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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 17 décembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 360) M. Dumon procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

M. Dumon fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le conseil commural de Membruggen demande que le gouvernement soit autorisé à concéder l'embranchement du chemin de fer de Tongres vers Fexhe, avec la garantie stipulée par la loi et à se charger de l'exploitation et de l'entretien de cette ligne moyennant la moitié de la recette brute. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Bourgeois, Delcourt et Truffers demandent que le gouvernement soit autorisé à faire l'échange de leurs bordereaux de récépissés des emprunts de 1848. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Jossart, pharmacien à Isque, demande que dans le projet portant interprétation de l'article 18 de la loi sur l'art de guérir, on introduise une disposition qui interdise toute vente et livraison de médicaments par les médecins de campagne, dans les localités où se trouve une officine de pharmacie légalement ouverte. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les sieurs Richelet, Mercier et quelques littérateurs demandent une loi qui assimile la propriété intellectuelle à la propriété ordinaire. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les brevets d'invention.


« Par message du 16 décembre, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi relatif à la répression des offenses envers les chefs des gouvernements étrangers. »

- Pris pour notification.


« Par dépêche du 13 décembre, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre un exemplaire du rapport du jury de l'Exposition universelle de Londres. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« Par dépêche du 13 décembre, M. le ministre des travaux publics adresse à la chambre 125 cahiers des Annales des travaux publics. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVII. Instruction publique. Enseignement primaire

Discussion générale

La discusssion continue sur le chapitre XVII, Enseignement primaire.

M. Rogier. - La discussion d'hier, relative à l'enseignement primaire, a porté, à la fin de la séance, sur l'interprétation donnée aux articles combinés 20 et 23 de la loi d'instruction primaire.

Une autre partie de la discussion, relative à l'enseignement primaire, avait porté sur l'adjonction de cours préparatoires faite, en vertu de la loi sur l'enseignement moyen, à plusieurs écoles moyennes. Je parlerai d'abord de cette partie de la discussion, qui a été soulevée par l'honorable représentant de Neufchâteau.

A l'école moyenne de Marche, messieurs, comme à d'autres écoles moyennes...

M. Orban. - Ce n'est pas à l'école de Marche, c'est à l'école de Stavelot. J'ai oublié de citer.

M. Rogier. - Peu importe. La réponse que j'ai faite s'applique aux diverses écoles moyennes auxquelles une section préparatoire a été adjointe.

M. le président. - La discussion sur les écoles moyennes est terminée.

M. Rogier. - Pardon, M. le président. A l'occasion du chapitre de l'instruction primaire, l'honorable M. Orban s'est plaint de ce qu'on eût distrait des écoles primaires certaines sections, pour les adjoindre aux écoles moyennes. Je veux lui répondre.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. Rogier. - Messieurs, les adjonctions de cours primaires aux écoles moyennes n'ont eu lieu qu'à la demande des administrations communales elles-mêmes.

On déplore à cette occasion que le gouvernement ait par là expulsé le clergé et la religion de l'enseignement primaire adjoint aux écoles moyennes.

L'honorable M. Orban a reçu les plaintes d'un inspecteur ecclésiastique, et il s'est rendu l'organe de ces plaintes dans cette enceinte. Cet inspecteur ecclésiastique se plaint donc que, par suite de l'adjonction de cours préparatoires à l'école moyenne de Stavelot, à ce qu'il paraît, les enfants sont aujourd'hui privés de l'enseignement religieux.

Messieurs, si les enfants de la section primaire, adjointe aux écoles moyennes, sont privés d'enseignement religieux, ce qui n'est pas, en fait, car l’enseignement du catéchisme doit continuer à se donner dans toutes les écoles moyennes ; mais si les enfants sont privés de l'inspection religieuse, à qui la faute ? Le gouvernement, certes, ne s'est pas refusé à recevoir l'inspection ecclésiastique dans les écoles moyennes.

Loin de s'y refuser, il a fait tous ses efforts pour l'obtenir ; et le reproche qu'on nous ferait d'avoir repoussé le clergé des écoles moyennes est entièrement contraire aux faits. Prenons pour exemple l'école qui doit être plus particulièrement connue de l'honorable M. Orban, l'école de Marche ; un ecclésiastique était à la tête de l'école et le gouvernement a fait tous ses efforts pour l'y maintenir.

L'ecclésiastique ne manifestait pas le désir de quitter, mais sa position hiérarchique ne lui permettait pas de rester après la nouvelle organisation. Le gouvernement, pour éviter toute difficulté, consentit à le laisser à la tête de l'école, sans l'investir d'une nouvelle nomination ; eh bien, le gouvernement n'a pas réussi à faire admettre cet arrangement. Et voilà comment l'élément religieux est venu faire défaut àcette école. Partout où le gouvernement a trouvé des directeurs ecclésiastiques, il a demandé qu'ils restassent en fonctions, mais il n'a pas pu l'obtenir. Tous se sont retirés des écoles, et après cela, est-il juste d'accuser le gouvernement, comme on le fait dans cette enceinte, de chasser le prêtre de l'école ?

Il en a été de même pour les ecclésiastiques chargés de la surveillance de l'enseignement moyen. Plusieurs communes avaient désigné des ecclésiastiques pour faire partie des bureaux administratifs ; le gouvernement s'était empressé d'approuver ces choix, qu'il voyait avec plaisir. Qu'est-il arrivé ? Il a été interdit aux ecclésiastiques d'accepter ces fonctions ; on ne leur a pas permis de siéger dans le bureau administratif à côté des pères de famille de la commune.

Tout cela n'empêche pas d'accuser le gouvernement de repousser la religion, de chasser le prêtre des établissements d'instruction, alors qu'il a fait tout ce qu'il a pu pour conserver les ecclésiastiques à la tête des écoles qu'ils dirigeaient et pour maintenir dans les bureaux administratifs ceux qui avaient été désignés pour en faire partie.

Sans doute, il est très regrettable que l'enseignement religieux ne soit pas donné ou plutôt ne soit pas surveillé, car en général, il est donné par les maîtres laïques ; il faut bien que l'on sache que, sous l'empire de la loi de 1842, l’enseignement religieux est donné, non par le prêtre, mais par les instituteurs laïques sous la surveillance du clergé ; it est regrettable, dis-je, que cette surveillance ne soit pas exercée aujourd'hui dans les écoles moyennes, ; mais s'il en est ainsi, ce n'est pas la faute du gouvernement s'il n'a pu obtenir pour les établissements fondés en vertu de la loi de 1850, que l'enseignement de la religion y fut surveillé par le clergé.

Accuser le gouvernement de chasser le prêtre de ces établissements, de refuser l’enseignement religieux, c'est à peu près aussi juste que si on accusait le gouvernement d'avoir obtenu qu'on refusât une messe du Saint-Esprit aux élèves des athénées ou qu'on chassât du chœur des églises les professeurs des athénées. Ce fait n'est pas ancien ; il s'est présenté hier même, à l'occasion du Te Deum chanté à Tournay. Le corps professoral a été exclu, de par le clergé, du cbœur de l'église.

Je demanderai, messieurs, à ajouter deux mots, puisque j'en suis à l'école de Marche, pour compléter mes explications d'hier. Hier, messieurs, on m'a reproché eu termes très vifs et très formels, d'avoir nommé, à l'école de Marche, un professeur d'agriculture, à l'occasion des élections de 1850.

M. le président. - Permettez, M. Rogier ; j'ai empêché hier M. de Mérode de répondre sur ce point.

M. Rogier. - J'ai à compléter une explication.

M. le président. - Je ne puis pas vous laisser la parole sur ce point. Je vous prie de vous renfermer dans la discussion du chapitre XVII.

M. Rogier. - M. le président, je ne demande pas de privilège pour moi ; je suis, toutefois, dans une position spéciale ; je suis accusé (et je ne fais pas un reproche aux membres de l'ancienne opposition de passer en revue les actes de l'ancienne administration) ; on me fait un grief de certains faits que je ne suis pas toujours à même de vérifier séance tenante ; le lendemain, je me procure un complément de renseignements, je viens les apporter à la chambre ; il me semble qu'on ne peut pas se refuser à m'entendre.

- Des membres. - Oui ! oui !

M. Rogier. - M. le président, vous êtes très juste ; mais la chambre reconnaîtra que je suis dans une position toute spéciale et que la parole doit m'être accordée. (Oui ! oui !)

(page 361) M. Dumortier. - Si on accorde la parole sur ce point à l'honorable M. Rogier, il est entendu qu'on pourra lui répondre.

M. le président. - Sans doute.

Si la chambre ne s'y oppose pas, la parole est à M. Rogier.

M. Rogier. - Messieurs, l'honorable M. Orban est venu hier annoncer à la chambre avex beaucoup d'assurance que huit jours avant les élections de 1850, j'avais fait à l'école vétérinaire supérieure de Marche la nomination d'un professeur d'agriculture ; l'honorable membre annonçait ce fait avec tant d'assurance que je me suis demandé d'abord si cet acte, dans le grand nombre, avait échappé à mon attention.

J'ai vérifié la chose ; il n'y a pas eu de nomination ; le sieur Breulet, dont on prétend que j'ai fait un professeur ou, comme on a dit, un rentier à 1.200 fr., n'a pas été nommé. Je prie donc l'honorable M. Orban de vouloir bien retirer cette accusation. Si la personne dont il a parlé jouit aujourd'hui de 1.200 fr. de rente, c'est probablement par la libéralité de l'honorable M. Orban. A l'heure qu'il est, le sieur Breulet n'a pas reçu de nomination.

Que penser maintenant du dire de l'honorable représentant qui était de nature à produire de l'émotion dans la chambre et qui avait produit une certaine impression sur moi-même, tant on parlait avec assurance ? J'affirme aujourd'hui très positivement que M. Breulet n'a pas été nommé.

J'ajoute que le journal « l'Agriculteur », bien qu'il s'occupe d'agriculture, n'a pas reçu une obole de subside, et je ne crois pas même qu'il jouisse de la faveur d'un abonnement au budget de l'intérieur.

Voilà le fait que je livre à l'impartialité de la chambre et du pays. J'aime à croire que ceux qui ont admis l'accusation de l'honorable M. Orban voudront bien reproduire la rectification.

Mon honorable successeur reste entièrement libre de nommer ou de ne pas nommer. Le débat qui vient d'avoir lieu ne doit pas sans doute constituer au grief à charge du sieur Breulet ; cet artiste vétérinaire m'a été signalé comme un homme très capable ; il a été proposé par le comice agricole pour les fonctions de membre de la commission provinciale d'agriculture.

Voilà ce que j'avais à dire sur le compte de M. Breulet, que je n'ai jamais vu, que je ne connais ni de près ni de loin.

J'en viens maintenant à la partie plus particulièrement administrative de la discussion.

On a reproché à l'ancien cabinet d'avoir violé la loi de l'instruction primaire par une interprétation qui consiste à dire que lorsque les communes ont porté le montant des deux centimes additionnels à leur budget pour l'instruction primaire, elles ne sont pas pour cela déchargées de toute autre obligation financière.

Cette question n'est pas nouvelle ; elle a été agitée bien des fois dans cette enceinte et, dans les deux dernières discussions du budget de l’intérieur, j'ai formellement indiqué à la chambre la marche que je suivais. Voilà, lui ai-je dit, comment j'ai interprété les articles 20 et 23 de la loi ; si une interprétation contraire doit l'emporter dans cette chambre, eh bien ! qu'on prenne l'initiative d'une proposition à la suite de laquelle une augmentation devra être portée au budget de l'intérieur. Personne n'a pris cette initiative ; j'avais cependant informé la chambre que je continuerais d'appliquer l'article 23 dans le sens que je défendais devant la chambre. C'est ce que j'ai fait, et c'est ce que j'ai dû faire, sous peine de aisser le service de l'instruction primaire en souffrance. Pour pourvoir à tous les besoins, il a fallu que le gouvernement portât d'office certaines allocations aux budgets des communes. C'est ce qui a été fait, non seulement dans le Hainaut, mais dans plusieurs provinces.

J'ai reconnu dans les sessions précédentes que la loi ne présentait pas un sens entièrement clair ; mais je ne partage nullement l'opinion qui prétend que le sens de la loi est tellement clair, tellement décisif, qu'il n'y a pas pour ainsi dire à en délibérer.

L'article 20 est très positif en principe, il met à la charge des communes les frais d'instruction primaire. L'article 23 suppose l'intervention de l'Etat et de la province venant en aide à la commune. Quand cela ? Quand la commune a justifié d'avoir porté deux centimes additionnels.

Avant que la commune n'ait justifié d'avoir porté deux centimes additionnels, l'Etat n'a rien à voir, rien à faire. Quand le montant des deux centimes additionnels est porté au budget communal, est-ce que tout est dit, est-ce que la province et l'Etat doivent nécessairement payer le surplus ? Le texte de la loi ne le dit pas ; il ne dit pas que le gouvernement aura nécessairement à intervenir ; il suppose l'examen de la part du gouvernement et il le fait surtout en faveur des communes pauvres.

L'Etat n'a pas à venir en aide aux communes riches, il serait absurde de le voir répartir les subsides aux communes les plus riches, par cela seul qu'elles justifieraiant d'avoir porté le montant de deux centimes additionnels à leur budget.

C'est surtout pour les communes pauvres que la disposition de l'article 3 a été prise ; il faut d'abord que ces communes s'exécutent à concurrence de 2 centimes ; quand elles ont fait cet effort, le gouvernement examine la situation de leurs ressources, et quand il a consacré celle situation il donne à celles qui ont besoin et refuse le subside à celles qui n'ont pas besoin.

Voilà une interprétation pratique raisonnable... (Interruption.) Ce n'est pas d'ailleurs un principe nouveau dans la législation que je soutiens ici. Dans la loi communale, à l'article 131, paragraphe 17, je trouve la disposition suivante :

« Les frais d'entretien et d'instruction des aveugles, sourds-muets sans préjudice des subsides à fournir par les provinces ou par l'Etat, lorsqu'il sera reconnu que la commune n'a pas les moyens d'y pourvoir sur ses ressources ordinaires.

Voilà le principe posé dans la loi communale ; l'Etat est obligé d'intervenir, mais c'est quand il a reconnu que la commune n'a pas le moyen de pourvoir à la dépense sur ses ressources ordinaires.

L'on dit que ce principe est inexécutable, qu'il donne lieu à l'arbitraire. Je réponds qu'il existe, il est dépose dans la loi communale qui déclare que le gouvernement en ce qui concerne l'entretien des aveugles, sourds et muets, doit intervenir, mais seulement quand il a reconnu que la commune n'a pas les moyens d'y pourvoir sur ses ressources ordinaires.

Je considère ce principe comme parfaitement applicable à la loi d'instruction primaire ; le gouvernement intervient quand il a reconnu que la commune n'a pas les moyens de pourvoir à l'instruction primaire au-delà des deux centimes additionnels portés à son budget.

Quand je m'attache à justifier l'interprétation donnée par le gouvernement à l'article 23, je le fais avec une entière bonne foi. Aux yeux du plusieurs de mes adversaires, je dois faire ici violence à mes sentiments pour interpréter de cette manière la disposition dont il s'agit. Ils veulent bien me dire que j'ai une grande tendance à distribuer des subsides, que je suis peu ménager de l'intervention de l'Etat.

On voudra bien reconnaître qu'ici je restreins l'intervention de l'Etat, en lutte pour sauvegarder les intérêts du trésor, je résiste au plaisir de distribuer aux communes quelque chose comme six cent, huit cent mille francs, un million au-delà des subsides actuels, car voilà où conduirait votre interprétation. - On nie ? - Vous le verrez. Autre raison pratique puisée dans l'article 23 lui-même en faveur de mon interprétation.

Je soutiens que les deux centimes sont, pour les communes, un minimum au-delà duquel le gouvernement, avant d'intervenir, a encore le droit d'examiner si la commune n'a pas de ressources disponibles. Que dit l'article 23 à la fin du paragraphe 2 ?

Si l'allocation portée au budget communal de 1842 dépasse le montant de deux centimes, elle devra être maintenue telle qu'elle a été votée.

Donc si des communes avaient porté, à leur budget de 1842, 5 ou 10 centimes, elles sont tenues, aux termes de la loi, de maintenir l'allocation supérieure à 2 c. Or, il résulte de votre interprétation que 2 c. sont un maximum au-delà duquel les communes ne sont tenues à rien. S'il en est ainsi, comment expliquer que les communes qui ont porté à leur budget au-delà de 2 c. aient été forcées par la loi de maintenir cette allocation ?

Pour être logique, la loi aurait dû dire : Toutes les communes ne sont tenues qu'à 2 centimes. Il s'ensuit que toutes celles qui ont porté à leur budget au-delà de 2 cent. pourront ramener leur allocation à cette limite. Mais elle ne l'a pas dit. Au contraire, la loi a tellement considéré l'allocation de 2 cent. comme un minimum, qu'elle a interdit aux communes qui l'avaient portée au-delà, de réduire leur allocation à ce taux.

Voyez où conduit votre interprétation. Vous parlez d'injustice et d'arbitraire. Il y aura dans la loi, interprétée comme vous le faites, la plus criante des injustices. En effet, voilà une commune qui, pendant des années, avant 1842, aura porté à son budget jusqu'à 15 c., elle sera tenue à maintenir ces 15 c. à son budget. Les autres, au contraire, qui n'auront rien fait avant 1842, en seront récompensées, il leur suffira de porter au budget 2 c. pour être exemptes de tout autre impôt de ce chef, pour recevoir des subsides de la province et de l'Etat, tandis que celles qui auront fait diligence, qui auront montré de bonne heure de la sollicitude pour l'enseignement primaire, quelle que soit leur position financière ultérieure, devront maintenir à leur budget les sommes qu'elles y auront portées en 1842. Voilà le résultat de votre interprétation.

Si vous interprétation était la bonne, la loi renfermerait une injustice, une contradiction des plus flagrantes. Cette question est en effet grave par ses conséquences.

Veut-on doter largement, libéralement, l'instruction primaire ? Je suis prêt à y souscrire ; je ne refuserai jamais mon vote à des dépenses pour l'enseignement primaire ; mais il faut de la justice et de la mesure dans ses libéralités, ici je défends le budget de l'Etat. Je crois que l'instruction primaire est une charge essentiellement communale, que la loi sur l'instruction primaire a bien fait de la quaifier comme telle. Mais je reconnais que, dans beaucoup de communes pauvres, il est juste et utile que la province et l'Etat interviennent.

Qui pourra soutenir que des villes comme Bruxelles, Gand, Anvers, Liège, villes riches qui portent à leur budget beaucoup de dépenses, utiles si l'on veut, mais moins utiles que celles de l'instruction primaire, pourront, en portant seulement à leur budget le produit de 2 c. additionnels, réclamer le concours de la province et de l'Etat, pour le surplus ? Ce système n'est pas admissible. Je ne puis l'admettre pour Bruxelles ; je ne l'admettrais pour aucune grande ville.

Cependant si la ville de Bruxelles ou celle de Gand avait porté, en 1842, 15 centimes additionnels pour son instruction primaire et que la ville de Liège n'eût porté que 2 centimes (ce sont des suppositions, je sais que la ville de Liège est très libérale pour l'enseignement), l'une viendrait demander les secours de l'Etat, lequel devrait intervenir à partir de ces 2 centimes, l'autre serait forcée de maintenir ces 15 centimes et ne pourrait pas exiger le concours de l'Etat. Il y aurait deux (page 362) catégories de communes placées dans des positions tout à fait opposées, ce qui donnerait lieu à des récriminations et à des conflits.

Messieurs, je sais que les résultats financiers auxquels peut donner lieu l'interprétation d'une loi ne sont pas des motifs suffisants pour préférer cette interprétation. Mais s'il s'agit de substituer un système à l'autre, de substituer l'interprétation donnée par ceux qui ont parlé hier à celle que je défends aujourd'hui, il n'est pas inopportun de voir à quels résultats irait l'application de l'interprétation d'hier pour le budget de l'intérieur que nous discutons.

Le système de ceux qui ont une opinion opposée à la mienne, est celui-ci : Quand les communes ont voté 2 centimes additionnels pour l'instruction primaire, elles ne doivent plus rien, c'est à la province et à l'Etat à faire le reste.

Voyons à combien s’élève pour tout le royaume le montant de 2 centimes aux contributions directes. D'après un tableau que j'ai sous les yeux, le montant des 2 centimes s'élève à 532,000 fr.

Quels sont les besoins généraux de l'instruction primaire ? D'après le même tableau, ils ont été arrêtés, pour l'année 1852, à la somme de 3,113,000 fr. Voilà donc 532,000 fr. qui doivent servir à couvrir une dépense évaluée à 3,113.000 fr.

Pour couvrir ces 3,113,000 fr., il faut donc nécessairement autre chose que les 2 centimes additionnnels. Il y a le concours des provinces, il y a le concours des bureaux de bienfaisance, il y a les rétributions des élèves. Toutes ces ressources réunies présentent une allocation de 2,061,000 fr.

Aujourd'hui les allocations communales qui, dans votre système, devraient s'arrêter à 532,000 fr., s'élèvent à 1,148,000 fr. Nous aurions donc à suppléer la différence de 616,000 fr.

M. Matthieu. - Il fut tenir compte de ce que les communes payaient, avant 1842, au-delà des deux centimes additionnels.

M. Rogier. - Dans votre système, évidemment, vous devriez faire disparaître cette réserve qui consacrerait, je l'ai démontré, la plus flagrante des injustices.

Vous auriez donc d'abord une somme de 610,000 fr. à suppléer. Mais ce n'est pas tout, dans les ressources générales pour l'instruction primaire figurent les rétributions payées par les élèves pour une somme de 610,000 fr. Cela entre dans le budget de l'instruction primaire ; cette somme est destinée à couvrir en partie les dépenses de l'instruction primaire. Si vous déclarez que toute commune qui a justifié de 2 centimes additionnels portés à son budget, a droit aux subsides de la province et de l'Etat, les communes vont se mettre fort à l'aise pour leurs élèves. Elles vont donner très généreusement des entrées gratuites ; elles n'auront plus aucune espèce d'intérêt à faire payer des rétributions aux enfants de la commune, puisque du moment où elles ont justifié du payement de 2 centimes additionnels, ce sont d'autres, ce sont la province et l'Etat qui payent.

Voyez, messieurs, où ce système peut nous conduire. Vous allez les encourager à faire impunément plus de dépenses et d'autre part les encourager à se créer moins de ressources. Peu importe aux communes ; elles ont rempli leurs obligations financières par le payement des deux centimes, d'autres payeront. Ainsi les communes dépensèrent plus et s'imposeront moins.

J'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences financières pour le budget de l'Etat, du système que je combats.

Je n'ai pas besoin d'ajouter que ce n'est pas par indiffèrence pour l'instruction primaire que je repousse de pareilles dépenses ; c'est au contraire par sympathie pour elle. Si nous portons chaque année des augmentations trop considérables au budget de l'Etat pour l'instruction publique, je crains que plus tard on ne vienne invoquer l'énormité des dépenses qu'occasionne l'instruction primaire et qu'il n'y ait réaction contre elle.

Me viendra-t-on pas dire :

Vous voyez bien que l'Etat a tort, a grand tort de se mêler d'instruction, qu'il en résulte des charges énormes pour les contribuables, qu'il vaudrait mieux abandonner toute l'instruction publique à la liberté ; il y aurait une grande économie. Au moins ce que cela coûtera ne figurera pas au budget, le contribuable sera déchargé, sauf cependant à payer d'une autre façon, par des moyens qui ue tombent pas sous le contrôle public. Car, qu'on ne le perde pas de vue, du moment qu'on suppose un service rendu, une institution quelconque, il faut bien que quelqu'un paye. Ce quelqu'un s'appelle le contribuable.

Il y a deux manières d'être contribuable : l'une patente, et qui est contrôlée par le budget ; l'autre qui n'est pas contrôlée, mais qui n'en constitue pas moins l'habitant de la Belgique en une dépense, en une contribution.

On a, messieurs, invoqué l'autorité de différents membres de cette chambre, d'honorables bourgmestres de ville. Je rends volontiers hommage en principe à l'impartialité de tous les bourgmestres du royaume ; mais je ne serais pas surpris que pas un seul, quelle que soit sa bonne volonté pour le trésor, ne partageât ma manière de voir sur la portée de l'article 23. Je ne pense pas qu'une seule commune trouvera que ma manière de voir est bonne.

Le système contraire est bien plus avantageux aux communes, je ne le nie pas ; mais je ne le crois pas équitable, je ne le crois pas soutenable, je le crois sujet à de graves inconvénients par ses conséquences financières, et voilà pourquoi je suis d'avis qu'il faut maintenir l'interprétation admise par le gouvernement. Si l'on ne veut pas de cette interprétation, il faut nécessairement qu'on fasse une proposition au budget, qui devra s'accroître de toutes la somme dont vous voulez dégrever les communes. C'est ce que la chambre, messieurs, aura à décider.

- La clôture est demandée.

M. Orban. - J'ai demandé la parole pour répondre au fait personnel renfermé dans le discours de M. Rogier.

M. le président. - La parole est à M. Orban sur l'incident.

M. Orban. - L'honorable M. Rogier vient de nous apprendre que la nomination dont j'ai parlé hier n'a pas eu lieu. Je m'en réjouis pour le trésor public, et je n'userai pas moi-même de la faculté de recourir à de plus amples renseignements que je pourrais réclamer. Je reconnaîtrai que j'ai été induit en erreur, quant à la nomination, par le journal de la localité qui a annoncé le fait et qui n'a jamais été démenti.

On voudra bien admettre, au surplus, que cette communication n'est pas le résultat de mon imagination: les détails très étendus dans lesquels l'honorable membre est entré hier pour prouver la convenance d'établir une chaire d'agriculture à l'école de Marche et pour justifier les titres du titulaire, enfin le détail tout à fait précieux et inédit que ces titres avaient été signalés à l'attention du ministre par mon concurrent, tout cela prouve que le fonds de mes observations existe réellement. Tout ce qu'il faut admettre, c'est que la chose a été promise à l'époque et dans le but indiqués et qu'elle n'a pas été réalisée au moins jusqu'à présent.

Il y a lieu de croire qu'elle le sera plus tard ; les réserves faites par l'honorable M. Rogier, réserves qu'il a recommandées à l'attention de M. le ministre de l'intérieur, sont là pour le prouver.

M. Rogier (sur l'incident). - Je constate seulement que l'honorable M. Orban retire l'accusation qu'il s'est permise hier.

M. Lebeau (sur la clôture). - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer la clôture, par cette considération extrêmement simple qu'il n'y a pas de motion, pas de proposition de réduction, que dès lors la discussion n'aboutira à rien.

Les opinions se rencontreront, se combattront, mais comme il n'y aura point de vote il ne résultera de ce débat absolument rien qui puisse servir de guide au gouvernement sur la manière de dispenser cette partie du budget.

Il est bien évident que, même après cette discussion, nous ne consacrerons aucune interprétation ; chacun restera libre (et il n'y a que cette seule manière de vider le différend), chacun restera libre de faire des propositions ayant pour objet de modifier la portée de la loi sur l'enseignement primaire. Cette loi, je le reconnais, donne lieu à des interprétions différentes sur la charge inférente aux communes. Nous perdons véritablement un temps précieux, à la veille des vacances. Nous avons même mis, par la prolongation inustée de nos discussions, l'autre chambre dans la nécesité de s'ajourner, faute d'avoir à s'occuper.

Je demande donc que la clôture soit prononcée, par cette considération que rien ne sera préjugé par le vote que nous allons émettre.

M. A. Vandenpeereboom. - J’ai demandé la parole sur la clôture pour faire une simple réserve. Je suis disposé à voter l'article mais il doit être bien entendu que rien n'est préjugé.

- Plusieurs membres. - C'est entendu.

M. A. Vandenpeereboom. - Cette réserve est nécessaire pour que le gouvernement ne puisse pas inférer du vote, ainsi qu'on l'a fait après une discussion identique à celle-ci, que la chambre entend que la loi soit interprétée dans tel sens plutôt que dans tel autre.

M. Moncheur. - Je ne m'oppose point à la clôture, mais je rappellerai à la chambre qu'elle a reçu une péiition tendant à la révision des articles 20 et 23 de la loi sur l'instruction primaire, précisément sur le point qui a fait l'objet de la discussion hier et aujourd'hui. Je pense que cette pétition a été renvoyée à M. le ministre de l'intérieur avec demande d'explications, et que la chambre en a en outre ordonné le dépôt sur le bureau. (Interruption.)

On me dit que le renvoi à M. le ministre de l'intérieur n'a pas été ordonné. S'il en est ainsi, on pourrait ordonner ce renvoi avec demande d'explications, comme conclusion de cette discussion.

M. Vander Donckt. - Je m'oppose, messieurs, à la clôture. Il n'y a pas de proposition faite, mais comme plusieurs orateurs sont encore inscrits, on ne peut pas savoir s'il ne sera pas fait imposition. Nous devons nous éclairer par la discussion et engager le gouvernement à modifier la loi s'il y a lieu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On m'interpelle sur le point de savoir si le gouvernement continuera à appliquer la loi comme elle l'a été jusqu'à présent, je pense que la demande de clôture ne doit pas m'empêcher de répondre.

M. le président. - Si la chambre désire que vous répondiez, elle ne prononcera pas la clôture.

- La clôture est mise aux voix, elle n'est pas prononcée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'ai demandé la parole précisément pour mettre un terme à cette discussion.

J'ai écouté fort attentivement tout ce qui a été dit, et il me semble que la situation vraie est celle-ci. De proposition faite pour changer la loi, il n'y en a pas ; une application de la loi, une interprétation donnée par le gouvernement et confirmée par un tacite assentiment de la chambre, cela existe ; or quel est le devoir du gouvernement dans la situation actuelle et en présence des observations qui ont été faites sur les conséquences financières d'une interprétation de la loi, différente de celle (page 363) qu’elle a reçue jusqu’à présent ? Le devoir du gouvernement est de continuer à appliquer la loi comme elle a été appliquée jusqu'ici, sauf, s'il y a lien, à soumettre une proposition à la chambre, par exemple, à l'occasion du prochain budget.

M. de Muelenaere. - Je ne prolongerai pas la discussion ; je ne dirai que peu de mots.

Il est évident qu'il résulte de l'ensemble de ses dispositions, que la loi n'a pas considéré l'instruction primaire comme un objet d'intérêt exclusivement communal, mais qu'elle envisage aussi cette instruction comme ayant un caractère d'intérêt général.

C’est par cette raison que le législateur n'a pas imposé à la commune tous les frais afférents à l'instruction primaire, mais qu'il a voulu que la province et l'Etat apportassent leur quote-part à cette dépense.

L'article 20 pose un principe.

Mais ce principe n'est pas absolu ; il est modifié et régularisé dans son application par les paragrapges 1 et 2 de l'article 23.

D'après le paragraphe premier l'intervention de la province à l'aide de subsides n'est obligatoire que lorsqu'il est constaté que l'allocation de la commune en faveur de l'instruction primaire égale le produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes, sans que cette allocation puisse être inférieure au crédit voté, pour cet objet, au budget communal de 1842.

Le paragraphe suivant traite de l'intervention de la province et de l'Etat dans les frais de l'instruction primaire.

Quand la commune et la province ont rempli les obligations qui leur incombent en vertu des paragraphes suivants, la commune exerce son recours vers l'Etat.

Mais quelle est la part pour laquelle l'Etat doit intervenir ? Cette part, comme le prétendent certaines communes, est-elle indéfinie, illimitée ?

Si de semblables prétentions étaient fondées, il faut avouer, messieurs, que la loi du 23 septembre 1842 aurait bien mal sauvegardé les intérêts du trésor.

Et cependant les intérêts du trésor sont les intérêts de tous les contribuables. Ces intérêts doivent être sacrés pour nous, et notre devoir est de les défendre dans toutes les circonstances.

Malheureusement le texte de la loi prête à l'interprétation que les communes donnent à l'article 23.

Je suis loin de blâmer toutes les administrations qui se sont succédé depuis 1842, d'avoir résisté à des prétentions souvent injustes et exagérées.

Mais le gouvernement pourra-t-il persévérer dans ce système ? Ne sera-t-il pas entraîné par le courant ? De l'aveu de tout le monde, la loi, si elle n'est pas entièrement favorable aux exigences des communes, est du moins ambiguë et douteuse. C'est à tort qu'on a argumenté tantôt de l'article 131 de la loi communale.

La loi du 30 mars 1836 est une loi générale.

La loi du 23 septembre 1842 est une loi spéciale.

Or, vous savez tous qu'une loi spéciale déroge à une loi générale.

Il me semble donc que le moment est venu où le gouvernement sera obligé de lever les doutes que la loi a fait naître et de modifier l'article 23.

Qu'il me soit permis d'expliquer brièvement de quelle manière, selon moi, ces nouvelles dispositions législatives devraient être conçues.

D’abord, l'instruction primaire est avant tout d'intérêt communal. Il faut donc maintenir le principe déposé dans l'article 20 de la loi.

Mais comme cette instruction a aussi un caractère d'intérêt général, j'admets l'intervention de la province et de l'Etat au profit de la commune.

L'intervention de la province doit être obligatoire. On peut, me semble-t-il, maintenir la disposition du paragrapge 2 de l'article 23, c'est-à-dire, charger les provinces de contribuer aux frais de l'instruction primaire jusqu'à concurrence du produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes.

Mais l'Etat ne doit intervenir dans les frais d'instruction primaire, qu'à titre de subside. Ce subside doit être voté annuellement par la législature d'après les besoins bien et dûment constatés. L'Etat ne doit jamais pouvoir s'obliger au-delà de ce subside qui doit servir de préférence à venir en aide aux communes dont les ressources financières sont réellement insuffisantes.

Je borne la mes observations. Cette discussion a déjà été trop longue et je comprends combien il devient désirable qu'on y mette un terme. Je remercie la chambre de la bienveillante attention qu'elle a bien voulu me prêter.

- La clôture est de nouveau demandée.

M. Dumortier (contre la clôture). - Messieurs, je regrette que la chambre se montre si pressée. (Interruption.) Permettez, nous avons commencé cette discussion à la fin de la séance d'hier, et certes, consacrer une ou deux heures à cet objet qui soulève tant de débats dans cette enceinte et dans le pays, ce n'est pas trop. Qu'est-ce que nous avons en vue ? Comme l'a dit l'honorable M. Rogier, il ne s'agit pas ici d'une question de droite ou de gauche ; il s'agit d'arriver à une solution heureuse ; or, pour arriver là, nous devons pouvoir nous éclairer les uns les autres ; évidemment on ne peut que profiter à s'éclairer les uns les autres.

Je demande donc que la discussion continue ; je désire dire quelques mots sur cette question ; je suis inscrit. Au surplus, je ferai remarquer que sous le chapitre XVII ne figure pas seulement le crédit affecté au service ordinaire de l'instruction primaire dans les communes ; cette partie ne fait que les trois quarts du chiffre total qui est demandé.

M. le président. - Nous ne sommes qu'à la discussion du chapitre ; vous pourrez parler sur les articles.

- La clôture de la discussion sur le chapitre XVII est mise aux voix et prononcée.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1853

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, le budget du département des travaux publics pour l'année 1853 ne pouvant être voté avant la fin de l'exercice courant, j'ai été chargé par le Roi de présenter à la chambre un projet de loi allouant audit département un crédit provisoire de 2,683,147 fr. 19 c. pour faire face aux dépenses des deux premiers mois de l'exercice 1853.

- Ce projet de loi sera imprimé et distribué.

La chambre en renvoie l'examen à la section centrale chargée de l'examen du budget du département des travaux publics.

Projet de loi approuvant la convention provisoire conclue entre la Belgique et la France

Rapport de la section centrale

M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné la convention provisoire conclue le 9 décembre 1852 entre la Belgique et la France.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - A quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion ?

- Des membres. - Après le budget de l'intérieur.

M. le président. - La chambre a déjà mis à l'ordre du jour, après le budget de l'intérieur, les crédits aux départements des finances et de la guerre, pour lesquels il y a urgence.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, j'ignore jusqu'à quel jour se poursuivra la discussion du budget de l'intérieur : mais je ferai remarquer qu'en ce qui concerne la convention avec la France, nous sommes sous le coup d'une date certaine, que les ratifications doivent être échangées avant le 31 de ce mois, et que, après que la chambre se sera prononcée, la convention doit également être soumise au sénat. Je demande donc que la chambre fixe la discussion soit à lundi, soit à mardi. (Interruption.)

Permettez, la chambre décidera tout à l'heure à quel jour elle entend fixer la discussion. Auparavant, je demanderai à faire remarquer à la chambre que la discussion sur ce traité, qui n'est qu'un traité provisoire, c'est-à-dire le premier acte d'une négociation qui doit être reprise, ne peut pas avoir lieu autrement qu'en comité secret. Je ne crois pas qu'une seule voix dans cette chambre s'élève pour me contredire.

J'ai fait cette observation dans la section centrale à laquelle je crois avoir donné des explications très nettes, et je pense que cette section était d'accord pour faire à la chambre la demande que je lui soumets aujourd'hui.

M. de Muelenaere. - J'ai demandé la parole avant d'avoir entendu M. le ministre des affaires étrangères, afin de prier la chambre de fixer la discussion à lundi prochain ou à mardi au plus tard. Cette convention, après avoir été discutée ici, doit encore être examinée par le sénat.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je ferai connaître à la chambre une circonstance qui la mettra à l'aise, c'est que le sénat ne s'occupera du projet de loi que lundi en huit, c'est-à-dire le 27. Ainsi la chambre peut, pendant la semaine prochaine, fixer tel jour qui lui conviendra pour l'examen de ce projet

M. T’Kint de Naeyer. - La section centrale, d'après les explications données par M. le ministre des affaires étrangères, avait effectivement pensé que la chambre trouverait utile d'examiner la convention en comité secret. J'ai l'honneur de vous proposer, messieurs, de fixer la discussion à mardi, et je pense que ce jour conviendra le mieux à la majorité des membres.

La chambre a renvoyé aussi à la section centrale, chargée de l'examen de la convention, deux pétitions des sieurs Motte-Schiéris, de Gand, renfermant des observations relatives à la convention provisoire conclue avec la France et concernant un traité définitif.

Je propose le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion de la convention et le renvoi à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Roussel. - Je propose qu'on fixe à mardi la discussion de la convention avec la France, parce que la discussion du budget de l'intérieur sera probablement terminée d'ici à cette époque.

- La chambre fixe à mardi la discussion de la convention avec la France ; elle décide que les deux pétitions comprises dans le rapport seront déposées sur le bureau pendant la discussion, puis renvoyées au ministre des affaires étrangères.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVII. Instruction publique. Enseignement primaire

Articles 81 et 82

« Art. 81. Inspection civile de l'enseignement primaire et des établissements qui s'y rattachent. Personnel : fr. 34,000. »

- Adopté.


« Art. 82. Ecoles normales de l'Etat à Lierre et à Nivelles. Personnel : fr. 60,000. »

- Adopté.

Article 83

(page 364) « Art. 83. Autres dépenses de l'inspection et frais d'administration. Matériel et dépenses des écoles normales de l'Etat. Ecoles normales adoptées. Service annuel ordinaire de l'instruction primaire communale ; subsides aux communes ; matériel ; constructions, réparations et ameublement de maisons d'école ; encouragements (subsides pour les bibliothèques de conférences trimestrielles des instituteurs dans les neuf provinces) ; récompenses en argent ou en livres aux instituteurs primaires qui font preuve d'un zèle extraordinaire et d'une grande aptitude dans l'exercice de leurs fonctions ; caisse de prévoyance ; souscriptions à des livres classiques pour les bibliothèques des institutions dépendant de l'Etat ; encouragements aux recueils périodiques concernant l'instruction primaire ; subsides pour la publication d'ouvrages élémentaires destinés à répandre l'enseignement professionnel et agricole ; subsides à des établissements spéciaux ; salles d'asile et écoles d'adultes, etc. : fr. 1,040,411 33. »

M. le président. - Par suite de changements adoptés, le mot « primaire » doit être substitué aux mots « professionnel et agricole ». Le gouvernement a demandé pour l'instruction primaire une augmentation de 91,543 fr. 90 c. ; ce qui porterait l'allocation à 1,131,955 fr. 23 c. Mais on a transféré de cet article à d'autres, deux sommes, une de 15 mille francs, une autre de 8 mille, de manière que l'allocation serait réduite à 1,108,955 fr. 23 c.

Voici une proposition qui vient d'être déposée par M. Matthieu :

« J'ai l'honneur de proposer à la chambre d'adopicr la proposition suivante :

« Le ministre sera invité à présenter, dans le cours de la session prochaine, un projet de loi avant pour objet de modifier et de mettre en harmonie les articles 20 et 23 de la loi du 23 septembre 1842. »

La parole est à M. Matthieu pour développer sa proposition.

M. Matthieu. - Je crois que ma proposition n'a pas besoin de nouveaux développements et que toute cette discussion lui en tient lieu ; tout le monde est d'accord pour reconnaître que l'on est dans une situation anormale.

M. Rousselle. - Il me paraît que la proposition de l'honorable M. Matthieu ne peut pas être adoptée. Les membres de la chambre ont droit d'initiative, et l'honorable membre, s'il croit qu'il y a lieu de modifier la loi, peut lui-même prendre l'initiative de la modification.

Cependant, je dois dire que moi non plus je n'admets pas l'interprétation que le cabinet a donnée à la loi sur l'instruction primaire, quoique je reconnaisse, comme de précédents orateurs, que cet enseignement doit être une charge communale ; mais à raison des précédents, je pense qu'il faut voter le chiffre et laisser au gouvernement le choix du moment où il présentera es modifications s'il ne sort pas de proposition de l'initiative de la chambre. Il est très important de mettre l'exécution de la loi en rapport exact avec son texte formel.

Puisque j'ai la parole, je répondrai deux mots à ce que l'honotable M. Rogier a dit tout à l'heure relativement à l'interprétation donnée aux articles de la loi communale. Il a cité l'article 131, n°19, qui est conçu en ces termes :

(L'honorable membre donne lecture de cet article.)

Il a argumenté de cet article, mais il s'est trompé en cela. C'était au n°10 de l'article qu'il devait avoir recours. Cet article est conçu comme suit : « Les conseils communaux porteront à leur budget les frais que la loi sur l'instruction publique met à la charge des corumunes. » Or, quels sont les frais que la loi sur l'instruction publique met à la charge des communes ? C'est une dépense à concurrence de deux centimes ou a concurrence de la somme portée au budget de 1842, ce sont là deux chiffres maximum.

Pourquoi la loi a-t-elle ainsi décide ? La loi sur l'instruction primaire a donne une part d’intervention à l'Etat daus la direction et la surveillance de l'instruction primaire, elle ne laissait pas l'affaire entièrement à la disposition de la commune. Celle-ci aurait réglé les frais de ces écoles comme elle l'aurait entendu, en rapport avec ses ressources.

Il y a dans la loi des dispositions qui peuvent être jusqu'à un certain point contraires à l'article 110 de la Constitution. Pour soustraire toute la direction de l'instruction primaire à l'autorité communale, on a prétendu que cet objet n'était pas d'un intérêt exclusivement communal, et c'est ainsi que l'on a pu prescrire des obligations aux communes, obligations dont on a posé les limites.

Maintenant, si on laissait aux communes le droit de régler l'instruction primaire comme elles l'entendent, elles pourraient ramener les dépenses au niveau de leurs ressoures. Mais on n'a pas maintenant cette liberté ; et comme il y a eu des votes de la chambre, je repète que nous devons maintenir le chiffre qui figure au budget et laisser au gouvernement le soin de l'appliquer comme il l'a fait jusqu'ici avec l'assentiment tacite de la chambre, sauf à nous ou à lui à aviser sur ce qu'il y aura à faire à cet égard. Je crois que nous serons d'accord quand il s'agira de modifier les articles 20 et 23, pour laisser aux commuues une participation plus grande dans l'organisation de l'instruction et en même temps pour faire disparaître les limites posées à leur part de dépense.

M. Roussel. - Le gouvernement, par l'organe de M. le ministre de l'intérieur, vient d'annoncer qu'il étudiera cette question. Dans cet élat des choses, je ne pense pas qu'il convienne que la chambre oblige M. le ministre a nous apporter un projet de loi. Si quelque membre, usant de son droit d'initiative, veut présenter un tel projet, il en est le maître ; mais la chambre ne pourrait imposer au gouvernement l'obligation d'apporter un projet de loi interprétatif ou modificatif de la loi existante.

Si le ministre venait à se convaincre que les raisons données par les honorables préopinants sont fondées, il changerait d'opinion et il donnerait une autre interprétation à la loi, et par conséquent une autre application.

L'interprétation des textes existants résulterait de l'application faite suivant une opinion nouvelle. Si le gouvernement voulait satisfaire aux réclamations des communes, M. le ministre changerait de système ; mais j'estime que M. le ministre est disposé à rester dans les errements de son honorable prédécesseur. En fût-il autrement, il n'y aurait pas lieu de forcer le gouvernement dans son droit d'initialive.

M. Dumortier. - Je ne partage pas l'opinion de mon honorable ami M. Ad. Roussel, que pour arriver à la solution de la question, il n'est pas nécessaire qu'un projet de loi soit présenté. Je pense, au contraire, qu'une loi est de toute nécessité. Nous sommes unanimes... (Interruption.)

Moi je ne trouve pas la loi claire du tout. Je vois un texte très clair qui dit : Oui, ou à peu près et une discussion qui dit : Non. Je vois que la discussion n'est pas en harmonie avec le texte de la loi, de sorle que chacun y trouve ce qu'il veut ; les communes y voient le droit de demander à l'Etat de subvenir, le gouvernement y voit le droit de répondre aux communes : Vous vous trompez.

Voilà comment les choses se passent. Quand il y a une telle ambiguïté et que les ministres à leur grand regret, j'en suis convaincu, doivent forcer les communes en recette, c'est une calamité qu'il faut faire cesser.

Il n'y a pas de ministre qui accepte cette position de gaieté de cœur. Le seul moyen de sortir de cette situation, c'est de réviser les articles 20 et 23. Cette révision était prévue depuis longtemps.

Lors de la discussion de 1842, j'ai prévu ce qui est arrivé. J'ai combattu le système de M. le ministre, j ai démontré qui si on appliquait son système, on arriverait à la ruine des communes pauvres. Aujourd'hui ! on reconnaît que si la loi était ainsi exécutée, on arriverait à ce résultat.

Au point de vue du trésor, il y a une autre considération qu'il ne faut pas perdre de vue. Qui fixe les traitements des professeurs et les frais de l'enseignement ? C'est la commune, sauf l'agréation de la province.

Quant à nous, nous n'y entrons pour rien. Qu'il plaise aux 2,300 communes d'augmenter les appointements de leurs instituteurs et nous devons payer sans même avoir le droit d'examinerr. Nous tombons dans la plus flagrante des inconstitutionnalités.

Il n'y a pas d'interprétation possible contre un texte aussi clair, c'est une loi de rectification qu'il faut faire. Je maintiens que nous ne pouvons pas obliger le gouvernement de venir présenter un projet de loi, mais nous avons un droit d'initiative dont nous pouvons user.

Nous sommes entre deux systèmes vicieux : uu système vicieux pour les communes et un autre où les communes voteraient des dépenses dont le vote nous appartient. Qu'a-t-on voulu ? Un système raisonnable et sensé et non une exagération de dépense à la charge de l'Etat. Vous avez entendu l'honorable M. Rogier qui faisait remarquer que si le système qu'il a combattu était adopté, nous devrions fournir à toutes les villes riches des subsides considérables pour l'enseignement primaire.

De tous ceux qui siégeaient dans cette enceinle, lors de la discussion de cette loi, je demande si un seul a voulu une chose semblable ! Personne. Prenez la loi dans ses termes judaïques, et vous arrivez à un résultat, et la discussion donne un résultat contraire. L'immense majorité de la chambre n'a pas compris la portée de ce que l'on votait. En présence de pareille chose, une révision est indispensable. Il y a là quelque chose de regrettable.

Voici la position où s'est placé M. Rogier pour maintenir les droits du trésor ; il en est arrivé à devoir invoquer à l'appui de l'interprétation qu'il a donnée aux articles de la loi d'instruction primaire relatifs à la redevance de la province et de l'Etat, un article de la loi communale concernant les aveugles, les sourds et muets. Oa a fait une distinction entre les communes pauvres et les communes riches. Dans cette situation, moi commune, je suis autorisée à soutenir que je suis une commune pauvre du moment que j'ai des besoins.

La loi ne dislingue pas ; et là où la loi ne distingue pas on ne peut pas distinguer. Pour appliquer la loi suivant son texte il faudrait une somme qu'on a évaluée à 4 ou 5 millions. Que M. le ministre se fasse entourer de documents, qu'il veuille bien examiner la question dans sa sagesse et présenter un projet de loi pour faire cesser ces réclamations et ne plus être dans la nécessité où se sont trouvés ses prédécesseurs de porter au budget des communes des sommes assez fortes contre leur gré.

Maintenant, l'honorable M. Rogier me paraît tout à l'heure s'être trompé sur l'interprétation qu'il donne au troisième paragraphe de l'article 23, aux termes duquel « l'intervention de l’Etat, à l'aide de subsides, n'est obligatoire que lorsqu'il est constaté que la commune a satisfait à la disposition précédente (allocation égalant le produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes) et que l'allocation provinciale en faveur de l'enseignement primaire égale le produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes, sans toutefois que ladite allocation puisse être inférieure au crédit voté, pour (page 365) cet objet, au budget provincial de 1842. » Lorsque la loi a stipulé cela, elle a voulu une chose, qui, je crois, n'est pas conservée. En 1842, voici la position où se trouvait la Belgique : depuis le gouvernement provisoire, c'est-à-dire depuis 12 ans, les communes étaient entièrement maltresses de l'enseignement primaire, qu'elles réglaient en pleine liberté.

Plusieurs communes avaient cru devoir faire des sacrifices considérables ; elles consacraient à l'instruction primaire, non pas deux centimes additionnels, mais trois, quatre et même cinq centimes additionnels. Celles qui ont cru devoir faire ce sacrifice devront le maintenir. Qu'avons-nous voulu faire ? Immobiliser la position des communes qui avaient fait un sacrifice convenable ; forcer les autres à s'imposer comme minimum un sacrifice égal au produit de deux centimes additionnels. C'est donc extrêmement clair, et c'est bien à tort que les communes qui s'étaient imposées pour l'enseignement primaire jusqu'à concurrence de cinq ou de six centimes additionnels ont cru pouvoir invoquer cette disposition de la loi pour réduire leurs sacrifices à deux centimes additionnels.

Sous le gouvernement hollandais, l'Etat concourait par un subside fixe aux dépenses de l'instruction primaire, qui étaient à la charge des communes. Aujourd'hui, au contraire, on voudrait que ce fût l'Etat qui pourvût à ces dépenses, et que les communes y concourussent dans de faibles proportions par un subside fixe.

Ce vote sera l'expression du désir de la chambre d'être saisie d'un projet

Voici quels étaient, d'après le budget décennal de 1830, qui était en cours d'exécution au moment de la révolution, les subsides que donnait le gouvernement des Pays-Bas, pour l'instruction primaire dans les provinces méridionales qui forment aujourd'hui la Belgique.

Brabant méridional (aujourd'hui Brabant) : fl. 7,361

Limbourg : fl. 12,665.

Liège : fl. 11,425.

Flandre orientale : fl. 5,150.

Flandre occidentale ; fl. 8,648.

Hainaut : fl. 10,040.

Namur : fl. 11,352.

Anvers : fl. 5,825.

Luxembourg : fl. 7,175.

Total : 81,641 florins.

Chiffre porté au budget de 1830 pour les provinces méridionales. Mais de cette somme il faut défalquer la moitié de celles atttribuées au Limbourg et au Luxembourg par suite du traité, soit 9,920 fl., en sorte que le chiffre total qui figurait en 1830 au budget de l'Etat pour l'instruction primaire était de 71,721 florins, ou moins de cent cinquante mille francs.

On se félicitait alors de la manière dont marchait l'instruction primaire. Aujourd'hui la dépense est de l,040,000 fr. et l'on propose une j augmentation de 91,000 fr. Eh bien, quant à moi je crois que la chambre ferait chose fort sage en ajournant le vote de l'augmentation des 91,000 fr. jusqu'à ce que la question soit vidée. Pourquoi ? Si vous votez le chiffre, naturellement le ministre va le comprendre dans la répartition entre les communes. Vous aurez créé ainsi une augmentation de subside, d'où vous ne sortirez pas quand vous réviserez la loi. Il faut réviser la loi, dans les termes où est le budget.

Pour changer le budget, il faut attendre que la loi soit révisée. Si vous admettez l'augmentation, il sera trop tard pour réviser la loi.

Déjà, la chambre a, à différentes reprises, rejeté les augmentations de crédit. C'est ce rejet qui a donné au ministre la force de maintenir le principe posé. Si au contraire nous admettons l'augmentation de crédit, nous méconnaissons le principe que la dépense entière est à la charge de l'Etat. Et le jour où il en sera ainsi, comme ce sont les communes qui votent ces dépenses, vous serez obligés de financer pour couvrir les dépenses illimitées qu'elles auront décrétées.

Une autre question est celle de savoir si les provinces payent réellement aux communes les subsides qu'elles leur doivent jusqu'à concurrence de 2 c. additionnels. Si je suis bien informé, une province qui s'impose pour 180,000 fr. ne donne aux communes que la moitié de cette somme, et celles-ci doivent s'imposer pour couvrir le déficit.

Un autre point : dans l'ancienne manière de faire, on avait organisé les choses de telle manière qu'on laissait à l'instituteur une notable part du produit des rétributions pour stimuler son zèle à attirer les enfants à l'école. Savez-vous comment les choses se passent aujourd'hui ! Je vais vous le dire.

L'instituteur, pour dresser l'état des élèves, va dans la commune recueillir les noms des enfants en âge de recevoir l'instruction ; il envoie cet état à la commune, à la province et à l'Etat. C'est là-dessus qu'est réglé le subside.

On n'examine pas quels sont les élèves qui fréquentent l'école ; très souvent ils ne forment que le tiers à peu près de ceux qui sont portés sur la liste. De cette manière vous augmentez la dépense et vous ne servez pas l'instruction primaire ; car le subside est réglé, non d'après l'inspection de l'école, mais d'après cette feuille de papier, où l'instructeur porte le plus d'élèves possible. C'est nécessaire pour augmenter son traitement, mais il n'est pas intéressé à les avoir dans son école.

Ce sont cependant de ces choses qu'il faut éviter. Loin d'augmenter le service de l’instruction, on le dessert dans beaucoup de cas. Après cela on arrivera avec des tableaux statistiques qui seront magnifiques ; mais ils seront faux, parce qu'ils porteront les noms d'une grande quantité d'enfants qui sont inscrits, mais qui ne viennent pas à l'école.

Voilà des abus qu'il faut réprimer, et vous ne pouvez les réprimer qu'au moyen d'un bon système financier dans l'état actuel des choses.

Evidemment, comme j'ai eu l'honneur de le dire, deux systèmes sont en présence. Il est certain que les communes sont fondées dans leurs réclamations. Nous votons contre elles et nous faisons violence à la loi. Nous faisons violence à la loi parce que nous savons dans quel esprit nous l'avons votée.

Nous sommes conséquents avec l'esprit dans lequel nous avons compris la loi, mais nous ne l'avons pas bien comprise, de manière que nous lui faisons violence, et nous lui faisons violence par l'impossibilité où nous sommes de supporter les dépenses qui devraient être faites, si la loi était interprétée dans l'exactitude de sa lettre.

J'en reviens donc à ceci : maintenons les choses commes elles sont, j'engage l’honorable M. Matthieu à retirer sa proposition, parce qu'il n'est pas convenable à forcer M. le ministre à présenter un projet de loi. Mais d'un autre coté, ajournons provisoirement l'augmentation qui a été demandée, afin de laisser la question entière ; et lorsque nous examinerons de nouveau ia question, si nous trouvons qu'il y a lieu d'augmenter, nous le ferons. Je maintiens que cette position est la meilleure expression du desir de la chambre d’être saisie d'un projet de loi.

Quant à ce projet de loi, je ne puis que m'en rapporter à ce qu'ont dit mes honorables amis MM. de Brouckere et de Muelenaere. Je crois qu'il est indispensable de faire cesser les tiraillements entre les communes et l'Etat. Une foule de communes réclament et elles sont fondées dans leur réclamation. On a dû recourir à des arrêtés pour les forcer en recette. Elles se trouvent ainsi violentées et elles sont mécontentes du gouvernement, parce que, comme elles n'ont pas lu nos discussions, mais qu'elles ont lu le texte de la loi, elles sont convaincues qu'elles ont raison. Eh bien ! il faut faire cesser ces conflits ; je crois que tout le monde est d'accord sur ce point. Qu'on examine de nouveau ces articles, et l'on mettra fin à une lutte très regrettable. Ces luttes entre l'Etat, les provinces et les communes, dans lesquelles l'Etat doit forcer beaucoup de communes à porter au budget des sommes qu'elles ne veulent pas voter, sont de mauvaises luttes. Dans le Hainaut seul, 73 communes sont dans ce cas.

- Un membre. - Il en est de même dans toutes les provinces.

M. Dumortier. - On me dit qu'il en est de même dans toutes les provinces. Vous le voyez donc, voilà le quart des communes de la Belgique en lutte avee l'État. Ce n'est pas là un état normal ; il faut trancher ce différend en examinant de nouveau la question et en présentant un projet de loi. M. le ministre de l'inlérieur ayant été bourgmestre d'une grande ville, qu'il a administrée avec beaucoup de sagesse, et ayant eu la pratique de la chose, peut beaucoup mieux qu'aucun de nous régler ce point litigeux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne fais si l'honorable M. Matthieu maintient sa proposition.

M. Matthieu. - Je la retire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Alors je n'ai qu'une observation à faire pour qu'on ne s'exagère pas l'importance de ces conflits qui ont existe entie beaucoup de communes et le gouvernement. Aujourd'hui ces conflits sont réduits à très peu de chose. La plupart des provinces, sauf deux peut-être, le Brabant et le Hainaut, ont accepté l'interprétation donnée à la loi par le gouvernement avec l'assentiment de la chambre

M. Osy. - Elles ont subi cette interprétation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je dis qu'elles ont accepté l'interprétation, parce qu'elles ne réclament plus. Je comprends que lorsqu'on vient soutenir dans cette chambre que les communes sont victimes de l'interpétation du gouvernement ; que c'est une calamité publique ; que lorsqu'on vient reclamer en faveur des communes des droits au moins douteux, on va voir de nouveau s'élever des réclamations. Mais à qui la faute ? Elle n'est pas au gouvernement qui était parvenu, tantôt par la persuasion, tantôt par des arrêtés royaux, à convaincre les réclamants qu'ils se trompaient sur le véritable sens de la loi de 1842.

Messieurs, les grandes communes dont on a parlé dans cette discussion, nos villes principales avaient aussi demandé que le gouvernement prît à sa charge tout ce qui dépasse la limite des deux centimes additionnels ; mais elles ont néanmoins compris que la charge de l'instruction primaire est avant tout une charge communale ; et que si l'Etat devait suffire aux dépenses qui résulteraient de l'interprétation que l'on veut donner à la loi de 1842, il serait impossible de trouver assez de fonds libres au budget de l'Etat pour pourvoir à tout ce qui est nécessaire.

Je dis que la charge dont il s'agit est principalement une charge communale. La loi le proclame d'une manière expresse, et cela est d'ailleurs conforme à la nature des choses. L'Etat ne doit y intervenir qu'à titre de secours complémentaire, partout où la situation des communes l'exige, et après que celles-ci se seront exécutées dans les limites prescrites par la loi.

Tel est le sens raisonnable de la loi ; et si sa rédaction a donné lieu des méprises, à des interprétations que ni le gouvernement, ni la (page 366) chambre n'ont pu admettre ; c'est un motif sérieux d'expliquer pour l'avenir le sens véritable des dispositions invoquées par les communes.

C'est à quoi le gouvernement avisera ; mais ce n'est pas à coup sûr une raison pour qu'on se fasse illusion sur les conséquences de cet examen, et qu'on entretienne, dans l'esprit des communes, des espérances qui ne pourront pas se réaliser.

Ce qui résulte donc, messieurs, de cette discussion, c'est qu'il importe de mettre un terme à l'incertitude qui règne aujourd'hui. Je suis le premier à dire que cela est nécessaire, et le gouvernement en recherchera les moyens.

Mais faut-il pour cela, et pour obliger le gouvernement à anticiper sur les faits, représenter ce qui se passe comme une calamité publique ? N'exagérons rien, et surtout ne laissez pas croire aux communes qu'elles sont victimes d'une situation intolérable ; d'autant plus que cela n'est pas exact en fait, et qu'en définitive cette situation restera à peu près ce qu'elle est aujourd'hui ; car vous ne consentirez jamais, lorsque vous aurez vu les conséquences en chiffres, à grever le budget de l'Etat d'une somme aussi considérable que celle qui résulterait de l'interprétation que quelques membres ont défendue.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, une observation importante a été faite en section centrale, le rapport le constate ; M. le ministre de l'intérieur avait pris l'engagement d'y répondre. Comme il ne l'a pas fait encore, je réitérerai cette observation en séance publique.

Lors de la présentation, en 1851, du grand projet de travaux publics dans lequel il y avait de tout et pour tout le monde, le gouvernement, parmi les propositions de dépenses qu'il avait faites, comprit une demande de crédit de 1,600,000 fr. dont 1,000,000 destiné à la construction d'écoles et 600,000 fr. pour travaux d'assainissement. L'intention du gouvernement était que l'emprunt contribuât à couvrir cette dépense.

Lors de la discussion en section centrale, plusieurs membres firent observer qu'il était contraire à tous les principes usités dans un gouvernement (erratum p. 984) régulier, d'user d'une recette extraordinaire comme l'emprunt, pour subvenir à une dépense ordinaire comme celle qui concerne l'hygiène et les travaux de construction et d'ameublement d'écoles communales.

La section centrale s'associa à la demande du gouvernement, et vota la somme de 1,600,000 fr., mais à une condition, c'est que le crédit de 1,600.000 fr. serait rattaché par tiers au budget de l'intérieur des exercices 1852, 1853 et 1854. La section centrale proposa donc une disposition qui devint l'article 11 de la loi du 20 décembre 1851, et qui est conçue en ces termes :

« Il est alloué au département de l'intérieur la somme de 1,600,000 fr. à rattacher aux budgets de 1852, 1853 et 1854, répartie comme suit :

« 1° Subsides pour travaux d'hygiène publique ayant spécialement pour objet l'assainissement des villes et communes habitées par la classe ouvrière : fr. 600,000.

« 2° Subsides pour construction et ameublement d'écoles : fr. 1,000,000. »

Ni le projet de budget, ni la loi de budget de 1852, ni le projet de budget de 1833 que nous discutons ne se sont conformés aux prescriptions de l'article 11 de la loi de 1851.

Je demanderai an gouvernement comment il se fait que cet oubli a été commis. Je lui demanderai s'il a cru pouvoir faire usage de cette somme de 1,600,000 fr. Car le fait est que comme l'emprunt voté en 1851 n'était pas destiné à couvrir cette dépense, le gouvernenement ne pouvait disposer de la somme de l,600,000 fr., que moyennant les crédits alloués par le budget. Je demande à cet égard quelques renseignements à M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois que le gouvernement tient à sa disposition les fonds qui ont été votés, tant pour le million dont on vient de parler, que pour les 600,000 francs qui ont été répartis sur trois exercices, et qu'il n'est pas besoin d'un vote nouveau pour autoriser le gouvernement à faire usage de ces fonds.

Quant à l'emploi des crédits, il n'a pas encore eu lieu pour la somme d'un million parce que l'instruction de toutes les affaires n'est pas achevée ; je pense qu'elle sera complète dans le courant de l'année prochaine. En ce qui concerne le crédit de 600,000 francs, il sera imputé par parties sur les exercices de 1852,1853 et 1854.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur vient de me répondre d'une manière entièrement évasive. Qu'il ait la complaisance de jeter les yeux sur le texte de l'article 11 de la loi du 20 décembre 1851, et il verra que cet article exige que la dépense de l,600,000 francs soit rattachée au budget de trois exercices. Cet article exige que cette dépense soit inscrite par tiers dans trois budgets. Le texte est formel.

Au reste, ce qui prouve que mon interprélation est la bonne, c'est la discussion qui est intervenue dans la section centrale, et dont son rapport, déposé le 2 août 1851, fait mention.

Que dit ce rapport, page 58 ? Il constate que le ministre de l'intérieur, l'honorable M. Rogier, avait de la répugnance à inscrire cette dépense dans son budget, parce que ce mode avait l'inconvénient d'en grossir le chiffre.

La section centrale persista néanmoins dans son opinion, qui était, que l'emprunt ne devait pas couvrir cette dépense, et qu'elle devait être rattachée au budget pendant trois exercices. C'est-à-dire, cela ne peut s'interpréter d'une autre façon, que la section centrale entendait que cette dépense fut couverte par les crédits à porter au budget.

Car, notez-le bien, l'article 11 autorise une dépense, mais n'alloue pas de crédit.

Au reste, mon seul but est d’ppeler votre attention sur l'interprétation à donner à l'article 11 de la loi de 1851. Mon but est d'éclaircir une question douteuse.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il est possible, messieurs, que je me trompe sur les principes, mais il ne me paraît pas rationnel, quanf une loi spéciale met un crédit à la disposition du gouvernement, de porter encore cette somme au budget. Ainsi, le crédit de l million, à quoi voulez vous que je le rattache ? Il a été voté par une loi spéciale. Pour le crédit de 600,000 fr., il en est de même. A quoi cela peut-il servir ? Au gouvernement ? Il n'en a pas besoin. A la chambre comme avertissement ? Mais la chambre a voté le crédit. Cela ne peut donc servir à rien. D'ailleurs, il y a un précédent ; la somme n'a pas été portée au budget de 1852, et je ne vois pas pourquoi on la ferait pour 1835.

M. Ch. de Brouckere. - Je n'ai qu'une seule observation à faire. Je crois que l'honorable M. de Man confond en ce moment-ci les comptes avec les budgets. Les crédits ont été ouverts par la loi d'emprunt ; c'est une dépense extraordinaire pour les écoles comme les travaux étaient une dépense extraordinaire ; seulement la chambre a voulu que les 600,000 francs fussent dépensés en trois ans. Eh bien, il faut que chaque année 200,000 fr. soient renseignés aux comptes. Voilà comment ces sommes seront rattachées aux exercices auxquels elles se rapportent : ce n'est pas en votant aujourd'hui des crédits qui sont déjà votés, c'est par la loi des comptes.

M. Mascart. - Messieurs, une des sections a demandé par quels moyens le gouvernement s'assurait que les élèves inscrits fréquentaient réellement l'école.

Dans plusieurs localités où j'ai pu constater la réalité des faits, la différence entre le nombre des enfants inscrits et ceux fréquentant l'école est souvent du tiers ; elle excède cette proportion si on considère le petit nombre d'enfants qui fréquentent l'école pendant la période d'été, et pourtant c'est l'inscription qui sert de base pour déterminer le traitement de l'instituteur.

Avec ce système voici ce qui arrive : Lorsque l'inscription doit se faire, c'est souvent l'instituteur qui est chargé de cette besogne (il est même indiqué par l'autorité provinciale) ; il se rend au domicile des parents et procède à une inscription générale, tout y figure, sans même en excepter les impotents. De là ces statistiques merveilleuses qui reposent sur des données mensongères.

Les administrations communales ne sont pas assez personnellement intéressées à réprimer ces fraudes, qui ont pour résultat d'augmenter la part contributive de l'Etat au profit de leur instituteur, qui souvent est un enfant de leur village. Après avoir voté leurs 2 centimes additionnels, l'Etat et la province ne sont-ils pas là pour parfaire le déficit ?

S'il était vrai que tous les enfants inscrits fréquentassent l'école, on ne payerait pas trop cher uu pareil résultat par plus d'un million de francs. Mais il n'en est rien. Dans beaucoup de communes, l’école n’est fréquentée que par les 2/3 des inscrits pendant quatre mois d’hiver, du 15 novembre au 15 mars ; hors de là, ils mènent une vie pastorale, dénichent les oiseaux, gardent les bestiaux ou s’occupent de choses tout aussi étrangères à leur instruction que celles que je viens d’indiquer.

Que faut-il faire, messieurs, pour remédier à un pareil état de choses ? Je pense qu'il faudrait commencer par organiser une inspection sérieuse, en payant des agents exclusivement chargés de ce service, et décider en outre que la part contributive de l'Etat sera établie dans une proportion à déterminer, d'après le nombre d'enfants fréquentant l'école assidûment, et non en proportion du nombre nominal, tout en maintenant un minimum de traitement pour l'instituteur.

Les instituteurs sont maintenant rétribués en raison des élèves inscrits, exactement comme si ces élèves fréquentaient l'école pendant toute l'année scolaire. Ils n'ont donc aucun intérêt à avoir des écoliers assidus. Ils ont même un intérêt opposé, car il y a au budget communal un article relatif aux fournitures des classes. Si la dépense est peu élevée pour cet objet, à cause du petit nombre d'enfants, si elle n'atteint pas l'allocation du budget, il en résulte un bénéfice net, puisque l'allocation est toujours entièrement mandatée au profit de l'instituteur.

On n'a pas lésiné en matière d'enseignement primaire et on a bien fait. J'approuve entièrement le but qu'on veut atteindre, l'instructioa du peuple, et si la somme qui figure au budget de l'Etat n'y suffisait pas, il faudrait l'augmenter ; mais je demande, par compensation, qu'il soit pris des mesures pour remédier aux abus que je viens de signaler.

Au sein de la section centrale, on a demandé que la dépense incombant à l'Etat et qui figure au budget, soit mise à la disposition des intéressés, au plus tard, à la fin de l'exercice. Croirait-on que les instituteurs n'ont pas encore touché intégralement leur traitement de 1851 ?

M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre du gouvernement auquel la section centrale s'est ralliée.

M. Dumortier. - Je demande qu'on mette d'abord aux voix le chiffre qui avait été primitivement porte au budget.

M. Veydt, rapporteur. - Un mot d'explication, messieurs. En demandant, au mois de février dernier, le chiffre le moins élevé, que l'honorable M. Dumortier propose d'adopter, le département de l'intérieur, prévoyait qu'il ne serait pas suffisant. Depuis, on a pu faire le calcul du supplément de fr. 91,543-90 et il y a lieu de l'admettre, même dans le système consacré par l'arrêté royal de 1850, c'est-à-dire dans la prévision du minimum des charges qui peuvent incomber à l'Etat.

(page 367) - Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 84

« Art. 84. Subsides pour donner l'enseignement aux sourds-muets et aux aveugles : fr. 16,000. »

- Adopté.

Chapitre XVIII. Lettres et sciences

Article 85

« Art. 85. Encouragements. Souscriptions. Achats. Subsides aux dames veuves Weustenraad et Van Ryswyck ; subsides à des élèves de l'enseignement supérieur libre ; prix quinquennaux fondés par les arrêtés royaux du 1er décembre 1845 et du 6 juillet 1851. Publication des Chroniques belges inédites. Publication des documents rapportés d'Espagne. Exécution et publication de la carte géologique : fr. 59,800.

« Charges extraordinaires : fr. 11,200. »

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai quelques observations à faire concernant l'emploi de ce crédit et les suivants sur la manière dont on devrait en faire usage et sur les causes qui ont amené le gouvernement à dépasser le chiffre du budget ; mais comme la présentation d'une demande, pendant ces dernières, de crédit supplémentaire est devenue indispensable, j'ajourne mes observations jusqu'à ce que nous ayons à nous occuper de cette demande.

- L'article est adopté.

Article 86 à 95

« Art. 86. Bureau de paléographie annexé à la commission royale d'histoire. Personnel : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 87. Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Art. 88. Observatoire royal. Personnel : fr. 14,840. »

- Adopté.


« Art. 89. Observatoire royal. Matériel et acquisitions : fr. 7,160. »

- Adopté.


« Art. 90. Bibliothèque royale. Personnel : fr. 26,680. »

- Adopté.


« Art. 91. Bibliothèque royale. Matériel et acquisitions : fr. 33,320. »

- Adopté.


« Art. 92. Musée royal d'histoire naturelle. Personnel : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 93. Musée royal d'histoire naturelle. Matériel et acquisitions : fr. 7,000. »

- Adopté.


« Art. 94. Subsides à l'association des bollandistes pour la publication des Acta sanctorum ; charges extraordinaires : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 95. Archives du royaume. Personnel : fr. 23,750. »

- Adopté.

Article 96

Art. 96. Archives du royaume. Matériel : fr. 2,600. »

Le gouvernement, d'accord avec la section centrale, propose une augmentation de 2,500 fr. à titre de charge extraordinaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, cette augmentation à titre extraordinaire est demandée pour pouvoir faire confectionner des rayons et des cartons destinés à recevoir les archives de l'Etat. Vous savez que ces archives se trouvent dans une triste situation qu'elles n'ont pas même de local ; c'est pour amener un peu d'ordre dans les archives, en attendant la construction d'un bâtiment, que le gouvernement demande la somme de 2,500 fr.

- L'article 96 est adopté avec l'augmentation de 2,500 fr. comme charge temporaire.

Articles 97 à 100

« Art. 97. Frais de publication des « Inventaires des archives » : fr. 4,000. »

- Adopté.


« Art. 98. Archives de l'Etat dans les provinces. Personnel : fr. 10,800. »

- Adopté.


« Art. 99. Archives de l'Etat dans les provinces ; frais de recouvrement de documents provenant des archives tombées dans des mains privées ; frais de copies de documents concernant l'histoire nationale ; dépenses de matériel des dépôts d'archives dans les provinces ; dépenses diverses relatives aux archives : fr. 4,000. »

Deux suppléments ont été demandés en section centrale par M. le ministre de l'intérieur ; ils ont été admis par la section centrale, qui propose de porter à l'article 99, comme crédit ordinaire, 11,975 fr. et.750 fr. comme charge extraordinaire et temporaire.

- L'article 99 ainsi modifié, est adopté.


« Art. 100. Location de la maison servant de succursale au dépôt des archives de l'Etat : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre XIX. Beaux-arts

Discussion générale

La discussion sur le chapitre est ouverte.

M. Osy. - Comme la chambre paraît pressée d'en finir avec la discussion du budget de l'intérieur, j'ajournerai les observations que j'avais à faire sur le chapitre des beaux-arts, jusqu'à l'époque où M. le ministre de l'intérieur nous présentera un projet de crédit supplémentaire ; je fais donc toutes mes réserves.

M. Rogier. - Je dois dire aussi que je me réserve de présenter, à la même époque, mes observations en réponse à celles qui ont été faites dans les sections quant à l'application du crédit affecté tant aux lettres qu'aux arts. Nous nous réservons de part et d'autre.

- La discussion sur le chapitre XIX est close.

Article 101

« Art. 101. Encouragements. Souscriptions. Achats. Subsides aux sociétés musicales. Publication du Musée populaire de Belgique. Académies et écoles des beaux-arts, autres que l'Académie d'Anvers. Concours de composition musicale, de peinture, de sculpture, d'architecture et de gravure. Pensions des lauréats : fr. 167,000. »

La section centrale propose de réduire le chiffre à 129,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je me suis rallié à ce chiffre, avec la réserve expresse qu'il était entendu que je présenterais un crédit supplémentaire pour liquider tout ce qui tient à l'arriéré.

M. Osy. - En effet, messieurs, en section centrale, nous avons donné acte à M. le ministre de l'intérieur des réserves qu'il a faites. Nous l'avons engagé à rechercher s'il n'y aurait pas quelques économies à faire, de manière à pouvoir se passer d'augmentation. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien, lorsqu'il présentera des crédits supplémentaires, séparer l'exercice 1852 de l'exercice 1851 et des exercices antérieurs.

M. Rogier. - Messieurs, je suppose que nous sommes bien d'accord sur ce que propose la section centrale, M. le ministre de l'intérieur s'y ralliant. Jusqu'ici, le crédit affecté aux beaux-arts a été insuffisant. C'est la règle annuelle sans exception. Cela est inévitable.

Pour toutes les commandes qui exigent plusieurs années de travail, il est indispensable que les exercices pendant lesquels les travaux d'exécution soient chargés de leur part de dépenses ; sinon, une commande considérable pourrait absorber le crédit de toute une année. Si donc on a demandé une augmentation au budget de 1853, c'était en partie pour payer les dettes résultant de commandes faites pendant les exercices antérieurs.

Maintenant est-il entendu que M. le ministre de l'intérieur, dans les crédits supplémenlairus qu'il demandera à la chambre, comprendra toutes les dépenses résultant des commandes faites antérieurement ? S'il en est ainsi, il est évident que M. le ministre pourra marcher avec l'allocation actuelle, si elle se trouve déchargée de toutes les dettes anciennes ; si, au contraire, pendant l'exercice 1853, le gouvernement devait, avec l'allocation proposée par la section centrale, subvenir aux engagements antérieurs, le crédit serait insuffisant, comme il l'a été chaque année.

M. Malou. - Messieurs, je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien, quand il nous présentera la demande de crédits supplémentaires, y joindre un tableau indiquant de quelle manière les crédits ont été votés et de quelle manière, à différentes époques, par exemple depuis 1840, ces crédits ont été engagés.

Si ces renseignements n'étaient pas donnés, si l'on n'indiquait pas les crédits extraordinaires accordés à diverses époques, nous ne pourrions pas nous rendre compte de l'emploi qu'on en a fait.

M. de La Coste. - J'ajouterai à ce qui vient d'être dit que si l'intention de l'honorable député d'Anvers était de dégager dorénavant les crédits des anticipations qui ont eu lieu précédemment, il faudrait qu'il fût posé en principe qu'elles ne pourront plus avoir lieu à l'avenir, car sans cela on ne ferait que grossir considérablement nos dépenses.

M. Rogier. - M. le ministre de l'intérieur est entièrement libre. Je crois qu'il ne sera pas nécessaire de demander des crédits supplémentaires après 1853 ; mais c'est à la condition que M. le ministre de l'intérieur ne soit pas dans la position où je me suis trouvé en 1848, où je n'ai pas eu un centime à dépenser pour les beaux-arts, puisque les crédits accordés se trouvaient engagés. Je n'en fais pas de reproches à mes honorables prédécesseurs ; cela était inévitable, le crédit était insuffisant. Maintenant, si pour des engagements passés, pris antérieurement par le gouvernement, il est entendu que le gouvernement viendra demander un crédit supplémentaire, je reconnais que la situation sera grandement améliorée et dès lors le ministre se trouvera entièrement libre.

M. Devaux. - Je ferai observer à la chambre qu'il ne peut pas y avoir de règles absolues ; il est à désirer qu'on n'engage pas inutilement les crédits à fournir. Mais on ne peut pas poser de règles absolues ; car ce serait pousser le gouvernement dans une très mauvaise voie. Le gouvernement doit soutenir les beaux-arts, là où les particuliers ne suffisent pas, principalement pour les grands ouvrages. S'il en est ainsi, il ne faut pas pousser le ministre à ne pas excéder les sommes qui lui sont allouées pour un exercice. Si le gouvernement ne peut pas engager plus d'un exercice, il ne pourra donner de subsides que pour de petits ouvrages d'art, et, dès qu'il se présentera un grand tableau, le gouvernement (page 368) reculera, parce qu'il absorbera tout le chiffre, s'il ne peut pas répartir le chiffre entre plusieurs exercices. Je ne dis pas que le ministre doive être absolument, moralement libre de tout dépenser, mais il n'y a pas de règles absolues, et, pour ces ouvrages, il faut que le ministre puisse, en toute liberté, engager quelques exercices.

M. Osy. - Je ne ne voulais pas entrer dans la discussion du chapitre des beaux arts, mais d'après les observations qui viennent d'être faites, je suis obligé d'entrer dans quelques détails.

L'honorable M. Devaux croit que, pour les beaux-arts, le gouvernement pourra engager plusieurs budgets d'avance. Je ne partage pas cette opinion, elle est contraire à la loi de comptabilité. Mais qu'est-il arrivé ? Dans le courant de l'année, lorsque nous avons discuté le budget de 1852, je disais que l'on faisait de grandes dépenses au musée de Bruxelles pour l'exposition de 1851 : l'honorable M. Rogier m'a dit que c'était une dépense nécessaire, mais il me prévenait que la dépense qui se faisait au palais du prince d'Orange pour une fête artistique ne concernait pas le gouvernement. Effectivement ce n’est pas le gouvernement qui a ordonné cette fête artistique.

M. Ch. de Brouckere. - Je demande la parole.

M. Osy. - Mais qu'est-il arrivé ? Après la fête il y a eu un déficit et le gouvernement, pour aider la société du Cercle artistique et littéraire, a acheté tous les tableaux qui ont été exposés dans cette salle ; ils étaient très beaux là où ils étaient placés, nais je ne sais pas ce que le gouvernement en fera ; il ne pourra que les mettre dans des greniers et rien de plus.

M. Rogier. - Ils sont déjà employés.

M. Osy. - Le gouvernement a pris un arrêté royal par lequel on donne à la société du Cercle artistique et littéraire, 30 mille francs à répartir, je crois, entre cinq ou six exercices. Je trouve que c'est là une marche très irrégulière. J'espère que M. le ministre de l'intérieur actuel n'entrera plus dans une pareille voie et que sous son administration il y aura une justice distributive plus équitable que sous l'ancien cabinet.

Lors de l'exposition de 1851, le gouvernement a donné à l'exposition de Bruxelles une somme de 40,000 francs pour achat de tableaux.

M. Ch. de Brouckere. - Il n'a rien donné.

M. Osy. - Cela a coûté 40,000 francs à l'Etat ; et le gouvernement a en outre récompensé les artistes tant de l'étranger que du pays même, qui avaient pris part à l'exposition de 1851. Eh bien, je trouve que le gouvernement devrait suivre une marche identique et régulière pour les trois expositions triennales de Bruxelles, de Gand et d'Anvers ; car voyez ce qui a eu lieu. A Anvers la société des beaux-arts avait demandé à M. le ministre de l'intérieur de vouloir rentrer dans l'arrêté royal des Pays-Bas de 1827 où le roi Guillaume avait décidé qu'a chaque exposition on mettrait à la disposition des commissions 20,000 francs pour acheter des tableaux de maîtres vivanfs.

A Bruxelles on a dépensé beaucoup d'argent, on a récompensé les artistes, et à Anvers on n'a donné que six mille francs, et on n'a accordé aucune récompense aux artistes. De sorte que vous voyez que le gouvernement a fait beaucoup pour une exposition, mais très peu pour l'autre.

Je demande à M. le ministre de l'intérieur qu'il veuille bien examiner la réclamation faite par la société des beaux-arts, et par le gouverneur de la province d'Anvers, et qu'il veuille bien faire en sorte que les artistes qui viennent exposer à Anvers soient traités aussi bien que ceux qui viennent dans la capitale ; on a voulu jusqu'à ravir le nom d'exposition nationale à l'exposition d'Anvers.

D'après l'arrêté de 1827, il n'y a pas de différence entre les trois expositions du pays, elles sont toutes trois nationales. Il faut que les trois expositions soient traitées de la même manière, et je prie M. le ministre de l'intérieur d'examiner si effectivement il ne faudrait pas s'en tenir à l'arrété de 1827. L'honorable M. Rogier lui-même, poussé par la province, a fini par reconnaître, dans une lettre adressée au gouverneur, qu'il serait peut-être convenable de rentrer dans l'arrêté de 1827.

On donnerait la même somme à toutes les villes pour pouvoir acheter des tableaux de maîtres vivants. Si on trouve convenable de récompenser les artistes de Bruxelles et de l'étranger, il faut suivre la même marche pour les expositions des autres villes. J'engage le gouvernement de ne pas faire de différence. Cela avait été convenu ainsi en 1827. Le gouvernement aurait plus de facilité et moins de demandes de subsides s'il suivait une marche régulière.

M. de Theux. - Je pense que pour apprécier les faits de l'emploi du crédit des beaux-arts, il faut distinguer deux époques : celle qui a précédé la mise en vigueur de la loi de comptabilité et celle qui a suivi la mise en vigueur de cette loi. Avant la mise en vigueur de la loi de comptabilité, il était admis sans contradiction que pour les travaux publics comme pour les travaux d'art, un ministre pouvait imputer sur le crédit une partie de la dépense totale à faire, pourvu que cette partie n'excédât pas les ressources de son budget, les autres parties pouvaient être imputées sur les crédits des années ultérieures.

Cette marche ne présentait pas d'inconvénients ; seulement pour ne pas excéder les sommes que la législature autorisait le gouvernement à dépenser, il n'aurait fallu venir demander de crédits supplémentaires, sous prétexte que le crédit porté au budget était entamé par un contrat antérieur ; sans cela, il est évident que si un ministre venait dire : Mon prédécesseur a engage le crédit pour 3 ans ; il faut liquider la situation ; il en résulterait une aggravation de dépense.

Les choses ne se passaient pas ainsi ; comme chaque ministre imputait ses commandes sur les budgets subséquents, il devait subir, accepter la position qui lui était faite par le ministre sortant. Sous ce rapport donc, il n'y avait pas de difficulté.

Aujourd'hui la situation est changée ; depuis la mise en vigueur de la loi de comptabilité, il faut qu'on trouve moyen de faire des commandes qu'on puisse solder dans le cours de l'année si l'on ne veut pas se mettre en contradiction avec le caractère annal du budget.

Le régime de la loi de comptabilité est plus sévère que celui qui avait été admis par la législature. Il faut faire quelque chose, car comme l'a dit M. Devaux, si tout travail doit être payé sur le budget courant, il est évident qu'une seule commande pourrait absorber tout le crédit. Il faut que le ministre trouve moyen de sortir de cet embarras et en fasse part à la chambre.

M. Ch. de Brouckere. - L'honorable M. Osy a parlé de deux faits ; il en est un que je ne connais pas assez parfaitement pour pouvoir m'en expliquer ; quant à l'autre, comme j'étais président de la commission de l'exposition de 1851, je puis donner des renseignements très précis.

L'année dernière M. Osy, dans cette chambre, parlait déjà des dépenses en cours d'exécution pour l'exposition des beaux-arts ; je lui ai répondu alors que l'Etat n'aurait pas à intervenir pour ces dépenses extraordinaires. En effet, le gouvernement n'a mis à la disposition de la commission que la somme que tous les trois ans il consacre à l'exposition de Bruxelles, la ville a fourni dix mille francs, et l'exposition a produit une somme de 53 mille francs, ce qui a fait une somme de 63 mille francs. Toute la dépense extraordinaire d'appropriation, etc., n'a pas coûté 40 mille fr. Il y a eu un déficit de 3 mille et quelques cents francs ; nous avons affecté une somme de 6 mille francs pour encourager quelques jeunes artistes ; pas un seul tableau n'a été acheté par la commission ou le gouvernement.

Les achats de tableaux ont été faits avec le produit des souscriptions. J'ai dit que 6 mille francs avaient été consacrés aux encouragements, c'est 5,500 fr. qui ont été répartis entre de jeunes artistes pour les dédommager des dépenses qu'ils avaient faites pour l'exposition. Car les jeunes artistes pour produire sont entraînés à des dépenses et particulièrement les sculpteurs.

M. Rogier. - Je me bornerai à défendre un acte critiqué par le député d’Anvers. Il pense que le cabinet précédent a agi avec irrégularité, avec prodigalité en accordant à une société particulière un subside de 30 mille francs répartis en 6 années.

Messieurs, la société à laquelle on a fait allusion a rendu aux arts des services signalés dans deux circonstances mémorables, en 1848 et en 1851.

Tout le monde se rappelle la splendeur des fêtes qui ont eu lieu sous le patronage du Cercle artistique. C'est à l'occasion de la grande exposition universelle où tous les artistes étrangers avaient été invites, que cette société a organisé sa seconde fête.

Tous les artistes ont prêté leur concours à cette société ; à cette occasion un grand nombre de tableaux remarquables ont été produits par nos généreux artistes qui n'ont rien demandé pour prix de leur concours. C'est un hommage que je me plais à leur rendre.

Arrivée au moment de la liquidation, la société avait entre les mains une richesse véritable, 80 tableaux appartenant à nos maîtres les plus distingués.

Je sais que plus d'un de ces tableaux se ressentent un peu de la rapidité du travail (et c'était le mérite de plusieurs) de l'improvisation. Mais il en est un grand nombre qui ont un mérite, une valeur réelle. Si l'honorable M. Osy proposait à la chambre de laisser, à la charge du ministre qui a contracté, les conséquences du contrat, je les accepte.

M. Orts. - Vous feriez une très bonne opération.

M. Rogier. - Il y a ici un sentiment de délicatesse que chacun de vous appréciera.

Le Cercle n'a pas voulu mettre en vente ces tableaux qui avaient été faits gratuitement par les artistes ; il en aurait retiré une somme beaucoup plus forte que celle que je lui ai allouée conditionnellement. On a cru qu'il ne serait pas convenable de tirer parti du labeur généreux de tous les artistes qui avaient concouru à la fête. C'est dans cette circonstance que le Cercle s'est adressé au gouvernement pour combler le déficit, en lui cédant ces tableaux. Le gouvernement n'a pas cru devoir repousser cette offre. Ces tableaux (il y a un grand nombre de portraits historiques) seront répartis entre nos divers monuments publics, jusqu'à ce que nous ayons un local digne de recevoir ies œuvres de nos artistes, tant anciens que modernes.

Je pense que l'on est venu visiter le palais où nous siégeons, pour examiner s'il n'y aurait pas moyen d'y placer de ces tableaux. Plusieurs sont déjà placés, et, à les voir, on ne croirait pas qu'ils ont été faits en quelques jours.

Le Cercle artistique n'est pas une société de simple agrément. C'est une société qui rend des services journaliers à la capitale et au pays. Elle renferme des artistes, des littérateurs, des hommes de science, elle offre à tous ceux qui séjournent ou viennent à Bruxelles un aliment intellectuel qu'on ne trouve pas ailleurs. Eile a organise des cours qui sont fréquentés par un grand nombre d'auditeurs et que donnent des hommes éminents du pays.

(page 369) Je citerai l'honorable bourgmestre de Bruxelles, qui ne craint pas de s'associer à ce genre de services, lui qui journellement en rend beaucoup d'autres à la capitale. Ces cours ne sont pas publics ; mais ils sont accessibles à un très grand nombre d'auditeurs. Le Cercle a accepté la condition de les donner pendant la durée du subside. J'ai obtenu cette condition sans de grands efforts ; car tout s'est fait d'une manière libérale de part et d'autre, de la part du Cercle surtout. J'ai donc obtenu ces 80 tableaux qui avaient figuré à la fête artistique et l'engagement d'organiser, pendant 5 ans, des cours scientifiques, littéraires et artistiques.

Voilà en quoi consiste le contrat que j'ai conclu avec le Cercle, et que je ne regrette en aucune manière.

On a soulevé une question de responsabilité : on a dit que je n'avais pas le droit d'engager le budget au-delà de l'année où le contrat a été passé. C'est une manière par trop judaïque d'interpréter la loi. En tout temps, et il en a le droit, le gouvernement a dû engager pour certaines dépenses importantes les exercices postérieurs à celui où il fait la première imputation. Cela se fait notamment pour la voirie vicinale, pour laquelle vous allouez un subside de 1,500,000 fr. Quand une commune demande un subside pour des travaux à exécuter en 3 années, le subside se répartit sur les trois années. Pour les travaux communaux (écoles, églises, hôtels de ville) toujours les subsides se répartissent sur un certain nombre d'années ; jamais, à aucune époque, cela ne s'est fait autrement.

L'honorable ministre de l'intérieur (quoique son budget va se trouver singulièrement dégrevé pour 1853) sera forcé, c'est à craindre, d'engager les exercices suivants. Cela se fait pour toutes les travaux d'une certaine importance. C'est d'ailleurs formellement autorisé par le dernier paragraphe de l'article 19 de la loi de comptabilité qui porte : « Quand la dépense, à raison de l'importance des travaux, ne peut se réaliser pendant la durée du budget, les ministres peuvent contracter pour un plus long terme qui, toutefois, ne dépassera pas cinq années, à compter de l'année qui donne son nom à l'exercice. »

Je me suis engagé vis-à-vis du Cercle pour six ans. Si l'on veut exécuter strictement la loi, on peut payer le subside par sixième en cinq ans, au lieu de le payer par cinquième en six. Voilà en quoi consiste la rectification.

Quant au contrat en lui-même, je crois qu'il mérite plutôt des éloges que du blâme. Du reste, si l'on peut le mettre à ma charge, je l'accepte.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je pense pouvoir vous soumettre cette observation que la discussion proprement dite trouvera mieux sa place à l'époque où le gouvernement apportera le projet de loi de crédit supplémentaire. Celui des beaux-arts en fera partie.

Quant à ce crédit supplémentaire, il est très facile de justifier l'attitude que le gouvernement a prise au sein de la section centrale, sans critiquer en aucune façon le système suivi par les ministères antérieurs.

Dans la section centrale on a émis le vœu que le gouvernement se renfermât à l'avenir dans la limite des allocations. En principe général, cela est désirable ; mais j'ai dit que pour cela, il n'y a qu'un moyen à employer, c'est de dégager l'administration nouvelle de la charge des engagements antérieurs. De mon côté, je m'engage à ne plus dépasser les crédits, sauf les cas exceptionnels où il est impossible au ministre de se renfermer dans des limites absolues.

Ainsi une œuvre importante devra être achetée par le gouvernement ; ces cas sont rares, mais ils se présentent. Dans ce cas il y aura deux voies à suivre, ou bien de trouver dans la loi de comptabilité un moyen administratif d'étendre le crédit d'un exercice à l'autre, ou bien d'user de la ressource d'un crédit spécial, ce qui peut se faire sans doute pour une acquisition importante.

M. Orban. - Messieurs, je suis d'avis avec M. le ministre de l'intérieur, que le moment de traiter cette question plus à fond est celui où des crédits extraordinaires nous seront demandés pour régulariser cette affaire.

Mais je dois faire toute réserve et déclarer que si nous ne répondons pas dès maintenant aux théories étranges qui viennent d'être énoncées, c'est parce que nous attendons une discussion qui est prochaine. Il faudrait déchirer la loi de compatibilité, si elle devait être interprétée comme on vient de le faire.

M. de Man d'Attenrode. - Je m'associe à l'observation de l'honorable M. Orban. Mais en attendant la discussion, je proteste contre la théorie qui vient d'être développée par l'honorable M. Rogier, et je déclare qu'interpréter la loi de comptabilité comme il vient de le faire, c'est en dénaturer complètement le sens, c'est annuler l'article 16 de cette loi.

M. Dumortier. - Puisque la chambre veut remettre cette discussion à une autre époque, je n'entends pas l'engager en ce moment. Mais je dirai quelques mots, non pas sur les crédits que nous aurons à voter pour dépenses antérieures, mais sur celui qui nous est demandé.

Je crois, messieurs, que dans l'emploi du subside que nous allons voter, il est désirable que le gouvernement comprenne bien le but primitif que nous avons eu en portant au budget cette dépense.

Quel est le but que nous avons eu en portant, il y a vingt ans, au budget de l'Etat, un subside pour les beaux-arts ? Ce but a été de pouvoir réunir dans un musée, comme on l'a fait dans d'autres pays, des chefs-d'œuvre de l'école belge. L'école belge de peinture et de sculpture jouit, en Europe, d'une bien juste et bien légitime célébrité. Cette école constitue une des parties notables de la gloire nationale de notre pays, et certes, en possédant dans la capitale et à Anvers où il y a un magnifique musée, des échantillons du savoir de nos artistes, nous faisons une œuvre éminemment patriotique, et nous pouvons attirer beaucoup d'étrangers dans notre pays.

Mais pour arriver à ce résultat que faut-il ? Il faut nécessairement renoncer au système qui a été suivi depuis un grand nombre d'années, d'acheter des ouvrages qui ne sont souvent pas dignes d'être exposés aux yeux des étrangers ou qui sont employés à meubler les ministères. Nous ne votons pas des fonds pour faire l'ameublement de MM. les ministres ; nous votons des fonds pour conserver dans notre pays des échantillons parfaits de tous nos grands artistes.

Eh bien, je dois dire et je dois regretter que depuis un grand nombre d'années il n'en soit pas ainsi. Car, j'ai beau chercher autour de moi, voir quels sont les tableaux de nos grands maîtres qui sont venus augmenter nos collections.

Je n'en vois pas. Je vois en revanche des esquisses qui ont été achetées par le gouvernement, mais on ne fait pas des musées avec des esquisses. Sans doule elles peuvent avoir beaucoup de mérite, moi-même j'en fais grand cas. Mais vous ne parviendrez pas à faire ainsi un musée national des œuvres de tous nos grands articles.

Dans le temps on a commandé de magnifiques tableaux à nos grands artistes, à Gallait, à Wappers, à de Keyser. Où figurent ces tableaux ? Ils figurent à la débandade, les uns à la cour de cassation, les autres aux Augustins, d'autres je ne sais où.

- Un membre. - A la chambre des représentants.

M. Dumortier. - Ils sont probablement alors roulés dans les greniers, ce qui est très déplaisant pour les artistes qui les ont faits et pour le public qui désire les voir.

Il est à désirer que, lorsque nos finances le permettront, le gouvernement pense enfin à construire un local suffisant pour y placer toutes les œuvres de ces artistes qui font partie de la gloire nationale de la Belgique.

Mais il est un grand nombre d'autres artistes, de ceux qui cultivent ce qu'on appelle le genre, le paysage, qui n'ont pas encore, si je suis bien informé, obtenu de commandes du gouvernement ; et à cet égard je me permettrai une réflexion. Je reconnais que lorsqu'il s'agit de grands ouvrages d'art, il est impossible de payer, sur un seul budget, un tableau, une statue qui demande deux ou trois années d'exécution. C'est ainsi que lorsque nous avons voté les fonds nécessaires pour l'exécution de la statue de Godefroid de Bouillon, la dépense a été répartie, je crois, sur quatre eu cinq exercices. Je le répète, je conçois qu'il en soit ainsi pour de grands tableaux, pour des statues équestres, pour des œuvres qui demandent plusieurs années d'exécution. Mais il n'en est pas de même pour les tableaux de genre ; ils ne demandent pas plusieurs années d'exécution.

Quelle est, messieurs, la manière d'acquérir ces tableaux, qui sont quelquefois de véritables chefs-d'œuvre ? Ce serait de faire ce qu'on fait en France, ce qu'on fait à Paris. Lorsqu'une exposition va avoir lieu, avant qu'elle ne soit ouverte le gouvernement fait ses achats.

- Un membre. - Le gouvernement a acheté le tableau de Gallait.

M. Dumortier. - Le gouvernement, à l'aide d'un subside, a permis à la ville de Tournay d'acheter cette toile, et je lui en exprime toute ma reconnaissance. Mais il n'a pas pu acheter des tableaux délicieux, des tableaux parfaits qui se trouvaient à l'exposition. Et cela se conçoit. Si le gouvernement n'achète qu'à la fin de l'exposition, savez-vous ce qui arrive ? C'est que les chefs-d'œuvre sont acquis par les amateurs ou par les marchands de tableaux, et que le gouvernement doit prendre alors des œuvres de beaucoup moins de mérite.

En France, on a adopté le système contraire. Le gouvernement fait ses acquisitions avant l'ouverture de l'exposition, et il est parvenu ainsi à réunir au Luxembourg une collection admirable de chefs-d'œuvre produits par les maîtres de l'école française. C'est ce système qu'il faudrait adopter, et non le système inverse par lequel vous arrivez à n'avoir souvent que des tableaux que les artistes eux-mêmes ne désirent pas de voir exposer cn public.

Il y a, je le sais, une part à faire, dans les subsides, aux jeunes artistes ; il faut que le gouvernement les encourage. Mais la part qui est destinée à l'acquisition d'ouvrages de talents connus doit être employée de manièie à ce que vous obteniez des chefs-d'œuvre.

Allez à Amsterdam ; vous y verrez à l'hôtel de ville une collection peu nombreuse, mais qui a une immense valeur parce qu'elle ne contient que des chefs-d'œuvre.

J'engage donc le gouvernement à adopter le système qui est suivi en France, et qui consiste à faire ses acquisitions avant l'ouverture de l'exposition. Par ce moyen vous arriverez à former des collections magnifiques et dignes d'être montrées à l'étranger.

Il est encore une chose, selon moi, regrettable. Depuis bien des années j'ai vivement désiré de voir commander aux chefs de notre école, à tout ce que nous avons de plus élevé dans notre école, les portraits des fondateurs de la dynastie. Comment se fait-il que nous n'ayons pas dans nos musées un portrait en pied du Roi, un portrait en pied de la Reine dont nous avons toujours la douleur de déplorer la perte, un portrait de nos princes faits par un des grands artistes du pays ? Nous vivons à une époque où l'art s'est régénéré en Belgique, de telle sorte qu'on peut comparer cette époque à celle d'Albert et d'Isabelle.

Vous trouvez partout ces portraits d'Albert et d'Isabelle, vous ne trouvez nulle part le tableau du Roi, fait par un grand peintre de la Belgique.

(page 370) J'engage vivement M. le ministre de l'intérieur, surtout si l'arriéré est déblayé, à faire en sorte que nous ayons, non pas une copie du portrait du Roi, une copie du portrait de la Reine, mais des portraits originaux faits par nos premiers artistes. Nous avons dans ce palais un portrait de la Reine qui est sans doute une jolie peinture, mais qui n'émane pas de l'un de nos plus grands maîtres. Or, j'engage le gouvernement à faire faire, par les principaux de nos artistes, les portraits des fondateurs de la dynastie. Cela est nécessaire pour l'honneur et pour la gloire nationale ; car réellement, dans un pays artistique comme le nôtre, un pays qui produit des artistes si éminents, il serait regrettable de devoir dire plus tard qu'on a fait d'immenses sacrifices pour les beaux-arts et qu'on ne peut pas montrer un portrait de son Roi, de sa Reine, qui soit l'œuvre d'un grand peintre.

M. de Theux. - J'engage M. le ministre de l'intérieur à se mettre d'accord avec tous ses collègues sur l'interprétation de l'article 19 de la loi de comptabilité et à communiquer ensuite à la chambre la pensée du gouvernement, sur toutes les applications de cet article par les divers ministères, quant aux engagements qui doivent s'étendre à plus d'une année. Nous discuterions alors la question, qui doit absolument être résolue d'une manière ou d'une autre, au sein du parlement. On ne peut pas rester dans cette position où le gouvernement interprète d'une manière et les députés de l'autre, car ainsi la comptabilité dégénérerait en confusion. L'absence de règle sur le point si important des dépenses qui s'étendent au-delà d'un exercice, pourrait entraîner de très graves inconvénients. Jusqu'à présent j'admets volontiers qu'il n'en est pas résulté d'inconvénients extrêmement graves, mais si les théories qu'on veut faire prévaloir passaient dans les faits, si l'on croyait pouvoir engager plusieurs exercices d'une manière illimitée, il pourrait arriver un jour, par le fait du gouvernement, que la chambre se verrait dans le cas de devoir repousser les dépenses ainsi faites. Il est donc de toute nécessité que le gouvernement nous soumette une opinion complète sur l'application de l'article 19 à toutes les catégories de dépenses et que la question soit une bonne fois discutée à fond dans les chambres.

M. Loos. - La discussion de l'article relatif aux beaux-arts et les crédits supplémentaires qui sont demandés chaque année prouvent avant tout une chose, c'est que le crédit porté au budget est insuffisant. Ce crédit a été dépassé par tous les ministres qui se sont succédé au département de l'intérieur jusqu'à ce jour.

Nous sommes, messieurs, le pays de l'Europe qui possède le plus grand nombre d'artistes et nous sommes le pays de l'Europe qui dépense le moins pour les beaux-arts. J'entends très souvent, dans cette enceinte et au-dehors, vanter ce que la Belgique fait pour les beaux-arts et, en définitive, ce que nous faisons c'est d'en parler beaucoup.

Si vous voulez, messieurs, que le ministère de l'intérieur se renferme dans les crédits que vous lui accordez, étendez un peu le cercle de ces crédits ; sans cela, malgré toutes les bonnes résolutions que j'entends manifester, il en sera pour le futur comme il en a été pour le passé.

Je propose donc, pour ma part, le seul remède possible, c'est l'augmentation du chiffre porté au budget. Je demande que ce chiffre soit porte de 167,000 à 200,000 fr.

Dans ces vingt années de paix dont nous avons joui, tous les pays ont fait des progrès immenses pour les beaux-arts ; je ne dirai pas que nous sommes restés stationnaires, ce ne serait pas la vérité ; mais en fait de sacrifices faits par le gouvernement, nous sommes sans doute au dernier rang.

Si la chambre admettait le chiffre de 200,000 fr. que je demande, voici comment j'entendrais qu'on agît pour les engagements qui s'étendent à plusieurs exercices. Le compe de l'exercice pendant lequel l'engagement serait contracté serait débité de toute la somme. Ainsi je suppose une dépense de 30.000 fr. à répartir sur trois exercices. Eh bien, l'exercice courant serait débité de 30,000 fr. et on ne dépasserait pas le chiffre du budget. De cette manière on pourrait se renfermer rigoureusement dans la prescription de la loi de comptabilité, et en définitive, on ne dépenserait pas plus qu'on n'a dépensé jusqu'ici.

M. Rogier. - On a relevé des théories effrayantes que j'aurais mises en avant en ce qui concerne la manière d'appliquer le crédit des beaux-arts. Je n'ai développé aucune espèce de théorie, surtout quant à la comptabilité ; je n'ai pas la prétention d'être un théoricien comptable, comme quelques-uns de mes honorables adversaires ; je me suis borné à donner lecture du paragraphe 3 de l'article 19 de la loi de comptabilité, qui autorise le gouvernement à engager l'Etat pour cinq exercices lorsqu'il s'agit de travaux importants. Je m'en réfère à cet article, ni plus ni moins, et je prie mes honorables adversaires de bien vouloir ne pas me faire dire plus que je n'ai dit.

M. Orts. - J'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. Dumortier parler de l'application du crédit dont la chambre s'occupe en ce moment. L'honorable membre a insisté sur un mode de répartition de la somme allouée pour l'encouragement des beaux-arts, qui pourrait prêter à des inconvénients sérieux si l'on prenait l'idée de M. Dumorlier dans un sens trop absolu, sens qui, je m'empresse de le reconnaître, est considérablement atténué par les dernières paroles de l'honorable membre. Il engage le gouvernement à acheter des chefs-d'œuvre, pour enrichir le musée et pour servir de modèle....

M. Dumortier. - C'était un but.

M. Orts. - C'était un but, soit, mais l'honorable M. Dumortier doit reconnaître qu'il est bon de donner quelques encouragements plus positifs, plus solides aux jeuues artistes, que la faculté d'imiter les chefs-d'œuvre qu'on mettrait à leur disposition dans les musées. Il me paraît qu'il faut faire du crédit alloué aux beaux-arts un partage équitable et appeler les jeunes artistes à y prendre une part comme les sommités de l'art. Cela est d'autant plus convenable que les sommités de l'art trouvent beaucoup plus de facilité pour placer leurs œuvres. Le fonds des beaux-arts est, sinon avant tout, au moins pour une grosse part, un fonds d'encouragement. Une équitable répartition doit évidemment être opérée.

L'honorable M. Dumortier s'est plaint également du placement éparpillé de certains ouvrages d'art, acquis très convenablement d'ailleurs, d'après lui, par le gouvernement.

Il y a plusieurs manières de résoudre la difficulté que soulève ici l'honorable M. Dumortier. La meilleure réponse à faire au reproche qu'il adresse à cet emploi du crédit, serait, par exemple, d'adopter l'amendement que vient de présenter l'honorable M. Loos, c'est à-dire de mettre le gouvernement à même d'augmenter le nombre de nos richesses artistiques nationales, et de les loger dans un local digne d'un pays artistique comme la Belgique. En effet, messieurs, les richesses artistiques nationales ne sont pas logées, en Belgique, comme elles devraient l'être. Lorsqu'on examine ce qui se fait sous ce rapport dans les pays voisins, on est réellement à regretter de voir ces pays nous devancer considérablement.

A cet égard, je ne citerai qu'un pays comme exemple : la Bavière. Certes, la Bavière n'est pas un pays aussi riche que la Belgique ; son importance territoriale, sa population sont moindres ; eh bien, si l'on examine ce que la Bavière fait pour encourager les beaux-arts, si l'on examine les édifices destinés, dans la seule ville de Munich, à recevoir les richesses artistiques du pays, on verra quela Belgique est bien loin d'égaler la Bavière ; un juste sentiment d'orgueil national nous fera regretter ces comparaisons.

L'honorable M. Dumortier ne veut pas qu'en attendant que le gouvernement puisse disposer d'un local convenable, il éparpille les ouvrages d'art achetés par l'Etat, dans des monuments publics. Je ne puis partager l'opinion de l'honorable membre. Au point de vue de l'art, de l'étude, beaucoup d'ouvrages d'art sont mieux placés, isolés dans certains monuments publics, que dans un musée, très mal disposés d'ailleurs, en Belgique, où ils sont écrasés par un voisisage qui souvent ne leur est pas très favorable, et placés dans de mauvaises conditions de lumière et d'effet.

Rappelez-vous, messieurs, les justes critiques dont le gouvernement français a été souvent l'objet à une autre époque, pour avoir enlevé à des églises certaines richesses artistiques et les avoir placées au musée de Paris où elles étaient livrées à l'examen, à l'étude du public dans des conditions que l'auteur n'avait pas prévues.

Eh bien, ces réflexions sont applicables au mode de placement que suit maintenant notre gouvernement et le justifient en beaucoup de points.

Je terminerai ces observations que je veux abréger autant que possible, eu égard à l'heure avancée de la séance, en disant un mot sur un autre système d'emploi du crédit des beaux-arts qu'a indiqué l'honorable M. Osy ; l'honorable membre a reproché au gouvernement de ne pas appliquer à chaque exposition triennale de peinture, de sculpture et de dessin le même crédit destiné aux acquisitions et une même somme de récompenses.

Au premier abord, des motifs de justice distributive semblent militer en faveur de l'idée émise par l'honorable M. Osy ; et quoique l'honorable membre prétende que la justice distributive a été méconnue au profit de la capitale, ce n'est pas dans l'intérêt de la ville de Bruxelles que je réclame une application différente de celle dont parle l'honorable membre. La suite de mes observations va le prouver.

Je crois qu'on ne peut pas décider d'avance qu'à chaque exposition triennale, le gouvernement donnera la même somme de récompenses et d'argent ; il y a, pour ne pas agir ainsi, un excellent motif ; c'est qu'à chaque expositi n triennale, le nombre des objets exposés peut considérablement varier, ainsi que l'ordre de mérite de ces objets, de même que le nombre et le mérite des exposants.

Il peut très bien se faire qu'à une époque déterminée, après de nombreuses expositions négligées, un salon soit beaucoup plus brillant, plus riche que les expositions précédentes. Je me hâte de dire ici, pour justifier ce que j'annonçais tout à l'heure, que j'ai vu, à Bruxelles, des expositions inférieures à telle ou telle exposition de Gand ou d'Anvers.

Or, vous comprenez, messieurs, que lorsque toutes les somités artistiques du pays, de l'Europe même, se donnent en quelque sorte rendez-vous à une exposition triennale belge, elles ne se donnent pas ordinairement rendez-vous à une exposition suivante ; et l'on conçoit que dans ce cas le nombre des récompenses et l'intérêt à acquérir ne peuvent pas être les mêmes pour les deux expositions.

Voilà les courtes observations que je voulais soumettre à M. le ministre de l'intérieur pour que, dans sa sagesse, il les mette en regard du système un peu*a trop absolu préconisé par un honorable préopinant.

M. de Theux. - Messieurs, je demande le renvoi de l'amendement de l'honorable M. Loos à la section centrale ; l'honorable membre vous propose cet amendement comme un moyen d'empêcher à l'avenir des demandes de crédits supplémentaires au chapitre des beaux-arts. Eh bien, je suis convaincu, d'après l'expérience du passé, que ce moyen sera inefficace : le chapitre a été successivement augmenté, et cela n'a pas fait éviter les crédits supplémentaires.

(page 371) Une autre considération, c'est que M. le ministre de l'intérieur a annoncé qu'il était dans l'intention de demander un crédit supplémentaire pour liquider l'arriéré.

D'autre part, on est en désaccord sur l'interprétation à donner à l'article 19 de la loi sur la comptabilité ; aussi longtemps que le gouvernement croira avoir le droit d'anticiper sur l'avenir, vous n'aurez rien gagné.

Il faut donc que l'affaire des crédits supplémentaires soit vidée, ainsi que l'interprétation de l'article 19 de la loi sur la comptabilité. Jusque-là vous n'aurez rien résolu.

M. Loos. - Messieurs, je ne vois pas quel pourrait être le mérite du renvoi de ma proposition à la section centrale. On ne veut sans doute pas interrompre la discussion du chapitre des beaux-arts. Eh bien, quel rapport la section centrale pourrait-elle faire d'ici à demain ? Tout le monde désire qu'à l'avenir on ne présente plus de crédits supplémentaires. Or, ma proposition fera atteindre ce but, en ce qui concerne les beaux-arts.

Quant à l'objection tirée de l'article 19 de la loi sur la comptabilité, il est facile de répondre. Quand toute la somme votée dans un budget n'aura pas été dépensée dans le délai prescrit par la loi de comptabilité, on portera l'excédant par rappel au budget suivant.

Je pense donc qu'il suffira qu'on réfléchisse d'ici à demain sur mon amendement, en supposant qu'on lève la séance, pour que chacun de nous puisse se prononcer en connaissance de cause.

M. Osy. - J'appuie le renvoi de l'amendement à la section centrale ; si j'ai bien compris l'honorable M. Loos, je crois que ce qu'il indique est contraire à la loi sur la comptabilité.

Messieurs, rappelez-vous ce qui a eu lieu, lorsqu'un membre de la chambre est venu proposer, au budget des dotations, une diminution sur le traitement des membres de la cour des comptes ; l'honorable M. Frère-Orban, alors ministre des finances, a fortement combattu cette proposition, en disant qu'on ne pouvait pas modifier une loi par le budget.

Je demande donc le renvoi de la proposition à la section centrale ; d'ici là on l'examinera avec M. Loos, et nous ferons un rapport.

M. de Theux. - Messieurs, la chambre doit d'autant plus accepter ma motion qu'elle a déjà posé un précédent analogue ; lors de la discussion du crédit affecté aux chemins vicinaux, M. le ministre de l'intérieur avait manifesté le désir que ce crédit fût augmenté ; ce qu'il n'a pas fait alors. Il a indiqué que, pour bien faire, un million serait nécessaire pour que l'on pût achever divers chemins vicinaux qui étaient entrepris. Qu'a fait la chambre ? Elle a renvoyé l'amendement qui avait été proposé à la section centrale, et celle-ci, à l'unanimité, a conclu au rejet de l'amendement. Les honorables auteurs de l'amendement y ont renoncé, et M. le ministre de l'intérieur n'a pas insisté pour leur adoption. Voilà donc un précédent que nous venons de poser il y a peu de jours ; et je ne pense pas que la chambre voulût d'emblée, et en quelque sorte d'office, majorer le chiffre du budget de l'intérieur.

M. Dumortier. - Je crois que la discussion doit continuer demain ; j'aurais à répondre aux observations de l'honorable M. Orts, qui veut, lui, éparpiller le crédit, tandis que moi je veux'au contraire le concentrer, je ne vois rien qui s'oppose à ce que l'on examine la proposition de M. Loos. Comme lui, je désire voir porter le crédit au chiffre indiqué par cet honorable membre, car si par là on arrive à supprimer les crédits supplémentaires, nous aurons fait une très bonne action en adoptant ma proposition.

Maintenant l'honorable M. Loos demande que l'on renvoie sa proposition à la section centrale ; je ne vois pas de raison pour que la chambre s'oppose à ce renvoi.

- La discussion est close sur la motion d'ordre.

La motion d'ordre est mise aux voix et adoptée. En conséquence, l'amendement est renvoyé à la section centrale.

La séance est levée à 4 heures et demie.