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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 décembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 255) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Les sieurs Waroqué, Gravez et autres membres du comité des houillères du Centre, présentent des observations en faveur de l'exécution du chemin de fer de Manage à Erquelinnes. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer d'Erquelinnes.


« Le conseil communal d'Etichove demande la révision des lois sur le domicile de secours et l'entretien des indigents. »

M. Thienpont. - Messieurs, par cette pétition, qui est d'une très haute importance, le conseil communal d'Etichove prie la chambre de vouloir prendre des mesures afin de régler avec plus de justice les frais d'entretien exigés par les hospices des villes pour le séjour et le traitement des malades étrangers à la localité.

Cette question me paraît d'autant plus mériter l'attention de la chambre que ce sont des établissements souvent très bien dotés qui exigent des indemnités exorbitantes des communes relativement pauvres et quelquefois dénuées de toute espèce de ressource.

L'aisance, messieurs, est bannie de nos campagnes. Les communes de nos Flandres souffrent trop pour être en état de supporter plus longtemps des frais si grands et répartis d'une manière si peu équitable.

Je demande, messieurs, le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Les sieurs Jennar, Sclaubas et Biron, demandent une loi qui donne les moyens de contraindre les communes à exécuter leurs engagements. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Tirlemont prient la chambre d'adopter la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Des habitants et propriétaires des communes d'Emblehem et de Kessel demandent que le pont à construire par le gouvernement sur la petite Nethe canalisée, soit placé à l'endroit nommé « het Sepken » et non à l’écluse n°1. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil central de Merbes-le-Château déclare adhérer aux observations présentées par le conseil communal de Binche contre la pétition du baron de Rothschild, et de la Société Générale, et demande l'adoption du projet de loi relatif a la concession du chemin de fer de Manage à Erquelinnes. »

« Même adhésion des conseils communaux de Morlanwelz, Peissant, Haulchin, Carnières, Estinnes-au-Mont, Peronnes-lez-Binche, Battignies, Ressaix et Waudrez. »

- Sur la proposition de M. Dequesne, renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Des habitants de Roulers prient la chambre d'adopter la proposition de loi relative à l'exemption des droits en faveur des actes concernant l'expulsion de certains locataires. »

- Sur la proposition de M. Rodenbach, renvoi à la section centrale chargée d'examiner cette proposition de loi.


« Dépêche du ministre de l'intérieur adressant à la chambre 110 exemplaires du tome VIll, deuxième partie, et du tome IX des Annales de l'observatoire royal de Bruxelles. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Destriveaux demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Ce congé est accordé.

Rapports de pétitions

M. Allard, rapporteur. - J'ai demandé la parole, messieurs, pour faire à la chambre le prompt rapport qu'elle a ordonné le 3 de ce mois sur la pétition qui lui a été adressée le 29 novembre par plusieurs bateliers naviguant sur la Dendre, par des exploitants d'usines sur cettea rivière et des négociants de Ninove.

Les pétitionnaires exposent que les eaux de la Dendre ont été baissées et la navigation interrompue pendant tout le mois d'août, sans que quelque ouvrage important ait été exécuté ; qu'un arrêté récent a prescrit une nouvelle baisse sur tout le cours de cette rivière pour faciliter certains travaux au nouveau quai que la société du chemin de fer de Dendre et Waes fait construire à Alost ; que cet arrêté a été pris et mis à exécution sans que les intéressés aient été prévenus d'avance, pour's'y préparer ; qu'il en résulte qu'un grand nombre de bateaux chargés de froment, de graines, de tourteaux, de grès, de charbon et autres matières premières indispensables à leur industrie et à leur commerce, ne peuvent arriver à destination, et que beaucoup de négociants sont dans l'impossibilité de remplir leurs engagements.

Ils terminent en demandant qu'au moins la navigation soit rétablie dans la partie supérieure de la rivière comprise entre Alost et Ath, et qu'il soit fait aux bateliers et aux usiniers une remise sur leur droit de patente proportionnée au chômage forcé.

Votre commission, sans rien préjuger, vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - La chambre, dans la séance du 26 novembre, a renvoyé à la commission des pétitions une requête qui lui a été adressée par le conseil communal de Grez-Doiceau, qui réclame son intervention pour que le chemin de fer de Louvain à Manage suive la rive droite de la Dyle au hameau de Gastuche.

Votre commission des pétitions a pensé, messieurs, que cette pétition demandait un prompt rapport ; permettez-moi de vous le faire.

Les petitionnaires prétendant que, par arrêté du 30 avril 1852, M. le ministre des travaux publics a admis un tracé nouveau, contrairement aux lois des 21 mai 1845 et 21 mai 1846 ; qu'il résulterait des travaux de remblai auxquels ce tracé donnerait lieu, un obstacle infranchissable à l'écoulement des eaux qui menaceraient l'existence même de tout le hameau de Gastuche.

Votre commission a l'honneur de vous proposer, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Osy. - Les localités que doit traverser le chemin de fer de Louvain à la Sambre réclament contre la proposition faite par le ministre des travaux publics de faire passer le chemin de fer sur la rive gauche de la Dyle au lieu de la rive droite qui est indiquée dans la loi de concession de 1845 et dans la loi de l'an dernier.

Les propriétaires et les riverains de la Dyle réclament formellement contre cette idée qu'on a suggérée à M. le ministre des travaux publics, parce que, en raison des inondations, il en résultera une grande perte tant pour les propriétaires de terrains que pour la société concessionnaire. J'appuie fortement la commission, et j'engage M. le ministre des travaux publics à bien l'examiner et à ne changer la loi de concession que par une loi, parce qu’il était bien entendu que le chemin de fer doit rester sur la rive droite de la Dyle et non sur la rive gauche, comme on le propose.

S'il y avait des raisons pour changer, je demanderais que ce fût par la loi et non par une concession.

Je connais des propriétaires qui ne consentiront pas à céder leur propriété, si le changement n'est pas fait par une loi.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet. Le crédit demandé s'élevait à 8,450,000 fr. La chambre ayant voté sur cette somme celle de 2,092,000 fr. pour la solde des troupes, la demande est réduite à 6,358,000 fr.

M. de Muelenaere. - Le 10 novembre, M. le ministre de la guerre vous a demandé un crédit extraordinaire et supplémentaire de 8,450,000 fr. Le 27 du même mois vous avez, sur ce crédit, mis à la disposition du gouvernement une somme de 2,092,000 fr. destinée à la solde des troupes. Qu'il me soit permis de vous donner lecture de l'exposé des motifs qui accompagne le projet de loi. Cela ne prendra pas beaucoup de temps, car cet exposé ne se compose que de quelques lignes. Le voici :

« M. le ministre de la guerre se voit dans l'obligation de demander à la législature un crédit complémentaire de huit millions quatre cent cinquante mille francs, pour la liquidation de divers travaux extraordinaires qui sont en voie d'exécution et pour faire face, pendant les neuf derniers mois de l'exercice 1852, aux dépenses qui résultent des mesures prises comme consequence de ces travaux.

« Comme il est difficile de déterminer, dès à présent, d'une manière certaine, quels seront les besoins réels de chaque service, il serait à désirer que la législature voulût bien allouer le crédit en totalité.

« Le ministre de son côté s'engagerait à faire régler, par des arrêtés royaux, l'emploi de ce crédit, en classant les sommes nécessaires d'après les divers articles du budget de l'exercice courant et en laissant sans emploi toute allocation dont il pourra se dispenser de faire usage.

« Dans l'espoir que les explications qui précèdent suffiront pour justifier l'urgence de cette demande de crédit extraordinaire et supplémentaire, nous vous prions, messieurs, de vouloir bien faire du projet de loi ci-joint l'objet de vos prochaines délibérations. »

(page 256) Quand on lit ce préambule (car je ne sais pas pourquoi M. le ministre de la guerre l'a qualifié d'exposé des motifs), n'est-on pas tenté de croire qu'il s'agit d'une affaire insignifiante, d'une simple régularisation d'une dépense déjà antérieurement discutée et votée. Or, vous savez qu'il n'en est rien. Vous savez que votre section centrale, dans son rapport sur cette demande de crédit, a fait insérer l'observation suivante :

« Elle estime que M. le ministre n'aurait pas dû s'engager dans des dépenses aussi considérables sans l'assentiment préalable des chambres, et elle a décidé, par six voix contre une, que cette opinion serait insérée dans son rapport. »

Dans le cours de cette année, un autre crédit extraordinaire de 4,700,000 fr. a déjà été alloué au département de la guerre, et quand avez-vous voté ce crédit ? Vers la fin du mois d'avril dernier, si je ne me trompe, c'est-à-dire à une époque où vous pouviez espérer avec quelque raison qu'il ne se présenterait plus aucune éventualité redoutable, à une époque où les événements qui avaient assez vivement occupé pendant quelque temps l'attention publique étaient entièrement accomplis dans un pays voisin.

Au surplus, je ne critique, je n'attaque point l'exécution des travaux en eux-mêmes par une raison fort simple, c'est que je ne les connais point, et je crois que la chambre ne les connaît pas mieux que moi ; mais ce que je crois devoir blâmer, c'est la manière d'agir sans façon de l'ancien cabinet, c'est le laisser aller dont on a fait preuve dans cette circonstance.

Sur l'interpellation qui lui a été faite par votre section centrale, comment M. le ministre de la guerre a-t-il voulu justifier ce procédé irrégulier ?

C'est, dit-il, parce qu'il s'attendait à une session d'été et qu'il voulait vous proposer ce crédit dès l'ouverture. Mais comme cette session n'a pas eu lieu, M. le ministre de la guerre a cru pouvoir agir de sa propre autorité et passer outre.

D'après moi, ce n'est pas là une raison admissible. S'il n'y a pas eu de session extraordinaire, c'est par le fait du gouvernement, et ce fait ne pouvait pas autoriser le ministère à se placer au-dessus de toutes les lois.

Je sais fort bien que lorsqu'on a fait, même illégalement, une dépense de plusieurs millions, nous n'avons pas même la triste ressource de refuser le crédit sollicité.

La chambre est placée dans l'obligation morale de voter les sommes nécessaires pour couvrir ces dépenses.

Les tiers ne doivent pas souffrir des irrégularités qui ont été commises et de leur confiance dans le gouvernement.

Mais c'est, selon moi, précisément là que gît le mal, c'est là qu'est le danger pour l'avenir ! Je pense, messieurs, qu'il est non seulement de notre dignité, mais que c'est un devoir pour nous de signaler un abus aussi grave que celui sur lequel nous délibérons en ce moment, afin d'en empêcher le retour. Si par notre silence nous autorisions le renouvellement de semblables abus, la chambre ne serait bientôt plus qu'un bureau d'enregistrement où chaque ministre, à tour de rôle, viendrait faire inscrire pour ordre les dépenses qu'il aurait trouvé convenable de faire.

Ce silence serait de notre part une abdication manifeste de ces prérogatives et de ces droits dont la Constitution nous a confié le dépôt, mais à la condition de transmettre ce dépôt intact à nos successeurs. Le vote libre et préalable des recettes et des dépenses constitue la plus belle et, pour ainsi dire, la seule prérogative réelle des chambres législatives. Si vous vous laissez enlever celle-là, croyez-moi, il vous restera très peu de chose.

Messieurs, je borne là mes critiques. J'ajouterai cependant que les observations que je viens d'avoir l'honneur de vous présenter ne sont empreintes d’aucun caractère d’hostilité personnelle contre M. le ministre de la guerre.

J'ai voulu seulement prèmuuir l'honorable général contre les écueils qu'il rencontrerait inévitablement, s'il s'obstinait à marcher plus avant dans la voie où il s'est engagé d'une manière si imprudente.

M. Deliége. - Le discours que vous venez d'entendre a rendu ma tâche facile. Je ne viens pas m'opposer à l'adoption du projet de loi. Je crois que, dans l'état actuel de l'opinion publique, le ministère a bien fait de mettre le pays dans un état convenable de défense. Mais tout en le votant, je tiens à faire mes réserves quant à la marche qui a été imprimée à cette affaire.

Lorsque à la fin de la session dernière le gouvernement est venu nous demander 4,700,000 fr., il aurait dû savoir quelles étaient les sommes nécessaires à la défense du pays, quelle était la dépense à faire. Il me semble qu'il est irrégulier, surtout quand il s'agit de dépenses aussi considérables, de les faire sans l'assentiment des chambres ; nous vivons sous une Constitution qui prescrit au gouvernement de ne faire aucune dépense, de n'établir aucun impôt sans l'assentiment de la législature.

Je voterai donc les conclusions du rapport, mais je fais mes réserves sur la marche suivie par le gouvernement. J'exprime, comme l'honorable M. de Muelenaere et comme la section centrale, le regret qu'on ait agi sans consulter les chambres.

Je fais encore, en votant ce projet, toutes mes réserves quant au budget de la guerre, qui sera sans doute présenté dans peu.

Il est temps, je crois, messieurs, de présenter ce budget.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, les deux honorables préopinants viennent de présenter, sur l'irrégularité des crédits supplémentaires, des observations dont je n'entends nullement contester la justesse.

Il est très vrai qu'en règle générale le gouvernement ne peut dépenser aucune somme, s'engager même pour aucune dépense sans avoir obtenu au préalable l'assentiment des chambres. Aussi, messieurs, en vous présentant la demande de crédits extraordinaires qui vous est soumise, le gouvernement ne s'est pas dissimulé qu'il venait faire connaître à la chambre un acte irrégulier.

La question, ainsi posée, se réduit à ces termes : la dépense que le gouvernement a cru devoir faire, sans avoir obtenu l'assentiment des chambres, était-elle utile ? Eh bien, cette question, il n'est personne dans cette chambre qui soit, je crois, tenté de la résoudre autrement que nous.

Avec nos prédécesseurs nous n'avons pas hésité à la résoudre affirmativement ; et la chambre fera sans doute de même. Le gouvernement reconnaît donc l'irrégularité et vous demande un bill d'indemnité.

Je tiens, messieurs, à faire une observation qu'il ne faut pas que la chambre perde de vue ; il ne s'agit pas ici de ce qu'on appelle des dépenses de circonstances. Les dépenses que le crédit que l'on vous demande aujourd'hui tend à couvrir, sont des dépenses réellement utiles, et je pourrais presque dire des dépenses nécessaires pour tous les temps. Il y a déjà plusieurs années que la nécessité des travaux dont il s'agit avait été reconnue. Ils ont été successivement ajournés ; aujourd'hui on les exécute. Mais je le déclare de la manière la plus formelle, ce sont des dépenses utiles, nécessaires et qu'on n'a que trop différées. Nous régularisons un ordre de choses qui n'était pas régulier. Voilà la vérité, messieurs, sur l'emploi qui sera fait du crédit que le gouvernement est venu vous demander.

J'espère que, d'après ces observations, la chambre n'hésitera pas à accueillir favorablement la demande qui lui a été soumise par le gouvernement.

M. Osy. - Messieurs, après la déclaration que vient de faire M. le ministre des affaires étrangères, je puis passer sous silence une partie des observations que j'avais à faire. J'étais de la majorité des six membres de la section centrale qui ont trouvé irrégulière la marche suivie par l'ancien cabinet.

Effectivement, messieurs, le 26 mars de l'année dernière, le gouvernement nous présenta une demande de crédit de 4,700,000 fr., dont une partie devait servir à l'augmentation de l'armée, et l'autre partie à commencer des travaux de défense. A cette occasion, je vous ai dit mon opinion. J'ai dit que ce n'était pas à nous à examiner si le système de défense du pays était bon ou mauvais, que nous en laissions la responsabilité au gouvernement et que, quant à moi, quoique presque toutes les dépenses se fissent dans les environs d'Anvers, j'étais le premier à m'y rallier et à déclarer que ma confiance dans le gouvernement, en ce qui concerne la défense de notre nationalité, m'engagerait à approuver les travaux de défense de la ville d'Anvers, si on les jugeait convenables.

Mais je disais alors, et je répète encore : Pour que vous fassiez ces dépenses, il faut que nous soyons certains que ce sont des dépenses utiles, que vous créez un système complet de défense et que vous ne ferez pas des dépenses qui resteront sans résultat. Je vous disais à cette occasion, au mois d'avril, lorsque nous avons discuté le projet, qu'on voulait construire quatre forts. Eh bien, messieurs, quand on nous demandait quatre forts, je disais que ce n'était pas assez et j'avais raison, car le gouvernement a dû faire une ceinture autour de la ville d'Anvers ; au lieu de quatre forts, nous faisons aujourd'hui sept forts et une lunette, et il y a, de plus, une partie de la ville qui sera couverte par les inondations.

Je disais encore qu'il était insuffisant de faire des ouvrages en terre... (Interruption.)

Soyez persuadés, messieurs, que dans tout mon discours, je ne dirai que des choses qui se trouvent imprimées et ce qui est au Moniteur. Je soutenais qu'il faudrait faire beaucoup de choses en maçonnerie, plusieurs forts, des casernes à l'abri de la bombe, des poudrières, etc. Malheureusement, M. le ministre de la guerre, qui n'était pas aussi ferme qu'il l'est aujourd'hui, qui se laissait influencer par ses collègues, M. le ministre de la guerre me répondait : « Ce n'est pas 800 hommes qu'il faudrait ; il serait à désirer qu'on pût le faire pour 200 ou 300 hommes. » Or, quand un ministre disait cela, je devais croire qu'il avait l'intention de réaliser le désir qu'il formulait. Eh bien, j'ai vu les plans et les explications que fournit le Moniteur ; et ce que je demandais se fait, de manière que j'ai au moins la satisfaction de voir que les dépenses faites ne sont pas inutiles.

J'engage, messieurs, le gouvernement à vouloir continuer avec fermeté la marche que le nouveau cabinet a entamée et à ne pas faire comme le ministère précédent, à ne pas voir autre chose que la défense du pays.

M. Rogier. - Je demande la parole.

M. Osy. - J'entends un honorable membre demander la parole, ce qui m'oblige à présenter encore quelques observations.

Au mois de mars on nous demandait seulement 4,700,000 francs ; j'ai dit alors que cette somme était insuffisante, qu'on ne pourrait rien faire de complet.

Immédiatement après le vote de ce crédit, les chambres furent closes jusqu'aux élections de juin il y avait deux mois, délai bien suffisant pour (page 257) réunir les chambres et leur demander régulièrement les fonds qu'on demande aujourd'hui.

Cela ne s'est pas fait. Pourquoi ? Parce qu'on ne voulait pas dire aux électeurs qu'il y aurait de fortes sommes à payer. Si l'on n'avait pas été arrêté par cette considération, on aurait demandé franchement les fonds à la chambre, dès le mois d'avril, et on n'aurait pas attendu le mois de décembre. C'est de cette manière-là qu'on défend le pays.

Il y a plus : dans les deux mois qui ont précédé les élections du mois de juin dernier, on aurait pu également nous saisir du projet d'organisation de l'armée ; en effet, M. le prince de Chimay nous avait déclaré au mois de mars que la commission militaire avait terminé ses travaux.

Qu'arrive-t-il aujourd'hui ? Nous sommes au mois de décembre ; le budget du département de la guerre pour 1853 n'est pas voté ; il faudra donc que M. le ministre de la guerre vienne nous demander des crédits provisoires pour cet exercice. Je vous le demande, messieurs, n'eût-il pas été plus convenable que le gouvernement eût présenté le projet d'organisation de l'armée pendant les deux mois qui ont précédé les élections ? C'est une affaire dont nous n'aurions plus eu à nous occuper maintenant. Et il ne faut pas vous le dissimuler, messieurs, le budget de la guerre, avec les crédits complémentaires qui sont déjà votés ou qui vont être votés, se monte à près de 31 millions.

Je dis donc que je ne puis assez blâmer l'ancien cabinet d'avoir voulu nous cacher des dépenses irrégulières, et d'avoir donné tout cet embarras à ses successeurs ; pour ma part, je remercie le cabinet actuel d'avoir franchement demandé ce dont il croyait avoir besoin.

Il me reste à parler sur quelques objets qui se rattachent au projet de loi.

La section centrale s'est informée auprès de M. le ministre de la guerre du motif pour lequel on n'avait pas mis la fourniture des chevaux en adjudication. M. le ministre de la guerre a répondu qu'on avait donné la livraison des chevaux à l'ancien entrepreneur aux conditions auxquelles il avait fait une première livraison.

À mon avis, une adjudication régulière pouvait avoir lieu sans le moindre inconvénient. Cette affaire a été onéreuse pour le trésor public ; car je suis persuadé que le fournisseur a fait de grands bénéfices. J'aurais donc voulu appeler la concurrence, et sous ce rapport, je suis un des membres de la section centrale qui n'ont pas été satisfaits de la réponse faite par M. le ministre de la guerre.

Je dois maintenant entretenir la chambre d'une affaire très grave qui se rattache aux travaux exécutés devant Anvers.

L'arrêlé-loi du mois d'avril 1815 déclare que dans le rayon de 1,800 pieds des forts existants, il est interdit de bâtir sans autorisation du gouvernement, et que si, dans l'intérêt de la défense, il devenait nécessaire de démolir, il n'y aurait point d'indemnité à recevoir. Depuis 1815, le gouvernement a autorisé beaucoup de bâtisses dans ce rayon de 1,800 pieds ; mais chaque fois que le gouvernement a donné l'autorisalion de bâtir, il s'est réservé le droit, en vertu de l'arrêté-loi de 1815, de déclarer qu'en cas de démolition dans l'intérêt de la défense du pays, il ne serait point accordé d'indemnité.

(L'honorable membre donne lecture de l'article 2 de l'arrêté-loi de 1815.)

De manière que si tous les bâtiments qui existaient en 1815 ont droit à une indemnité, à plus forte raison, tous les bâtiments dans le rayon de 1,800 pieds des forts ont droit à une indemnité s'ils sont nécessaires poar la défense de ces forts.

Mais on me dit qu'il y a un jugement de la cour d'appel de Gand qui porte qu'en cas de guerre il ne faut pas indemniser. Je vous soumets cependant une réflexion.

Admettons qu'il y a deux forts qui ne se voient pas, ce sont le fort n°2 et le fort n°3, ils sont cachés par une grande propriété, par des arbres, par beaucoup de bâtiments et il n"y a aucune communication directe entre eux.

Maintenant, vous savez que le gouvernement ne peut pas détruire ces propriétés parce que, d’après la loi, il devrait indemniser ; mais si maintenant par force majeure, en cas de guerre, par exemple, on détruit ces propriétés, d’après l’arrêt de la cour d’appel de Gand, est-il juste qu’on ne paye pas d’indemnités à ceux à qui ces propriétés appartiennent ? Il me paraît qu’en créant un nouveau cercle de communication, il est très juste que le gouvernement examine avec attention, si effectivement toutes les propriétés qui sont alentour de ces nouveaux forts, sont nécessaires pour les défendre, et s’il n’y a pas lieu à donner des indemnités.

Mais il y a plus, on a indemnisé tous les propriétaires des terrains nécessaires à la construction des forts ; on n'a payé que la valeur vénale de la terre, et on pourra leur appliquer l'arrêté-loi qui leur défend de bâtir, je crois qu'il est juste que le gouvernement donne au moins une indemnité de ce chef. Il me semble que le gouvernemest en présentant un projet de loi peut indemniser les propriétaires et les garantir de ce qui pourrait arriver en cas de guerre, ou au jour des besoins prompts de la défense du pays. J'espère que M. le ministre de la guerre voudra bien examiner si, effectivement, il n'y aura pas lieu de présenter un projet de loi parce qu'il n'est pas juste que nous seuls dans les environs d'Anvers nous soyons soumis à toutes ces détériorations de propriété.

Sachez, messieurs, que dans les environs des forts qu'on fait pour garantir deux faubourgs et plusieurs villages, il y a une population de 25 mille habitants qui y ont leurs propriétés, et il me paiait juste qu'ils soient mis à l'abri des malheurs qui pourraient arriver.

J'ai encore une autre observation à faire à M. le ministre de la guerre et pour laquelle sa réponse à la section centrale ne m'a pas satisfait. Le système adopté à Anvers n'est pas nouveau ; à Cologne, à Coblentz, à Mayence, le même système est suivi, et j'en conclus que ce système est bon. Mais qu'ont fait les ingénieurs ? Ils ont eu soin de relier tous ces forts par de bonnes routes pour que, dans le cas d'hostilité, le gouvernement puisse y faire transporter non seulement l'armée, mais le matériel d'une manière facile et prompte. M. le ministre de la guerre répondit à la section centrale que l'on aurait soin de tenir en bon état les routes de terre. Eh bien ! même cet été ces routes ont été presque toujours impraticables ; il n'était pas possible d'y transporter des matériaux sans employer un grand nombre de chevaux.

Si le gouvernement avait commencé par relier entre elles les routes vicinales qui se trouvent là, il aurait pu faire transporter les matériaux par les entrepreneurs en bien moins de temps qu'ils ne le font à présent et en dépensant beaucoup moins d'argent qu'aujourd'hui. Si le gouvernement avait commencé dès le mois d'avril dernier à relier entre elles les différentes routes avec les chaussées vicinales, je suis persuadé qu'il aurait trouvé dans les adjudications qui vont se faire le 7 et le 28 de ce mois une très grande économie. Il faut que le gouvernement puisse parvenir à la défense de ces forts d'une manière très facile, qu'il puisse y arriver avec ses canons, avec ses caissons, en un mot avec toute son armée. Mais il y a encore une question d'humanité que je soumettrai au gouvernement, car vous comprenez que si jamais il y avait des hostilités, toutes ces personnes, tous ces fermiers, tous ces particuliers qui demeurent près des forts, seraient obligés de partir. Ne faut-il pas au moins qu'ils aient une certaine facilité de se transporter, de déloger d'une manière prompte et facile ?

Je réclame ces routes dans l'intérêt de l'humanité, de la défense du pays, et principalement dans l'intérêt du trésor.

On me dira que j'ai en vue mon intérêt. J'ai ma chaussée qui de ma maison me conduit à la ville, je l’ai faite à mes frais, mais vous comprenez que comme je suis encore éloigné des forts, c'est uniquement et principalement dans l'intérêt du trésor et de la défense du pays, et surtout dans l'intérêt de l'humanité que je fais mes observations.

J'engage beaucoup M. le ministre de la guerre à examiner les faits que j'ai eu l'honneur de lui soumettre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, nous serons toujours d'autant plus heureux des témoignages de satisfaction que l'honorable préopinant voudra bien nous donner, qu'en général il n'en est pas très prodigue ; mais ceux qu'il nous adressa aujourd'hui, nous les refusons par une raison toute simple.

L'honorable membre nous remercie de ce qu'au rebours de ce qu'aurait fait l'ancien cabinet, nous nous sommes empressés, à peine entrés aux affaires, de présenter un projet de loi ayant pour but de régulariser des dépenses irrégulièrement faites.

Or, nous n'avons aucun mérite de ce chef ; vous allez le voir. Lorsque le cabinet est entré aux affaires, le projet de loi qui vous est soumis était prêt ; il avait été formulé par l'ancien cabinet qui leût présenté aussi bien que nous-mêmes à l'ouverture de la présente session.

Cela est si vrai qu'à la première conférence que j'ai eue avec les hommes honorables qui sont devenus mes collègues, M. le ministre de la guerre nous a immédiatement fait connaître le texte du projet qui avait été formulé per lui d'accord avec nos honorables prédécesseurs.

Je le regrette donc, mais pour cette fois il m'est impossible d'accepter les félicitations qu'a bien voulu nous adresser l'honorable M. Osy.

L'honorable membre prétend que nos honorables prédécesseurs ont fait un mystère au pays des dépenses dont il s'agit aujourd'hui, parce qu'ils craignaient le blâme des électeurs. Quant à moi, je vous avoue que je ne comprendrais pas une pareille crainte, parce que je ne puis croire que, dans aucune partie du pays, il se trouve des hommes assez peu patriotes pour blâmer des dépenses faites évidemment, danes l'intérpet de tous, dans l'intérêt commun de tout le pays. Ce ne peut donc pas avoir été pour mes prédécesseurs un motif de retard.

L'henorable membre a encore formulé un reproche du chef du peu d'empressement qu'on semble mettre à présenter le budget de la guerre de 1853. Qu'il me soit permis de faire observer que le budget aurait étéprésenté dès l'ouverture de la session, qu'on n'aurait pas pu jusqu’ici en aborder la discussion, car jusqu'ici vos séances ont été bien remplies.

- Un membre. - Pas au commencement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, il me semble que depuis sa réunion la chambre a été continuellement été occupée et parfaitement occupée ; elle a même encore depuis rempli plus d'une séance. Maintenant convenez que rien ne serait plus facile que de déposer le budget de la guerrre tel qu'il a été préparé par la comission gouvernementale instituée dans le courant de 1851, si nous étions d’humeur à secouer toute espèce de responsabilité. Nous avons cru qu'il était de notre devoir, malgré tout le soin, toute l'attention portée à la confection de ce budget, de le soumettre à un nouvel examen.

Nous l'examinons, je puis dire journellement, et je puis annoncer à la chambre que dans très peu de temps le gouvernement sera à même de lui présenter ce budget.

Messieurs, l'honorable M. Osy est entré dans un assez grand nombre (page 258) d’observations critiques que je ne crois pas devoir rencontrer ; du moins, si je les rencontre, ce ne sera que trop superficiellement.

Il a reproché à M. le ministre de la guerre, au lieu d'annoncer une adjudication publique, d'avoir donne la livraison d'un certain nombre de chevaux à l'ancien entrepreneur, aux conditions auxquels il avait eu une première livraison.

Je ne prétends pas que cette opération soit précisément régulière ; dans des temps ordinaires, à coup sûr, cela ne se fera pas. Mais on ne peut pas croire qu'elle a causé un grand préjudice au pays. On prétend que l'entrepreneur a fait des bénéfices ; mais c'est l'ordinaire, je n'en connais pas qui se présentent avec la perspective de perdre de l'argent. S'il a fait un bénéfice, il a fait ce que font tous ses pareils.

L'honorable membre regrette qu'on n'ait pas fait certaines routes aux environs d'Anvers.

Ces routes, je les crois utiles et surtout agréables ; si elles n'ont pas été faites jusqu'ici, nous sommes loin de déclarer qu'elles ne se feront pas. En section centrale on a déclaré qu'on examinait la question de savoir si elles étaient utiles, et que, leur utilité reconnue, on les exécuterait dans le plus bref délai possible.

Quant aux indemnités auxquelles pourraient prétendre les propriétaires dont on exige des sacrifices en vertu de la loi, c'est là une question qu'il est impossible de traiter dans cette chambre.

Vous avez bien voulu le reconnaître vous-mêmes, car vous avez demandé au gouvernement un simple examen. Cet examen aura lieu. Je tiens toutefois à constater que ce qui a été fait l'a été conformément à une jurisprudence établie et non attaquée ; je tiens à le constater pour qu'on ne pense pas que le gouvernement ait agi avec une légèreté qui serait coupable.

Je répète donc que le gouvernement a agi suivant la jurisprudence établie et non attaquée ; s'ensuit-il que nous nous refusions à examiner la question indiquée par l'honorable M. Osy ?

En aucune manière. M. le ministre de la justice me dit qu'il s'occupe de l'examen d'un projet de loi sur la matière, qui lui a été transmis par M. le ministre de la guerre. Le gouvernement fera comme toujours, non ce qui est exigé par les termes rigoureux de la loi, mais tout ce qui sera équitable.

Pendant que l'honorable préopinant parlait, j'ai entendu plusieurs de mes voisins dire : « Comité secret ! » Il est évident que si la discussion devait avoir pour objet les travaux dont on s'occupe actuellement, le gouvernement serait obligé de demander un comité secret.

Jusqu'ici, je le déclare franchement, je n'ai vu aucune indiscrétion dans ce qu'a dit l'honorable M. Osy. Mais je demande en grâce, de ne pas prolonger la discussion sur les travaux ; si la chambre n'a pas confiance dans le cabinet, qu'on demande un comité secret, nous ne refusons aucune communication ; dans tout ce qu'il fait, le gouvernement, avant de mettre la main à l'œuvre, a examine avec soin, avec maturité ce qui se rapporte à ces travaux ; la chambre peut s'en rapporter à lui.

Cet examen, à l'heure où je parle, encore bien que les adjudications soient annoncées, se continue et se continuera jusqu'à ce que nous soyons arrivés à la certitude que ce que nous faisons est ce qu'il y a de mieux à faire.

M. le président. - La parole est à M. Rogier, à qui M. Alp. Vandenpeereboom a cédé son tour de parole.

M. Rogier. - J'éviterai de traiter ce qui serait du ressort d'un comité secret.

L'année dernière, les dépenses relatives aux travaux dont on s'occupe ont été votées en comité secret. Si donc la discussion devait s'étendre aux détails, je evis que le comité secret serait de toute convenance.

Je demande seulement à répondre en séance publique à quelques observations générales. D'abord, je me hâte de dire que je m'associe entièrement aux actes reprochés à mon ancien collègue M. le ministre de la guerre.

Je m'y associe de tout mon cœur ; je m'y associe, pourrais-je dire avec une certaine fierté, quand je considère l'importance du service qui aura été rendu par ces actes au pays tout entier.

Mais il paraît qu'il ne me serait pas permis de prendre ma part tout entière de solidarité dans ces actes.

A entendre l'honorable député d'Anvers, qui blâme cependant l'irrégularité de la dépense, les anciens collègues de M. le ministre de la guerre auraient été un frein, un obstacle à ces dépenses. Le cabinet tout entier, sauf M. le ministre de la guerre, serait blâmé pour l'irrégularité de la dépense, et d'un autre côté, les collègues de M. le ministre de la guerre seraient accusés de l'avoir empêché de dépenser, au mois d'avril, tout ce qui était nécessaire.

Voilà donc l'éloge et le blâme distribués à la fois : éloge pour M. le ministre de la guerre ; blâme pour ses anciens collègues.

Je demande à M. le ministre de la guerre si, dans quelque circonstance que ce soit, ses anciens collègues ont été un obstacle aux propositions de dépenses qu'il a jugé convenable de faire, si à toute époque et en toutes choses, M. le ministre de la guerre n'a pas été libre d'exécuter toutes les dépenses qu'il nous a proposées dans l'intérêt du pays.

M. le ministre de la guerre est sans doute libre au milieu de ses nouveaux collègues ; mais j'afiiime qu'il ne l'est pas plus qu'il ne l'était au t ilicu de ses anciens collègues.

S'il y a un blâme à infliger pour les dépenses faites par M. le ministre de la guerre, je revendique hautement ma part dans ce blâme. Je me suis associé à tout ce qui a été proposé par M. le ministre de la guerre, non pas aveuglément, mais après examen et discussion.

On dit que l'ancien ministère a dissimulé aux chambres l'étendue des dépenses que devraient occasionner les travaux dont il s'agit, que l'ancien ministère aurait dû convoquer les chambres afin de soumettre à leur sanction les dépenses nécessaires. Je reconnais qu'il eût été préférable de soumettre aux chambres l'ensemble des dépenses à faire. Cela est hors de doute pour tout le monde. Mais lorsque nous avons demandé aux chambres la première partie de la dépense, c'était à la fin de la session. La somme demandée alors avait été envisagée comme suffisante.

Les travaui projetés alors étaient à cette époque envisagés comme suffisants. Ce n'est que successivement que la nécessité de nouveaux travaux a été reconnue (j'en appelle à M. le ministre de la guerre) et cette nécessité nous ayant été démontrée, nous n'avons pas hésité à donner notre sanction aux dépenses qui devaient résulter de nouveaux travaux.

Nous avons, dit-on, craint les élections. D'abord, je répète que la nécessité des travaux dont il s'agit n'a été établie pour nous que postérieurement aux élections.

Mais je me hâte d'ajouter que, loin de craindre l'effet de pareils travaux sur l'opinion des électeurs, nous aurions cru faire injure à leur patriotisme, si nous avions pu supposer qu'un de ces actes qui, à nos yeux, recommandent et honorent le plus l'ancien ministère eût pu produire une impression fâcheuse sur les électeurs. Ou il n'y aurait plus de patriotisme dans le corps électoral, ou ces actes devant lesquels on dit que nous reculions devaient nous attirer la sympathie de tout ce qui porte un cœur national dans le pays.

Il est donc complètement inexact que nous ayons reculé devant une manifestation électorale, en ajournant certaines dépenses. Pour tenir ce langage, il faut évidemment méconnaître l'esprit du gouvernement d'alors, l'esprit du pays.

Quant à une session d'été, elle était promise à la chambre, et elle aurait eu lieu suivant la promesse qui avait été faite, s'il n'y avait eu à cela un léger obstacle : le ministère n'était pas en position de se représenter devant les chambres. Dès le commencement de juillet, le ministère avait remis sa démission entre les mains du Roi.

Une crise s'en est suivie, qui a duré bien au-delà de notre attente et de nos désirs. Mais ce n'était pas au milieu d'une crise ministérielle qu'il pouvait convenir au gouvernement, de Sa Majesté de réunir les chambres. Si la session d'été, qui avait été en quelque sorte convenue, avait pu avoir lieu, le budget de la guerre aurait été présenté, et l'ensemble des dépenses, tel qu'il était connu alors, aurait été soumis aux chambres. Mais vous ne pouvez nous faire un reproche de ne pas avoir réuni les chambres, puisque nous n'étions pas dans une position qui nous permît de nous représenter devant elles.

Quant au budget de la guerre en lui-même, on était en mesure de le présenter dans une session d'été.

S'il n'a pas été présenté depuis l'ouverture de la session actuelle, j'ignore pour quel motif. Mais la chambre reconnaîtra sans doute qu'il était nécessaire pour le nouveau ministère, avant d'engager sa responsabilité dans la présentation d'un nouveau budget, qu'il se livrât à un examen sérieux de ce budget. Je ne lui reproche donc pas le retard qu'il a apporté à la présentation du budget de la guerre. J'espère seulement que nous serons en mesure de pouvoir le voter, si pas avant le 1er janvier, au moins dans le commencement de l'année prochaine.

M. Dumon. - Messieurs, je désire traiter brièvement devant vous un point qui a déjà été touché par l'honorable M. Osy, c'est celui des servitudes militaires. Je dois vous dire d'avance que je n'arriverai pasaux mêmes conclusions que cet honorable membre. Je ne puis engager le gouvernement à se relâcher de la sévérité qui a été apportée jusqu'ici en cette matière grave ni à entrer dans le système d'indemnités que l'honorable M. Osy semble désirer.

Je ne puis dissimuler, messieurs, que ces servitudes militaires n'imposent aux terrains qui ont le malheur de se trouver dans le rayon d'une forteresse, une charge excessivement dure, excessivement pénible. Elles ont pour inconvénient premier d'éloigner de centres de population déjà importants, de nouvelles accumulations de population. Des villes très florissantes déjà et qui par leur situatinu topographique auraient acquis une prospérité beaucoup plus grande, se voient privées de ces augmentations.

Il y a plusieurs villes en Belgique qui se trouvent dans cette circonstance ; il y en a en France. La ville de Lille, entre autres (je la cite parce que je la connais particulièrement), en présente un exemple très frappatl. Cette ville déjà très importante, réunissant tous les éléments de splendeur et de prospérité, voit cette prospérité s'éloigner d'elle et se reporter dans les localités situées à une certaine distance, au-delà du rayon réservé de la forteresse. Cette place a vu tous ses faubourgs se transformer en villes florissantes sans que la cité première ait pu prendre part à l'accroissement, limitée qu'elle est par le cercle de ses fortifications.

Il est un autre inconvénient de ces servitudes militaires : c'est je ne dirai pas de frapper de stérilité les terrains voisins, mais au moins d'amoindrir considérablement leur importance.

On sait qu'autour d'une grande ville, le plus grand avantage qu'on puisse retirer des propriétés foncières, c'est de les employer à la bâtisse, pour construire des demeures utiles, des maisons d'agrément, des usines de toute espèce qui augmentent la prospérité de la ville. Eh bien ! pour une éventualité qui ne se présentera qu'à des époques excessivement (page 259) éloignées, qui ne se réalisera peut-être jamais, nous voyons ces terrains frappés d'une sorte de stérilité, mis en quelque sorte en interdit pendant une longue période de paix qui aurait permis d'utiliser ces terrains d'une manière si productive. Ce sont des inconvénients graves, et l'on pourrait traiter d'exorbitant le droit de grever ainsi pendant la paix, pour une éventualité qui se présente si rarement, de grandes étendues de terrain. A ce point de vue, il y aurait presque lieu de proposer la suppression complète de ces servitudes militaires.

Mais je vais indiquer en peu de mots les inconvénients qui résulteraient de cette suppression, et vous penserez comme moi, qu'ils dépasseraient de beaucoup le résultat qu'on croirait avoir atteint en abrogeant le régime des servitudes militaires.

Le but pour lequel on interdit les constructions dans un rayon déterminé autour d'une forteresse, est d'empêcher que l'approche de la place ne soit facilitée par ces constructions. Vous savez les immenses travaux auxquels un assiégeant est contraint pour s'approcher d'une place sans s'exposer aux coups trop directs de la défense. Eh bien, si l'on permettait de telles constructions dans le rayon réservé, quelque bien démolis qu'on les suppose, quelques travaux que l'assiégé ait pu faire, il en resterait toujours des vestiges suffisants pour protéger la marche de l'assiégeant et le dispenser d'une partie du travail si pénible des tranchées.

Voilà déjà un premier inconvénient.

Le second est la crainte que le commandant d'une place assiégée doit éprouver de démolir mal à propos des constructions si importantes. Menacé d'un siège qui n'est peut-être pas immédiat, il craindra, par humanité, de ruiner tant de citoyens, en incendiant leurs demeures ; il reculera devant la démolition de ces demeures et la dure nécessité de priver d'abri tant de familles. Eh bien, si, obéissant à ce sentiment d'humanité, il diffère un seul jour de remplir ce pénible devoir, il sera peut-être trop tard et la place sera compromise. Voilà donc le résultat de sacrifices pécuniaires considérables, de travaux de défense faits à grands frais, de capitaux tenus improductifs pendant un grand nombre d'années, compromis complètement, rendu tout à fait stérile et inefficace, parce qu'on a permis de bâtir dans le rayon d'une forteresse.

Supposons, messieurs, que la loi existante ne soit appliquée qu'avec mollesse, avec trop de modération, tous les environs d'une place forte se trouveront bientôt bâtis jusqu'au pied des glacis. Toutes les routes seront bordées de maisons, de constructions importantes, et le jour où un siège sera imminent, le commandant se verra obligé de mettre le feu aux propriétés d'une nombreuse population.

L'honorable baron Osy vous a déclaré que pour la seule place d'Anvers, il s'agit d'une population de 25,000 âmes. Voilà donc, à la veille d'un siège, 25,000 compatriotes sans abri, jetés dans la plus profonde misère. Car vous savez qu'à la veille d'un siège, toutes les communes des environs d'une place forte sont ruinées par les réquisitions militaires. Cet inconvénient, messieurs, n'est-il pas plus grand que celui auquel on aurait voulu parer ? N'était-il pas préférable de maintenir la défense de bâtir dans le rayon stratégique ?

La législation que l'on attaque n'est d'ailleurs pas récente. L'arrêté-loi de 1815 n'est pas la première disposition qui ait été prise sur cette matière. Depuis que l'on fait des fortifications, il a été pris des mesures pour empêcher d'aunihiler leurs effets en les masquant par des constructions.

Pour ces motifs, je crois que le gouvernement encourrait une grande responsabilité en se relâchant de la sévérité qu'il apporte dans l'exécution de la loi.

Mais, dit-on, on pourrait indemniser les propriétaires lésés. En effet, le système des indemnités paraît, au premier abord, juste et naturel, On construit une nouvelle forteresse ; on grève par là les propriétés voisines d'une servitude très lourde ; il paraît très juste de payer une indemnité ; cela paraît naturel. Cependant voyez les conséquences auxquelles vous expose un tel système.

La ville d'Anvers n'est pas la seule qui ait vu augmenter ses fortifications, où de nouveaux terrains soient tombées sous le régime des servitudes militaires ; la ville de Diest est dans le même cas. Je viens de vous le dire, la loi sur les servitudes militaires est ancienne et depuis qu'elle existe, des travaux de fortification importants ont été faits. De 1815 à 1820, vingt forteresses ont été construites en Belgique. Si le système des indemnités était adopté pour la place d'Anvers, il serait juste d'indemniser tous ceux qui ont vu autrefois grever leurs propriétés de servitudes militaires. Où le système vous conduirait-il, quelque minime qu'on suppose l'indemnité ?

Pour ces raisons, j'appelle, comme l'honorable baron Osy, l'attention du gouvernement sur cette grave question. Je ne m'eppose pas à ce qu'une loi nouvelle soit élaborée sur cette matière ; mais j'espère que si la situation des propriétaires voisins des forteresses est améliorée, on ne se départira cependant pas de la juste mesure de prudence qu'on doit apporter dans une matière aussi importante.

Puisque j'ai la parole, je ne laisserai pas passer cette occasion de dire un mot sur le crédit demandé.

Il est impossible de dissimuler qu'il eût été préférable qu'une session d'éte eût permis au gouvernement de demander les crédits dont il avait besoin et à la législature de les voter avant que la dépense ne fût faite., Mais je ne puis m’empêcher de faire remarquer que cette dépense a été faite dans un ordre d'idées en quelque sorte accueilli par la chambre, puisqu'un crédit primitif avait été voté, si pas exactement pour les mêmes dépenses, au moins pour des dépenses tout à fait analogues, applicables aux mêmes forteresses ; je ne puis m'empêcher de remarquer que la défense nationale a été augmentée d'une manière considérable par les travaux qui ont eu lieu soit autour de la place d'Anvers, soit autour de la place de Diest, et surtout par l'amélioration des approvisionnements en magasin. C'est un point sur lequel l'attention de la chambre a été souvent appelée et pour lequel j'ai toujours conservé de graves préoccupations. Voir augmenter les approvisionnements de l'armée est pour moi une des plus grandes améliorations qu'on pouvait apporter à notre régime militaire. Je ne puis donc qu'applaudir aux dépenses qui ont été faites, et j'appuierai de mon vote les crédits demandés.

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Messieurs, je n'avais demandé la parole que pour dire que je me ralliais complètement aux explications données à la chambre par mon honorable collègue, M. le ministre des affaires étrangères. Je voulais également déclarer que de la part de l'ancien cabinet je n'avais jamais rencontré d'obstacle pour toutes les mesures que je proposais dans le but de fortifier notre établissement militaire et d'assurer la défense du pays.

M. Orban. - Messieurs, je désire ne rien dire qui soit contraire aux égards dus à la loyauté et au patriotisme de M. le ministre de la guerre ; cependant j'avoue qu'il me serait impossible, à moi aussi, de me taire sur le projet maintenant en discussion et de ne point m'associer au blâme que l'honorable M. de Muelenaere a formulé dans cette affaire.

L'honorable ministre de la guerre s'est malheureusement associé à un système qui prévalait dans le cabinet dont il a fait partie et qui consistait à violer en toute circonstance de la manière la plus ouverte les prérogatives de la chambre. Je dois dire que dans cette circonstance, aucune excuse, aucune justification ne me paraît admissible.

Les crédits supplémentaires demandés sont relatifs à deux ordres de dépenses ; les uns ont pour objet des travaux de fortification, les autres des dépenses faites pour compléter le matériel de l'armée. Quant aux travaux de fortification, la preuve que le gouvernement est sans excuse, je la trouve dans les paroles prononcées par M. le ministre des affaires étrangères lui-même. M. le ministre des affaires étrangères, venant au secours de son collègue et cherchant à justifier des actes auxquels il est étranger, est venu dire que ces travaux n'avaient rien d'imprévu.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Ce n'est pas dans ce sens-là.

M. Orban. - Vous avez dit que les travaux n'étaient point des travaux de circonstance, que c'étaient des travaux prévus depuis longtemps et jugés nécessaires depuis longtemps.

Voilà, je pense, messieurs, le sens exact des paroles de M. le ministre des affaires étrangères et de la justification qu'il est venu faire de son honorable collègue de la guerre.

Eh bien, messieurs, je vois là la condamnation la plus formelle de la conduite de l'ancien ministère.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je me suis probablement mal expliqué. Quand j'ai dit qu'il s'agissait de travaux prévus depuis longtemps, j'ai voulu dire que depuis plus de dix ans on avait reconnu que l'état de nos forteresses était complètement insuffisant, qu'on les avait laissées tomber pour ainsi dire dans un état de délabrement complet. Ainsi, pour prouver combien ce que j'avançais à cet égard est vrai, je puis assurer que quand j'étais gouverneur de la province d'Anvers, j'ai dit plus de dix fois qu'il était plus que temps d'entretenir, de réparer, de compléter l'état des fortifications. Voilà dans quel sens j'ai voulu dire que les travaux n'étaient point des travaux de circonstance, que ce ne sont point des travaux auxquels on n'eût jamais songé auparavant ; mais je n'ai pas voulu dire qu'on eût prévu, il y a quinze ou dix-huit mois l'étendue des travaux pour lesquels on demandait alors les premiers fonds.

M. Orban. - Les explications nouvelles de M. le ministre des affaires étrangères prouvent à l'évidence qu'il n'y avait rien d'imprévu dans les travaux dont il s'agit. Or il suffit que les travaux ne fussent point imprévus, que depuis longtemps ils eussent fait l'objet des études du gouvernement, pour qu'où ne puisse point justifier les dépenses faites de ce chef sans l'assentiment des chambres, car on ne peut se passer de l'assentiment des chambres que lorsque la dépense est imprévue, et je vais prouver qu'elle ne l'était pas ; urgente, et je vais prouver qu'elle ne l'était pas davantage.

Quand il s'agit de travaux qui doivent se faire à un moment donné, qui ne peuvent point être différés, alors je conçois qu'on puisse dire qu'ils sont urgents.

Mais quand les travaux doivent durer plusieurs années, peut-on venir dire qu'ils sont urgents ? Comment ! vous entreprenez des travaux qui durent deux ou trois ans, et vous ne pouvez pas attendre quinze jours, unmois, pour demander l'autorisation aux chambres législatives !

Evidemment une pareille défense ne peut pas être admise. Et qu'on ne dise pas que ce sont des travaux importants, des travaux d'un ordre tout à fait supérieur, parce qu'ils ont pour objet la défense du pays, car je vois dans cette importance un motif de plus pour demander les crédits à la législature.

Si toutes les affaires financières relèvent de la chambre, ce ne sont pas (page 260) certainement les plus importantes qu'il peut être permis de lui soustraire.

Voyez ce qui se passe en France et en Angleterre : quand on a discuté à l'ancienne chambre des députés la question des fortifications de Paris, ne les a-t-on pas solennellement, longuement discutées ? A-t-on cherché à soustraire subrepticement cette question à son arbitrage ?

Plus récemment, en Angleterre, un débat de cette nature s'est présenté. Quand il s'est agi de demander les fonds pour la défense du pays, a-t-on reculé devant un débat public, est-ce que le ministère n'a pas joué son existence sur cette question ? Il n'a pas, comme vous, agi dans l'ombre pour venir demander après un bill d'indemnité.

Il y avait, messieurs, obligation pour le ministère de soumettre la question aux chambres ; il y avait, indépendamment de l'obligation légale, de l'obligation constitutionnelle qui existe pour lui, une autre obligation, c'étail une obligation d'honneur.

M. Rogier. - Nous n’avons pas de leçon d’honneur à recevoir de vous.

M. Orban. - C'était, dis-je, une question d'honneur, car vous aviez pris l'engagement d'honneur de convoquer les chambres pour discuter les crédits relatifs à l'armée. Vous venez de dire pour votre justification que le ministère n'était point, après le mois de juin, après les élections, en situation de se présenter devant les chambres. Eh, mon Dieu ! si vous n'étiez point en situation de vous présenter devant les chambres, si vous n'étiez point en situation de tenir vos engagements, c'était alors un motif de plus pour vous retirer ; il fallait vous retirer, pour ne point tomber, comme vous l'avez fait, trois mois après.

Messieurs, les crédits supplémentaires demandés ont encore pour objet de satisfaire aux besoins relatifs au matériel de l'armée, et c'est ici que je prends plus directement à partie l'ancien cabinet : c'est ici qu'il a une responsabilité considérable et que M. Rogicr peut dire, avec raison, qu'il a sa part à en revendiquer.

Rappelez-vous, messieurs, lorsque le ministère précédent est venu demander aux chambres de contracter un emprunt considérable pour couvrir des dépenses extraordinaires, pour entreprendre un vaste système de travaux publics. Une partie de la chambre hésitait à voter le projet parce qu'il y avait des dépenses importantes à faire, notamment pour le matériel de l'armée, dépenses patriotiques, urgentes et indispensables. A cette époque nous interpellâmes à plusieurs reprises le ministère à l'effet de nous faire connaître quel était le chiffre de la dépense qui devait être faite de ce chef ; chaque fois, aux interpellations faites à cet égard on répondit d'une manière évasive, on répondit que l'on ne connaissait point le chiffre de ces dépenses, on répondit que la question n'était point étudiée. Or que voyons-nous dans i'exposé des motifs ?

Nous y voyons que la nécessité des dépenses pour le matériel de la guerre était reconnue et constatée depuis longtemps ; que depuis dix ans il y avait insuffisance de crédits, et que depuis longtemps les besoins en cette matière étaient constatés.

A cet égard, nons avons, à plusieurs reprises, réclamé la présence de M. le ministre de la guerre dans cette enceinte, pour qu'il eût à répondre lui-même à cette interpellation, parce que nous savons que lui... (ce n'est pas la première fois que je formule ce reproche), que lui n'oserait pas prendre sous sa responsabilité de déclarer qu'il ne connaissait pas le chiffre nécessaire pour le matériel de la guerre.

Mais pourquoi a-t-on refusé à cette époque de nous répondre ? Pourquoi n'a-t-on pas voulu nous faire connaître à cette époque le chiffre nécessaire pour le matériel de la guerre ? Pourquoi a-t-on évité l'occasion de faire régulièrement ce qu'on devait faire quelques mois après irrégulièrement et illégalement ? Parce qu'on avait à cœur de nous cacher les dépenses nécessaires, les dépenses patriotiques, pour faire passer un projet de loi qui excitait des répugnances dans le pays et dans une grande partie de cette chambre.

Voilà les actes dont l'honorable M. Rogier peut revendiquer sa grande part. Voilà les actes dont la responsabilité lui incombe, et personne, j'en suis sûr, n'est disposé à la lui disputer.

M. Loos. - Messieurs, un membre de la section centrale ayant jugé convenable de faire connaître son vote, je me dois à moi-même de faire connaître le mien.

Je suis le seul membre de la section centrale qui n'ai pas blâmé M. le ministre de la guerre pour les dépenses qu'il a faites. Croyez-le bien, messieurs, je suis aussi jaloux que qui que ce soit des prérogatives de cette chambre ; mais je pense qu'il est des circonstances où le ministre de la guerre, où un membre du gouvernement quel qu'il soit doit pouvoir engager sa responsabilité pour remplir son devoir. Or, je n'hésite pas à le dire : M. le ministre de la guerre, dans cette circonstance, me semble avoir agi d'une manière patriotique en engageant sa responsabilité et en demandant un bill d'indemnité.

En effet, M. le ministre de la guerre pouvait-il prévoir au mois de mars dernier à quelles dépenses il serait entraîné pour la défense du pays ? Les explications que M. le ministre a données en section centrale m'ont prouvé qu'il ne pouvait pas prévoir l'importance de ces dépenses.

L'utilité de ces dépenses était-elle bien constatée ? M. le ministre de la guerre nous a donné à ce sujet des explications tout à fait satisfaisantes ; il nous a prouvé qu'il y avait eu non seulement utilité, mais même nécessite, dans l'intérêt de la défense et de la sécurité du pays.

Je vous le demande, messieurs, la nécessité de ces travaux ayant été établie, d'autre part M. le ministre de la guerre n'ayant pas pu prévoir l'importance des mêmes travaux, devait-il ne pas les exécuter ? Comment eussiez-vous qualifié l'inaction de M. le ministre de la guerre, si des circonstances fâcheuses eussent rendu immédiatement indispensables les travaux reconnus nécessaires par le département de la guerre, et que le ministre, dans la crainte d'engager sa responsabilité, eût reculé devant cette dépense ? Un juste blâme eût été infligé au ministre dans des circonstances tout autres que celles où nous nous trouvons ?

C'est le motif pour lequel je n'ai pas cru pouvoir m'associer à l'espèce de blâme de la section centrale ; c'est par le même motif que je ne puis m'associer aux paroles sévères de l'honorable M. de Muelenaere, et à plus forte raison à l'amère critique de l'honorable M. Orban.

Je crois qu'un homme d'Etat, placé dans les circonstances où se trouvait placé M. le ministre de la guerre, ne pouvait pas ajourner les dépenses jusqu'à l'époque ordinaire de nos réunions, époque à laquelle les travaux de ce genre deviennent en quelque sorte impossibles.

Quant à moi, je suis prêt à voter, en faveur du cabinet, le bill d'indemnité qu'il réclame en cette circonstance.

M. Osy. - Je répondrai à l'honorable M. Rogier, qu'il aurait pu nous demander, au mois de mars dernier, tous les fonds nécessaires pour les travaux de défense. Quoi que dise l'honorable membre, à savoir que les besoins ne se sont révélés que plus tard, il est impossible de mettre Anvers dans un état de défense suffisant, en n'établissant que quatre forts d'un côté et en ne continuant pas le cercle.

On dit que cette affaire est à l'étude depuis bien des années. Le cabinet qui vient de se retirer a été aux affaires pendant que nous avons été témoins d'événements graves. C'est après le 24 février 1848 qu'on aurait dû s'occuper de cette affaire ; ce n'est pas cette année-ci qu'on devait trancher la question.

Au mois de mars, on ne nous a dit que la moitié ou le tiers de ce qu'on voulait faire ; certainement à cette époque, on pouvait très bien nous déclarer qu'on voulait établir un système de défense complet autour d'Anvers, et on aurait pu nous demander alors les sommes qu'on réclame aujourd'hui.

Si les chambres avaient été assemblées en avril et en mai, non seulement nous aurions pu nous occuper alors du crédit dont il s'agit aujourd'hui, mais nous aurions pu voter le projet d'organisation de l'armée et arrêter le budget de la guerre pour 1853. Maintenant nous avons à voter des crédits provisoires pour le prochain exercice.

Je dis donc, en terminant, que l'ancien cabinet, d'après moi, a fait deux grandes fautes ; d'abord, de ne pas se préoccuper de la défense du pays immédiatement après les événements de 1848, et ensuite de ne pas avoir saisi la chambre d'une proposition complète au mois de mars dernier et de ne pas nous avoir saisis aux mois d'avril et de mai de l'organisation de l'armée et des crédits nécessaires et complets pour la défense du pays.

M. Pierre. - L'opposition que j'ai faite aux dépenses concernant l'armée pendant les dernières années m'oblige à motiver mon vote en quelques mots. Je n'ai repoussé les budgets de la guerre que pour une seule raison essentiellement déterminante. J'aime de la rappeler à votre attention. Je tiens à rester conséquent avec mes votes antérieurs et à ne laisser à qui que ce soit le moindre doute à cet égard. Mon opposition a été constamment basée sur cette considération que notre organisation militaire n'était pas ce qu'elle devait être. Le travail de la commission a donné raison à mon appréciation, du moins en majeure partie. Je n'en dirai pas plus sur ce point. Je n'entends pas anticiper sur les débats parlementaires qui ne tarderont pas à s'ouvrir sur cette matière.

Je me bornerai, messieurs, à vous exprimer mon opinion sur le crédit en discussion. Je ne m'occuperai pas des inégalités que quelques membres lui reprochent. Quand le salut de la nation parle, quand il est en danger il y a des moments où tarder, hésiter, délibérer, c'est perdre un temps précieux, c'est commettre une grave imprudence : je félicite l'ancien ministère de ne point l'avoir commise. Je n'hésiste pas à proclamer que, dans cette circonstance, il a bien mérité du pays.

Anvers deviendra évidemment pour nous, trop tôt peut-être, le boulevard de notre nationalité. Non seulement, je voterai le crédit demandé ; toutes mais, je le déclare dès maintenant, je voterai encore avec empressement les autres dépenses qui seront ultérieurememt reconnues nécessaires à cette grande et patriotique destination.

M. Manilius. - J'ai demandé la parole lorsque l'honorable M. Orban nous disait qu'il fallait suivre les exemples de l'Angleterre et d'autres pays considérables qui aussi discutent leur système de défense.

Je ne m'étendrai pas dans les motifs détaillés qui m'engagent à penser justement l'opposé au point de vue où nous sommes placés. Je crois même que si nous avions l'avantage d'être placés dans la même position que l'Angleterre et les pays auxquels l'honorable M. Orban a fait allusion, nous n'eussions pas voté hier la loi à la discussion de laquelle je regrette de ne pas avoir pu prendre part. J'en ai été empêché ; sans cela, je déclare que j'aurais également voté contre.

Si nous ne sommes pas placés dans|la même situation que l'Angleterre, convient-il de faire un reproche à notre gouvernement de ne pas avoir agi avec cette même grandeur ? Je ne sais si le mot n'est pas trop sévère et s'il n'est pas imparlementaire, mais je dirai que l'exiger c'est ridicule.

Une autre raison me fait demander la parole. On a agité la question des servitudes. C'est une question très grave, très compliquée, et elle est encore loin d'être résolue.

Dans le système de défense il y a toute espèce d'idées ; il y en a de puissantes, (page 261) d'autres capricieuses. Il est donc nécessaire qu'un pays parlementaire ne permette aucune érection de forteresses qui entraîne à des servitudes sans un profond examen ; car les servitudes pèsent sur les citoyens, et, d'après notre Constitution, tout ce qui pèse sur la propriété des citoyens doit être indemnisé.

Ainsi, quand il s'agit de demander des crédits pour ériger des forteresses, il est certain que le pays s'agite sur cette question, et doit l'approfondir. Si je ne vote pas le fonds demandé, ce n'est pas parce que je ne le crois pas utile, mais parce que je crains que par un simple vote d'un crédit demandé, on ne consacre des servitudes, des forteresses, comme si sérieusement une loi les avait érigées. Je pense que le gouvernement lui-même n'est pas encore en état de pouvoir dire à la législature quel est le système définitif de défense à établir, quels sont les fonds qui seront nécessaires pour l'établir. Je ne pense pas que le gouvernement soit dans cette situation. Je crois qu'il est dans un cas d'opportunité, de nécessité essentielle, dans un cas tout à fait exceptionnel, où il doit marcher en avant.

Si le gouvernement ne nous donne pas quelques apaisements sur les servitudes, je ne pourrai pas voter les fonds que j'ai bien envie de voter dans l'intérêt de la bonne défense du pays et comme ami de mon pays. Mais je ne veux pas, par un excès de zèle, consacrer des servitudes pour mes concitoyens avant qu'elles ne soient réglées d'une manière sage et bien entendue pour cette défense.

Je ne veux pas m'étendre plus longtemps sur ce point, mais je demande que le gouvernement déclare qu'il proposera une loi sur les servitudes militaires en harmonie avec notre Constitution.

M. Dumortier. - Les deux orateurs qui m'ont précédé ont émis une opinion qu'il ne m'est pas permis de laisser passer sous silence. Suivant l'un, au sujet de la loi qui nous occupe, le ministère précédent a bien mérité du pays : suivant l'autre, convient-il d'adresser un reproche au gouvernement du chef de cette loi ? Non, dit-il. Il m'est impossible de passer sous silence de pareilles paroles.

Dans la loi que nous avons à discuter maintenant, il y a deux choses éminemment distinctes, un but national, patriotique, une question de prérogative parlementaire. Quand on a un but patriotique, national, pas une voix, dans cette enceinte, ne s'élève pour le combattre. Nous sommes toujours prêts à payer notre dernier sou pour la défense du pays.

Mais, messieurs, ne déplaçons pas la question. Si nous sommes unanimes sur la question d'intérêt national, il est bien permis de ne point partager la même opinion au point de vue de la question de la prérogative parlementaire. La prérogative parlementaire est le dépôt le plus sacré que nous ayons entre nos mains ; il nous a été transmis par nos prédécesseurs, nous devons chercher, par tous les moyens possibles, à le transmettre à nos successeurs. En bien ! un tel dépôt est-il éteint ? Il l'est, et il l'est non seulement maintenant, mais à l'occasion de toutes les lois de crédits supplémentaires que nous voyons chaque jour arriver dans cette enceinte. C'est là un système, je l'ai déjà dit dans cette enceinte, qui ne tend à rien moins qu'à abroger la prérogative parlementaire.

Que veut la Constitution ? Elle exige impérieusement que toutes les dépenses de l'Etat soient votées par les chambres. Mais, lorsque les dépenses sont faites, lorsqu'elles sont effectuées, que l'acte est consommé, la chambre est-elle encore libre de son vote, a-t-elle conservé sa prérogative. Je n'hésite pas à répondre négativement. C'est le système que j'ai toujours combattu, et je le combattrai toujours. Je veux que notre prérogative reste intacte.

J'entends toujours dire : nos institutions sont menacées et on a l'air de faire planer sur une partie de cette chambre un reproche de ce chef. Et qui est-ce qui menace ces institutions ?

Ce sont ces violations quotidiennes, permanentes de nos institutions. Encore une fois, lorsque la chambre n'a plus qu'un vote à émettre, lorsque les faits sont consommés, elle n'est plus qu'un instrument de vote, elle n'a plus sa liberté, sa dignité, sa prérogative. Je ne veux point adresser de reproche à l'honorable général Anoul, je connais les services qu'il a rendus au pays et sur le champ de bataille.

Je sais que nous avons aujourd'hui pour ministre de la guerre, un des plus braves militaires de notre armée, et j'ai en lui la plus entière confiance.

Je prie l'honorable général d'être bien convaincu que ce que je dis ne s'adresse pas à lui. Remarquez que dans notre pays nous avons admis que le ministre de la guerre n'est qu'un administrateur.

En effet, ce n'est pas parmi les hommes politiques, mais parmi les officiers les plus distingués qu'on choisit le ministre de la guerre. Quels sont les ministres politiques ? C’était à eux à demander les crédits nécessaires à l'objet qui nous occupe.

Ont-ils pu le faire ? Je dis oui et je le prouve. Quand nous avons voté cette énorme loi des travaux publics, je me suis levé pour demander qu on consacrât une somme à notre matériel d'artillerie ; on savait dans quel état se trouvait ce matériel. Pourquoi a-t-on attendu que les chambres fussent ajournées pour faire cette dépense ? Pour la soustraire à l'examen de la législature.

La question des forts est la même chose. On dira qu'on ignorait les forts qu'il fallait construire. Ce serait faire injure au digne ministre de la guerre et à tout le corps du génie militaire que de prétendre qu'il a commencé les travaux sans avoir arrêté un système ; on ne met pas la pioche en terre pour construire un fort sans savoir de quels travaux ils doivent être accompagnés.

Vous n'auriez pas dû nous congédier avant de nous faire voter cette dépense. La chambre a été ajournée avant Pâques, on pouvait la réunir en mai ou en juin, on devait la réunir en juillet ; on ne l'a pas fait ; et aujourdhui que tout est accompli, on demande un crédit supplémentaire.

Voilà ce que je combats. Je regrette que ce soit à propos d'une question patriotique ; si j'en agis ainsi, c'est que nous n'avons pas devant nous un fait isolé, mais un système de crédits supplémentaires qui aurait pour effet de faire disparaître l'article de la Constitution qui nous défère le vote des budgets pour dire que les ministres font des budgets ce qu'ils veulent.

M. Roussel. - Messieurs, je ne viens pas défendre la théorie des crédits supplémentaires ; je ne viens non plus défendre la pratique des bills d'indemnité, après les dépenses faites...

M. Coomans. - C'est pourtant la question.

M. Roussel. - Permettez-moi de m'expliquer ; je ne trouve pas mauvais qu'on m'interrompe, mais quand on sait ce que je dis. Je n'avais encore rien dit. On ne peut réfuter un orateur qui n'a pas encore exprimé sa pensée.

Je disais donc que je ne viens pas défendre la théorie des crédits supplémentaires non plus que celle des bills d'indemnités à demander après une dépense faite.

Mais je me permets de faire observer qu'il s'agit d'un objet spécial, d'une dépense toute particulière dont l'examen doit se faire avec les plus grands ménagements.

Si je me rends un compte exact de ce qui s'est passé, et des graves événements qui ont surgi ailleurs, le gouvernement a bien fait de prendre certaines mesures de précaution (qui, je l'espère en faveur de mon pays, resteront inutiles), à l'effet de parer à des éventualités possibles mais non probables.

A cette fin l'on a commencé par demander des crédits à la chambre, durant la session dernière. Des explications ont été fournies alors, par M. le ministre des finances, l'honorable M. Frère-Orban. J'eus l'honneur de prendre la parole en cette circonstance, pour témoigner le désir que nous éprouvions tous que rien ne fût négligé pour assurer l'indépendance du pays.

Nous parûmes tous d'accord pour placer notre confiance dans l'intelligence et le patriotisme du gouvernement qui fit faire les études nécessaires pour éclairer cette grave question.

En effet, messieurs, ce sont des matières qui ne peuvent être discutées que par des spécialités ; elles ne sont du ressort, ni de la chambre, ni d'une commission parlementaire.

Comme témoignage des soins éclairés avec lesquels cette question fut élaborée, on peut citer les travaux de la sous-commissiou militaire.

Mais comment est-il avenu qu'une demande nouvelle de fonds ne nous ait pas été adressée, en temps opportun, par le gouvernement et par le ministre de la guerre en particulier ? Car je suis convaincu que ce dernier ministre ne repousse pas le moins du monde la responsabilité de tous ses actes ? Voici la réponse à cette demande :

M. le ministre, en homme spécial, a fait ce qu'il fallait faire en pareille occurrence. Les circonstances ont voulu qu'il n'y eût pas de convocation des chambres pour une session d'été, et le ministère est arrivé à un moment où les travaux des fortifications auraient été forcément interrompus et ajournés si le ministre de la guerre n'avait assumé une utile responsabilité. Le ministre a donc continué son œuvre patriotique et il vient vous demander de ratifier ce qu'il a fait.

Maintenant, que mon honorable collègue M. Dumortier me permette de le prendre à partie et de lui dire : Vous qui venez encore de jeter au milieu de la chambre de patriotiques paroles qui seront avidement recueillies par le pays ; vous qui toujours marchâtes à la tête des patriotes ; vous qui n'avez pas de plus vif amour que l'indépendance de la patrie, vous ne pouvez pas trouver mauvais que le ministre ait mis vos paroles en action et qu'il ait traduit votre pensée en fortifications. Il vous appartient moins qu'à tout autre de lui en faire un reproche.

Je suis convaincu, messieurs, qu'au fond de tout ce débat, il y a quelque malentendu. Une partie de cette chambre a conservé quelques ressentiments peut-être légitimes mais fâcheux au sujet de l'administration précédente ; ces souvenirs déteignent sur le crédit réclamé. Cependant, il est impossible pour de sincères amis de la Belgique, de refuser leurs félicitations au ministre qui a mis les choses en état sans attendre la convocation des chambres pour parer à des éventualités qui n'auraient certes point attendu la présence du parlement pour se produire.

M. Rogier. - Je suis obligé de prendre encore la parole, j'en demande pardou à la chambre. Je tâcherai d'être court ; une partie des membres de l'ancien cabinet vient d'être attaquée avec une violence qui aura été remarquée par toute la chambre.

A mon ancien collègue et ami le ministre de la guerre on veut bien adresser des félicitations en le séparant de ses collègues, alors que ses collègues s'attachent à revendiquer leur part de solidarité et de responsabilité dans ses actes.

Ceci donnera au pays une juste idée de l'équité de nos adversaires qui n'ont que des éloges à donner aux actes posés par le ministre de la guerre et n'ont que le blâme le plus violent à jeter sur ses collègues. A entendre un honorable représentant du Luxembourg qui ne se disttingue pas pour l'excessive modération de ses attaques, le ministère a manqué à tous ses devoirs ; l'honorable membre a même été jusqu'à soulever une question d'honneur.

(page 262) Le ministère aurait dû convoquer la chambre ; il ne l'a pas convoquée ; c'est qu'il voulait exécuter son système qui consistait à se passer des chambres, à dépenser irrégulièrement les ressources du trésor. Je ne puis que répéter ce que j'ai dit tout à l'heure : le ministère avait remis sa démission entre les mains de Sa Majesté au commencement de juillet, une crise très longue s'en est suivie ; plusieurs membres importants de cette chambre ont été appelés pour se charger de la composition d'un cabinet.

J'ignore s'il est avenu ou non à l'honorable membre d'être appelé, lui qui, il y a quelques années, a figuré dans une combinaison. A voir l'aménité de son discours, je suppose qu'il n'a pas été appelé. (Interruption:)

M. de Theux. - C'est une personnalité !

M. Rogier. - L'on a accueilli, sur le banc où siège l'honorable membre, par des murmures approbateurs les paroles pleines de fiel qu'il m'a adressées. Maintenant, il est juste que sur les mêmes bancs, on accueille par un murmure improbateur ces quelques mots de réponse que je lui inflige.

M. Orban. - Je demande la parole.

M. Rogier. - J'explique ce qui, à mon avis, excuse la violence du discours de l'honorable membre vis-à-vis d'un cabinet qui n'existe plus.

Oa nous reproche d'avoir, dans la discussion du projet de travaux publics, dissimulé la nécessité de travaux militaires. Nous avons répondu à cette époque aux questions qui nous étaient faites, sur l'exécution des travaux. A l'époque où la loi des travaux publics a été discutée, nous avions déjà constaté la nécessité de dépenses, tant pour le matériel que pour les travaux de fortification. Mais, à la même époque, nous disions que, tout en ayant constaté la nécessité de ces dépenses, nous n'étions pas renseignés définitivement sur leur nature, ni sur leur montant : que les questions étaient renvoyées à une commission spéciale. Voilà les motifs que nous invoquions alors pour ne pas proposer des dépenses déjà arrêtées en principe.

Dès que M. le ministre de la guerre nous a eu fait rapport sur la nature et le montant des dépenses, nous n'avons pas hésité à nous rallier à ses propositions et à les proposer à la chambre.

A cette époque (M. le ministre de la guerre confirmera mes paroles), j'affirme que nous avons demandé exactement la somme qui avait été jugée nécessaire, et que la nécessité de travaux supplémentaires n'a été reconnue que postérieurement.

Comment supposer, lorsque nous étions en présence d'une chambre disposée à nous voter les sommes nécessaires pour la défense du pays, qu'au lieu de mettre à profit l'excellente disposition de la chambre, nous nous serions réservé le plaisir de faire des dépenses, sans autorisation, sauf à demander plus tard un bill d'indemnité, avec toutes les circonstances fâcheuses que de telles démarches entraînent à leur suite ?

On dit que c'était chez l'ancienne administration un système de se passer du concours des chambres, de dépenser les deniers publics, en dehors du budget. Il y a un système chez nos adversaires, c'est de faire supposer au pays qu'en effet l'ancien cabinet a jeté le désordre dans les finances, la perturbation dans les budgets. Voilà le système qu'on poursuit.

A force de le répéter, on peut avoir l'espoir que dans le pays on croira que l'ancienne administration n'a pas administré les finances d'une manière régulière. L'ancienne administration a eu, en matière de finances, un système ; cela est vrai, elle a cherché par tous les moyens à rétablir l'ordre et l'équilibre dans nos finances.

Voilà quel a été son système ; elle n'a pas hésité à compromettre sa popularité dans des lois d'impôt, qui avaient pour but de rétablir l'ordre et l'équilibre dans les finances.

Le système de l'ancienne administration a consisté aussi à remettre l'ordre dans le matériel de la guerre. Qu'on ne l'oublie pas, pendant un grand nombre d'années, il y a eu, de la part des administrations qui ont précédé, l'aveu formel d'une situation déplorable de notre matériel de la guerre. Chaque budget constatait l'insuffisance du matériel de la guerre, et l'on avait alors soin d'ajouter que l'état des finances ne permettait pas d'établir le matériel de la guerre sur un pied convenable.

Voilà le désordre qui régnait dans le matériel de la guerre. Nous avions eu à cœur de le faire cesser. Pour cela, comme pour rétablir l'ordre et l'équilibre dans nos finances, nous avons dû procurer de nouvelles ressources au trésor. Aussi longtemps que ces ressources ont manqué au trésor, vous avez dû maintenir cette insuffisance si fâcheuse du matériel de la guerre.

Voilà quel a été notre système.

Quant à soutenir que nous étions partisans des crédits supplémentaires, des dépenses irrégulières, c'est un genre d'attaques que j'abandonne à la polémique quotidienne, mais qui, dans cette enceinte, n'a pas de chances de résister à une discussion loyale.

Du reste, il y aura des crédits supplémentaires au département de l'intérieur, et je suppose que ce sera encore une occasion de revenir sur ces questions. Mais je proteste de la manière la plus énergique contre ce parti pris d'accuser l'ancienne administration de faire par système des dépenses en dehors du budget. Je m'étonne que l'honorable M. Dumortier nous adresse ce reproche ; car lui-même a dit que la majorité sur laquelle nous nous appuyions n'avait rien à refuser au ministère, et dès lors quels motifs pouvions-nous avoir de ne pas demander à l'avance quand ils pouvaient être prévus, ces crédits nécessités par les exigences du service ?

Il l'en a plusieurs fois accusé, et dès lors si le cabinet était assuré d'une majorité qui le soutînt dans toutes ses propositions, pourquoi aurait-il craint de venir demander à cette majorité des dépenses qu'il reconnaissait nécessaires ?

Si les dépenses qu'il s'agit de sanctionner aujourd'hui n'ont pas été présentées à l'époque de la loi des travaux publics, c'est qu'à cette époque le cabinet n'était pas encore éclairé des lumières de la commission sur la nature des travaux et sur le montant des dépenses. Voilà le seul motif qui alors nous empêcha de comprendre ces travaux dans le projet de loi des travaux publics.

Si le cabinet n'est pas venu présenter un projet de loi pendant une session d'été, c'est parce que, je le répète, le cabinet avait déposé sa démission entre les mains de Sa Majesté et que dès lors il n'était pas en mesure de se présenter devant la chambre.

Voilà les raisons qui nous ont empêchés de saisir la chambre d'un projet de loi pour des dépenses dont la nécessité avait été reconnue depuis longtemps. Oui, il est très vrai que la nécessité des dépenses qui ont été faites, et que je considère comme ayant été faites très ulilement, avait été signalée depuis longtemps. Quant au montant et à la nature des dépenses, il a fallu attendre les conclusions de la commission spéciale qui avait été chargée d'examiner toutes les questions militaires.

Nous avons commencé par présenter à la chambre les propositions de dépenses qui nous avaient d'abord été indiquées comme nécessaires, et, plus tard, nous avons, sous notre responsabilité encore, engagé le trésor dans le complément de dépenses qui nous a également été démontré comme nécessaire.

Nous avons cru qu'il y allait de l'intérêt du pays de ne pas interrompre, pendant plusieurs mois, des travaux que nous considérons comme urgents et, si nous avions reculé devant cette responsabilité, si nous avions suspendu les travaux jusqu'à ce que la chambre eût été réunie pour autoriser la dépense nécessaire à leur achèvement, nous eussions commis un acte qu'on aurait qualillé peut-être de lâcheté administrative, nous aurions, pour dégager notre responsabilité, compromis l'intérêt du pays ; nous avons mieux aimé engager notre responsabilité.

Du reste, si l'on croit qu’un blâme puisse être infligé à l'ancien cabinet pour ce qui a été fait alors, le vote de la chambre pourra répondre à ceux qui voudront nous infliger ce blâme ; nous l'attendons avec confiance.

M. Orban. - Le préopinant s'étonne que nous n'ayons que des paroles de louange pour M. le ministre de la guerre et des paroles de blâme pour lui et pour les autres membres du cabinet dont il a fait partie. Cette contradiction, dit-il, donne la mesure de l'équité dont nous faisons preuve dans cette discussion.

Un mot suffira pour lui répondre ou plutôt ce mot est inutile ; car déjà une réponse peremptoire lui a été faite par l'honorable M. Dumortier. Nous blâmons le ministère, parce que le ministère seul est coupable, a toute la responsabilité de l’irrégularité qui a été commise. Nous approuvons M. le ministre de la guerre parce que les mesures en elles-mêmes étaient utiles, nécessaires peut-être. Nous approuvons les mesures, parce qu'elles sont patriotiques ; nous blâmons les irrégularités qui sont votre fait à vous, votre fait à vous particulièrement, M. Rogier, qui avez érigé en système la violation des attributions du pouvoir législatif.

L'honorable M. Rogier nous représente comme nous acharnant tous les jours contre un minisère déchu. Mais, messieurs, comment serait-il possible que nous ne le fissions pas ? Est-ce que tous les jours nous ne sommes pas en présence des actes de ce ministère ? N'avons-nous pas tous les jours à juger les fâcheux résultats de son administration ? Est-ce que chaque jour nous ne sommes pas obligés de blâmer, de stigmatiser tous ses actes afin d'en empêcher le retour ?

Nous avons retabli l'ordre dans les finances, dit l'honorable M. Rogier, et l'on nous accuse d'y avoir apporté le désordre. Distinguons ; vous avez porté l'ordre dans les finances de l'Etat, si pour cela il ne fallait que faire voter des impôts nouveaux. Mais pendant que d'une main vous augmentiez les ressources de l'Etat, de l'autre vous les dissipiez avec prodigalité, et tous les jours nous sommes appelés à signaler à la chambre et au pays ces prodigalités par lesquelles vous avez engagé, dans l'avenir, les ressources que vous aviez créées pour faire face aux dépenses existantes.

Messieurs, je ne répondrai pas aux allusions personnelles que l'honorable préopinant a cru pouvoir se permettre. Les murmures désapprobateurs de la chambre m'ont fait suffisamment justice. Les faits auxquels il a fait allusion remontent à une époque où a été inauguré ca système d'intimidation qui consistait à empêcher la formation de tout ministère où ne figurait pas l'honorable M. Rogier. Ce système nous en avons vu la fin, le jour où, après s'être cramponné pendant trois mois à une position miinstérielle qui ne lui permettait pas de se présenter avec dignité devant la chambre pour y dégager sa promese, l’honorable membre est venu tomber devant un vote qui le condamnit.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Il est accordé au département de la guerre un crédit de 6,358,000 fr., réparti comme suit :

« fr. 979,072-28 a imputer sur les articles 3,10, 12. 13, 14, 15, 21, 22, 23, 24, 29 et 31 du budget ;

« fr. 5,378,927-72 à imputer sur les articles 5, 19, 20, 26 et 32. »

- Adopté.


(page 263) « Art. 2. Le Roi déterminera, par des arrêtés, l'emploi de ce crédit entre les divers articles du budget repris à l'article premier, selon les besoins réels du service. »

- Adopté.


« Art. 3. Ce crédit sera couvert au moyen de ressources ordinaires de l'exercice 1852, ou par une émission de bons du trésor. »

- Adopté.


« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet. En voici le résultat :

88 membres sont présents.

78 ont voté l'adoption.

2 ont voté le rejet.

8 se sont abstenus.

Ont voté l'adoption : MM. Matthieu, Moncheur, Moreau, Moshon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (C), Sinave, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vander Dontkt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe, Closset, Dautrebande, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (Félix), de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Faignart, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens et Mascart.

Ont voté le rejet : MM. Vandenpeereboom (A.) et Vandenpeereboom (E.).

Se sont abstenus : MM. Coomans, Delfosse, de Muelenaere, Jacques, Magherman, Malou, Manilius et Orban.

M. Orban. - Je n'ai pas voulu voter contre la loi, parce que la dépense était utile ; je n'ai pas voté pour la loi, parce que la dépense a été faite irrégulièrement.

M. Coomans. - Je n'ai pas voté contre le projet, parce que je ne pouvais mettre à la charge de l'ancien ministre un crédit qui, j'aime à le croire, a été utilement dépensé et dont, en tout cas, l'application est éminemment nationale. D'autre part, je n'ai pas voté pour le projet, parce qu'il ne me convenait pas d'approuver une illégalité gratuitement accomplie.

M. de Muelenaere. - Je crois avoir suffisamment expliqué les motifs de mon abstention.

M. Jacques. - Toutes les dépenses que nous votons sont supportées tôt ou tard par les contribuables : je ne crois pas pouvoir leur en imposer pour plusieurs millions, sans avoir obtenu des renseignements qui me permettent d'en apprécier la nécessité ou l'utilité.

D'un autre côté, si je me prononçais pour le rejet, dans les circonstances actuelles, ce serait en quelque sorte émettre un vote de défiance contre le ministre de la guerre, et c'est ce que je ne veux pas faire.

M. Magherman. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que les honorables MM. Coomans et Orban.

M. Malou. - Moi aussi, M. le président.

M. Manilius. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai expliqués dans la discussion.

M. Delfosse. - Je n'ai pas voté pour la loi, parce qu'on n'aurait pas dû s'engager dans des dépenses aussi considérables, sans l'assentiment préalable des chambres.

Je n'ai pas voté contre, parce que je reconnais que, dans l'état actuel des choses et de l'opinion publique, le gouvernement ne peut se dispenser de mettre le pays sur un bon pied de défense.

Projet de loi relatif autorisant la concession du chemin de fer de Pepinster à Spa

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke) présente un projet de loi ayant pour objet la concession d'un chemin de fer de Pepinster à Spa.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem dépose le rapport de la section centrale qui a examiné la demande d'un crédit de 811 fr. 2 c. pour le département des affaires étrangères.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en met la discussion à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Agriculture

Article 52

M. le président. - La discussion continue sur l'article 52.

M. Coomans. - Messieurs, vous me permettrez sans doute de me rendre ce témoignage que, dans mon discours de mercredi, je ne suis sorti ni de l'ordre du jour, ni de la modération, ni des convenances parlementaires. J'ai examiné les résultats des écoles d'agriculture au triple point de vue du budget, de la science et des bénéfices qu'en retirent les populations rurales. Je ne me suis pas donné le facile plaisir de signaler le mal sans indiquer le remède ; j'ai exprimé loyalement mes vues ; j'ai approuvé en général celles qui présidèrent à la fondation d'un enseignement agricole ; je n'ai pas nié le vif désir du gouvernement de voir prospérer son œuvre ; je n'ai pas révoqué en doute le zèle et l'intelligence déployés par les subordonnés immédiats du ministre de l'intérieur, notamment de l'honorable chef de la division de l'agriculture ; j'ai admis, comme bonnes, en principe, les écoles et les expositions ; j'ai blâmé l'extension exagérée imprimée aux unes et aux autres, et surtout les défectuosités d'une organisation destinée à ne devenir jamais populaire.

N'ayant nommé personne, je n'ai pu attaquer personne ; et je me suis soigneusement abstenu de ces récriminations stériles qui irritent sans convaincre, et qui sont particulièrement déplacées dans un débat où l'esprit de parti n'a rien à prétendre, où j'ai le bonheur de voir mes opinions partagées par des adversaires politiques, adversaires loyaux, plus soucieux des intérêts du trésor et de l'agriculture que d'un vain succès d'amour-propre.

Cependant un ministre sortant m'a répondu avec une acrimonie et une injustice poussées jusqu'à l'outrage. Associant mon nom à celui de mon honorable ami, M. le baron de Man d'Attenrode, pour les envelopper dans un même réquisitoire, il a osé dénaturer nos intentions, il a qualifié nos paroles de « mauvaises plaisanteries », de « détestables attaques », de « mauvaises actions » ; il nous a attribué des « sentiments de haine », en un mot il s'est livré à des excentricités de langage que nos droits méconnus et notre dignité blessée nous obligent à repousser énergiquement.

Il est bien regrettable qu'un vétéran parlementaire qui a contribué à établir chez nous le régime de la libre discussion, et qui en a largement usé ici et ailleurs au profit de son ambition et de ses idées, soit resté, après 22 années de luttes, si rétif à la contradiction, si indocile à la critique, si satisfait de lui-même, si hautain envers autrui, il devrait nous donner l'exemple de l'urbanité parlementaire, à nous qui sommes plus récemment entrés dans cette enceinte, et ne pas se constituer en censeur permanent de nos discours, de nos votes, de notre consciences. Bien que nous soyons disposé à pardonner beaucoup à ceux qui ont beaucoup gouverné, loin de provoquer les récriminations, il devrait le craindre, car, après tout, nous sommes encore ses juges dans la cause du budget de l'intérieur instruite sous nos yeux, et il n'est ni raisonnable ni habile de maudire ses juges avant le prononcé de l'arrêt.

A en croire M. Rogier, nous sommes de grands criminels, M. de Man d'Attenrode et moi, nous nous livrons à de « détestables attaques », nos discours sont de « mauvaises actions », nous sommes pleins de « sentiments haineux », et pourquoi, je vous prie ? Parce que nous n'approuvons pas toutes les écoles qui ont été faites, parce que nous blâmons le gaspillage des deniers publics, consommé sous prétexte de progrès agricole, et parce que nous faisons (d'après ce que l'honorable membre assure) de l'opposition au cabinet.

Messieurs, nous avons le droit de faire de l'opposition à tout ce que la loi fondamentale ne déclare pas inviolable. Or, l'inviolabilité de M. Rogier n'y est pas encore inscrite, celle de ses œuvres non plus ; l'honorable M. Piercot ne vise pas à ce bénéfice exorbitant ; il n'a pas de prétentions si hautes. Bien ne nous empêcherait donc de faire de l'opposition aujourd'hui comme hier, si nous pensioni devoir nous y résoudre. L'honorable M. Rogier sait que ce n'est pas le courage qui nous a manqué ni la franchise. Mais la vérité est que nous ne fusons pas d'opposition au ministère, parce que l'opposition nous répugne naturellement, parce qu'elle est pour l'opinion conservatrice une dernière et fâcheuse ressource et parce que nous n'avons pas de motifs d'en faire jusqu'à présent. Pour ne parler qu'en mon nom, te ministère n'ignore pas que, loin de lui être hostile, je désire qu'il vive, qu'il se fortifie et surtout qu'il réussisse dans ses plans de réconciliation intérieure et extérieure.

Voilà mes sincères souhaits, qui ne sont pas d'un ennemi, je pense. Jusju'à preuve du contraire (puisse-t-elle ne jamais venir), j'ai confiance dans la droiture, le zèle et l'intelligence des nouveaux ministres, et dussent mes espérances ne pas se réaliser tout de suite, je tiens assez compte des difficultés actuelles pour ne pas priver le ministère du faible appui que je peux lui donner.

Mais est-ce à dire que je doive abdiquer mes convictions des dernières années, et approuver après le 31 octobre ce que je désapprouvais auparavant ? Non, deux fois non. Je m'imagine que le ministère formé par l'honorable M. de Brouckere n'a accepté que sous bénéfice d'inventaire une succession très chargée ; que les nouveaux ministres n'entendent pas se rendre solidaires de tous les actes de leurs prédécesseurs, et qu'ils sont désireux et libres de modifier ce qui leur paraîtra vicieux, de supprimer ce qui leur semblera dangereux et inutile. Sinon à quoi auraient servi les crises politiques que nous avons traversées, et qu'était-il besoin de changer les conseillers de la Couronne ? Un acte sérieux a donc été posé le 31 octobre ; des hommes sérieux sont venus s'asseoir au banc ministériel ; c'est dire qu'une autre politique doit être suivie, avec toutes sortes de ménagements, je le veux bien, tout le monde, presque tout le monde est disposé à en admettre ; mais enfin ce sera une autre politique, ou bien je serai forcé de chercher des dupes quelque part, avec la ferme résolution de ne pas en être.

Est-il donc surprenant que nous critiquions les écoles d'agriculture et le reste, comme nous les avons critiquées jusqu'ici, en déduisant nos (page 264) raisons approuvées par l’opinion publique ? Le contraire ne serait-il pas étrange ? Car ces écoles se sont-elles améliorées depuis le 31 octobre ? N'offrent-elles pas les mêmes défauts qu'avant cette date, nous coûtent-elles moins cher, inspirent-elles moins de défiance aux populations rurales ?

L'honorable M. Rogier est évidemment sous l'empire d'une préoccupation singulière : il se croit encore ministre. Il se trompe probablement. La réserve excessive de son honorable successeur lui inspire des illusions qui ne sauraient durer. Il serait par trop commode de cumuler les bénéfices du pouvoir sans la responsabilité qui s'y rattache, et je doute que l'honorable M. Piercot partage jamais l'enthousiasme que l'honorable M. Rogier s'efforce de lui inculquer pour toutes les écoles qu'il a faites.

L'honorable membre nous a déjà insinué à deux ou trois reprises que nous devions respecter ses actes, notamment ses écoles et ses expositions agricoles, parce qu'il n'était plus ministre. N'attaquez pas mes institutions, a-t-il dit, et je garderai le silence ; ne les attaquez plus, car je suis descendu du pouvoir, et dès lors, votre opposition n'a plus de raison d'être.

Voilà bien sa pensée, messieurs, comme si son décès politique, ou du moins ministériel, imprimait à ses œuvres une sorte de consécration indélébile.

Cette argumentation, renouvelée des Grecs, n'est pas recevable. Je dis qu'elle est renouvelée des Grecs, parce que Lycurgue et Solon l'ont employée avec un certain succès.

On raconte dans les écoles, même dans des écoles d'agriculture, que Lycurgue ayant donné des lois à Lacédémone, abdiqua volontairement et fit jurer aux Spartiates de ne pas y toucher avant son retour d'un long voyage qu'il voulait entreprendre. Lycurgue ne revint jamais, et ses compatriotes se crurent obligés d'honneur à manger du brouet pendant 850 ans.

De même, l'honorable M. Rogier, sous prétexte qu'il n'est plus ministre, voudrait nous imposer toutes ses écoles, jusqu'à son retour, c'est-à-dire que nous aurions à inscrire de ce chef au budget une rente peut-être perpétuelle.

Gardons-nous d'y consentir, messieurs ; d'autant que le sort des deux législateurs offre des différences notables. Lycurgue abdiqua volontairement, on dit même qu'il se donna la mort, par pur patriotisme ; ce qui ne s'est pas fait chez nous, au contraire.

D'autre part, l'honorable M. Rogier ne s'est pas mis en voyage ; c'est son honorable collègue, M. Frère, qui s'en est allé ; arrangement qui nous privera cet hiver de maint brillant discours.

L'honorable M. Rogier nous a injustement reproché de n'avoir pas fait l'éloge de ses actes agricoles, autres que ceux que nous avons examinés, mon honorable ami le baron de Man et moi.

Messieurs, si nous n'avons pas fait son éloge, la raison en est bien simple ; c'est que nous étions convaincus que l'honorable membre ne manquerait pas de s'acquitter lui-même de cette tâche, conformément à son habitude. En effet, son discours de mercredi a très amplement rempli la lacune que nous avions laissée dans les nôtres pour ne pas effaroucher sa modestie.

Un autre reproche auquel nous devons absolument répondre, c'est de n'avoir pas, à propos de l'article 52 du budget, demandé la réforme de notre législation sur les céréales. L'honorable député d'Anvers s'est prévalu de notre réserve pour nous accuser de manquer de franchise ou de logique.

Nous trouvons étrange, il nous peine de le dire, qu'un ministre sortant nous provoque à saisir l'assemblée d'une discussion irritante, au milieu des difficultés qui nous entourent et dont une bonne part peut lui être imputée. Si nous avions réclamé, M. de Man d'Attenrode et moi, centre une législation que nous continuons de trouver injuste et dangereuse, M. Rogier n'eût pas manqué de nous taxer d'imprudence, et il eût trouvé dans les circonstances actuelles plus d'une fin de non-recevoir. Ne pouvant attaquer notre langage, il incrimine notre silence, et il prétend nous donner des leçons de loyauté.

Puisque M. Rogier tient à savoir pourquoi je n'ai pas sollicité la réforme de la loi sur les denrées alimentaires, je vais le lui dire, en répétant une déclaration que j'ai déjà eu l'honneur de faire à cette chambre. Je n'ai pas demandé mercredi dernier cette réforme, je ne la demande pas aujourd'hui parce que je suis décidé à ne la demander jamais. On ne saurait être plus clair, ce me semble, ni de meilleure composition. Qu'on veuille bien noter mon langage. Je ne prendrai point l'initiative d'une semblable réforme. Si d'autres la prennent, j'aviserai, mais j'adjure mes amis de n'en rien faire. Il faut que la loi sur les denrées alimentaires soit changée par ceux qui l'ont appuyée et votée ; ou il faut que la douane industrielle saute et cela arrivera (je n'hésite point à le prédire), non pas dans dix ans, ni dans cinq ans, mais dans deux.

Ai-je, pour ma part, mérité le reproche d'inaction et de contradiction que m'adressais mercredi mon honorable adversaire ? Non, assurément ; j'ai déposé deux projets de loi dont l'adoption, dans ma pensée, atténuerait beaucoup le tort fait à l'agricullute par la concurrence de l'étranger ; peut être même ces deux lois favoriseraient-elles plus les populations rurales, que des droits élevés sur le bétail et le blé exotiques. Par l'une, les droits d'octroi sur les denrées alimentaires sont abolis ; par l'autre les droits d'entrée sur tous les produits industriels consommés à la campagne sont réduits au taux uniforme de 10 p. c. Je m'étonne que l'honorable M. Rogier ait perdu de vue ces deux projets de loi renvoyés aux sections, le premier surtout qui n'est que la reproduction mitigée d'un projelde loi signé par lui, il y a près de cinq ans, peu de jours après la révolution de février.

J'espère que ces projets dus à l'initiative parlementaire pourront être bientôt soumis au jugement de la chambre. C'est par esprit de conciliation que j'ai consenti à ce que les sections n'en fussent pas jusqu'à présent saisies.

Non, je n'accepte point la législation douanière, telle que vous nous l'avez léguée. Vous avez maintenu une protection outrée en faveur des manufactures, des fabriques et des usines, une protection qui varie de 30 à 180 p. c, c'est-à-dire la prohibition la plus absolue et la plus hypocrite sous le masque de la protection, tandis que vous avez marchandé à l'agriculture un droit d'entrée de 3 à 5 p. c. Cette grande iniquité ne durera pas ; quand les populations rurales auront compris la mystification dont elles sont victimes, quand elles s'apercevront que, tout en proclamant le libre échange on pratique la prohibition ; qu'il n'y a plus guère que les libre échangistes qui jouissent de droits protecteurs en Belgique ; quand elles se verront exploitées, quoique les plus fortes, par les plus faibles qui se montrent les plus habiles, alors s'écroulera le système bâtard qui nous régit.

Mais, pour réaliser cette grande réforme, cet acte de juste réparation, une autre réforme doit précéder, une autre iniquité doit disparaître, je veux parler de la loi qui oblige les électeurs ruraux à faire 5, 8 et 10 lieues, soit 10, 16 et 20 lieues, aller et retour, pour exercer leur droit politique.

J'avertis l'honorable M. Rogier que nous n'avons pas abandonné cette thèse, qui fait chaque jour des prosélytes, et dont le triomphe est proche.

La loi électorale que nous subissons renferme deux grandes injustices, dont les auteurs de la Constitution ne se seraient pas rendus coupables. Elle donne à un quart de la population presque autant d'électeurs qu'aux trois autres quarts réunis, et elle impose à la majorité des électeurs des corvées vexatoires, de manière à les éloigner du scrutin. L'occasion la plus prochaine me paraîtra la meilleure pour revenir sur ce sujet.

Quoique M. Rogier ait tant vanté la loi, qu'il appelle sienne, sur les denrées alimentaires, je vais en dire un mot, qui sera le dernier là-dessus : le droit actuel sur le bétail et diverses céréales rapporte environ 2 millions de francs par an. De l'aveu de nos adversaires, ce droit est insensible, nul ne s'en plaint, quoiqu'ils aient toujours prétendu que tout droit de consommation se résume en une diminution de salaire. L'honorable M. Rogier admire cette recette de 2 millions, il la présente comme son œuvre. Or ces deux millons ce n'est pas lui qui les a procurés au trésor, c'est nous. Souvenez-vous, messieurs, que le premier projet de loi déposé par le précédent cabinet n'admettait aucun droit d'entrée sur les denrées alimentaires ; qu'il ne prélevait que 10 centimes par 1,000 kilog. de froment, soit 1 centime par 100 kilog., et que l'entrée et le transit du bétail restaient libres. En accordant 80 centimes par 100 kilos de froment M. Rogier céda aux réclamations des sections et de la section centrale. Plus tard, en 1850, il proposa encore 50 centimes ; la chambre vota le chiffre d'un franc ; une douzaine de membres de la gauche, entre autres l'honorable M. Tesch, votèrent avec nous dans cette circonstance. M. Rogier et les autres ministres votèrent contre le droit d'un franc. Quant au bétail, nous eûmes toutes les peines du monde à obtenir les faibles droits aujourd'hui en vigueur. Voilà la vérité officielle, contraire aux affirmations de l'honorable député d'Anvers. Vous voyez donc, messieurs, que la loi sur les denrées alimentaires, injuste envers l'agriculture mais productive pour le trésor, n'est pas l'œuvre de l'honorable M. Rogier, et que, si on l'avait laissé faire, lui et ses collègues, le fisc n'eût pas reçu un centime du chef des importations de produits agricoles.

J'ignore où l'honorable membre a vu que je me vante d'avoir beaucoup pratiqué l'agriculture. Il n'en est rien ; je ne suis pas agriculteur, je n'ai jamais exercé ce noble métier, mais si je voulais l'apprendre, je n'irais pas m'asseoir dans vos écoles ; je n'irais pas dans vos « villes agricoles » ; j'irais aux champs, où je trouverais un air pur, des leçons simples et utiles et des contradicteurs loyaux, qui ne douteraient pas de mes bonnes intentions, alors même que je me tromperais.

Je ne suis pas paysan, l'honorable M. Rogier se trompe, et je le regrette. Mais j'aime les paysans, parce que j'ai vécu avec eux ; je les aime parce qu'ils vénèrent Dieu, la patrie et les lois ; parce qu'ils savent souffrir sans faire d'émeutes ; et je les défends de tout mon cœur, parce qu'ils sont mis hors la loi douanière et hors la loi électorale.

J'en reviens aux écoles d'agriculture. Ayant exposé mes vues à cet égard, il ne me reste qu'à repousser les objections qui m'ont été présentées.

Je n'ai pas dit que les villes fussent des « lieux pestilentiels », des « foyers de corruption ». Libre à M. Rogier de triompher des absurdités qu'il me prête. J'ai dit qu'il était déraisonnable d'enseigner l'agriculture dans les villes, et j'ai déduit mes raisons. En vain me réplique-t-on que Tirlemont, Chimay et Verviers sont des villes agricoles. Des villes agricoles, messieurs ! En vérité, je ne comprends pas ; j'ignore ce que c'est qu'une ville agricole ; je n'en connais pas une seule en Belgique, hormis Bastogne peut-être, à cause de la grande quantité de bétail qu'elle nourrit dans son sein. Les villes agricoles de l'honorable M. Rogier ressemblent furieusement à quelques-uns de ses professeurs agricoles, et je m'imagine que ces derniers n'ont inventé les villes agricoles que pour y manger leurs (page 265) appointements, de préférence aux villages agricoles où ils seraient mélancoliquement dépaysés.

J'ai recommandé le drainage et les irrigations ; l'honorable M. Rogier aurait voulu que je lui en fisse honneur, et que je reconnusse qu'un brevet d'importation lui est dû de ce chef. Je ne pouvais lui faire ce plaisir sans mentir à l’histoire. Les irrigations ont été prescrites par M. le comte de Theux ; des particuliers drainaient leurs prés avant les circulaires de M. Rogier, que j'approuve. Il y a plus : les irrigations et le drainage sont d'excellentes vieilleries qui datent de la domination autrichienne. Un volume, imprimé à Bruxelles en 1777, recommande ces opérations agricoles. Cette curiosité bibliographique démontre une fois de plus qn'il n'y a guère de nouveau en ce monde que ce qui est assez vieux pour être oublié.

Messieurs, on m'accuse d'être un partisan fanatique de l'aveugle routine. On a tort, je conseille volontiers aux campagnards l'essai des innovations heureuses, et bien que j'aie été la cause innocente de certaines déceptions, j'apprécie le progrès en cette matière comme en d'autres. Mais, en général, MM. les professeurs et écrivains agricoles dédaignent beaucoup trop le savoir de nos travailleurs ruraux. Ce qu'on appelle la routine n'est pas tant à mépriser ; c'est l'expérience accumulée des siècles, c'est l'observation combinée du sol, du climat, des besoins nationaux. Heureux parfois le cultivateur qui sait résister aux entraînements d'une vaine théorie, ou aux excitations du charlatanisme ! J'ai vu s'établir plus d'une ferme avec de gros capitaux et avec la prétention d'innover en toutes choses. Eh bien, ces entreprises ont misérablement échoué. Un simple routinier aurait réussi là où un savant aventurier a quitté son établissement soi-disant progressif pour entrer à l'hôpital.

Messieurs, aidons les campagnards, donnons-leur même des professeurs et des livres, pourvu qu'ils soient bons, je n'ai rien à y redire ; mais ne méprisons pas trop la routine, sûre quoique lente, et respectable même quand elle se trompe. C'est peut-être la routine qui nous assure notre pain quotidien. On a dit qu'une nation qui ne serait composée que de philosophes ne saurait vivre ; nous pouvons le croire, puisqu'un philosophe l'a affirmé. J'ajoute que si la terre belge n'était cultivée que par des professeurs d'agriculture, nous péririons de faim. Ce mot, je ne le retirerai point, dût-on m'appeler cent fois rétrograde, clérical, etc.

Je le répéterai hardiment, les meilleurs moyens de favoriser les progrès agricoles, sont l'amélioration de la voirie vicinale, la modération des impôts, la répression du vagabondage et de la mendicité et la juste rémunération du travail rural. A ces causes de prospérité joignez des écoles, je le veux bien, mais des écoles sérieuses, appropriées au caractère et aux besoins des élèves. N'élevez pas à la légère des établissements de luxe et de fantaisie, où l'on s'applique plulôt à bien dire, qu'à bien faire, et où l'action gouvernementale apparaît tantôt oiseuse, tantôt ridicule.

Agissez avec prudence, marchez à coup sûr. Il est facile de décréter des écoles, plus facile que de les payer. Mais on ne décrète pas le succès, même quand on est un ministre de génie. On le conquiert laborieusemenl par des actes sages, posés dans la mesure du possible et de l'utile.

Messieurs, je ne veux pas abuser de votre indulgence déjà fatiguée.

- Plusieurs membres. - Non, non, parlez.

M. Coomans. - Je finis par une explication que je dois à l'honorable ministre de l'intérieur, qui voit dans mon amendement une sorte d'atteinte portée à la prérogative royale, un ordre donné au gouvernement de presenter un projet de loi sur l'enseignement agricole. Je serais sensible au reproche s'il était mérité, mais j'affirme, cettlle chambre affirmera qu'il ne l'est point. En effet la chambre a déjà adopté un amendement semblable au sujet de l'école vétérinaire. En adhérant à ma proposition, l'assemblée émettrait tout simplement le vœu de voir l'enseignement agricole organisé par la loi, conformément à la prescription de la loi fondamentale. La prérogative royale resterait complètement libre et respectée. L'honorable ministre peut se tranquilliser là-dessus, je n'entends violer aucune prérogative constitutionnelle, je veux que la Constitution soit sauve, et c'est précisément pour cette raison que ma proposition vous est soumise. Si elle était rejetée, la prérogative royale n'y gagnerait rien, et la Constitution resterait violée. Vous aviserez, messieurs. Quant à moi, je maintiendrai l'amendement, quel que soit le sort qui l'attende.

- La séance est levée à 4 heures et demie.