !) ; il me semble qu'elles sont de nature à écarter la possibilité de tous les dangers quoi a signalés dans la séance d'hier.

M. Frère-Orban pour un fait personnel). - Messieurs, je remercie M. le ministre de la justice d'avoir pensé que, s'il s'était trompé en ma compagnie, il y aurait en sa faveur des circonstances atténuantes. C'est beaucoup d'honneur pour moi, mais je regrette de devoir lui faire (page 921) remarquer qu'il s'est trompé tout seul. M. le ministre assure que j'avais considéré la non-révélation comme un cas de complicité d'après nos lois pénales et qu'en me répondant il était tombé dans la même erreur : Or, il vient confesser que, d'après le Code pénal belge, la non-révélation est un crime particulier et non un fait de complicité.

Je n'ai rien dit de ce qui m'est attribué par M. le ministre de la justice ; il a, sans provocation de ma part, commis seul l'erreur qu'il rectifie. Il a raison de reconnaître ses erreurs de droit, et il en a beaucoup à reconnaître ; mais je ne puis absolument me les laisser imputer quand je ne les partagé pas. Voici les paroles que j'ai prononcées.

« Ce qui rend le projet plus périlleux encore, c'est que M. le ministre de la justice entend qu'il soit expliqué et commenté par les législations étrangères. Je n'examine pas si la théorie est vraie ou fausse. Elle est étrange et j'en déduis les conséquences.

« Eh bien, messieurs, savez-vous quels sont en certains pays les éléments de la complicité en ce qui concerne l'attentat contre la vie d'un souverain ?

« Le Code autrichien considère les non-révélateurs et même ceux qui n'ont pas empêché le crime comme des complices. »

Je ne m'occupais donc du Code autrichien que pour réfuter la théorie si extraordinaire de M. le ministre de la justice Sur l'application des lois pénales étrangères, théorie qui est aujourd'hui désavouée par M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre de la justice me répondait :

« L'honorable M. Frère a fait miroiter devant vous les dangers que pourrait présenter dans certains cas la complicité par suite de non-révélation. Il est vrai, messieurs, que c'est là un mode de complicité prévu par le Code pénal ; mais il a fait son temps, et dans toutes les législations nouvelles il a successivement disparu. En France il n'existe plus depuis 1832.

« Et nous-mêmes, quand nous réviserons notre Code pénal, je suis convaincu que nous suivrons l'exemple général. »

Il a ajouté ensuite :

« Il existe encore, à la vérité, dans quelques législations. Si son application dans ces pays motivait des demandes d'extradition, c'est alors que se présentera pour le gouvernement le droit et le devoir d'invoquer sa liberté d'appréciation, c'est alors que se plaçant en face de la réserve stipulée dans les traités, il pourra invoquer les motifs d'équité, les motifs d'humanité et ne pas faire l'extradition pour complicité par non-révélation. »

M. le ministre de la justice pouvait donc simplement reconnaître son erreur sans m'attribuer, bien à tort, de l'avoir provoquée. Je parlais du Code autrichien ; M. le ministre m'a répondu d'abord par le Code pénal belge en y supposant un cas de complicité qui n'y existe pas et en se promettant bien de le faire disparaître lors de la révision de nos Codes ; et ensuite toujours imbu de l'idée fausse qu'il devait se guider pour l'extradition par la loi étrangère, il se réservait de refuser de l'exécuter. Il est donc évident que je ne suis pas solidaire des erreurs de M. le ministre de la justice.

M. Tesch. - Messieurs, d'après les explications qui viennent d'être données, au nom du gouvernement, par M. le ministre des affaires étrangères et M. le ministre de la justice, il me reste peu de chose à dire quant à la question que je me proposais de traiter.

M. le ministre de la justice nous a dit que la question de savoir si quand un gouvernement étranger demande une extradition, c'est la loi belge ou la loi étrangère qui doit être suivie, était une question très grave ; j'avoue que je ne puis être de cet avis ; je trouve que c'est là une question très simple et qui se trouve tranchée par la Constitution même.

L'article 128 de la Constitution déclare que tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique, jouit, quant à sa personne, et quant à ses biens, de la même protection que le Belge, sauf les exceptions établies par la loi.

Donc, pour priver un étranger de la protection qui est due à sa personne et à ses biens, il faut que la loi intervienne.

Or, quelle est la loi qui établira les exceptions ? C'est évidemment la loi belge ; cela ne peut souffrir aucune espèce de difficulté ; c'est la loi belge qui doit établir les exceptions, c'est-à-dire déterminer les cas d'extradition ; et, d'après le système qui avait été défendu au nom du gouvernement, par M. le ministre de la justice, non pas seulement dans la séance d'avant-hier, mais il y a plusieurs mois, dans l'affaire Jacquin, ce n'était pas la loi belge qui déterminait les exceptions dans lesquelles l'étranger ne jouirait plus de la protection constitutionnelle, c'était dans la réalité la législation étrangère ; car si c'est à la législation étrangère que vous recourez pour la qualification du fait, pour la définition du caractère du crime ou du délit, c'est bien la loi étrangère qui serait la loi organique de l'article 128 de la Constitution. Cela est incontestable.

Je n'ai pas besoin, d'après la tournure même qu'a prise le débat, de démontrer qu'en 1833 la Chambre des représentants et le Sénat sont partis de ce principe, que c'est à la loi belge de déclarer formellement dans quels cas l'étranger ne jouirait plus de la protection accordée à sa personne et à ses biens par la Constitution belge ; cela résulte des rapports, cela résulte de toute la discussion. Mais les explications qu'a données surtout M. le ministre des affaires étiangères me semblent rendre cette tâche inutile ; il est aujourd’hui acquis que, dans aucun cas, en fait d'extradition, on ne pourrait, aller au-delà des définitions, des qualifications données par notre Code pénal. Aux crimes et délits qui donnent lieu à l'extradition, cela est acquis.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Par l'expérience de 23 ans.

M. Tesch. - Enfin, si la question se présentait, c'est dans ce sens que le gouvernement la résoudrait ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII) - Certainement.

M. Tesch. - Nous sommes d'accord.

M. Frère-Orban. - Cela ne change rien au fond de la loi.

M. Tesch. - Ce n'était pas là l'opinion que défendait le gouvernement par l'organe de M. le ministre de la justice, ni au début de cette question ni dans l'affaire des Jacquin, où il disait : Quand bien même les puissances étrangères aggraveraient leur législation, il nous resterait le droit de dénoncer les traités, mais tant qu'ils existeraient il faudrait les exécuter.

Du moment qu'il est bien entendu que c'est la loi belge qui servira de règles pour les extraditions, sans que dans aucun cas on puisse aller au-delà, comme l'a dit l'honorable vicomte Vilain XIIII, dont la parole me rassure, je n'insisterai pas davantage sur ce point.

Je demanderai après cela la permission de dire quelques mots sur le fond même du débat. Je crois que la raison pour laquelle nous ne parvenons pas à nous mettre d'accord sur la loi soumise à nos délibérations, c'est qu'on veut faire gouverner par les mêmes règles des faits d'une nature tout à fait différente.

Nos adversaires parlent de ce principe qu'un attentat contre la vie d'un souverain est un crime de droit commun ; on part de ce principe que le meurtre, l'assassinat, l'empoisonnement d'un souverain est de la même nature et, par conséquent, doit être soumis aux mêmes conditions que le meurtre, l'assassinat ou l'empoisonnement d'un simple particulier ; c'est là, à mon sens, et je le répète, confondre des faits qui ont des caractères différents.

L'assassinat, le meurtre et l'empoisonnement d'un souverain et l'assassinai, le meurtre et l'empoisonnement d'un particulier, ne se ressemblent ni par le mobile, la cause déterminante du crime, ni par le but que le coupable poursuit, et je le dirai très nettement, l'attentat contre le souverain n'est pas autre chose qu'un crime politique. En effet, quel sont les mobiles du crime qu'on appelle de droit commun ? La vengeance ou la cupidité.

Dans les crimes contre les personnes, c'est souvent la colère ou l'emportement ; en général il n'y a guère d'autres mobiles que ceux que je viens d'indiquer. Quel est le but que poursuit le délinquant ? C'est assouvir une haine ou de s'emparer du bien d'autrui. Quand il s'agît au contraire d'un crime contre un souverain, quel est le mobile, le but du coupable ?

Le mobile, ce sont toujours des sentiments politiques, le but qu'on poursuit, est un but politique.

Un changement de dynastie ou de forme de gouvernement est le résultat obtenu presque toujours, une révolution ou une réaction, une extravagance en avant ou une extravagance en arrière, voilà le résultat auquel on aboutit toujours. Ainsi voilà des faits qu'on veut considérer comme identiques, que l'on veut ranger dans la classe des délits de droit commun et qui diffèrent par le mobile, par le but, par le résultat. Cette assimilation ne me paraît pas admissible et lamémcrègb, ea ce qui concerne l'extradition, ne saurait leur être appliquée.

L'on a dit que la législature de 1833 avait considéré l'attentat contre la vie d'un souverain étranger comme un assassinat ordinaire et l'avait rangé parmi les crimes donnant lieu à l'extradition.

L'on a ajouté que supposer consacrer le contraire serait une honte pour la Belgique.

Au risque de m'entendre dire que je calomnie le législateur de 1833, il m'est impossible de partager cet avis, je ne crois pas que le législateur de 1833 ait entendu ranger parmi les crimes de droit commun l'attentat contre la vie des souverains étrangers, et ceux qui soutiendraient qu'il a voulu l'exclure de la loi seraient plus près de la vérité que ceux qui soutiennent l'opinion contraire.

Je signale pour le prouver un fait qui me paraît assez concluant, c'est que dans une des sections on avait admis une formule générale qui eût compris l'attentat contre la vie du souverain ; cette section proposait de dire que tout homicide volontaire donnerait lieu à l'extradition.

Ces expressions eussent compris l'attentat contre la vie des souverains étrangers. Mais savez-vous ce que la section centrale a fait ? Elle n'a pas accepté cette formule ; elle a inséré dans la loi la nomenclature de différents genres d'homicides, sauf, qu'on le remarque bien, sauf l'attentat contre la vie des souverains étrangers qualifié d'attentat et puni de ta peine du parricide par le Code pénal.

Ainsi cette nomenclature comprend l'assassinat, l'infanticide, le parricide, l'empoisonnement, le meurtre. Un seul crime rentrant sous la qualification générale d'homicide volontaire est oublié, et ce crime c'est le crime politique, l'attentat contre la vie du souverain étranger. Le rejet de la formule générale, la substitution d'une nomenclature qui comprend tous les homicides volontaires sauf l'attentat contre la vie des souverains, n"indiquent-ils pas un but, et ce but quel peut-il être, si ce n'est de ne pas le comprendre parmi les crimes qui donneront lieu à l'extradition ?

(page 922) Remarquez que l'attentat contre la vie du souverain n'est pas, d'après notre Code pénal, compris sous la dénomination d'assassinat, qu'il a sa place à part dans le Code pénal, qu'il se nomme attentat, et que par conséquent, dans le langage juridique, attentat et assassinat sont deux choses tout à fait différentes.

On a dit, pour expliquer le silence de la loi de 1833, que jusque-là il n'y avait pas eu d'attentat contre la vie d'un souverain, que jusque-là aucun de ces crimes qui depuis ont épouvanté la France et l'Europe n'avait encore été commis.

C'est encore là une erreur. Il en avait été commis, et il en a été question dans une des séances de la Chambre, on les a considérés comme des inventions de la police ; c'est M. Doignon, fonctionnaire du gouvernement appartenant au parti conservateur, qui en parlait dans ce sens.

C'était là le langage, les opinions de l'époque et je me l'explique : la Chambré de 1833, quoique très royaliste vis-à-vis du Roi Léopold, l'était très peu en te qui concerne les chefs des autres gouvernements de l’Europe.

Elle était trop près de son origine, nous sortions de la révolution de 1830, nous sortions d'une révolution qui avait renversé un roi accusé d'avoir violé toutes les libertés politiques et religieuses du pays.

Nous étions en présence de traités qui mutilaient notre territoire et qui nous étaient imposés par les puissances étrangères.

Nous étions au lendemain de la révolution de Pologne, qui venait de succomber, et pour laquelle le pays et les Chambres avaient les plus grandes sympathies. Voilà quelle était la situation en 1833, et je n'hésite pas à le dire, si on était venu présenter à cette époque le projet de loi qui nous occupe en ce moment, l'on aurait dit qu'il était plus nécessaire de faire une loi pour défendre la liberté des peuples, qu'une loi pour protéger la vie des souverains étrangers. J'engage ceux qui auraient des doutes à cet égard à relire les discussions de cette époque ; ils en recevront la même impression que moi.

En s’éloignant des temps, des événements qui ont jeté dans les esprits une très grande perturbation, le sens moral s'éclaircit, se purifie, s'affermit et nous pouvons, nous devons faire ce qui, en 1833, n'a pas été fait ; mais en le faisant, je veux que nous nous rendions bien compte de ce que nous faisons.

Ainsi que je l'ai dit il y a quelques instants, l'attentat contre la vie d'un souverain est un crime politique, mais un crime politique qui doit soumettre à l'extradition celui qui le commet. Et en adoptant une disposition en ce sens, nous n'interpréterons pas la loi de 1833, nous ferons une exception à l'article 6 de cette loi, article 6 qui décide qu'il n'y aura pas d'extradition pour les crimes politiques.

C'est une exception en faveur des souverains que je veux à la loi de 1836, mais cette exception à la règle que les délits politiques ne donnent pas lieu à l'extradition, je veux l'organiser par des règles différentes de celles admises en matière d'extradition pour des délits communs, parce que, encore une fois, il y a là un ordre de choses et d'idées tout à fait différentes, parce qu'il est impossible de mettre sur la même ligne les crimes contre les particuliers et les crimes contre les souverains.

L'atteinte à la vie des particuliers, le crime de droit commun jette une grande perturbation dans la famille, mais jamais dans le pays.

Il ne produit ni révolution ni réaction ; il n'attaque pas la société dans son principe, le gouvernement dans sa base ; il ne met pas en jeu l'existence même du pouvoir ; celui-ci n'a pas un intérêt aussi direct, aussi immédiat dans sa répression ; il ne surexcite pas toutes les passions politiques. L'attentat contre un souverain, au contraire, surexcite les passions politiques ; c'est le pouvoir même, c'est toute l'organisation politique qui a été attaquée dans la personne du souverain, et qui est nécessairement amenée à se défendre, peut-être à se venger ; et c'est là la raison pour laquelle il faut dans ce cas des garanties qu'il ug faut pas quand il s'agit d'extradition pour des crimes de droit commun.

Ces garanties, je les cherche. Elles existent, nous a-t-on dit, dans la magistrature. Si l'on ne devait faire des traités qu'avec les pays qui ont un pouvoir judiciaire organisé comme le nôtre, je voterais sans difficulté la loi qu'on nous présente. Sans doute si le pouvoir judiciaire était organisé partout comme en Belgique, je n'éprouverais aucune crainte. Mais cela n'est pas.

Il n'est pas un pays au monde (l’honorable M. Devâux l'a dit l'autre jour) où les magistrats, où tous ceux qui interviennent dans l'administration de la justice soient aussi indépendants du pouvoir, soient aussi peu exposés à son influence.

En Belgique la magistrature, la haute magistrature au moins, se recrute pour ainsi dire elle-même. Le gouvernement nomme, il est vrai, mais est obligé de choisir, dans des propositions faites en partie par la magistrature, ce sont presque toujours ses propositions qui sont suivies.

En dehors de la magistrature, après renvoi de la chambre des mises en accusation, vous avez le jury ; mais un jury formé par des magistrats indépendants du pouvoir, ce que vous n'avez pas dans d'autres pays, où interviennent pour la formation du jury des fonctionnaires dépendants du gouvernement, des agents du pouvoir exécutif.

C'est ainsi que sous la monarchie constitutionnelle de juillet, vous avez entendu cette définition donnée du jury par un fonctionnaire de la police : que c'était un instrument qui, si on ne s'en occupait pas, ne fonctionnait pas du tout ; et qui, si on s'en occupait, fonctionnait trop ; en d'autres termes, qui acquittait toujours quand le pouvoir ou ses agents ne surveillaient pas la formation des listes, qui condamnait toujours, quand ils les surveillaient.

L'intervention du pouvoir dans les procès de complots d'attentats est, du reste, un danger que l'on constate presque à toutes les époques.

Ainsi, sous le règne des derniers Stuarts où existait cependant l'institution du jury, l'on a vu de véritables assassinats judiciaires, et en grand nombre, et ce résultat était obtenu par la manière dont les shérifs formaient la liste des jurés.

Je ne trouve pas dans les corps judiciaires, appelés à juger les attentats contre les souverains, des garanties suffisantes, et je fais observer que dans bien des pays ce n'est pas même la magistrature qui juge ces faits, ce sont des corps politiques ; ce sont des corps politiques qui jugent des crimes politiques. N'est-ce pas la cour des pairs, corps politique, qui a jugé les attentats contre la vie du roi Louis-Philippe ? Et, si je ne me trompe, la constitution du 15 janvier 1852, qui régit aujourd'hui la France, a institué, pour juger les attentats contre la vie du souverain, une haute cour de justice qui sera un corps plus ou moins politique.

Or, je n'ai aucune confiance dans les corps politiques jugeant des crimes politiques, et je dois chercher ailleurs des garanties. Ces garanties, où les trouver ?

Je crois que c'est dans des définitions très claires, très précises, très nettes, dans des définitions qui prêtent le moins à l'arbitraire des interprétations.

C'est pour ce motif que je demande autre chose que les termes vagues qui définissent dans le Code pénal la complicité. Admettons dess définitions sur lesquelles il soit impossible de discuter, sous lesquelles on ne puisse faire rentrer d'autres faits que ceux pour lesquels nous voulons accorder l'extradition.

Si l'on trouve qu'il faut comprendre les abus de pouvoir parmi les actes de complicité, qu'on les y comprenne et qu'on l'insère dans la loi.

Mais ce que je n'admets pas, ce sont les mots « machinations et artifices coupables », termes dans lesquels vous pourrez comprendre presque tous les actes les plus étrangers au crime, du moment où il vous convient de supposer une intention méchante à celui qui les a posés.

Ces termes ne donnent aucune espèce de garantie, et si vous les conservez dans la loi, ils donneront lieu à des extraditions pour des faits politiques, qui ne supporteraient pas l'examen sérieux de magistrats indépendants.

Si l'on veut nous faire adopter la loi, que l'on nous donne donc des définitions claires, nettes, précises, au lieu d'une rédaction sur laquelle nos adversaires eux-mêmes ne sont pas d'accord, et vis-à-vis de laquelle chacun d'eux fait ses réserves.

Ainsi, il est des cas de complicité qu'ils n'admettent pas. La complicité morale, ils ne l'admettent pas. Qu'on le dise dans la loi ; sans cela, où seront nos garanties ? Une loi faite exclusivement pour le pays qui ne dit pas ce qu'elle doit dire, qui ne comprend pas tout ce qu'elle doit comprendre, est déjà une mauvaise chose.

Mais elle est bien plus mauvaise encore quand il s'agit d'un traité qui donne lieu aux interprétations d'une magistrature étrangère, de l'indépendance de laquelle vous pouvez douter, ou aux interprétations du gouvernement étranger lui-même.

Je ne puis donc voter la loi du gouvernement ; s'il y a des moyens de complicité qui ont été omis, qu'on croit utile d'établir dans la loi, je supplie qu'on les indique. C'est le moyen de nous rapprocher, de nous mettre d'accord. Ce n'est que par des définitions claires, nettes, précises que nous éviterons qu'on ne donne à la loi une extension que nous ne voulons pas y donner.

La rédaction du projet présentée par le gouvernement a du reste besoin d'être modifiée ; il introduit dans notre langage judiciaire une véritable logomachie.

Jusqu'à présent dans le langage judiciaire les faits qui constituaient l'attentat contre la personne du souverain étaient des faits qui, commis vis-à-vis de particuliers, étaient considérés comme des délits. Le meurtre, l'assassinat et l'empoisonnement étaient qualifiés d'attentats contre la vie du souverain. Aujourd’hui M. le ministre change tout cela ; le meurtre, l'assassinat, l'empoisonnement deviennent un attentat contre la personne du souverain. D'attentat contre la vie, il n'en est plus question.

L'honorable M. Frère a posé au gouvernement dans la séance d'hier une question. Il a demandé à M. le ministre de la justice si le mot « attentat » disait plus ou moins que les mots « meurtre », « assassinat » ou « empoisonnement ». Je pensais que M. le ministre de la justice voudrait bien répondre ; car il est indispensable, dans une question, aussi grave que celle qui nous occupe, qu'on déclare clairement quelle est la pensée de la loi. Si c'est plus, qu'on le dise. Si c'est moins, qu'on le dise. Si c'est la même chose, pourquoi ne supprimez-vous pas ces mots ? C'est un principe, quand il s'agit de rédaction des lois, que les mots inutiles doivent disparaître.

Je crois que sans manquer à sa dignité et aux devoirs de l'hospitalité, un pays ne peut extrader en matière politique sans exiger d'autres garanties que celles qu'on nous propose.

Je le crois et cependant je n’exagère pas les devoirs de l’hospitalité.

(page 923) Je ne trouve pas dans les corps judiciaires, appelés à juger les attentats contre les souverains, dés garanties suffisantes, ei je fais observer que dans bien des pays ce n'est pas même la magistrature qui juge ces faits, ce sont des corps politiques ; ce sont des corps politiques qui jugent des crimes politiques. N'est-ce pas la cour des pairs, corps politique, qui a jugé les attentats contre la vie du roi Louis-Philippe ? Et, si je ne me trompe, la Constitution du 15 janvier 1852, qui régit aujourd'hui la France, àainstitué, pour juger les attentats contre la vie du souverain, une haute cour de justice qui sera un corps plus ou moins politique.

Or, je n'ai aucune confiance dans les corps politiques jugeant des crimes politiques, et je dois chercher ailleurs des garanties. Ces garanties, où les trouver ?

M. Lelièvre. - J'avais demandé la parole pour dire quelques mots sur la question de savoir si ce sont les lois étrangères qui doivent, en matière d'extradition, régler les conditions de la complicité ou de la tentative. Quoique les explications de M. le ministre des affaires étrangères rendent cet examen inutile, je dois cependant énoncer mon opinion sur cette question de droit, dans le cas qui nous occupe.

Il est évident, selon moi, que c'est aux lois belges qu'il faut se référer. En effet, remarquez que, quand les conditions prescrites par notre législation n'existent pas, l'acte reproché à l'étranger ne constitue pas un crime pour la Belgique.

Or, il est impossible qu'on autorise l'extradition pour un fait que nos lois considèrent comme non susceptible de répression, pour un fait qui ne pourrait donner lieu à aucune poursuite à charge des régnicoles. L'étranger est évidemment protégé dans cette hypothèse par la loi du pays où il se trouve.

Vous serez convaincus de cette vérité en consultant la loi de 1833 dont l'article 7 porte :

« L'extradition ne peut avoir lieu si depuis le fait imputé, les poursuites ou |a condamnation, la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après les lois dé la Belgique. »

Ainsi, si d'après là loi belge le bénéfice de la prescription est acquis à l'étranger, tandis qu'il lui serait dénié par la législation de son pays, l'extradition ne peut être accordée. Quel est le motif de celtt disposition ? C'est que, du moment que la prescription établie par la loi belge est accomplie, le fait n'est plus un délit pour la Belgique.

Or, ce principe s'applique avec plus d'énergie au cas où le crime imputé à l'étranger n'est pas considéré comme un crime à nos yeux. En l'absence d'une des conditions essentielles prescrites par nos lois, il est donc évident que c'est la législation belge qui doit être consultée pour reconnaître si la complicité et la tentative existent et si elles peuvent donner lieu à l'extradition.

Comment du reste, concevoir qu'on autoriserait une mesure aussi rigoureuse à raison d'un fait qui pourrait être commis par un Belge sans entraîner aucune répression ?

En ce cas l'étranger a le droit d'invoquer la loi du territoire sur lequel il s'est réfugié et cette loi doit être sa sauvegarde contre les prétentions du gouvernement d'un pays qu'il a abandonné.

Telles sont les observations que j'ai cru devoir présenter sur la question qui a été soulevée à la séance d'hier.

M. Dumortier. - J'ai été trop souvent cité dans cette discussion pour que la Chambre ne me permette pas de dire quelques mots.

Je dois, messieurs, rapprocher un peu la conduite que nous avons tenue et qu'en particulier, j'ai tenue en 1833, de celle que je tiens dans cette circonstance.

Loin de moi de me regarder comme doué d'infaillibilité ou comme ressemblant à ces bornes placées au bord des routes pour indiquer le chemin aux voyageurs, un homme politique doit tenir compte des faits qui se passent chaque jour sous ses yeux, et la plus grande preuve de petitesse d'esprit que l'on puisse donner, c'est de prétendre qu'on ne s'est jamais trompé.

Ceci soit dit en règle générale. Mais, messieurs, il est facile de démontrer que la position que nous prenions en 1833 est parfaitement en harmonie avec celle que je prends aujourd'hui et que prennent nos honorables amis dans ce débat.

Quelle était, messieurs, la situation en 1833 ? Nous sortions d'uue révolution politique, à laquelle presque tous les membres de cette Chambre avaient pris part. Plusieurs d'entre nous (et c'était même la grande majorité de cette assemblée) s'étaient vus exposés, en cas de non-réussite de la révolution, à devoir chercher un refuge sur la terre étrangère, pour avoir voulu l'émancipation de la patrie.

Dans une telle situation, messieurs, vous comprenez combien les Chambres devaient s'intéresser aux réfugiés politiques, combien elles devaient sympathiser avec des hommes qui, eux aussi, venaient chercher le repos sur le sol de la Belgique.

Mais, messieurs, veuillez bien le remarquer, il y a entre le caractère des révolutions de 1830 et le caractère des faits qui nous occupent a-jourd'hui, je ne dirai pas une distance mais tout un abîme.

Quelle était la situation en 1830 ? C'étaient les grandes pensées d'émancipation nationale, de retour à la liberté, de retour à l'existence politique ; qui étaient le mobile des révolutions de cette époque. Ici, au contraire, quel est le mobile des hommes que nous voulons frapper ? C'est le mibile de l'assassinat, le mobile le plus bas, le plus vil, le plus exécrable qu'on puisse imaginer.

En 1833, lorsque nous avions près de nous les braves Polonais quï avaient aussi voulu conquérir leur indépendance, leur liberté, ces hommes généreux qui avaient voulu secouer le joug de l'étranger, reconquérir leur nationalité, leur patrie, certes nous devions empêcher qu'on pût ou les extrader, ou les expulser. Voilà quel était notre mobile et nous avons soutenu cette pensée avec courage et énergie, comme nous le ferions encore en pareille circonstance.

Mais je vous le demande, messieurs, est-ce que la révolution belge s'était faite au moyen du poignard, du couteau, de l'assassinat ? Est-ce que la tentative polonaise s'était faite au moyen du poignard, du couteau, de l'empoisonnement ? Non, messieurs, c'étaient des sentiments nobles et généreux qui animaient les hommes de cette époque. Leur conduite était grande, noble, généreuse et chaque jour nous jouissons du fruit de leurs travaux.

Ainsi, pour Dieu ! ne confondez pas les fails de 1840 avec l'assassinat que vous appelez politique et qui, pour moi, est le plus.vil de tous les assassinats.

- Des membres. - Nous sommes tous d'accord.

M. Dumortier. - Nous ne sommes pas tous d'accord, puisque tout à l'heure un honorable membre nous disait que les Chambres de 1833 étaient très royalistes à l'égard de notre Roi, mais qu'elles l'étaient très peu à l'égard des autres souverains ; qu'est-ce à dire ? C'est-à-dire que la Chambre de 1833 eût vu, sans regret, tomber les têtes des souverains de l'Europe. (Interruption.) Est-ce là votre pensée ? Quant à moi, je la repousserais de toute mon énergie.

M. le président. - Ce n'est pas là la pensée de M. Tesch.

M. Dumortier. - Je veux bien croire que ce n'est pas sa pensée ; mais comme ses paroles pourraient être comprises dans ce sens, j'ai le droit de les repousser.

Je n'entends donc point, messieurs, qu'il soit possible de confondre dans ce débat la position des réfugiés dont il s'agissait en 1833 avec celle des hommes qui nous occupent en ce moment, avec des assassins.

Il est encore un fait, messieurs, que je dois rappeler à vos souvenirs. A l'époque dont je viens de parler, deux grandes lois furent présentées, la loi d'expulsion et la loi d'extradition ; par l'expulsion, vous ordonnez à l'étranger de quitter votre territoire, sur lequel il est venu chercher un refuge ; par l'extradition, vous rendez l'étranger à ses juges.

Eh bien, que s'est-il passé en 1833 ? Autant la Chambre s'est montrée sévère et difficile pour la loi d'expulsion, autant elle s'est montrée facile pour la loi d'extradition, pourquoi ? Par un motif excessivement simple.... (Interruption), vous n'avez qu'a consulter les votes des deux Chambres et vous verrez que la loi d'extraditiiioa a été votée ici par 59 voix sur 60 et quelques membres présents, tandis que la loi d'expulsion a été l'objet d'une division très grande.

Cela s'explique, messieurs, avec une très grande facilité : c'est que par la loi d'expulsion vous donnez un blanc-seing au gouvernement, tandis que par la loi d'extradition vous lui imposez des conditions extrêmement sévères ; c'est que la loi d'expulsion s'applique à des hommes auxquels vous ne pouvez imputer aucun crime, tandis que la loi d'extradition ne s'applique qu'à des hommes régulièrement accusés. Celle loi d'extradition qui ne prévoit pas seulement les crimes les plus odieux, comme le meurtre, l'assassinat, l'empoisonnement, mais qui s'étend à des crimes moindres, comme la banqueroute frauduleuse, par exemple, cette loi a été cependant votée à la presque unanimité ; pourquoi ?

D'abord parce qu'il faut l'imputation directe du crime, ensuite parce que cette loi stipule des garanties qui ne peuvent pas être stipulées dans une loi d'expulsion, comme l'examen par la magistrature. Je le répète, la loi d'expulsion est un blanc-seing donné au ministrère, à l'égard d'hommes auxquels vous ne pouvez point imputer de crime, et c'est pour cela que nous étions si sévères pour cette loi, tandis que nous l'étions beaucoup moins pous la loi d'extradition.

Messieurs, la discussiou de ces deux lois prouve une chose, c'est que nous voulions alors, comme nous voulons encore aujourd'hui, que l'étranger paisible puisse venir se reposer sur notre sol à l'ombre de l’arbre de la liberté, tandis que nous ne voulions pas, comme nous ne voulons pas encore, que celui qui a commis un crime puisse venir souiller notre pays par sa présence aux mépris des lois, au mépris de la morale, au mépris de tout ce qu'il y a de plus sacré dans le monde.

Vous voyez donc, messieurs, que nous sommes parfaitement conséquents. Nous voulons aujourd'hui, comme nous voulions alors, offrir un asile à l'étranger honnête et paisible ; mais nous ne vouloirs pas, comme nous n'avons jamais voulu, que celui qui s'est rendu coupable d'un crime puisse venir se réfugier chez nous. Celui-là, nous le rendons à ses juges, et nous le mettons ainsi sur la même ligne que le Belge qui est également livré à ses juges quand il a commis un crime.

En effet, messieurs, si un Belge s'était rendu coupable de l'attentat auquel s'applique la loi eu discussion, si un Belge s'était rendu complice de cet attentat, je le demande à l'honorable M. Tesch, je le demande à tous les membres qui combattent le projet du gouvernement, lui appliqueriez-vous, oui ou non, cet article du code pénal qui est relatif aux machinations et aux artifices coupubla. Evidemment vous le lui (page 924) appliqueriez et vous ne pourriez pas vous dispenser de le lui appliquer.

Pourquoi donc ne voulez vous pas appliquer à l'étranger ce que vous êtes forcés d'appliquer au Belge ? C’est donc un privilége pour l'étranger coupable que vous voulez consacrer par la loi ! Eh bien, ce privilège nous n'en voulons pas.

Il est donc évident, messieurs, que l'argument tiré, de l'article du Cod pénal relatif à la complicité, n'aura aucune espèce de valeur aussi longtemps que cet article sera applicable à tous les Belges. Si vous voulez supprimer cet article pour les étrangers, commencez par le supprimer pour les Belges ; agir autrement ce serait consacrer un privilège que nous repoussons avec toute l'énergie dont nous sommes capable.

Messieurs, j'ai entendu hier des orateurs nous parler de l'honneur national belge ; toute ma vie politique a dû vous prouver que je suis aussi jaloux de l'honneur national qu'aucun membre qui siège dans cette enceinte.

Ah ! si l'honneur national était ici engagé, vous me verriez le premier sur la brèche pour combattre énergiquement un pareil projet de loi. Mais où donc l'honneur national est-il engagé ? Est-ce à voir appliquer à un étranger coupable les peines que vous devriez, en tous cas, appliquer à des Belges ? Où donc l'honneur national est-il engagé ? A voir sortir du territoire les hommes qui flétiraient par leur présence !

Savez-vous, messieurs, comment l'honneur national est engagé et fortement engagé dans cette question ? C'est avoir d'aussi misérables contestations s'élever au sujet d'un projet de loi qui, s'il n'était pas adopté, nous exposerait aux huées de toute l'Europe ! Voilà comment j'entends l'honneur national.

Si vous voulez conserver la position que vos institututions libres vous ont donnée en Europe, commencez par prouvez que vous savez en user avec sagesse. Voilà le véritable honneur national ; mais si vous vous faites illusion, si, au contraire, vos institutions devenaient un embarras pour l'Europe, croyez-vous que ces institutions n'auraient pas à en souffrir à l'étranger ?

La sagesse et la prudence nous indiquent donc la conduite que nous avons à tenir en cette circonstance ; la Chambre le comprendra, et n'hésitera pas à voter le projet du gouvernement, projet qui est conforme à ce que, tous, nous avons voulu en 1833.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. Verhaegen. - On va mettre aux voix les amendements. Je dois dire un mot de celui que j'ai présenté. Ce n'était pas en réalité un amendement, mais bien un sous-amendement à l'amendement de l'honorable M. Lelièvre. Le principal ayant été confondu dans la rédaction de la commission, il est tout simple que l'accessoire ne subsiste plus. Si le projet de la commission n'était pas adopté, il resterait, je pense, l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, puis mon amendement.

Article premier (du projet de la commission)

M. le président. - Je mets aux voix l'article premier du projet de la commission. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le meurtre, l'empoisonnement et l'assassinat commis ou tenté sur la personne d'un souverain étranger ou d'un membre de sa famille, sont compris au nombre des crimes pour lesquels l'extradition des étrangers peut avoir lieu, tant à l'égard des auteurs principaux qu'à l'égard de ceux qui les auront sciemment et matériellement aidés dans la perpétration de ces crimes ou qui auront fini les instructions, les instruments ou autres moyens matériels destinés à les commettre sachant qu'ils devaient y servir, ou qui, par dons, promesses ou menace, y auront directement provoqué. »

- Des membres. - L'appel nominal !

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

96 membres répondent à l'appel.

37 répondent oui.

57 répondent non.

2 (MM. de Renesse et Van Hoorebeke) s'abstiennent.

En conséquence, l'article premier du projet de la commission spéciale n'est pas adopté.

Ont répondu oui : .MM. Auspach, Closset, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Bronckart, Delfosse, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, de Steenhault, Devaux, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Orts, Prévinaire, Rogier, Sinave, Tesch, Thiéfry, Vandenpeereboom, Van Remoortere, Verhaegen, Vervoort, Veydt et Ansiau.

Ont répondu non : MM. Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps. de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faignart, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Maertens, Magherman, Malou, Mathieu, Mercier, Moucheur, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Tack, Thibaut, T’M. Rousselle, deuxième vice-président de Naeyer, Trémouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Visart, Wasseige et Delehaye.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Renesse. - Messieurs, étant en général, peu partisan des lois exceptionnelles, et, ayant en 1833 voté contre la loi des extraditions, comme n'offrant pas assez de garantie sous le rapport de son applicatiin et exécution, je ne puis, pareillement, donner un suffrage affirmatif, soit à la proposition moins restrictive de la commission, soit à celle du gouvernement, qui semble étendre le sens de l'article 6 de la loi du premier octobre 1833.

Les dispositions de cette loi me paraissaient, jusqu'ici, suffire à toutes les exigences raisonnables ; il n'y avait donc pas lieu, d'après moi, d'y introduire une modification tout exceptionnelle ; mais, comme à cet égard, il y a cependant un certain doute partagé même par nos cours de justice, j'ai cru devoir m'abstenir, et, cela d'autant plus, que la longue discussion me semble avoir plutôt embrouillé la question que la rendre claire et moins sujette à différentes interprétations.

M. Van Hoorebeke. - Messieurs, je n'ai pas voté contre, parce que je reconnais que la législation, en matière de complicité, exige une révision et qu'elle n'est pas en tout point conforme aux principes de la science pénale. Je n'ai pas, d'un autre côté, voté pour, parce que je ne veux pas incidemment, à l'égard d'une certaine catégorie de crimes, à l'égard d'un projet de loi dont je regrette, au surplus, la présentation, introduire dans nos lois des changements empruntant, quoi qu'on fasse, aux circonstances dans lesquelles ils se produisent, un sens que je ne veux pas leur assigner.

Article 2 du projet de la commission

M. le président. - L'article 2 du projet de la commission spéciale est ainsi conçu :

« Art. 2. Par exception à l'interdiction mentionnée dans le paragraphe premier de l'article 6 de la loi du 1er octobre 1833, le gouvernement est autorisé à consentir à l'extradition dans le cas où il serait reconuu, après avoir pris sur ce point l'avis de la chambre des mises en accusation, que le fait connexe à un délit politique doit, à raison de son caractère et de sa gravité, être considéré comme un crime ordinaire, et sous la condition que ceux dont l'extradition est demandée ne seront poursuivis ou punis pour aucun délit politique. »

Je mets cet article aux voix,

- Un membre. - Cet article vient à tomber, par suite du rejet de l'article premier.

M. Malou. - L'article 2 tombe, dit-on ; mais, messieurs, il y avait dans le projet de la commission deux questions, la complicité et la connexilé ; la question de la complicité était comprise dans l'article premier ; et celle de la connexité dans l'article. 2 ; il est donc indispensable que l'article 2 soit mis aux voix.

- Des membres. - Votons ! l'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

96 membres répondent à l'appel nominal :

37 répondent oui.

58 répondent non.

1 (M. de Renesse) s'abstient.

En conséquence, l'article 2 du projet de la commission spéciale n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Anspach, Closset, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Bronckart, Delfosse, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, de Steenhault, Devaux, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Orts, Prévinaire, Rogier, Sinave, Tesch, Thiéfry, Vandenpeereboom, Van Remoortere, Verhaegen, Vervoort, Veydt et Ansiau.

Ont répondu non : MM. Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Cosye, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faignart, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Tack, Thibaut, T'M. Rousselle, deuxième vice-président de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Visart, Wasseige et Delehaye.

M. le président. - M. de Renesse, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. de Renesse. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que sur l'article premier.

Vote sur l’ensemble du projet

M. le président. - Il nous reste à voter sur l'article unique du projet du gouvernement qui est ainsi conçu :

« Le paragraphe suivant est ajouté à l'article 6 de la loi du 1er octobre 1833 :

« Ne sera pas réputé délit politique, ni fait connexe à un semblable délit, l'attentat contre la personne du chef d'un gouvernement étranger ou contre celle des membres de sa famille, lorsque cet attentat constitue le fait soit de meurtre, soit d'assassinat, soit d'empoisonnement. »

- Il est procédé au vote par appel nonimal.

(page 925) En voici le résultat :

96 membres répondent à l'appel.

61 membres répondent oui ;

33 membres répondent non.

2 membres (MM. de Renesse et Jacques), s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre adopte ; le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faignart, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Tack, Thibaut, T'M. Rousselle, deuxième vice-président de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Ansiau et Delehaye.

Ont répondu non : MM. Closset, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Bronckart, Rogier, Delfosse, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, Devaux, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Orts, Prévinaire, Sinave, Tesch, Thiéfry, Vandenpeereboom, Van Remoortere, Verhaegen, Vervoort et Veydt.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Renesse. - J'ai donné tout à l'heure les motifs de mon abstention.

M. Jacques. - Une loi me paraissait nécessaire pour faire cesser le doute qu’a fait naître l'article 6 de la loi du 1er octobre 1833, mais la rédaction proposée ne me plaisait pas.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère des travaux publics

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. le président. - La section centrale en propose l'adoption.

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la discussion des articles.

« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des travaux publics un second crédit provisoire, de quatre millions de francs (fr. 4,000,000), à valoir sur le budget des dépenses de ce département, pour l'exercice 1856. »

- Adopté.


« Art, 2. La présente loi sortira ses effets à partir du 1er mars 1856. »

- Adopté.


M. Osy. - Avant de procéder au vote par appel nominal, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de décider dès à présent, qu'après la séance de demain, elle s'ajournera jusqu'au mercredi 2 avril.

- Cette proposition est adoptée.


Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi.

Il est adopté à l'unanimité des 87 membres qui ont répondu à l’appel.

Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Anspach, Boulez, Brixhe, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, Della Faille, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dubus, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moniteur, Moreau, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T’M. Rousselle, deuxième vice-président de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van lseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vervoort, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Ansiau et Delehaye.

Projet de loi prorogeant les lois de 1852 et 1853 sur les droits différentiels

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je demanderai à la Chambre de s'occuper maintenant du projet de loi de prorogation des lois sur les droits différentiels, parce que la loi actuelle expire le 31 de ce mois.

- Cette proposition est adoptée.

Discussion générale

M. le ministre des finances (M. Mercier). - L'article 2 du projet de loi pourrait donner lieu à une discussion un peu longue ; comme le vote de cette loi ne peut être différé, que la Chambre est sur le point de se séparer et que les dispositions de cet article se trouvent reproduites dans un projet qui fera prochainement l'objet des'délibérations de la Chambre, je déclare les retirer du projet actuel.

M. Osy. - D'après la déclaration que vient de faire M. le ministre, je vois que nous n'avons aucune chance d'obtenir, avant de nous séparer, une mesure qui fait l'objet des réclamations du commerce depuis un grand nombre d'années. Je profite de cette occasion pour demander qu'à la rentrée on s'occupe du projet de réforme commerciale et qu'on fasse en sorte qu'il soit voté cette année. Dans les circonstances actuelles, si la paix se fait, nous pourrons avoir besoin d'augmenter notre marine nationale et avoir occasion d'acheter des navires. Pour que nous puissions nous occuper, à notre rentrée, du projet de loi présenté par le gouvernement et qui n'est pas encore distribué, je demande qu'il nous soit envoyé à domicile pendant les vacances.

Je demande qu'à la rentrée, les sections soient convoquées pour s'en occuper.

M. le président. - Le projet de loi sera distribué ce soir. Les sections pourront s'en occuper à la rentrée.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 83 membres présents.

Ce sont : MM. Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, Dechamps, de Decker, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dubus, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moucheur, Moreau, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry, T'M. Rousselle, deuxième vice-président de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom. Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vervoort, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Ansiau et Delehaye.

- M. de Naeyer remplace M. Delehaye au fauteuil.

Projet de loi relatif à la contrainte par corps pour dette

Motion d'ordre

M. Lelièvre (pour une motion d’ordre). - Je prie la Chambre de bien vouloir s'occuper immédiatement du projet de loi concernant une modification à la loi du 15 germinal an VI.

Il s'agit d'un objet réellement urgent, puisqu'il concerne l'alimentation des détenus. Ceux qui sont actuellement écroués pour dettes attendent avec impatience une loi fixant d'une manière équitable le montant de la somme qui doit être consignée à l'avenir par leurs créanciers.

Il est essentiel que nous nous occupions du projet aujourd'hui, afin que le Sénat puisse voter le projet avant de s'ajourner.

M. Vervoort. - J'appuie l'observation de M. Lelièvre.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je ne m'oppose nullement à ce que la discussion ait lieu aujourd'hui. Il serait d'ailleurs diffîcile de fixer la discussion à demain, le Sénat ayant à son ordre du jour la discussion sur le projet de loi relatif à la falsification des denrées alimentaires.

- La Chambre décide que la discussion aura lieu immédiatement.

Discussion générale

M. le président. - Le projet de loi est ainsi conçu :

« Art. 1er. Par dérogation à l'article 14 de la loi du 15 germinal au VI, le créancier qui aura fait emprisonner son débiteur sera tenu de consigner d'avance, et pour chaque mois entre les mains du gardien en chef ou directeur de la maison d'arrêt ou de sûreté, pour la subsistance de l'incarcéré, la somme qui sera fixée, selon les circonstances, par le président du tribunal, et qui, dans aucun cas, ne pourra dépasser trente francs.

« Le président statuera sur la requête qui lui sera présentée par le créancier, et son ordonnance sera exécutoire sur minute, sans signification, et nonobstant opposition ou appel.

« Art. 2. La somme consignée pour le mois d'emprisonnement commencé au moment de la mise en vigueur de la présente loi, reste fixée à vingt francs.

« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain du jour de sa publication. »

La section propose de rédiger l'article premier comme suit ; « Par dérogation à l'article 14 de la loi du 15 germinal an VI, la somme que le créancier est tenu de consigner pour chaque mois sera de 30 francs. »

M. le ministre de la justice (M. Nothomb) déclare se raller à cet amendement.

M. Maertens. - Je viens présenter une observation à M. le ministre de la justice sur la véritable signification des renseignements qui se trouvent insérés au rapport de ce projet, et dont il résulterait que la somme de 30 francs proposée par le gouvernement et adoptée pur la section centrale, serait insuffisante.

En effet, il y est dit, que le prix de la journée d'entretien dans quelques prisons est supérieur à un franc. Vous comprendrez que dans ce cas, le chiffre du projet ne serait pas assez élevé, et qu'il faudrait (page 926) l'augmenter dans une juste proportion, non seulement dans l'intérêt du gouvernement, qu'il importe d'indemniser de ses avances, mais encore par humanité dans celui du détenu auquel il ne faut pas faire une position intolérable.

J'espère que M. le ministre voudra nous expliquer la portée de ses renseignements, qui doivent évidemment exercer leur influence sur la fixation du taux de la consignation.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Il se peut que dans quelques prisons les dépenses pour la nourriture dépassent un franc par jour ; mais c'est une circonstance accidentelle, qui disparaîtra certainement avec la crise alimentaire que nous traversons. Alors la somme de 30 fr. sera partout suffisante. C'est, je crois, le taux de signification le plus élevé qu'il y ait ; car c'est le taux admis à Paris.

Le renseignement fourni par l'honorable M. Maertens dont je tiendrai compte, ne fait pas obstacle au vote du projet.

M. Lelièvre. - Messieurs, je ne puis qu'applaudir au projet en discussion, qui introduit une mesure réclamée par l'humanité et dont la nécessité est depuis longtemps reconnue.

Toutefois, il est impossible de se borner à la disposition dont nous nous occupons. Les lois sur la contrainte par corps doivent être révisées. Sous ce rapport, la France nous a devancés depuis longtemps, et j'engage le gouvernement à nous présenter, pour la prochaine session, un projet répondant aux besoins de l'époque et en harmonie avec nos institutions.

Quant au projet en discussion, j'adhère avec empressement aux dispositions adoptées par la section centrale qui me paraissent prévenir des inconvénients auxquels le projet primitif aurait pu donner lieu En effet, le créancier devant consigner « au moment de l'écrou » les fonds destinés à l'alimentation du débteur, c’est la loi qui doit déterminer clairement et d'une manière uniforme le montant de la somme qui doit être consignée. L'obligation de recourir au président du tribunal serait de nature à entraver la poursuite.

D'un autre côté, il convient, en cette mattèie, de ne rien laisser à l'arbitraire, et l’import de la consignation, fixé à 30 francs par mois n'est pas, certes, exagéré.

Je donnerai avec bonheur mon assentiment au projet de loi, espérant bientôt voir réaliser, d'une manière plus complète, une réforme généralement réclamée.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - Je propose à la Chambre de fixer la séance de demain à une heure.

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - Il est fixé. Nous le continuerons.

M. de Perceval. - Je propose à la Chambre de fixer l'ordre du jour de demain comme suit : Echange de terrains à Anvers, le budget des non-valeurs, feuilleton de pétitions ; et de remettre jusqu'après notre rentrée des vacances de Pâques la discussion du rapport de la section centrale qui a examiné la question du chemin de fer de Contich à Lierre.

M. Malou. - Messieurs, l'urgence de la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Contich à Lierre a déjà été démontrée plusieurs fois. Ce serait la quatrième ou la cinquième remise. La Chambre, par une décision expresse, a remis cette discussion après celle du projet de loi sur les extraditions. Depuis plusieurs jours le rapport est distribué. On ne peut laisser plus longtemps les localités intéressées dans l'état où elles se trouvent avec un chemin de fer que personne n'ose parcourir.

M. Prévinaire. - Voilà plusieurs fois qu'on répèle dans cette enceinte qu'il y a urgence de discuter ce projet de loi, que les localités qui sont reliées au réseau de l'Etat par le chemin de fer qu'il s'agit de concéder ont un intérêt immense à la question, qu'elles sont exposées à des dangers très graves par suite du mauvais état de la voie.

Voici, messieurs, si je suis bien informé, ce qui vient de se passer.

Lors des dernièies observations présentées au gouvenement au sujet de la situation de ce chemin de fer, je crois savoir que M. le ministre des travaux publics a chargé l'ingénieur en chef de la province d'examiner l'état de la voie. Cet ingénieur en chef s'est rendu sur les lieux et l'ingénieur chargé spécialement de la voie de Contich à Lierre s'est trouvé en désaccord complet sur la nécessité d'exécuter des travaux quelconques à la voie. (Interruption.)

Un honorable membre m'interrompt pour contester ce que je dis. Je tiens ce que je dis de très bonne source, et à raison de mes fonctions de rapporteur, je crois avoir été en position de m'assurer de l'intérêt qui était en jeu.

Au reste, il y a une question qui domine toutes les autres. M. le ministre des travaux publics a par-devers lui toutes les ressources financières nécessaires pour mettre cette voie en bon état. Il n'y a donc pas de raison pour que la question qui doit être débattue dans cette enceinte soit rendue dépendante de l'état de la voie. La voie peut être mise dès maintenant en bon état.

J’engage les honorables membres qui n'ont pas lu les documents parlementaires qui leur ont été remis récemment, à prendre connaissance du rapport. Ils verront qu'une des questions les plus importantes qui puissent être soulevées à propos de nos chemins de fer, se rattache à ce petit projet qui se présentait sous des formes si anodines. C'est une question très grave et qui sera discutée très sérieusement.

Pourquoi vouloir étrangler cette discussion ? Huit jours ne peuvent rien faire à la question, puisque M. le ministre des travaux publics a de l'argent, et qu'il peut faire immédiatement les réparations nécessaires. Voilà trois mois qu'on réclame des réparations. Mais c'est au gouvernement à les exécuter. La voie lui appartient.

M. de Perceval. - Si j'entrevoyais la perspective de terminer la discussion du rapport de la section centrale en une séance, je n'insisterais pas. Mais cela n'est pas probable et bien évidemment la discussion nous occupera pendant plnsieurs séances. Si nous ouvrons la discussion dans la séance de demain, elle devra être reprise à noue rentrée. Je soutiens dès lors qu'il est préférable de ne la commencer qu'à notre rentrée des vacances.

Du reste, la voie ferrée de Contich à Lierre appartient à l'Etat, et si elle se trouve en si mauvais état, c'est à M. le ministre des travaux publics à ordonner les travaux de réparation jugés nécessaires et à prendre toutes les mesures pour rendre à ce chemin de fer la situation que la sécurité des voyageurs est en droit d exiger. Je l'y convie vivement, et j'insiste sur ma motion.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - J'ai déjà eu occasion d'expliquer à la Chambre les causes de l’état dans lequel se trouve la voie de Contich à Lierre. Cette voie appartient à l’Etat, mais elle est momentanément cédée à une compagnie eu vertu d'une convention que vous trouverez dans le rapport de l'honorable M. Prévinaire.

En vertu de cette convention, la compagnie devait pourvoir à l'entretien de la voie, et il y avait une raison assez majeure pour agir ainsi : c'est qu'en vertu d'une convention signée et soumise à l'appréciation de la Chambre, la compagnie reprenait la voie pour ce qu'elle avait coûté à l'Etat.

Il était donc indispensable de maintenir et, jusqu'à la décision des Chambres, l'état financier de cette opération.

Vous connaissez les différentes lenteurs qu'a subies cette affaire. La compagnie qui avait pris à sa charge l'entretien de la voie dans l'hypothèse de n'avoir qu'un entretien usuel, si je puis m'exprimer ainsi, a vu ses calculs déjoués par les retards qu'a subis cette affaire et elle se trouve devant des réparations, qui ne sont plus à proprement parler des réparations usuelles, mais des réparations de parachèvement.

C'est dans cet état de choses que la Chambre a été saisie des plaintes de l'honorable M. Coomans. J'ai fait examiner de près l'affaire. Je crois que l'honorable M. Prévinaire se trompe, quand il dit que la nécessité des réparations est niée.

Cette nécessité n'est pas niée ; mais le point de contestation était de savoir à qui les frais devaient incomber, du gouvernement ou de la compagnie. Maintenant la compagnie, pour faire cesser tout doute, vient de dénoncer la convention en vertu de laquelle elle exploite. L'Etat va donc être obligé d'exploiter lui-même et par suite de faire les réparations nécessaires.

La compagnie cependant accorde quelques jours de répit. Si donc la Chambre pouvait discuter demain ce projet et en finir, nous aurions atteint un résultat utile. Mais s'il n'est pas possible de voter demain ce projet, je n'insiste pas pour qu'on commence la discussion puisque aucun résultat utile ne pourrait être atteint.

M. Coomans. - Si la Chambre ne veut pas en finir demain de cette discussion, il est évident qu'il n'y a pas de chance de faire voter le projet de loi avant les vacances. Mais je répète avec une certitude entière qu'il y a urgence d'arriver à une solution prompte et complète. La voie est mauvaise ; l'honorable ministre le sait mieux que personne et l'honorable M. Prévinaire me permettra de croire que M. le ministre des travaux publics en sait plus et doit en savoir plus sur ce point que l'honorable M. Prévinaire qui ne peut pas avoir de prétentions à l'omniscience.

M. Prévinaire. - J'ai dit qu'il y avait désaccord entre les deux ingénieurs.

M. Coomans. - Je dis que M. le ministre des travaux publics, responsable du chemin de fer de l'Etat, est à même de savoir où en sont les choses, mieux qu'un membre quelconque de cette Chambre.

Mais, messieurs, ce qui m'étonne, c'est que l'honorable membre vient de nous reprocher de vouloir étrangler ce débat.

Voilà plus d'une année que la Chambre est saisie d'un projet de solution. Remarquez que je ne discute pas. Je n'insiste pas aujourd'hui sur l'adoption du projet de loi. J’insiste sur la nécessité indispensable d'une solution immédiate. Eh bien, cette solution a été proposée à la Chambre depuis plus d'un an. La Chambre a reconnu à diverses reprises que la solution était urgente et elle avait même fixé, il y a plus de trois mois et demi, la discussion à un mois.

L'honorable membre ne peut donc pas raisonnablement se plaindre que nous voulions étrangler le débat. Je pourrais plutôt lui dire qu'il veut étrangler le projet de loi. Je ne veux pas étrangler le débat et je reste à la disposition de la Chambre. Mais je tiens à constater de nouveau que nous n'assumons aucune espèce de responsabilité du nouveau retard qui est apporté à cette affaire.

M. de Perceval. - M. Coomans insiste-t-il pour la discussion immédiate ?

M. Coomans. - Non, puisque je ne puis discuter ni voter seul.

(page 927) M. le président. - Ainsi on est d'accord pour ajourner cet objet après les vacances ?

M. Loos. - Messieurs, si j'ai demandé la parole, cé n'est pas pour rentrer dans le débat relatif à l'ajournement du chemin de fer de Contich à Lierre, ce point est décidé ; mais ce qui n'est pas décidé c'est la question dont M. le ministre des travaux publics vient de parler. Il a dit que la route est mauvaise, mais que, par suite d'une convention avec la compagnie qui l'exploite, c'est à elle de l'entretenir ; que la compagnie ne s'attendait pas à un si long délai et que par suite de cela elle n'entretient plus la route ; que, d'un autre côté, le gouvernement ayant fait la cession provisoire de la route, il ne croît pas non plus devoir l’entretenir.

Eh bien, messieurs, que résulte-t-il de là ? C'est que la vie des voyageurs est en danger.

Je dis moi que la cession n'a jamais été faite régulièrement à la compagnie et que dès lors c'est le gouvernement qui doit mettre la route en bon état.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, la compagnie a dénoncé la convention et l'Etat reprend l'exploitation ; dès lors tous les mesures seront prises pour que le service marche convenablement.

Projet de loi relatif à la contrainte par corps pour dette

Motion d'ordre

M. Magherman. - Messieurs, mon intention était de présenter à la Chambre quelques considérations dans l'ordre d'idées dans lequel est entré tout à l'heure l'honorable M. Lelièvre et principalement d'attirer l'attention de M. le ministre de la justice sur la nécessité de suprimer la contrainte par corps pour les sommes de peu d'importance, par exemple jusqu'à concurrence de 300 francs. L'un des prédécesseurs de M. le ministre de la justice, l'honorable, M. de Haussy, était entré dans cette voie en 1848. Mais puisque la Chambre a hâte d'en finir je n'en dirai pas davantage.

M. Vervoort. - Messieurs, la loi en discussion se rattache à une matière extrêmement sérieuse, extrêmement importante. L'honorable M. Magherman vient d'appeler l'attention de M. le ministre sur un seul point concernant la contrainte par corps. Je crois qu'il est nécessaire qu'il est urgent, de procéder à la révision de toutes les lois sur cette matière.

En France on a fait une loi qui doit donner une grande facilité au ministère pour préparer celle que l'état de notre législation exige depuis longtemps. Je prie M. le ministre de la justice de vouloir bien nous dire s'il s'occupe de la révision de cette partie de notre législation.

Sinon il faudra que quelques-uns de mes honorables amis et moi fassions usage de notre prérogative parlementaire.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Les honorables MM. Magherman et Vervoort viennent de signaler l'importance d'une révision des lois sur la contrainte par corps. Depuis longtemps le département de la justice s'est occupé de cette question. Un projet de loi a été rédigé et successivement communiqué aux corps judiciaires du royaume, il s'agit de dépouiller et de coordonner les différentes observations qu'ils ont transmises aux gouvernements. Ce travail se fait en ce moment.

Je n'ajouterai rien à ce que vient de dire l'honorable M. Vervoort sur l'importance de la question ; elle soulève, en effet, les difficultés les plus sérieuses.

Quelques-uns, en petit nombre, à la vérité, demanderont peut-être l'abolition de la contrainte par corps, d'autres réclameront des modifications de différentes natures. C'est tout un système à étudier. La matière touche, d'un côté, à la liberté individuelle, de l'autre côté, à la sécurité commerciale.

J'ajouterai, messieurs, que le point signalé par l'honorable M. Magherman, s'il convient de ne permettre la contrainte par corps que pour des sommes d'une certaine importance, est déjà compris dans un projet de loi présenté par l'honorable M. de Haussy.

Cette question pourra aussi être examinée dans la discussion du projet de loi d'organisation judiciaire dont la Chambre sera, j'espère, saisie prochainement.

M. Vervoort. - Je crois que l'examen de cette affaire est très facile puisque d'excellents matériaux nous sont offerts par la discussion qui a eu lieu en France et par la loi française elle-même.

J'engage donc à M. le ministre de la justice à nous présenter un projet à l'ouverture, de la session prochaine ; sinon, je le répète, nous devrons prendre l'initiative.

- Personne ne demandant plus la parole sur l'ensemble du projet, la Chambre passe aux articles.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Par dérogation à l'article 14 de la loi du 15 germinal an VI, la somme que le créancier est tenu de consigner pour chaque mois sera de 30 francs. »

- Adopté.


« Art. 2. La sommé consignée pour le mois d'emprisonnement commencé au moment de la mise en vigueur de la présente loi, reste fixée à vingt francs. »

- Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain du jour de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé an vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 63 membres présents.

Ce sont : MM. Anspach, Boulez, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemonl, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, Devaux, Dubus, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vervoort, Veydt, Visart et Wasseige.

Ordre des travaux de la chambre

M. Rodenbach. - Messieurs, la Chambre n'a conservé à l'ordre du jour de la séance de demain que des objets tout à fait insignifiants ; nous ne nous trouverions probablement pas en nombre. Je demande en conséquence, que la Chambre décide qu'elle prendra ses vacances à partir d'aujourd'hui.

- Cette proposition est adoptée.

La Chambre s'ajourne à mercredi 2 avril, à 2 heures.

La séance est levée à 5 heures.