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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 7 mars 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 873) M. Dubus fait l'appel nominal à midi et quart.

M. de Luesemans lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Etienne-Omer-Louis-Ghislain-Joseph Wauquier, professeur à l'Académie de dessin et de peinture de Mons, né à Cambrai (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Plusieurs habitants de Cruyshautem prient la chambre de rejeter le projet de loi de crédits supplémentaires destinés à continuer la fabrication des russias. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« La dame Eyrond prie la chambre de la relever de la déchéance de la naturalisation qu'elle a encourue, en laissant expirer le délai fixé pour son acceptation. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs médecins vétérinaires, à Bruxelles, présentent des observations contre la demande des pharmaciens, tendante à obtenir seuls le droit de vendre les médicaments destinés à la médecine vétérinaire. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Plusieurs habitants d'Ostende demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans tous les établissements d'instruction publique des provinces flamandes et à Bruxelles et qu'on y fasse usage de cette langue pour enseigner l'allemand et l'anglais. »

M. Van Iseghem. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement moyen.

- Cette proposition est adoptée.

M. Verhaegen remplace M. Delfosse au fauteuil.

Ordre des travaux de la chambre

M. Le Hon (pour une motion d’ordre). - Messieurs, l'une des sections n'a pas encore terminé l'examen du projet de loi sur l'enseignement moyen, et cependant elle y a consacré le même temps, la même assiduité que toutes les autres. Il est à désirer que, conformément à ce qui s'est fait depuis quelques jours, les séances publiques de la chambre ne commencent qu'à 2 heures, jusqu'à ce que toutes les sections aient terminé le travail, sans lequel la section centrale ne peut se réunir. Je propose à la chambre de prendre une décision dans ce sens.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Bruneau dépose le rapport de la section centrale qui a examiné la demande d'un crédit supplémentaire pour la fabrication des russias.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met le projet à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.

Projet de loi instituant une banque nationale

Second vote des articles

Article 5

M. le président. - Le premier article qui ait été amendé est l'article 6.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A l'article 5, on a imprimé : « Les modes et les conditions de versement; » il faut : « Le mode et les conditions de versement».

- Ce changement est mis aux voix et adopté.

Article 6

« Art. 6. Il y aura un fonds de réserve destiné :

« 1° A réparer les pertes sur le capital social ;

« 2° A suppléer aux bénéfices annuels, jusqu'à concurrence d'un dividende de 5 pour cent.

« Le tiers au moins des bénéfices annuels excédant 6 p. c. du capital social, servira à constituer la réserve. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il faut ajouter après les mots : «de 5 p. c», ceux-ci : «de leur mise».

- L'article 6 est définitivement adopté avec cette addition.

Article 8

L'amendement introduit au n°6° de l'article 8 est mis aux voix et définitivement adopté.

Article 11

« Art. 11. S'il est institué une caisse d'épargne, le gouvernement se réserve le droit d'en faire faire le service par la banque. Ce service sera distinct et indépendant des affaires de la banque. Son organisation fera l'objet d'une loi. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande qu'on substitue dans l'article les mots : «d'en faire opérer», à ceux-ci : «d'en faire faire».

- L'article 11, avec le changement, est mis aux voix et définitivement adopté.

M. Cans. - Messieurs, à propos de l'article 11, je demande à M. le ministre des finances de nous dire si, pour le cas où la banque devrait faire le service de la caisse d'épargne, la rétribution de 200,000 fr., qui lui est allouée pour faire le service du caissier de l'Etat, sera augmentée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, si l'Etat adoptait pour système de faire lui-même le service de la caisse d'épargne, d'opérer les recettes, de faire les placements, cela rentrerait dans le service ordinaire de l'Etat, et il ferait opérer ces recettes par son caissier, comme toutes les autres recettes. Si la caisse d'épargne est constituée en un service distinct et indépendant des services de l'Etat, alors il y aura à prendre certains arrangements.

Dans ma pensée, diverses conditions doivent être imposées à la banque, dans le cas de l'organisation en service distinct et indépendant. Par exemple, la banque pourrait être tenue de lui faire certaines avances dans une proportion déterminée. Par compensation, la banque pourrait avoir une indemnité pour les dépenses qu'elle serait obligée de faire, à raison du service de la caisse d'épargne. Tout cela est à régler. Cependant la pensée qui a présidé à la rédaction de l'article 11, c'est qu'il s'agissait d'imposer ce service à la banque.

Articles 12 et 15

- L'amendement introduit dans l'article 12 est mis aux voix et définitivement adopté.

L'amendement introduit dans l'article 15 est définitivement adopté.

Article 16

« Art. 16. La banque peut être autorisée par le gouvernement à acquérir des fonds publics, sans qu'elle puisse en posséder en propriété pour une somme dépassant le montant versé du capital social.

« Aucune acquisition de fonds publics ne pourra être faite qu'en vertu de l'autorisation donnée par le ministre des finances, sur la demande de l'administration, approuvée par le conseil de censeurs de la banque.

« La réserve énoncée à l'article 6 sera employée en fonds publics. »

M. le ministre des finances propose de supprimer dans cet article, comme entièrement inutiles, les mots suivants :

Au premier alinéa, les mots «en propriété».

Au deuxième alinéa, les mots «de fonds publics».

A la fin du même alinéa, les mots «de la banque».

- La suppression de ces mots est prononcée.

L'amendement ainsi modifié est définitivement adopté.

Article 18

« Art. 18. Il y aura, en outre, un conseil de censeurs.

« Les effets présentés seront soumis à un comité d'escompte. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pour éviter une répétition, j'avais proposé de rédiger ainsi le deuxième alinéa : « Les effets présentés seront soumis à un comité d'escompte. » Il est bien entendu qu'en règle générale, il en sera ainsi, mais que la direction pourra en admettre, sans qu'ils aient été soumis au comité d'escompte. C'est un comité consultatif qui donne son avis sur les billets présentés. La disposition n'a donc pas ce sens qu'on devra dans tous les cas, sans aucune exception, soumettre au comité d'escompte les billets présentés.

M. Cans. - D'après cette observation, il serait peut-être convenable de supprimer le deuxième alinéa. C'est une disposition réglementaire qui doit faire partie des statuts, mais qui ne doit pas figurer dans la loi. J'en propose donc la suppression.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cette disposition offre quelque garantie. Je crois qu'il est préférable de la maintenir.

M. Osy. - Je ne partage pas l'opinion de M. le ministre des finances. Il dit que tous les effets ne devront pas passer par le comité d'escompte, que la banque pourra admettre des effets, sans qu'ils aient été soumis à ce comité. Je crois, au contraire, que s'il y a un comité d'escompte, aucun effet ne peut être pris par la banque qu'après avoir été soumis à ce comité. La première rédaction me paraît présenter plus de garantie que celle qui a été adoptée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Osy demande qu'on revienne à la première rédaction; elle ne présentait pas le sens que lui attribue l'honorable membre ; elle portait : « Il y aura en outre un conseil de censeurs et un comité d'escompte. »

A cela se bornait la disposition ; pour faire droit à une observation de M. de Brouckere, j'avais présenté la rédaction suivante : « Il y aura en outre un conseil de censeurs. Les effets présentés seront soumis à un comité d'escompte. »

Je viens de dire que c'est bien là ce qui se pratiquera en règle générale; les effets seront soumis au comité d'escompte; cependant l'honorable M. Osy doit reconnaître que c'est un comité consultatif qui donne son avis, qui n'impose pas son opinion à la banque; les effets repoussés par le comité d'escompte peuvent être admis par la direction; de même, la direction pourrait repousser les effets qui auraient reçu un avis favorable du comité. Cela se pratique ainsi partout; à la Banque de France, le gouverneur a le droit de s'opposer à l'admission des effets présentés à l'escompte; à plus forte raison, la direction de la banque peut avoir un avis contraire à celui de son comité, mais en règle générale elle doit le consulter, l'entendre; c'est aussi une garantie pour le commerce.

(page 874) Les personnes appelées à faire partie de ce comité qui connaîtront la place ne repousseront pas sans de graves motifs les effets présentés à l'escompte.

Mais, si, après la fermeture des bureaux du comité d'escompte, on se présente avec de bon papier, s'il y a urgence, est-ce que la direction devra remettre au lendemain pour soumettre à son comité le papier qui lui est offert?

Le sens de la disposition est celui que je viens d'indiquer. Il n'y a pas obligation de soumettre tous les effets au comité d'escompte; la direction peut, dans des cas exceptionnels, en admettre sans consulter le comité.

M. Osy. - Dans tous les établissements de crédit, le conseil d'escompte n'opère pas seul; je suis persuadé que dans les statuts on établira que le conseil d'escompte se composera et de conseillers proprement dits, et d'un certain nombre de directeurs ; de sorte que ce sera la direction et le conseil d'escompte qui donneront leur avis.

Mais, dit M. le ministre, on peut admettre des effets sans l'avis préalable du conseil d'escompte. Ce développement me paraît très dangereux, car, quand on sera occupé à faire les statuts, on s'emparera de ce qui s'est dit dans la discussion de la loi.

Eh bien, la direction dira : Nous avons le droit d'admettre des effets qui n'ont pas été vus par le conseil d'escompte; et c'est sous ce rapport que je demande le maintien de l'article.

Je le répète, le comité d'escompte sera composé de directeurs et de conseillers, de manière que certainement il sera réuni tous les jours ; et ce n'est pas quand le public est prévenu que l'on escompte de telle heure à telle heure, qu'on viendra, deux heures après, apporter des effets à escompter. Mais lors même que ce fait se présenterait, je dis que ces effets ne pourraient être reçus par la direction seule. Si l'on établit un conseil d'escompte, il faut qu'il se prononce sur tous les billets présentés ; je demande donc le maintien de la première rédaction.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne m'oppose pas à ce qu'on adopte la première rédaction. Il n'y a pas lieu alors à interprétation; on fera dans la pratique ce que j'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure. Il est impossible dans la pratique de ne pas opérer ainsi.

Ainsi je ne m'oppose pas à ce que, après les mots : « Il y aura, en outre, un conseil de censeurs, » on ajoute : « il y aura également un comité d'escompte. »

M. Delfosse. - Pourquoi ne pas dire : « Il y aura, en outre, un conseil de censeurs et un comité d'escompte»? Il est inutile de répéter.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pardon; il faut répéter; et voici pourquoi : L'administration de la banque sera composée du gouverneur et des directeurs; il y aura, en outre, un comité de censeurs, et c'est ce que porte la loi ; elle ajoute : un comité d'escompte. Les directeurs ne font pas, comme vous l'a dit l'honorable M. de Brouckere, partie du conseil des censeurs; cela va de soi. Mais ils doivent faire partie du comité d'escompte. Ainsi le comité d'escompte ne sera pas en outre des directeurs.

Il faut donc distinguer. C'est pour, cela que la première rédaction a été modifiée. Mais la première rédaction était uniquement celle-ci : il y aura, en outre, un conseil de censeurs et un comité d'escompte.

M. Osy. - C'est de la rédaction adoptée au premier vote que je demande le maintien.

M. Vilain XIIII. - M. le ministre propose-t-il l'ancienne rédaction?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Avec le sens que je lui donne, cela m'est indifférent.

Je ne comprends pas véritablement l'objection que fait l'honorable M. Osy. Qu'est-ce que le comité d'escompte? Est-ce simplement un comité consultatif? Est-il appelé uniquement adonner son avis? Oui. (Interruption.) L'honorable M. Osy me dit : S'il y a des directeurs joints au comité d'escompte, ce n'est pas seulement un comité consultatif, c'est un comité qui prononce définitivement.

Je ne l'admets pas; car alors, un seul directeur ou deux directeurs faisant partie du comité d'escompte lieraient la majorité des quatre directeurs qui n'en feraient pas partie. Cela n'est pas admissible.

Que des directeurs fassent partie du comité d'escompte ou qu'ils n'en fassent pas partie, c'est un simple comité consultatif qui donne son avis sur les effets présentés; et la direction n'est pas obligée de suivre cet avis; elle peut donc admettre des effets présentés à l'escompte sans avoir entendu le comité consultatif.

M. Vilain XIIII. - M. le ministre propose de reprendre la première rédaction de l'article 18 : « Il y aura, en outre, un conseil de censeurs et un comité d'escompte. » Alors la loi ne dispose pas que tous les effets devront être présentés au comité d'escompte. Mais d'après l'amendement qui avait été adopté, ce paragraphe était absolument impératif : « Les effets présentés seront soumis à un comité d'escompte. » Il n'y a pas d'interprétation, il n'y a pas de parole de ministre dans cette chambre, qui puisse donner à ce paragraphe un sens autre que le sens impératif.

Il faut remarquer que si ce paragraphe reste, et si le gouvernement ou les directeurs de la banque admettaient des effets qui n'auraient pas été présentés au comité d'escompte, ils pourraient être responsables personnellement, parce qu'ils auraient violé les termes de la loi. Les actionnaires, le texte de la loi à la main, et sans aller rechercher au Moniteur la discussion de ce paragraphe, mettraient sur le compte personnel du gouverneur et des directeurs, la perte résultant du non-paiement d'effets qu'ils auraient admis sans les soumettre au comité d'escompte.

Je suis d'accord avec M. le ministre des finances, que le gouverneur et les directeurs peuvent admettre des effets sans les avoir soumis au comité d'escompte, mais alors il faut en revenu à la première rédaction.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pour couper court au débat, je propose de rédiger l'article comme suit :

« Il y aura, en outre, un conseil de censeurs.

« Il y aura également un comité d'escompte. »

M. De Pouhon. - Je pense qu'il est nécessaire que le comité d'escompte ait connaissance de tous les effets qui auront été admis par la banque; car, sans cela, il serait exposé à dépasser les crédits qu'il attribuera aux maisons de commerce.

Mais il y aurait inconvénient à ce que la direction de la banque dût subordonner l'admission d'effets à l'avis du comité d'escompte.

Dans des localités où le mouvement des affaires ne comportera pas l'érection d'un comptoir, les négociants pourront remettre à l'agence leurs bordereaux d'escompte pour être envoyés à la banque. Ces soumissions arrivant à Bruxelles après la réunion du comité, devraient être ajournées au lendemain. Il en résulterait des retards préjudiciables aux intéressés.

M. Cans. - Messieurs, la divergence d'opinion entre M. le ministre des finances et M. Osy me détermine à insister pour la suppression que j'ai demandée.

Il est évident que la disposition n'est pas du tout essentielle à l'organisation de la banque par la loi. Cette disposition doit prendre place dans les statuts ou plutôt dans le règlement intérieur de la banque. On a renvoyé aux statuts d'autres dispositions beaucoup plus importantes. Ainsi le rapport entre l'encaisse et l'émission, la proportion dans laquelle la banque pourra prendre des fonds publics en dépôt, ce sont là des questions beaucoup plus importantes que celle de savoir si la direction pourra escompter, sans l'avis du comité, un effet de commerce de 3,000 fr. par exemple.

Je crois qu'il faut abandonner aux statuts la solution de cette question. D'ici au jour où les statuts devront être formulés, M. le ministre pourra se mettre d'accord avec l'honorable M. Osy.

- L'amendement de M. Cans est mis aux voix; il n'est pas adopté.

Il en est de même de l'amendement de M. Osy.

L'amendement de M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.

L'article ainsi modifié est ensuite définitivement adopté.

Article 19

« Art. 19. Le gouverneur est nommé par le Roi, pour cinq ans.

« Il ne peut, pendant la durée de ses fonctions, être membre de l'une ou de l'autre chambre, ni toucher de pension à charge de l'Etat.

« Le membre de l'une ou de l'autre des deux chambres, nommé gouverneur de la banque, cesse immédiatement, s'il accepte, ses fonctions législatives.

« Le gouverneur de la banque, nommé membre de l'une ou de l'autre des deux chambres, n'est admis à prêter serment en cette qualité qu'après avoir déclaré qu'il opte pour ce dernier mandat. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je proposerai, pour améliorer la rédaction, de supprimer les mots : «de la banque», dans les deux derniers paragraphes. Ils sont complètement inutiles.

- L'article est définitivement adopté avec ce changement de rédaction.

Article 22

L'article 22 est définitivement adopté sans discussion.

Article 25

« Art. 25. Aucune autre banque de circulation ne pourra à l'avenir être instituée, sous forme de société anonyme, que par une loi. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, nous créons une banque de circulation. L'utilité des institutions de ce genre n'est pas méconnue. Elle est grande. En autorisant un semblable établissement à émettre des billets, on donne de grandes facilites aux négociants pour l'escompte du papier de commerce, on accélère notamment la circulation des richesses.

Les billets d'institutions de ce genre font, dans la circulation, exactement le même effet que le numéraire; ils le remplacent, ils ont pour effet de chasser le numéraire de la circulation.

Cela admis, on doit reconnaître que la circulation des billets remplaçant le numéraire, il peut en résulter de grands inconvénients pour un pays. Ainsi, du moment où le crédit s'est développé et où le papier remplace la monnaie dans la circulation; du moment où le numéraire est expulsé, par conséquent, en trop grande quantité, il arrive que le change tourne contre le pays où se fait cette émission considérable. Il est impossible qu'il en soit autrement, parce que le payement à l'étranger n'ayant plus qu'un seul moyen de se faire, c'est-à-dire par l'achat de lettres de change, le prix des lettres de change augmente. Il est évident qu'alors on est intéressé à aller échanger ses billets à la banque, et si l'émission n'a pas été prudente, une catastrophe peut s'ensuivre.

Lorsque le signe se multiplie de manière à n'être pas en rapport avec les besoins du marché, il en résulte encore d'autres inconvénients. Ainsi la valeur relative des choses change complètement, cela est incontestable encore : on ne peut multiplier le numéraire et lui conserver, relativement aux autres choses, la même valeur qu'elles avaient auparavant. C'est un accroissement de valeur purement factice, qui n'a rien de réel. On ne s'est pas enrichi pour cela, mais on ne peut plus se procurer les mêmes choses avec une même somme de numéraire. De là, des (page 875) inconvénients graves, surtout pour les individus qui ne vivent que de leur salaire.

Dans tous les pays, on a constaté les inconvénients que pouvait présenter cette circulation trop multipliée du papier.

Puisque la confection de ce papier a pour résultat nécessaire de remplacer dans la circulation la monnaie, on doit reconnaître que ceux qui obtiennent le droit d'émettre un semblable papier partagent, avec la puissance publique le droit de battre monnaie. Or, partout on apporte des entraves à la fabrication des monnaies, ce n'est pas à raison de la multiplication des monnaies, c'est à raison du titre et du poids : c'est qu'on craint que le public ne soit trompé sur le titre et la valeur des monnaies.

Eh bien, quel moyen donnez-vous au public de vérifier le titre et la valeur des billets mis en circulation? Vous dites qu'ils s'abandonnent à la foi de ceux qui émettent un semblable papier, qu'ils sont libres d'en prendre ou de ne pas en prendre. Mais je réponds qu'on pourrait dire exactement la même chose de la monnaie : on en prendra ou l'on n'en prendra pas, si l'on veut. Il est plus facile de vérifier le titre et la valeur de la monnaie que le titre et la valeur d'un billet mis en circulation.

Des faits nombreux ont constaté les inconvénients de la multiplication des papiers de circulation. Presque tous les économistes sont d'accord sur ce point; et pour n'en invoquer qu'un seul, je citerai notre très honorable collègue, M. de Brouckere. Dans un livre, publié par lui, je trouve ce qui suit :

« L'émission de billets donne au commerce une grande facilité de circulation ; elle évite un remaniement continuel et fastidieux d'écus ; mais ce bienfait n'est pas sans danger ; les bénéfices que présente aux banques la circulation du papier ont donné lieu à de graves abus. L'émission trop nombreuse, par suite de la facilité des preneurs, a jeté plusieurs établissements hors des routes prescrites par la prudence, et causé aux Etats-Unis d'Amérique la ruine et la banqueroute de différentes banques. Le vice provient de la multiplicité des banques rivales sans cesse en présence, elles doivent abaisser l'intérêt de l'argent, et lutter aux dépens l'une de l'autre : dès lors, se jetant dans des opérations hasardées, l'émission du papier n'est plus en rapport avec le capital réel; et, à la première crise, la banqueroute est imminente.

« Car il ne faut pas se dissimuler que la facilité de circulation du papier de banque se ralentit aussitôt que l'horizon politique se rembrunit; qu'alors une partie des porteurs de billets les présente à la conversion, et que le moindre retard ou embarras dans l’échange fait affluer tous les porteurs. Rien n'est, en général, moins fixe que la quotité de circulation. En temps ordinaire, elle est assujettie aux phases du commerce; en temps de trouble ou de guerre, elle devient presque nulle. Aussi le bénéfice des banques consiste à avoir toujours pour le montant de leur papier des valeurs réalisables et portant intérêt. »

Et plus loin, il continue ainsi :

«En résumé, l'institution des banques de dépôt, de circulation et de prêt sont pour le public d'une utilité incontestable; mais la durée et la solidité de ces établissements, dont les opérations sont toutes plus ou moins chanceuses, dépendent des mains auxquelles ils sont confiés, et du nombre même des banques qui s'établissent en concurrence les unes avec les autres. »

Je partage entièrement les doctrines professées par l'honorable M. de Brouckere. Je crois que l'institution que nous allons fonder, réalise, en grande partie, les désirs de l'honorable membre; ainsi, il se prononce d'une manière suffisamment expresse en faveur de l'unité d'émission, en ce sens qu'il signale les dangers de banques rivales en présence; s'il y a des dangers publics à avoir des banques rivales en présence, il est assez naturel d'en conclure que, s'il est possible d'avoir l'unité en matière de circulation, on aura fait disparaître cet inconvénient, on aura atteint le but qu'il parait désirable d'atteindre en cette matière.

Ces principes posés, nous avons à nous demander jusqu'où cependant on doit aller en cette matière. Les billets au porteur, de simples papiers que des particuliers trouvent bon d'émettre, doivent-ils être interdits? Le sont-ils par la législation actuelle? Inutile de nous prononcer sur ce point. Ou la législation y pourvoit, et alors on avisera, si des inconvénients se révèlent, ou si la loi n'y pourvoit pas, ce sera à la législature de statuer ultérieurement.

Mais, en fait, il n'y a pas d'inconvénient sérieux à redouter de l'émission de papiers par de simples particuliers, parce que le crédit manquera à ce papier; c'est extrêmement limité; cela peut offrir des mécomptes individuels, mais il n'y a point dangers à craindre au point de vue de l'intérêt public.

Où le danger commence-t-il ? Nous serons encore d'accord avec l'honorable M. de Brouckere, à qui je viens de communiquer une modification de rédaction de l'article 25 qui conciliera toutes les opinions. Où commence le danger? Là où les émissions pouvant être faciles, considérables, à l'abri d'institutions formées dans une bonne pensée, je le veux, mais qui, par l'absence de surveillance, de garantie donnée au public, seraient de nature à compromettre la sécurité de la circulation.

Que quelques particuliers se réunissent, s'associent ; quel que soit le nombre de ces particuliers pour constituer non une banque, mais une maison de banque, ce qui n'est pas la même chose, ils ne formeront qu'une réunion de banquiers faisant l'escompte ; émettront-ils du papier, mais la circulation de ce papier sera extrêmement restreinte. Le danger ne peut venir que de la part de compagnies par actions, soit anonymes soit en commandite, celles-ci présenteront les inconvénients de la société anonyme et n'offriront aucune des garanties que celle-là permet de proscrire.

Si nous disions qu'aucune banque de circulation ne pourra être instituée sous forme do société anonyme que par une loi, il en résulterait qu'elle pourrait être constituée sous forme de société en commandita par actions. Je propose de dire : « Aucune banque de circulation ne peut être constituée par actions, si ce n'est sous la forme de société anonyme, et en vertu d'une loi. »

Je crois que dans ces termes-là aucune espèce d'inconvénient n'est redouter.

M. de Brouckere. - Je me rallie à l'amendement de M. le ministre des finances. Je ne veux pas abuser des moments de la chambre ; puisque nous sommes d'accord sur la conclusion, peu importe que nous ne le soyons pas sur les prémisses. Mais je dois contester d'une manière absolue toutes les doctrines économiques que M. le ministre vient de présenter. (Interruption). Vous avez tiré de l'exposition que j'ai faite, des conséquences que je ne puis appeler que forcées ou fausses.

Il y a beaucoup d'institutions qui ont des inconvénients, toutes les libertés ont des inconvénients; est-ce une raison pour nous les ravir? La liberté de la presse a des inconvénients ; les signaler, serait-ce provoquer la censure? Je ne comprends pas qu'un gouvernement constitutionnel, que le gouvernement d'une société fondée sur les idées saines de liberté, puisse porter atteinte à aucune liberté. Sa mission se borne à réprimer la licence.

Du reste, je me rallie à la proposition de M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est possible que les doctrines économiques que j'ai avancées ne soient pas celles de l'honorable préopinant; mais il reconnaîtra que les économistes les plus distingués professent l'opinion que je viens d'émettre; ils peuvent être dans l'erreur, l'honorable membre le démontrera, peut-être; mais à coup sûr, Rossi l'enseigne, Léon Faucher l'enseigne, Say l'enseigne, Adam Smith l'enseigne, Sismondi, tous l'enseignent (Interruption.)

Je tiens à me justifier de n'avoir pas professé une trop grande hérésie; ce sera déjà fort bien si je ne suis hérétique qu'à demi; dans tous les cas, je suis en très bonne compagnie. Robert Peel professe les mêmes doctrines; le parlement anglais, dans le bill de 1844, a interdit l'institution de banques d'émission. L'honorable membre prétend que l'on porte atteinte, par là, à la liberté du travail ou du commerce; mais je demande pourquoi il ne propose pas de laisser à chacun la liberté de fabriquer des monnaies? Il reconnaît que, en ce cas, l'intervention de la puissance publique est nécessaire. Eh bien, je soutiens qu'il en est de même en ce qui touche l'émission des billets de banque.

- La discussion est close.

L'article 25, tel que M. le ministre des finances propose de le rédiger, est mis aux voix et adopté.

Article 9

M. Veydt. - Je proposerai un léger changement de rédaction à l'article 9; il consiste à intercaler les mots : « qui sont, » au paragraphe premier et au dernier. «

- Cet amendement est adopté.

Article 22

M. le président. - A l'article 22, je proposerai de supprimer le mot «celle».

- Cette suppression est adoptée.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

81 membres répondent à l'appel.

79 répondent oui.

2 membres s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté; il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Breyne, de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, Dedecker, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, Desoer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dubus, Dumon (Auguste), Fontainas, Frère-Orban, Jouret, Jullien, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau. Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Berghe de Binckum , Vanden Brande de Reeth , Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Boulez, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools et Verhaegen.

M. le président. - La parole est aux membres qui se sont abstenus pour motiver leur abstention.

M. de Man d'Attenrode. - Je n'ai pas rejeté le projet de loi, parce qu'il rétablit la convertibilité de la circulation; or, je suis en principe l'adversaire du cours forcé du papier.

Je ne l'ai pas adopté, parce que cette grave mesure me semble inopportune et entourée de dangers dans les circonstances présentes.

Je me suis en conséquence abstenu.

M. Jacques. - J'approuve l'institution d'une Banque Nationale et la plupart des dispositions du projet de loi; j'admets que la Banque Nationale prête 20 millions à la Société Générale pour retirer tous ses billets à cours forcé ; j'admets que la Société Générale paye 3 p. c. d'intérêt sur ces 20 millions jusqu'à ce qu'elle les eût remboursés : j'admets (page 875) enfin que la Banque Nationale profile de cet intérêt de 3 p. c. tant qu'elle fournit elle-même les 20 millions. Mais si la Banque Nationale ne peut pas fournir ces 20 millions; si c'est le gouvernement qui doit les fournir, en donnant de nouveau le caractère de monnaie légale à des billets de banque, je ne puis pas consentir alors à ce que le gouvernement fournisse gratuitement les 20 millions, sans se faire remettre par la Banque Nationale les 3 p c. qu'elle doit percevoir de la Société Générale : il m'est impossible de consentir à ce que l'Etat fasse ainsi bénévolement cadeau de 600,000 fr. par an aux actionnaires de la Banque Nationale; et cependant quand on va au fond des choses au lieu de s'arrêter à la surface, c'est bien là ce que vous avez décidé en rejetant l'amendement de M. de Man et le mien.

- M. Delfosse remplace M. Verhaegen au fauteuil.

Projet de loi sur l’exercice de la médecine vétérinaire

Discussion des articles

Titre II. Des moyens d’encouragement

Article 22

« Art. 22. Il y a des médecins vétérinaires du gouvernement. Ne pourront être nommés médecins vétérinaires du gouvernement que les personnes qui auront subi avec distinction l'examen de médecin vétérinaire, ou celles qui sont munies d'un diplôme de première ou de deuxième classe délivré avant la promulgation de la présente loi. »

M. Mascart, rapporteur. - Il y a, d'après une annexe au projet de loi présenté, 151 vétérinaires du gouvernement. Eloignés les uns des autres de 4 à 5 lieues, vous comprendrez, messieurs, qu'ils peuvent difficilement remplir le but pour lequel ils sont institués; chacun d'eux ayant dans son ressort de 15 à 20 communes et dans lesquelles sont souvent établis des vétérinaires qui jalousent la position qui leur est faite et qui leur font concurrence. Qu'arrive-t-il? C'est que les vieux chevaux usés, légèrement atteints de maladie contagieuse, sont achetés dans les villes où la surveillance est plus active, par de petits cultivateurs habitant des localités écartées et où la police sanitaire laisse beaucoup à désirer. Ces animaux achetés à vil prix, pour la valeur de la peau, à l'époque du commencement des travaux agricoles, sont conserves pendant 2 ou 3 mois jusqu'à ce que ces travaux soient terminés.

Alors on réclame l'intervention du médecin vétérinaire du gouvernement, lequel autorise ou provoque l'abattage de l'animal malade, et le gouvernement est amené à payer une indemnité qui est souvent double de la somme payée par le propriétaire de l’animal, trois mois auparavant. J'ai des renseignements qui ne permettent pas le doute à cet égard, et j'appelle sur ce point toute l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

En multipliant les vétérinaires du gouvernement, en appelant à ces fonctions ceux que recommandent le savoir et la probité, on diminuerait les frais de l'abatage des animaux, puisque les frais de parcours seraient moins considérables, et les abus qui se sont glissés dans ce service seraient moins nombreux, surtout si l'intervention de deux vétérinaires était exigée pour l'abattage.

Le gouvernement augmenterait ainsi la somme de ses garanties pour la bonne distribution de ses fonds.

C'est dans ce but que la section centrale a demandé que le nombre de vétérinaires fût augmenté et que le règlement d'administration publique fût promptement promulgué.

M. Bruneau. - J'ai demandé la parole pour appuyer les observations qui ont été présentées en section centrale, quant à la classification entre les médecins vétérinaires. Les uns seraient des médecins vétérinaires, ayant le titre de médecins vétérinaires du gouvernement; les autres n'auraient pas ce titre. Je crois qu'il y a de grands inconvénients attachés à cette classification. C'est surtout dans l'intérêt de l'agriculture que je voudrais la voir disparaître.

D'après le projet de loi, il n'y aurait que les médecins vétérinaires qui auraient subi leur examen avec distinction, qui pourraient obtenir le titre de médecins vétérinaires du gouvernement. Il s'ensuivra que dans les communes où il n'y aura pas de médecin vétérinaire ayant subi son examen avec distinction, il n'y en aura pas qui puisse être investi des fonctions de médecin vétérinaire du gouvernement.

Vous savez que la seule différence qu'il y a, c'est que les médecins vétérinaires du gouvernement, assermentés, sout seuls aptes à donner les certificats donnant droit à une indemnité, dans le cas d'abattage. Je ne vois pas pourquoi l'on aurait, pour la délivrance de ces certificats, plus de confiance dans les médecins vétérinaires qui ont subi leur examen avec distinction qu'en ceux qui l'ont subi avec satisfaction. Ils sont tous sur la même ligne, ont fait des études préparatoires identiques, ont subi les mêmes examens avec plus ou moins de distinction, il est vrai, mais tous offrent des garanties au gouvernement et aux populations au milieu desquelles ils sont.

Le service vétérinaire doit être établi surtout dans l'intérêt des habitants des campagnes. Si dans une campagne assez éloignée, ou il n'y a pas de médecin vétérinaire du gouvernement, le campagnard a des animaux atteints d'une maladie qui nécessite l'abattage, il sera dans des conditions plus défavorables que le cultivateur voisin d'une ville où se trouve un médecin vétérinaire du gouvernement. S'il n'y a de médecin vétérinaire que dans une localité éloignée, le cultivateur devra recourir à grands fraisa ses soins.

D'un autre côté, il ne pourra se dispenser de recourir à l'artiste vétérinaire de la commune, bien qu'il résulte pour lui, de la disposition, une grande défaveur. Il semble que le gouvernement lui dénie tout titre à la confiance, et lui conteste les capacités nécessaires pour l'obtenir. Il s'ensuivra que le cultivateur qui croira que ses animaux sont atteints d'une maladie contagieuse, n'aura pas recours à ses soins, dût-il aller, dans une localité très éloignée, chercher un médecin vétérinaire du gouvernement.

Il en résultera un très grand désavantage pour les habitants des campagnes, et une lésion permanente, certaine, pour le médecin vétérinaire qui n'aura pas la qualité de médecin vétérinaire du gouvernement.

Vous voyez donc que, dans l'intérêt des artistes vétérinaires, comme dans l'intérêt des habitants des campagnes, cette disposition doit disparaître. Je n'en vois pas l'utilité. Il est fondé sur ce que le gouvernement doit avoir confiance dans les médecins vétérinaires qui doivent donner les certificats donnant droit à une indemnité, dans le cas d'abatage. Ces cas ne sont pas très nombreux.

Puis le gouvernement peut prendre des précautions pour se prémunir contre la fraude, contre le manque d'exactitude dans les certificats.

Quant à moi, je propose de supprimer la distinction entre les artistes vétérinaires du gouvernement et les autres artistes vétérinaires, qui tous doivent avoir les mêmes droits, à charge de leur faire prêter serment, soit préalablement à l'exercice de leurs fonctions, soit pour chaque cas spécial où ils sont appelés à donner un certificat. Il est très possible que, dans chaque cas spécial, on requière la prestation de serment de l'artiste vétérinaire, soit devant le juge de paix du canton, soit devant le bourgmestre de la commune dans laquelle le certificat est délivré.

Je n'y verrais, quant à moi, aucun inconvénient, tandis que je vois de grands inconvénients pour les cultivateurs et les artistes vétérinaires dans la distinction que l'on veut établir.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne puis admettre la proposition de placer sur la même ligne tous les artistes vétérinaires diplômés.

Il importe, dans l'intérêt des agriculteurs et surtout des agriculteurs pauvres, que le gouvernement ait des artistes vétérinaires qui soient ses agents, auxquels il puisse donner des ordres, desquels il puisse exiger même un service rendu gratuitement, ou à prix réduit, à une catégorie d'habitants de la campagne qui ne seraient pas en position de payer les frais de traitement des animaux malades.

Voilà pourquoi, dans l'intérêt même des campagnes, il est utile qu'il y ait des artistes vétérinaires en quelque sorte fonctionnaires de l'Etat.

Si vous placez tous les vétérinaires sur la même ligne, qu'arrivera-t-il? Vous manquerez d'artistes vétérinaires dans les localités où il en manque.

Tous les vétérinaires reflueront vers les grands centres, vers les centres riches, et les centres pauvres en seront privés.

C'est afin de pourvoir à ces inconvénients, c'est afin de satisfaire à ces besoins des campagnes que le gouvernement demande à pouvoir favoriser une certaine catégorie de vétérinaires.

Comme c'est une faveur accordée aux vétérinaires que ce traitement, que cette indemnité de déplacement, il est juste que le gouvernement ne réserve cette faveur qu'à ceux des vétérinaires qui se sont le plus distingués dans leurs examens.

C'est un encouragement donné aux études vétérinaires. La perspective de devenir vétérinaire du gouvernement encouragera les jeunes gens à étudier sérieusement, à donner des soins assidus aux matières de leur examen.

Il y aurait aussi, messieurs, certains inconvénients à attribuer aux artistes vétérinaires, en général, la faculté de donner des certificats qui entraînent le trésor dans des dépenses, qui obligent le gouvernement à des indemnités. Il faut que de pareilles déclarations soient faites par des agents en qui le gouvernement puisse avoir confiance, qui sont revêtus en quelque sorte d'un caractère officiel, et qui impriment un cachet officiel aux actes qu'ils certifient.

La loi a pour but et aura, j'espère, pour résultat d'améliorer le sort des artistes vétérinaires en général, aussi bien ceux qui sont artistes vétérinaires du gouvernement, que ceux qui sont artistes vétérinaires pour leur propre compte.

On a critiqué à tort la rigueur de plusieurs mesures réglementaires. Autrefois il fallait que l'animal abattu, pour donner lieu à indemnité, eut été soigné, dès le principe, par un artiste vétérinaire du gouvernement.

Aujourd'hui, suivant les cas, l'indemnité peut être payée, alors même que l'animal abattu aurait reçu les soins d'un artiste vétérinaire qui ne serait pas artiste vétérinaire du gouvernement. Il y a eu, sous ce rapport, des modifications au règlement de 1841. Ce règlement a été modifié par un arrêté royal de 1847, qui assimile les vétérinaires diplômés aux vétérinaires du gouvernement, dans les cas des articles 2 et 4 de l'arrêté du 19 avril 1841.

M. Bruneau. - C'est l'artiste vétérinaire du gouvernement qui seul peut ordonner l'abattage.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela est vrai. Mais vous savez à combien de réclamations a donné lieu l'extrême facilité avec laquelle les abattages étaient ordonnés. Déjà, messieurs, nous devons tenir les artistes vétérinaires du gouvernement en garde contre la trop grande facilité à ordonner l'abattage des animaux.

Si vous allez investir tous les vétérinaires de cette faculté, les abus que nous avons voulu réprimer ne feront que s'accroître. Il faut que ceux qui engagent les finances de l'Etat soient retenus par une sorte de (page 877) responsabilité vis-à-vis de l'Etat ; et certes, si la déclaration du premier artiste vétérinaire venu suffisait pour donner lieu à abattage, et par suite à indemnité, je crois que les économies que nous avons obtenues disparaîtraient bientôt pour faire place à de nouvelles dépenses.

Je pense donc que l'article peut être adopté tel qu'il a été présenté. Je le répète, s'il y a lieu d'aller un peu plus avant sous ce rapport, on le fera. Mais déjà l'arrêté de 1841 n'est plus applicable dans toute sa rigueur, en ce qui concerne les artistes vétérinaires diplômés, et je le fais remarquer de nouveau, il résultera pour eux des avantages certains de l'application de la loi nouvelle.

M. Jullien. - Je partage l'opinion de M. le ministre de l'intérieur, qu'il est utile de créer des médecins vétérinaires du gouvernement. Toutefois, messieurs, je ne puis admettre le principe trop absolu de l'article 22 du projet de loi. Cet article 22 porte : « Ne pourront être nommés médecins vétérinaires du gouvernement, que les personnes qui auront subi avec distinction l'examen de médecin vétérinaire ou celles qui sont munies d'un diplôme de première ou de deuxième classe délivré avant la promulgation de la présente loi. »

Comme vous le voyez, messieurs, le titre de vétérinaire du gouvernement serait exclusivement réservé à des personnes qui auraient subi l'examen de médecine vétérinaire avec distinction. C'est aller, selon moi, trop loin. Un jeune homme peut ne pas avoir obtenu un diplôme avec distinction et cependant donner dans la pratique des preuves de grande aptitude. Il peut se faire également que le nombre des jeunes gens qui seront reçus avec distinction ne soit pas suffisant pour pourvoir au personnel des vétérinaires du gouvernement.

Je voudrais donc, messieurs, que l'on modifiât l'article 22 en ce sens que les médecins vétérinaires du gouvernement seraient choisis de préférence parmi les personnes qui auraient obtenu des diplômes avec distinction. De cette manière nous n'exclurions pas les jeunes gens qui auraient obtenu le titre de vétérinaire d'une manière satisfaisante et qui cependant auraient acquis des connaissances suffisantes pour avoir droit à un diplôme de vétérinaire du gouvernement.

Je propose donc de commencer ainsi l'article : « Il y aura des médecins vétérinaires du gouvernement qui seront choisis de préférence parmi les personnes, etc. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Jullien n'est qu'une recommandation inutile en elle-même. Il est de fait que si le gouvernement n'a pas l'obligation de choisir ses vétérinaires parmi les élèves qui ont subi l'examen avec distinction, il n'en préférera pas moins choisir; mais j'ai dit les motifs pour lesquels il est bon d'astreindre le gouvernement à faire ses choix dans ce cercle : la perspective d'être nommé artiste vétérinaire engagera, ces derniers, les jeunes gens à se préparer mieux aux matières d'examen Le gouvernement, de son côté, ne cédera pas à des sollicitations en faveur de sujets médiocres. Il est bon que, dans ces sortes de questions, l'action du gouvernement soit jusqu'à un certain point limitée, afin que ses faveurs tombent nécessairement sur ceux qui ont fait preuve de capacité.

Le titre d'artiste vétérinaire du gouvernement emporte des faveurs pour ceux qui en sont investis.

Il les assujettit bien à certains services gratuits ou faiblement rétribués, mais il leur procure aussi les avantages d'un traitement fixe et d'indemnités de route, ce que n'ont pas les autres artistes vétérinaires. Eh bien, il est bon qu'on ne puisse obtenir ces faveurs qu'à la condition d'avoir subi l'examen avec distinction. Les jeunes gens qui aspireront à l'honneur et aux profits des fonctions d'artiste vétérinaire, pourront au besoin se soumettre à un nouvel examen et tâcheront de subir ce nouvel examen avec distinction. Remarquez, messieurs, que la mention dont il s'agit n'est pas très difficile à obtenir; ce n'est que le deuxième degré: il y a, d'abord : d'une manière satisfaisante; en deuxième lieu : avec distinction; puis viennent: la grande distinctione, la plus grande distinction.

Du reste, messieurs, l'amendement de l'honorable M. Jullien n'aurait pour but que de faciliter l'action du gouvernement, et à ce point de vue le gouvernement serait disposé à l'accepter; mais les considérations que j'ai fait valoir me déterminent à le repousser.

M. Jullien. - M. le ministre de l'intérieur vient de dire que mon amendement tend à élargir l'action du gouvernement. A ce point de vue, loin de le repousser, il devrait l'admettre. Il y a, du reste, dans la réponse de M. le ministre de l'intérieur, une lacune qui m'engage à insister pour l'adoption de cet amendement.

Je vous ferai remarquer, en effet, que l'honorable ministre de l'intérieur n'a point établi la possibilité pour le gouvernement de nommer, dans tous les cas, les médecins vétérinaires du gouvernement parmi les sujets qui ont subi l'examen avec distinction.

S'il n'y a pas assez de sujets de cette catégorie, je demande ce que fera le gouvernement, si vous maintenez la rédaction de l'article 22. Mais si vous maintenez la règle exclusive qu'il consacre, il en résulterait que le gouvernement se trouverait souvent dans l'impossibilité de nommer des artistes vétérinaires dans les localités où il devrait en établir. Je pense donc que, dans l'intérêt de l'action du gouvernement et du service vétérinaire lui-même, il y a lieu d'accepter la rédaction que j'ai proposée.

M. Fontainas. - Messieurs, j'appuie la proposition de l'honorable M. Jullien. Le gouvernement veut des garanties; eh bien, il en trouve de bien plus larges dans cette proposition que dans l'article du projet. On craint, dit-on, les abus. Mais il y a des abus en toutes choses, et si nous voulions raisonner de l'abus, nous arriverions à renverser toutes les institutions.

Les examens, il faut bien le dire, sont une chose assez chanceuse. J'ai vu tel étudiant subir avec succès son examen et cependant ne pas être un homme d'avenir. J'en ai vu d'autres échouer uniquement parce qu'ils étaient d'une grande timidité et que la timidité paralyse souvent tous les moyens. C'est là une vérité constatée par l'expérience, et cette vérité suffit pour justifier la proposition de M. Jullien.

- L'amendement de M. Jullien est mis aux voix et adopté.

L'article 22, ainsi modifié, est adopté.

Article 23

«Art. 23. Un règlement d'administration publique déterminera le nombre et les fonctions des médecins vétérinaires du gouvernement, ainsi que le taux des indemnités qui pourront leur être allouées.»

- Adopté.

Article 24

«Art. 24. Le gouvernement peut allouer des subsides annuels et temporaires aux médecins vétérinaires qui s'obligeront :

1° A se fixer dans la localité qu'il leur assignera;

2° A traiter, dans un rayon déterminé, les animaux malades de certaines catégories de propriétaires, d'après un tarif spécial, arrêté par lui.»

M. Julliot. - Je propose, messieurs, la suppression de l'article 24.

Cet article autorise le gouvernement à accorder des subsides annuels aux médecins vétérinaires qui s'obligeront :

1° A se fixer dans la localité qui leur sera désignée;

2° A traiter, dans un rayon déterminé, les animaux malades de certaines catégories de propriétaires d'après un tarif spécial.

Messieurs, je sais bien que le gouvernement n'abusera pas de cette latitude, de ce blanc-seing qui ne fixe pas de limite; mais il en usera et c'est déjà trop, car comment en usera-t-il? II donnera peu la première année et beaucoup 5 à 6 ans après. Nous savons comment cela se fait : un médecin vétérinaire est un homme influent à la campagne, il aura des amis qu'il obligera; pour être reconnaissants, ceux-ci feront des démarches pour lui procurer un subside afin qu'il n'abandonne pas cette localité.

Chaque médecin nouveau ne se placera qu'en cherchant à traiter avec l'Etat; or par les bourses d'études on détourne déjà des jeunes gens de leur vocation naturelle, ceux qui n'ont pas le feu sacré de cette science, et par les subsides vous voulez détourner les médecins vétérinaires de leur résidence naturelle, celle où ils peuvent être le plus utiles, car à moins de les supposer tous rentiers, ils se placeront où ils auront le plus de chances de pratique. Si donc vous les tirez de là, pour les envoyer ailleurs, vous faites plus de mal à la localité délaissée que vous ne faites de bien à la localité que vous dotez.

Ils traiteront le bétail à prix réduit, dit-on, pour une catégorie de propriétaires; mais la grande masse de cette catégorie ne jouira pas de cette faveur puisque vous n'avez que peu de médecins à votre disposition, vous ne tenez pas compte que le grand nombre de cette catégorie que vous voulez soulager payera son médecin au prix ordinaire et contribuera encore, en sus de son impôt, à payer une part dans le supplément que l'Etat veut faire à ceux qui seront dotés d'un médecin.

D'un autre côté, les empiriques peuvent encore librement exercer pendant deux ans; après cette époque il faudra un examen, et il est à présumer que la moitié des 1,400 personnes non diplômées échouera dans son examen ; mais alors les médecins diplômés ne sauront suffire à la tâche et trouveront tous à se placer de la manière la plus avantageuse; je ne vois pas un seul côté recommandable dans cet article, j'y vois au contraire une nouvelle source de dépense, tandis que nous faisons d'un autre côté toutes les économies possibles pour éviter de nouveaux impôts, et le contribuable a au moins autant mes sympathies, que des médecins, des vétérinaires et des pharmaciens qui tous peuvent former les mêmes prétentions à l'obtention de subsides pas plus justifiables les uns que les autres.

Je dis que les localités fort pauvres ont du bétail d'une mince valeur qui ne supporte pas la charge que leur impose la visite de la science, et qui se contenteront encore longtemps du traitement pratique dont elles ne se sont pas plaintes jusqu'à présent; si ces localités sont trop éloignées d'un vétérinaire, on admettra que personne n'est tenu à l'impossible.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne pense pas, messieurs, que la proposition de l'honorable membre ait la moindre chance de succès, et j'hésite à prendre la parole pour la combattre. L'honorable membre propose la suppression d'un des articles les plus utiles de la loi. Cet article a pour but de procurer aux localités qui en manquent et qui en ont le plus grand besoin, des artistes vétérinaires ; si donc cet article était supprimé, autant vaudrait rejeter la loi, car la loi a pour but d'apporter des améliorations au service vétérinaire dans les campagnes. En supprimant les artistes vétérinaires du gouvernement, et en interdisant au gouvernement d'en nommer de nouveaux, vous priverez d'artistes vétérinaires beaucoup de localités qui en jouissent aujourd'hui et un grand nombre de localités qui en ont besoin.

On invoque les dépenses. Il est vrai que l'établissement d'un certain nombre d'artistes vétérinaires, nécessitera quelques dépenses. Cependant, ici encore nous avons introduit de fortes économies. Autrefois le service vétérinaire coûtait infiniment plus qu'il ne coûte aujourd'hui. Voici, en effet ce qu'il a coûté:

En 1842, 56,903 francs.

En 1843, 55,366 francs.

En 1844, 60,543 francs.

En 1845, 76,834 francs.

En 1846, 86,520 francs.

(page 878) En 1847, une mesure a été prise par l'honorable M. de Theux, je pense, qui a fait descendre la dépense à 54,000 fr.

En 1848, elle est descendue à 36,000 fr., et en 1849 elle s'est trouvée réduite à 30,000 fr.

On a pris des précautions pour éviter l'exagération des frais de route et de séjour. Nous sommes aujourd'hui arrives à 30,000 fr., et j'espère qu'au moyen de cette somme, nous pourrons pourvoir à l'exécution de l'article 24. Reste à décider si, pour faire l'économie de ces 30,000 fr., la chambre voudra priver les contrées qui en ont le plus grand besoin du bienfait du service des artistes vétérinaires.

Il y aurait encore la question des droits acquis à examiner. Il y a beaucoup d'artistes vétérinaires qui jouissent d'un traitement depuis une époque antérieure à 1830...

M. Julliot. - Ma proposition ne concerne que l'avenir.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quant au résultat immédiat de la proposition, il serait nul au point de vue financier et, d'un autre côté, il nuirait au service de la médecine vétérinaire dans les campagnes.

- L'article 24 est mis aux voix et adopté.

Titre III. Des droits attachés aux grades

Article 25

«Art. 25. Nul n'est admis aux fonctions qui exigent le grade de médecin vétérinaire, s'il n'a obtenu ce grade de la manière déterminée par la présente loi.»

M. Jullien. - Messieurs, on a dit avec raison, dans la séance d'hier, que le projet de loi actuel se fonde sur des considérations d'intérêt général. Encourager l'étude de la science vétérinaire, en répandre les bienfaits dans nos campagnes, entourer la profession vétérinaire de la protection et des garanties dont jouit l'exercice de la médecine humaine, extirper l'empirisme dans nos campagnes, tels sont incontestablement les résultats que devra produire la loi actuelle.

Quoiqu'il en soit, et quelque importants que soient ces résultats, il ne faut pas, pour les atteindre, introduire des entraves à la guérison des animaux malades.

Selon nous, il y aurait danger à ériger en principe absolu que tout acte de médecine vétérinaire, posé par une personne non diplômée, constituerait une infraction punissable.

En effet, il peut arriver une foule de cas dans lesquels le cultivateur ne pourra pas appeler un vétérinaire. Il en sera ainsi, non seulement dans les localités où il n'y a pas de vétérinaire, dans les localités où le vétérinaire sera absent, mais encore dans des districts agricoles entiers où il n'y a pas de vétérinaire ; il en sera de même encore lorsque le cultivateur devra parcourir une grande distance pour chercher un vétérinaire, et que ses animaux seront atteints de maladie qui exigera des secours immédiats. Dans ces cas urgents, faudra-t-il que le cultivateur laisse périr son bétail, en attendant l'arrivée d'un vétérinaire? Faudra-t-il que, dans les cas si nombreux de parturition laborieuse, de météorisation, de coliques instantanés du bétail, le cultivateur soit obligé de faire venir dans la commune un vétérinaire ou un maréchal vétérinaire, qui arriverait tardivement, alors que la maladie aurait fait trop de progrès, ou même après que l'animal aurait péri?

Ne devons-nous pas admettre que, dans ces cas pressants, le cultivateur puisse faire ce qu'il fait aujourd'hui? Ne devons-nous pas admettre que, dans ces cas, le cultivateur puisse recourir à une personne de sa localité, et lui demander des remèdes curatifs pour être administrés immédiatement?

Messieurs, il ne faut pas donner un caractère vexatoire à la loi; il ne faut pas que les mesures que nous voulons prendre en faveur des cultivateurs tournent directement contre eux.

Evitons de rompre ces rapports de cultivateur à cultivateur; évitons de proscrire ces services de cultivateur à cultivateur, si utiles et si fréquents dans nos campagnes.

Ces considérations nous ont déterminés, l'honorable M. Tesch et moi, à déposer un amendement qui serait ainsi conçu :

« Ne sont pas considérés comme exerçant la médecine vétérinaire, les individus qui, dans les limites de la localité où ils résident, et, à défaut de vétérinaires ou de maréchaux vétérinaires, donneraient gratuitement leurs soins, sur la demande des propriétaires, à des animaux atteints de maladies qui exigeraient des secours immédiats. »

J'aurai l'honneur de faire remarquer à la chambre que cet amendement ne doit pas alarmer la médecine vétérinaire. En effet, la faculté qu'il consacrerait serait limitée ; elle serait subordonnée à des conditions telles qu'elle ne pourrait jamais donner lieu à des abus ni constituer un empiétement sur l'exercice de la médecine vétérinaire elle-même.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je rends hommage aux intentions des auteurs de l'amendement qui vient d'être déposé ; mais cet amendement me semble aller directement contre le but de la loi ; il aura, pour effet de maintenir, dans certaines localités, les empiriques qui n'auront qu'à se transformer en empiriques philanthropes, donnant leurs soins gratuitement ; mais comment constater la gratuité des soins donnés par les empiriques? C'est ouvrir la porte à la violation des dispositions de la loi.

Sans doute nous ne voulons pas que les nouveaux règlements introduits dans l'exercice de la médecine vétérinaire soient une gêne pour les habitants de la campagne; nous voulons, au contraire, leur rendre service. Il va de soi que, dans certains cas donnés, le campagnard pourra continuer à invoquer le secours de ses voisins, sans encourir de peine.

Les pénalités prononcées par la loi ne sont dirigées que contre ceux qui exercent habituellement la médecine vétérinaire sans avoir été reconnus aptes à le faire, elles ne s'appliqueront pas aux cas accidentels, exceptionnels où l'on aurait réclamé le concours d'un voisin ou d'une voisine; la loi sera appliquée raisonnablement, les juges n'appliqueront pas les peines d'une manière aveugle.

L'amendement de M. Jullien détruirait les effets de la loi, il maintiendrait en principe l'existence des empiriques. Il suffirait d'une déclaration de l'un qu'il ne reçoit pas, de l'autre, pour que l'impunité de l'empirique fût assurée.

Les habitudes des campagnes ne seront pas contrariées par les dispositions de la loi ; elle n'a pour but que de proscrire l'ignorance et le charlatanisme. Elle ne s'appliquera pas aux individus qui, dans certains cas donnés, apporteraient des secours à un propriétaire dans l'embarras. C'est l'exercice habituel de la médecine vétérinaire sans diplôme que nous poursuivons.

- Un membre. - Cette distinction n'est pas dans la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'article porte : Nul ne peut exercer la médecine vétérinaire dans le royaume, s'il n'a été, etc. Apporter gratuitement un secours, dans des cas pressants, ce n'est pas exercer la médecine vétérinaire; laissez ces cas à l'appréciation du juge.

M. de Theux. - Je désire demander une explication à M. le ministre de l'intérieur. Le projet soumis en ce moment à la chambre est, à peu de chose près, celui que j'avais présenté, et l'article dont il s'agit est identique. En le rédigeant, je n'ai pas entendu comprendre parmi les actes constituant l'exercice de la médecine, les secours qu'on peut donner en ce qui concerne le vêlage. Il est important de s'en expliquer ; d'après les prescriptions de la loi, si un homme entendu ne pouvait pas prêter secours, la présence de l'artiste vétérinaire coûterait plus que le veau ne vaut à sa naissance.

Je crois que cette catégorie d'actes n'a jamais été considérée comme rentrant dans l'exercice de l'art vétérinaire ; ce n'est que dans les cas extraordinaires que les médecins vétérinaires sont appelés pour ces sortes d'actes.

Je me suis trouvé embarrassé par les considérations qu'a fait valoir M. Jullien. Pour subvenir à l'insuffisance des médecins vétérinaires, j'ai imaginé les maréchaux vétérinaires, ce qui permettra à un grand nombre de praticiens actuels de continuer leur pratique s'ils justifient de connaissances convenables. Cependant je ne serais pas éloigné de donner mon vote à l'amendement de M. Jullien, pour éviter qu'un voisin qui, pour un acte utile, nécessaire, urgent, vient apporter des secours, quand l'artiste vétérinaire ne peut pas être assez tôt sur les lieux, ne soit pas nécessairement condamné par les tribunaux.

La portée de l'amendement n'est pas autre que de permettre de ne pas condamner ceux qui notoirement ont apporté gratis leur secours à leur voisin. Restreint à ces limites, je ne vois pas grand inconvénient à l'admettre; on pourrait du moins l'admettre provisoirement, et si au second vote on l'admet définitivement, la pratique indiquerait si cela donne lieu à des inconvénients, et on pourrait rapporter la disposition quand le nombre des artistes aura augmenté. Aujourd'hui il est certain qu'il y a pénurie de vétérinaires. C'est incontestable.

M. Lelièvre. - Je ne puis donner mon assentiment à l'amendement de l’honorable M. Jullien. Il serait dangereux de consigner dans la loi un principe dont on pourrait abuser pour légaliser des actes d'empirisme. Tous les délinquants traduits en police correctionnelle soutiendront constamment qu'ils doivent échapper aux peines légales, parce qu'il n'est pas démontré qu'ils ont administré le traitement à prix d'argent, etc.

A mon avis, messieurs, il faut se rapporter, sur l'application de la loi, à la prudence des juges qui apprécieront les circonstances et décideront si l'acte incriminé constitue ou non un exercice de la médecine vétérinaire. Jamais on n'envisagera sous ce rapport un fait isolé posé dans un cas d'urgence, alors qu'il est impossible de recourir aux soins d'un homme de l'art.

Mais ériger en principe une disposition conçue dans les termes énoncés en l'amendement, c'est ouvrir la porte à la fraude, c'est légaliser l'empirisme dans les communes où il n'existe pas de médecin vétérinaire: c'est placer la justice dans l'impossibilité d'atteindre la plupart des contrevenants.

M. Rodenbach. - Je pense qu'on pourrait provisoirement adopter l'amendement de M. Jullien, sauf à y réfléchir et à prendre des renseignements d'ici au second vote ; je reconnais que la déclaration que vient de faire M. le ministre de l'intérieur peut le faire considérer comme inutile; car il a dit qu'un secours donné dans un cas urgent par un voisin ne serait pas considéré comme un traitement, comme l'exercice de la médecine vétérinaire ; mais alors il faut que les paroles de M. le ministre soient connues du public, car il y a encore des districts où il n'y a pas de médecin vétérinaire; le district de Roulers notamment, comme je l'ai dit hier, bien qu'il ait une population de 80 mille âmes, n'en possède pas un seul.

Si, dans un pareil district où il faut faire quatre ou cinq lieues pour trouver un médecin vétérinaire, des animaux tombent malades, ils seront morts avant qu'on n'ait pu avoir la présence de l'artiste vétérinaire; (page 870) vous voyez qu'il est impossible d'exécuter la loi avec la sévérité que comporte sa rédaction.

L'explication donnée par M. le ministre pourrait dispenser d'adopter l'amendement proposé ; on laisserait aux tribunaux le soin de décider d'après les circonstances ; cependant j'aime mieux adopter provisoirement l'amendement.

M. Tesch. - L'interprétation que M. le ministre ou un membre de cette chambre peut donner à une disposition de la loi ne lie pas les tribunaux; si donc on adopte l'article tel qu'il est proposé, il pourra arriver pour la médecine vétérinaire ce qui advient pour la médecine humaine.

Pour un seul cas, pour un remède administré dans n'importe quelles circonstances, des individus seront condamnés.

La rédaction de la même disposition dans la loi relative à la médecine humaine ne diffère guère de celle-ci; et les tribunaux n'hésitent pas à condamner celui qui, dans un seul cas, s'est permis de porter secours à son semblable. La même jurisprudence pourra s'établir, et la loi donnera lieu à un très grave inconvénient. Ce que nous devons faire, c'est de proscrire l'empirisme ; mais tâchons de ne pas aller jusqu'à proscrire les services de voisin à voisin.

Voyons si l'amendement que j'ai déposé de concert avec l'honorable M. Jullien sauvegarde ces deux intérêts : la proscription de l'empirisme et le maintien des services de voisinage.

L'amendement exige quatre conditions pour soustraire celui qui s'est immiscé dans la médecine vétérinaire à l'action des tribunaux : la première, c'est que la médecine vétérinaire soit exercée exclusivement dans la localité. Il faut que celui qui donne des soins à un animal malade les donne dans la localité même où il réside.

La deuxième condition, c'est que ce soit gratis qu'il donne ses soins. Il est évident que l'empirisme en général ne s'exerce pas gratis et les témoins que vous ferez venir pour attester qu'un individu a traité un animal seront là pour dire si c'est gratis ou moyennant une rétribution qu'il l'a fait.

La troisième, c'est que ce soit dans un cas urgent, dans un cas où il est indispensable que les remèdes soient promptement appliqués.

La quatrième condition, c'est qu'il n'y ait pas dans la localité de vétérinaire ou de maréchal expert.

Si à ces quatre conditions vous ajoutez que l'intérêt du cultivateur est que ses animaux ne soient pas traités par des charlatans, vous reconnaîtrez que l'on n'est nullement fondé à exprimer la crainte que l'empirisme se perpétue.

M. Lebeau. - Je regarderais comme un précédent fâcheux l'introduction dans une loi qui a un caractère de loi de police, d'une disposition de la nature de celle qui est proposée. Ce serait quelque chose d'insolite, de dangereux que de prévoir, dans une loi de police, qu'on pourra y déroger impunément. Ce serait inviter par la loi elle-même les intérêts privés qu'elle frappe, à prendre tous les détours possibles pour éluder les dispositions de la loi.

Il ne faut pas se livrer, sous ce rapport, à des exagérations. M. le ministre de l'intérieur a dit ce qui est vrai, ce qui est dans la pratique, c'est que les lois de ce genre sont exécutées avec bon sens et, en général, avec modération.

Je connais des localités où des hommes, qui n'ont pas étudié dans une seule école où l'on enseigne les éléments de la médecine ou de la chirurgie, sont réputés habiles à faire une saignée, à arracher une dent. J'ai vu quelquefois de tels hommes exercer leur métier sous les yeux des médecins, des chirurgiens, sans qu'aucune plainte se soit élevée, de leur part, contre eux, sans que le ministère public s'en soit ému; personne ne s'en plaint, parce que ces gens ont une certaine aptitude, reconnue par les médecins; ceux-ci même renvoient quelquefois leurs malades vers eux.

Quand il s'agit de l'application de sangsues ou de ventouses, je connais des médecins qui renvoient à tel ou tel personnage non diplômé, personnage qui parfois est une femme, habile à exercer quelque partie de la chirurgie, si l'on veut l'appeler ainsi. Voilà comment les praticiens, les intéressés entendent l'exécution de la loi. Le ministère public ne sera pas assez déraisonnable, ne poussera pas le zèle à un tel degré d'exagération qu'en l'absence de toute plainte, il poursuive d'office; il n'y pensera pas.

Mais si vous introduisez une disposition qui permette au premier venu de s'établir dans des localités populeuses, dans des villages qui ont jusqu'à 3 ou 4 mille habitants ; si vous légitimez, à l'avance dans la loi, la faculté de l'éluder, vous donnez une prime d'encouragement à tous les empiriques.

Si, contre toute attente, le ministère public, saisi d'un beau zèle, poursuivait les personnages qu'on veut sauvegarder, les tribunaux les renverraient probablement.

A défaut des tribunaux, le recours en grâce serait probablement suivi d'un bon résultat.

Je demande donc que l'amendement soit rejeté. Il serait très dangereux. Bien loin d'atteindre le but que la loi se propose, il irait directement contre ce but.

M. Fontainas. - Je demande la parole pour appuyer les considérations présentées par l'honorable M. Lebeau. La loi doit décider des principes. Si vous descendez dans des détails, par là même vous énervez l'action de la loi. Si vous prévoyez le cas qui a servi de texte à l'amendement, vous aller, élever l'exception à la hauteur d'un principe. Vous aurez deux principes contradictoires. L'amendement est le renversement d'un principe. Voilà ce à quoi je ne pourrai jamais consentir.

- La discussion est close.

L'amendement de MM. Tesch et Jullien est mis aux voix; il n'est pas adopté.

Article 26

L'article 26 est adopté.

Articles 27 et 27 nouveau

«Art. 27. Les contraventions à l'article 26 seront punies d'une amende de 25 à 50 francs. Cette amende sera double en cas de récidive, et le délinquant pourra, en outre, être condamné à un emprisonnement dont la durée n'excédera pas 15 jours.»

- Adopté.


« Art. 27 (nouveau, présenté par M. le ministre de l'intérieur). Le gouvernement pourra interdire l'exercice de la médecine vétérinaire aux personnes condamnées à des peines afflictives ou infamantes. »

- Adopté.

Titre IV. De l’exercice de la médecine vétérinaire

Article 28

«Art. 28. Les médecins vétérinaires ainsi que les maréchaux vétérinaires, mentionnés à l'article 45 ci-après, sont tenus de faire viser le titre, en vertu duquel ils exercent, par la commission médicale de la province où ils ont ou prennent leur résidence.

«Cette formalité sera remplie endéans les trois mois, à compter de la promulgation de la présente loi, par les médecins vétérinaires actuellement existants, et dans les trente jours de la prise de résidence par les médecins et les maréchaux vétérinaires qui s'établiront ultérieurement dans le royaume, ou changeront de résidence après s'y être établis.

- Cet article est adopté avec l'addition, au deuxième alinéa, du mot «gratis» après le mot «remplie», addition proposée par la section centrale, et à laquelle M. le ministre de l'intérieur se rallie.

Articles 29 à 31

«Art. 29. L'inexécution des formalités prescrites par l'article précédent sera punie d'une amende de 15 à 20 francs. L'amende sera double en cas de récidive.»


«Art. 30. Les gouverneurs des provinces feront publier, dans le courant du mois de janvier de chaque année, la liste des médecins et des maréchaux vétérinaires établis dans leur province.

«Les listes seront dressées par les commissions médicales provinciales; elles contiendront les noms et prénoms des médecins et des maréchaux vétérinaires, le lieu de leur résidence, la date de leur réception et le grade que leur donne le titre en vertu duquel ils exercent.»

- Adopté.


«Art. 31. Les médecins vétérinaires inscrits sur ces listes peuvent seuls être requis par les autorités civiles et militaires.»

- Adopté.

Article 32

«Art. 32. Les médecins et maréchaux vétérinaires sont autorisés à fournir, sur la demande des propriétaires, des médicaments pour les animaux auxquels ils donnent des soins, sans pouvoir toutefois tenir officine ouverte.

«Ceux qui veulent jouir du bénéfice de cette autorisation sont tenus d'en donner immédiatement connaissance à la commission médicale de leur province.»

- La section centrale propose d'ajouter après les mots : « sur la demande des propriétaires, » ceux-ci : « demeurant dans une localité où il n'y a pas de pharmacie, des médicaments autres que les substances vénéneuses pour les animaux, etc. »

M. le ministre de l'intérieur propose de remplacer le paragraphe premier par le paragraphe ci-après :

« Les médecins el les maréchaux vétérinaires sont autorisés, sur la demande des propriétaires, à fournir les médicaments, à condition de n'en délivrer que pour les animaux auxquels ils donnent des soins, de ne pas tenir officine ouverte et de se conformer aux lois et règlements relatifs aux substances vénéneuses. »

M. Mascart, rapporteur. - L'article 32 de la loi est le plus important et peut donner lieu aux discussions les plus sérieuses. Le gouvernement a présenté une première rédaction qui n'a pas été adoptée par la section centrale. L'honorable ministre de l'intérieur vous présente, sous forme d'amendement, une nouvelle rédaction de ce même article. La chambre aura pu remarquer que cette nouvelle rédaction ne présente aucun changement, si ce n'est qu'à l'article nouveau on a ajouté les mots : « et de se conformer aux lois et règlements relatifs aux substances vénéneuses. »

Je crois que ces mots ajoutés à l'article sont inutiles, soit que la chambre adopte le système du gouvernement, soit qu'elle adopte le système de la section centrale.

Si le projet du gouvernement est admis, les mots : « et de se conformer aux lois et règlements relatifs aux substances vénéneuses » sont inutiles, parce que les articles 40, 41 et 43 reproduisent les dispositions légales relatives aux dépôts et à la vente de substances vénéneuses.

Si le projet de la section centrale est admis, l'article nouveau présenté par l'honorable ministre de l'intérieur doit être rejeté tout entier comme incompatible avec la défense de fournir des substances vénéneuses.

Deux systèmes, comme je viens de vous le dire, sont en présence : celui du gouvernement qui veut laisser aux vétérinaires la faculté de fournir toutes espèces de médicaments, même les substances vénéneuses, et celui (page 880) de la section centrale, qui veut limiter la vente des médicaments et défendre d'une manière absolue aux vétérinaires de fournir des substances vénéneuses.

La question que ces deux systèmes soulèvent mérite d'être mûrement examinée. Quoiqu'il résulte des lois en vigueur que les vétérinaires ne sont nullement autorisés à vendre des médicaments pour les animaux auxquels ils donnent leurs soins et que ce droit semble exclusivement réservé aux pharmaciens, le gouvernement a jusqu'ici toléré cette vente, probablement dans l'intérêt des campagnes, qui auraient eu à souffrir si le débit y avait été défendu d'une manière absolue.

Les pharmaciens qui réclament le droit exclusif de vendre des médicaments ne sont certainement pas assez nombreux pour satisfaire à tous les besoins. Dans plusieurs de nos provinces, on ne compte, à la campagne, qu'un pharmacien sur 3 ou 4 lieues carrées, et dans les Flandres, on peut le dire, il n'y en a pas. Si on leur conférait ce droit, les cultivateurs se verraient souvent obligés d'attendre une journée entière avant de pouvoir se procurer les préparations qu'ils auraient à administrer aux animaux malades. Il importait donc de faire une exception afin de ne pas rendre impossible, dans certaines localités, l'exercice de la médecine vétérinaire.

Aussi longtemps que les empiriques pouvaient traiter les animaux, il était nécessaire de laisser aux médecins vétérinaires la faculté de vendre des médicaments. C'était probablement le seul moyen de les maintenir dans les campagnes. Mais la position que la loi va leur faire, par la suppression de l'empirisme, va améliorer leur condition, et servir ainsi de compensation aux pertes qu'ils pourraient essuyer par la défense partielle de vendre des médicaments, que vient vous proposer la section centrale.

Maintenant les médecins et les vétérinaires se plaignent des pharmaciens qui font de la médecine, et les pharmaciens des médecins et des vétérinaires qui font de la pharmacie. Ces plaintes, messieurs, paraissent fondées. Le moyen d'y mettre fin et de relever l'art médical, serait de faire rentrer chaque branche de l'art de guérir dans ses attributions directes.

Pour cela il faut pousser à l'établissement des pharmaciens dans les campagnes, et pour y parvenir il faut paralyser les empiétements des professions qui y sont étrangères. Ceux qui ont fait de la pharmacie une étude approfondie offrent certainement plus de garanties dans cette branche, de l'art de guérir que ceux qui n'en ont fait qu'une étude accessoire, comme les médecins vétérinaires. D'ailleurs, puisqu'on fait une place dans le corps médical à ceux-ci, on ne doit pas leur conférer un privilège qu'on dénie aux médecins, aux chirurgiens; il ne faut pas qu'ils empiètent sur les autres branches de l'art de guérir, sans une absolue nécessité.

Il faut aussi remarquer que le médecin vétérinaire ne peut pas acquérir, pendant le temps qu'il reste à l'école, les connaissances qui font le pharmacien. On sait que la pharmacie vétérinaire et la pharmacie humaine reposent également sur des opérations auxquelles président la physique et la chimie. Il en résulte que les études pharmaceutiques, qui sont de théorie et de pratique, s'aident mutuellement et font acquérir l'une par l'autre. Comment veut-on que les vétérinaires, avec des études incomplètes, offrent les garanties nécessaires, surtout pour la vente des substances vénéneuses, qui interviennent pour une très grande part dans le traitement des animaux et qui sont toujours employées dans les maladies externes?

J'ai sous les yeux la liste des substances vénéneuses, le plus souvent employées en médecine vétérinaire. Je ne saurais m'empêcher de la mettre sous les yeux de la chambre, pour lui faire apprécier tout le danger qui résulte de la vente de ces médicaments par les vétérinaires :

Acide arsénieux, euphorbe, sulfure d'arsenic jaune, cantharides, acétate de cuivre, noix vomique, sulfate de cuivre, coque du Levant, sulfate de zinc, opium, sublimé corrosif, brussine, chlorure d'antimoine, strychnine, acide sulfurique, morphine, acide nitrique, arsenic blanc, acide hydrochlorique; orpiment, acétate de plomb, réalgar, arséniate de potasse, nitrate d’argent, vert de gris, etc., etc.

Il faut en convenir, messieurs, en conférant aux vétérinaires la faculté de vendre des médicaments aussi dangereux, en en multipliant les dépôts, on ouvre inévitablement la porte aux accidents et aux crimes.

En Prusse et dans plusieurs parties de l'Allemagne, la vente des poisons par les vétérinaires est formellement interdite. Cette mesure, réclamée par la prudence, doit être, messieurs, introduite dans la loi que nous discutons.

Je disais tout à l'heure qu'il serait désirable pour l'agriculture que la loi eût pour résultat l'établissement des pharmacies dans les campagnes et la suppression du cumul des professions de pharmacien et de médecin vétérinaire.

En effet, messieurs, un vétérinaire qui fournit des médicaments doit nécessairement négliger son service de vétérinaire ou confier à une personne tierce la délivrance des substances vénéneuses et autres. Qu'il ait, je suppose, trois visites à faire dans une matinée à une distance un peu considérable. Si sa première visite a lieu chez un pauvre cultivateur ne possédant qu'une vache, et ses deux autres chez des cultivateurs aisés, il est presque certain qu'il fera ses trois visites avant de rentrer chez lui et qu'il négligera de médicamenter à temps le bétail qu'il aura d'abord visité, ou que les médicaments, s'ils sont délivrés à temps, l'auront été par sa femme, par son domestique ou sa servante. Il arrivera dans ce dernier cas, si le système du gouvernement est admis, que les poisons les plus violents seront laissés à la discrétion de gens, ou imprudents, ou qui pourraient en disposer dans un but criminel.

L'intérêt de l'agriculture a été le seul, l’unique mobile de la section centrale quand elle a adopté les modifications qu'elle vient vous proposer ; elle a voulu restreindre, autant que cet intérêt le permettait, la vente des médicaments par les vétérinaires; elle a voulu que ceux-ci fussent placés, le moins souvent possible, entre leur conscience et leur intérêt.

S'il importe beaucoup, dans l'intérêt de l'agriculture, que le bétail soit traité avec le moins de frais possible, il importe également à l'avenir de la médecine vétérinaire, que la fourniture des médicaments qui pourrait donner lieu à une dépense considérable ne soit pas imputée au vétérinaire, dans un but de spéculation; ce qui doit souvent avoir lieu, quand les médicaments ne sont pas fournis par un pharmacien, quand ils sont fournis par celui qui les prescrit.

Actuellement les villes sont encombrées de pharmacies et les campagnes en sont dépourvues, et pourtant de nombreux pharmaciens pourraient s'y établir, si dans les communes où ils ont leur domicile et où ils ont du bétail en traitement., il était défendu aux vétérinaires de vendre des médicaments.

Il y a, dans les villes, 1 pharmacien sur 2,100 habitants, dans les communes rurales, l sur 10,400 (voyez, messieurs, quel contraste), c'est-à-dire qu'il y a, eu égard à la population, 5 fois plus de pharmaciens dans les villes que dans les campagnes.

Ces chiffres démontrent que la non-existence des pharmaciens dans les communes rurales doit être attribuée exclusivement à la vente des médicaments par les médecins et les vétérinaires.

L'amendement présenté par la section centrale ne changera pas de suite la situation existante; ce n'est qu'avec le temps que des pharmaciens s'établiront dans les campagnes.

Cet amendement, messieurs, n'est en quelque sorte que la reproduction des avis des corps les plus compétents qui ont été consultés sur la matière.

Les facultés de médecine de Liège et de Gand, en 1834, proposaient de ne permettre la vente des médicaments par les médecins que dans les localités où il n'existerait pas de pharmacien dans un rayon de 2 lieues.

Les commissions médicales provinciales des deux Flandres et d'Anvers demandaient que les prescriptions faites dans une commune où il y a une pharmacie dussent nécessairement être préparés chez le pharmacien.

Celles de Liège et du Limbourg n'autorisaient la vente des médicaments que quand il n'y aurait pas de pharmacien dans un rayon d'une lieue.

Celle du Luxembourg proposait de défendre la vente des médicaments à tout autre qu'aux pharmaciens.

Ces avis, émis par des corps aussi compétents, me semblent justifier complètement la proposition de la section centrale.

M. Delescluse. - Je crois que la section centrale s'est plus occupée de faire de belles théories que d'examiner ce qui se passe habituellement dans la pratique.

Que se passe-t-il en effet le plus ordinairement? C'est que le médecin vétérinaire porte avec lui dans son portemanteau, les remèdes les plus utiles de l'art vétérinaire et qu'il administre lui-même ces remèdes, en voyant l'animal.

Les pharmaciens, lors même qu'il s'en trouve dans la commune, sont dépourvus des objets nécessaires pour faire prendre les médecines aux animaux. Parmi les instruments nécessaires aux vétérinaires, il s'en trouve une foule qui ont pour objet de faciliter la prise des médicaments. Ainsi il y a un instrument qu'on appelle le piluliecr et qui est destiné à faire avaler les pilules aux chevaux. (Interruption.) Messieurs, les chevaux ne prennent pas les pilules au moyen d'un verre d'eau comme les hommes.

Pour administrer à un cheval le simple remède dont nous parlait hier l'honorable comte de Mérode, il est nécessaire, pour éviter les ruades, d'avoir un travail ou d'autres entraves que je ne connais pas.

Je pense donc qu'il est convenable de permettre aux vétérinaires de vendre des médicaments, parce qu'ils doivent toujours les appliquer eux-mêmes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le but de la loi est à la fois d'améliorer la position des artistes vétérinaires et d'assurer aux campagnes un meilleur service que celui qui existe aujourd'hui. L'amendement qui est proposé par la section centrale porterait une perturbation générale dans l'existence des artistes vétérinaires ; car aujourd'hui la règle générale est que l'artiste vétérinaire fournit des médicaments.

Une première question serait donc de savoir si l'on entend conserver cette position, cet avantage aux artistes vétérinaires qui en jouissent aujourd'hui. Si, messieurs, vous leur retiriez cet avantage, ils repousseraient la loi comme désastreuse pour eux. Loin d'encourager les jeunes gens à (page 881) suivre cette carrière déjà ingrate, vous décourageriez ceux qui y sont entrés, et vous repousseriez certainement pour l’avenir ceux qui auraient l'intention d'y entrer.

Je sais, messieurs, qu'il faut tenir compte de la situation d'un certain nombre de pharmaciens qui se plaignent du tort que leur font les médecins dans les vides et les campagnes en vendant certains remèdes. Mais il faut tenir compte aussi de la nécessité indispensable où se trouvent les artistes vétérinaires de fournir eux-mêmes les remèdes. Dans les communes rurales des Flandres il n'y a pas de pharmaciens. Dans la Flandre orientale on n'en signale pas un seul; dans la Flandre occidentale, il n'y en a que deux. Le peu d'artistes vétérinaires qui se trouvent dans ces contrées fournissent les remèdes.

D'autre part, sur 300 vétérinaires nous en comptons 208 qui résident dans des localités où se trouvent des pharmaciens. Par la prohibition qu'établirait l'amendement de la section centrale, voilà 208 vétérinaires sur 300 qui seraient obligés de renoncer à une partie de leur profession, qui leur procure certains bénéfices.

Messieurs, lorsque la loi sera mise à exécution, les artistes vétérinaires auront à passer par des examens très-sévères.

Les artistes vétérinaires qui auront obtenu le diplôme en vertu de la nouvelle loi, seront certainement en état, par la science qu'ils auront acquise, de préparer les remèdes simples qu'ils sont le plus généralement dans le cas d'appliquer.

De plus, messieurs, j'ai proposé un autre amendement dont il faut tenir compte; pour certains remèdes compliqués, pour les préparations pharmaceutiques et chimiques, le vétérinaire sera obligé de passer par l'officine du pharmacien, et, sous ce rapport, un avantage est assuré aux pharmaciens. Je prie l'honorable rapporteur de la section centrale de prendre garde à l'amendement que je propose au paragraphe 3 de l'article 33 : « Le ministre de l'intérieur déterminera également les préparations chimiques et pharmaceutiques que les médecins et les maréchaux vétérinaires, ayant une officine, seront tenus de se procurer chez un pharmacien. » Nous reconnaissons que pour ces remèdes plus compliqués, qui sont plutôt du ressort du pharmacien, il faut que le pharmacien soit chargé de les fournir à l'artiste vétérinaire.

Sans doute il serait désirable que le nombre des pharmaciens s'accrût dans les campagnes et qu'on pût arriver à y assurer d'une manière plus générale et plus complète le service de la pharmacie; mais il ne faut pas, dans le but de favoriser l'établissement tout à fait éventuel de pharmaciens dans les campagnes, détruire la profession si utile d'artiste vétérinaire, et ce serait la détruire entièrement pour le passé, comme pour l'avenir, que de défendre à ceux qui l'exercent la vente de toute espèce de médicament.

Maintenant, messieurs, en dehors de l'intérêt des pharmaciens et des artistes vétérinaires, voyons celui des consommateurs. Le consommateur a-t-il intérêt à ce que les remèdes soient exclusivement fournis par les pharmaciens? Je pense que non.

On dit que l'artiste vétérinaire, s'il fournit les médicaments, sera porté à médicamenter davantage les sujets qu'il traite ; mais, d'autre part, on perd de vue que l'artiste vétérinaire fournira toujours les médicaments à meilleur compte et de meilleure qualité, car il a intérêt, comme artiste vétérinaire, à amener la guérison et à ne pas la rendre trop coûteuse.

Le pharmacien a bien aussi l'intérêt de sa réputation, mais sa réputation ne dépend pas du plus ou moins de succès du traitement. Au point de vue donc du consommateur, il est évident qu'il faut maintenir la disposition existante, en vertu de laquelle les vétérinaires peuvent fournir des remèdes. Ils sont d'ailleurs en possession de ce droit et vous ne pouvez pas, sans injustice, les en priver tout d'un coup, alors surtout qu'il a pu les déterminer à s'établir dans certaines localités pour y exercer leur profession assez ingrate.

Je pense, messieurs, qu'au moyen du changement que j'ai proposé à l'article 32 et de la réserve de l'article 33, nous concilions des intérêts très difficiles d'ailleurs à concilier. L'Académie de médecine v a passé beaucoup de temps et dépensé beaucoup d'éloquence, sans parvenir à des mesures parfaitement conciliatrices.

- L'amendement de la section centrale est mis aux voix; il n'est pas adopté.

L'article 32 est adopté avec la modification proposée par M. le ministre de l'intérieur.

Article 33

«Art. 33. Le ministre de l'intérieur arrêtera la liste des médicaments ainsi que des instruments et des appareils que les médecins el les maréchaux vétérinaires devront avoir dans leur officine.

«Tous les objets indiqués devront s'y trouver en tout temps, en bon état et en quantité convenable, sous peine d'une amende de 5 fr. pour chaque objet manquant, détérioré ou falsifié. L'amende sera double en cas de récidive.»

M. le ministre de l'intérieur a proposé d'ajouter le paragraphe suivant:

«Le ministre de l'intérieur déterminera également les préparations chimiques et pharmaceutiques que les médecins et les maréchaux vétérinaires, avant une officine, seront tenus de se procurer chez un pharmacien. »

- L'article 33 est adopté avec cette addition.

Article 34

«Art. 34. Les médecins et les maréchaux vétérinaires transcriront ou feront transcrire, journellement et en toutes lettres, sur un registre a ce destine, les prescriptions qu'ils auront préparées et fait administrer. Les noms et la résidence des propriétaires des animaux auxquels ces prescriptions sont destinées, seront inscrits en regard de chacune d'elles.»

- Adopté.

Article 35

«Art. 35. La surveillance et la visite des officines des médecins et des maréchaux vétérinaires sont confiées aux commissions médicales provinciales.

«Ces visites auront lieu au moins une fois tous les ans, dans toutes les officines. Elles devront être faites sans avis préalable, à des époques indéterminées, par deux membres desdites commissions, dont un pharmacien.»

M. le ministre de l'intérieur a proposé d'ajouter à la fin du paragraphe 2 ces mots : « Assistés, au besoin, par un médecin vétérinaire délégué à cet effet. «

- L'article 35 est adopté avec cette addition.

Article 36

«Art. 36. Ces visites auront pour objet :

«1° D'examiner les médicaments conservés dans l'officine,

«2° De vérifier si les instruments el les appareils sont entretenus au complet et en bon état ;

«3° D'inspecter et de parapher le registre des prescriptions mentionné à l'article 34;

«4° De s'assurer si les lois et les règlements de police sur la matière sont exactement observés.»

- Adopté.

Article 37

«Art. 37. Les procès-verbaux de ces visites seront dressés et signés dans l'officine même. Les médecins et les maréchaux vétérinaires ont le droit, sur leur demande, d'en obtenir une copie.»

- Adopté, avec le retranchement des mots : «sur leur demande».

Article 38

«Art. 38. Les médicaments falsifiés ou détériorés seront saisis immédiatement et transmis, sous cachet, au procureur du roi.»

- Adopté.

Article 39

«Art. 39. Les médecins et les maréchaux vétérinaires ne pourront, sous aucun prétexte, se soustraire aux visites auxquelles ils sont soumis par l'article 35 ci-dessus, sous peine d'une amende de 50 à 100 francs.

«En cas de récidive, l'amende sera double, et l'autorisation de fournir des médicaments pourra être suspendue pour un terme qui ne dépassera pas un an.»

M. le président. - M. Lelièvre propose d'ajouter à l'article 39 la disposition finale ci-après :

« Toute infraction à cette suspension sera punie d'une amende de 300 à 600 francs. Elle pourra même l'être d'un emprisonnement qui n'excédera pas un mois. »

M. Lelièvre. - Mon amendement tend à combler une lacune que présente le projet. Le paragraphe 2 de l'article 39 autorise les tribunaux à prononcer la suspension de l'autorisation de fournir des médicaments. Mais qu'arrivera-t-il si le condamné ne respecte pas sur ce point la décision de la justice ? Evidemment, il doit, en ce cas, être frappé d'une peine. Mon amendement a pour but de prononcer une pénalité contre celui qui continuerait de débiter des médicaments au mépris de la décision judiciaire, qui aurait prononcé la suspension, dont parle le paragraphe 2 de l'article 39.

La peine, en ce cas, doit être assez sévère, parce que la faute du délinquant prend en cette occurrence un caractère de gravité qu'il est indispensable de prendre en considération.

- L'amendement de M. Lelièvre est mis aux voix et adopté. La chambre se réserve de classer cette disposition.

L'article 39 est adopté.

Article 40

«Art. 40. Les substances vénéneuses que les médecins et les maréchaux vétérinaires auront dans leur officine devront être tenues dans des lieux sûrs et fermés, dont ils auront seuls la clef. Les boîtes et bocaux servant à la conservation de chacune d'elles porteront une étiquette sur laquelle seront inscrits, en caractères très lisibles, les noms de ces substances, avec les mots: «poison dolent».

- Adopté.

Article 41

«Art. 41. Les vases servant à préparer les substances vénéneuses seront marqués d'un signe distinctif et ne pourront être employés à aucun autre usage.»

M. Veydt. - Messieurs, l'article 41, de même que l'article qui précède, prescrivent des opérations, dont personne de nous ne contestera l'utilité; mais il y est pourvu par les derniers mots de l'amendement que M. le ministre de l'intérieur a présenté, hier, au sujet de l'article 32 et que la chambre vient d'adopter. Les médecins vétérinaires devront se conformer aux lois et règlements relatifs aux substances vénéneuses. Les précautions seront ainsi prises, et les commissions médicales provinciales veilleront par leurs délégués à leur stricte exécution, à cause de l'intérêt fort grand qui s'y rattache.

D'après cela, il me semble que les articles 40 et 41 peuvent être supprimés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je pense qu'il est préférable de maintenir dans la loi les articles 40 et 41. Comme il s'agit de régler une matière fort délicate, et comme précisément on a contesté aux artistes vétérinaires l'aptitude à fournir des médicaments, il semble utile d'inscrire ces prescriptions dans la loi même.

- L'article 41 est mis aux voix et adopté.

Article 42

«Art. 42. Les dispositions de l'arrêté du 8 avril 1821, relatives aux balances et aux poids des pharmaciens seront applicables aux balances et aux poids que les médecins et les maréchaux vétérinaires doivent avoir dans leur officine.»

(page 882) M. le président. - M. le ministre de l'intérieur fait à cet article la proposition suivante ;

« Au lieu de ces mots : « Les dispositions de l'arrêté du 8 avril 1821, relatives aux balances et aux poids, etc. », mettre ceux-ci :« Les dispositions en vigueur concernant les balances et les poids, etc. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le gouvernement se propose de modifier l'arrêté du 8 avril 1821. L'arrêté nouveau réglera les poids et balances des pharmaciens, en ce qui concerne les remèdes de la médecine vétérinaire. Si nous laissions subsister les mots : « l'arrêté du 8 avril, » il s'ensuivrait que cet arrêté continuerait à régler cette matière, alors qu'il aurait été modifié par un arrêté subséquent. L'arrêté que nous nous proposons de prendre, s'appliquera aux poids et balances, en ce qui concerne les remèdes, tant pour hommes que pour animaux.

- L'article 42, ainsi modifié, est adopté.

Article 42 (nouveau)

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a proposé un article 42 nouveau ainsi conçu :

« Les dispositions légales, concernant les remèdes secrets, pour la médecine humaine, sont applicables aux remèdes secrets pour la médecine vétérinaire. »

- Adopté.

Article 43

«Art. 43. Les infractions au paragraphe 2 de l'article 32 et aux articles 34, 40, 41 et 42 ci-dessus, seront punies d'une amende de 25 à 50 francs; l'amende sera double en cas de récidive.»

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose d’ajouter après ces mots : « les infractions au paragraphe 2 de l'article 32, » ceux-ci : « au paragraphe 3 de l'article 33.

M. Lelièvre a présenté au même article un amendement ainsi conçu :

« Les infractions aux articles 32, 34 et 42 ci-dessus seront punies d'une amende de vingt-cinq à cinquante francs.

« L'amende sera double en cas de récidive. »

M. Lelièvre. - Mon amendement a pour objet de rendre l'article 43 applicable à toute contravention qui peut être commise aux dispositions de l'article 32. D'après le texte du projet, la pénalité ne serait applicable qu'aux infractions énoncées au paragraphe 2 de ce dernier article, par conséquent aux médecins et maréchaux vétérinaires qui n'auraient pas donné connaissance à la commission médicale de leur province, de leur intention de jouir de l'autorisation dont parle le paragraphe premier de cette même disposition.

Mais, à mon avis, la peine doit aussi atteindre ceux qui contreviennent à la première partie de l'article ; ainsi aux médecins et maréchaux vétérinaires qui fourniraient des médicaments en dehors des limites que trace la loi en discussion. En conséquence, dans mon opinion, doivent être punis de la peine comminée par notre disposition, les médecins et maréchaux vétérinaires qui tiennent officine ouverte, qui n'agissent pas â la demande du propriétaire relativement aux médicaments, en un mot ceux qui excèdent les bornes dans lesquelles la loi juge convenable de les renfermer relativement aux médicaments. Il existe donc sur ce point une lacune qu'il est nécessaire de combler, et tel est le but de mon amendement.

- L'amendement de M. Lelièvre est mis aux voix et adopté.

L'article, tel qu'il a été modifié, est également adopté.

Titre V. Dispositions transitoires

Article 44

«Art. 44. Sont exceptés des articles 25 et 26 ci-dessus, les vétérinaires qui exercent dans le royaume, en vertu d'un diplôme délivré par les écoles de France, par celle d'Utrecht ou par les jurys institués, depuis 1831, par le gouvernement belge.»

- Adopté.

Article 45

«Art. 45. Sont exceptés de la disposition de l'article 26 ci-dessus, ceux qui, sans être munis d'un diplôme, exercent dans le royaume depuis cinq ans au moins , et qui, dans un délai de deux années à dater de la promulgation de la présente loi, feront preuve de connaissances suffisantes, en subissant devant un jury spécial un examen pratique dont la forme et les conditions seront réglées par le gouvernement.

«Ces derniers recevront le titre de maréchal vétérinaire.»

M. Rodenbach propose de substituer 4 au lieu de 2.

M. Rodenbach. - Messieurs, par l'article 45 on n'accorde aux empiriques que deux années pour subir un examen pratique, afin de devenir maréchal vétérinaire. Je trouve que ce n'est pas assez; il y a parmi ces nombreux empiriques, vous savez qu'on en compte 1,400, beaucoup de pères de famille dans un âge assez avancé ; si brusquement, endéans les deux années, vous exigez d'eux des connaissances étendues, je sais qu'on ne sera pas extrêmement sévère, mais si vous leur donnez un si court espace de temps pour se préparer, ils seront dans l'impossibilité de satisfaire aux examens, et sur les 1,400 qu'il y a, mille au moins seront jetés dans la misère eux et leur famille; vous allez faire un grand nombre de malheureux. C'est cette considération qui m'a fait proposer le terme dd 4 années au lieu de 2.

J'engage M. le ministre à faire traduire dans les deux langues des manuels de l'art pratique de la médecine vétérinaire.

Il y a très peu des empiriques qui exercent dans les Flandres qui soient capables d’étudier, au moyen de livres en langue française Je crois qu'il y a des manuels sur la pratique de la médecine vétérinaire M. le ministre, qui veut publier des ouvrages utiles pour les campagnes devrait s'empresser de publier des manuels de ce genre.

Il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de pères de famille qui n’ont pas étudié se sont livrés à la pratique de la médecine vétérinaire parce qu’on les tolérait, les médecins diplômés faisant défaut partout: comme je l'ai dit hier, avec la meilleure volonté du monde, ils ne pouvaient pas étudier, car des gens sans fortune demeurant à 30 ou 40 lieues de la capitale, ne pouvaient pas venir y payer une pension de cinq ou six cents francs. Il faut user envers eux d'indulgence maintenant comme il faudra le faire quand ils se présenteront aux examens. Voilà pourquoi j'ai proposé mon amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Rodenbach n'a pas pris garde que l'examen qu’il s'agit de faire subir aux empiriques est un examen purement pratique, dont les conditions seront réglées par le gouvernement; s'il s'agissait d'un examen scientifique, deux ans peut-être ne suffiraient pas pour que des hommes, qui n'ont pas l'habitude de l'étude pussent s'y préparer; mais si, après deux ans, ils ne sont pas capables de passer un examen purement pratique, il faudra désespérer d'en faire quelque chose.

Il faut que la loi produise ses effets dans un délai aussi rapproché que possible : laisser deux ans de durée à un état de choses dont on se plaint, c'est user de beaucoup de tolérance.

D'ailleurs, il va de soi que les examens ne seront pas rigoureux. La loi accorde des tempéraments. Il s'agit d'un examen pratique.

Quant aux frais, je reconnais que beaucoup d'aspirants ne seraient pas en état de payer 500 ou 600 francs, mais il ne s'agit pas de leur faire payer une telle somme.

Si dans une province un grand nombre se faisait inscrire, le gouvernement examinerait s'il ne faut pas transférer le jury au chef-lieu de la province pour épargner des frais de déplacement à des gens qui n'ont pas une grande aisance.

Le gouvernement exécutera la loi sans rigueur inutile et de manière à concilier l'intérêt public avec des intérêts particuliers qui méritent d'être pris en considération.

M. Rodenbach. - D'après l'explication donnée par M. le ministre de l'intérieur, je crois pouvoir retirer mon amendement. Il vient de déclarer que ce n'est qu'un examen pratique que les empiriques auront à subir et qu'on ne sera pas d'une grande sévérité. On peut espérer dès lors qu'on ne jettera pas dans la misère un grand nombre d'hommes qui méritent une certaine considération.

Quand j'ai parlé d'une dépense de 500 ou 600 fr., je n'ai pas dit qu'il en coûterait cette somme aux empiriques pour venir passer leurs examens, j'ai dit que ce n'était pas leur faute s'ils n'étaient pas venus faire leurs études à l'école de Bruxelles, que leurs moyens ne leur avaient pas permis de venir y payer une pension de 500 ou 600 francs. J'approuve du reste ce qu'a dit M. le ministre, que le jury pourrait se déplacer, se rendre dans les campagnes... (interruption) ou au moins au chef-lieu de chaque province.

D'après ces déclarations, je retire mon amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il ne faut pas exagérer la déclaration que j'ai faite. J'ai dit que la loi serait appliquée avec tolérance, mais je n'entends pas dire que ceux qui se conformeront seront soumis à un examen insignifiant sans aucune espèce de garantie. On fera un examen pratique, mais sérieux ; il faudra que les ignorants, s'il y en a, en prennent leur parti ; je ne pense pas qu'on veuille prendre la défense des empiriques ignares.

J'ai dit aussi que si un grand nombre se présentaient dans une même province, il y aurait à examiner s'il n'y a pas lieu de faire siéger le jury au chef-lieu de la province, mais je n'ai pas parlé de faire voyager le jury dans tous les villages du royaume.

- L'article 45 est mis aux voix et adopté.

Article 46

«Art. 46. Les maréchaux vétérinaires ne pourront ni traiter les animaux affectés de maladies contagieuses ou épizootiques, ni pratiquer aucune des grandes opérations chirurgicales dont la liste sera dressée par le gouvernement, sans être assistés par un médecin vétérinaire ou par l'une des personnes que la présente loi assimile aux médecins vétérinaires.»

M. Lelièvre propose d'ajouter à cet article la disposition suivante:

« Toute contravention à cette disposition sera punie d'une amende de 25 à 50 fr. En cas de récidive, l'amende sera double, et un emprisonnement dont la durée n'excédera pas 15 jours pourra, en outre, être prononcé. »

M. Lelièvre. - Le but de mon amendement est d'assurer l'exécution de l'article 46.

Il faut nécessairement une sanction pénale contre les maréchaux vétérinaires qui négligeraient de se faire assister des personnes désignées en l'article que nous discutons.

Sans cela, la défense de la loi serait illusoire et pourrait être impunément violée. La nécessité de mon amendement est donc évidente.

(page 883) - L'amendement proposé par M. Lelièvre est mis aux voix et adopté.

L'article 46 est adopté avec cet amendement.

Article 47

«Art. 47. Ne sont pas considérés comme exerçant la médecine vétérinaire les individus pourvus de patente qui font métier de pratiquer la castration sur les animaux domestiques.»

- Adopté.

La chambre fixe à après-demain le second vote du projet de loi.

Proposition de loi relative à la détention préventive

Discussion générale

M. le président. - La section centrale propose le renvoi de la proposition de loi à la commission spéciale, chargée de préparer la révision du Code d'instruction criminelle.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - J'étais allé au-devant du vœu de la section centrale.

Avant que je connusse son rapport, j'avais proposé au Roi d'instituer une commission qui serait chargée de préparer la révision des parties du Code d'instruction criminelle qui sont encore susceptibles d'être modifiées ; car la plus grande partie de ce Code peut être maintenue. Il n'en est pas de même du Code pénal, qui doit subir une réforme générale. La commission a donc été nommée : elle sera prochainement installée, et la proposition de l'honorable M. Lelièvre sera soumise à son examen. Je pense donc qu'il serait prématuré d'engager en ce moment une discussion sur cette proposition. Dans la forme où elle est présentée, elle serait d'ailleurs tout à fait inadmissible.

Les magistrats que j'ai consultés à cet égard sont unanimement d'avis que cette proposition, si elle était adoptée, désorganiserait complètement le système d'instruction criminelle de notre Code, qu'elle entraverait l'action de la justice répressive, qu'elle serait, par conséquent, dangereuse et compromettante pour l'ordre public.

Je le répète donc, le projet présenté par l'honorable M. Lelièvre ne peut être adopté tel qu'il vous a été soumis. Cependant, je reconnais qu'il y a des améliorations à introduire dans le Code d'instruction criminelle, sous le rapport de la détention préventive.

J'appellerai sur cet objet l'attention spéciale de la commission qui vient d'être instituée. J'espère qu'elle se conformera au vœu exprimé par les sections de cette chambre, et que, dès l'ouverture de la prochaine session, nous pourrons présenter un projet complet de révision du Code d'instruction criminelle ou tout au moins un projet partiel concernant la détention préventive.

M. Lebeau. - Très bien !

M. Lelièvre. - La section centrale propose de renvoyer ma proposition à M. le ministre de la justice, à condition que celui-ci prenne l'engagement de soumettre à la chambre, à l'ouverture de la prochaine session, un projet de loi révisant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne la détention préventive. La section centrale est d'accord avec moi sur le principe, et il ne s'agit que d'un simple délai proposé pour donner le temps à M. le ministre de soumettre mon projet à un examen approfondi ; d'autre part, d'après la déclaration de M. le ministre, il est certain que la question sera bientôt soumise à la législature.

La chose ainsi entendue, je ne m'opposerai pas à l'ajournement, par le motif principal qu'il n'est guère possible que la chambre s'occupe d'une discussion que doivent primer des travaux importants.

M. Lebeau. - Je suis très prêt à adhérer à la proposition de l'honorable ministre de la justice. L'auteur de la proposition lui-même s'y rallie. J'aurais mauvaise grâce de ne pas m'y rallier aussi. Mais je rappellerai à M. le ministre le sort de ces révisions qui ont la prétention d'embrasser tout un code. Leur sort est de dormir, pendant 15 ans, dans les cartons de la chambre.

Je pense que la réforme partielle de tel ou tel chapitre du Code d'instruction criminelle présenterait des chances d'adoption bien plus certaines que la réforme de tout le Code d'instruction criminelle. Si c'est à une révision générale qu'est subordonnée la révision très urgente, à mon avis, des dispositions relatives à la détention préventive, je crains qu'elle ne subisse un très long délai.

Je demanderai donc à M. le ministre de la justice, si, sans compromettre les travaux de révision auxquels il se livre, je le sais, avec une ardeur à laquelle je rends justice, s'il ne serait pas possible d'en détacher certaines spécialités pour les soumettre successivement à la chambre.

Voilà comment une révision est possible. L'expérience l'a prouvé.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Avant d'instituer la commission dont j'ai parlé tout à l'heure, je me suis mis en rapport avec quelques-uns des honorables magistrats et professeurs qui en font partie. Ils m'ont donné l'assurance qu'ils allaient mettre immédiatement la main à l'œuvre, et m'ont dit qu'ils avaient l'espoir de me remettre, avant l'ouverture de la prochaine session, un projet complet de révision du Code d'instruction criminelle; que ce n'était pas d'ailleurs un travail très considérable, la plus grande partie des dispositions de ce Code pouvant être maintenue et la révision ne devant avoir pour objet que la modification d'un certain nombre d'articles, et l'intercalation des dispositions des diverses lois partielles précédemment adoptées par la législature et aujourd'hui en vigueur. Le travail n'est donc pas aussi important qu'on pourrait le supposer.

Cependant si la commission s'était trompée à cet égard, si le travail était plus long qu'elle ne l'a présumé, peut-être serait-il possible de détacher du projet les dispositions relatives à la détention préventive, et de présenter une loi isolée sur cette matière. Mais je ne crois pas que ce soit nécessaire.

M. Lelièvre. - J'adhère entièrement aux observations que vient de présenter l'honorable M. Lebeau. Je suis convaincu qu'il est impossible d'arriver à la réforme de notre législation sans procéder partiellement en s'attachant aux matières qui réclament des améliorations dont la nécessité est reconnue. D'ailleurs le système du code d'instruction criminelle en général n'exige pas une révision radicale. Quelques parties seulement ont soulevé de justes plaintes, auxquelles il est indispensable de faire droit. Lors de la discussion du budget de la justice en 1849, M. le ministre lui-même a émis cette opinion. Il vous a déclaré que sauf les dispositions relatives à la détention préventive, la réforme du code d'instruction criminelle n'était pas urgente. C'est donc cet objet qui doit être le premier soumis aux délibérations de la législature.

Si je consens à l'ajournement de ma proposition, c'est par le motif, qu'en présence des projets de loi dont la chambre est saisie, il est impossible de s'en occuper pendant cette session qui est déjà très avancée. La section centrale n'ayant pas trouvé convenable d'aborder l'examen des articles, le projet devrait de nouveau lui être soumis, et il ne serait guère possible de le discuter avant le terme de nos travaux. Je cède donc à la nécessité en ne m'opposant pas aux conclusions de la section centrale.

Du reste, s'il s'agissait d'aborder la discussion de ma proposition, il me serait facile de prouver qu'elle est bonne, conforme aux principes et qu'elle mérite sous tous les rapports les suffrages de ceux qui veulent que la liberté individuelle soit une vérité. En ce qui me concerne, messieurs, il m'est impossible de partager l'opinion de ceux qui voient des inconvénients à introduire un système qui est admis en partie en Hollande et qui est loin d'être aussi libéral que le régime en vigueur en Angleterre. Je prends acte des déclarations de M. le ministre de la justice, et je suis convaincu qu'il ne négligera rien pour hâter la révision d'une législation qui n'est pas en harmonie avec nos institutions.

Quant à moi, messieurs, je ne crains pas de le déclarer, la liberté individuelle n'existe que de nom tant que les dispositions du Code d'instruction criminelle relatives à la détention préventive ne seront pas rayées de nos lois.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Elle n'existe pas en droit.

M. Lelièvre. - C'est en ce sens que je parle.

M. Deliége. - Frappé des inconvénients que présentent les dispositions actuellement en vigueur sur la contrainte par corps, j'avais l'intention de saisir la chambre d'une proposition de loi sur cette matière.

Cependant je remarque que la section centrale conclut au renvoi de la proposition de M. Lelièvre à la commission spéciale chargée de préparer la révision du Code d'instruction criminelle.

Ma proposition aurait à peu près le même sort; elle serait renvoyée à M. le ministre de la justice. Je demanderai donc à M. le ministre qu'il veuille s'occuper de la révision de cette partie si défectueuse de la législation.

La chambre sait qu'en France la contrainte par corps a fait l'objet d'une loi nouvelle ; elle sait que, pour une somme minime, un débiteur malheureux peut être retenu plus longtemps en prison que le voleur qui aurait volé ou escroqué le décuple de cette somme ; une loi qui donne lieu à de semblables injustices ne pourrait être soumise trop tôt à une révision.

M. Delehaye. - Je ferai remarquer à l'honorable préopinant que la section centrale, en prenant ces conclusions, s'est bornée à formuler l'opinion énoncée dans les sections, qui toutes ont été d'avis que la proposition de l'honorable M. Lelièvre n'était pas susceptible d'être discutée immédiatement.

M. Deliége. - Vous remarquerez que je n'ai pas eu l'intention de jeter le moindre blâme sur la décision de la section centrale. Mon unique but a été de faire une interpellation à M. le ministre de la justice, de le prier de nous dire s'il s'occupera de la révision des dispositions sur la contrainte par corps.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Depuis longtemps je me suis occupé spécialement de l'examen des dispositions du Code civil et de la loi de germinal an VI, sur la contrainte par corps. Cette matière a été aussi l'objet des travaux d'une commission spéciale, laquelle a formulé un projet de loi, qui est soumis en ce moment à l'examen du département de la justice, et si la chambre pouvait s'en occuper dans le cours de la présente session, je serais à même de lui soumettre, sous très peu de temps, ce projet, mais je crois que c'est un des travaux que nous devons réserver pour la prochaine session.

M. Lelièvre. - Voici la proposition que je soumets à la chambre et sur laquelle je la prie de se prononcer.

Sur la déclaration faite par M. le ministre de la justice qu'il présentera à l'ouverture de la prochaine session un projet de révision du Code d'instruction criminelle, comprenant la réforme des dispositions actuelles relatives à la détention préventive, la chambre ajourne jusqu'à cette époque la discussion de la proposition dont elle est actuellement saisie.

(page 884) M. de Perceval, rapporteur. - Messieurs, à entendre l'honorable M. Lelièvre et en analysant la proposition dont il vient de vous donner lecture, je serais tenté de croire qu'il n'a pas lu le rapport de la section centrale sur le projet de loi dont il a saisi la chambre, au commencement de notre session. Mais s'il n'a pas eu le temps ou le désir de le parcourir, au moins en sa qualité de membre de cette section centrale a-t-il assisté aux délibérations que nous avons eues et aux décisions que nous avons prises.

Toutes les sections ont demandé le renvoi de sa proposition de loi à M. le ministre de la justice; et la section centrale, organe de toutes les sections, vous propose non pas le renvoi pur et simple, à M. le ministre de la justice, mais le renvoi avec l'engagement formel de présenter à la chambre, à l'ouverture de la session prochaine, un projet de révision de la législation exceptionnelle qui nous régit actuellement en matière de détention préventive, législation qui n'est plus en harmonie avec nos idées, nos mœurs, nos institutions.

Je pense donc, messieurs, que ces conclusions de la section centrale auxquelles, du reste, l'honorable auteur de la proposition et M. le ministre de la justice lui-même ont déclaré se rallier, doivent être mises aux voix et subir la sanction de la chambre.

M. le président. - Il y a deux choses dans les conclusions de la section centrale : d'abord le renvoi de la propositions M. le ministre de la justice, ensuite l'obligation pour M. le ministre de nous présenter un projet de loi à l'ouverture de la prochaine session.

M. Lelièvre. - M. le ministre en a pris l'engagement.

M. de Perceval, rapporteur. - Si j'ai bien compris les paroles de l’honorable ministre de la justice, au commencement de cette discussion, cet engagement a été pris par lui.

Il nous a donné l'assurance que, dès l'ouverture de la session prochaine, la chambre serait saisie d'un projet de loi tendant à réglementer, à limiter la détention préventive avec les garanties qu'exigent à juste titre la liberté individuelle, d'une part, et la société, d'autre part.

En outre, je crois pouvoir faire remarquer qu'il y a déjà un acte posé par M. le ministre de la justice à cet égard. Cet acte est la dépêche qu'il a adressée à la section centrale, par laquelle l'engagement est pris en termes exprès, et si la chambre le désire, je puis lui donner lecture de cette dépêche, car je la tiens en ce moment dans les mains.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je crois ne rien avoir à ajouter à la déclaration que j'ai faite tout à l'heure. J'espère que je serai à même de présenter le projet dès le commencement de la session prochaine. Si des motifs particuliers venaient y faire obstacle, je viendrais les exposer à la chambre; elle aurait à les apprécier.

M. Rodenbach. - Je demande le renvoi pur et simple de la proposition à M. le ministre de la justice. Après la déclaration qu'il vient de nous faire, on ne peut exiger davantage.

- Le renvoi pur et simple de la proposition de M. Lelièvre à M. le ministre de la justice est mis aux voix et prononcé.


La chambre fixe son ordre du jour de demain comme suit : Délimitation entre la commune de Scy et celle de Mohiville; projet de loi relatif à l'institution d'une caisse de retraite: demande de grande naturalisation du sieur Ryss.

- La séance est levée à 4 heures.