Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 28 janvier 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 493) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Edmond Auguste Sudrot, ancien maréchal des logis au régiment des guides, né à Paris, demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Outshoorn prie la chambre de le faire indemniser, ainsi que les sieurs Cuppeni et Telghuys, des pertes essuyées par suite des événements de guerre de la révolution. »

M. Verhaegen. - C'est encore une de ces anciennes affaires qui devrait être vidée comme beaucoup d'autres. Je propose le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

M. Vermeire. - Les pétitionnaires, messieurs, sont d'anciens négociants qui sont victimes de l'interprétation littérale et, d'après moi, trop rigoureuse d'une disposition de la loi qui alloue des indemnités à ceux qui ont souffert des événements de 1830.

En appuyant la proposition de l'honorable M. Verhaegen, je viens recommander la pétition à l'attention toute spéciale de la commission des pétitions.

M. Osy. - J'appuie également la proposition de M. Verhaegen. Je crois que la pétition doit être examinée avec beaucoup d'attention, et la réclamation du pétitionnaire me semble très fondée.

M. Sinave. - J'appuie ce que viennent de dire les honorables préopinants. Il s'agit d'une injustice à réparer.

- La proposition de M. Verhaegen est mise aux voix et adoptée.


« Le sieur Leclair se plaint d'avoir été incarcéré sans motif au mois de février 1852. »

« Même plainte du sieur Van Gonsen. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le baron de Vivario propose des modifications à la loi électorale. »

- Renvoi à la commksion des pétitions.


« Des habitants de Philippeville demandent une loi qui cède à cette ville les terrains occupés actuellement par les fortifications de la place et qui autorise la création d’un dépôt de mendicité. »

« Plusieurs habitants de Philippeville présentent des observations relatives au démantèlement de cette place. »

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, déjà des pétitions qui ont le même but ont été renvoyées à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport. Je demanderai que les deux pétitions déposées aujourd'hui soient jointes aux autres et que M. le rapporteur veuille les mentionner dans son rapport.

L'objet de ces pétitions mérite l'attention de la chambre et du gouvernement, par la mesure récente prise à l'égard de la démolition de la place de Philippeville.

- La proposition de M.de Baillet-Latour est mise aux voix et adoptée.


« Des négociants à Bruxelles demandent une loi qui règle l'exercice du droit de préemption accordé à la douane. »

M. Prévinaire. - Cette pétition signale à l'attention de la chambre un abus très grave : je propose le renvoi à la commission avec demnande d'un prompt rapport.

- Adopté.

Projet de loi interprétatif de l’article 14 de la loi du 25 mars 1851 sur la compétence civile

Rapport de la commission

M. Lelièvre dépose le rapport de la commission qui a été chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'interprétation de l'article 14 de la loi du 25 mars 1851 concernant la compétence civile.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et snet le projet à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà.portés.

Rapports sur des pétitions

M. Lesoinne dépose le rapport de la commission d'industrie sur la pétition de MM. Falize et Trapmann relative aux droits de douane sur les cardes, les armes de guerre et de chasse et les amorces fulminantes.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en met la discussion à la suite de l'ordre du jour.

M. de La Coste. - Messieurs, vous avez renvoyé à la commission permanente de l'industrie, avec demande d'un prompt rapport, la pétition des sieurs Verschaeve, distillateurs à Ypres. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission.

- Le rapport sera imprimé et distribué.

La chambre en fixe la discussion à la suite de l'ordre du jour.


« Discussion du rapport fait sur la pétition de la députation permanente du conseil provincial de Hainaut, concernant le remboursement des intérêts de l'encaisse provincial du Hainaut, existant au 30 septembre 1830. »

La parole est à M. de Renesse.

M. de Renesse. - Messieurs, il est incontestable que huit de nos provinces avaient, au 1er octobre 1850, leurs fonds provinciaux dans les caisses de la Société Générale chargée des fonctions de caissier du royaume des Pays-Bas, et qu'ils y étaient confondus avec les fonds de l'Etat. Ces fonds provinciaux, après les événements de la révolution, restèrent dans les caisses de la Société Générale qui ne voulut pas s'en dessaisir, parce que ces fonds avaient été versés sans assignation de la quotité appartenant aux provinces, et qu'il existait alors au sujet de l'encaisse une discussion entre le gouvernement et la Société Générale.

Par un arrangement intervenu le 8 novembre 1833 entre l'Etat et la Société Générale, celle-ci s'engagea à payer au gouvernement, jusqu'au règlement définitif, les intérêts de 12 millions d'obligations de l'emprunt 5 p. c. de 1831 qu'elle avait données en garantie à l'Etat pour l'encaisse existant au 30 septembre 1830.

L'encaisse des provinces confondu avec celui de l'Etat ayant porté un intérêt dont le trésor du pays a joui depuis la convention faite avec la Société Générale, il est de toute équité que les diverses provinces puissent rentrer en premier lieu dans leur part de cet intérêt jusqu'au moment où l'Etat leur a remboursé le capital de leur encaisse, d'après la loi du 25 mai 1838, et ensuite, dans la part qui leur revient des intérêts de la période du 20 décembre 1830 au 8 novembre 1833, en vertu de l'arrêt de la cour des comptes du 4 mai 1850, confirmé par celui de la cour de cassation du 2 janvier 1852. Par ces arrêts, la Société Générale a été forcée de restituer à l'Etat, pour ces différents intérêts, une somme de 1,871,078 fr. 79 c.

La province de Limbourg, par suite des événements de 1830, se trouvait dans une position tout exceptionnelle ; la ville de Maestricht, chef-lieu de cette province, étant restée au pouvoir des Hollandais, l'administration belge à Hasselt n'ayant en sa possession aucune pièce de la comptabiité provinciale, ne put fournir en 1838 aucun document constatant l'encaisse du Limbourg au 30 septembre 1830, pour faire restituer à cette province sa part dans les fonds provinciaux.

Dès 1838, des démarches indirectes furent faites par l'autorité provinciale du Limbourg pour obtenir, à cet égard, des renseignements officieux de la part de l'administration hollandaise, mais elles furent sans résultat.

Après le traité de 1839, la députation permanente du Limbourg eut recours au gouvernement belge, pour obtenir les pièces de la comptabilité de cette province ; ce ne fut, cependant, que le 2 février 1842 que la balance des comptes du grand-livre de la dette active au 30 septembre 1830, et celle du livre auxiliaire, lui furent communiquées. Dans le mémoire, adressé par la députation du Limbourg à la chambre des représentants, et qui était joint à sa requête du 17 septembre 1852, sont établis à l'évidence les droits de cette province à l'égard de la restitution des intérêts produits, par l'encaisse des fonds provinciaux à dater du 1er octobre 1830 jusqu'au jour du remboursement du capital, le 17 juillet 1845 ; cette pièce ayant été distribuée à MM. les membres de le chambre, je ne crois pas devoir entrer dans le détail de la liquidation présentée, à cet effet, par cette députation ; toutefois, comme à plusieurs reprises, dans cette enceinte, l'on a voulu contester à la province du Limbourge son droit de pouvoir réclamer sa part des intérêts de l'encaisse provincial, parce que cet encaisse serait resté à Maestricht, ce que l'on n'a pu prouver jusqu'ici, je crois devoir présenter à la chambre et au gouvernement quelques observations en faveur de la juste réclamation de cette province.

Il est constaté, d'après le solde créancier de cette province au 30 septembre 1830, que l'encaisse du Limbourg se montait à la somme de fl. 142,464-74 1/2, environ 301,000 fr., dont la moitié revenait à la partie belge. Cette somme de fl. 142,464-74 1/2 se composait d'un solde créancier de plusieurs comptes ; pour 1828, il y avait un solde créancier de, fl. 35,786 28 1/2 : pour 1829, de fl. 46,534 64 1/2 et pour les neuf mois de 1830, fl. 60,668 91 1/4. Ainsi que quelques petites sommes pour les années antérieures, à 1828.

Il en résulte que ce solde, formé en grande partie de versements opérés en 1828, en 1829 et pendant les neuf mois de 1830, était passé dans la caisse du caissier général de l'Etat, et constituait son débit envers le Limbourg ; par le fait, qu'un agent du caissier général a fait régulièrement une recette, le caissier lui-même est censé l'avoir fait ; il (page 494) en devient comptable envers celui pour lequel elle s'est effectuée, et d'autant plus qu'il est notoire que les fonds provinciaux étaient confondus avec les fonds de l'Etat dans les caisses de la Société Générale et qu'elle en disposait au fur et à mesure de ses besoins ; car ces fonds versés ne séjournaient guère dans les caisses de ses agents ; journellement iis transmettaient à la caisse centrale une situation de leurs recettes et dépenses ; les sommes perçues servaient à faire immédiatement des payements pour compte du caissier général, ou bien elles étaient envoyées à Bruxelles.

Pour pouvoir prétendre, avec quelque fondement, que les sommes dues à la province de Limbourg sont restées à Maestricht, il faudrait prouver que le caissier, ni ses agents n'ont aucunement touché à l'argent perçu pour cette province ; que les espèces qui constituaient cet encaisse sont demeurés intactes, distinctes et non confondues avec la masse des recettes ; c'est une preuve qu'il est impossible d'administrer ; une déclaration faite à la séance du 5 juillet 1849, par l'honorable baron Osy, constate, au contraire, qu'au moment des événements politiques de 1830, la caisse du caissier général à Maestricht était complètement dégarnie, qu'en sa qualité de vice-gouverneur de la succursale de la Société Générale, à Anvers, il avait reçu l'ordre du gouvernement de la Haye d'envoyer les fonds à la caisse de Maestricht ; ce qui prouve que les fonds provinciaux du Limbourg avaient été réellement expédiés à Bruxelles, comme ceux des autres provinces, et que l'on n'est pas en droit d'opposer une fin de non-recevoir à la juste réclamation de la province de Limbourg qui, déjà, sacrifiée en 1839, par un fatal traité, a fait alors des pertes très notables, par le morcellement d'une grande partie de son territoire, et par la cessation de toutes ses anciennes relations commerciales avec la partie cédée ; par suite de ce dur sacrifice à l'intérêt général, cette province, pour faire face, non seulement à ses besoins ordinaires, mais aussi pour se créer de nouvelles communications, a dû s'imposer de fortes charges ; il serait donc peu équitable de vouloir contester à cette province mutilée sa part dans les intérêts de l'encaisse provincial, et de lui refuser ce qu'en toute justice elle a droit de réclamer.

Conformément à la décision prise, antérieurement, par la chambre, dans sa séance du 5 novembre 1852, sur la réclamation du conseil provincial du Limbourg, j'ai l'honneur de proposer le renvoi de la pétition de la dépistation provinciale du Hainaut à MM. les ministres des finances et de l'intérieur.

M. Rousselle. - Messieurs, dans la séance du 22 de ce mois, j'ai eu l'honneur de proposer le renvoi à M. le ministre des finances de la pétition de la députation permanente du conseil provincial du Hainaut, pour qu'il veuille bien la comprendre daus l'examen sérieux qu'il a promis de faire d'une pétition analogue du couseil provincial du Limbourg, dont le renvoi lui avait déjà été fait.

Je complète aujourd'hui cette proposition en demandant, avec mon honorable ami qui vient de se rasseoir, que la pétition soit aussi renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.

A mon avis, le moment n'est pas venu pour la chambre actuelle d'entrer, avec pleine connaissance de cause, dans la discussion des questions qui se rattachent à ces réclamations. Nous devons attendre que les honorables ministres aient pu nous communiquer le résultat de leur examen. Permettez-moi cependant de vous soumettre préalablement de courtes observations.

L'encaisse de la Société Générale, au 30 septembre 1830, comprenait, avec les fonds de l'Etat, des sommes assez considérables, appartenant à huit de nos provinces ; cela n'est pas dénié ; au contraire, cela a été reconnu par le départemeat des finances.

Parmi la masse de chiffres que l'honorable M. Jacques a rassemblés dans son rapport et qui ne peuvent que dérouter les esprits par la confusion qu'il a faite des affaires générales de l'Etat et des opérations financières de la trésorerie, avec ce qui regarde uniquement l'intérêt privé et le droit spécial des provinces, on peut cependant démêler certains faits qui me semblent très favorables aux réclamations adressées à la chambre.

Ainsi, l'on voit dans ce rapport :

1° Qu'en suite d'une convention du 8 novembre 1833, la Société Générale a appliqué toute la somme de l'encaisse en acquisition de 12 millions d'obligations de l'emprunt 5 p. c. autorisé par la loi du 14 décembre 1831, sauf à rester dépositaire des titres jusqu'à liquidation entre les deux fractions de l'ancien royaume des Pays-Bas, et sous la condition d'en verser les intérêts au trésor, ce qui a eu lieu ;

2° Que la loi du 25 mai 1838 ayant autorisé le remboursement aux provinces du capital qui leur appartenait dans ces obligations pour leur part de l'encaisse dont il s'agit, les obligations ont été vendues ; que sur le prix de la vente le gouvernement a remis aux provinces la somme en principal de fr. 1,481,112-71 et que le surplus a été appliqué à l'achat de 13,438 obligations de 1,000 francs de l'emprunt de 1836 à 4 p. c, qui sont encore lestées en dépôt à la Société Générale, mais dont les intérêts ont été par elle versés au trésor de l'Etat ;

5° Enfin que la Société Générale a été condamnée par arrêt de la Cour des comptes du 4 mai 1850 confirmé par la Cour de cassation, à payer au trésor une somme de fr. 1,871,058-79 pour les intérêts de l'encaisse courus depuis le 30 septembre 1830 jusqu'au 8 novembre 1833, date de la convention rappelée ci-dessus.

De sorte qu'il n'y a point de doute que les fonds provinciaux comme les fonds de l'Etat, qui constituaient cumulativement l'encaisse constaté au 30 septembre 1830, ont produit des fruits, et que la part de ces fruits afférente au capital des provinces jusqu'au jour du remboursement est entrée dans les caisses du trésor et se trouve détenue par l'Etat.

Lorsqu'on gère les affaires d'autrui et que l'on encaisse pour autrui des capitaux qui donnent des intérêts, l'on doit restituer les uns et les autres ; c'est là un devoir strict pour un Etat comme pour un particulier.

L'on ne doit pas rechercher, comme le fait le rapport de l'honorable M. Jacques, si ie créancier a eu oui ou non besoin de son argent ; s'il n'a pas éprouvé de perte par le retard de payement ; encore moins peut-on venir opposer la compensation des intérêts qui reviennent aux provinces avec la part plus ou moins grande qu'elles auraient réclamée ou obtenue dans la distribution des crédits mis à la disposition du gouvernement pour être partagés entre elles dans l'ordre du service public ; ce sont là des objections tout à fait étrangères au cas spécial qui nous occupe et fort peu propres à faire impression sur une assemblée qui veut fermement le maintien des principes de justice et le respect des droits de tous.

Je persiste donc dans la demande de renvoi aux honorables ministres de l'intérieur et des finances.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, si la chambre veut se borner à adopter les conclusions que viennent de lui soumettre les honorables MM. de Renesse et Ch. Rousselle, je n'ai aucune objection à faire. Je me propose, à l'occasion du budget qui sera présenté pour l'exercice 1854, de faire aux chambres un exposé complet de cette question.

Tout n'a pas été dit sur la question qui nous occupe et qui revient périodiquement devant la chambre. Je me bornerai pour le moment à indiquer un moyen de compensation que le trésor public aura à opposer aux provinces, en supposant que les provinces soient fondées dans leur réclamation et qu'elles y persistent.

Voici, messieurs, d'où résulte la compensation que le trésor public aura à opposer aux provinces. Vous savez qu'antérieurement à 1830, les centimes additionnels au profit des provinces se percevaient par les receveurs de l'Etat, comme ils se perçoivent encore de cette manière aujourd'hui. Tous les mois, le trésor public remet aux diverses provinces la quote-part reçue pendant le mois, pour le compte des provinces, du chef de leurs centimes additionnels ; et comme les cotes irrécouvrables ne peuvent se connaître qu'à la fin de l'exercice, chaque année le trésor public faisait un décompte, à la fin de cet exercice ; on mettait à la disposition de chacune de ces provinces l'intégralité des sommes votées ; puis on adressait à chaque province un mandat, pour qu'elle versât dans le trésor public sa quote-part dans les cotes irrécouvrables passées en non-valeur.

Je ne sais si tout le monde comprend bien cette opération, qui est pourtant très simple. Supposons que chaque province eût voté 20,000 francs de centimes additionnels, le trésor public, de mois en mois, mettait le douzième de ces 20,000 francs à la disposition de chaque province.

Puis à la fin de l'exercice s'il y avait sur les 20 mille francs une somme de mille francs irrécouvrable, on lançait un mandat sur la province pour couvrir le tresor de ces cotes irrécouvrables.

Eh bien, par suite d'une inattention, je ne veux pas accuser mes prédécesseurs, jusqu'en 1849 ce décompte a été négligé avec toutes les provinces. Ce n'est qu'en 1849 que mon prédécesseur a, pour la première fois, exige que les provinces restituassent à l'Etat le montant des cotes irrécouvrables ; il a eu soin de faire remarquer que l'Etat pourrait exiger le payement de celles des années précédentes. Cette créance du trésor est juste, équitable, légitime.

Il n'entre dans l'intention de personne de vouloir que le trésor restitue plus qu'il n'a réellement perçu. Du chef de cette liquidation à faire, d'après un preme r examen auquel je me suis livré, il serait dû au trésor environ un million pour les années de 1830 à 1849. Je le dis donc avec franchise, si les provinces persistent dans la réclamation qu'elles font, je considérerai comme un devoir de faire rentrer au trésor le montant de ces cotes irrécouvrables, et ce ne seront pas les provinces qui y gagneront, mais le trésor, puisqu'il aura à recevoir un demi-million.

Au reste, tous ces faits seront exposés dans un rapport complet lors de la présentation du budget de 1854 ; qu'on se borne pour le moment à ordonner le renvoi pur et simple de la pétition au ministre des finances.

M. E. Vandenpeereboom. - Si le gouvernement ne conteste pas les réclamations des provinces, je renoncerai à la parole.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je ne les admets pas non plus.

M. E. Vandenpeereboom. - Dans ce cas, je désire dire quelques mots pour établir le fondement de nos créances.

D'après ce que vient de dire M. le ministre, il voudrait bien payer, mais sans bourse délier. Nous réclamons depuis trois ans le payement d'une créance parfaitement établie, et aujourd'hui on vient nous parler d'une contre-créance que nous ne connaissons pas.

Je demande la permission d'appuyer très brièvement la demande des provinces ; quand M. le ministre viendra avec son autre créance, nous l'examinerons.

Je crois qu'il faut bien exposer les faits, puisque c'est de l’appréciation de ces faits que doit résulter le jugement à porter par la chambre.

Depuis 1823 jusqu'à la création de la Banque Nationale, la Société Générale (page 495) pour favoriser l'industrie faisait les fonctions de caissier de l'Etat et des provinces.

A la révolution, la Société Générale avait en caisse une somme de fr. 1,481,112, appartenant aux provinces. Elle se refusa à s'en dessaisir, comme aussi des fonds appartenant à l'Etat.

Le 8 novembre 1833 intervint une convention par laquelle la Société Générale s'engagea à faire une avance au trésor public de près de 13 millions de francs, sans intérêts, contre une pareille somme de bons du trésor de la Belgique, Ces 13 millions furent convertis en valeurs productives belges, au profit du trésor.

Par suite de la loi du 25 mai 1838, le gouvernement fut autorisé à restituer aux provinces leurs capitaux, lesquels d'après une note fournie par le département des finances s'élevaient à la somme de fr. 1,481,112. Cette liquidation se fit successivement et fut fort longue. Depuis cette époque des pétitions nombreuses arrivèrent à la chambre, réclamant le payement des intérêts sur ces capitaux. Le 21 mai 1849, huit membres de cette chambre, un pour chaque province intéressée, firent la demande collective de ce payement. J'eus l'honneur d'apposer ma signature sur cette pièce.

Toutes les sections furent favorables à ce projet de loi ; la section centrale l'admit à l'unanimité. On peut lire dans son rapport une note du gouvernement, où se trouvent les phrases suivantes :

« Cette somme (celle de 13 millions de francs) comprenait, entre autres, des capitaux appartenant aux provinces.

« II s'ensuit que les fonds provinciaux compris dans l'encaisse n'ont été placés et que le trésor n'a perçu des intérêts de ce chef que pendant la période de novembre 1833 au 31 juillet 1838. »

Vous le voyez, messieurs, le gouvernement reconnaît implicitement cette dette, et estimant l'importance de ces intérêts, la note de M. le ministre des finances ajoute :

« Les intérêts perçus par le trésor, jusqu'au 31 juillet 1838, s'élèvent à 3,150,919 fr. Si la réclamation des provinces était accueillie, il y aurait à lui remettre, de ce chef, une somme de 360,302 fr. »

La section prend acte de cette note précieuse, dans les termes suivants :

« La section centrale accepte cette note, d'abord comme constatant que des intérêts ont été perçus, et ensuite comme indication première de l'importance de la restitution à faire. »

La section centrale adopte la proposition des huit membres, en stipulant que le payement, au lieu de se faire en une fois, serait opéré en trois années.

La discussion de ce projet de loi eut lieu le 5 juillet 1849, dernier jour de cette longue session. Vous savez ce que l'on fait en pareille circonstance. D'après les termes de la note fournie par le gouvernement, en pouvait croire celui-ci disposé à payer les intérêts aux provinces. Il n'en fut rien ; M. le ministre des finances vint combattre vivement le projet de loi. Après une discussion, étranglée par l'impatience de la chambre, l'ordre du jour suivant fut admis :

« La chambre, tous droits réservés, passe à l'ordre du jour. »

L'honorable M. Delfosse disait : « Si je vote l'ordre du jour, c'est que la question n'est pas neuve. » L'honorable M. Manilius, s'associant à cette idée, ajoutait : « Nous nous occuperons de cette affaire lorsqu'elle aura été complètement étudiée. » L'ordre du jour fut admis, dans ces circonstances, par assis et levé. C'est donc une question réservée, et l'on serait mal venu à nous parler de déchéance. Nous sommes dans une entière liberté pour l'examen de cette question.

Depuis lors, en 1851 je pense, le gouvernement gagne son procès contre la Société générale, du chef des intérêts afférents à la période de 1830 à 1833 et reçut, par suite de ce jugement une somme de 1,872,835 fr. dont une partie revient, déduction faite des frais, également aux provinces.

Voilà dans quelle position cette question se présente aujourd'hui devant vous, par suite d'une nouvelle réclamation de la députation permanente du conseil provincial du Hainaut.

La chambre n'a pas admis les conclusions du rapport de M. Jacques, où se trouvent beaucoup de considérations étrangères à la question. L'honorable rapporteur fait bien plutôt le compte entre la Société Générale et le gouvernement, qu'entre le gouvernement et les provinces.

Après cet exposé, que la chambre me permette de lui exprimer en peu de mots, mon opinion sur les prétentions des provinces.

Il s'agit d'une question d'équité.

Le gouvernement reconnaît avoir reçu des intérêts jusqu'à concurrence de fr. 3,150,919

L'arrêt de la cour de cassation lui attribue et il a reçu, 1,872,835.

Le gouvernement a donc reçu ensemble 5,023,754.

Il reconnaît en outre, que parmi les capitaux qui lui ont valu ces intérêts, les provinces possédaient un capital de 1,481,112 fr.

A présent doit-il, de même qu'il a restitué aux provinces ces capitaux, leur payer les intérêts qui sont afférents à cette somme ?

Pour mon compte je dis oui.

Car le gouvernement a reçu de 1830 à 1838 des intérêts de certains capitaux qui ne lui appartenaient pas. Il a été exempt, par cette position, de faire des emprunts ou d'émettre des bons du trésor.

Car les provinces ont été privées et de leurs capitaux et des intérêts qu'ils auraient pu produire. Elles ont dû faire des emprunts onéreux, créer des centimes additionnels.

Il y a eu profit pour le gouvernement. Il y a eu dommage pour les provinces. Là est toute la question.

Messieurs, je pense que rien n'est plus fondé que leur demande. C'est une question qui, entre particuliers de bonne foi, ne souffrirait pas une heure de discussion. Le gouvernement a reçu ce qui ne lui appartenait pas ; il est dans l'obligation stricte de le rendre. Qu'il porte en compte une part des frais de ses instances en justice, soit. Mais que, dans tous les cas, l'on ne tarde pas plus longtemps à faire ce à quoi tout particulier honnête ne voudrait pas s'opposer un seul instant.

M. Tesch. - Je n'ajouterai que peu de mots aux observations des honorables comte de Renesse et M. Rousselle. M. le ministre des finances ayant promis de faire un exposé complet de cette affaire qui sera présenté, si j’ai bien compris, avec le budget de 1834.

Je crois cependant devoir convaincre dès aujourd'hui et la chambre et le gouvernement qu'il n'y a à opposer aux réclamations des provinces aucune objection sérieuse. Les faits et les questions sont d'une simplicité qui ne comporte même pas de discussion.

L'Etat, la Société Générale étaient, en 1830, en possession des fonds provinciaux. Depuis 1830, ces fonds n'ont plus été disponibles, et le gouvernement a touché les intérêts des fonds des provinces. Par la convention de 1833, l'Elat a été mis en possession d'obligations qui rapportent intérêt. Par arrêt de la cour des comptes de 1850, la Société Générale a été condamnée à payer les intérêts, eu tout 1,800,000 francs. Ainsi l'Etat a touché des intérêts appartenant aux provinces.

Je demanderai que quelqu'un se lève, et dise en vertu de quel principe l'Etat, ayant touché des intérêts pour les provinces, ne doit pas leur en tenir compte. Appelez le gouvernement mandataire, negotiorum gestor, dépositaire, comme vous voulez. Mais quand quelqu'un, gouvernement ou particulier, touche des intérêts provenant d'une somme appartenant à un tiers, il doit les lui rembourser. Cela est conforme aux notions les plus élémentaires de l'équité et du droit.

Il y a une objection qui a été produite. Qu'il me soit permis de le dire, elle n'est pas sérieuse. On a dit que l'Etat ne devait pas d'intérêts aux provinces des sommes reçues pour elles. Mais cela est vrai en général, parce que quand les provinces mandatent sur le caissier de l'Etat, celui-ci doit payer aux provinces. Les fonds sont toujours disponibles. La Société Générale ne doit pas non plus payer d'intérêts à l'Etat de son encaisse. Cependant elle a été condamnée à en payer, parce qu'en 1830 l'Etat n'a pas été mis en possession de ces fonds, et que la Société Générale en a eu la jouissance. Or, si la Société Générale a été condamnée, à payer ces intérêts, les provinces peuvent les réclamer, car elles n'ont pas été mises en possession de ces fonds, l'Etat ne les a pas mis à leur disposition, et il en a touché les intérêts.

M. Coomans. - Il fallait faire cela, quand vous étiez ministre.

M. Tesch. - Si la question s'était présentée alors, j'aurais défendu mon opinion, comme je la défends aujourd'hui, car quand l'Etat doit, il faut qu'il paye. Mais cette question ne s'est pas présentée quand j'étais ministre.

M. Manilius. - La majorité aurait dû faire cela en 1846.

M. Tesch. - Est-il nécessaire de mêler à ce débat une question personnelle ? Il paraît que c'est une tactique de transformer, à chaque occasion, les discussions les plus simples en débats irritants.

Ainsi, je le répète, l'opposition qu'on fait à la réclamation des provinces ne me paraît pas très sérieuse.

L'honorable ministre des finances nous a dit, que si le droit des provinces était établi, l'Etat aurait une compensation à leur opposer. Rien de mieux. Je ne trouve pas que l'Etat soit si riche qu'il doive faire cadeau aux provinces des sommes qu'elles lui devraient.

Mais, que l'on fasse le décompte, et alors seulement il y aura justice. Car vous devez comprendre que les provinces ne devront pas à l'Etat dans la même proportion où elles sont créancières de l'Etat.

Ainsi, par exemple, sur les neuf provinces qui composent la Belgique, il y a le Brabant qui a très peu de chose, qui n'a peut-être rien à obtenir des intérêts de l'ancien encaisse ; le Hainaut au contraire avait dans cet encaisse des sommes très fortes ; après le Hainaut vient, je pense, la Flandre occidentale. Eh bien, il est probable que la Flandre occidentale et le Hainaut ne devront pas à l'Etat, pour les cotes irrécouvrables, dans la proportion dans laquelle ces provinces sont créaaeières de l'Etat.

D'un autre côté, deux provinces se trouvent dans une portion exceptionnelle. Dès 1838, sept provinces ont été mises en possession des sommes qui leur étaient dues du chef de leur encaisse existant en 1830, et ce n'est qu'en 1845 que le Limbourg et le Luxembourg ont été mis en possession de leur encaisse. Il y a donc à leur tenir compte des sept années de plus d'intérêts. Il faut dès lors qu'il soit fait (page 496) un compte exact de ce que le gouvernement doit aux provinces, et de ce que celles-ci doivent à l'Etat si sa réclamation est fondée, et alors tout le monde recevra et payera dans la proportion de ses droits et de ses obligations.

M. Osy. - Je viens aussi combattre les conclusions de la commission des pétitions.

En 1849, la question a été réservée ; mais depuis lors est survenu un jugement de la cour de cassation, par suite d'une demande de la cour des comptes, et la Société Générale a été obligée de payer à l'Etat une somme de 1,800,000 francs pour les intérêts de l'encaisse depuis le 30 septembre 1830 jusqu'en 1833, époque à laquelle le gouvernement a commencé à recevoir régulièrement ces intérêts.

Messieurs, en 1849, M. le ministre des finances ne pouvait connaître le jugement qui est intervenu depuis lors. Mais aujourd'hui que la Société Générale a été condamnée à payer les intérêts de l'encaisse, il me paraît extrêmement juste et il me semble impossible que M. le ministre des finances actuel ne reconnaisse pas que les intérêts de l'encaisse des provinces pendant les trois premières années de notre émancipation ne doivent pas être remboursés, puisqu'elles n'ont pu disposer des fonds qui leur appartenaient et que la Société Générale refusait de remettre à l'État.

A partir de 1833 l'encaisse a été converti en fonds publics ; les provinces ont dû faire de grands sacrifices pour suppléer à l'absence des fonds qui leur appartenaient, elles ont dû augmenter leurs contributions, s'imposer des centimes additionnels. Il est juste que l'Etat qui a maintenant reçu régulièrement les intérêts de l'encaisse depuis le 30 septembre 1830 rembourse aussi ces intérêts aux provinces dans la proportion des sommes qu'elles possédaient dans l'encaisse.

Je dirai avec l'honorable M. Tesch que si le gouvernement a des prétentions à la charge des provinces, je trouve qu'il est juste aussi que le gouvernement les fasse valoir, comme nous faisons valoir les prétentions des provinces à charge de l'Etat. Mais j'ajouterai avec l'honorable M. Tesch que le décompte que le gouvernement aura à faire avec les provinces du chef de ses prétentions ne peut être le même que celui que nous demandons. Car il y a une province qui n'est pas intéressée dans la question que nous soutenons aujourd'hui ; et cette même province pourrait avoir à payer une somme assez forte à l'Etat pour la créance dont a parlé M. le ministre des finances.

Je crois donc que M. le ministre des finances, qui accepte le renvoi pur et simple de la pétition à son département et à celui de l'intérieur, ne doit pas confondre les deux questions. S'il trouve juste notre réclamation, il doit nous soumettre une proposition spéciale. S'il a des prétentions à faire valoir à charge des provinces, il pourra nous faire une autre proposition et nous l'examinerons spécialement. Mais je crois que ces deux affaires ne peuvent être traitées simultanément.

M. Jacques. - Messieurs, dans les discours qui viennent d'être prononcés, je n'ai rien trouvé qui réfute d'une manière sérieuse l'argumentation qui a servi de base à mon rapport. L'argumentation des honorables préopinants repose sur une erreur : ils croient que la Société Générale avait des fonds appartenant aux provinces, tandis qu'en réalité il n'en était pas ainsi : la Société Générale, comme caissier de l'Etat, n'avait au 30 septembre 1830, que des fonds appartenant au trésor des Pays-Bas. Les provinces, à la vérité, avaient une créance à charge du trésor des Pays-Bas, mais on ne doit pas confondre ces deux choses, si l'on veut les apprécier sainement l'une et l'autre.

Au surplus, je n'entrerai pas plus avant dans cette discussion ; il me paraît préférable de m'en tenir pour le moment au rapport que j'ai soumis à la chambre.

Le gouvernement acceptant le renvoi de la pétition avec promesse d'un examen ultérieur, je crois qu’il est parfailemtnt inutile que je m'attache maintenant à combattre les arguments présentés par quelques honorables membres.

J'avais déjà déclaré que je ne m'opposais pas au renvoi pur et simple à M. le ministre, parce qu'une question, quelque claire qu'elle paraisse, ne perd jamais rien à être examinée de nouveau. Je ne m'oppose donc pas au renvoi à MM. les ministres de l'intérieur et des finances, qui est demandé par quelques honorables membres.

M. Coomans. - L'honorable M. Tesch croit que l'interruption que j'ai risquée tout à l'heure était irritante et inconvenante ; je déclare que je ne veux irriter personne, et j'espère bien que l'honorable M. Tesch ne sera ou ne restera pas irrité. J'ai fait une observation très simple : j'ai dit que j'étais étonné que l'honorable M. Tesch n'eût pas appliqué lui-même, quand il était ministre, le conseil qu'il nous donne aujourd'hui. Cette réflexion, messieurs, a dû venir à l'esprit de tout le monde.

On conçoit, en effet, qu'un ancien ministre puisse opposer l'inopportunité au reproche de n'avoir pas agi dans telle ou telle circonstance ; mais quand on prétend que les notions les plus élémentaires de la morale sont en jeu, je dis qu'une question, ayant un tel caractère, est constamment à l’ordre du jour, et qu'on ne peut pas se prévaloir de ce qu'une semblable question n'a pas été soulevée. Quand on est convaincu qu'une réclamation est juste et qu'en n'y faisant pas droit, on blesse la morale, alors je dis qu'il fallait y faire droit soi-même, lorsqu'on était en position de le faire, car la morale et la justice sont de tous les temps.

M. Manilius. - J'ai également demandé la parole pour justifier l'interruption que je me suis permise en réponse à celle de l'honorable M. Coomans. M. Coomans a dit à l'ancien ministre de la justice :« Pourquoi n'avez-vous pas fait cela étant ministre ? », j'ai répondu : «Pourquoi n'avez-vous pas fait cela étant majorité ? »

M. Coomans. - Je n'ai jamais été majorité.

M. Manilius. - Depuis 1830 cette question est pendante et elle doit se résoudre par un compte ; ce compte a été contesté jusqu'ici, mais il est d'autant plus nécessaire aujourd'hui, qu'un arrêt de la cour des comptes est intervenu et que M. le ministre des finances reconnaît lui-même qu'il doit faire ce compte. Que vient de nous dire M. le ministre des finances ? « J'accepte le renvoi de la pétition au ministre des. finances et à l'occasion du budget de 1854, je formulerai, par un rapport, le compte de ce qui revient aux provinces et de ce qui revient au gouvernement. »

Eh bien, messieurs, attendons jusqu'à cette époque et voyons si ce compte est de nature à donner des résultats favorables aux provinces.

Je me rallie à la proposition du renvoi de la pétition à MM. les ministres de l'intérieur et des finances.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je ne voudrais pas que l'on pût tirer de mes paroles l'induction que je reconnais la créance des provinces : je désire que la question reste vis-à-vis du gouvernement intacte, jusqu'à ce qu'on ail vu le rapport qui sera fait. J'ai parlé hypothétiquement et j'ai dit qu'en supposant la créance des provinces légitime, juste, à l'abri de toute espèce de contestation, alors encore le trésor aurait à opposer une compensation qui constituerait les provinces débitrices au lieu de créancières qu'elles croient être.

M. Rousselle. - J'ai demandé la parole simplement pour répondre à l'honorable M. Jacques, qui a soutenu que, dans l'encaisse de 1830, il n'y avait point de fonds appartenant aux provinces, tandis que vous avez entendu l'honorable M. Vandenpeereboom citer un acte du gouvernement lui-même qui reconnaissait qu'il y avait des fonds provinciaux dans l'encaisse de la Société Générale. La chambre veut-elle maintenant que je lui explique comment il se fait... (Interruption.) Je n'insisterai pas, pourvu que l'on ne conteste pas le renvoi à MM. les ministres de l'intérieur et des finances, que j'ai proposé.

M. Tesch. - Je demande à répondre à l'honorable M. Coomans. L'affaire dont il s'agit ne ressortissait pas à mon département, et j'ai eu assez à m'occuper de celles qui rentraient dans mes attributions, pour ne pas m'occuper des autres. Cette objection de l'honorable M. Coomans est donc sans fondement. Et je répète ce que j'ai dit tout à l'heure que jamais la question ne s'est présentée ni devant la chambre, ni devant le conseil des ministres, pendant que j'étais aux affaires.

Maintenant, messieurs, un mot quant au rapport fait par l'honorable M. Jacques. Je n'ai pas rencontré, dans ce que j'ai eu l'honneur de dire à la chambre, les objections présentées par l'honorable membre, parce qu'il n'a pas fait un rapport sur la question, mais qu'il a fait un rapport à côté de la question.

En effet, aucun des faits signalés par l'honorable M. Jacques n'a le moindre rapport avec la question qui nous occupe. L'honorable M. Jacques conteste-t-il que le gouvernement ait perçu des intérêts des sommes qui appartenaientaux provinces ?

M. Jacques. - Je le conteste.

M. Tesch. - Alors il faudra d'abord prouver que l'honorable M. Frère, ministre des finances, ne connaissait pas ce qui composait l'encaisse de la Société Générale, car il a constaté que cet encaisse se composait de fonds appartenant aux provinces et de fonds appartenant à l'Etat ; en 1833 l'encaisse a été converti en un fonds productif ; ce que ce fonds a produit a été touché par le gouvernement, et lorsque, dernièrement la cour des comptes a rendu un arrêt contre la Société Générale, cet arrêt portait, je pense, sur ce qui appartenait aux provinces comme sur ce qui appartenait à l'Etat. Le gouvernement a donc touché des intérêts sur l'ensemble de l'encaisse ; et il doit faire compte aux provinces de la part qui leur revient.

-La proposition de MM. Ch. Rousselîe et de Renesse est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Nous avons maintenant le rapport de M. Jacques sur la réclamation adressée à la chambre par le conseil communal d'Ensival contre l'interprétation donnée par le département de l'intérieur à l'article 23 de la loi sur l'instruction primaire ; dans une séance précédente, la chambre avait ajourné ce rapport qui depuis, a été communiqué à la commission des pétitions.

La parole est à M. Jacques.

M. Jacques. - Suivant le conseil d'Ensival, la commune aurait satisfait aux obligations que lui impose l'article 23 de la loi du 25 septembre 1842 pour l'instruction primaire, lorsqu'elle y a consacré une somme égale au produit de deux centimes additionnels au principal des contributions directes, sans être inférieure au crédit affecté à l'instruction primaire par le budget communal de 1842 : l'excédant des dépenses de l'instruction primaire serait à supporter par la province et par l'Etat.

Suivant le gouvernement, au contraire, les besoins de l'instruction primaire constituent, aux termes de l'article 20 de la loi de 1842, une dépense obligatoire de la commune, et ce n'est qu'en cas d'insuffisance des ressources de la commune, que la province et l'Etat sont appelés à venir à son aide.

Les chambres ont admis cette dernière interprétation, en n'inscrivant au budget de l’intérieur que le crédit nécessaire pour l'exécution de la loi dans ce sens. Si les chambres avaient voulu donner à la loi (page 497) l'interprétation réclamée par le conseil d'Ensival, le crédit à porter au budget de l'Etat aurait du être augmenté d'un million au moins.

A l'appui de l'interprétation adoptée par le gouvernement, l'un des membres de la commission a présenté les considérations suivantes.

Il suffit de rapprocher les articles 20 et 23 de la loi du 23 septembre 1842 pour reconnaître que l'interprétation adoptée par le gouvernement n'est nullement contraire au texte de ces articles. A la vérité, l'intervention de la province devient obligatoire lorsque les besoins de l'instruction primaire ne sont pas couverts par le produit des dons, legs et fondations, et par une allocation communale égale à 2 p. c. du principal des contributions directes, sans être inférieure au crédit alloué au budget communal de 1852 ; mais de ce que l'intervention de la province devient alors obligatoire, il ne s'ensuit nullement que cette intervention doive couvrir seule le surplus des besoins constatés : il suffit que cette intervention soit accordée dans une mesure équitable, c'est-à-dire en laissant à la charge de la commune une partie du déficit à couvrir lorsque ses ressources le permettent.

De même, l'intervention de l'Etat devient obligatoire lorsqu'il n'est pas satisfait aux besoins de l'instruction primaire tant par une allocation communale de 2 p. c. du principal des contributions, sans être inférieure au crédit alloué au budget communal de 1842, que par une allocation provinciale de 2 p. c. des contributions, sans être inférieure au crédit alloué au budget provincial de 1842. Mais deceque l'intervention de l'Etal devient alors obligatoire, il ne s'ensuit pas non plus que cette intervention doive aller jusqu'à couvrir seule l'excédant des besoins «constatés : le vœu de la loi est rempli, dès que cette intervention est accordée dans une mesure équitable, en laissant à la charge des communes et des provinces la partie du déficit que leurs ressources peuvent raisonnablement couvrir en sus des 2 p. c. du principal des contributions.

Cette interprétation est d'ailleurs la seule que l'on puisse adopter si l'on veut tenir compte 1° du texte si positif de l'article 20 de la même loi du 23 septembre 1842 ; 2° de l'article 131, n°10 de la loi communale du 30 mars 1836 ; 3° de l'article 69, n° 18 de la loi provinciale du 30 avril 1836 ; 4° du texte primitif de l'article 23 de la loi de 1842, et des commentaires qui en ont expliqué successivement les nouvelles rédactions. Dans le projet de loi présenté par le gouvernement en 1834, l'article 23 était rédigé comme suit (n°430 des documents de la chambre, session 1841 à 1842).

« Art. 7. Si le conseil communal ne défère pas à cette injonction, la députation permanente, sur le rapport de la commission, portera d'office au budget communal une somme pour l'érection de l'école, et déterminera le subside provincial s'il y a lieu.

« En cas de contestation entre le conseil municipal et la commission la députation permanente décidera. »

« Art. 15. En cas d'insuffisance des ressources des provinces, il leur sera alloué des subsides sur le trésor public pour contribuer aux dépenses de l'instruction primaire. »

Dans le projet de loi amendé par le gouvernement et par la section centrale, tel qu'il est inséré à la suite du rapport de l'honorable M. Dechamps (n°395 des documents de la chambre, session de 1841-1842), l'article 23 avait reçu la rédaction suivante :

« A défaut de fondations, donations ou legs qui assurent un local et un traitement à l'instituteur, le conseil communal y pourvoira.

« En cas d'insuffisance des revenus communaux ordinaires pour l'établissement et l'entretien de l'école primaire, il y sera pourvu au moyen d'une imposition spéciale, votée par le conseil communal et qui n'excédera pas deux centimes additionnels au principal des contributions directes.

« Lorsque des communes n'auront pu, soit isolément, soit par la réunion de plusieurs d'entre elles, procurer un local et assurer le traitement au moyen de l'imposition spéciale de deux centimes, il sera pourvu aux dépenses reconnues nécessaires à l'instruction primaire par des allocations sur les fonds provinciaux.

« En cas d'insuffisance des fonds provinciaux, il y sera pourvu par une imposition spéciale votée par le conseil provincial, et qui n'excédera pas deux centimes additionnels au principal des contributions directes.

« Si les centimes ainsi imposés aux communes et aux provinces ne suffisent pas aux besoins de l'instruction primaire, il y sera pourvu par le gouvernement au moyen de subventions prélevées sur le crédit qui sera porté annuellement pour l'instruction primaire au budget de l'Etat.

« Chaque année, il sera annexé à la proposition du budget, un état détaillé de l'emploi des fonds alloués pour l'année précédente. »

Enfin, lorsque dans la séance du 19 août 1842, M. le ministre de l'intérieur présenta la nouvelle rédaction de l'article 18 qui fut adoptée le même jour par la chambre, et qui est devenue l'article 23 lors de la classification définitive des articles de la loi, il a justifié cette nouvelle rédaction non pas dans le sens d'affranchir les communes et les provinces des obligations qu'elles ont à remplir pour l'instruction primaire dans la limite de leurs ressources ordinaires, mais seulement afin que l'Etat puisse leur continuer les subsides qui leur étaient alloués précédemment sans exiger d'abord les impositions communale et provinciale de quatre centimes additionnels aux contributions.

Sans se prononcer sur le mérite des observations qui précèdent, la commission en a autorisé l'insertion dans le rapport, et elle vous propose le dépôt de la pétition du conseil d'Ensival au bureau des renseignements.

- Les conclusions de la commission des pétitions sont mises aux voix et adoptées.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, portant révision des livres I et II du Code pénal, qui a été amendé par le sénat. Conformément aux précédents, je ne mettrai en discussion que les articles que le sénat a amendés. Toutefois chaque membre a le droit de proposer des modifications à ceux des articles du projet auxquels le sénat n'a pas touché.

M. Tesch. - Je demande que la chambre veuille bien renvoyer cet objet à demain.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je ne m'oppose pas à l'ajournement.

- La chambre, consultée, renvoie la discussion du projet de loi à demain.

Rapports sur des pétitions

M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Diest, le 18 décembre 1853, les habitants de la ville de Diest prient la chambre d'accorder aux sieurs Tiberghien et compagnie la concession d'un chemin de fer de Louvain à Diest par Aerschot, avec la garantie d'un minimum d'intérêt. »

Les pétitionnaires exposent que la ville de Diest est presque la seule de son importance qui ne soit pas rattachée au chemin de fer de l'Etat ; que l'exécution de ce chemin de fer peut être considérée comme la première section de celui qui doit un jour vivifier la Campine limbourgeoise ; enfin que la justice distributive veut que le gouvernement fasse pour le canton de Diest et la Campine, ce qu'il a fait pour assurer l'exécution de travaux publics du même genre dans d'autres parties du pays.

Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. de La Coste. - Messieurs, je ne viens pas combattre les conclusions de la commission des pétitions, mais je crois nécessaire de donner quelques explications.

Messieurs, l'objet de cette pétition a une relation très intime avec celui d'une pétition au sujet de laquelle la chambre a ordonné le même renvoi, sur la proposition de la même commission ; mais les conclusions de celle-ci avaient été précédées d'observations extrêmement favorables, tandis qu'ici elle se borne à vous proposer le renvoi.

Messieurs, la chose étant présentée de cette façon-là, il en résulterait, si personne ne prenait la parole, que la chambre semblerait témoigner beaucoup plus d'intérêt pour une pétition que pour l'autre. L'objet de l'une et celui de l'autre sont cependant dans une relation très intime, tellement que de la décision qui sera prise par le gouvernement et les chambres sur celles de ces pétitions dont le rapport a été fait précédemment, peut résulter l'impossibilité d'exécuter ce qui est demandé par celle dont il s'agit maintenant.

En effet, messieurs, elle se lie par son objet au chemin de fer de la Campine, sur lequel différents projets ont été formés.

Suivant l'un de ces projets, c'est celui qui a été accueilli avec une faveur marquée par la commission, le chemin de fer de la Campine prendrait son origine à l'embranchement qui réunira la ville de Lierre au railway de l'Etat.

Ce serait le prolongement de cet embranchement continué par Herenthals vers Turnhout et de là vers la Hollande, avec un embranchement vers le camp de Beverloo et de là vers Hasselt. C'est du moins ce que j'ai pu comprendre ; car ce projet ne nous ayant pas été communiqué, nous ne le connaissons que par ce qui en est dit dans les rapports de la commission des pétitions.

D'autres projets qui nous ont été distribués, ont également pour objet de rattacher la Campine au chemin de fer de l'Etat ; ils ne s'opposent pas à l'embranchement de Lierre vers Turnhout ; ils le comprennent même dans leurs plans.

Mais ils prennent pour tronc du chemin de fer projeté un prolongement du chemin de fer qui met en communication Louvain avec la Sambre.

Il y a différents projets dans ce sens, mais ils reviennent toujours à ceci : prendre pour point de départ Louvain ou un point plus ou moins voisin et le mettre en communication avec Diest par un chemin de fer qui atteindrait ensuite Turnhout.

Il y a donc deux systèmes : dans l'un on trace le chemin de fer de la Campine pour ainsi dire horizontalement et parallèlement à la frontière hollandaise et on le relie à un point pris dans la province d'Anvers. Je ne veux pas en faire un reproche, je veux seulement caractériser le projet ; c'est un chemin anversois.

L'autre prend une direction perpendiculaire et rattache le chemin de fer projeté à la voie ferrée en exécution de la Sambre à Louvain, unissant ainsi le chemin de fer de la Campine aux charbonnages du Hainaut, à l'arrondissement de Nivelles et à la province de Namur.

Dans ce système on tient compte des intérêts de différentes provinces qui ne sont pas satisfait par l'autre projet.

Indépendamment de cette considération d'intérêt général, car c’est bien un intérêt général que celui qui concilie les intérêts de (page 498) l'agriculture et des grandes industries, rapproche et unit plusieurs provinces, il y a deux autres considérations importantes que je ne puis passer sous silence : l'une concerne la défense de l'Etat, l'autre un intérêt local, j'en conviens, mais qui a été tellement lésé, qu'il me sera facile de démontrer qu'il lui est dû une compensation.

Quant à la défense de l'Etat, il n’est point douteux qu'un des éléments de tout système qui s'y rapporte a toujours été et sera plus que jamais désormais la nature des voies de communications et leur disposition.

Les chemins de fer, la vapeur, sont destinés à jouer un rôle fort important dans l'art militaire et peut-être à en changer la face.

On l'a si bien senti dans le projet que j'ai décrit en premier lieu, qu'on y rattache au chemin de fer le camp de Beverloo ; pourquoi ne pas y rattacher également la place de Diest ? Je demanderais, pour moi, aux hommes qui font autorité en cette matière, je demanderais au ministre de la guerre, s'il était présent ici, si le camp de Beverloo doit plutôt être mis en communication avec Anvers qu'avec la frontière méridionale ; s'il n'importe pas également que cette communication s'établisse par une place de guerre qui couvre le camp, puisqu'on a toujours pensé qu'il fallait que tous les chemins qui pouvaient devenir de grandes voies de communications militaires fussent commandés par des forteresses.

Je demanderai en outre s'il n'importe pas que la forteresse de Diest elle-même ne resta pas dépourvue de ce moyen accéléré de communication qu'on a prodigué dans notre pays et soit mise ainsi en rapport avec la ligne de défense méridionale aussi bien qu'avec le camp de Beverloo ? Je demanderai si l'on n'ajouterait pas ainsi un grand élément de forces à celles que nous cherchons à organiser d'une manière définitive, je veux dire la rapidité des transports ?

Quant à l'intérêt local, à l'intérêt de la ville de Diest, je pense qu'il mérite encore de fixer l'attention de la chambre.

La première voie ferrée qui a été projetée pour établir une communication entre Anvers et l'Allemagne devait passer par Diest. Ce projet a été remplacé par d'autres.

Diest devait encore être mis en communication avec la voie ferrée par le chemin de fer de Landen à Hasselt, au moyen d'une bifurcation ; cela ne s'est pas exécuté.

Diest dut ensuite être mis en communication avec le chemin concédé de Louvain à la Sambre ; l'embranchement sur Dis3t était compris dans les plans présentés, il est resté en arrière.

Diest ne profite pas des voies ferrées qui traversent l'arrondissement de Louvain, cette ville qui a huit mille habitants et de l'importance au point de vue de l'industrie et du commerce intérieur, mais qui décline sous ce double rapport, qui languit dans son isolement, Diest est situé sur les confins des arrondissements de Louvain et de Turnhout, à cinq lieues de la voie ferrée qui traverse le premier de ces arrondissements.

Je ne prendrai, du reste, parti pour aucun des différents tracés qui ont pour but de relier Diest soit au chemin de fer de l'Etat, soit à celui qui traverserait la Campine ; nous n'avons pas pour le moment à nous prononcer à cet égard. Je me borne quant à présent à vous soumettre ces obs-rvations et à les recommander à l'attention de M. le ministre.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Caprycke, le 13 décembre 1852, les membres du conseil communal et plusieurs habitants de Caprycke demandent l'achèvement du canal de Selzarte à la mer du Nord. »

« Même demande de l'administration communale de Lembeke. »

« Par pétition datée de Bassevelde, le 20 décembre 1852, plusieurs propriétaire, et cultivateurs de Bassevelde déclarent adhérer à la pétition des habitants d'Assenede, relative à l'achèvemeut du canal de Selzaete à la mer du Nord. »

Les pétitionnaires exposent que les communes du canton de Capryck, se trouvent dans la plus triste situation sous le rapport de l'écoulement des eaux ; que l'envasement progressif du Brackman occasionnera bientôt la suppression de l'écluse des lsabelles, leur seul débouché ; qu'il devient urgent dès lors, d'achever le canal de Selzaete.

Votre commission, messieurs, au renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. Vander Donckt. - Je viens appuyer les conclusions de la commission et demander à M. le ministre des travaux publics si les localités d'où émanent ces pétitions peuvent nourrir l'espoir de voir achever dans un temps peu éloigné le canal de Selzaete ; les travaux effectués, tant qu'ils ne sont pas achevés, sont sans utilité et ne diminuent en rien les désastres auxquels ils ont pour but de remédier.

Je prie M. le ministre de vouloir bien nous donner à cet égard une explication.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Jusqu'à pressât on n'a achevé que les trois premières sections du canal de Selzaete, il reste à faire la dernière, celle de Saint-Laurent à Bouchout et à Assenede. Le gouvernement reconnaît l'indispensable nécessité d'achever ce grand travail.

Déjà à plusieurs reprises mon attention a été appelée sur ce point, j'en ai référé à M. le ministre des finances.

J'aurai l'occasion de donner des explications détaillées lors de la discussion de mon budget. Je dois dire dès à présent que le prochain budget comprendra un crédit pour l'exécution de la moitié de cette dernière section du canal, que les opérations préalables à l'adjudication des travaux pourront être poursuivies de façon à ce que l'on puisse mettre la main à l'œuvre sans retard considérable.

M. Vander Donckt. - Je remercie M. le ministre des travaux publics de ces explications.

M. Maertens. - J'avais demandé la parole pour appuyer les observations de l'honorable M. Vander Donckt ; mais après les explications que vient de donner M. le ministre des travaux publics, je n'ai plus qu'à me joindre à mon honorable collègue pour le remercier de l'intérêt qu'il porte à cette affaire.

C'est une question qui, dans la chambre, trouvera un assentiment unanime ; c'est un ouvrage qu'il est indispensable d'achever dans un bref délai ; car, l'été dernier, le gouverneur de la Zélande a signalé à tous ses administrés de la partie hollandaise, que par l'envasement successif du Braekman et du Swyn, nos polders étaient menacés d'une ruine complète.

L'achèvement du canal de Selzaete est donc le seul moyen de suppléer à l'obstruction du Braekman, seule voie d'écoulement que nous avions.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Leeuw-Saint-Pierre, le 12 décembre 1852, le sieur Borremans, ancien garde champêtre à Leeuw-Saint-Pierre, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension. »

Le pétitionnaire, invoque à l'appui de sa demande, trois années de services militaires et vingt années de fonctions dans l'emploi de garde champêtre.

Pour ses trois années de services militaires, il n'a pas droit à la pension ; si, comme garde champêtre, il croit y avoir des droits, c'est à la commune de Leeuw-Saint-Pierre, où il a exercé cet emploi, qu'il doit les faire valoir.

Votre commission vous propose en conséquence l'ordre du jour.

-Ces conclusions sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Wellin, le 7 décembre 1852, le sieur Kessel, ancien officier, demande la pension civique, ou du moins celle qui est accordée aux décorés de la croix de Fer. »

Le pétitionnaire, blessé de septembre, décoré de la croix de Fer, a rempli successivement les fonctions de major de place à Gand et celle de commandant à Damme.

Pendant le siège d'Anvers, il était au fort du Nord, comme officier d'artillerie, et fut alors proposé par le colonel Buzen pour la croix de l'Ordre de Léopold.

Après treize ans de services, non compris les campagnes, il dut abandonner la carrière militaire par suite de maladie et d'uue infirmité ; il obtint, sur sa demande, sa démission honorable.

Malgré ses droits, fondés sur l’arrêté organique, d’ancien officier et de blessé de septembre, il ne put, malgré ses nombreuses demandes, obtenir un emploi civil.

Chargé d'une nombreuse famille, six enfants, peu favorisé de la fortune, privé d'un emploi qui lui eût été si nécessaire pour élever honorablement sa famille, il s'adresse aujourd'hui à la chambre pour obtenir une pension.

Le pétitionnaire, paraissant avoir des droits incontestables à la pension des décorés de la croix de Fer, votre commission a l'honneur de vous proposer, messieurs, le renvoi de sa pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Lodelinsart, le 26 novembre 1852, le sieur Fonson réclame l'intervention de la chambre pour contraindre le notaire qui a été chargé de liquider la succession de sa mère, de lui rendre un compte spécial et détaillé de ses opérations. »

Cette affaire étant de la compétence des tribunaux, votre commission : vous propose, messieurs, l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Hal, le 27 novembre 1852, le commissaire de police de la ville de Hal demande une indemnité du chef de ses fonctions de ministère public près du tribunal de simple police. »

« Même demande des commissaires de police dans l'arrondissement judiciaire de Termonde, du sieur Kirsch, commissaire de police en chef de la ville de Liège, et du sieur Reynaut, commissaire de police de la ville de Thourout. »

La chambre a déjà entendu plusieurs rapports sur un grand nombre de pétitions ayant le même but, et a admis les conclusions, tendant au renvoi à M. le ministre de la justice.

Votre commission vous propose également le renvoi de celles-ci à ce haut fonctionnaire.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - Par pétition datée de Laroche, le 1er décembre 1852, le sieur Navaux demande que le gouvernement soit autorisé à faire l'échange des récépissés des emprunts de 1848 qui n'ont pas été présentés en temps utile, et que cet échange puisse avoir lieu dans tous les bureaux de l'enregistrement. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Tournai, le 20 mars 1852, les sieurs Bourgeois, Delcourt et Truffaut demandent que le gouvernement soit autorisé à faire l'échange de leurs bordereaux de récépissés des emprunts de 1848. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Peruwelz, le 29 novembre 1852, le sieur (page 499) Cheron réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le remboursement de la somme qu'il a versée au trésor pour sa quote-part des emprunts de 1848. »

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition sans date, le sieur Balant, syndic des huissiers attachés au tribunal de première instance de Mons, demande une loi qui accorde à ces officiers publics le droit d'exercer leur ministère devant la justice de paix, concurremment avec les huissiers attachés à ces tribunaux. »

« Même demande des huissiers attachés au tribunal de première instance de Dinant, d'Ypres, de Termonde et de l'arrondissement de Courtrai. »

Conclusions : Renvoi au ministre de la justice.

M. Thibaut. - Je désirerais savoir si M. le ministre de la justice a déjà étudié ou fait étudier la question soulevée par les pétitionnaires, et s'il se propose ou non de présenter un projet de loi.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - De quoi s'agit-il ?

M. Thibaut. - Il s'agit de pétitions où l'on demande que les huissiers de première instance aient le droit d'instrumenter concurremment avec les huissiers des justices de paix. Ils se fondent, je pense, sur ce que diverses lois ont étendu la compétence des justices de paix, et que le nombre des affaires devant la justice de paix a considérablement augmenté, tandis que, par la même raison, il a considérablement diminué devant les tribunaux de première instance.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il y a beaucoup de questions de ce genre, actuellement pendantes au département de la justice. Plusieurs pétitions dans le sens de celle-ci ont été renvoyées à ce département.

La chambre a pu voir que ces questions qui tiennent à l'organisation des officiers ministériels et à la fixation de leur nombre, feront partie du travail de la commission que je viens d'appeler à s'occuper de ce qui concerne l'organisation judiciaire.

J'espère que d'ici à un temps très court, nous aurons un résultat, que les intérêts au nom desquels l'honorable préopinant a pris la parole, seront examinés avec soin, et que les solutions seront arrêtées suivant les véritables intérêts du service.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Allard, rapporteur. - Par pétition datée d'Eix-sur-Croix, le 28 novembre 1852, la veuve du sieur Ducoing, ancien préposé des douanes, prie la chambre de lui accorder une pension, »

La pétitionnaire, veuve de deux préposés des douanes, s'adresse à la chambre pour obtenir une pension calculée sur les années réunies, de ses deux mariages et des services de feu ses.ieux maris.

Aux termes de l'article 37 des statuts organiques de la caisse des veuves et orphelins du département des finances, en date du 29 décembre 1844, pris en exécution de l'article 33 de la loi sur les pensions civiles et ecclésiastiques, la veuve d'un fonctionnaire ou employé ne peut, avoir droit à la pension à charge de la caisse, si le mariage n'a duré au moins trois années.

Le premier mari est mort après deux ans onze mois de mariage, le second, après deux ans ; la pétitionnaire n'a donc aucun droit à la pension.

Votre commission vous propose, messieurs, l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Gosselies, le 17 décembre 1852, le sieur Manfroid, instituteur à Gosselies, se plaint de ce que le curé de la paroisse refuse d'admettre à la première communion les filles qui fréquentent son école. »

Le pétitionnaire signale à la chambre l'atteinte portée à la liberté de l'enseignement par le refus du curé-doyen de Gosselies, d'admettre à la première communion les filles qui fréquentent son école.

La majorité de la commission des pétitions, messieurs, a décidé que son rapporteur se bornerait, en vous proposant l'ordre du jour, à vous donner lecture de la pétition.

(M. le rapporteur donne lecture de cette pièce.)

M. Dumortier. - Je vous avoue, messieurs, que je suis étrangement surpris et vivement peiné de la marche sans exemple suivie à l'occasion de cette pétition.

Voici le feuilleton de pétitions qui nous a été distribué, en exécution de l'article 65 du règlement.

« Le sieur Manfroid, instituteur à Gosselies, se plaint de ce que le curé de la paroisse refuse d'admettre à la première communion les filles qui fréquentent son école. » Conclusion : Ordre du jour.

Comment ! La commission juge qu'une pétition doit être frappée de l'ordre du jour, et vous faites ici plus que n'a voulu le pétitionnaire, en venant donner lecture d'une pétition qui n'est qu'un scandale. Je ne conçois pas une pareille décision. Si vous admettez que l'accusation est dénuée de fondement, pourquoi ordonner la lecture de la pétition ?

Si vous proposiez à la chambre des conclusions tout autres, si vous reconnaissiez le fondement des griefs allégués par le pétitionnaire,vous pourriez venir (et ce serait l'extrême) donner lecture de la pétition. Mais lorsque vous reconnaissez qu'elle est dénuée de tout fondement, et que vous réclamez contre elle l'ordre du jour, pourquoi y donner de la publicité ? Car vous ne proposez pas même le dépôt de la pétition au bureau des renseignements ; vous proposez de l'enterrer par l'ordre du jour.

Si c'est du scandale qu'on veut, je regrette amèrement qu'il se soit trouvé dans cette chambre des membres qui s'y soient prêtés !

Ce qui tient au for intérieur ne nous regarda pas : nous n'avons pas le droit d'intervenir dans la gestion d'un minis'te des cultes. Vous n'avez ce droit à l'égard des ministres d'aucun cnlte, ni hébraïque, ni protestant, ni anglican, ni catholique. Les affaires des cuites sont en dehors de notre domaine. Nous ne pouvons y intervenir.

Je ne sais de quel droit on publierait de par la chambre et au nom de la chambre cette longue diatribe, cette calomnie peut-être, contre un ministre du culte ; car vous allez plus loin que n'a voulu le pétitionnaire lui-même, en donnant à sa pétition, sous la protection de cette chambre, une publicité que lui-même n'y a pas donnée. Il avait la presse dont il pouvait se servir ; il avait tous les moyens de publicité ; il n'a pas voulu y recourir. Ainsi, par la décision qu'a prise la commission la chambre cause un scandale que le pétitionnaire avait évité.

Je suis désolé, pour l'honneur de cette assemblée, de voir de pareilles chosses se passer dans la chambre.

M. Allard, rapporteur. - Une pétition est adressée à la chambre ; elle est transmise à la commission des pétitions. Nous nous sommes dit que celui qui avait adressé cette pétition à la chambre devait en subir les conséquences, qu'il fallait faire connaître les faits. Si les faits sont vrais, le curé en subira les conséquences. Si au contraire ils sont faux, c'est l'instituteur qui en subira les conséquences.

M. Dumortier. - Alors pourquoi avez-vous proposé l'ordre du jour ? (Interruption.)

M. le président. - Ce sont des questions très délicates. Je vous recommande, messieurs, de rester calmes.

M. Allard. - Nous avons proposé l'ordre du jour, parce que la chambre est incompétente pour prendre une décision en ces matières. La commission a délibéré, et elle a décidé qu'elle proposerait l'ordre du jour et la lecture de la pétition.

J'ai fait ce qn'a voulu la commission. Je n'ai pas ajouté un mot.

M. Rogier. - Je ne viens pas prendre la défense de toutes les expressions dont s'est servi le pétitionnaire. Je ne veux pas cependant le traiter aussi durement que l'a fait un honorable représentant de Roulers.

Nous devons avoir des égards pour le droit de pétition, et si les faits, tels que les révèle le pétitionnaire, sont vrais (et je crois qu'ils le sont), on comprend, on excuse même, de sa part, une certaine vivacité de langage.

Du reste, je le répète, je ne viens pas prendre la défense de certaines expressions de la pétition. L'honorable rapporteur de la commission, si j'ai bien compris, n'a fait que se conformer aux conclusions de la majorité de la commission, conclusions qui consistent en ceci : Lecture de la pétition et ordre du jour sur cette pétition. Je n'ai pas non plus à défendre cette décision de la commission. Je crois que, du moment que la commission attachait assez d'importance à la pétition pour en prescrire la lecture, elle devait aussi lui faire un autre accueil que l'ordre du jour qui est une sorte de fin de non-recevoir, d'après la facilité avec laquelle, en général, nous adoptons d'autres conclusions.

Je pense, messieurs, que cette pétition révèle des faits qui, s'ils ne sont pas de la compétence directe de la chambre, méritent cependant d'altirer son attention.

Un simple instituteur privé qui s'adresse à la chambre pour obtenir en quelque sorte sa protection, mérite d'être accueilli avec indulgence.

Voici les faits tels qu'ils se présentent et tels qu'ils me sont connus.

Un instituteur privé, établi à Gosselies, reçoit des garçons et des filles dans des locaux séparés. Les filles sont instruites par une institutrice. En concurrence avec cette école de filles existe un couvent qui paraît plus particulièrement patroné par le curé de la paroisse. Les filles fréquentant l'école privée sont exclues du catéchisme et sont exclues même de la communion. Messieurs, on a parlé tout à l'heure de scandale ; je demande si un tel état de choses n'est pas de nature à mériter le reproche public.

On invoque, on réclame souvent la liberté d'enseignement. Il y a ici en fait violation de la liberté d'enseignement dans la personne de cet instituteur privé. Si des ecclésiastiques, placés à la tête d'une école, patronant une école, refusaient le service religieux, le concours religieux dans l'église, aux enfants qui fréquentent l'école privée concurrente, évidemment il y aura là une atteinte grave à l'esprit de la Constitution. Qu'on généralise le fait, qu'il se reproduise dans toutes les communes et vous reconnaîtrez que pour les instituteurs privés, en fait, la liberté d'enseignement n'existera plus.

Je voudrais donc, messieurs, une autre conclusion que l'ordre du jour. Je n'aperçois pas le moyen, le moyen constitutionnel, de forcer un ecclésiastique, un prêtre quelconque de recevoir à la table de communion telle ou telle catégorie d'enfants. Mais je dis, messieurs, que de pareils faits méritent d'attirer l'attention publique, qu'il est important que par la publicité même qu'on leur donne, ils ne viennent pas à se généraliser et à provoquer contre le clergé, auquel de pareils fails pourraient être reprochés, une réaction qui irait beaucoup plus loin qu'on ne pense.

Les faits qui sont signalés dans la pétition ont été révélés depuis longtemps à l'autorité supérieure. Tous les moyens ont été employés pour les faire cesser. Il a été impossible à l'administration de ramener le curé dont il s'agit à des dispositions plus bienveillantes, plus tolérantes.

Tout le monde s'en est mêlé. L'instituteur privé accuse le gouvernement de l'avoir abandonné. Je dois dire que le gouvernement ne l'a pas abandonné, qu'il s'est intéressé à sa position, qu'il a pris toutes les (page 500) mesures administratives en son pouvoir pour tâcher de ramener la paix et la tolérance dans la commune, mais qu'il n'y est pas parvenu.

Je demande que la pétition ne soit pas frappée, comme on l'a dit, de l'ordre du jour, qu'elle soit au moins déposée au bureau des renseignements, si l'on ne juge pas à propos de la renvoyer à M. le ministre de la justice.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai appris a l'instant par des personnes dignes de foi que le curé accusé dans la pétition dont vous venez d'entendre la lecture, est un parfait honnête homme, un excellent prêtre digne de la considération générale, et incapable de commettre une action contraire à la liberté des cultes.

M. Rogier. - L'instituteur aussi est un honnête homme.

M. Rodenbach. - Je ne l'accuse pas. Mais vous n'avez pas entendu l'ecclésiastique dont on se plaint, et déjà vous voulez, par la publication de cette pétition, lui infliger une sorte de blâme. Je dis qu'auparavant il faudrait l'entendre. (Interruption.) Je ne prétends pas qu'il faille l'entendre dans cette enceinte ; mais je dis que vous ne pouvez, par la publication d'une accusation qui n'est nullement prouvée, exciter les esprits contre un prêtre qui, je le répète, m'est signalé comme incapable de poser un acte tel que celui dont on l'accuse. Avant d'insérer dans nos Annales parlementaires une pareille pétition, il faudrait qu'il fût reconnu que les faits qu'elle dénonce sont réels, ce que je ne crois pas.

Je m'oppose donc aussi à l'impression de la pétition et je me prononce formellement pour l'ordre du jour.

M. Dumortier. - L'honorable M. Rogier est venu tout à l'heure justifier la commission d'avoir donné lecture de cet étrange document, tout en reconnaissant qu'il n'admet pas lui-même les expressions qui se trouvent dans la pétition. Ces expressions sont d'une nature telle, qu'elles suffiraient pour que la chambre passât immédiatement à l'ordre du jour sur la pétition.

Messieurs, que porte le règlement ? L'article 65 dit que la commission fait l'analyse des pétitions et la présente à la chambre. Quant aux conclusions, elles sont imprimées. Elles ne tendent pas, comme l'a dit l'honorable M. Rogier, à donner lecture de la pétition à la chambre ; les conclusions de la commission proposent simplement l'ordre du jour. C'est ce qui est écrit sur le feuilleton que nous avons sous les yeux.

Messieurs, y a-t-il lieu de déposer cette pétition au bureau des renseignements ? Je dis que non ; je dis que ce serait là un déni de justice pour la partie adverse. Je vais plus loin ; je demande que la chambre ne permette pas l'impression de cette requête au Moniteur, parce que je ne veux pas que nos Annales soient déconsidérées, soient déshonorées par un pareil document. (Interruption.)

Je sais bien, messieurs, qu'on nous a donné lecture de cette pétition pour qu'elle fût insérée au Moniteur ; mais c'est pour m'opposer à cette petite tactique que je demande à la chambre de décider qu'elle ne sera pas insérée dans les Annales parlementaires.

Messieurs, qu'est-ce au fond que cette affaire ? Ce n'est rien autre chose, qu'une violation de la liberté des cultes, qu'une mesure d'empiétement sur l'autorité religieuse.

Comment ! vous viendrez dire ici qu'un curé a tort ou a raison de refuser les sacrements à telle ou telle personne ? Mais qu'est-ce que cela vous regarde ? De quel droit vous ingérez-vous dans ces sortes d'affaires ? Etes-vous le supérieur des curés ? Etes-vous cardinal par hasard ? Vous vous révoltez à chaque instant contre les prétendus empiétements du clérical, et vous voudriez forcer les cléricaux à donner l'absolution, à donner la communion à ceux à qui il ne leur convient pas de la donner. Je trouve en vérité ces prétentions bien étranges. Où avez-vous donc puisé les bases d'un pareil droit ?

Vous voulez vous substituer au pouvoir ecclésiastique. Mais allez donc demander au rabbin pourquoi il prend telle ou telle mesure ; allez demander au domine anglican, au domine protestant pourquoi il fait telle ou telle chose. Et si vous avez ce droit, que devient la liberté ?

Vous parlez de la liberté d'instruction. Elle n'est pour rien dans cette affaire. Chacun est libre de diriger son école comme il le veut.

Mais ce qui est ici en jeu, c'est la liberté des cultes. Les cultes ne sont plus libres en présence d'un accueil favorable fait à une pareille pétition, et vous n'arrivez qu'à un seul résultat, c'est d'établir le régime qui existe en Suisse où les cultes sont réglementés.

Vous parlez de la liberté, de la Constitution ; vous élevez une colonne au Congrès national ; mais ne renversez donc pas l'œuvre du Congrès national. Ne détruisez pas la Constitution qui consacre la liberté des cultes ! Que deviendrait la liberté des cultes, si dans cette chambre on venait décider que tel ou tel ecclésiastique, agissant dans la sphère des fonctions de son ministère, a mal agi !

Que deviendrait la liberté des cultes si une pareille question était abandonnée au pouvoir parlementaire ? C'est bien assez pour nous d'avoir à régler les affaires de l'Etat, qui sont souvent au-dessus de nos forces ; n'allons pas encore assumer sur nos épaules le fardeau des affaires ecclésiastiques, qui nous sont complètement étrangères, et que la constitution a soustraites à notre examen.

Je demande que la chambre passe à l'ordre du jour sur la pétition et qu'il soit décidé que celle-ci ne sera pas insérée au Moniteur.

Maintenant dirais-je quelques mots sur le fond de la question ?

On fait un grand éloge de l'instituteur, je veux croire qu'il le mérite ; mais connaissez-vous les motifs du curé ? Vous venez lui attribuer des motifs extrêmement bas, mais avez-vous été lire dans son intérieur ? Savez-vous s'il n'a pas des motifs sérieux ? S'il arrivait, par exemple, que l'instituteur est d'une inconduite notoire, s'il enseignait des choses contraires à la religion, blâmeriez-vous encore le curé qui refuse les sacrements aux élèves d'une pareille institution ? Mais évidemment il n'y aurait qu'à le féliciter de sa conduite ; et vous surtout, M. Rogier, qui avez toujours dit que vous vouliez une instruction religieuse, vous devriez être le premier à le féliciter !

Vous supposez au curé des mobiles étroits, mesquins, bas, mais savez-vous s'il n'a pas des mobiles sérieux ? Mais s'il n'avait que les motifs que vous lui attribuez, il ne manque pas de curés qui s'empresseraient de donner aux enfants dont il s'agit les sacrements qui leur seraient refusés par de semblables motifs.

L'Eglise catholique ne se compose pas d'un seul curé ; elle en a un grand nombre ; elle a des vicaires ; elle a ensuite des évêques auxquels on peut appeler. Si le curé dont il s'agit avait si grand tort, il ne manquerait pas de personnes à côté de lui qui feraient ce qu'il ne veut pas faire ; rien ne serait d'ailleurs plus facile à l'instituteur que d'obtenir justice en s'adressant à l'autorité ecclésiastique supérieure.

Dans tous les cas, messieurs, je répète que nous n'avons pas le droit d'intervenir dans de semblables questions ; ajouter ces questions as sein du parlement, c'est attaquer la liberté des cultes.

M. le président. - Je regrette de devoir dire à la chambre que l'avis des secrétaires est que nous ne sommes plus en nombre. On peut continuer à discuter, mais on ne pourra pas prendre de décision.

M. Dumortier. - J'ai demandé que la pétition ne soit pas insérée au Moniteur ; si nous ne sommes pas en nombre pour statuer sur cette proposition, il y a une heure que nous ne sommes pas en nombre et nous ne l'étions pas quand on a lu la pétition.

M. le président. - Lorsque j'ai vu qu'on allait prendre une résolution importante, comme il me paraissait que nous n'étions plus en nombre, j'ai voulu le faire constater régulièrement et j'ai prié M. Vermeire de monter au bureau. Les deux secrétaires sont d'accord pour déclarer qu'il n'y a plus que 48 membres dans la salle.

M. Malou. - M. Dumortier a proposé de ne pas insérer la pétition au Moniteur. Nous ne pouvons pas préjuger dans un sens ou dans l'autre la décision que la chambre prendra quand elle sera en nombre, c'est donc un acte de loyauté que je demande à la chambre, en priant le bureau d'ordonner que, provisoirement, jusqu'à ce que la chambre ait statué, la pétition ne soit pas imprimée, c'est-à-dire qu'elle ne figure pas dans les Annales de demain matin.

- Un membre. - Le règlement s'y oppose.

M. Malou. - Le règlement s'y oppose si peu que souvent, quand le sénat et la chambre sont réunis en même temps, l'impression du compte rendu des séances est retardée d'un ou même de plusieurs jours.

M. de Perceval. - Je dois faire une observation à l'honorable M. Malou, c'est qu'on ne peut pas empêcher les sténographes des autres journaux de reproduire in extenso et la séance et la pétition. Nous sommes en séance publique, et tout ce qui se dit ici doit être inséré au Mo~niteur.

Je ne veux pas préjuger la décision de la chambre, mais je crois que, puisqu'il a été donné lecture de la pétition, elle doit aussi se trouver dans les Annales parlementaires. Les Annales parlementaires doivent donner exactement nos débats ; or, la pétition a été lue à la suite d'une décision prise par la commission, il est donc rationnel qu'elle se trouve insérée aux Annales parlementaires.

M. Coomans. - Puisqu'il y a doute sur le point de savoir si nous sommes ou si nous ne sommes pas en nombre, je demande l'appel nominal sur la proposition de l'honorable M. Dumortier.

M. le président. - Il n'y a pas de doute : le bureau est unanime pour reconnaître que nous ne sommes plus en nombre, ftous ne sommes que 48.

M. Coomans. - Si vous aviez la conviction qu'on n'est plus en nombre, vous ne pouviez plus accorder la parole.

M. le président. - On a toujours admis qu'on peut discuter sans être en nombre ; mais on ne peut pas prendre de décision.

M. Dumortier. - L'honorable M. de Perceval nous dit que la pétition a été lue et que, par conséquent, elle doit être insérée au Moniteur. Je n'admets point du tout ce principe. Il est bien vrai que tout ce qui se dit ou se lit dans nos séances est, d'ordinaire, inséré au Moniteur, mais il est arrivé souvent que la chambre a décidé que des pièces lues, eu séance publique ne seraient point insérées au Moniteur.

C'est ce que j'ai demandé pour la pétition dont il s'agit. Maintenant puisque la chambre n'est pas en nombre, je m'en réfère à la justice et à la loyauté de M. le président et je ne doute pas que ce qu'il décidera dans sa sagesse, ne nous satisfasse tous.

Quant aux sténographes des journaux dont a parlé M. de Perceval, ils reproduiront ce qu'ils auront pu saisir, mais évidemment, sur la lecture rapide qui a été faite de la pétition, ils n'en auront saisi que fort peu de chose.

M. Rogier. - Je trouve assez futiles, je dois le dire, les objection que l'on fait contre l'insertion de la pétition au Moniteur. Cette pièce a été lue, en séance publique, elle sera recueillie par tous les journaux, elle a été lue non pour faire du scandale...

M. Allard, rapporteur. - Je proteste contre cette supposition.

M. Rogier. - Une commission des pétitions composée, je crois, dans un sens impartial, par toutes les sections, ordonne qu'une (page 501) pétition sera lue ; cette pétition est lue ; elle passe au Moniteur comme toutes les autres pièces qui font partie de nos discussions. Il n'y a là rien que de fort naturel. La chambre n'a pas la responsabilité de tout ce qui s'insère dans les Annales parlementaires.

On a dit que la partie adverse n'avait pas été entendue, qu'il était bon que l'ecclésiastique incriminé pût au besoin répondre ; eh bien, la publication de la pétition le mettra à même de répondre, s'il croit devoir le faire.

M. Coomans. - Dans les Annales parlementaires ?

M. Rodenbach. - La presse est là.

M. Rogier. - Je répète que la chambre n'est pas responsable de tous les documents qui s'impriment dans les Annales parlementaires. Maintenant que la pétition a été lue, il y aurait une sorte de puérilité à empêcher qu'elle ne figure au Moniteur, comme tout ce qui se lit et se dit dans cette chambre.

Du reste, quand la chambre sera en nombre suffisant, elle en délibérera, quoi que à mon avis ce soit là un objet peu digne d'une discussion. Je m'étonne de l'extrême chaleur avec laquelle l'honorable M. Dumortier s'est exprimé. A l'entendre, nous aurions voulu faire du scandale de cette affaire. S'il y a du scandale, il ne vient pas de notre côté. Je crois être un partisan tout aussi sincère, tout aussi ferme que l'honorable M. Dumortier de la liberté de l'enseignement et de la liberté des cultes ; je crois avoir fait mes preuves depuis vingt-deux ans à cet égard. Je parle ici au nom de la liberté des cultes, de la liberté de l'enseignement, de la liberté de l'opinion.

Quoi donc ! dans notre pays de liberté, de discussion, il nous serait interdit de juger, de blâmer la conduite d'un ecclésiastique ! Vous n'y consentiriez pas vous-même, M. Dumortier, et vous ne le feriez pas.Vous avez, dans d'autres circonstances, blâmé la conduite de certains ecclésiastiques. L'on irait jusqu'à ne pas oser se permettre un mot de critique sur tel ou tel acte du clergé, qui constituerait un abus ! Je n'entends pas ainsi la liberté des cultes.

Ami de la liberté des cultes sans aucune réserve, je suis pour la liberté d'enseignement, mais je suis aussi pour la liberté d'examen, pour la liberté de discussion, et je déclare que je me réserve formellement le droit de critiquer les actes des ministres des cultes, quand je croirai que ces actes ne sont pas d'accord avec l'esprit de notre Constitution. Je ne pousserai pas jusqu'au mutisme l'abnégation de ma liberté d'examen.

Messieurs, si j'ai pris la parole dans cette circonstance, c'est que les faits qui ont été révélés dans la pétition m'étaient parfaitement connus. Il n'est pas exact de dire que je suis venu faire un grand éloge de l'instituteur Manfroid. Je ne connais pas cet instituteur. Je vois dans une commune un instituteur privé qui, dans l'exercice de sa profession qui lui est garantie par la Constitution, a à souffrir d’actes que je considère comme peu tolérants de la part d’un ecclésiastique ; je me range du côté de l’instituteur et je me permets de trouver mauvais que l’ecclésiastique refuse le catéchisme et la communion de petites filles, parce qu’elles fréquentent l’école privée, au sujet de laquelle il n’y a pas, d’ailleurs, de plainte.

Voilà ce qui est résulté des enquêtes nombreuses faites à l'occasion de la réclamation de l'instituteur qui, je le répète, m'est inconnu. On m'a assuré toutefois que c'était un honnête homme.

La preuve que cet instituteur ne doit pas êlre traité avec dédain et mépris, c'est que, malgré l'interdiction qui le frappait, son école a continué cependant à être fréquentée par un certain nombre de petites filles, appartenant aux pères de famille de la commune. En pareille circonstance il ne faut pas, ce me semble, se passionner tellement qu'on ne puisse pas considérer cet instituteur comme digne de la moindre créance, qu'il faille nécessairement le condamner, lorsqu'il vient se plaindre à vous de ce qu'il signale comme un abus, de ce qui porte atteinte à sa profession privée, à sa fortune privée.

J'ai reconnu moi-même que des moyens constitutionnels nous manquent, pour remédier à ce qui constitue à mes yeux un abus regrettable, je l'ai dit et je n'hésite pas à le répéter. J'ai demandé et je continue à demander que la pétition soit déposée au greffe, qu'elle ne soit pas accueillie par un simple ordre du jour ; je demande que la chambre n'étant pas suffisamment éclairée, si vous voulez, sur les faits ne se prononce pas d'une manière absolue contre le plaignant ; je le demande au nom du droit de pétition, au nom de la liberté de l'enseignement de la liberté des cultes, de la liberté d'examen ; je demande que la chambre ne prononce pas un dédaigneux ordre du jour sur une pétition qui révèle des faits qui méritent de fixer son attention.

Quant à l'impression de la pétition au Moniteur, la chambre en délibérera quand elle sera en nombre ; en attendant, la pétition sera publiée dans les autres journaux, de telle manière que la publicité lui sera toujours donnée.

Je proteste en finissant contre toute idée d'avoir voulu faire naître du scandale à cette occasion. C'est par hasard qu'en arrivant à la chambre j'ai appris qu'il serait fait rapport sur la pétition de l'instituteur Manfroid.

Quand j'ai su que la commission concluait a l'ordre du jour, je me suis réservé de prendre la parole et de soumettre à la chambre quelques observations que j'ai tâché de lui présenter avec modération.

M. Malou. - Messieurs, je demande, au nom de la dignité de la chambre, au nom de la Constitution, l'ordre du jour pur et simple sur cette pétition.

Le débat qui vient d'avoir lieu me prouve que la commission, sortant de tous les précédents, a eu grand tort de faire donner lecture d'une pétition sur laquelle elle proposait l'ordre du jour.

Et, en effet, messieurs, supposez qu'un pareil précédent puisse se reproduire, qu'arrivera-t-il ? Toute personne qui voudra injurier ou calomnier une autre personne, qui croira avoir des griefs quelconques à charge d'une autre personne, viendra leur donner, sous forme de pétition, la plus grande publicité qui existe en Belgique.

On dit : « Je ne sais qui a tort et qui a raison. » Si vous ne le savez pas, de quel droit venez-vous produire l'accusation, sous le couvert de la chambre, devant tout le pays, alors que, quand il s'agirait d'une condamnation à une peine de simple police, vous entendriez la défense, vous entendriez l'accusé ?

Si telle peut être la conséquence du droit de pétition, je dis qu'il engendrerait, pratiqué de cette manière, avec la complicité de la chambre, les plus graves et les plus déplorables abus, qu'il minerait même nos institutions.

Et que dit-on maintenant ? « La pétition sera publiée ; la défense viendra ensuite. » La défense viendra ensuite !... C'est-à-dire que nous serions ici des espèces de juges d'instruction, pour examiner les griefs réciproques de deux personnes ; nous aurions entendu l'accusation un jour, et nous entendrions la défense un autre jour, si toutefois la personne incriminée croyait devoir accepter une juridiction incompétente ; et s'il y a calomnie, il en resterait quelque chose et parfois beaucoup.

Il ne fallait donc pas donner de publicité à l'accusation, avant que la défense pût se faire jour ; que si l'on croyait qu'il y eût un grief à réparer, car c'est là l'essence du droit de pétition.

Il fallait, non reproduire l'accusation à la tribune, mais instruire l'affaire ; et la chambre au lieu de prêter son appui à des allégations peut-être calomnieuses eût prononcé un jugement après avoir entendu les deux parties ; c'est là ce que prescrivaient toutes les notions de la justice. Si vous sortez de là, vous entrez dans la voie la plus déplorable pour nos institutions.

Je pourrais supposer que l'accusation fût fondée dans toutes ses parties, je dis encore que l'ordre du jour devrait être prononcé. Pourquoi le droit de pétition est-il établi ? Pour que la force de la représentation nationale vienne en aide à ceux dont un droit est lésé. Il ne faut pas, quand on vous demande de prendre une décision sur une pétition, dire que vous ne pouvez rien. Cependant c'est la conclusion de ceux qui soutiennent l'accusation, c'est à ce résultat qu'ils aboutissent.

Individuellement, que dans cette enceinte même, un tel blâme la conduite d'un tel, cela importe peu ; mais la chambre peut-elle intervenir dans une pareille matière ? Si on dit, et cela est évident pour moi, la chambre ne peut pas intervenir, la conséquence inévitable, c'est qu'on doit passer à l'ordre du jour sur la pétition. La chambre ne peut, en effet, intervenir, parce qu'il s'agit de la liberté de conscience.

Si vous posiez ce principe que la chambre peut décider qu'il y a abus à refuser dans telle ou telle circonstance la participation à l'exercice du culte, vous auriez de fait annulé la liberté des cultes. Ce principe est indivisible ; s'il n'est pas intact, il n'existe plus.

Comme l'honorable préopinant, je me réserve le droit de ne pas approuver ce que pourraient faire des ministres du culte, dans l'ordre politique, bien entendu.

Nous avons notre liberté d'appréciation, mais ce droit n'implique pas pour la chambre celui de provoquer une accusation et, quand la défense ne peut pas se faire entendre, de donner de la publicité à des injures, à des calomnies, à des faits, si vous voulez, qu'il ne lui appartient pas d'apprécier.

Mais, me dit-on, la liberté d'enseignement ! Chose étrange ! Il s'agit d'une institution particulière ; elle existe en vertu de la liberté d'enseignement, mais il n'y a pas, que je sache, dans la Constitution d'article qui assure à celui qui ouvre un établissement en vertu de la liberté d'enseignement le concours du clergé, qui oblige le clergé à concourir à toutes les écoles. Si cet article n'existe pas, le clergé a usé de son droit.

Vous dites qu'il en a abusé, mais c'est là une question de conscience à si l'institution libre a besoin du concours du clergé, le clergé est libre de l’accorder ou de le refuser ; il n'y a pas, je le répète, d'article qui oblige le clergé à donner son concours à toutes les écoles, même à celles du gouvernement ; au nom de la liberté d'enseignement vous voulez violer la liberté des cultes.

On a dit : c'est dans l'église qu'on refuse le concours. Je suppose la question posée sur ce terrain. Dites-moi, avez-vous le droit de prescrire tel acte religieux dans l'église à l'égard d'une école ? Je dis mille fois non, la constitution à la main. Il n'est donc pas possible de prendre une autre décision que l'ordre du jour.

M. Allard, rapporteur. - Messieurs, je dois protester contre les paroles prononcées par un honorable membre qui a prétendu que la commission avait voulu faire du scandale. C'est parce que le rapporteur était fort embarrassé pour faire son rapport qu'on a décidé qu'on lirait la pétition en laissant toute la responsabilité à celui qui l'a faite.

- La discussion est renvoyée à demain.

La chambre n'étant plus en nombre, la séance est fixée à l'heure déterminée par le règlement.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.