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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 22 juillet 1851

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1711) M. Ansiau procède à l'appel nominal à midi et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance du 18 juillet ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau fait connaître l'analyse des pièces suivantes.

« Plusieurs habitants de Liège demandent l'abolition des octrois. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Hoolants, ancien milicien, congédié pour infirmités contractées au service, prie la chambre de lui faire obtenir une pension. »

- Même renvoi.


« Les veuves Belles et Léonard demandent que le gouvernement leur maintienne l'intégralité de la pension qu'elles ont primitivement touchée à charge de la caisse des veuves et orphelins d'huissiers. »

- Même renvoi.


« Le comice du quatrième district agricole de la Flandre occidentale demande la construction de l'embranchement de chemin de fer qui doit relier l'arrondissement de Dixmude à la voie ferrée de l'Etat à Deynze. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics.


« Les membres du conseil communal et plusieurs habitants de Messancy prient la chambre d'adopter les projets de loi d'impôts et de travaux publics présentés par le gouvernement. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de ces projets de loi.


« Quelques distillateurs du canton d'Assche demandent une réduction de 25 p. c. sur les droits concernant les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les distilleries.


« Les sociétés charbonnières de Cheratte et de Wandre et plusieurs industriels, fabricants et négociants à Visé demandent que la rive droite de la Meuse soit mise en communication avec le canal construit sur la rive gauche. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Turnhout prient la chambre d'accorder aux sieurs Riche et Chantrell la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Turnhout avec garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Vlytinghe prie la chambre d'autoriser la construction d'un embranchement de chemin de fer reliant la station de Fexhe à la ville deTongres. »

« Même demande des conseils communaux de Coninxheim et de Pirange. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Heyst-op-den-Berg demande que le gouvernement fasse exécuter les travaux d'amélioration nécessaires à la Grande Nethe. »

« Même demande du conseil communal de Westmeerbeek, Kessel, Wickevorst, Gestel, Bevel et Berlaer. »

- Même renvoi.


« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg présente des observations en faveur du canal d'embranchement de Hasselt aux canaux de la Campine et contre la modification qu'une province réclame dans le tracé de ce canal. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics.


« Le sieur Georges Clermont prie la chambre d'enlever aux octrois communaux la taxe sur les bières, vinaigres et eaux-de-vie indigènes, dont le produit maximum serait transformé en droit d'accise, et celle sur les vins, bières, vinaigres, eaux-de-vie et liqueurs de provenance étrangère dont le produit maximum devrait accroître les droits de douane sur ces articles ; présente des observations en faveur de la proposition de loi qui supprime quelques taxes communales ; demande l'abolition des octrois dont il propose de remplacer le produit par un nouveau tarif douanier et l'organisation des assurances générales et obligatoires au profit de l'Etat. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de loi d'impôt et renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la suppresion de quelques taxes communales.


« Plusieurs distillateurs agricoles de Hougaerde présentent des observations sur le projet de loi concernant les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Quelques distillateurs du canton d'Assche demandent une réduction de 25 p. c. sur les droits concernant les distilleries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les distilleries.


« Le sieur Bona, fabricant de tabac au Rœulx, propose d'établir un droit sur la culture du tabac et sur le débit du tabac fabriqué. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au droit de débit sur le tabac.


« Le sieur Collas soumet à la chambre un projet de loi qui tend à obliger les notaires à verser leurs honoraires dans les caisses de l'Etat et qui leur assure un traitement sur les fonds du trésor. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs brasseurs à Peruwelz déclarent adhérer à la pétition des brasseurs de Gand contre le projet de loi d'accise sur les bières et vinaigres. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les membres de l'Union commerciale et industrielle de la ville de Namur présentent des observations en faveur de la construction du chemin de fer du Luxembourg et demandent qu'on maintienne le projet primitif de jeter un pont sur la Meuse en aval de Namur. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics.


« Plusieurs négociants, armateurs et propriétaires, à Ostende, demandent l'approfondissement du canal d'Ostende à Gand. »

M. Van Iseghem. - J'appuie la pétition dont on vient de présenter l'analyse ; elle est signée par 105 négociants armateurs et autres commerçants d'Ostende, qui démontrent clairement les immenses avantages que présente le projet de M. de Sermoise, pour l'écoulement des eaux de la Lys. Ce projet satisfait trois intérêts, celui de l'écoulement des eaux, celui de la navigation et celui du trésor public, tandis que le projet de M. Wolters n'a d'autre but que de creuser un canal d'écoulement et à grands frais. J'appelle sur cette pétition toute l'attention de la section centrale chargée de l'examen du système des travaux publics.

M. Van Renynghe. - J'appuie fortement le renvoi à la section centrale de la requête de la ville d'Ostende, et je partage entièrement l'opinion émise sur l'objet de cette requête par MM. le Bailly de Tilleghem, Rodenbach, de Muelenaere et Van Iseghem.

M. Rodenbach. - Je demande de plus qu'on fasse un rapport.

- Le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de le concernant un ensemble de travaux publics est ordonné.


« Les membres de la société littéraire dite « de Parnassus-Berg », à Bruxelles, demandent l'abolition de la contrefaçon et la libre entrée des livres entre la Hollande et la Belgique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Bruges présente des observations sur le projet de travaux destinés à compléter les moyens d'écoulement des eaux d'inondation de la Lys, et prie la chambre d'allouer les fonds nécessaires pour l'exécution du projet soumis par M. l'ingénieur en chef de Sermoise. »

« Même demande des habitants de Bruges. »

M. le Bailly de Tilleghem. - Messieurs, les pétitions dont il s'agit sont relatives au projet de travaux destinés à compléter les moyens d'écoulement des eaux d'inondation de la Lys.

A ce sujet le conseil provincial de la Flandre occidentale a voté une adresse, a nommé une commission qui doit se rendre à Bruxelles, avec mission de soutenir près du gouvernement les droits de cette province.

Le conseil communal de la ville de Bruges vient d'adresser une requête à la chambre, la ville d'Ostende ainsi que grand nombre de communes rurales des environs réclament également.

Messieurs, toutes les requêtes ont pour objet une question des plus importantes.

Cette questiontlouche au plus haut point les intérêts de la province de la Flandre occidentale.

C'est même une question qui présente, en quelque sorte, à certains égards, un caractère politique, assez grave !

L'opinion publique a fait sa démonstration dans cette occurrene.

(page 1712) La question de l'approfondissement du canal de Bruges à Gand, etc., préoccupe sérieusement le public dans notre province, tous les efforts tendent a obtenir ce travail, d'une véritable utilité publique.

Je ne puis entrer, pour le moment, dans le fond de cette question. Je dois me borner à appuyer de toutes mes forces toutes ces requêtes et à en demander le renvoi à M. le ministre des travaux publics, ainsi qu'à l'examen approfondi de la section centrale, avec prière de faire un prompt rapport et recommander l'objet à la plus pressante sollicitude du gouvernement...

Je le répète, messieurs, je me fais un consciencieux devoir pour appuyer de tous mes efforts ces adresses et ces requêtes. Car il s'agit d'une question vitale pour les intérêts des villes de Bruges et d'Ostende, comme pour ceux de la province de la Flandre occidentale, et du pays en général.

Si je prends la parole dans cette occasion, c'est avec la conviction que le gouvernement voudra bien comprendre, d'une manière sincère et juste, la position de la province, et afin de favoriser la possibilité de faire naître dans les esprits l'espoir que les vœux de la province seront réalisés.

M. le président. - Jusqu'à présent, toutes les pétitions de ce genre ont été renvoyées à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet de décréter un ensemble de travaux publics.

M. le Bailly de Tilleghem. - Je me borne dès lors à demander qu'il en soit fait encore ainsi pour la pétition dont je viens de parler.

M. Rodenbach. - J'avais demandé la parole pour démontrer le renvoi de la pétition à la section centrale ; j'appuie de toutes mes forces la pétition des villes d'Ostende et de Bruges. Il paraît que réellement l'approfondissement de ce canal occupe le public, cela fait grande sensation. Il y a même eu des réunions pour demander au gouvernement qu'on veuille mettre la main à ce grand travail.

^ M. de Muelenaere. - J'appuie le renvoi de la pétition à la section centrale ; je voudrais, en outre, que la section centrale fût invitée à faire un rapport sur cette pétition, ou du moins à la comprendre dans le travail général qu'elle présentera à la chambre.

- La chambre, consultée, renvoie la pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un ensemble de travaux publics.


« Plusieurs habitants de Visé appellent l'attention de la chambre sur la réclamation adressée au gouvernement contre l'arrêté qui dispose de la fondation des Sépulchrines de Visé et qui a décrété l'établissement d'une école moyenne de l'Etat en remplacement de l'école industrielle et commerciale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. le ministre de la justice renvoie, avec les renseignements y relatifs, deux demandes en naturalisation ordinaire.

- Renvoi à la commission des naturalisations.


M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 115 exemplaires d'une brochure contenant un aperçu général des mesures adoptées ou proposées par le gouvernement dans l'intérêt de l'hygiène publique.

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Un membre de la chambre, usant de son droit d'initiative, a déposé sur le bureau une proposition de loi ; elle sera renvoyée aux sections qui doivent en autoriser la lecture.


M. Osy (pour une motion d'ordre). - Messieurs, la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les travaux publics, va commencer cet examen ; ce projet de loi est très étendu ; je demande que la chambre décide dès à présent que les séances seront fixées à deux heures, aussi longtemps que la section centrale n'aura pas terminé son travail.

-La proposition de M. Osy est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi établissant un droit sur le débit de tabac

Rapport de la section centrale

M. Veydt. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif au débit du tabac.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi concernant l'accise sur les bières et vinaigres fabriqués dans le royaume

Discussion générale

M. le président. - La section centrale n'a proposé qu'un changement au projet du gouvernement ; il consiste à substituer le mot « constatées » au mot « vérifiées » dans le deuxième paragraphe de l’article premier.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à ce changement.

M. le président. - La parole est à M. Allard dans la discussion générale.

M. Allard. - Le gouvernement nous propose, messieurs, de modifier les articles 10 et 15 de la loi du 2 août 1822 sur les bières et vinaigres dans un double but ; il le déclare dans l'exposé des motifs ; 1° de mettre tous les brasseurs sur la même ligne, quel que soit la forme de leurs vaisseaux, de leurs ustensiles ; et 2° d'asurer au trésor un nouveau revenu de 300,000 fr.

Les brasseurs n'ont pas besoin de l'intervention de la loi pour se mettre sur la même ligne sous le rapport de leurs vabseaux et de leurs ustensiles, ils sont libres de les faire confectionner comme bon leur semble ; la loi leur laisse toute latitude à cet égard, et la preuve la plus convaincante de ce que j'avance, c'est que depuis 29 ans qu'elle existe, il n'y a jamais eu de réclamations de la part des intéressés, si ce n'est sur le taux du droit d'accise qui est vraiment exorbitant.

La loi de 1822 sur les bières et vinaigres est, de toutes les lois fiscales que nous a léguées le régime hollandais, la seule qui a constamment échappé à la réprobation publique, et tandis qu'elle fonctionne depuis bientôt 30 ans à la satisfaction des intéressés, voilà le gouvernement qui se prend d'une belle passion pour réformer de prétendues inégalités dont personne ne se plaint !

Si des brasseurs ont perfectionné leurs outils, rien n'empêche les autres d'en faire autant ; vous voulez donc que l'industrie des brasseurs soit stationnaire, vous voulez donc la momifier !!

Que signifie cette prétention de mettre tous les brasseurs sur la même ligne, quelle que soit la forme de leurs vaisseaux et de leurs ustensiles, si ce n'est d'arrêter le progrès ?

Vous savez bien que l'égalité de condition n'est pas plus possible entre les brasseurs qu'entre les autres industriels ; et en effet, si de par la loi vous forcez les brasseurs à employer des cuves-matières de même hauteur et de même diamètre, et des ustensiles de même forme, ils seront, quant à ces cuves-matières et ustensiles, sur la même ligne sans doute, et cela ils peuvent le faire sans votre intervention dans la loi, mais ils ne le seront pas, et chacun le comprend, ils ne peuvent pas l'être sur la qualité et la quantité des produits ; car tel brasseur avec une quantité donnée de matières premières obtiendra une quantité plus grande de produits de première qualité que son voisin travaillant dans les mûmes conditions.

Mais voyons si, comme on le prétend, le projet de loi en discussion rétablit l'égalité.

Le rapport de la section centrale vous fait connaître, messieurs, qu'un de ses membres a proposé de remplacer le projet de loi par une rédaction nouvelle de l'article 15 de la loi du 2 août 1822, cette proposition ainsi rédigée.

« Art. 15. Lors de la fixation de l'accise à porter en débit, en raison de l'usage des cuves-matières, l'on accordera sur la capacité brute cumulée des cuves-matières employées et déclarées chaque fois, une déduction de cinq pour cent pour couvrir la perte occasionnée pour les faux-fonds, les pompes à jeter et les agitateurs placés à demeure et servant à débattre les matières dont les brasseurs font habituellement usage. »

Je la reproduis ici comme amendement.

On lit dans le rapport de la section centrale que cette proposition aurait pour résultat de maintenir « l'inégalité qui existe entre les brasseurs qui font usage de faux-fonds en métal parce que la prise en charge serait la même pour des vaisseaux d'une contenance différente, alors que ces vaisseaux auraient le même diamètre et la même hauteur. » La prise en charge sera la même, dit la section centrale, « lorsque les vaisseaux auront le même diamètre et la même hauteur. » La seclion centrale aurait dû nous dire, si la prise en charge sera aussi la même lorsque les vaisseaux n'auront pas le même diamètre et la même hauteur mais présentant entre eux une contenance uniforme.

Je vais vous prouver que dans l'un et l'autre cas, il n'y aura pas égalité : je suppose deux brasseurs ayant tous deux une cuve-matière de 4 mètres 26 centimètres de diamètre et 35 centimètres de hauteur, elles contiennent brut chacune 49 hectolitres 98 litres. ; Il y aura égalité dans la réduction du volume occupé par les faux-fonds s'ils sont l'un et l'autre en bois ou en métal, s'ils ont la même épaisseur.

Quant au vide qui se trouve sous le faux-fond oû sera l'égalité ?

Voyons l !

Le premier sait travailler avec un vide entre les deux fonds d'un centimètre ; celui-là éprouvera, pour le vide, une perte de 1 hectol. 42 lit. ; le deuxième est obligé d'avoir un vide de 3 centimètres de hauteur (il ne sait pas travailler autrement), la perte pour lui sera de 4 hectolitres 27 litres, différence : 2 hectolitres 85 litres.

Vous voyez donc que, pour qu'il y ait égalité, il faut déterminer non seulement l'épaisseur, le nombre et la grandeur des trous et des supports du faux-fond, mais encore fixer la hauteur du vide entre les deux fonds ; alors seulement les cuves-matières seront dans les mêmes conditions.

Voyons maintenant si même il est possible d'établir l'égalité entre des cuves-matières de même contenance, lorsque la hauteur et le diamètre varient, quand bien même la hauteur du vide, l'épaisseur des faux-fonds, le nombre et la grandeur des trous et des supports seraient déterminés par la loi.

Je suppose trois cuves-matières d'une contenance à peu près égale ; vous comprenez, messieurs, qu'il est difficile de supposer un diamètre et une hauteur différentes pour obtenir une même contenance avec une rigoureuse exactitude.

La première de ces cuves a un diamètre de 4 mètres 20 centimètres, et une hauteur de 55 centimètres ; elle contient brut 49 hectolitres 98 litres ; soit 50 hectolitres.

La deuxième a un diamètres de 5 mètres 13 centimètres et une (page 1713) de 65 centimètres ; elle contient 50 hectolitres 5 litres ; soit 50 hectolitres.

La troisième a un diamètre de 2 mètres 59 centimètres, et une hauteur de 95 centimètres ; elle contient brut 50 hectolitres 5 litres ; soit 50 hectolitres.

Sous l'empire de la loi actuelle, il est accordé une déduction de 5 centimètres pour couvrir la perte occasionnée pour l'emploi des faux-fonds. Ces 5 centimètres représentent, savoir :

Pour la première cuve-matière, 7 h. 12 lit. ; pour la deuxième 3 h. 85 lit/ ; pour la troisième 2 h. 65 lit.

Si le vide est représenté par 3 centimètres, la perte pour ce vide sera :

Pour la première cuve-matière de 4 h. 27 lit., pour la deuxième de 2 h. 31 lit. ; pour la troisième de 1 h. 58 lit.

Où sera, pour ce vide, l'égalité tant vantée par le projet de loi et le rapport de la section centrale ?

Si la loi est adoptée, l'espace occupé par les faux-fonds, et représentant 2 centimètres, donnera au propriétaire de la première cuve une déduction de 2 h. 85 lit. Pour celui de la deuxième cuve, 1 h. 54 lit. ; pour la troisième 1 h. 05 lit., de sorte que, indépendamment de l'inégalité de condition pour le vide, il y aura également inégalité quant aux faux-fonds.

Voilà comment l'égalité sera rétablie !

Sous l'empire de la loi actuelle, les brasseurs ont intérêt à avoir des cuves fort basses ; si la loi en discussion est adoptée, ils auront intérêt à en avoir de très hautes.

Vous le voyez, messieurs, le premier but que veut atteindre le gouvernement « de mettre tous les brasseurs sur la même ligne, » n'est pas sérieux, puisque l'égalité n'est pas possible.

Voici le second but : « le revenu nouveau, » c'est-à-dire « l'augmentation de 300,000 fr. »

Comment concilier cette demande d'augmentation de l'accise avec ce que dit M. le ministre des finances dans son exposé des motifs ? « L'adhésion, dit-il, que la chambre a donnée à l'impôt des successions permet de ne point demander des ressources nouvelles à l'impôt sur les bières ; » et la finale nous apprend « qu'en donnant votre approbation au projet, vous aurez atteint le double but de mettre les brasseurs sur la même ligne, quelle que soit la forme de leurs vaisseaux, de leurs ustensiles, et d'assurer au trésor dès aujourd'hui un revenu d'environ 300,000 fr. »

Si le gouvernement ne veut pas majorer l'impôt, non seulement au profit de l'Etat, mais encore au profit des villes dont les droits d'octroi sont aussi basés sur la capacité des cuves-matières, pourquoi vous propose-t-il des changements que les intéressés non seulement ne réclament pas, mais encore repoussent ? On n'a pas osé, messieurs, vous proposer des centimes additionnels à ajouter aux 20 qui frappent déjà le principal de l'accise ; on a préféré vous présenter des changements anodins qui cachent le seul but que l'on veut atteindre : augmenter l'impôt !

Ce que veut le gouvernement, messieurs, c'est une augmentation de 6 centimes additionnels ; en effet, en prenant pour base 3,130,702 hectolitres de capacité déclarée on trouve :

Principal à fr. 1 40/100, fr. 4,644,900.

32 p. c. additionnels au lieu de 26, fr. 1,486,320.

Fr. 6,131,280.

Timbre 10 p. c. ; fr. 613,120.

Total, fr. 6,744,400.

Recette de 1850, fr. 6,436,931.

Différence, fr. 307,469

Que l'on avoue le but réel de la loi, la chambre décidera alors s'il y a lieu, oui ou non, d'augmenter l'accise sur les bières, et si elle se prononce pour l'affirmative, proposez d'augmenter les centimes additionnels.

De cette manière, les brasseurs des villes n'auront pas à supporter deux augmentations, l'une au profit de l'Etat, l'autre au profit de l'octroi.

L'accise sur les bières rapporte au trésor sept millions environ, les brasseurs payent donc une large part du budget global.

De toutes les recettes d'accises effectuées en Belgique, la bière rapporte plus à elle seule que les vins et les eaux-de-vie indigènes réunies.

La bière, en 1850, a donné un produit, de fr. 6,436,931 52, tandis que ies eaux-de-vie indigènes et les vins n'ont rapporté que 6,374,685 12. Soit en plus fr. 62,246 40.

Le vin, la boisson du riche, n'a rapporté, cette année, que fr. 2,578,581 75.

Ce n’est donc pas assez qu'un produit de sept millions environ sur une boisson dont la consommation appartient essentiellement à la partie de la population la plus nombreuse et la moins riche ? M. le ministre des finances nous disait, il y a quelques temps, lorsqu’on émettait l’opinion que le droit sur le café pouvait être augmenté : « que le café était la seule boisson chaude du pauvre, qu'il ne fallait pas le frapper d une augmentation d'impôt. ».

Mais la bière est aussi la boisson du pauvre. C'est une boisson nutritive, qui occupe, dans l'ordre des boissons, la ligne sur laquelle le pain se trouve dans l'ordre des aliments. Pourquoi la frapper d une augmentation de droit

On dira peut-être : La majoration sera peu sensible, le prix de la bière ne sera pas plus élevé.

C'est vrai, il n'y aura pas moyen aux brasseurs de faire payer la bière plus cher, mais on admettra qu'ils devront récupérer sur le consommateur les 300,000 francs que vous leur ferez payer, ainsi que les droits d'octroi qui seront majorés au profit des villes ; on comprend des lors que la qualité de la bière en souffrira, et ils trouveront très juste, puisque l'argent qu'ils verseront au trésor doit servir à mettre de l'eau dans les canaux, d'en mettre un peu dans la bière.

A l'impôt de l'Etat qui est déjà excessif, il faut ajouter pour les villes une taxe communale qui, presque toujours, équivaut au droit d'accise et souvent même le dépasse, et cela par on ne sait quelle tolérance de la part de l'autorité supérieure et malgré les sages principes et les dispositions formelles de l'article 9 de l'arrêté royal du 4 octobre 1816 concernant les impositions communales.

L'article 3 de cet arrêté défend aux administrations communales de frapper les objets déjà assujettis aux impôts publics d'un droit supérieur à la moitié de ce droit.

L'Etat reçoit en principal, additionnels et timbres 2 fr. 5 c. par contenance des cuves-matières.

A Tournay, le droit d'octroi est de 2 fr. par hectolitre de contenance des cuves-matières ; à Bruxelles, il est de 2 fr. 5 c ; à Liège, de 2 fr. 87c ; à Verviers, de 3 fr. 35 c. ; ajoutons à cela les droits sur les charbons et beaucoup d'autres charges dont les brasseurs ont toujours une part si large.

Des impositions aussi écrasantes, qui s'élèvent ensemble à plus de 25 p. c. de la valeur de la bière, constituent-elles une faveur envers la boisson que le pauvre consomme ? Est-il une seule branche d'industrie qui puisse entrer en ligne de compte avec la fabrication de la bière pour le poids des charges ? Aucune !

L'examen comparatif des chiffres du budget des recettes prouvera l'exactitude de mes allégations.

La bière est en grande partie consommée par les ouvriers et par la classe moyenne ; il ne faut pas leur rendre cette boisson impossible ! En 1842 on a diminué les droits sur les vins de 25 p. c. à l'entrée du royaume ; on a eu tort de dégrever les droits sur la boisson du riche pour vouloir les reporter aujourd'hui sur la boisson du prolétaire ; il ne faut pas que la boisson du pauvre vienne combler le déficit occasionné au trésor par la réduction des droits sur les vins.

Il y a dépérissement dans les brasseries, c'est un fait constant ; ne craint-on pas de les anéantir complètement par de nouvelles mesures dont le gouveinement paraît être à la recherche ? La position de l'industrie des brasseurs est réellement en souffrance en Belgique ; la preuve en est dans les nombreux établissements qui chôment. Cette année à Tournay une brasserie a été démolie, et dans ce moment deux autres ont cessé de travailler et sont en vente ; à Liége, en 20 ans le nombre des brasseries a diminué de la moitié ; de 42 il est descendu à 21, tandis que la population augmente dans les 10 dernières années de 65,000 à 80,000 âmes ; ce n'est certes pas là un indice de prospérité !

Voyons si, comme le dit M. le ministre des finances dans son exposer des motifs, il faut attribuer la diminution du produit de l'accise depuis 1840 aux changements apportés dans les ustensiles qui sont utilisés dans les cuves matières pendant le travail des trempes.

Les recettes de 1850 se sont élevées à 6,436,931 fr.52 c ; si l'on comprend dans cette somme les recettes afférentes au supplément de droit versé au trésor pour emploi de farine dans les chaudières en vertu de l'article 16 de la loi de 1822, on trouve que le droit en principal porte sur 3,130,702 hectolitres environ. En voici la preuve :

3,130,702 hectolitres à fr. 1,48 40/100 principal, fr. 4,044,900

Additionnels 20 p. c., fr. 1,200,950

Ensemble, fr. 5,851,910.

Timbre 10 p. c, fr. 585,191

Total, fr. 6,437,101, au lieu de 6,436,931 fr. 52 c, montant des recettes de 1850.

En supposant que, depuis 1830, les ustensiles sont diminués de 2 p. c, ce qui me paraît exagéré ; cette diminution représente 62,614 hectolitres sur les 3,130,702 pris en charge en 1850. Cette capacité donnerait en principal, additionnels et timbre, une somme de 313,070 fr. 20 c.

Cette dernière somme doit se répartir sur les 19 années qui ont suivi 1830 ; ce n'est que depuis lors que j'ai pu me procurer le chiffre des recettes ; les voici :

(page 1714) (Le tableau en question n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

Je dois faire remarquer à la chambre que, dès 1822, lors de la mise à exécution de la loi qui régit actuellement les brasseries, les brasseurs ont établi leurs cuves-matières de manière à les mettre en rapport avec cette loi, et qu'avant 1830 il existait déjà beaucoup de petites cuves-matières peu élevées ayant des faux-fonds en métal.

Je disais donc que cette somme de 313,070 fr. 20 c. prétendueraent reçue en moins en 1850 qu'en 1830 à cause, dit-on, des diminulions successives des ustensiles, devait se répartir par 19ème, attendu que depuis 1850, d'année en année les ustensiles avaient dû diminuer par suite du renouvellement des cuves et des améliorations apportées dans les appareils des brasseries.

Voyons cependant si les brusques changements opérés dans les recettes peuvent être attribués aux diminutions successives des ustensiles des brasseurs.

1830 nous donne une recette de fr. 7,280,503 43

Supposons 1/19ème de diminution dans les prises en charge ; ce 1/19ème sur les 313,070 fr. 20 c. représentant les 2 p. c. pour réduction des ustensiles calculés d'après les prises en charge de 1850, donne une somme de fr. 16,477 37.

C'est donc une somme de fr. 7,204,028 06 que l'Etat aurait dû recevoir en 1831 et cependant il n'a reçu que 6,426,115 fr. 06 c. Différence en moins, fr. 837,915.

Reprenant la recette de 1830 qui est de fr. 7,280,505,43, il a dû y avoir, en 1834, pour la diminution de 4/19ème dans les ustensiles, un décroissement dans les recettes de fr. 65,909 48, et l'Etat n'aurait dû percevoir que fr. 7,214,595 95. Cependant la recette a été de fr. 7,637,837. Différence en plus, fr. 4233,241 61.

En 1839 la diminution sur les ustensiles devait être de 9/19ème. La somme perçue en 1830 ayant été de fr. 7,280,505 43, et les 9/19ème à diminuer donnant une somme de fr. 148,295 33, la recette devait être de fr. fr. 7,132,209 10. Cependant l'Etat a reçu fr. 7,890,514 02. Différence en plus, fr. 758,304 92.

Les recettes varient très peu en 1840, 1841 et 1842 ; en 1843 il y a encore une réduction sur l'année 1842 de 343,124 fr. ; la recette diminue encore en 1844, 1845 et 1846 ; l'exercice 1847 nous donne sur 1846 plus d'un million de diminution ; 1848 et 1849 donnent une augmentation, et enfin 1850 approche des années de 1843 et 1844. Les résultats du premier semestre de cette année qui sont de fr. 3,912,405 69 c. comparés à ceux du semestre correspondant de 1850, s'élevant à fr. 3,720,933 93 c, donnent une différence en plus de fr. 191,471 76 c.

Ce n'est pas trop préjuger que d'en conclure que cet accroissement de ressources est de nature à produire, à la fin de l'exercice courant, une augmentation de 400,000 francs de sorte que le revenu des bières atteindra ainsi une somme de près de sept millions sans modifier la loi ! Vous voyez, messieurs, que ce n'est pas à la diminution du volume des ustensiles qui sont utilisés dans les cuves-matières pendant le travail des trempes, qu'il faut attribuer la réduction des produits de l'accise, ainsi que l’avance M. le ministre des finances dans son exposé des motifs.

La consommation de la bière diminue pour d'autres causes. La cherté des denrées alimentaires a contribué surtout à cet abaissement, il y a progrès depuis que les céréales sont à plus bas prix.

En Angleterre, le gouvernement constate des résultats identiques et plus marqués encore que ceux observés en Belgique, mais il en constate aussi la véritable raison, en faisant remarquer que cela est dû surtout au changement des habitudes de la population, à la consommation croissante du thé, du café et du cacao.

En Angleterre, la population augmente de 15 p. c., la consommation du thé augmente de 50 p. c, celle du café de 30 et la bière diminue de plus de 7 p. c. Voici les chiures pour 1840, 1841, 1849, 1850.

(Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

Dans le même temps, le nombre de patentes pour brasseurs descend 49,265 qu'il était en 1838, à 43,269 en 1849 ; ainsi le produit de l'accise a diminué, uniquement parce que cette industrie a perdu de sa prospérité, nullement parce qu'on a éludé la loi ou perfectionne la fabrication.

Les habitudes des populations ont aussi changé en Belgique ; l'ouvrier ne boit plus autant de bière, il consomme beaucoup de cafe et de genièvre. Le café, cette bonne boisson chaude du pauvre, comme le disait M. le ministre des finances, il a raison d'en faire une large consommation ; mais il n'en est pas de même pour le genièvre, dont les effets pernicieux sont constatés par un grand nombre de crimes et de délits.

La bière n'est plus admise à la table du riche ; la classe moyenne elle-même a augmenté considérablement sa consommation de vin, de thé, de café et de cacao. La bière n'est plus la boisson favorite, comme autrefois ; je suis certain que les descendants des Germains, s'ils étaient encore dans l'idolâtrie, ne croiraient plus, comme leurs ancêtres, que l'une des principales félicités dont jouissent les héros, lorsqu'ils sont admis dans le palais d'Odin, consiste à boire de la bière fréquemmentet à larges doses. Les chemins de fer, par la suppression du roulage, par la facilité économique qu'ils offrent de voyager, ont enlevé aux routes les voituriers et les piétons qui consommaient beaucoup de bière. Je ne citerai qu'un exemple pour une classe d'individus seulement :

150 à 200 pilotes partent toutes les semaines de Tournay sur les bateaux qui naviguent de cette ville vers Gand.

Avant l'établissement des chemins de fer, tous ces courageux ouvriers revenaient à pied à Tournay, et le long de la route, qui est de 14 à 15 lieues, ils faisaient une grande consommation de bière. Aujourd'hui, par le chemin de fer, ils font la route en deux heures sans avoir bu un seul verre de bière pendant leur voyage.

Une autre cause de la diminution des recettes, c'est que le vinaigre artificiel a remplacé en grande partie le vinaigre de bière. En 1842, l'Etat a reçu 24,609 fr. 13 c. pour vinaigre de bière ; l'an dernier, il n'a reçu que 3,651 fr. 16 c.

Cette année il recevra encore moins ; le premier semestre de 1850 a donné fr. 2,867 66, tandis que le premier semestre de 1851 n'a donné que fr. 1,777 44. Différence en moins, fr. 1,090 22.

Une des principales causes de la diminution de l'accise depuis 1840, et que M. le ministre des finances a omis de citer, c'est l'exécution du traité de paix avec la Hollande qui, en 1839, nous a enlevé 400,000 habitants. Par ce seul fait, la recette en 1840 a diminué de 581,552 fr. 30 c. sur celle de 1839.

L'article 15 de la loi de 1822 est une transaction entre le fisc et le brasseur, pour les faux-fonds et les ustensiles qui sont utilisés dans les cuves-matières pendant le travail des trempes ; que la loi en discussion soit une nouvelle transaction.

Le mérite des lois fiscales c'est d'être simples dans leur application et faciles dans leur exécution. Conservons à la loi de 1822 ce double avantage. Cette loi perçoit le droit sur la matière servant à la fabrication en imposant les vaisseaux où se fait la manipulation de la farine ; elle accorde une déduction de 5 centimètres sur la hauteur de la cuve, pour exonérer le brasseur de la perte réelle qu'il éprouve par l'emploi des faux-fonds et pour le vide qui doit nécessairement exister pour l'écoulement du fluide vide qui ne peut contenir de farine, quoi qu'en disent l'exposé des motifs et le rapport de la section centrale.

Dans son exposé des motifs, M. le ministre des finances dit que « l'espace vide entre les deux fonds pourrait être utilisé pour le dépôt des farines. » La section centrale prétend que « l'espace dont il s'agit n'est pas perdu pour les brasseurs, qui, ayant généralement des chaudières d'une contenance triple de la cuve-matière, sont obligés de faire successivement plusieurs trempes. Après la première, ajoute-t-elle, cet espace se trouve rempli, ou peu s'en faut, par la farine qui s'y est glissée par les trous du faux-fond. Cette farine, que l'écoulement des trempes suivantes enlève, passe dans la chaudière, où elle est utilisée dans toutes ses parties au profit de la fabrication. »

Le faux-fond sert à empêcher les farines de s'écouler avec le liquide ; c'est un filtre que je ne puis mieux comparer qu'au fond troué d'un alambic qui sert à faire le café. S'il était possible d'employer utilement de la farine sous les faux-fonds, il serait plus simple pour les brasseurs de ne pas en avoir, car rien dans la loi ne les oblige de s'en servir ; mais cela est impossible, puisque la farine passerait avec le liquide dans le reverdeur ou la chaudière ; et je soutiens même que le brasseur qui placerait de la farine sous le faux fond ne pourrait effectuer l'écoulement des trempes et ne parviendrait pas à confectionner son brassin.

Une des plus grandes préoccupations du brasseur c'est d'avoir un faux fond qui ne laisse passer aucune parcelle de farine ; il y attache une telle importance, qu'avant de verser la farin, il étend sur toute la surface du faux-fond une couche assez épaisse de « courte-paille » (balles de blé).

Comment, messieurs, comprendre maintenant cette hypothèse avancée dans l'exposé des motifs que « l'espace vide entre les deux fonds pourrait (page 1715) être utilisé pour le dépôt des farines » ! Je conçois que la section centrale ignore le nombre des procès-verbaux qui ont été dressés à charge des brasseurs chez lesquels on a trouvé dans les chaudières un peu de farine entraînée par l'écoulement des trempas ; mais ce que je ne comprends pas, c'est que M. le ministre des finances paraît ignorer ce fait, que dans de semblables circonstances, des procès-verbaux ont été dressés à charge des brasseurs comme ayant contrevenu à l'article 21 de la loi, parce que l'administration prétend que la plus petite quantité de farine dans les chaudières ou dans le réverdoir donne lieu à l'application de cet article qui inflige une toute petite amende de 846 fr. 56 c.

Je ne puis laisser sous silence le passage du rapport de la section centrale où il est dit : « que e's brasseurs emploient généralement des chaudières d'une contenance triple de la cuve-matière. Car on pourrait induire de là que le principe de la loi de 1822 est actuellement faussé. Voici, messieurs, ce que disait en 1822, le ministre des finances dans le mémoire en réponse aux observations des sections.

« L'accise se perçoit par brassin ; elle est réglée sur la quantité de farine que le brasseur peut raisonnablement faire servir à le confectionner, en proportion de la capacité de la cuve-matière dans laquelle on la travaille ; il est libre au brasseur d'en retirer, pendant le temps limité pour le travail, autant de bière que bon lui semble. S'il en retire peu, la bière sera plus forte, aura plus de valeur, l'accise pèsera davantage sur celle-ci, que s'il en avait retiré une plus grande quantité, qui sera de moindre qualité et de moindre valeur, et sur laquelle, par conséquent, l'accise pèsera en proportion. »

Le législateur,en 1822, n'a pas voulu restreindre l'industrie des brasseurs ; il n'a pas voulu que la quantité de bière fabriquée ne fût que l'équivalent de la contenance de la cuve-matière ; au contraire, il a adopté la perception à la cuve-matière, pour laisser toute latitude à l'industrie des brasseurs, et pour que l'impôt se répartît sur les produits de la fabrication, à raison de leur variété et de leur valeur. Que le brasseur multiplie donc ses trempes autant et si peu qu'il le trouve convenable, pour obtenir des produits appropriés au goût du consommateur, et dont le prix soit proportionne à leur qualité ; qu'y a-t-il de plus naturel, de plus juste, de mieux assorti aux vrais principes en matière d'industrie, comme en matière d'impôt ? Agir de la sorte, c'est faire une juste application d'une loi équitable dans ses prévisions et ses conséquences.

J'ai dû faire ces observations, messieurs, parce qu'il semble vraiment que le génie fiscal se plait à jeter constamment la perturbation dans l'industrie des brasseurs. J'ai dû le faire avec d'autant plus de raison que l'exposé des motifs nous fait voir que cette industrie est menacée d'un bouleversement complet de législation, si on parvient à trouver un contrôle qui doit remplacer une des dispositions imposées aux brasseurs par l'impôt mouture d'odieuse mémoire.

Je vous ai démontré, messieurs, que la loi en projet ne redressera pas les prétendues inégalités ; que ce but ne peut être atteint, et que par conséquent elle doit être repoussée. Ma proposition se rapproche mieux de ce but, et elle présente cet avantage que l'on évitera aux brasseurs de nombreux procès-verbaux. Ces considérations seules doivent vous déterminer à l'adopter.

La loi de 1822 est des plus facile à exécuter ; elle n'est pas tracassière, et la fraude est presque impossible ; elle a une supériorité marquée sur tout ce qui a été imaginé jusqu'ici. Il n'en sera plus de même si la loi que nous discutons est adoptée ; il faudra alors marquer les faux-fonds et les autres ustensiles, tenir note de toutes leurs dimensions, de la hauteur du vide entre les deux fonds, etc., etc. Le brasseur ne pourra plus changer ni réparer aucun de ces ustensiles sans faire une déclaration comme l'exige l'article 11 pour les cuves et chaudières, il faudra, chaque fois qu'il aura fait le moindre changement, la plus petite réparation, faire procéder à un nouvel empotement, comme on le fait actuellement pour les vaisseaux qui ont subi des changements ou réparations. Le brasseur sera donc exposé à beaucoup de frais pour ces opérations multipliées, car outre qu'il doit fournir les ouvriers, il doit encore payer aux employés une certaine somme, perçue par en vertu de je ne sais quelle loi, par jaugeage de chaque vaisseau.

Les faux-fonds en bois demandent de nombreuses réparations qui, souvent arrivent au moment de s'en servir ; les brasseurs qui habitent des localités situées à trois ou quatre lieues du bureau du receveur et de la résidence des employés, seront la plupart du temps obligés de faire ces réparations à l'insu des agents du fisc, ce qui les exposera à de procès-verbaux nombreux.

Je sais encore que les assurances les plus formelles nous seront données ; on nous dira que les procès-verbaux ne seront pas à craindre ; que des recommandations expresses seront faites pour les éviter.

Si les employés possédaient l'intelligence de M. le ministre des finances, les brasseurs pourraient avoir toute sécurité à cet égard ; mais malheureusement il arrive souvent que par un défaut d'intelligence et de connaissance de la fabrication, les brasseurs sont victimes des contraventions dressées à leur charge.

Je vous disais, il n'y a qu'un instant, que la loi était facile à exécuter, qu'elle n'est pas tracassière, et cependant beaucoup de procès-verbaux sont encore dressés à charge des brasseurs ; bien peu donnent lieu à des poursuites, il est vrai, mais c'est là ce qui me prouve que la plupart sont peu fondés : je dirai même que les neuf dixièmes ne le sont pas du tout.

Lorsqu'un procès-verbal est dressé, une transaction est offerte au brasseur, on comprend qu'il préfère payer 10, 20 ou 30 fr., que de soutenir un procès contre une administration qui plaide gratis, et qui a l'habitude de traîner les contribuables de tribunaux en tribunaux. Si les brasseurs comprenaient leur position, ils s'associeraient pour soutenir les procès. L'administration des finances n'en gagnerait pas un sur dix, et je ne doute pas qu'alors elle recommanderait plus de circonspection à ses employés qui, je dois le dire, ont conservé une partie des traditions vexatoires du régime exécrable des droits réunis, régime que le gouvernement a tenté de ressusciter en 1842, et qui, s'il avait été admis de nouveau, pouvait porter atteinte à la royiute en 1848, comme il a été une des causes qui ont fait disparaître l'empire en 1814.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Destriveaux. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission sur une demande en naturalisation ordinaire.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi relatif à l’accise sur les bières et vinaigres, fabriqués dans le royaume

Discussion générale

M. Delehaye. - Messieurs, après les considérations très étendues que vient de faire valoir l'honorable M. Allard pour expliquer la proposition qu'il a faite à la section centrale, considérations que j'appuie de toutes mes forces, il ne me reste guère qu'à répondre à une objection faite par la section centrale elle-même.

Il est un point important sur lequel, je pense, nous sommes généralement d'accord : c'est qu'en matière fiscale, du moment que les exigences du trésor sont satisfaites, toute mesure ayant pour but le contrôle, qui n'est pas commandée par la nécessité, constitue une véritable vexation.

Dans les lois fiscales, vous n'avez donc à vous occuper que d'une seule chose, c'est le revenu ; c'est d'assurer la perception des sommes qu'on veut demander à la matière imposable dont il s'agit ; toute autre mesure qui n'est pas réclamée par la nécessité la plus impérieuse devient une véritable vexation.

Les brasseurs du district qui m'a envoyé dans cette enceinte vous déclarent positivement que, quoique le projet du gouvernement doive avoir pour résultat une augmentation d'impôt, ils ne le repoussent pas au fond ; ce n'est pas parce que les brasseurs doivent subir une charge nouvelle qu'ils présentent des réclamations contre les dispositions du projet, mais parce que l'impôt peut être perçu par des moyens autres que ceux présentés par le gouvernement qu'ils considèrent comme devant entraîner pour eux des tracasseries, sinon des vexations. Ils proposent le système de perception sur la capacité de la cuve par empotement avec une réduction de 5 p. c.

La section centrale répond que ce serait accorder une faveur à quelques-uns et constituer les autres en perte, favoriser les grands brasseurs et nuire aux petits. J'admets cette objection, quoiqu'elle ne soit pas entièrement fondée ; mais je l'admets ; cependant, bien qu'il puisse paraître vrai de dire que le projet du gouvernement est plus favorable à ceux qui emploient les faux-fonds en bois qu'à ceux qui emploient les faux-fonds en métal, c'est-à-dire aux petits brasseurs qu'aux grands, c'est au nom des petits brasseurs que je viens parler ici ; je suis porteur d'un document officiel émanant de brasseurs qui emploient des faux-fonds en bois qui demandent le système que je vous propose et repoussent le projet du gouvernement, quoi qu'il doive leur procurer une réduction, parce qu'il doit inévitablement donner lieu à des vexations et à des procès-verbaux.

Or, on sait, pour les brasseurs comme pour les distillateurs, à quoi les procès-verbaux aboutissent.

La préférence donnée à un système qui entraîne une charge plus forte vous fait voir combien l'industrie attache d'importance à s'affranchir des vexations et des tracasseries.

Vous connaissez la conséquence des mesures employées pour constater la capacité des cuves ; quand le faux-fond est en bois, comme il est labouré constamment avec les agitateurs qui servent à remuer les matières macérées, une partie du bois est enlevée et la capacité de la cuve augmente ; de là procès-verbaux et toutes les tracasseries qui s'ensuivent.

Je comprends que l'on veuille combattre mon système au point de vue du trésor, je comprends que M. le minisire vienne dire : En accordant une réduction de 5 p. c, je ne suis plus sûr de percevoir ce que demande le trésor. Mais je pense qu'il faut donner quelque chose à l'expérience. Je voudrais que le gouvernement admît la remise de 5 p. c. que je propose ; quand il en aura fait l'expérience, il poura toujours revenir demander à la chambre de la réduire, s'il ne perçoit pas la somme qu'il veut obtenir.

On pourrait encore faire ce qu'a indiqué l'honorable M. Allard, établir un système différent pour l'emploi du faux-fond en bois et pour l'emploi du faux-fond en métal. Ce serait de dire : on appliquera tel système quand le faux-fond sera en bois et tel autre quand le faux-fond est en métal ; il n'y a aucune fraude possible avec ce système. Mais je conçois qu'on ne l'accepte pas parce qu'il semble de nature à arrêter le progrès dans l'industrie. Mais alors, y aurait-il obstacle à adopter la mesure que j'ai proposée ?

Le gouvernement combat mon système.

Les petits brasseurs ou ceux qui emploient des faux-fonds en bois, quoique le projet du gouvernement leur soit favorable, le repoussent, parce qu'ils le trouvent vexatoire.

Le gouvernement, de son côté, n'a aucun intérêt à combattre le système si sage que proposent les brasseurs de Gand, puisqu'il doit assurer (page 1716) les recettes sur lesquelles le trésor est en droit de compter. C'est avec confiance que j'appuie ce système : la perception par jaugage et empotement, en accordant à tous les brasseurs, qu'ils emploient le faux fond en bois ou le faux fond en métal, une réduction de 5 p. c. Remarquez que, dans mon opinion, ce n’est qu'un essai, Si, par suite de la réduction, le trésor ne perçoit pas la somme demandée, on pourrait l'abaisser à 4 1/2 et même 4 p. c.

Je répète que par ce moyen vous rendez la fraude impossible et vous assurez au trésor les sommes sur lesquelles il a le droit de compter.

M. le président. - Voici l'amendement déposé par M. Allard :

« Je propose de rédiger l'article 15 de la loi du 2 août 1822 de la manière suivante :

« Lorsque la capacité imposable des cuves-matières et celle des chaudières dans lesquelles on emploie des farines seront constatées par empotement, l'on accordera une déduction de 1/2 p. c. pour compenser la perte de l'eau occasionnée par cette opération. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne veux pas suivre l'honorable M. Allard dans tous les développements qu'il a cru devoir donner. La plupart de ses observations sont, en réalité, étrangères à l'objet actuellement en discussion. Je ne puis cependant me dispenser de rencontrer celles qui pourraient faire quelque impression sur la chambre, mais qui sont le résultat d'erreurs manifestes, selon moi.

L'honorable M. Allard a cherché à expliquer comment il se faisait que l'accise sur la bière a successivement décru depuis 1840, surtout d'une manière fort notable.

Selon la plupart des personnes qui ont examiné attentivement les faits, la décroissance dans les produits résulte des améliorations introduites dans les procédés de fabrication et qui ont permis de faire une plus grande quantité de bière pour une même quantité de matière. C'est ainsi qu'on peut expliquer cette décroissance constante, car, chose étonnante, le produit a diminué en même temps que la population a augmenté en même temps que s'est développée l'aisance des particuliers. Aussi l'honorable M. Allard cherche-t-il une foule de raisons pour expliquer un semblable état de choses. L'honorable membre dit que cela provient de ce que la bière a été remplacée dans la consommation, par d'autres objets, tels que les vins, le café, les liquides alcooliques venant de l'étranger. Pour que la raison donnée par l'honorable M. Allard fût vraie, il faudrait qu'il y eût accroissement notable dans l'introduction des vins et des spiritueux étrangers, dans l'introduction du cafe.

Les faits donnent un démenti complet à cette assertion. Nous avons reçu sur les vins étrangers, en moyenne :

De 1828 à 1842, en 15 ans, 2,480,000 francs, la population étant de 4,140,000 âmes.

M. Allard. - Vous donnez le montant des recettes, mais il faudrait savoir la quantité d'hectolitres ; car, en 1842, le droit a été diminué sur les vins.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est pourquoi je prends une période antérieure à 1842.

M. Allard. - Il faut encore tenir compte de la fraude.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La fraude des vins est impossible.

Ainsi, messieurs, les faits contrarient la première assertion de l'honorable M. Allard. Voyons la deuxième, celle qui concerne le cafe.

De 1840 à 1843, en 4 ans, la quantité des mises en consommation a été de 17,040,000 kilogrammes. De 1844 à 1850, en 7 ans, elle a été de 17,847,000 kilog. De 1848 à 1850, en 3 ans, elle a été de 19,032,000 kilog.

Voilà encore une situation qui contredit d'une manière absolue l'assertion de l'honorable M. Allard.

11 y a eu une augmentation pendant les dernières années, particulièrement en 1850 ; cette augmentation porte sur le café et sur les vins étrangers mais aussi sur les bières. (Interruption) Cela prouve l'état de bien-être des populations, cela prouve aussi que la consommation de la bière n'a pas diminué, par l'introduction de ces divers objets de consommation.

Pour les liquides alcooliques les faits seraient encore les mêmes ; ils tourneraient encore contre l'assertion de l'honorable membre.

Cependant, messieurs, la décroissance des produits est extrêmement considérable. Il ne s'agit pas d'une petite somme, comme l'a supposé l'honorable M. Allard. En 1840, les prévisions avaient été établies à 7,551,500 fr. ; on a perçu 7,308,900 fr. Je prends 1840, parce que, antérieurement, les recettes comprenaient celles qui avaient été effectuées sur les territoires que l'on a attachés de la Belgique.

En 1841, les produits présumés étaient de 7,522,900 fr. ; on n'a perçu que 7.130,839 fr.

En 1842, produits présumés, 7,524,000 fr., on a perçu 7,120,386 fr.

En 1843, on abaisse les prévisions à 7,052,100 fr., on ne perçoit plus que 6,787,762 fr.

En 1844, on abaisse de nouveau les prévisions à 6,930,000 fr., on ne perçoit que 6,745,190 fr.

Et ainsi de suite, de telle sorte qu'en 1850, les prévisions n'étaient plus que de 6,300,000 fr.

Pour cette année, les produits ont cependant dépassé de 222,000 fr. ceux de 1849.

Si la perception de cette accise avait continué à s'élever pendant les années postérieures à 1840, dans la proportion de l'accroissement de la population, il en serait résulté qu'en 1850 on aurait perçu une somme de 7,843,000 fr., ce qui fait une différence de 1,400,000 fr. comparativement aux recettes faites pendant cet exercice.

L'amélioration dans les procédés de fabrication, les quantités plus considérables de farine qui ont été employées - et cet accroissement est assez notable à partir de 1844 - sont les causes réelles de la perte qu'essuie le trésor par l'accise sur les bières.

Quelques faits ont été cités par l'honorable M. Allard, pour soutenir que ces industries étaient en souffrance ; selon lui, une preuve bien manifeste de ce fait, c'est que, par exemple, à Liège, le nombre des brasseries est descendu en 10 ans de 33 à 23, tandis que la population est augmentée de 65,000 à 80,000 âmes.

Le fait, ainsi présenté, pourrait paraître assez concluant. Mais il y a un petit malheur : c'est que le nombre des basseries ne signifie absolument rien. Ce sont les quantités fabriquées qui signifient quelque chose. Si l'on supprime toutes les brasseries, à l'exception d'une seule et que celle-ci fournisse à tout le pays, pourrait-on en conclure que la consommation de la bière est diminuée ?

Il s'agit donc de savoir, non pas combien de brasseurs ont servi à alimenter le pays, mais quelles sont les quantités livrées à la consommation par ces brasseurs.

Or, les 30 brasseurs qui existaient à Liège en 1840 ont fabriqué cette année-là 56,229 hectolitres, et les 23 brasseurs, en 1850, ont fabriqué 56,453 hectolitres, c'est-à-dire 224 hectolitres de plus que les 30 brasseurs de 1840.

Il faut ajouter à cela que les quantités sur lesquelles l'impôt est perçu sont bien loin d'être les quantités réelles livrées à la consommation. (Interruption.)

Je me borne à constater un fait ; je n'en tire pas un argument accusateur ; je dis que les doléances qu'on fait entendre ne sont pas fondées ; je constate qu'on a des quantités plus considérables livrées à la consommation qu'on n'en avait autrefois et que partant il n'est pas exact de dire que la consommation de la bière a diminué.

Ces rectifications faites, j'arrive à l'objet spécial de la discussion.

La chambre sait que l'article 15 de la loi de 1822 a soulevé une controverse : il admettait une déduction de 5 centimètres de la hauteur de la cuve pour tenir lieu de la perte occasionnée par les faux-fonds. Jusqu'en 1840, on a appliqué la loi comme nous proposons de l'appliquer par le projet de loi actuellement en discussion. (Interruption de M. Allard.) Peut-être pas dans votre localité ; mais généralement on a exécuté la loi comme nous proposons de l'appliquer.

Il a semblé à l'administration de toute impossibilité de l'appliquer autrement. Car admettre une déduction invariable de 5 centimètres de profondeur, quelle que fût la hauteur et la circonférence des cuves, c'était évidemment consacrer l'inégalité la plus monstrueuse qu'on puisse imaginer, il est évident que la déduction ne pouvait pas être la même pour tout le monde. Tel aurait payé un impôt de 1,000, 2,000 fr. de plus que son concurrent, suivant la capacité de sa cuve, suivant la manière dont cette cuve serait construite.

L'administration a résisté aux prétentions des brasseurs qui tendaient à faire admettre une déduction invariable de 5 centimètres de la profondeur.

Une première fois, en 1842, dans un procès porté devant les trois degrés de juridiction, l'administration n'a pas obtenu gain de cause : les tribunaux ont jugé que la déduction de 5 centimètres de profondeur devait avoir lieu, quel que fût le mode employé par l'administration pour constater la capacité de la cuve. L'administration soutenait que la déduction de 5 centimères ne devait être appliquée que lorsqu'on opérait par voie de jaugeage métrique.

Une seconde fois la question fut présentée devant les tribunaux. Dans la seconde instance, l'administration avait jaugé, les faux-fonds étant placés dans la cuve. L'administration cette fois a gagné le procès ; elle a obtenu gain de cause en cassation ; et l'affaire ayant été renvoyée devant le tribunal de Tongres, la doctrine admise par la cour de cassation, fut également adoptée par ce tribunal.

Depuis lors, un nouveau procès s'est engagé entre les brasseurs et l'administration. Mais frappés par la doctrine consacrée par le second arrêt, les brasseurs ont soutenu qu'aucune disposition de la loi ne les obligeait à placer les faux-fonds dans la cuve. Ce nouveau procès n'est pas encore vidé en dernier ressort ; mais en première instance et en appel les brasseurs ont obtenu gain de cause ; l'administration, se fondant sur le texte même de la loi, a soutenu qu'elle avait droit d'exiger que les faux-fonds fussent placés dans la cuve.

(page 1717) Et elle le soutenait avec d'autant plus de raison, selon moi, qu’une cuve-matière, sans faux-fond est un vaisseau quiconque, mais n'est pas une cuve pour brasser.

Pour faire cesser, à l'avenir, ces contestations (pour le passé nous attendrons la décision des tribunaux), que vient proposer le gouvernement ?

Il vient proposer de tenir compte exactement, équitablement à tous les brasseurs, de la perte que leur occasionnent les faux-fonds. C'est là l'objet du projet de loi qui vous est actuellement soumis.

Ce projet tend à déclarer d'une manière nette, précise, que l'opération pour constater la capacité des cuves aura lieu par empotement, les faux-fonds étant placés dans les cuves, de même que les pompes à jeter et autres objets qui y sont placés a demeure ; et qu'ainsi chacun obtiendra exactement la déduction à laquelle il pouvait prétendre d'après la législature de 1822.

Au premier abord je crois que ce système doit être admis par tout le monde. On comprend qu'il est plus juste, qu'il est plus équitable. Il n'arrive pas sans doute, messieurs, à établir, comme tendrait à le faire supposer le raisonnement de l'honorable M. Allard, une égalité absolue, mathématique, invariable ; non, mais c'est ce qui se rapproche le plus de la justice, c'est ce qui est le plus équitable. Tout système qu'on pourrait y substituer ne tend qu'à maintenir les inégalités, en les faisant disparaître seulement sur certains points, tandis que nous faisons, par le projet, tout ce que nous pouvons pour nous rapprocher de l'égalité.

L'honorable M. Allard, appuyé par l'honorable M. Delehaye, propose de substituer à ce système une déduction uniforme, invariable, non plus de 5 centimètres de la hauteur de la cuve, mais de 5 p. c. de la capacité de la cuve.

Messieurs, l'inégalité qu'établirait ce système saute aux yeux. Pour les uns, 5 p. c. sera peut-être trop peu, pour les autres, c'est beaucoup trop.

M. Delehaye. - Je l'admets.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faut bien l'admettre. Pour ceux qui emploient des faux-fonds en métal n’ayant que quelques millimètres d’épaisseur la déduction de 5 p. c. sera beaucoup trop considérable, ce sera un véritable privilège consacré en leur faveur, tandis que cette déduction pour celui qui continue à employer un faux-fond en bois de 4, 5 et même 6 centimètres d’épaisseur, sera insuffisante.

Or, à qui ce système, s'il pouvait être admis, profiterait-il ? Il profiterait aux grands brasseurs, à ceux qui ont les ustensiles les plus perfectionnés. On continuerait à consacrer en leur faveur le privilège qui existe déjà aujourd'hui par la déduction de 5 centimètres de la capacité de la hauteur de la cuve.

En effet, aujourd'hui, lorsqu'on déduit 5 centimètres de la hauteur de la cuve, qu'arrive-t-il ? Il arrive que ceux qui ont changé leurs cuves et remplacé leurs faux-fonds, qui ont diminué la hauteqr des cuves, en leur donnant un plus grand diamètre, ont obtenu un avantage très considérable ; que les autres, au contraire, supportent une part proportionnelle d'impôt beaucoup plus élevée, hors de proportiou avec celle qui devrait les atteindre réellement. La proposition du gouvernement, ainsi que le reconnaît l'honorable M. Delehaye, tant elle est juste, lant elle est équitable, a pour effet d'accorder une déduction à un certain nombre de brasseurs, à ceux qui sont dans les moins bonnes conditions, et de ramener ainsi l'équilibre. Il y a pour un certain nombre de brasseurs un avantage de 28,000 à 30,000 francs, excédant la déduction de 5 centimètres depuis que l'impôt est perçu sur le jaugeage par empotement prescrit par l'administration.

Sur quoi, messieurs, la déduction de 5 p. c. est-elle fondée ? Je n'ai entendu qu'une seule raison de l'honorable M. Delehaye ; il dit : Le système que propose le gouvernement donne lieu à des contestations, à des procès. Mais en aucune manière ; cela ne donnera lieu à aucune espèce de contestation, à aucune espèce de procès. On constatera par empotement, les faux-fonds étant placés dans la cuve, ainsi que les autres objets qui s'y trouvent à demeure, la capacité de ce vaisseau, et tout sera dit. Mais il y aura une diminution de l'épaisseur des faux-fonds, parce que ces faux-fonds seront altérés par le temps. Eh bien, quand cette altération aura lieu, elle sera parfaitement visible ; il sera évident qu'elle n'est pas le résultat d'une fraude. L'administration reconnaîtra que la diminution est due à l'usage des faux fonds, et il n'y aura, de ce chef, aucun procès, comme il n'y en a pas eu jusqu'ici ?

M. Allard. - Les brasseurs sont obligés de faire raboter les faux fonds de bois à chaque insltant, et on viendra prétendre qu'on les a rabotés trop fort.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Tout ce qu'on pourra dire lorsqu'ils auront fait raboter leurs-faux fonds, c'est qu'il y a lieu de procéder à un nouvel empotement, et il n'y aura aucune espèce de difficulté, d'embarras, de procès.

M. Allard. - Ah ! il n'y aura pas d'embarras ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'embarras ne sera pas grand. A coup sûr, ce ne sera pas un embarras suffisant pour consacrer une injustice, prmr accorder un privilège, une faveur particulière à ceux qui ont des ustensiles perfectionnés.

Je doute très fort, messieurs, que les brasseurs dont les faux-fonds dépassent 5 centimètres, et qui, dans l'application du système soutenu par l’administration ne payent pas la somme de 30,000 fr., appuient le système qu'on préconise en leur nom.

M. Delehaye. - Je suis porteur de documents émanant de l'un d'eux.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous êtes porteur de documents émanant d'un brasseur qui se trouve dans cette position. Je le veux bien. C'est un homme exceptionnel ; il demande absolument à payer plus qu'il ne doit payer.

M. Delehaye. - Il craint les tracasseries.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois qu'on pouvait l'éclairer et lui montrer qu'il ne sera exposé à aucune tracasserie, qu'il aura beaucoup plus d'avantages à ne pas payer plus qu'il ne doit, à rester dans une position égale à celle de ses confrères. Naturellement, quand il paye plus d'impôts, il est dans une position d'infériorité pour vendre ses produits. Les produits ne lui rapportent pas autant qu'à celui qui paye moins.

Je crois que les raisons que l'on donne pour faire substituer au système proposé une déduction uniforme et invariable de 5 centimètres de la hauteur sont tellement faibles, que la chambre n'hésitera pas à les écarter en admettant le système du gouvernement.

Je ferai remarquer au surplus que d'après ce que nous connaissons des cuves, et de l'épaisseur des faux-fonds, une déduction de 5 p. c, telle qu'elle est demandée, excède de 193,000 fr. la perle réelle occasionnée par les faux-fonds. De telle sorte, que je craindrais qu'en admettant le système de nos adversaires, bien loin de donner à l'administration les moyens de récupérer une partie de ses produits, on n'accrût les pertes du trésor.

M. le président. - M. Julliot a déposé l'amendement suivant :

J'ai l'honneur de proposer à la chambre l'adoption de l'amendement suivant à l'article 8 de la loi du 2 août 1822. Cet amendement doit être placé à la suite des mots :

« Art. 8. La capacité des cuves-matières dans les brasseries est fixée comme suit :

Il est ainsi conçu :

« Depuis le 1er juin jusqu'au 1er octobre, dans les communes de moins de 10,000 âmes, une cuve-matière de la contenance de dix hectolitres au moins pour chaque brasserie, et pour les huit mois restants de l'année, etc. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande à rectifier un chiffre. Je viens d'indiquer qu'une réduction de 5 p. c. représente une somme de 193,000 fr. Je me suis trompé : une déduction de 3 p. c. représente une somme de 193,000 fr. Une déduction de 5 p.c. en représenterait une de 321,000 fr.

M. de Renesse. - Messieurs, une réclamation ayant été adressée à la chambre par un brasseur de la ville de Tongres, je crois devoir demander à M. le ministre des finances quelques explications.

D'après l'article 8 de la loi du 22 août 1822, il y a deux bases pour la classification des communes, afin de déterminer le minimum de la contenance des cuves-matières ; jusqu'ici l'administration permettait aux brasseurs de la ville de Tongres de faire usage de cuves d'une capacité moindre de 20 hectolitres, mais la population de cette ville ayant subi une certaine augmentation, il se trouve que le réclamant ne peut même obtenir l'autorisation de déplacer uue cuve-matière d'une contenance de 12 hectolitres et demi, quoiqu'elle ait été placée depuis plusieurs années dans le local où elle se trouve actuellement.

Il s'agirait d'examiner si, à l'occasion de la modification à apporter à la loi du 22 août 1822, il n'y aurait pas équité de faire une nouvelle classification ou toute autre exception, de manière à permettre aux brasseurs des localités d'une moindre importance de pouvoir continuer, comme auparavant, à employer des cuves-matières d'une contenance moindre de 20 hectolitres, mais pas en dessous de 10 hectolitres. La réclamation paraît fondée sur ce qu'actuellement les brasseurs de villes et communes d'une moindre importance, sous le rapport de leur population, ont fortement à lutter contre la concurrence étrangère, surtout contre celle des brasseries des grandes villes qui, au moyen de la restitution à la sortie des droits de fabrication, ont un avantage très notable sur les brasseries des villes et communes d'une population inférieure.

Il me semble, en effet, que quand on change le mode de mesurage, quand on aggrave la position des brasseurs, il conviendrait de permettre, pour les localités d'une moindre importance, de pouvoir y employer des cuves-matières, d'une capacité moindre de 20 hectolitres, surtout que l'article 10 de la même loi stipule formellement : « que s'il existe des circonstances locales ou particulières qui empêchent les brasseurs d'employer constamment toute la capacité de leurs cuves-matières, l'administration (page 1718) générale peut leur permettre de ne remplir qu’une partie et de ne faire percevoir l’acise que sur la partie remplie.

D'après cette disposition, le législateur a donc prévu lui-même les inconvénients résultant de l’obligation de ne pouvoir employer que des cuves-matières de 20 hectolitres, mais il paraît que l’administration supérieure, seule juge de ces circonstances locales ou particulières, ne les admet dans aucun cas.

Les villes et communes d'une moindre importance, sous le rapport de leur population, se trouvent dans les circonstances locales exigées par cet article 10 : en général, la bière brassée dans ces localités n’est pas d’une qualité très forte ; par conséquent, on ne peut guère la conserver en été, et les brasseurs y étaient obligés de se servir de cuves-matières de 20 hectolitres, ils se trouvent parfois dans la dure nécessité de vendre à vil prix une partie de leurs brassins, par suite de la forte concurrence étrangère.

D'après ces considérations, j'appuierai l'amendement que mon honorable collègue et ami, M. Julliot, compte présenter à la chambre ; j'espère qu'elle voudra l'admettre.

M. David. - Lors de la discussion de la loi sur les droits de succession, j'ai eu l'honneur de vous indiquer les motifs fondés pour lesquels je ne pouvais adopter le nouvel impôt.

Ces motifs continuent à subsister ; de fortes économies sont encore réalisables en dehors de celles qui s'effectuent chaque année par le jeu naturel de plusieurs mesures législatives et administratives ; d'un autre côté, des ressources nouvelles pourraient venir augmenter les revenus du trésor public sans aggravation de charges pour les contribuables ; j'en ai signalé quelques-unes au mois de mai dernier.

Depuis, messieurs, la loi sur les successions a été adoptée par vous et si, au sénat, elle obtient un accueil également favorable, son exécution mettra une somme de fr. 2,500,000 annuellement à la disposition du gouvernement. J'avais prouvé, je crois, que cette augmentation de ressources était inutile pour couvrir la différence annuelle des recettes avec les dépenses. Cette augmentation doit suffire à l'exécution des travaux publics, dont nous connaissons aujourd'hui l'importance.

La loi en discussion a pour moi un défaut capital, elle frappera la consommation d'une boisson saine, d'une boisson à l'usage des classes les moins favorisées par la fortune.

Après l'adoption du projet de loi, de deux choses l'une, ou la bière se vendra à un prix plus élevé, ou la qualité en sera altérée davantage encore, pour que le brasseur trouve, par l'un de ces deux moyens, par tous les deux à la fois peut-être, la somme que va lui enlever le fisc. C'est ce que je désire éviter, dans l'intérêt des consommateurs de cette boisson bienfaisante.

Je sais l'objection que l'on me fera ; on me dira : Il n'est pas question d'un impôt de consommation ; on vous demande tout simplement de mettre tous les brasseurs sur la même ligne, de déduire de la capacité de la cuve-matière, exactement à tous, l'espace qu'occupe dans cette cuve les objets qui ne sont pas de la farine.

Mais, messieurs, la somme de 300,000 francs qui doit sortir de cette régularisation n'est pas une simple modification de forme, c'est une surcharge d'impôt sur les brasseries, c'est une cause de hausse pour les produits, c'est en dernière analyse une augmentation de prix des bières, un véritable impôt de consommation.

Il en sera ainsi aussi longtemps que mes honorables contradicteurs ne m'auront pas prouvé que, plus ils font payer aux brasseurs sur leur fabrication plus ils font baisser le prix de la bière. La démonstration sera impossible, je pense.

J'aurais compris, messieurs, que le gouvernement eût cherché à faire rendre au fisc une somme plus forte par les bières en provoquant une consommation plus générale, plus grande par la réduction des charges pesant sur les brasseries. Une pareille mesure, aussi sage que logique, je l'aurais approuvée tandis que je m'opposerai à celle dont on vous demande l'adoption ; il est possible, du reste, que la loi en discussion n'aura pas, pour le trésor, le résultat qu'en attend M. le ministre des finances ; la consommation de la bière pourra très bien diminuer soit à cause d'une augmentatiou de prix, soit par suite d'une détérioration nouvelle de la qualité.

Puisque je viens de parler d'altéralion, je ne crois pas inopportun de demander si les commissions provinciales de médecine ne pourraient point soumettre de temps à autre à une analyse les bières livrées à la consommation.

Une contestation rérente pour une somme de près de 700 francs entre un brasseur et un droguiste a révélé l'emploi de certaines drogues pour la fabrication de la bière ; la coriandre, la belladone, l'anis étoilé, le sirop de fécule et d'autres matières nuisibles à la santé entrenr souvent dans la fabrication des bières ; il me paraît donc essentiel, messieurs, que les autorités compétentes signalent les qualités de bière qui pourraient présenter des dangers pour les consommateurs et répriment les abus conformément aux lois sur la fabrication des matières alimentaires.

- M. Verhaegen remplace M. Delfosse au fauteuil.

M. Jacques. - Messieurs, le gouvernement vient nous proposer des augmentations d'impôts sur la bière, sur le tabac et sur le genièvre, pour réaliser les ressources nécessaires a l'exécution de grands travaux publics. Nous entrons ainsi dans la seconde campagne que le cabinet libéral entreprend contre la bourse des contribuables. J'ai été battu dans la première campagne, et je ne puis guère espérer un meilleur succès dans la seconde ; mais je ne veux pas déposer les armes sans me défendre et je veux encore (erratum, p. 1739) moins compter avec l'ennemi, malgré les nombreux exemples qui pourraient me servir d'excuse.

Tant que la majorité libérale se manifeste par des mesures de liberté, de progrès, d’ordre ou d’économies, je me fais fais honneur et gloire de lui appartenir ; mais chaque fois qu’elle se laisse aller en majorité fiscale sans nécessité, ou en majorité anticatholique, sans y faire attention, il m’est impossible de rester dans ses rangs ; je me résigne alors blesser l’intérêt de parti, plutôt que de trahir mes principes et mes convictions.

Dans les discussions récentes qui ont eu lieu sur le droit de succession, je crois avoir justifié complétement l'opinion que les impôts existants et les ressources actuelles du trésor suffisent amplement pour assurer l’équilibre dans nos finances.

Je ne reviendrai (erratum, p. 1739) plus sur ce point qui n’est pas en discussion dans cette enceinte ; je dirai seulement que je reste dans la conviction pleine et entière de l'exactitude de mon appréciation ; et que j'en appelle sans crainte à l'avenir pour montrer de quel côté est l'erreur ; c'est l'avenir, en effet, qui décidera de la manière la plus certaine, si l'erreur est du côté de ceux qui soutiennent, comme M. le ministre des finances, que de nouveaux impôts sont nécessaires pour établir l'équilibre financier, ou si l'erreur est du côté de ceux qui soutiennent avec moi que les impôts existants suffisent largement pour maintenir l'équilibre dans nos finances.

Nous avons maintenant à examiner d'abord si les travaus publics pour lesquels le gouvernement réclame de nouveaux impjts sont réellement utiles et nécessaires ; nous avons ensuite à examiner si les impôts proposés sont bien les ressources les plus convenables à y affecter.

Quant aux travaux publics, je ne puis pas approuver les négociations parlementaires qui ont donné naissance au projet de loi. Je dis négociations parlementaires, quoique le mot ne soit pas très exact pour désigner la chose ; mais soit pauvreté du langage, soit ignorance de ma part, soit misère de la chose, je n'ai pas trouvé d'autre expression qui soit parlementaire.

Je ne puis pas approuver non plus les faveurs pécuniaires qu'on veut accorder aux sociétés concessionnaires qui ne remplissent pas leurs engagements. Si vous entrez dans cette voie, vous légitimez tous les tripotages imaginables ; vous ne pourrez plus exiger décemment d'aucun entrepreneur qu'il remplisse, sans augmentation de prix, ses engagement contractés envers l'Etat, quand ils ne lui procureront pas un honnête bénéfice.

Vous ne pouvez pas non plus, sans faire preuve d'une partialité révoltante, repousser les demandes d'indemnité qui vous sont adressées par des sociétés ou des entrepreneurs, quand ils devront subir des pertes pour remplir les engagements contractes.

Ne croyez pas cependant que je repousse les travaux publics. J'ai toujours pensé que l'amélioration des voies de communication et des moyens de transport est, dans l'ordre matériel, l'un des progrès les plus importants qu'un bon gouvernement puisse et doive procurer à la nation.

Quand il s'agit de travaux d'une certaine étendue, quand il s'agit des lignes nécessaires pour relier au réseau national des villes populeuses, ou de vastes contrées, je pense que l’intervenlion de l'Etat est beaucoup plus utile que nuisible, et qu'elle doit même aller jusqu'à l'exécution des travaux aux frais du trésor, par voie d'adjudication publique. C'est d'ailleurs là, en définitive, quand on tient compte de l'avenir comme une nation doit le faire, le mode le plus convenable, le plus sûr, le plus prompt, et le plus économique ; je n'admets pas que les travaux exécutés pour le compte des sociétés le soient à moius de frais que ceux qui sont exécutés pour compte de l'Etat : c'est le contraire qui est vrai ; si les chemins de fer de Liège à Namur et de l'Entre-Sambre-et-Meuse avaient été exécutes par l'Etat, je soutiens qu'ils auraient coûté plusieurs millions de moins.

Je pense donc que si des sociétés concessionnaires abandonnent leurs entreprises, l'Etat fera bien (après avoir observé les formalités et les délais prescrits par le cahier des charges) de reprendre et d'achever la plupart des travaux qui ont été concèdes.

Je pense, d'un autre côté, que si l'on veut comprendre dans une seule et même loi tous les travaux nécessaires pour donner satisfaction aux diverses parties du pays, le projet du gouvernement n'est pas encore assez large. Il faudrait, dans mon opinion, y ajouter le chemin de fer de Louvain.

- Plusieurs membres. - Les travaux à faire ne sont pas en discussion.

M. Jacques. - Je sais bien que les travaux à exécuter ne sont pas en discussion ; mais pour que je puisse émettre mon opinion sur les impôts que l'on veut y affecter, il faut bien que je dise quelques mots sur l'ensemble des travaux projetés : je reprends donc la suite de mes observations.

Il faudrait, dans mon opinion, ajouter au projet le chemin de fer de Louvain par Nivelles à Manage, ainsi que des embranchements sur les villes de Turnhout, de Furnes, d’Audenarde, de Tongres et de Dinant, afin que tous nos chefs-lieux d’arrindissement soient reliés au chemin de fer.

Je sais bien que l’on arriverait alors à une dépense plus forte que celle qu’on se propose de faire. Il faudrait compter sur enciron 140 millions. Ce chiffre, quelque élevé qu’il soit, ne doit nullement nous effrayer ; ces 140 millions de frans ne seraient pas dépensés en dehors du pays ; ce serait un aliment au travail national pour cinq ou six années, et l’on mettrait ainsi à la disposition de l’agriculture, de l’industrie et du commerce (page 1719) des instruments perfecfionnés pour opérer leurs transports dans les différentes parties du pavs.

Pour ce capital de 140 millions, la Belgique aurait à payer 7 millions de rente annuelle : on peut subvenir au payement de cette rente par les cinq ressources que je vais indiquer. On ne soutiendra pas que l'indication de ces ressources est en dehors de l'objet en discussion, puisque si on les admettait, on n'aurait pas besoin d'augmenter l'impôt sur les bières.

La première ressource que j'indique, consiste dans le produit net des péages à provenir des chemins du fer et des canaux à exécuter : j'évalue ce produit à 4,200,000 francs, à raison de 3 p. c. du capital employé, et cette évaluation est certainement très modérée. Eneffet, l'on doit tenir compte, d'une part, de ce que les nouvelles lignes n'auront pas de frais généraux à supporter, parce que les frais généraux que le trésor supporte déjà pour les lignes actuelles suffiraient pour l'ensemble : l'on doit tenir compte, en outre, de 1 augmentation de produits que les nouvelles lignes procureront au réseau actuel.

La deuxième ressource que j'indiquerai, c'est le rétablissement de l'accise sur les vins au taux intégral fixé par la loi, à partir du mois d'août 1852, lorsque le traité avec la France sera expiré.

Il y a là une augmentation de produit de 900 mille francs, Je pourrais dire un million, mais je ne veux pas qu'on puisse taxer mes calculs d'exagération.

Comme troisième ressource, je propose vingt centimes additionnels à l'accise sur les eaux-de-vie indigène ; le chiffre de 1 fr. 50 c. proposé par le gouvernement me paraît présenter trop d'appât à la fraude. Je pense qu'il est prudent de ne pas dépasser un franc vingt centimes. Or, vingt centimes additionnels sur une accise qui produit 3 millions 3/4, donneraient un produit annuel de 750 mille francs.

Comme quatrième ressource, j'indiquerai les augmentations de produit net qu'on peut obtenir sur le chemin de fer de l'Etat, à l'aide de quelques rectifications du tarif des marchandises et de quelques mesures administratives de nature à attirer au chemin de fer certaines catégories de transports qui n'y viennent pas maintenant. On obtiendrait facilement ainsi une augmentation de produits de 650,000 francs.

Enfin, nous avons, pour cinquième ressource, les économies à introduire dans le budget de la guerre. Je n'irai pas jusqu'au chiffre de 1.600,000 francs que le gouvernement avait laissé espérer ; je me bornerai à évaluer ces économies à 500,000 francs, chiffre qui est en harmonie avec le projet de loi d'organisation militaire que j'ai eu l'honneur de soumettre récemment aux délibérations de la chambre.

Eh bien, messieurs, en réunissant les cinq ressources que je viens d'indiquer, l'on arrive à une recette totale de 7 millions, somme égale à la rente du capital de 140 millions.

Ainsi, messieurs, on peut, sans augmenter l'accise sur les bières, pourvoir à l'exécution de tous les travaux proposés par le gouvernement et même de ceux qu'il faudrait y ajouter pour que toutes les parties du pays pussent être satisfaites.

L'accise sur les bières, sous l'empire de la législation actuelle et suivant les résultats publiés par le ministère des finances, a rapporté, pendant l'année 1850, 6,400,000 fr. et pendant les six premiers mois de cette année, 3,900,000 fr. Une perception aussi considérable sur un pareil objet de consommation, sur un objet de première nécessité, me paraît plutôt trop élevée que trop faible : gardons-nous donc bien de la renforcer.

Je voterai en conséquence contre le projet de loi.

M. Julliot. - Messieurs, la loi dont en ce moment nous discutons quelques modifications, statue à son article 8 que les brasseries dans les communes de 5,000 âmes et plus ne pourront employer de cuves matières d'unr contenance moindre de vingt hectolitres.

La loi admet cependant une exception en faveur des communes ayant moins de 5,000 âmes de population, et dans ces localités elle se contente de cuves-malières de la contenance d'au moins 10 hectolitres.

Mon amendement a pour objet de faire appliquer cette exception, pour les quatre mois d'été seulement, à toutes les communes dont la populalion est inférieure à 10,000 âmes ; je dis, messieurs, pendant les quatre mois d'été seulement, par la considération que l'ouvrier agricole consomme principalement la bière en été, que ce qu'il consomme le plus c'est de la petite bière du prix de 5 francs l'hectolitre ; or en obligeant les brasseurs des petites localités à brasser 20 hectolitres à la fois, quantité qui par des ajoutes d'eau est doublée afin d'être mise à la portée de la bourse de l'ouvrier, ces malheureux sont souvent obligés de boire de la bière aigrie et avariée, fort nuisible à leur santé, au lieu de trouver une boisson saine pour faire des travaux aussi rudes que ceux des champs. Mon amendement y obviera, s'il est adopté.

En effet, la loi du 2 août 1822 consacre en principe que l'intérêt du fisc exige qu'on fixe une limite, en minimum à la capacité des cuves-matières servant à la fabrication des bières ; le législateur a très bien compris qu'en permettant l'emploi des cuves-matières de 2, 3 ou 5 hectolitres, par exemple, les opérations de la brasserie se seraient multipliées de manière à rendre toute surveillanee impossible. L'article 8 de la loi a donc statué qu'en règle générale la contenance minima de la cuve-matière devait être de vingt hectolitres.

Mais ce que le législateur a compris aussi, c'est que si par ce principe il facilitait le travail des employés du fisc, il était indispensable d’établir quelques exceptions sous peine de créer un vérilable monopole au profit des grands établissements et des grands capitaux, au profit des industries exercées dans les grands centres de population. On a dû comprendre que si on ne se hâtait d'inscrire des exceptions à ce principe, les petits établissements travaillant pour des populations restreintes et principalement pour les ouvriers des champs, auraient tous dû fermer, et que le petit fermier comme l’ouvrier, aurait dû se passer de bière, ou la faire venir de loin à grands frais tout en s’adressant à une qualité supérieure de bière à laquelle ses moyens pécuniaires ne lui permettent pas d’atteindre. La loi a donc admis deux exceptions, la première est inscrite au paragraphe 2 de l’article 8, et autorise l’usage des cuves-matières de dix hectolitres dans les communes dont la population n’atteint pas 5,000 âmes, mais comme dans la discussion de cette loi on a reconnu que cette seule exception était insuffisante en ce qu’elle mettait sur la même ligne le spopulations de 5,000 âmes avec celles de 100,000 âmes, elle a, par son article 10, paragraphe 5, décrété une seconde exception en faveur de toutes les petites brasseries fonctionnant dans les communes, ayant une population de plus de 5,0000 âmes, elle a dit dans son article 10 :

« Dans le ca soù il existerait des circonstances locales ou particulières qui empêcheraient le brasseur d’employer constamment toute la capacité de sa cuve, l’administration générale peut lui permettre de ne remplir qu’une partie de sa cuve, et ne lui faire payer l’accise que sur la partie remplie. »

Mais comme l'application de cet article dépend de la volonté de l'administration, qui a trouvé que cette faculté donnait ouverture à la fraude, cette seconde exception est devenue une lettre morte, on ne l'applique plus.

C'est donc principalement en vue de remplacer cette seconde exception que le gouvernement repousse d'une manière absolue, quoiqu'elle soit écrite sous forme facultative dans la loi, que j'en propose une autre qui ne permet pas la fraude tout en sauvegardant les intérêts du trésor, et qui consiste à tolérer dans les communes de moins de 10,000 âmes, pendant les mois d'été seulement, l'usage des cuves-matières de la capacité de dix hectolitres.

On m'objectera peut-être qu'on ajouterait des farines dans la préparation de ces petits vaisseaux, mais on peut en faire autant dans les grands vaisseaux, et si vous craignez la fraude dans les cuves de 10 hectolitres, vous devez la craindre dans les cuves de 20 hectolitres, avec cette différence, que dans mon système, on ne pourrait frauder que peu de chose, et que, dans le système actuel, on peut frauder le double.

Messieurs, toutes les brasseries fonctionnant dans des villes de troisième ordre demandent cette modification à la loi actuelle.

Ces brasseries travaillent en été pour les ouvriers agricoles qui se contentent d'une petite bière du prix de 5 francs l'hectolitre, cette bière avec une température élevée ne se conserve que de 6 à 10 jours.

Il s'ensuit que si les brasseries des petites villes dépassant néanmoins 5,000 âmes en populalion, sont astreintes à se servir de cuves-matières contenait au moins 20 hectolitres, et ce en été, une partie du brassin aigrit et se trouve perdue pour le producteur ou le consommateur qui, ni l'un ni l'autre, n'ont rien à perdre ; il en est de même de la drêehe et de la levure qui aussi se détériorent en peu de jours.

Le résultat définitif de cette sévérité, c'est encore une fois que l'ouvrier des champs doit par une élévation du prix de la bière indemniser le brasseur de ses pertes, et qu'en fin de compte, c'est le plus pauvre qui supporte ce surcroît de charge dû à l'imprévoyance de la loi.

Les brasseurs qui demandent cette exception en remplacement d'une autre qui, quoique existant dans la loi, leur est refusée en application, se soumettent à ne se servir pendant huit mois de l'année que de cuves-matières de 20 hectolitres ; ils bornent l'exception aux quatre mois d'été, et si on venait m'objecter que la nouvelle exception qu'ils demandent, elle aussi, ouvre la porte a la fraude, il me serait permis de ne pas y croire, car si cette demande était faite dans un intérêt de fraude, elle serait faite pour toute l'année, et non pas pour quatre mois ; il est évident qu'il est plus profitable de frauder pendant toute l'année que de ne frauder que pendant quatre mois. Je crois donc, messieurs, que la chambre et le gouvernement feront très bien de ne pas maintenir d'une manière absolue cette espèce de monopole en faveur des grands établissements, et d'inscrire dans la loi que pendant les mois de juin, juillet, août et septembre, il sera facultatif dans les communes de moins de 10,000 âmes, d'employer des cuves-matières d'une capacité de dix hectolitres. Il y a d'autant plus de motifs de ne pas entraver l'industrie des petites brasseries que d'un autre côté nous accordons un véritable privilège en fait d'impôt, aux petites distilleries dites agricoles, privilège dont du reste je me réserve de scrutiner un jour la constitutionnalité, vous favorisez les petites distilleries et vous contrariez les petites brasseries alors que le genièvre se conservant longtemps et représentant beaucoup plus de valeur que la bière sous un même volume, le genièvre peut mieux se transporter que la biere, il m'est difficile de me familiariser avec cette logique.

Si, messieurs, vous repoussez mon amendement, il sera convenu, je le constate, et le gouvernement me fera l'honneur de l'avouer, que, d'une part, vous primez les petites distilleries entre les grandes, par un privilège dans l'impôt, sous prétexte d’être favorable à l’agriculture, et que, d’autre part, vous primerez les grands établissements de brasserie contre les petits établissements du même genre, par des gênes et des entraves que vous mettrez au travail en petit, comme si brasserie, elle aussi, n’améliorait pas la terre, tandis qu’en sus, elle influe en même temps sur la santé du travailleur, d’après la qualité saine ou frelatée de ses produits.

(page 1720) Eh bien, messieurs, n'est-ce pas faire en même temps le pour et le contre ? N'est-il pas vrai qu'en rapprochant ces deux lois il y a contradiction manifeste dans les principes ? En fait de principe, j’en reconnais un en ce qui concerne les établissements industriels en général, c’est qu’il est plus utile à la société d’avoir de grands établissements que des petits, parce que les grands produisent à meilleur compte et font mieux. Eh bien, ce principe est applicable à la fabrication du genièvre où nous ne l'appliquons pas, mais il esi bien moins applicable à l'industrie de la bière où nous l'appliquons ; il est moins applicable à la brasserie, parce que celle-ci doit être appropriée aux besoins des populations auxquelles elle s'adresse, attendu que les frais de transport et accessoires sont trop considérables pour qu'on tire les bières de loin.

L'amendement que je propose est donc le seul moyen de venir légalement en aide à ce travail si pénible des champs pendant les mois d'été, il lèvera les entraves qu'éprouvent aujourd'hui la plupart des petites brasseries qui travaillent pour la campagne.

Refuser cet amendement, c'est dire à nos paysans : Faites venir des bières fortes des grandes villes ; elles coûtent, il est vrai, 20 francs un hectolitre, mais elles vous fortifieront, vous serez bien servis ; et si vous n'avez pas de quoi les payer, buvez de l'eau à votre convenance. Eh bien, c'est à la dernière proposition de ce dilemme que vous réduisez nos ouvriers campagnards, si vous persistez à rendre difficile le brassin des petites bières.

Messieurs, je trouve qu'il y a quelque chose d'injuste à mettre sur la même ligne les populations de 5,000 âmes et celles de 100,000 âmes ; vous exigez de nous des cuves de 20 hectolitres, parce que sur les cuves de 10 hectolitres la surveillance est trop difficile.

Mais si la surveillance devient facile en raison de l'accroissement de la capacité des vaisseaux, pourquoi ne vous empressez-vous pas de prescrire des cuves de 50 hectolitres dans les grands centres de population ? Vous auriez quelques employés disponibles que vous pourriez nous envoyer pour mieux nous surveiller, et vous pourrez sans inconvénient faire disparaître les entraves dont vous nous enveloppez.

Messieurs, il est évident qu'en traitant les petites localités comme les capitales, vous froissez la règle proportionnelle, vous forcez notre production et vous n'avez pas les moyens de forcer la consommation, je le répète, en nous obligeant à brasser à la fois 20 hectolitres de bière, qui avant d'être livrés à la consommation, en sont devenus 40 ; vous nous exposez à des pertes continuelles en même temps que vous exposez la santé de nos travailleurs agricoles.

C'est ainsi que l'un ministre fera des lois et des fonds en faveur de l'hygiène publique. C'est principalement aux villes que s'adresse cet encouragement, parce que la population urbaine est plus étiolée, plus chétive que celle de lacampagne, dit-on ; il faut donc élever l'hygiène publique, et je le veux bien ; mais un autre ministre nous fera des lois fiscales qui s'adressent principalement aux populations des campagnes ; ces lois, il faut bien le dire, ont pour résultat d'attaquer l'hygiène publique et de l'abaisser. Si ces différentes lois opèrent, on rendra le citadin un peu plus fort, le campagnard un peu plus faible, afin d'équilibrer la santé et la force de ces deux populations. Ce moyen est plus expéditif que celui du croisement des races. Pour ma part, je n'y vois pas d'autre résullat possible ; mais alors on aura perdu d'un côté ce que l'on gagne de l'autre, et le niveau de la santé publique restera le même ; il me semble que l'avis de M. l'inspecteur de l'hygiène publique ne serait pas à dédaigner dans cette occasion.

J'engage M. le minisire des finances à adopter, si faire se peut, ma manière de venir en aide au travailleur, en gênant si peu que possible le producteur dans ses relations avec le consommateur.

Mon amendement tend à ce but tout en cherchant à sauvegarder les intérêts du Irésor qui doivent rester intacts.

Si M. le ministre croyait devoir repousser ma proposition d'une manière absolue, je demanderai de sa part la mesure administrative que voici : dans la discussion de la loi du recensement de la population, la chambre et le gouvernement ont formellement promis que le nouveau recensement n'aurait aucune action sur les lois fiscales. On a tenu parole pour tout ce qui est fiscal, à l'exception de la loi du 2 août 1822 ; avant l'arrivée de l'honorable M. Frère, déjà les bureaux du ministère des finances avaient appliqué le nouveau recensement à la capacité des cuves-matières ; mais, messieurs, dans une question de principe, le gouvernement ne doit pas se laisser conduire par ses bureaux, et je prie M. le ministre des finances de ne pas plus faire peser la loi du recensement sur la loi de 1822, qu’elle ne pèse sur toute autre loi de nature fiscale, c’est-à-dire qu’il veuille tolérer la contenance de dix hectolitres dans les communes qui, sous le gouvernement des Pays-Bas, n’avaient pas 5,000 âmes de population.

Ce n'est pas la cause des brasseurs que je plaide, c'est celle du petit consommateur.

Je voterai le projet présenté par le gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai qu'un mot à dire sur l'amendement de l'honorable M. Julliot. En général, lorsqu'une réclamation est faite, ne fût-ce qu'au nom d'une seule personne, on en conclut qu'on parle au nom de tout le monde.

C'est ce qui arrive actuellement : à entendre l'honorable membre, on pourrait penser que la mesure qu'il formule en amendement, est une mesure vivement réclamée dans le pays.

M. Julliot. - Je le crois de bonne foi

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'en doute nullement, maïs vous me permettrez de vous dire aussi de bonne foi, que la mesure décrétée en 1822 n'a jamais soulevé de réclamation sérieuse, si ce n'est dans quatre ou cinq localités du pays ; et certes c'est là un nombre excessivement restreint eu égard au nombre total des brasseurs du pays, qui est de plus de 3,000 ; et remarquez-le, messieurs, il n'y a que un ou deux brasseurs de la localité de l'honorable membre qui ont insisté plus particulièrement.

M. Dedecker. - C’est dans l’intérêt du consommateur qu’ils parlent.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oh ! je le sais bien ; les brasseurs parlent toujours dans l’intérêt du consommateur ; nous avons entendu plusieurs réclations de ce genre. C’est toujours pour le plus grand bien du consommateur que l’on parle, j’en suis convaincu ; mais je dois, moi, parler pour le plus grand bien de l’application de la loi. Or, si l’on introduisait la mesure que propose l’honorable M. Julliot ; il en résulterait bien évidemment qu’on ouvrirait la porte à deux battants à la fraude ; les renouvellements de farine dans de petites cuve speuvent se faire en quelques instants, et précisément les localités dans lesquelles ces petites cuves sont employées sont celles qui sont le moins sous la surveillance de l’administration.

Il en résulterait donc que la fraude se pratiquerait sur une très vaste échelle si l'on ne maintenait pas les limites déterminées par la loi de 1822.

En Hollande, on a proposé, en 1829, des modifications à la loi, quand on s'était aperçu des inconvénients que cette législation présentait. On n'a pas discuté la mesure, mais le gouvernement a proposé de porter le minimum à 30 et à 20 hectolitres au lieu de 20 et de 10. Je pense qu'il est indispensable de maintenir, sous ce rapport, la disposition de la loi de 1822 ; les raisons que fait valoir l'honorable M. Julliot pour la modifier ne me paraissent ni bien concluantes, ni d'accord avec les faits.

L'honorable membre suppose, par exemple, que la disposition est une sorte de monopole conservé au profit des grandes brasseries ; que cela revient en quelque sorte à dire au consommateur : Adressez-vous à ces grandes brasseries qui ne fabriquent que des bières à 20 fr. l'hectolitre, et le petit consommateur sera privé de bière à six francs. Et d'abord, messieurs, je conteste qu'on emploie en Belgique de la bière à 20 fr. l'hectolitre. Le consommateur dont il parle ne devra donc pas s'adresser aux grands brasseurs. La bière à 20 fr. la tonne est de la bière forte : mais la bière ordinaire, la bière de table, la bière servant à la consommation usuelle se vend précisément au prix que l'on indique.

J'ai sous les yeux le prix de l'hectolitre de petite bière dans un grand nombre de localités et je vois qu'il varie de 5 fr., 5 fr. 51 à 7 fr. 65. (Interruption.) Je parle de l'hectolitre ; si vous parlez de la tonne, vous arrivez à un chiffre plus élevé : la bière à 5 fr. 54 c. l'hectolitre revient à 9 francs la tonne. (Interruption.) Oh ! je sais parfaitement bien que dans toutes les villes, la mise en adjudication pour la fourniture de bière aux hospices se fait à un prix extraordinairement bas, à un prix même inférieur à celui que vous indiquez ; mais je sais aussi quelle espèce de tisane on leur sert. (Interruption.)

Sauf donc quelques rares réclamations qui se sont élevées et auxquelles il a été impossible de faire droit, en général, dans tout le royaume on n'élève aucune plainte contre la loi. L'honorable M. Julliot demande qu'on fasse application d'un des paragraphes de l'article 10 de la loi, consacrant une exception au principe général. En 1843, l'administration a fait usage de cette exception pour des brasseurs de Louvain. Depuis les reformes administratives qui ont été introduites, on a supprimé cette exception et les brasseurs n'ont plus élevé de réclamation. Il n'y a donc aucune nécessité de porter atteinte à la loi de 1822, sous le rapport de la contenance des cuves proportionnément à la population. Je ne puis donc pas, comme le demande l'honorable membre, me dispenser d'exécuter la loi.

M. Manilius. - Il ne s'agit pas de la révision complète de la loi de 1822, sur l'accise de la bière.

Je me bornerai donc à parler de l'objet qui est en question ; c'est-à-dire l'interprétation d'un article de la loi, qui accordait une diminution de cinq centimètres sur les cuves de macération.

Il résulte de cet ancien état de choses que le législateur de 1822 a voulu donner à l'industriel une garantie pour échapper aux tracasseries qui pourraient surgir au sujet de la manière de constater le volume des objets contenus dans la cuve.

Le gouvernement s'est aperçu que depuis nombre d'années le système de 1822 a été très préjudiciable ; M. le ministre nous en a donné l'explication d'une manière tellement claire que la chambre, j'en suis certain, est convaincue de la nécessité de remédier à cet état de choses.

Mais, messieurs, de la mesure que le gouvernement veut appliquer, il résulte que les brasseurs seront en butte à toutes les tracasseries qu'on a voulu leur éviter en 1822.

L'honorable ministre des finances a dit : Non ; il n'y aura aucune tracasserie : on fera le jaugeage de la cuve-matière ; on considérera les objets qu'il faut y mettre, le faux-fond, etc. ; et on les défalquera de la contenance constatée par le jaugeage.

Plus tard, si les employés viennent faire un nouveau jaugeage, eh bien, ce n'est qu'une simple formalité.

(page 1721) Mais M. le ministre a oublié d'ajouter que, si cette formalité amène une différence, il y a lieu d'appliquer l'article 11 de la loi de 1822 c'est-à-dire de très fortes amendes.

M. le ministre a ajouté que si les objets qui se trouvent dans la cuve viennent à diminuer d'épaisseur, on constatera le fait, et qu'il n'y aura pas la moindre amende.

M. le ministre aurait raison si l'exercice était fait par des hommes comme lui ; mais malheureusement, il est fait par des employés subalternes qui ont trop souvent beaucoup de zèle et quelquefois un excès de zèle ; or, dans cet excès de zèle, ils font des procès-verbaux que sont, en définitive, reconnus comme exagérés. Ainsi, l'on voit souvent des procès-verbaux qui conduiraient à une amende de 400 florins et qui aboutissent à une transaction en vertu de laquelle l'industriel paye 20 francs. C'est-à-dire qu'il faut une amende quelconque, parce que l'employé doit avoir raison. Eh bien, les industriels qui réclament aujourd'hui la faveur de la loi de 1822 ne le font pas dans le but da payer moins au trésor ; ils sont prêts à payer ce qu'on demande, mais leur réclamation a pour but de les soustraire aux procès-verbaux.

La question que nous avons à décider aujourd'hui a été jugée contradictoirement par les tribunaux et nous sommes en quelque sorte appelés à interpréter la loi. Eh bien, nous devons le faire de manière à ne pas enlever à l'industrie la position dont elle jouit depuis 30 ans. Or, depuis 30 ans elle n'a pas été soumise aux mesures de surveillance qu'on veut établir maintenant. Certains brasseurs ont employé un faux-fond de cinq centimètres, en bois grossier ; ils étaient dans les conditions prévues par la loi de 1822 ; ils n'ont profité en rien ; mais d'autres plus adroits ont employé un faux-fond très mince et ceux-là ont gagné. Eh bien, remédiez à cet état de choses, mais ne soumettez pas les industriels à cet exercice qui entraîne une foule de tracasseries.

D'ailleurs, messieurs, les cinq centimètres pouvaient très facilement donner lieu à la fraude d'adresse, car on peut faire des cuves très larges et peu élevées, mais un tantième pour cent, comme nous le demandons, cela ne peut entraîner aucune espèce d'inconvénient ; cela frappe les cuves peu élevées et très larges, comme celles qui sont très hautes et qui ont peu de largeur.

Maintenant 5 p. c. donneraient, comme l’a dit M. le ministre, un chiffre assez élevé. C'est une question à examiner. Mais il est certain que les objets introduits dans la cuve en diminuent la capacité, quelques légers qu'ils soient.

Or, il est régulier et constant que ce qu'on peut placer dans la cuve doit être exempté, et le gouvernement l'accorde ; seulement il l'accorde, en créant une foule d'obstacles qui n'existaient pas.

Si les 5 p. c. vous paraissent un chiffre trop considérable, diminuez-le ; mais, veuillez, je vous prie, examiner si vous n'allez pas exposer les industries à des tracasseries probables. (Interruption.) Ces tracasseries sont on ne peut plus probables ; je n'ai, pour justifier cette conjecture, qu'à lire l'un des paragraphes de l'article premier ; M. ie ministre des finances disait tout à l'heure qu'il ne s'agira que d'une simple formalité, que l'on jaugera ; mars M. le ministre a perdu de vue le cinquième paragraphe de l’article premier, qui porte :

« Tout changement ayant pour effet de réduire, à l'insu des employés, l'espace qu'ont occupé dans la cuve, lors de l'empotement, les faux-fonds, les pompes à jeter et les agitateurs placés à demeure, est considéré comme un agrandissement de la capacité imposable sans déclaration préalable, et puni conformément à l'article 11 de la loi préindiquée (de 1822). »

Vous l'entendez, M. le ministre ; « puni conformément à l'article 11 de la loi préindiquée. » S'il ne s'agit là que d'une simple formalité, il faut avouer que les conséquences en sont funestes.

Je crois que, sous ce rapport, la réclamation des industriels est fondée, et que la chambre doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que les industriels ne soient tracassés.

Certes, on ne doit rien négliger pour faire rentrer les deniers au trésor, et moi-même je m'associe au désir exprimé par M. le ministre des finances ; mais je demande en même temps que, pour atteindre ce but, on n'emploie pas des moyens tracassiers pour les industriels.

M. le ministre des finances a dit que notre proposition tend à établir des irrégularités, au profit des industriels qui ont des faux-fonds en matière très légère, et au détriment de ceux qui emploient une matière plus volumineuse.

Je ferai remarquer que la loi de 1822 impose une infinité d'obligations à ces sortes d'usines ; les industriels s'y sont soumis, dans leur propre intérêt ; si aujourd'hui vous déterminez n'importe ce qu'il faut loger dans les cuves, de manière à n'avoir que 4 p. c. par exemple, tous les industriels s'empresseront de se conformer à la disposition, non pas seulement dans l'intérêt du fisc, mais dans leur propre intérêt ; les industriels ne se sont jamais opposés à de semblables mesures ; mais ce qu'ils repoussent, ce que vous devez éviter, ce sont les exercices tracassiers qui portent en quelque sorte atteinte à la liberté ; je ne doute nullement que dans la disposition où se trouvent la chambre et même tout le pays, le gouvernement ne s'empresse de chercher un moyen moins odieux que les recherches.

Il faut reconnaître aussi que des objets qui dans des matières acides doivent nécessairement se détériorer, vont amener forcément des procès ; il n'est pas possible que des objets qu'on loge dans une cuve semblable restent longtemps sans être détériorés ? Il y aura donc nécessité à faire souvent l'examen. Le moyen le plus simple de se conformer à la disposition, c'est d'employer tous des matières métalliques ; or, si la loi imposait cela, dans l'intérêt de tous, par un chiffre régulier, qu1 ne ferait rien perdre au trésor, il n'y aurait pas de réclamation dans le pays.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, si j'avais pensé que la mesure qu'on propose pût être introduite sans dommage pour le trésor, sans injustice envers les particuliers, je me serais bien volontiers associé à la mesure indiquée par l'honorable M. Manilius. Mais comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, la mesure qu'on propose maintiendrait l'inégalité que nous voulons faire disparaître, et elle serait, en outre, préjudiciable au trésor.

Quelle est la raison qu'on invoque à l'appui d'une pareille mesure ? C'est que les brasseurs vont être exposés à des embarras, à des tracasseries qu'ils n'avaient pas précédemment.

Mais en cela on se trompe évidemment : jusqu'ici comme cela arrivera sous l'empire de la loi nouvelle, toute altération, à l'insu des employés, des objets placés dans la cuve, a pu donner lieu exactement aux mêmes contestations....

- Un membre. - Les industriels n'avaient pas intérêt à ces altérations.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ils avaient évidemment intérêt aux mêmes altérations : ils pouvaient être poursuivis ; des contestations pouvaient s'élever ; et si vous parlez des tracasseries, il pouvait y en avoir aussi précédemment. Et si la raison que vous faites valoir pouvait être accueillie par la chambre, il faudrait l'appliquer, non seulement aux faux-fonds, mais à la cuve elle-même. Est-ce que la cuve ne peut pas être altérée comme le faux fond ? Il faudrait donc trouver un système tout à fait différent du système actuel, un système absolu, invariable. C'est de toute impossibilité,

« Vous craignez, dites-vous, les contestations avec les employés. » D'abord ces contestations sont insignifiantes en Belgique ; l'honorable M. Allard est tombé dans une exagération manifeste, lorsqu'il a parlé des procès de l'administration belge, rappelant ceux de l'administration des droits réunis. La vérité est qu'il n'y a presque pas de contestations et que l'administration en Belgique est aussi paternelle que possible envers les industriels.

Le paragraphe de l'article premier, dont l'honorable M. Maniîîus a donné lecture, ne sera applicable que lorsqu'on aura agi à l'insu des employés, lorsqu'on aura altéré sciemment les objets ; c'est alors seulement qu'il y aura lieu de dresser des procès-verbaux. (Interruption de M. Manilius.) Si l'industriel dont vous parlez veut se soustraire à toute espèce de difficulté et de contestation, il lui suffit d'en faire la déclaration ; il n'y a pas eu de contestation jusqu'en 1840, époque jusqu'à laquelle on a appliqué la loi comme le propose le gouvernement.

Car, c'est à partir de 1840 qu'on en est venu au système contre lequel nous sommes obligés de nous élever maintenant. Ces contestations ne se présentent pas, ne peuvent pas se présenter. Toute l'objection consiste à dire que le faux-fond en bois sera alltré parce qu'avec les fourches ou « fourquets » on enlèvera une partie du bois, et qu'on aura ainsi augmenté la capacité. Ce n'est pas là un cas de procès-verbal pouvant donner lieu à l'amende éventuelle de 400 florins ; l'altération ne peut pas être si profonde qu'elle change la capacité constatée de la cuve.

Si on veut traduire en chiffres cette déduction de quelques pour cent d'après les produits constatés pendant l'exercice 1850, on trouve que la déduction de 5 centimètres sur la hauteur représente une somme de 447,295 fr.

Une réduction de tant pour cent sur la capacité constatée représenterait 3 p. c. 193,000 fr., 4 p. c. 257,000, 5 p. c. 321 mille francs, et 6 p. c. 386,000 fr. Voilà la somme que représenterait la déduction qu'où vous demande. Le but manifeste de la proposition est de rester dans la position où l'on se trouve, avec la déduction de cinq centimètres sur la hauteur de la cuve. Ce qu'on veut, c’est le maintien de ce qui est sous une autre forme ; la même inégalité subsisterait ; la déduction de 5 p. c. appliquée au faux-fond en métal de quelques millimètres d'épaisseur procurerait un avantage, tandis qu'elle serait insuffisante pour ceux qui ont conservé le faux-fond en bois de grande épaisseur. Je pourrais donner une indication des faux-fonds en bois qui existent dans le pays.

Les faux-fonds en bois sont encore de beaucoup les plus nombreux ; c'est au profit d'un petit nombre d'industriels que la déduction de 5 centimètres ou 5 p. c. qu'on veut substituer serait consacrée par la législation ; ils auraient ce privilège de payer moins qu'ils ne doivent pour être dans une position égale vis-à vis de ceux qui n'ont pas de faux-fonds de cette nature ; tandis que dans le système du gouvernement on maintient l'égalité autant que la chose est possible.

Vous avez un faux-fond de quelques millimètres, tandis qu'un autre en aura de 4, 5 et 6 centimètres ; vous avez des agitateurs, des pompes à jeter, cela occupe un certain espace ; comme la capacilé se constate par empotement, la déduction se fait de tous les objets placés dans les cuves, cette déduction est parfaitement juste. En établissant une déduction uniforme de 3, 4 p. c, vous n'arrivez pas à cette égalité, vous consacrez au contraire une inégalité contre laquelle je m'élève. Je ne veux pas que quelques-uns joussent d'un privilège, je veux que tous acquittent proportionnellement l'impôt qui est dù, soit qu'ils aient d'anciens ustensiles, soit qu'ils en aient de perfectionnés. Je crois devoir (page 1722) persister dons le système proposé par le gouvernement qui, de tous, est le plus juste et le plus équitable.

M. Delehaye. - Je n'abuserai pas des moments de la chambre. Il vous aura paru étrange que je me sois appuyé du témoignage des petits brasseurs pour demander l'adoption de la proposition de M. Allard.

Les renseignements que vient de vous donner M. le ministre des finances vous en auront fait connaître les motifs. Il existe encore beaucoup de faux-fonds en bois, c'est le plus grand nombre ; le faux-fond en métal ne se détériore pas, tandis que le faux-fond en bois, dès qu'il est mis en contact avec les matierès et l’eau chaude, se trouve labouré par les agitateurs, les fourches et « fourquets », et subit une prompte altération ; cette altération donne lieu à des procès-verbaux.

Si l'administration supérieure, comme le dit M. le ministre, est paternelle, il n'en est pas de même des petits employés ; les petits employés, pour témoigner de leur zèle, de leur activité, de leur surveillance presque toujours au préjudice des contribuables, dressent des procès-verbaux Dans les fonctions que j’ai exercées, j'ai vu des employés dresser des procès-verbaux pour constater qu'ils remplissaient exactement leurs devoirs. La disposition paternelle de l'administration supérieure me touche peu ; il faudrait que cette disposition existât chez les petits employés ; malheureusement il n'en est rien.

Le gouvemement a voulu percevoir 300,000 francs de plus et faire cesser une contestation entre le fisc et les brasseurs. Mais je propose un moyen de soustraire les petits brasseurs aux tracasseries qu'on leur suscite pour des faits qui ne dépendent pas de leur volonté. Si, par la réduction de 5 p. c, M. le minisire pense que le chiffre qu'il veut obtenir ne sera pas atteint, qu'on abaisse le chiffre de la déduction, qu'on la fixe à 4 p. c ; si avec 4 p. c. on ne croit pas encore l'obtenir, qu'on essaye toujours, et si c'est nécessaire on descendra à 3 p. c, à ce taux, je suis certain qu'on y arrivera ; je suppose qu'on ne l'atteigne pas encore ; on a dit que la ressource qu'on demande aux bières est destinée à faire face aux dépenses résultant des travaux publics ; eh bien, il est de fait qu'avant que ces travaux publics nous imposent de nouvelles dépenses il se passera au moins six mois à un an. D'ici là l'expérience sera faite ; vous pourrez nous dire alors si 4- p. c. constituent un chiffre exagéré ; vous nous direz si ce chiffre ne vous permet pas d'obtenir vos 300,000 francs ; dans ce cas vous pourrez proposer une mesure qui vous procure ce revenu ; mais du moins ne vous refusez pas à faire l'épreuve que nous proposons.

Le gouvernement dit qu'il y aura perte pour les faux-fonds en bois et bénéfice pour les faux-fonds en métal ; mais cette différence existe également sous l'empire de la législation actuelle ; car elle accorde également 5 centimètres pour les uns comme pour les autres.

Maintenant quelle serait la conséquence de ma proposition, si elle était accueillie ? C'est que, une fois votée par la législature, les industriels qui s'établiront ; ceux qui voudront profiler de l'avantage qu'accorde la loi, remplaceront les faux-fonds de bois par des faux-fonds de métal, et tous jouiront alors du même avantage ; et, du moins, nous, en législateurs, en hommes qui prennent à cœur les intérêts de leurs commettants, nous aurons posé un acte de justice en écartant la possibilité de considérer comme une altération ce qui n'est que la conséquence inévitable des Iravaux.

En proposant le chiffre de 5 p. c. que j'ai indiqué, d'accord avec l'honorable M. Allard, je me suis attiré le reproche de ne pas procurer 300,000 francs au trésor.

Eh bien, j'amende ma proposition, et je dis que si je dois modifier ce taux pour obtenir l'adhésion de la chambre, je consens à le réduire à 4 p. c.

Maintenant, si, contre toute attente, les 300,000 francs n'étaient pas atteints avec ce chiffre, rien ne serait plus facile de le modifier sans rien changer à la loi ; la loi resterait ce qu'elle est, elle demeurerait basée sur le même principe, mais elle modifierait légèrement la restitution accordée du chef des instruments qui sont censés appartenir à la brasserie.

Je réponds ainsi au reproche qu'on m'a fait de ne pas permettre la réalisation d'un revenu de 300,000 fr. en même temps que j'empêche des contraventions injustes, et je suis convaincu que si la chambre adopte ma proposition, elle procurera un grand bienfait à l'industrie des biasseurs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est parfaitement inutile d'attendre l'expérience pour savoir quel sera le résultat de la réduction de 4 p. c, et si ce taux vous permettra d'obtenir 300,000 fr. de recette que le trésor doit réaliser, non pas par suite d'une augmentation d'impôt, mais par une meilleure application d'une disposition de la loi qui, mal interprétée, accordait un privilège injuste, en ce qu'elle permettait aux uns de ne pas acquitter ce que d'autres payaient. La déduction de cinq centimètres représente 447,295 fr. ; vous n'aurez donc pas 300,000 fr.

L'honorable M. Delehaye reconnaît avec moi qu'il est nécessaire de ne pas établir l'inégalité. Mais tout en faisant une meilleure loi, il est indispensable de trouver ce revenu de 300,000 fr., qui, je le répète, n'est pas une augmentation d'impôt, mais une meilleure répartition de l'impôt ; nous ne voulons pas autre chose. Nous n'aurions donc pas, avec la proposition de l’honorable membre, ce que nous voulons obtenir, et l'njustice continuera à subsister.

Evidemment, elle subsistera dans une notable proportion ; elle ne sera pas aussi grande que celle que nous voulons faire disparaître, soit, mais elle subsistera, alors que vous avez les moyens de la détruire.

Maintenant, l'honorable M. Delehaye nous dit ; Attendons ; si nous n'obtenons pas 300,000 fr., comme nous n'aurons besoin de ectte ressource que dans quelques mois, nous pourrons demander une nouvelle m'odification à la loi, afin d'obtenir ce revenu. Mais l'honorable membre oublie qu'il nous sera impossible de constater que les ressources sur lesquelles le trésor comptait ne lui sont pas arrivées par les vices de la loi.

On nous objectera que cela résulte d'une moindre consommation. Mais en supposant même qu'il en fût, il nous serait impossible de déterminer, à l'époque où l'on consulterait la chambre, si cela résulte de la mesure qui aurait été appliquée.

Or, si c'est la mesure elle-même qui doit produire ce résultat, on peut apprécier dès maintenant l'effet de l'application du taux de 4 p. c, Je le répète donc, vous maintenez l'injustice et vous ne faites pas entrer au trésor les 300,000 fr., auxquels il a droit. Si l'on veut être juste, on doit l'être pour tout le monde ; on doit placer tous les industriels sur la même ligne.

La déduction s'applique à la cuve elle-même ; la cuve est susceptible d'altération, de même que les faux-fonds pour les objets placés dans la cuve.

L'objection ne prouve donc rien, parce qu'elle prouve trop. La loi ne veut atteindre, au surplus, que les changements faits à l'insu des employés, et non les altérations qui résultent de l'usage même de la cuve.

M. Allard. - J'ai demandé la parole quand M. le ministre des finances a dit que toute altération des ustensiles placés dans la cuve-matière expose le brasseur aux peines comminées par l'aricle. 11. C'est une erreur ; actuellement on ne constate pas les ustensiles qui se trouvent dans la cuve-matière et jamais les employés ne s'en sont occupés.

M. le ministre des finances établit ses calculs sur les cinq centimètres et sur la manière de procéder par empolement et par dépotement, mais, messieurs, j'ai insisté tout à l'heure sur le vide qui se trouve entre les deux fonds, vide nécessaire au brasseur, vide qui n'est pas employé pour le dépôt des farines et que l'on veut cependant imposer. Quant aux faux-fonds, il y aura encore inégalité, je vous l'ai démontré tantôt, cela dépendra du diamètre des cuves-matières.

On me dit qu'il n'y aura pas de procès possible, que la cuve est susceptible d'altération de même que les faux-fonds, c'est une erreur ; les faux-fonds souffrent seuls par le travail dans les cuves-matières ; ils sont labourés par les fourquets.

Les faux-fonds en bois sont confectionnés avec du bois blanc nouvellement scié. On comprend qu'étant toujours placés dans l'humidité, s'ils étaient faits avec du bois sec, ils gonlleraient tellement qu'ils feraient beaucoup souffrir la cuve matière, ou qu'ils se soulèveraient ; dans ce dernier cas, ils donneraient passage à la farine, qui s'écoulerait avec le fluide, et le brassin serait perdu.

Tant que la saison de brasser dure, les faux-fonds étant toujours employés, conservent leur épaisseur ; mais quand l'été arrive, et qu'ils sont plusieurs mois sans qu'on s'en serve, ils perdent de leur épaisseur par suite de la sécheresse. Les employés alors viendront constater de nouveau les contenances des cuves-matières, et dresseront des procès-verbaux parce que le volume de cet ustensile sera diminué.

Les brasseurs qui emploient des faux-fonds en bois, sont exposés à chaque instant à y faire des réparations. Ces faux-fonds sont construits de sept, huit, dix pièces. A chaque instant ils se brisent ; ce sont des patins, des planches à remettre, etc. Quelquefois au moment de commencer un brassin, on devra les restaurer. Il en résultera qu'on dressera procès-verbal, parce que le brasseur y aura touché sans déclaration préalable. Or, quand le brasseur aura trois ou quatre lieues à faire pour arriver au lieu où est établi le bureau des employés, plutôt que de faire ce trajet, il les réparera sans prévenir les employés, et cela lui attirera infailliblement des tracasseries. Je demande qu'on les évite.

M. Manilius. - Je suis parfaitement d'accord sur un point avec M. le ministre. Il a démontré qu'il avait calculé sur une rentrée de 300 mille francs par la modification qu'il propose à la loi.

Mais je ne suis plus d'accord avec lui quand il s'agit des tracasseries à éviter aux brasseurs.

Voulant cependant satisfaire à l'objection de M. le ministre qui nous dit que le chiffre de 4 p. c. ne produirait qu'une recette d'environ 200 mille francs, je propose de réduire ce chiffre de 4 à 3 p. c. On obtiendra ainsi le même résultat, moins les tracasseries.

M. Mascart, rapporteur. - A plusieurs reprises, pendant cette discussion, on a manifesté la crainte que le paragraphe 2 de l'article premier, tel qu'il est rédigé, ne donne lieu à des procès entre l'administration elles brasseurs, parce que l'usure des outils augmente la contenance de la cuve.

Cette crainte, messieurs, me paraît peu fondée, le faux-fond étant attaché aux supports par des clous nombreux, très rapprochés, sur lesquels le potement a lieu. Comment concevoir dès lors que l'usure produise un agrandissement de vaisseau suffisant pour motiver des poursuites ? La loi, d'ailleurs, dit que tout changement ayant pour effet de réduire « à l’insu des employés, » l’espace qu’ont occupé dans la cuve, lors de l’emplotement, les faux-fonds, les pomptes à jeter, etc., sera puni conformément à l’article 11, comment concevoir en présence de ces expressions si claires, si positives, que l’agrandissement qui ne peut jamais atteindre 1, 2 p. c., puisse donner lieu à des porusuites de la part des employés ?

Dans les distilleries, les cuves à fermentation sont jaugées par empotement, et bien que la contenance de ces cuves augmente en raison de (page 1723) l’usage fréquent qu’on en fait, cette augmentation insignifiante n'a jamais donné lieu à des poursuites, parce qu'elle est inévitable, et qu'elle n’a pas lieu à l'insu de l’administration.

Sans doute, il serait plus facile qu’une déduction uniforme fût accordée à tous les brasseurs indistinctement, mais comme il y a encore maintenant un grand nombre de brasseurs, plus de la moitié, pour lesquels la déduction de conq centimètres ne représente que le volume des faux-fonds en bois, il est évident qu'une déduction de 4 p. c. aurait pour conséquence l'usage général de fanx-fonds en métal ne représentant que 2 p. c. et dès lors la différence de 2 p. c. équivaudrait à une égale diminution d'impôt. Le trésor, au lieu d'obtenir une augmentation de produits, subirait une nouvelle perte très considérable.

Si, aujourd'hui que les cuves-matières ont en moyenne une profondeur de 95 centimètres, vous accordez une déduction de 5 p. c, vous maintenez évidemment l'avantage dont jouissent les brasseurs faisant usage de faux-fonds en métal. Les 5 p. c. représentent à peu de chose près la déduction de 5 centimètres. Il n'y aurait pas de différence si la cuve avait une forme parfaitemtnt cylindrique et qu'elle eût 1 mètre de profondeur.

La section centrale a rejeté l'amendement qui vous est présenté à la majorité de 5 voix contre 2.

M. Delfosse. - En votant la loi qui est en discussion, nous accorderons au gouvernement des ressources nouvelles qui faciliteront l'exécution de grands travaux d'utilité publique ; c'est le but qu'on veut atteindre, il est louable, je l'approuve d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'un changement réel à loi de 1822, mais d'une mesure conforme à l'esprit qui a dicté cette loi ; s'il s'agissait d'une aggravation de la loi, je devrais m'y opposer.

Mais votre vote amènera un autre résultat, il accroîtra les recettes des communes qui perçoivent une taxe municipale sur la bière ; la mesure profitera tout aussi bien à ces communes qu'au gouvernement. Il y a des villes qui perçoivent sur la bière une taxe plus élevée que l'impôt créé au profit de l’Etat. Dans ces villes, les brasseurs ou plutôt les consommateurs de bière seront doublement frappés, il y aura augmentation de prix, ou, si le prix reste le même, altération de qualité. Ce sera une chose fâcheuse. M. le ministre des finances ne pourrait-il trouver quelque moyen d'obvier à cet inconvénient ?

M. Allard. - Je crois que M. le ministre des finances pourrait trouver dans la loi sur les distilleries une disposition semblable à celle que réclame l'honorable M. Delfosse. Je crois que dans cette loi on a fixé le taux auquel les villes pourraient élever l'accise.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La disposition que désire voir introduire l'honorable.M. Delfosse me paraît présenter des inconvénients. Il convient de laisser aux communes autant de liberté que possible pour l'établissement des impôts qu'elles doivent percevoir pour faire face à leurs besoins.

On a inutilement inséré dans un arrêté de 1816 une interdiction d'élever le produit de l'octroi sur les bières à un taux supérieur à 50 p, c. de l'accise. L'octroi est dépassé et de beaucoup dans la plupart, si ce n'est dans toutes les communes.

La loi du 27 mai 1837 sur les distilleries contenait une disposition qui permettait d'établir le droit d'octroi à une quotité égale à la moitié du droit d'accise qui était alors de 40 centimes. Depuis la loi de 1842, cette quotité ne dépasse pas le tiers de l'impôt. Il n'a été fait que deux exceptions provisoires à cette règle.

Je pense quant aux bières que les administrations communales qui auront en suite de la loi à aviser, pourront dans l'intérêt des habitants restreindre au taux actuel le droit d'octroi établi sur les bières. Je crois qu'on pût les y convier, mais qu'il convient de ne pas insérer une disposition impérative dans la loi.

Je fais remarquer au surplus que l'augmentation qui pourrait résulter dans le prix de la bière est extrêmement minime. Il s'agit de 40 ou 50 millièmes de centimes au litre. Les seules variations dans le prix de céréales amènent des changements beaucoup plus grands dans le prix de du litre de bière. Le prix de la bière ne peut pas être déterminé par d'aussi minimes fractions. Sous ce rapport donc, il n'y a guère d'intérêt à introduire une disposition dans la loi.

M. Coomans. - Les 300,000 fr. seront supportés entièrement par les villes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pardon, il y a des brasseries établies ailleurs que dans les communes à octroi.

M. Cumont. - Le but que se proposnt les membres de la chambre qui ont présentés des amendements est d’éviter ue les brasseurs ne soient soumus à des vexations plus ou moins fondées qui nécessitent des procès-verbaux.

Il est évident que la mesure proposée par le gouvernement donnera matière à de sprocès-verbaux. Si donc nous pouvons, par une autre mesure, arriver au but que le gouvernement veut atteindre, je ne vois pas pourquoi il ne se rallierait pas à cette proposition.

L'honorable M. Delehaye n'est pas venu vous dire : Nous voulons une réduction sur le produit de l'impôt ; il est venu vous demander un moyen d'éviter les vexations que redoutent les brasseurs. Eh bien, si le chiffre de 5 p. c. est trop élevé pour obtenir la recette que le gouvernement désire, descendez à 4 p. c., descendez à 3 p. c. si vous le jugez convenable. Mais examinez et vous verrez que la chambre peut différer le vote de la loi jusqu’à demain, afin de laisser au gouvernement le temps de calculer le chiffre du tantième.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, toutes les questions que nous discutons maintenant ont été examinées à l’occasion des propositions formulées dans le sein des sections et au sein de la section centrale. Remettre à demain n’avancerait à rien. Il est bien certain que je ferais demain la même réponse que je fais aujourd’hui.

L'honorable M. Cumont n'envisage qu'un seul côté de la question, le côté des produits ; mais nous poursuivons un double but, celui d'obtenir l'égalité proportionnelle dans la perception de l'impôt : or, quelle que soit la déduction à faire au moyen d'un tantième sur la capacité de la cuve, vous ne feriez pas disparaître l'injustice qui existe aujourd'hui sous ce dernier rapport.

Les tracasseries ne sont pas à craindre. Les altérations que l'usage apporte dars les faux-fonds ne peuvent pas constituer une contravention ; il ne peut y avoir contravention que lorsque des changements ont été faits volontairement, et à l'insu de l'adniinistration, dans le but d'augmenter la capacité de la cuve. Cela seul peut donner lieu à des poursuites, qui seraient alors parfaitement légitimes.

- La clôture est demandée.

M. Allard (sur la clôture). - Il me semble qu'on ne peut pas clore après le discours d'un ministre.

M. Cools. - Je voudrais piésenter une seule observation. Je crois que, généralement dans la chambre, on veut accorder au gouvernement les 300,000 fr. qu'il demande…

M. le président. - C'est le fond cela.

- La clôture est prononcée,

La chambre passe à la discussion des articles.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le paragraphe 2 de l'article 9 de la loi du 2 août 1822 (Journal officiel, n°52) est remplacé par les dispositions ci-après :

« La capacité imposable des cuves matières et celle des chaudières dans lesquelles on emploie des farines, sont constatées par empotement.

« Par capacité imposable des cuves-matières, on entend la capacité brute de ces vaisseaux, après déduction du volume que représentent les faux-fonds, les pompes à jeter et les agitateurs placés à demeure et servant à débattre les matières, dont les brasseurs font habituellement usage.

« Les résultats de l'empotement sont contrôlés par le jaugeage métrique, suivant les règles à prescrire par le ministre des finances.

« Tout changement ayant pour effet de réduire, à l'insu des employés, l'espace qu'ont occupé dans la cuve, lors de l'empotement, les faux-fonds, les pompes à jeter et les agitateurs placés à demeure, est considéré comme un agrandissement de la capacité imposable sans déclaration préalable, et puni conformément à l'article 11 de la loi préindiquée.

« Les droits fraudés sont, en outre, exigibles pour tous les brassins déclarés depuis le dernier épalement.

« Il est interdit de faire usage de cuves-matières ou de chaudières construites ou disposées de manière que les employés ne puissent en constater régulièrement la capacité. »

M. Allard a proposé un amendement ainsi conçu :

« Je propose de rédiger l'article 15 de la loi du 2 août 1822 de la manière suivante :

« Lors de la fixation de l'accise à porter en débet, en raison de l'usage des cuves matières, l'on accordera, sur la capacité brute cumulée des cuves-matières employées et déclarées chaque fois, une déduction de 5 p. c pour couvrir la perte occasionnée par les faux-fonds, les pompes à jeter et les agitateurs placés à demeure et servant à débattre les matières dont les brasseurs font habituellement usage. Il sera en outre accordé un demi pour cent de déduction pour les cuves-matières dans lesquelles les agitateurs ne sont pas placés à demeure.

« Lorsque la capacité imposable des cuves-matières et des chaudières dans lesquels on emploie des farines sera constatée par empotement, l'on accordera une déduction d'un demi pour cent pour compenser la perte de l'eau occasionnée par celle opération »

M. Manilius a proposé l’amendement suivant au paragraphe de l’article premier :

« Par capacité imposable des cuve-matières, on entend la capacité brute de ces vaisseaux après déduction de 5 p. c. pour faux-fonds, les pomptes à jeter et les agitateurs placés à demeure et servant à débattre les matières dont les brasseurs font habituellement usage. »

M. Manilius. - Je fois faire observer que l’adoption de mon amendement nécessiterait un changement de rédaction au paragraphe 5. Nous pourrons nous occuper ultérieurement de ce point.

M. Delehaye. - Je proposerai par sous-amendement de porter à 4 p. c. la déduction de 5 p. c. proposée par M. Manilius. Il va de soi que je donne la préférence à la proposition de M. Allard, qui fixe la déduction à 5 p. c. a retrouver, la loi imposera encore aux brasseurs une nouvelle charge ; mais j’ai proposé 4 p. c., afin que la chambre, si elle repoussait le chiffre de 5 p. c., ne fût pas obligée de descendre à celui de 5 p. c.

M. le président. - L’amendement de M. Allard ne diffère pas seulement de l’amendement de M. Manilius, quant au chiffre de la déduction ; il porte encore une autre disposition.

M. Delehaye. - Il faut nécessairement que l’amendement de M. Allard soit divisé.

M. Allard. - (page 1724) Messieurs, je n'ai développé que la première partie de mon amendement.

Maintenant la chambre entend-cllc que je développe le deuxième et le troisième paragraphes ?

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article premier et sur tous les amendements.

M. Allard. - Je demande qu'il soit accordé un 1/2 p. c. de déduction pour les cuves-matières dans lesquelles les agitateurs ne sont pas placés à demeure.

Ma demande est des plus fondées ; car les brasseurs qui n'ont pas des agitateurs àdemeure sont obliges de se servir de fourquets pour brasser ; par conséquent ces fourquets occupent alors dans la cuve-matière autant de place que les agitateurs qui sont à demeure.

Je ferai remarquer une chose : c'est que les brasseurs qui ont des agitateurs à demeure ont beaucoup plus d'avantages que ceux qui se servent d'agitateurs qui n'y sont pas ; car les brasseurs qui ont des agitateurs placés à demeure, commencent par verser l'eau dans la cuve-matière, et mettent en mouvement l'agitateur au moment où ils versent la farine, tandis que le brasseur qui n'a pas d'agitateur à demeure est obligé de n'employer ses fourquets que lorsque l'eau étant introduite sous le faux-fond par la pompe à jeter a pénétré, à peu près, (erratum, page 1739 jusqu'au bord supérieur de la cuve-matière. Il y a donc pour le brasseur qui a une cuve-matière avec des agitateurs à demeure plus d'avantage que pour celui qui n'en a pas. C'est pour cela que je demande, pour ce dernier, une réduction d'un 1/2 p. c.

J'ai proposé un amendement au troisième paragraphe de l'article premier ; cet amen-demeni est ainsi conçu :

« Lorsque la capacité imposable des cuves-matières et des chaudières dans lesquelles on emploie des farines, sera constatée par empotement, l'on accordera une diminution d'un demi p. c, pour compenser la perte de l'eau occasionnée par cette opération. »

Vous allez comprendre, messieurs, que ma demande est des plus fondées.

Savez-vous comment on opère pour jauger les cuves-matières par empotement ? C'est incroyable. On se sert d'un verre à champagne, de la contenance d'un demi-litre ; on a soin de placer ce verre de niveau sur un tonneau ; un employé, armé d'un tuyau de pipe, monte sur le tonneau ; il y a une marque au verre ; l'employé aspire, jusqu'à ce qu'un autre lui crie : Halte. On prend alors le verre à Champagne, et on en verse le contenu dans un broc ; quand on a fait cette opération 50 ou 60 fois, on prend le broc, et on déverse l'eau qui s'y trouve, dans la cuve-matières. On recommence ensuite la même série d'opérations (erratum, page 1739) 50 à 60 fois.

Or, il est indubitable que lorsqu'on a vidé un verre qui contient du liquide, il en reste attaché aux parois ; et quand dans l'espèce, on répète l'opération un si grand nombre de fois, le brasseur éprouve bien certainement une perte d'un 1/2 p. c.

Messieurs, je ne crois pas avoir besoin d'en dire davantage pour vous faire comprendre que ma demande est fondée.

M. Cools. - L'honorable M. Allard vient de présenter un amendement supplémentaire ; il me semble que la déduction d'un demi pour cent pour les brasseurs qui n'ont pas d'agitateurs à demeure s'éloigne beaucoup du principe qui a engagé l'honorable membre à présenter son amendement primitif. Cet amendement, tel qu'il a été développé d'abord, avait pour but de procurer au trésor une somme de 300,000 fr. tout comme le système du gouvernement, mais avec moins de gêne pour les industriels ; eh bien,si on adoptait l'amendement primitif de l'honorable M. Allard, il n'y aurait rien de décidé ; ce ne serait qu'un premier vote ; d'ici au second vote, M. le ministre des finances pourrait faire des calculs ; il y aurait toujours moyen de modifier l'amendement ; on poserait cette question-ci : la chambre préfère-t-elle le système qui écarte les vexations tout en fournissant le moyen d'obtenir un produit égal pour le trésor ?

Mais le sous-amendement de l'honorable M. Allard change l'état de la question.

Je crains que ce sous-amendement se prête à la fraude dans l'application. Il y aurait un bénéfice extraordinaire pour quelques brasseurs.

Je me prononcerai contre le sous-amendement de l'honorable M. Allard, tout en approuvant son amendement principal. Je demanderai la division dans le vote.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Cools s'est mépris sur la portée de l'amendement de l'honorable M. Allard ; M. Cools, a pour but, comme le système du gouvernement, de procurer 300,000 fr. au trésor. L'honorable M. Allard se gardera bien de faire une réponse affirmative, s'il était interrogé à cet égard par l'honorable M. Cools. Cet amendement a pour but de ne donner rien du tout au trésor. L'honorable M. Allard trouve que ce que le trésor perçoit aujourd'hui est suffisant. Si donc l'honorable M. Cools veut procurer des ressources au trésor, ce n'est ni l'amendement de l'honorable M. Allard, ni celui de l'honorable M. Delchaye qu'il doit voter.

L'honorable M. Allard demande un demi pour cent pour tenir lieu de la perte résultant des gouttes qui restent attachées aux parois du verre et 1 p. c. pour ceux qui n'ont pas d'agitateurs à demeure : ce qui, dans le système de l'honorable M. Allard, fait en tout 6 1/2 p. c, c'est à dire qu'au point de vue du trésor, cela sera beaucoup plus mal qu'aujourd'hui.

Je ne pense pas que nous devions nous occuper des gouttes d'eau qui restent attachées aux parois. Quant à la déduction d'un pour cent, du chef de l'emploi des fourquets, cette perte est tout à fait insignifiante ; je ferai remarquer que ceux qui ont des agitateurs, emploient, en outre, des fourquets ; il n'y a donc pas lieu d'accorder une déduction, à raison des fourquets, car tout le monde les emploie ; de telle sorte que les conditions restent les mêmes, le motif d'équité qui nous faisait déposer le projet de loi, commande aussi de ne pas accorder la déduction proposée par l'honorable M. Allard.

- La discussion est close sur l'article premier et les amendements.

M. le président. - La chambre veut-elle procéder par questions de principe, au vote, successivement sur le chiffre de chacun des amendements ? On viendrait en dernier lieu, sur le système du gouvernement. (Oui !)

- Les amendements présentés par MM. Allard, Delehaye et Manilius sont successivement mis aux voix. Ils ne sont pas adoptés.

L'article premier, proposé par le gouvernement, est adopté.

Article 2

« Art. 2. Les cuves-matières et les chaudières mentionnées au paragraphe 2 de l'article premier ne peuvent avoir qu'une inclinaison d'un centimètre et demi au plus. Les inclinaisons dépassant cette proportion sont jaugées métriquement et le résultat de cette opération est ajouté à la capacité imposable constatée par l'empotement. »

M. Allard. - Je demanderai à M. le ministre s'il s'agit de l'inclinaison que présenteront la partie supérieure ou la partie inférieure de la cuve ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La disposition me paraît claire. Il s'agit de l'inclinaison de la cuve elle-même, je ne comprends pas la portée de l'observation. Y a-t-il intérêt à avoir des cuves dont l'inclinaison ait plus d'un centimètre et demi. Si l'inclinaison est plus forte on ne pourra pas constater la contenance par l'empotement seulement, dans ce cas au résultat obtenu par ce moyen on ajoute la jauge métrique de l'inclinaison. Je crois que c'est très-juste.

M. Allard. - Je ne puis pas dire que c'est injuste ; mais il vaudrait mieux exiger que les bords supérieurs de la cuve fussent de niveau.

- L'article 2 est mis aux voix et adopté.

Articles 3 et 4

« Art. 3. La capacité des cuves et des chaudières, dont se servent les vinaigriers de la troisième classe, continue à être vérifiée par le jaugeage métrique.

- Adopté.


« Art. 4. Les paragraphes 2 et 3 de l'article 10 et l'article 15 de la loi du 2 août 1822 (Journal officiel, n°32) sont abrogés. »

- Adopté.

Article additionnel

L'article additionnel, proposé par M. Julliot, est mis aux voix.

Il n'est pas adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de la loi. En voici le résultat :

64 membres prennent part au vote.

49 adoptent.

11 rejettent.

4 s'abtiennent.

Ont voté l'adoption : MM. Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Pitteurs, De l'ouhon, Dequesne, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Jouret, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Lesoinne, Loos, Mascart, Moreau, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleempulte, Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Allard, David, Delehaye, Dumon (Auguste), Dumortier, Jacques, Manilius, Peers, Roussel (Adolphe), Sinave et Van Grootven.

Se sont abstenus : MM. de Renesse, de Steenhault, Coomans et Cumont.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés d'en faire connaître les motifs.

M. de Renesse. - Quoique le but principal du projet de loi soit de régulariser la perception du droit d'accise sur les bières et vinaigres, et de faire cesser des contestations soulevées entre le gouvernement et les brasseurs, je crois cependant devoir m'abstenir, parce qu'il résultera nécessairement de la modification à apporter à la loi du 22 août 1822, une certaine aggravation sur l'accise des bières ; je voudrais, au contraire, si notre situation financière se trouvait dans une position plus favorable, que le gouvernement pût proposer une diminution sur le droit de fabrication des bières, afin de pouvoir rendre cette boisson si saine, d'un usage plus général pour la classe ouvrière.

M. de Steenhault. - Je me suis abstenu parce que je ne veux pas voter d'augmentation d'impôt sans savoir à quel objet on la destine.

M. Coomans. - La loi établissant une augmentation, j'ai dù m'abstenir.

M. Cumont. - Je ne veux pas priver le gouvernement d'un revenu équitable, mais d'un autre côté, je n'approuve pas la loi parce que les bases sur lesquelles elle est établie ne me paraissent pas fondées, en ce qu'elles exposent les contribuables à des vexations qu'on pourrait éviter par d'autre mesures. Par ces motifs, j'ai cru devoir in'abstenir.

- Ces motifs sont admis, le projet sera transmis au sénat.

Ordre des travaux de la chambre

(page 1725) M. le président. - Nous n'avons plus à l’ordre du jour que deux projets de lois de peu d'importance ; les sections centrales ayant beaucoup de travail, à quelle heure voulez-vous vous réunir demain ?

- Plusieurs voix. - A trois heures.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pendant que la section centrale s'occupe du projet de loi relatif aux travaux publics, les sections pourraient examiner d'autres projets qui leur sont soumis, la détention préventive et le projet de loi sur les loteries, par exemple ; cet examen pourrait être terminé pour la fin de la session ; les rapports pourraient être déposés ; et la chambre serait ainsi à même de discuter ce sprojets de lois au commencement de la session prochaine.

M. Coomans. - Je ne puis qu'appuyer la proposition de M. le ministre de la justice ; et je demanderai que les sections s'occupent également demain de ma proposition de loi relative aux octrois.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les projets du gouvernement sont antérieurs ; il faut donc commencer par ceux-là.

M. Coomans. - Je le veux bien, mais à la condition que ma proposition, qui a été envoyée depuis huit jours en sections, soit examinée dans la présente session.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je répète que les propositions du gouvernement sont antérieures,

M. Coomans. - Cela n'est pas tout à fait exact.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande que les sections et les commissions s’occupent, en général, des différents projets que le gouvernement a déposés ; notamment ceux relatifs à la détention préventive, à l’expropriation forcée, au code forestier, et aux loteries ; ce sont tous projets qui ont été vivement réclamés dans le cours de la session. Maintenant que la section centrale s'occupe du projet de travaux publics, et que les séances publiques ne commencent qu'à trois heures, je crois que les sections pourraient examiner les projets que je viens d'indiquer ; les rapports pourraient être faits et déposés, et dès le mois de novembre la chambre serait à même d'en aborder la discussion.

Je n'avais d'autre but que d'appeler l'attention de la chambre sur la nécessité de s'occuper en sections des différents projets déposés par le gouvernement. On demande que tel projet passe avant tel autre ; c'est là un point à décider par les présidents des sections, mais je crois que les projets relatifs à la détention préventive et à l'expropriation forcée sont très urgents, et qu'il serait utile de les examiner pendant la session actuelle, pour que la chambre puisse, au mois de novembre, les discuter.

M. Coomans. - Il est évident, d'après les aveux du gouvernement lui-même, que la plupart des projets dont parle M. le ministre de la justice ne pourront pas être examinés par la chambre dans cette session. Or, je pense qu'il serait inconvenant de renvoyer à la session prochaine un projet de loi issu de l'initiative d'un membre de cette chambre, sous prétexte de faire examiner d'abord des projets de lois qui ne peuvent pas être discutés dans la session actuelle. J'espère bien que ma proposition pourra être discutée dans cette session. (Interruption.) Je n'admets pas l’ajournement à six mois ; cet ajournement que M. le ministre accepte pour ses propositions, je ne les accepte pas pour la mienne ; je demande, au contraire, que les sections s’occupent de l’examen de ma proposition, qui leur a été renvoyée depuis huit jours. J'insiste d'autant plus pour qu'il en soit ainsi, que le bruit a été répandu que j'avais fait ma proposition, moins par la conviction qu'elle était bonne qu'afin d'embarrasser le ministère.

Je tiens à protester contre ces bruits malveillants. J'ai fait ma proposition très sérieusement, avec le désir sincère de la voir accepter par la chambre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne pense pas que l'honorable M. Coomans ait déposé sa proposition pour embarrasser le ministère, et dans tous les cas, je lui dirai qu'il aurait complètement manqué son but, car le ministère ne se trouve pas du tout embarrassé par ce projet.

M. Coomans. - Alors n'en demandez pas le renvoi aux calendes grecques.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Lorsque j'ai fait ma motion, je ne pensais ni à l'honorable M. Coomans, ni à sa proposition.

Je voyais que la chambre ne se réunissait qu'à trois heures et je demandais si, la chambre se réunissant aussi tard, les membres ne pourraient pas utiliser leur temps de onze heures ou midi jusqu'à trois heures par l'examen des projets que le gouvernement a déposés.

Qu'arrive-t-il très souvent ? C'est qu'au commencement des sessions, il n'y a pas de projets élaborés, pas de travaux préparés, de sorte que l'on perd une partie du mois de novembre, que l'on a des séances qui ne durent qu'une heure ou qu'une demi-heure. Eh bien, je pense que, sous beaucoup de rapports, il est utile de faire examiner, dès maintenant, les différents projets que le gouvernement a déposés.

Mais je ne trouve pas d'inconvénient à en ajourner la discussion, non pas à six mois, mais au mois de novembre.

Il y a encore de très bonnes raisons pour que ces projets soient examinés en sections dans cette session.

M. Coomans. - Je ne m'y oppose pas.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais je demande la priorité pour ces projets parce qu'ils ont été déposés avant votre proposition.

Je demande, messieurs, que les rapports sur ces projets soient faits autant que possible dans cette session pour qu'ils puissent être examinés et discutés, le cas échéant, par la presse, par les personnes qui s'occupent de ces matières.

Une chose dont on se plaint, à tort, suivant moi, mais dont on se plaint, c'est que les projets ne seraient pas suffisamment élaborés, discutés, examinés par les hommes compétents. Eh bien, je serais heureux que dans l’intervalle des sessions tout le monde pût les examiner, en démontrer, en faire ressortir les avantages et les inconvénients.

Ce sont les raisons pour lesquelles je désire que ces projets soient examinés le plus tôt possible, car ils ont un caractère d'urgence et ils auront un résultat beaucoup plus important, plus pratique pour le pays que les discussions de la proposition de l'honorable M. Coomans.

M. le président. - Les sections doivent nécessairement travailler. Occupons-nous demain du projet de loi sur la détention préventive. Plus tard M. Coomans pourra renouveler sa proposition.

M. Coomans. - Nous pouvons terminer ce débat aujourd'hui. Tout ce qu'on demande, c'est qu'on respecte l'initiative des membres de la chambre, et que lorsqu'un membre fait une proposition dans l'espoir qu'elle sera examinée dans cette session, on ne vienne pas demander l'examen d'autres projets qu'on avoue ne pouvoir être discutés que l'année suivante. Car ce serait là la confiscation de l'initiative parlementaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faut respecter l'initiative des membres de la chambre, mais il faut aussi que les prérogatives du gouvernement soient respectées.

Nous demandons qu on suive dans l'examen des projets l’ordre chronologique de leur présentation, qu'on examine ces projets suivant l'or dre dans lequel ils ont ete déposés. Or, il est des projets qui ont été déposés par le gouvernement avant celui de l'honorable M. Coomans. Nous n'entendons nullement enterrer la proposition de M. Coomans. Nous ne nous opposons pas à ce qu'elle soit examinée et discutée même dans la session actuelle, si tant est que l'honorable M. Coomans puisse obtenir cela de la chambre. Mais nous demandons que les projets du gouvernement déposés avant cette proposition aient la priorité.

M. le président. - Ainsi la proposition de M. le ministre est de suivre pour l'examen des projets en sections l'ordre chronologique de leur présentation. Si la chambre accepte cette proposition, nous nous occuperons demain en sections du projet de loi sur la détention préventive.

- La séance est levée à 4 1/2 heures.