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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 8 juin 1853

Séance du 8 juin 1853

(A retrouver, avant de commencer, le rapport dont il est question dans la séance du 6 juin)

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Vermeire (page 1603) procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« L'administration communale de Diest prie la chambre de ne point s'ajourner avant d'avoir discuté la proposition relative au chemin de fer de Jemeppe à Diest par Jodoigne et Tirlemont. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Fleurus à Landen.


« Des membres du conseil communal de Lanaeken demandent que la société concessionnaire d'un chemin de fer de Hasselt vers Maestricht soit obligée de construire un embranchement de Bilsen sur Ans, par Tongres. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à ce chemin de fer.


« Les conseils communaux de Sichen-Sussen et Bolré, Vroenhoven, Vlytingen, Rumpst, Fall et Mheer prient la chambre d'ordonner une enquête sur les projets de chemin de fer de Hasselt à Liège ou de rejeter le projet Mackensie et d'adopter celui qui a été proposé par M. Benard. »

« Même demande des conseils communaux de Roclenge, Wonck, Lanaye et Canne. »

- Même dépôt.


« Des habitants de la ville de Gand prient la chambre d'accorder aux sieurs Delaveleye et Moucheron la concession d'un chemin de fer direct de Saint-Ghislain à Gand par Ath. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par dépêche du 4 juin, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 108 exemplaires du rapport de la commission permanente pour les sociétés de secours mutuels sur ses travaux en 1852. »

- Distribution aux membres de la chambre.


« Par messages du 7 juin, le séuat informe la chambre qu'il a adopté :

« Le projet de loi sur l'organisation de l'armée ;

« Le projet de loi qui règle les conditions d'admission et d'avancement dans les armes spéciales ;

« Le projet de loi concernant les droits différentiels ;

« Le projet de loi portant interprétation de l'article 112 de la loi du 8 janvier 1817 sur l'organisation de la milice nationale. »

- Pris pour notification.

Projet de loi relatif à l'établissement d'un service de navigation à vapeur entre Anvers et New-York

Rapport de la section centrale

M. Vermeire dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'établissement d'un service de navigation à vapeur entre Anvers et New-York.

Projet de loi exemptant de droits une demande en naturalisation

M. Van Overloop dépose le rapport de la commission des naturalisations sur le projet de loi tendant à accorder l'exemption des droits de timbre et d'enregistrement au sieur Poirot pour sa demande en naturalisation.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Closset, rapporteur.. - « Le sieur Berlier, concessionnaire de la route d'Acoz à Florennes, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef du préjudice que va lui causer la construction du chemin de fer de Châtelineau vers Florennes, par la vallée d'Acoz. »

Le pétitionnaire développe de longues considérations pour justifier sa demande. Il distingue entre les préjudices directs ou le complet anéantissement d'une route concédée et les préjudices indirects, éloignés et partiels que la construction d'un chemin de fer peut occasionner à une route concédée.

Il croit qu'une indemnité doit être accordée au concessionnaire dont la route est entièrement anéantie, mais qu'à cause du trop grand nombre de réclamations et de difficultés qui eu surgiraient, ou ne pourrait indemniser ceux qui ne souffrent qu'indirectement et partiellement.

Partant de ce principe, et afin d'établir son droit, il place sa route dans le premier cas, c'est à-dire qu'il la considère comme devant être complètement anéantie par l'établissement du chemin de fer.

Nous ne croyons pas, messieurs, que la chambre puisse entrer dans les appréciations du dommage qu'une nouvelle voie de communication, légalement décrétée, peut causer à une autre. Ce n'est qu'au moment oû la législature est saisie de l'examen des projets de loi ou des demandes en concession qu'elle doit prendre en considération les divers intérêts qui peuvent en être affectés, et, en 1845, lors de la discussion de la loi qui accordait la concession du chemin de fer de Châtelineau vers Florennes, la chambre a déjà été saisie de la réclamation du sieur Berlier.

Depuis lors, le pétitionnaire a cessé ses démarches, et s'il les renouvelle aujourd'hui, ce n'est sans doute que parce qu'il croit que le principe d'une indemnité a été admis dans la concession du chemin de fer de Pepinster à Spa. Il dit, en effet, que la société concessionnaire de la route de Pepinster à Spa recevra une indemnité de 150,000 francs de la part de la société concessionnaire du chemin de fer qui va se construire entre ces deux localités.

Si le fait est vrai, messieurs, il ne résulterait probablement que d'arrangements pris entre les intéressés, antérieurement à la présentation du projet de loi de concession, afin d'éviter une opposition qui aurait pu surgir, comme le projet du chemin de fer de Châtelmeau vers Florennes a fait surgir celle du sieur Berlier.

Cette indemnité n'est pas, du reste, connue de la chambre.

Le règlement du dommage dont se plaint le pétitionnaire ne pouvant avoir lieu, dans la pensée de votre commission, que d'après les principes du droit commun et non par l'intervention de la législature, votre commission, messieurs, vous propose l'ordre du jour, sans toutefois que ces conclusious tendent à préjudicier aucunement aux réclamations que le pétitionnaire peut adresser au département des travaux publics, s'il croit que la convention qui a été conclue, suivant lui, entre les deux sociétés du chemin de fer et de la route de Spa soit due à l'intervention du gouvernement.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Jacques, rapporteur. - Dans la séance du 2 de ce mois, vous avez demandé un prompt rapport sur la pétition du sieur de l'Orgevie-Gentry, héritier de la dame Van Enschodt, d'Anvers.

Le pétitionnaire demande qu'il soit procédé pendant la présente session à l'examen du projet de loi qui avait été présenté le 6 mai 1847 par le gouvernement, pour la concession à la dame Van Enschodt, d'un chemin de fer de Malines à Schelle, et d'un service de bateaux à vapeur de Schelle à Tamise.

Cette concession assurerait des communications régulières entre Malines et Tamise, en passant par Waelhem, Rumpst, Boom, Niel, Schelle, Rupelmonde et Notelaer. L'on rattacherait ainsi au chemin de fer de l'Etat la partie de la province d'Anvers connue sous le nom de Petit-Brabant.

Cette concession favoriserait les intérêts d'un grand nombre de communes très populeuses : l'on ne demande d'ailleurs aucun subside, aucune garantie de minimum d'intérêt.

La convention provisoire et le cahier des charges de la concession ont été signés sous la date du 5 mai 1847 par M. de Bavay, alors ministre des travaux publics, et par la dame Van Enschodt.

Le chambre ayant été dissoute en 1848, le projet de loi présenté le 6 mai 1847 n'est pas soumis à l'examen de la chambre actuelle : pour que nous puissions y délibérer, il faut qu'une proposition nouvelle soit présentée, soit par le gouvernement, soit par l'un des membres de la chambre.

La session actuelle touchant à sa fin, nous pensons qu'il y a lieu de renvoyer la pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi, amendé par le sénat, sur la garde civique

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Landeloos. - Messieurs, à diverses reprises, la chambre a été saisie de projets de loi qui avaient été adoptés primitivement par elle et qui lui étaient ensuite renvoyés amendés par le sénat. Chaque fois elle s'est empressée de reconnaître son erreur, lorsque par suite d'une discussion approfondie qui avait eu lieu dans une autre enceinte, il lui était démontré que réellement elle s'était trompée. Souvent même, par esprit de conciliation, elle a adopté certaines dispositions qui étaient contraires à sa manière de voir. Mais c'était toujours au moyen d'une transaction honorable qu'on parvenait à s'entendre. Lorsqu'elle découvrait qu'il existait une certaine divergence d'opinions sur plusieurs points qu'on pouvait soutenir avec certaine chance de raison de part et d'autre, elle faisait un sacrifice de sa manière de penser à l'égard de quelques-uns, et le sénat, également par esprit conciliant, s'empressait d'adopter les autres dispositions qui avaient été rejetées après un nouvel examen par la chambre des représentants.

Ainsi, la chambre des représentants, lorsqu'elle se trouvait en présence, par exemple, d'une disposition qui avait été adoptée à une grande majorité par le sénat, finissait toujours par y adhérer. Mais lorsque au contraire parmi les amendements qui avaient été introduits au projet de loi primitif, il s'en trouvait qui n'étaient adoptés que par suite d'un partage de voix, on n'hésitait pas à les repousser.

(page 1604) Dans l'occurrence, messieurs, je suis également d'avis qu'il convient d'éviter un conflit entre les deux branches du pouvoir législatif. Pour le prévenir, il y a un moyen facile, c'est d'adopter quatre des amendements qui ont été votés par le sénat et d'en repousser un. C'est ainsi que je pourrais adopter le rejet du paragraphe 4 de l'article 83 adopté par la chambre et qui consistait à dispenser de tout exercice les gardes qui ont atteint l’âge de 40 ans et qui n’appartiennent pas à un corps spécial.

Je pourrai encore adopter le troisième paragraphe amendé et qui consiste à substituer au mot « atteint » le mot « accompli », parce que là encore le sénat s'est pour ainsi dire prononcé à l'unanimité.

Les dispositions qui ont été modifiées à l'article 108 et qui consistent à substituer l'âge de 40 ans à celui de 35 ans, me paraissent encore ne pas devoir être repoussées par la chambre.

Voilà, messieurs, les quatre modifications que la chambre pourrait, je pense, adopter. Mais, en ce qui concerne, au contraire, celle qui tend à porter à douze le nombre d'exercices auxquels sont astreints les gardes qui n'ont pas accompli leur trente-cinquième année, je crois, messieurs, que nous devons repousser cet amendement.

Messieurs, si les discussions qui ont eu lieu au sénat avaient démontré que la chambre avait porté une disposition qui serait subversive d'une institution constitutionnelle, je serais le premier à reconnaître mon erreur et à engager la chambre à adopter également cet amendement. Mais la discussion a-t-elle apporté quelque changement dans l'opinion qu'on s'était formée primitivement ? Est-ce que le gouvernement ou les orateurs qui ont pris part à cette discussion, ont démontré la nécessité d'augmenter le nombre d'exercices ? Je ne le pense pas.

Que s'est-il passé depuis que la chambre a adopté le principe contenu dans l’article 83 ? Est-ce que les débats qui ont eu lieu à l'occasion de l'organisation militaire qui a été votée depuis ont été de nature à engager la législature à revenir sur le principe qu'elle a adopté primitivement ? Non, messieurs ; toutes les discussions qui ont surgi au sujet du projet de loi d'organisation de l'armée ont eu pour objet de démontrer que la garde civique, telle qu'elle est organisée, ne pouvait point être un auxiliaire pour l'armée. On a été plus loin, on a dit que dans certaines circonstances la garde civique serait une cause d'embarras lorsque l'armée se trouverait en rase campagne. (Interruption.)

Puisqu'on est pressé d'en finir, je n'ajouterai plus que cette seule considération ; c'est qu'en présence de l'esprit de conciliation dont nous ferons preuve en adoptant quatre amendements qui ont été votés par le sénat, celui-ci ne peut manquer d'adopter à son tour la disposition qui concerne les six exercices, je propose donc que la chambre maintienne la disposition primitive.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article 73

M. le président. - Le numéro 5° du projet, ainsi conçu : « L'art. 73 (de la loi) est supprimé », est mis eu discussion.

M de Brouckere propose de terminer ce numéro par les mots suivants :

« A partir du 1er janvier 1854. »

M. Ch. de Brouckere. - Cette addition est indispensable ; sinon, on bouleverserait les finances des communes.

M. Coomans, rapporteur. - J'ajoute que la proposition de l'honorable membre n'est pas même un amendement, c'est plutôt une explication du sens réel de l'article.

- La proposition de M. Ch. de Brouckere est mise aux voix et adoptée.

Article 83

M. le président. - Le paragraphe premier de l'article 83 adopté par la chambre, a été supprimé par le sénat, il était ainsi conçu :

« Art. 83. §1. Les gardes peuvent être exercés au maniement des armes ou aux manœuvres six fois par an. Ce nombre d'exercices ne peut être dépassé, si ce n'est en vertu d'une autorisation écrite du collège des bourgmestre et échevins. »

La section centrale propose la disposition ci-jointe :

« Les gardes peuvent être exercés au maniement, des armes ou aux manoeuvres douze fois par an. Ce nombre d'exercices ne peut être dépassé, si ce n'est en vertu d'une autorisation écrite du collège des bourgmestre et échevins. »

M. Landeloos. - Je propose six exercices au lieu de douze.

M. de Mérode. - Messieurs, le sénat a cru devoir augmenter le nombre des exercices... (Interruption.)

Je ne dis pas que le sénat ne se soit pas trompé dans la manière de formuler son vote, mais son intention a été d'augmenter le nombre des exercices et de le porter à douze (interruption) : il ne s'agit pas ici d'un tour de bâton législatif avec lequel on pourrait esquiver le vote du sénat. Je reconnais que ce vote ne peut être tellement enchâssé qu'il n'ait pas de valeur ; mais, je le répète, l'intention du sénat a été de porter le nombre des exercices à douze.

Je crois qu'on ne peut pas le contester ; vous dites qu'il n'a rien voulu du tout, c'est impossible. Je ne pense pas non plus qu'il ait voulu augmenter les exercices indéfiniment ; je proposerei de les porter à huit au lieu de six, pour ne pas repousser es idées du sénat. Les deux assemblées doivent se faire des concessions.

M. Lelièvre. - L'intention évidente du sénat a été de maintenir le nombre d'exercices prescrit par la loi de 1848. En effet, le sénat a rejeté les modifications proposées à la loi de 1848 ; d'où la conséquence qu'il maintenait le statu quo.

En effet, en rejetant les modifications, il votait nécessairement le maintien de la loi existante.

Quant à moi, messieurs, par voie de conciliation et pour éviter tout conflit entre les deux chambres, je voterai l'amendement de la section centrale.

J'émets ce vote, espérant que la mesure proposée par la section centrale pourra être de nature à rallier un grand nombre de suffrages au projet de loi et uniquement afin de prévenir les conséquences fâcheuses de toute proposition nouvelle dont le résultat pourrait être de faire rejeter un projet qui n'a été adopté au sénat qu'à la majorité d'une seule voix, alors même qu'on conservait douze exercices. (Aux voix !)

M. Coomans, rapporteur. - J'espère qu'on permettra un court échange d'explications sur une des lois les plus intéressantes que nous aurons votées dans la présente session. Il y va de la dignité de la chambre.

Il est inexact de dire que le sénat a voulu maintenir, quant aux exercices, les dispositions de la loi du 8 mai.

Le contraire me semble évident. La loi du 8 mai prescrivait un minimum de 12 exercices, notre projet portait un maximum de 6, sauf les exercices supplémentaires à autoriser par le collège des bourgmestre et échevins. Par conséquent si le sénat avait voulu maintenir le régime de la loi du 8 mai, il aurait voté 12 exercices au lieu de 6, que nous avions mis dans la loi ; or, le chiffre de 12 exercices a été mis aux voix et rejeté. Cela prouve que la majorité ne voulait pas de douze exercices.

Il est vrai que les exercices proposés par la chambre ayant été mis aux voix ont été repoussés de la même façon, c'est-à-dire qu'il y a eu deux résolutions négatives, dans lesquelles nous ne pouvons pas discerner quelle a été la véritable intention du sénat ; seulement j'y vois une chose : c'est qu'il n'y a pas au sénat une majorité pour douze exercices.

Il est assez intéressant de connaître, de rechereher la volonté du sénat parce que je suis de ceux qui, étant disposés à la conciliation, ne voudraient pas éloigner encore un résultat. Je serai d'autant plus disposé à entrer dans les vues de conciliation qu'il est désirable que la loi soit votée dans la session actuelle.

Messieurs, quoi que nous fassions, la loi doit retourner au sénat ; c'est un inconvénient, mais c'est un argument en faveur des propositions qui pourront nous être faites.

Si la loi ne devait pas retourner au sénat, je serais le premier à proposer l'adoption pure et simple de tous les amendements adoptés par cette assemblée. Mais, par suite de l'incident que nous connaissons tous, la loi doit retourner au sénat, puisque aucun de nous ne veut supprimer tout exercice pour les hommes âgés de moins de 35 ans. Je fais cette observation pour qu'on ne recule pas devant l'adoption d'an ou deux amendements nouveaux ; le projet de loi devant retourner forcément au sénat, rien ne doit nous empêcher d'y apporter les améliorations que nous jugerions utiles.

M. le président. - M. F. de Mérode propose de fixer le nombre des exercices au chiffre de 8 maximum.

M. Landeloos. - Je me rallie à cette proposition.

M. Rogier. - On est venu faire entendre des paroles de conciliation. Je ne demande pas mieux que de m'y rallier. Je me tiens pour à peu près satisfait du projet de loi, tel qu'il a été amendé par le sénat et qu'il nous est présenté par la section centrale. Le séaal a rendu service à l'institution de la girde civique.

Nous devons remercier les honorables membres de cette assemblée qui ont voulu maintenir la garde civique telle que la loi l'a organisée. Si nous voulons de la conciliation, il ne faut pas faire de propositions qui pourraient donner lieu à de nouvelles discussions dans cette enceinte et au sénat.

Il est de toute évidence, d'après l'esprit qui a dominé dans la discussion au sénat, que cette assemblée, en repoussant le nombre de 6 et ensuite de 12 exercices, n'a pas voulu supprimer tout exercice. Le vote du sénat indique qu'il a voulu maintenir le nombre d'exercices fixé par la loi. La section centrale a proposé les 12 exercices comme maximum. Je crois qu'il y a lieu d'admettre celle proposition et de renvoyer au sénat le projet de loi ainsi amendé. Si des discussions vont s'élever dans cette enceinte, et peut-être au sénat, vous n'arriverez pas au but que nous désirons tous et qui est de mettre un terme au débat sur la garde civique. J'engage donc la chambre à adopter le projet de loi tel qu'il a été renvoyé par le sénat, avec l'amendement de la section centrale.

M. Orban. - Je veux présenter une simple observation, c'est que si l'on veut un vote de conciliation, il faut évidemment prendre un terme moyen entre la résolution prise par une partie du sénat, et celle prise par l'autre partie de cette assemblée. La moitié du sénat s'est prononcée pour le nombre de 6 exercices ; l'autre moitié pour 12. Maintenant si vous admettez le chiffre de 12 exercices, vous ne faites pas de la conciliation, vous abondez dans l'opinion d'une partie du sénat, à l'exclusion de l'opinion exprimée par l'autre, et j'ajouterai que la préférence donnée à cette opinion serait d'autant moins motivée an point de vue de la conciliation, qu'elle est en opposition avec celle de la majorité de la chambre qui s'est prononcée une première fois pour 6 exercices, car vous avez, d'un côté, la moitié du sénat et la majorité de cette chambre, de l'autre la moitié du sénat seulement.

M. Dumortier. - On argumente toujours de la volonté du sénat. (page 1605) Moi je ne connais cette volonté que par une seule chose, par le projet de loi qu'il nous a renvoyé. Ce projet de loi porte-t-il que douze exercices seront obligatoires ?

- Plusieurs membres. - Il porte qu'il n'y en aura aucun.

M. Dumortier. - Fort bien ! voilà la volonté du sénat ; il n'y en a pas d'autre, parce que c'est le résultat de l'appel nominal. Il n'y aura pas d'exercice pour les hommes de moins de 35 ans.

- Un membre. - C'est une erreur.

M. Dumortier. - Ce n'est pas une erreur. C'est la volonté réelle du sénat ; il ne nous appartient pas de discuter le vote individuel des sénateurs. Il ne nous est pas possible de discuter un par un la volonté des sénateurs. Ce qui est clair, ce qui est constant, c'est qu'il s'est trouvé autant de voix pour douze exercices que de voix contre douze exercices ; c'est qu'il s'est trouvé autant de voix pour sis exercices que de voix contre six exercices ; en un mot c'est qu'il y a eu parité de voix.

Pouvez-vous maintenant argumenter de la volonté du sénat, lorsqu'il s'est divisé rigoureusement en deux parties égales ? Mais il n'y a pas de volonté du sénat dans cette circonstance ; il n'y a qu'une seule chose : c'est le partage des voix ; c'est que les douze exercices comme les six exercices ont été rejetés par parité de voix et qu'au vote sur l'ensemble il y a eu une majorité d'une ou deux voix.

Actuellement convient-il de modifier la loi ? L'honorable M. Rogier dit qu'il se tient pour satisfait de la loi du sénat telle qu'elle est.

M. Rogier. - Tel qu'elle est proposée par la section centrale.

M. Dumortier. - Ce n'est pas la loi du sénat. Si vous vous tenez pour satisfait de la loi du sénat, vous vous tenez pour satisfait qu'il n'y ait plus d'exercices du tout. Sinon dites que vous êtes satisfait de la loi du sénat, à condition qu'elle contienne ce que vous voulez y mettre.

Mais le sénat a voté une loi, dans laquelle il n'y a plus d'exercices pour les personnes âgées de moins de 40 ans et dans laquelle il y a un exercice pour les personnes âgées de plus de 40 ans.

Là est l'anomalie. Evidemment il y a eu surprise parmi les membres de l'autre chambre et il y faut y porter remède.

Messieurs, le sénat a-t-il bien fait d'écarter les 12 exercices ? A mon avis il a admirablement bien fait. Car, si l'on veut le maintien de la garde civique, ce n'est pas en muitipliant les exercices que vous y parviendrez. Ces exercices sont excessivement à charge aux habitants en temps de calme, lorsque la garde civique n'est pas appelée à un service utile. Il est évident que ces exercices multipliés compromettent au-dessus de tout l'institution de la garde civique.

Messieurs, j'ai été pendant un grand nombre d'années le chef d'une garde civique, et je répéterai ce que j'ai dit dans d'autres circonstances ; je n'avais jamais d'autre embarras que de dire aux officiers sous mes ordres : Messieurs, pas de zèle ! C'est par ce zèle, par ces exercices multipliés que vous nuisez à l'institution.

Vous voulez le maintien de 12 exercices, je n'ai pris directement ni indirectement part aux pétitions qui ont été faites. Je prends l'engagement d'honneur de ne jamais participer à des pélitionnemen's ; je n'en ai pas l'habitude. Mais il me paraît clair que si vous voulez continuer ce régime de 12 exercices, vous aurez, l'année prochaine, le même pétitionnement que cette année, et peut-être un pétitionnement plus fort. Si vous voulez la conservation de l'institution, rendez-là supportable ; faites en sorte qu'elle ne soit pas une charge pour beaucoup de gardes, renoncez à un système qu'ils regardent comme un système de vexations. Car il ne s'agit pas de savoir comment nous envisageons la garde civique ; il s'agit de savoir comment ceux qui la composent l'envisagent eux-mêmes.

Eh bien, mettez-vous la main sur la conscience et vous serez forcés de reconnaître que, pour les deux tiers des gardes, ce service est considéré comme exorbitant, comme constituant une vexation. S'il y a des personnes très zélées qui aiment les exercices, sur une qui est de cet avis, vous en avez deux ou trois qui préfèrent être libres et ne pas avoir tous ces exercices.

De tous les côtés on vous dit : Quand nous avons une armée qui coûte 32 millions, quel besoin a-t-on de nous faire jouer au soldat tous les dimanches ?

Messieurs, qu'appelle-t-on conciliation ? C'est de continuer le régime contre lequel on pétitionne, c'est de prendre le chiffre d'exercices le plus extrême. Je ne conçois pas cette conciliation. Qui dit conciliation dit sacrifice de part et d'autre.

Je maintiens donc qu'il n'y a pas d'autre conciliation possible que celle que propose l'honorable M. de Mérode qui m'interrompait tout à l'heure en disant que j'allais gâter la question. Je voterai pour son amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je n'ai qu'une observation à faire. Si l'on veut de la conciliation et se rapprocher de l'opinion présumée du sénat, il faut se rendre compte de ce qui s'est passé.

Au premier vote le sénat avait adopté les douze exercices, parce qu'il est résulté de la discussion qu'on devait plutôt renforcer qu'affaiblir l'institution de la garde civique. Comment s'est-il fait qu'au second vote il y a eu partage de voix ? C'est que deux sénateurs qui avaient pris part au premier vote étaient absents lors du second vote. Voilà la cause du partage.

Si vous voulez arriver à un résultat, si vous voulez que la loi reçoive son exécution dans le cours de cette session, rapproches-vous le plus possible de ce que vous savez être la pensée du sénat ; vous devez adopter le chiffre de 12 exercices qui avait aussi été admis par la chambre au premier vote et par la section centrale.

Avec ces éléments et l'avis émis de nonveau par la section centrale consultée par vous, je répète que vous avez chance d'aboutir en votant les 12 exercices, et, en votant moins, de n'aboutir à rien.

- La discussion est close.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. de Mérode, qui modifie la proposition de la section centrale.

M. Rousselle (sur la position de la question). - Je demande ce que vont faire les membres qui veulent douze exercices.

M. le président. - Ils voteront contre la proposition de M. de Mérode.

M. Rousselle. - Permettez. Si les douze exercices sont rejetés, je voterai pour les huit exercices.

M. le président. - Si les huit exercices sont rejetés, je mettrai aux voix les douze exercices ; si les douze exercices comme maximum étaient aussi rejelés, nous insérerions dans le projet de loi du sénat, qui présente une lacune, la première disposition de l'article 83 de la loi de 1848 ; est-on d'accord sur la marche que j'indique ? (Oui, oui.)

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’amendement de M.de Mérode ; en voici le résultat :

70 membres sont présents.

1 (M. Sinave s'abstient).

35 adoptent.

34 rejettent.

En conséquence la proposition est adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. Malou, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Rodenbach, Thibaut, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ern.), Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Brixhe, Coomans, de Baillet (H.), de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Naeyer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumortier, Jacques, Janssens, Julliot, Landeloos, et le Bailly de Tilleghem.

Ont voté le rejet : MM. Lebeau, Le Hon, Lejeune, Leîièvre, Lesoinne, Mascarî, Moreau, Moxhon, Peers, Pierre, Rogier, Rousselle (C.), Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Remoortere, Veydt, Visart, Ansiau, Closset, Dautrebande, David, de Brouckere, Delehaye, Deliége, de Perceval, de Renesse, Devaux, Jouret, Laubry et Delfosse.

M. Sinave. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas assisté à la première discussion.

- L'ensemble du paragraphe est ensuite mis aux voix et adopté dans les termes suivants :

« Les gardes peuvent être exercés au maniement des armes ou aux manœuvres, huit fois par an. Ce nombre d'exercices ne peut être dépassé, si ce n'est en vertu d'une autorisation écrite du collège des bourgmestre et échevins. »

Autres articles

- L'amendement qui consiste à substituer le mot « accompli » au mot « atteint », dans le troisième paragraphe du numéro 7, est mis aux voix et adopté.

Il en est de même de la suppression du paragraphe 4 et de l'amendement qui consiste à substituer dans le numéro 8° l'âge de 40 ans à celui de 35 ans.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, dans le dernier paragraphe du numéro 8° le mot « atteint » a été conservé ; pour mettre cette disposition en harmonie avec le cinquième paragraphe du numéro 7°, je proposerai de remplacer le mot « atteint » par le mot « accompli ».

M. Coomans, rapporteur. - Je ne vois aucun inconvénient à ce que la chambre accepte la proposition de M. le ministre de l'intérieur, parce qu'il n'y a pas de différence entre les expressions avoir atteint sa 35ème année et avoir accompli sa 35ème année. Quand on a atteint ou accompli 35 ans, on est âgé de 35 ans. On ne dit pas d'un enfant d'un jour qu'il a atteint sa première année. Comme nous sommes d'accord au fond, je me rallie à la proposition de M. le ministre de l'intérieur.

- La chambre substitue le mot « accompli » au mot « atteint », ainsi que le propose M. le ministre de l'intérieur.

Second vote des articles

M. le président. - Nous sommes arrivés à la fin des amendements ; il doit y avoir un second vote.

M. Lelièvre. - La loi doit être renvoyée au sénat. Il y a donc urgence à ce qu'il soit procédé immédiatement au second vote. Je demande que la chambre veuille, comme elle le fait toujours en pareille occurrence, procéder au second vote de la loi.

M. Thiéfry. - Je ne pense pas qu'il soit urgent de voter aujourd'hui cette loi, puisque d'autres lois doivent encore être envoyées au sénat. Je demande que le second vote ait lieu demain.

M. le président. - Si l'on se conforme au règlement, le second vote ne doit avoir lieu qu'après-demain.

M. Lelièvre. - Je persiste à soutenir qu'il y a urgence à invoquer à cet égard les précédents de la chambre.

M. Thiéfry. - Messieurs, il y a à l'ordre du jour plusieurs projets de loi qu'il sera impossible de terminer pour après-demain ; il n'y a donc pas la moindre urgence à voter aujourd'hui définitivement la loi sur la garde civique.

M. Lebeau. - C'est à tort qu'on invoquerait l'urgence, comme vient de ie faire un honorable préopicant. L'urgence n'est pas un motif pour dévier du règlement. Il suffit qu'il y ait une réclamation d'un seul membre ; le règlement ne peut être mis aux voix, cela est impossible ou bien il n'y a plus de règlement. Quand il a unanimité pour déclarer l'urgence, je comprends qu'on s'écarte du règlement ; c'est ce qui a eu lieu parfois ; c'est un antécédent contre lequel on pourrait même faire des objections dans l'intérêt des absents. Mais, je le répète, il suffit qu'il y ait une seule réclamation, pour que la chambre ne passe pas, séance tenante, au vote définitif.

M. Coomans, rapporteur. - Messieurs, puisqu'il y a des réclamations contre la proposition de l'honorable M. Lelièvre, je n'insiste pas pour que le vote définitif ait lieu immédiatement, mais j'insiste pour que le règlement soit ponctuellement suivi, c'est-à-dire pour que le vote définitif soit fixé à après-demain.

Cependant, prenons-y garde, il faut que la loi soit votée dans la session actuelle. Il ne faut pas que d'honorables membres se figurent qu'en rejetant la transaction qui vient de s'accomplir, on pourra perpétuer le régime illégal contre lequel nous avons protesté. Je déclare pour ma part, que si la loi transactionnelle dont la discussion vient d'être terminée, est rejelée, j'insisterai sur l'observation exacte de la loi de 1848...

M. le président. - Parlez sur la question d'urgence.

M. Coomans, rapporteur. - C'est une remarque que je fais pour engager mes honorables collègues à en finir avec cette loi et pour engager surtout le gouvernement à faire tout ce qui est en son pouvoir, afin que la loi soit votée et promulguée dans cette session.

M. le président. - M. Lebeau a raison en principe ; mais je lui ferai remarquer qu'il est arrivé plus d'une fois, surtout à la fin d'une session, que la chambre a déclaré l'urgence, même quand il y avait réclamation. Quoi qu'il en soit, si personne n'insiste plus sur l'urgence... (Non ! non !) le second vote aura lieu après-demain.

Projet de loi interprétatif de la loi du 27 février 1849 sur les pensions des ministres

Discussion générale

M. le président. - La section centrale propose de rejeter la loi comme inutile. Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Oui, M. le président.

Messieurs, en présence de la loi de 1849 qui semble exiger que les pensions ministérielles soient dans l'avenir l'objet d'une loi spéciale, j'éprouvais quelque scrupule à procéder à la liquidation de la pension de l'ancien ministre que le projet de loi concerne. Je suis heureux de voir que ce scrupule de légalité n'est pas partagé par la section centrale, elle déclare, à l'unanimité, que rien ne s'oppose à ce qu'il soit procédé à la liquidation de cette pension. Si, comme je l'espère, la section centrale est ici l'organe de la majorité de la chambre, je me croirai autorisé à liquider la pension. Avant de retirer le projet de loi, je demanderai à l'honorable rapporteur de la section centrale une explication.

L'honorable ancien ministre auquel j'ai fait allusion, a continué son ministère deux années encore après que les droits à la pension étaient acquis ; il entre sans doute dans les intentions de la section centrale que dans la liquidation de la pension, il soit également tenu compte de ces deux années, bien entendu qu'on se rapportera aux règles de la loi de 1849, c'est-à-dire qu'on ne prendra que la 65ème partie du traitement, au lieu de la 60ème et qu'on ne dépassera jamais le maximum de 5,000 fr.

Je désirerais avoir sur ce point un mot d'explication pour ne pas trouver d'obstacle de la part de la cour des comptes.

M. Rodenbach. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour réclamer une explication à M. le ministre des finances. Je lui demanderai si, en dehors de l'ancien ministre auquel on a fait allusion, il est encore d'autres anciens chefs de départements ministériels qui se croient en droit de réclamer à leur profit le bénéfice de la loi du 21 juillet 1844 ? Je me suis prononcé de toutes mes forces contre cette loi ; j'ai également appuyé de tout mon pouvoir la loi du 17 février 1849 qui a aboli celle du 21 juillet 1844 ; j'aime à croire qu'on ne voudra pas, maintenant, par des voies indirectes, et en quelque sorte partiellement, faire revivre la loi du 21 juillet 1844. C'est pour ce motif que je désire savoir d'une manière positive, s'il y a encore d'autres anciens ministres qui soient dans le cas de réclamer le bénéfice de la loi du 21 juillet 1844.

M. Lelièvre. - Les opinions paraissent unanimes relativement à l'équité de la mesure énoncée au projet. On paraît admettre sans contestation qu'il est équitable de ne pas priver de la pension assurée par la loi du 21 juillet 1844, le fonctionnaire qui a rempli des fonctions ministérielles pendant deux ans sous l'empire de cette disposition législative.

Tontefois je ne partage pas l'avis de la section centrale qui estime que le projet de loi est inutile, parce que, selon moi, on pourrait soutenir à la rigueur que la pension n'est pas due. En effet, du moment où une pension n'est pas acquise par la demande de liquidation qui en a été faite, une loi subséquente peut détruire toules les espérances qu'avaient pu faire naître des lois antérieures. C'est ainsi que la loi du 17 février 1849 a modifié les conditions des pensions à accorder ultérieurement, et cette disposition a atteint tous ceux qui n'avaient pas encore obtenu ou au moins demandé leur pension.

Dans l'espèce, le fonctionnaire dont il s'agit était en exercice lors de la loi du 17 février 1849, il n'avait donc pas acquis droit à la pension. Celle-ci n'était de sa part qu'une simple espérance. Or, cette espérance peut être annihilée par une loi postérieure, sans effet rétroactif. La pension n'était pas acquise, puisque le droit à la pension n'était pas même ouvert. Dès lors il ne s'agissait que d'une faculté d'acquérir, qui était du domaine d'une législation future, laquelle, en abrogeant les pensions de la nature de celle dont il s'agit, ne permettait plus au fonctionnaire de réclamer, à ce titre, la rémunération décrétée par une loi qui est frappée d'anéantissement.

J'estime, en ce qui me concerne, que le projet de loi est nécessaire pour faire fléchir les principes rigoureux du droit en présence des graves motifs d'équité qui appuient la proposition du gouvernement.

Je ne crains donc pas de dire que je partage complètement les scrupules qui ont engagé le gouvernement à présenter le projet. Si M. le ministre croit pouvoir se contenter de l'opinion de la section centrale et de celle de la chambre, je n'ai rien à dire, puisque au fond j'adopte la mesure proposée par le gouvernement ; mais quant à moi, je suis d'avis qu'une loi est indispensable, parce que, selon moi, le strict droit ne permettrait pas la liquidation de la pension. Du reste, je donnerai mon assentiment au projet du gouvernement.

M. Mercier. - J'admets les explications données par la section centrale, mais je tiens à signaler une conséquence de cette interprétation, conséquence qui me paraît extrêmement juste ; c'est que s'il n'est pas nécessaire d'une nouvelle loi pour liquider la pension de l'ancien ministre que l'on a en vue dans le projet, maintenant que la loi n'existe plus, il faut tenir compte de la disposition de l'article 2 au ministre qui, sous l'empire de la loi de 1844, n'a pas passé dans les fonctions ministérielles le temps nécessaire pour avoir droit à la pension, en qualité de ministre, disposition qui porte que les années passées dans ces fonctions comptent triples dans la liquidation des pensions.

Je fais des réserves en faveur des ministres qui peuvent se trouver dans cette position, parce qu'elles découlent de l'opinion qui va vraisemblablement être émise par la chambre qu'il ne faut pas de loi pour liquider la pension de l'honorable ministre que le projet de loi concerne ; cette conséquence est rigoureuse.

M. Coomans. - Je dois répondre affirmativement à l'interpellation que M. le ministre des finances m'a fait l'honneur de m'adresser. Il faut que la liquidation de la pension soit faite à raison d'un 65ème pour les services ministériels rendus après la loi du 17 février 1849 qui abroge celle du 21 juillet 1844. Je ne pense pas qu'il y ait lieu à discuter là-dessus.

L'honorable M. Rodenbach et l'honorable M. Mercier ensuite ont posé la question de savoir si des ministres autres que celui en faveur de qui le gouvernement a présenté le projet de loi pourraient se prévaloir de la décision de la section centrale qui renvoie simplement les ayants droit à la loi de 1844.

Evidemment nous ne faisons pas une loi particulière, ou plutôt nos conclusions n'ont pas un caractère particulier, personnel ; le gouvernement avait proposé, lui, une loi individuelle ; nous proposons de la rejeter ; notre décision offre ainsi un autre caractère, elle a une portée générale ; il en résulte que d'autres anciens ministres que l'honorable M. d'Hoffschmidt pourront demander également que le droit que leur accorde, d'après la section centrale, la loi sur les pensions ministérielles soit reconnu et pratiqué en leur faveur. De là résulte encore, je dois le dire, qu'au lieu d'une, le gouvernement pourra être dans le cas d'en accorder plusieurs. C'est ainsi que j'interprète la résolution proposée par la section centrale.

M. Dumortier. - J'ai été un de ceux qui en 1844 ont proposé la loi sur les pensions des ministres, je ne le regrette pas ; j'ai toujours considéré cette loi comme excellente. Cependant j'en ai voté l'abrogation, parce que l'opinion publique s'est fortement prononcée contre cette loi et que j'ai toujours eu le plus grand respect pour elle. Mais je pense qu'un jour on y reviendra.

La loi a donc été abrogée, qu'en résulte-t-il ? C'est qu'il faut une loi pour liquider les pensions des ministres qui avaient des droits acquis antérieurement à l'abrogation de la loi, mais n'en avaient pas réclamé le bénéfice.

Je partage l'opinion émise par M. le ministre des finances, je crois qu'on ne peut pas se dispenser de porter une loi dans l'espèce, car ce n'est pas avec l'opinion de telle ou telle personne qu'on obtient la liquidation de la cour des comptes, c'est avec une disposition de la loi claire et précise. Voyez où mènent les conclusions de la section centrale si on ne vote pas de loi ; on argumente de l'article 2 qui consiste à compter aux ministres anciens fonctionnaires, des tantièmes qu'on ne compte pas aux ministres non-fonctionnaires. C'est contraire à la loi que vous avez votée.

Voyez à quels abus ce système prêterait. Je vous demanderai la permission de citer un exemple qui sautera aux yeux de tous. Il y a quelques années, un honorable depulé de Gand qui avait une nombreuse clientèle, que nous aimions, que nous estimions tous, consentit par dévouement à accepter les fonctions ministérielles ; il les occupa pendant quelques années ; à sa sortie qu'arriva-t-il ? Il arriva ce qui arrrive toujours en pareil cas, sa carrière ministérielle finie, la clientèle avait disparu ; cet honorable collègue qui a fait le plus grand sacrifice, le sacrifice de sa clientèle aux intérêts du pays n'a aucune espèce de droit à la pension, tandis que celui qui a fait sa carrière administrativement et qui arrive à la tête du département finirait par se faire une pension s'élevant au maximum au moyen des tantièmes calculés sur les dernières, années de service.

(page 1607) Si vous liquidez sa pension au moyen de ces tantièmes, vous lui donnez d'une manière déguisée une pension quand vous la refusez à celui qui a sacrifié sa carrière à la chose publique, qui a sacrifié l'avenir de ses enfants. C'est, selon moi, une iniquité. Je préférerais qu'on examinât les pensions des ministres en elles-mêmes, plutôt que d'entrer dans un système qui serait une iniquité.

L'exemple que vous avez sous les yeux et qui s'applique à un des hommes les plus distingués qui aient paru dans cette chambre, doit nous frapper tous ; cet homme éminent, distingué, qui a sacrifié sa clientèle, vous ne lui accordez rien, tandis que celui qui a fait sa carrière dans les fonctions administratives, a une pension.

C'est contraire à tous les principes de justice et d'équité. Il faut se borner à voter la loi présentée par le gouvernement, loi, d'ailleurs, qu'il ne vous appartient pas de retirer au moyen d'un avis de la section centrale ; car cet avis ne lie pas le sénat ; ce n'est que par une loi émanant des trois pouvoirs législatifs que vous pouvez interpréter une loi obscure.

Il faut nécessairement un vote.

Pour mon compte, je félicite M. le ministre d'avoir présenté le projet de loi, car il ne faut pas eniever les droits acquis avant la loi de 1848. Mon vote est donc acquis à la loi. Mais il ne faut pas aller au-delà.

Je craindrais qu'en votant les conclusions du rapport de la section centrale, on n'ouvrît le champ à des interprétations beaucoup plus larges que celles résultant du projet de loi proposé.

M. Van Overloop. - Il ne s'agit pas de la question de savoir si nous voulons ou non rétablir les pensions ministérielles. Nous sommes saisis d'un projet de loi que le gouvernement qualifie de loi interprétative. Or, s'est dit la section centrale, il ne peut y avoir lieu à interprétation de la loi de 1844. L'ancien ministre, pour lequel on a cru devoir présenter le projet de loi, avait ou n'avait pas de droits acquis lors de l'adoption de la loi du 17 février 1849 ; s'il avait des droiis acquis, le projet que nous discutons en ce moment est inutile ; si, au contraire, il n'avait pas de droits acquis, la chambre ne voudra probablement pas revenir aujourd'hui, par une mesure exceptionnelle en fiveur de cet ancien ministre, sur le principe admis par elle en 1849.

Voilà bien, si je ne me trompe, le raisonnement de la section centrale.

Ce raisonnement, pour ma part, je le trouve parfaitement juste, et, par conséquent, je crois devoir donner mon adhésion aux conclusions de la section centrale.

Maintenant de quels droits acquis peut-il être question ?

Ce ne peut être que des droits nés du paragraphe premier de l'article prmeier de la loi du 21 juillet 1844, ainsi conçu :

« Tout chef de département qui, depuis les événements de 1830, comptera deux années de fonctions ministérielles, aura droit à une pension de 4,000 francs, »

La loi est impéralive ; elle dit aura droit ; par conséquent, l'ancien ministre auquel je fais allusion, ayant rempli pendant deux années les fonctions ministérielles, au moment de la promulgation de la loi abrogatoire du 17 février 1849, a, aux termes de la loi de 1844, droit à la pension.

Celle interprétation, qui résulte des termes de la loi, est aussi celle que le gouvernement a donnée à la loi de 1844, dans la discussion de la loi de 1849, au sénat. En effet, si ma mémoire est fidèle, l'honorable M. Frère a parfaitement distingué, au sénat, entre les droits acquis résultant de la loi sur les pensions ordinaires et les droits acquis résultant de la loi sur les pensions ministérielles. Ainsi la loi sur les pensions ordinaires contient les mots « pourront être admis à la pension », c'est-à-dire qu'elle consacre une faculté d'admission à la pension, tandis que l'article premier de la loi sur les pensions ministérielles consacre un droit positif à la pension.

Donc à partir du jour où l'honorable ancien ministre en faveur duquel le projet de loi est présenté a eu atteint ses deux années de fonctions ministérielles, il a acquis un droit à la pension de 4,000 francs.

Maintenant, je rencontre la demande d'explications de l'honorable ministre des finances. Il a demandé si, en vertu du deuxième paragraphe de l'article premier de la loi de 1844, il fallait liquider la pension sur le pied de 1/60 ou de l/65 par année de service ultérieur. Je dis qu'il ne peut y avoir lieu à cette liquidation, puisque relativement à ce deuxième paragraphe, il ne peut, dans l'occurrence, exister de droits acquis. Il ne pourrait y avoir de droits acquis, nés du deuxième paragraphe de la loi de 1844, tout au plus que pour le temps qui s'est écoulé depuis le jour où l'honorable ancien ministre a eu compté 2 années de fonctions ministérielles, jusqu'au jour de la publication de la loi abrogatoire du 17 février 1849.

Or, ce temps n'est que de 3 mois. Ainsi la demande d'explications faite par l'honorable ministre des finances est réellement sans objet.

En résumé, je crois qu'il n'entre pas dans les intentions de la chambre de revenir sur la loi adoptée en 1849. Si le gouvernement nous saisissait d'un projet de loi sur les pensions ministérielles, je saurais comment j'aurais à voter. Mais nous ne sommes pas saisis de cette question.

La chambre n'a pas, je le répète, l'intention de revenir sur la loi de 1849. Il s'agit uniquement d'examiner si une loi interprétative est ou non nécessaire : à mon avis, elle ne l'est pas, parce qu'il me paraît que l'honorable ancien ministre a un droit acquis à la pension et que certe il ne faut pas une loi pour reconnaître un droit acquis. Si le pouvoir législatif partage ma manière d'interpréter, que reste-t-il à faire ? Il suffit que le gouvernement, reconnaissant le droit acquis, accorde la pension.

Si au contraire l'honorable ancien ministre n'a pas droit à la pension, je ne crois pas, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, qu'il entre dans les intentions de la chambre de lui accorder une pension par une loi spéciale.

Je pense donc qu'il faut adopter purement et simplement les conclusions du rapport de la section centrale, conclusions qui rendent hommage au principe fondamental de la non-rétroactivité des lois.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - L'honorable préopinant vient d'expliquer parfaitement les raisons qui ont déterminé la section centrale à proposer le rejet de la loi comme inutile.

Le pays se trouve à l'égard du ministre auquel le projet s'applique dans la position d'un industriel qui aurait promis une rémunération à ceux de ses serviteurs qui l'auraient servi pendant deux ans.

Les deux ans expirés, il est évident qu'il serait contraire à toutes les règles de l'équité, de leur retirer la rémunération sur laquelle ils avaient le droit de compter.

L'honorable M. Dumortier qui a déclaré qu'il était un des auteurs de la loi de 1844 (et je l'en félicite) suppose un autre cas, et pour rester dans l'exemple que je viens de citer, il suppose que le serviteur n'a pas terminé les deux années de service ; c'est le cas d'un honorable ancien ministre qui ne siège plus dans cette enceinte. Sans doute ce serviteur serait digne du plus vif intérêt ; mais il n'est pas dans les conditions de celui qui a rempli les conditions exigées pour avoir droit à la rémunération.

On m'a interpellé pour savoir si le projet de loi tel qu'il est conçu s'applique à d'autres anciens ministres. Je n'hésite pas à dire que non. Il n'y a pas un ministre qui ait achevé ses deux ans depuis la loi de 1844 et avant que cette loi ait été révoquée.

En présence des divers discours qui ont été prononcés, le gouvernement n'hésite pas à retirer la loi. Cependant, il importe au gouvernement (et vous devez tous le comprendre) qu'il y ait un vote. Seulement comme il est probable que la majorité de la chambre votera les conclusions de la section centrale, je désire éviter le rejet d'une loi comme si elle était inutile ; ce serait un précédent fâcheux, je demande donc que l'on prononce un ajournement conçu en ces termes :

« La chambre, adoptant les motifs développés dans les conclusions du rapport de la section centrale, ajourne le projet en discussion à un mois. »

Si la chambre rejetait comme inutile un projet de loi présenté par le gouvernement, cela pourrait avoir l'apparence d'un échec pour le gouvernement. C'est ce que je veux éviter.

Si ma proposition d'ajournement est adoptée, en vertu des pouvoirs dont je suis muni, je retirerai la loi, au nom du gouvernement.

M. Rogier. - L'honorable M. Mercier avait adressé une question à M. le ministre des finances relativement à l'article 2 de la loi de 1844. Il s'agit d'un ancien ministre qui n'a exercé les fondions ministérielles que pendant un an. C'est un ancien fonctionnaire qui a fait partie du cabinet de l'honorable M. de Theux. L'année de ses fonctions ministérielles lui sera-t-elle comptée peur triple ?

Telle est la question soulevée et qu'il est équitable de résoudre dans le sens du projet de loi.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Voici le fait.

Un ancien ministre s'est adressé à la chambre. Il a demandé s'il était entendu que l'article 2 de la loi de 1844 révoquée par la loi de 1849, continuerait à sortir son effet dans l'avenir.

Cet article 2 porte que les années ministérielles compteront dans tous les cas comme triples pour la liquidation des pensions futures.

Cet article suppose qu'un ministre ne soit resté par exemple qu'une année au pouvoir et qu'il ait exercé d'autres fonctions publiques postérieures ou antérieures ; de telle sorte que s'il a 20 années de fonctions publiques et une année de fonctions ministérielles, il aurait pour la liquidation de sa pension, non 21 ans mais 23 ans.

Si vous voulez vous donner la peine de relire les discussions qui ont eu lieu lorsque la loi de 1849 a été votée, vous acquerrez la conviction qu'il est entré dans l'intention des membres de la chambre de ne pas donner d'effet rétroactif à la loi. Cela est tellement vrai que la proposition formelle a été faite de lui donner un effet rétroactif et que la chambre n'a pas voulu adopter cette proposition.

Or, ce serait donner un effet rétroactif à la loi que de déclarer que tel membre d'un cabinet, antérieurement à 1849 qui aurait une année de fonctions ministérielles et 20 ans d'autres fonctions publiques, ne pourrait compter cette année de fonctions ministérielles pour trois.

Je crois que cette réponse suffira à l'honorable M. Mercier.

M. Delehaye. - Il est bien entendu qu'il s'agit des services ministériels antérieurs à la loi de 1849 et non des services postérieurs.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - C'est évident.

- L'ajournement proposé par M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.

Retrait du projet

(page 1608) >M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de donner à la chambre lecture de l'arrêté suivant :

« Léopold, Roi des Belges.

« A tous présents et à venir. Salut :

« Sur la proposition de Notre ministre des finances,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Article unique. Notre ministre des finances est autorisé à retirer le projet de loi soumis à la chambre des représentants et destiné à admettre à la pension les chefs de département ministériel qui ont rempli des fonctions ministérielles pendant deux ans au moins depuis le 21 juillet 1844 et avant la publication de la loi du 17 février 1849.

« Donné à Bruxelles, le 1er juin 1853

« Léopold,

« Par le Roi :

« Le ministre d'Etat, gouverneur du Brabant, chargé temporairement du département des finances,

« Liedts. »

- Il est donné acte à M. le ministre de cette notification.

Projet de loi autorisant la concession de chemins de fer de Fleurus à Landen et de Groenendael à Nivelles

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Oui, M. le président.

M. le président. - La section centrale a indiqué dans son rapport deux amendements qui ne se trouvent pas formulés dans le projet de loi.

Il est dit dans le rapport qu'elle a adopté un amendement fixant le poids des rails au minimum de 30 kilog. et qu'elle a décidé qu'il serait fixé un terme pour l'exercice du droit de préférence mentionné à l'article 5 de la convention.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - M. le président, les amendements auxquels le gouvernement s'est rallié au sein de la section centrale sont ceux qui sont formulés à la page 7 du rapport de la section centrale et qui forment le texte du projet de loi. Quant aux autres amendements, je ne m'y suis pas rallié.

M. le président. - Vous ne vous ralliez pas aux amendements qui modifient la convention ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Non. Je m'expliquerai dans le cours de la discussion.

M. le président. - En ce cas la discussion est ouverte sur le projet de la section centrale tel qu'il est formulé à la page 7 du rapport.

Voici un amendement qui vient d'être déposé :

« Nous avons l'honneur de présenter l'amendement suivant qui formerait l'article 3 du projet de loi.

« Art. 3. Le gouvernement est également autorisé à accorder, d'après les mêmes bases, la concession d'un chemin de fer de Louvain à Herenthaels par Aerschot.

« (Signé) Landeloos, de La Cosle, Ansiau, Matthieu, L. de Wouters, Brixhe, Coomans, Dechamps, de Man d'Attenrode, Moxhon, Lelièvre, Moncheur. »

M. Landeloos. - Messieurs, si le projet des travaux publics a rencontré en 1851 une vive opposition dans cette enceinte, si la même opposition s'est encore reproduite lors de la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Lierre à Turnhout, c'était qu'on craignait d'entraîner le trésor public dans de trop fortes dépenses ou de l'exposer à subir de trop lourds sacrifices.

En effet, parmi les travaux dont on réclamait l'exécution, il y en avait qui devaient se faire aux frais de l'Etat, d'autres dont l'Etat garantirait un minimum d'intérêt, d'autres enfin qui devaient avoir pour résultat probable de diminuer les produits des chemins de fer nationaux par la concurrence que les nouvelles lignes ferrées ne pouvaient manquer de leur faire.

Et cependant, messieurs, nonobstant ces dépenses énormes, nonobstant ces sacrifices probables, la majorité de la chambre n'hésita pas à décréter les travaux proposés.

Elle pensa, qu'après avoir fait contribuer tout le pays dans des voies de communication qui n'étaient utiles qu'à certaines localités, la justice distributive exigeait que les autres parties du royaume jouissent des mêmes avantages.

Messieurs, ce que vous avez fait en 1851 et en mars dernier, nous ne demandons pas même que vous le fassiez dans l'occurrence.

Nous ne venons pas réclamer que l'Etat se charge de l'exécution des chemins de fer projetés. Nous ne venons pas réclamer que l'Etat garantisse un minimum d'intérêt.

Nous ne venons pas proposer de décréter des chemins de fer qui peuvent nuire au railway de l'Etat.

Le projet de loi qui vous est soumis et les amendements qui vous sont proposés ne peuvent pas avoir cette portée. Ils doivent, au contraire, avoir pour conséquence d'augmenter les ressources de l'Etat et de diminuer la chance qu'il court d'être obligé de payer la garantie d'intérêt à laquelle il s'est engagé envers certaines compagnies. Pour vous convaincre, messieurs, que ces nouvelles voies de communication ne peuvent manquer d'être des affluents utiles au chemin de fer de l'Etat, il vous suffira de jeter un coup d'oeil sur la carte.

Ainsi, en ce qui concerne la ligne de Tamines à Landen et de Jemeppe à Diest, on voit, d'une part, qu'on relie au chemin de fer de l'Etat à Tirlemont et à Landen les bassins houillers de la Basse-Sambre, de Charleroi et de l'Entre-Sambre-et-Meuse, ainsi que plusieurs communes considérables telles que Fleurus Perwez, Jodoigne, Jauche, etc., et d'autre part, qu'on rattache au raiiway de l'Etat à Tirlemont les communes de Diest, Haelen, Herck-la-Ville, Léau, etc.

Ces nouvelles lignes, étant perpendiculaires aux lignes de l'Etat, doivent donc nécessairement procurer à celles-ci un grand mouvement de voyageurs et de marchandises et produire des résultats favorables au trésor public.

Si nous examinons ensuite ces projets au point de vue des intérêts généraux et locaux, on ne peut nier que ces chemins de fer présentent les plus grands avantages.

En effet, s'il est vrai, comme l'expérience l'a toujours démontré, que plus on augmente les débouchés et on facilite les moyens de transport, plus on augmente la production, on ne saurait douter qu'en dotant la Basse-Sambre de ces railways, son industrie et ses divers produits ne soient appelés à prendre un développement immense.

Ainsi en ce qui concerne ses nombreux charbonnages, comme ils ont généralement un périmètre très étendu, on est en droit de présumer avec la section centrale, que leur production pourra être quintuplée ou peut-être même décuplée.

On peut aussi prévoir qu'un tort non moins favorable est réservé à ses carrières, à ses fours à chaux et à ses autres établissements industriels. Et, messieurs, ce ne sera pas seulement le bassin de la Basse Sambre qui jouira de ces avantages, d'autres encore seront appelés à y participer. Celui de Charleroi et celui d'Entre-Sambre-et Meuse ne peuvent manquer également d'en ressentir les effets salutaires, puisqu'ils seront reliés aux nouvelles voies de communication à Fleurus ou Ligny par le chemin de fer de Charleroi à Louvain.

Dès 1837, on a compris l'importance de cette voie de communication. C'est ainsi que nous voyons que M. le ministre des travaux publics après avoir fait connaître que quatre demandes en concession lui avaient été adressées et avoir démontré qu'il était de l'intérêt du trésor qu'il se fît aux frais de l'Etat, demanda les fonds nécessaires pour l'exécuter. La législature n'hésita pas à les voter.

Cependant, par arrêté royal rendu sur le rapport de M. l'ingénieur en chef Vifquain, le tracé fut chargé, et au lieu de faire aboutir le chemin de fer de Namur à Tirlemont on le fit aboutir à Braine-le-Comte.

Je ne veux point examiner, messieurs, le motif latent qui a pu engager cet ingénieur à faire un tel rapport. Je n'ai voulu que constater qu'à cette époque comme aujourd'hui on a reconnu l'utilité du tracé qu'on vous propose.

Aussi voyons-nous que toutes les populations intéressées à son exécution se sont empressées de s'adresser à différentes reprises à la chambre ainsi qu'au sénat afin d'obtenir qu'on mît à exécution le projet primitif.

Messieurs, le projet qui vous est présenté ne doit entraîner l'Etat dans aucune dépense ; l'Etat ne doit s'engager à aucune garantie de minimum d'intérêt.

La société qui demande la concession veut faire le chemin de fer à ses risques et périls ; ce projet est d'autant plus avantageux que la ville de Diest, ainsi que toutes les communes qui se trouvent entre ce point et la vilie de Tirlemont seront reliées au réseau national et aux divers bassins.

Je ne pense pas, messieurs, que l'on puisse s'opposer à l'exécution d'un projet aussi favorable à des localités qui se trouvent dans un état complet d'isolement dont on pourra les tirer au moyen du chemin de fer dont on demande la concession.

Ces localités ont d'autant plus droit à la bienveillance de la chambre et du gouvernement qu'elles n'ont jamais joui d'aucun avantage et qu'elles ont cependant dû contribuer à toutes les dépenses nécessaires pour la construction des chemins de fer nationaux, qui avaient pour résultat de leur enlever le marché qu'elles possédaient antérieurement.

Je crois en avoir dit suffisamment pour vous démontrer l'importance du projet de chemin de fer de Jemeppe à Diest.

Il me reste, messieurs, à entrer dans quelques développements en ce qui concerne l'amendement que je viens de déposer, conjointement avec plusieurs de mes collègues.

Cet amendement qui a pour objet de relier Louvain à Herenthals par Aerschot ne peut être que favorable au trésor.

Le gouvernement en garantissant un minimum d'intérêt aux concessionnaires des chemins de fer de Manage à Wavre, de Charleroi à Louvain et de Herenthals à Turnhout a intérêt à ce que ces chemins de fer rapportent suffisamment pour que sa garantie ne soit que nominale.

Dans ce principe, messieurs, il est à craindre que, faute de débouchés, les produits de ces chemins de fer ne pourront pas suffire pour donner aux intéressés les 4 p. c. garantis par l'Etat. Pour prévenir ce résultat fâcheux, que proposons-nous ? Nous demandons que la chambre accorde au gouvernement la faculté de concéder le chemin de fer de Louvainr à Herenthals. Par ce moyen on relie la Campine et plus tard la Hollande aux bassins houillers de la Basse-Sambre, de Charleroi, de l'Entre-Sambre-et-Meuse et du Centre, tant par le chemin de fer de Manage que par le chemin de fer de Charleroi à Louvain.

Un échange de produits s’établit entre la Campine, le Hainaut, le (page 1609) Luxembourg et la province de Namur. Ce chemin de fer ne peut donc qu'améliorer la position du trésor en le mettant à l'abri des sacrifices que la garantie d'intérêt pourrait lui imposer.

Je crois, messieurs, que ce peu de mots doivent suffire pour faire comprendre à la chambre l'utilité du chemin de fer que nous proposons.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, si le projet de loi doit rencontrer des adversaires, quant au fond, je me ferai un devoir de développer les motifs qui ont déterminé le gouvernement à le soumettre à la chambre. Je ne veux, en ce moment, présenter quelques observations qu'en cr qui concerne l'amendement qui vient de se produire et les amendements qui pourraient encore se produire dans le cours de la discussion.

Messieurs, jusqu'en 1845, le gouvernement s'était chargé d'exécuter les chemins de fer pour son compte. En 1845 et en 1846 a commencé la période des concessions. En 1851 le gouvernement est venu soumettre à la chambre un projet de loi d'ensemble, qui avait pour objet de mener à fruit les grandes concessions votées en 1845 et qui, par suite des événements de 1848 et même de la crise alimentaire de 1847, se trouvaient en souffrance. Le gouvernement a proposé, en 1851, une garantie d'intérêt pour les chemins de fer du Luxembourg, de la Flandre occidentale, de l'Entre-Sambre-et-Meuse ; il a proposé, en même temps, suivant un mode spécial, la concession du chemin de fer de Dendre-et-Waes. Dans le cours de la discussion vinrent s'ajouter aux propositions du gouvernement les chemins de fer de Charleroi à Louvain, de Manage à Wavre et de Charleroi à Erquelinnes ; ces trois chemins de fer ont fait l'objet de concessions. On y adjoignit, en outre, l'embranchement de Furnes à Dixmude, l'embranchement vers Dinant, l'embranchement vers Audenarde.

Depuis lors, quoique le gouvernement fût assailli de nombreuses demandes (j'en ai dit le nombre il y a quelques jours), il n'a cependant soumis que certains projets à la sanction législative. Il a successivement présenté des projets de lois pour les chemins de fer d'Anvers à Breda, de Pepinster à Spa, de Lierre à Turnhout, de Manage à Erquelinnes et de Tubize aux Acren. Je prie la chambre de remarquer quel est le caractère spécial de tous ces projets de lois que la chambre a adoptés à une très forte majorité.

Tous ces chemins de fer ont fait l'objet de conventions spéciales ; les capitaux ont été constitués, les sociétés anonymes se sont formées et on a mis la main à l'oeuvre. Ces chemins de fer avaient fait l'objet d'une instruction administrative très consciencieuse, et d'autre part ils n'ont, si l'on en excepte un seul, engagé en aucune manière l'intervention financière de l'Etat.

J'ajouterai que, considérés au point de vue de l'influence qu'ils sont destinés à exercer sur les lignes de l'Etat, tous ces chemins de fer ont ce caractère particulier qu'ils constituent des affluents pour le chemin de fer de l'Etat. Tels sont les chemins de fer d'Anvers à Bréda, de Pepinster à Spa, de Lierre à Turnhout, de Manage à Erquelinnes et de Tubize aux Acren.

Messieurs, en ce qui concerne les chemins de fer qu'il s'agira encore de concéder à l'avenir, on peut les partager en deux groupes distincts : il y a quelques grandes lignes, très peu nombreuses, qui remontent à 1845, qui ont dormi jusque dans ces derniers temps, qui sont ressuscitées il y a seulement quelques semaines et qui doivent faire l'objet d'une instruction d'autant plus attentive de la part du gouvernement et de la chambre, qu'il serait impossible au gouvernement de dire dès à présent quel parti il conviendrait de prendre à l'égard de ces lignes.

Ainsi, en ce qui concerue les lignes qui doivent relier les bassins du Centre, de Charleroi ou du couchant, au marché si précieux des Flandres, la ligne de Saint-Ghislain vers Gand, ou vers Breskens la ligne de Marchienne vers Ninove ou d'autres parties de la Flandre, l'instruction de ces projets n'est pas complète. Le gouvernement ne pourrait donc pas accepter des amendements qui auraient pour objet de consacrer, dès à présent, en quelque sorte un droit de bourgeoisie en faveur de ces lignes ; le gouvernement ne peut pas laisser consacrer un principe favorable a des lignes que la chambre, après examen, serait peut-être amenée à repousser.

Mais, meisieurs, il en est autrement de certains amendements qui auraient pour objet d'accorder au gouvernement la simple faculté de concéder certaines lignes qui ont fait l'objet d'une instruction administrative et dont l'examen le plus superficiel donne la conviction qu'elles ne peuvent en aucune manière nuire aux recettes de l'Etat et qu'elles ne peuvent que desservir utilement les intérêts des localités qui ne sont pas rattachées au chemin de fer.

Ainsi, messieurs, la ligne de Louvain à Herenlhals constitue un affluent pour la ligne de l^Etat, et elle doit faire la prospérité de la ligne de Lierre à Turnhout et diminuer ainsi dans une certaine mesure l'intervention du trésor qui a été consacrée en faveur de cette ligne.

Je citerai un autre chemin de fer pour lequel l'instruction est complète, qui a déjà fait l'objet d'un projet de loi, déposé par l'honorable M. de Bavay et à l'égard duquel la simple inspection de la carte suffit, en quelque sorte pour déterminer la conviction. C'est le chemin de fer de Malines à Schelle.

Il y a, messieurs, dans ce dernier ordre de projets, un certain nombre de chemins de fer pour lesquels il n'y a aucune espèce de danger à accorder au gouvernement la faculté de les concéder aux conditions générales.

Mais il n'en est pas de même de certiaines grandes lignes qui, je le répète, feront l'objet d'un examen prompt et très consciencieux. Si le gouvernement dans l'intervalle des sessions est en mesure de conclure des conventions provisoires avec des hommes sérieux pour quelques-unes de ces lignes, il soumettra ces conventions provisoires à la chambre dans le cours de la prochaine session. Dans cette dernière catégorie je range les demandes qui ont pour objet de desservir les intérêts de nos grands bassins houillers.

M. le président. - Voici plusieurs amendements qui ont été déposés :

(erratum, page 1667) En voici encore un que vient de déposer M. Prévinaire :

« Le gouvernement est également autorisé à concéder un chemin de de fer partant de Groenendael (station du chemin de fer de Bruxelles à Namur) et aboutissant à Louvain par Tervueren. »

M. Moxhon. - Messieurs, j'avais eu l'honneur de présenter, dans la première section, l'amendement tel qu'il à été adopté par la section centrale. Je me proposais donc de vous présenter quelques considérations sur l'importance du bassin houiller et des nombreux établissements de la basse Sambre. Mus en présence de l'accord qui existe entre les sociétés demanderesses, entre les industriels et entre les députés des trois provinces intéressées, envoyant en outre que M. le ministre des travaux publics se rallie à cet amendement, j'engage la chambre à voter les deux lignes, une discussion devenant superflue.

M. Lelièvre. - Messieurs, le projet de loi tel qu'il est amendé par la section centrale répond à des besoins signalés depuis longtemps au gouvernement. Celui-ci, instruit par les renseignements qui lui sont parvenus, n'hésite pas à se rallier aux amendements, en ce sens que l'autorisation de construire des chemins de fer partant de Tamines et de Jemeppe sur Sambre ne constitue qu'une simple faculté pour le pouvoir exécutif.

Restreinte dans ces limites, la proposition ne peut soulever aucune résistance et ne saurait présenter aucun inconvénient, le gouvernement se réservant toute liberté d'action et d'appréciation, si des difficultés d'exécution venaient à s'élever.

Les projets des chemins de fer en question ont été étudiés depuis longtemps, et ce qu'il y a de remarquable, c'est que celui de Jemeppe a déjà été concédé.

Lors de la discussion de la loi sur les travaux publics, en août 1851, j'avais proposé un amendement décrétant le chemin de fer en question. M. le ministre des travaux publics en reconnut l'utilité, mais il soutint que le chemin de fer en question étant purement industriel, on pouvait il décréter par un simple arrêté royal, et M. le ministre déclara être prêt à le concéder, du moment où il se présenterait un concessionnaire sérieux ; or, cet événement se présente, puisque le cautionnement est déjà déposé.

Les chemins de fer énoncés à l'amendement sont le complément de la ligne décrétée du projet de loi du gouvernement. On peut dire qu'ils complètent le système de ce projet qui, sans cela, ne serait qu'imparfait. Ils sont destinés à assurer des avantages importants à un grand nombre de localités aujourd'hui privées de tous moyens rapides de transport.

Il y a plus, il est démontré qu'ils seront des affluents très avantageux pour les voies ferrées de l'Etat.

Du reste, ne perdons pas de vue que, depuis longtemps, le gouvernement et la législature ont reconnu l'urgence d'ouvrir des débouchés aux produits de la basse Sambre ; il ne s'agit donc que de réaliser ce qui a été décrété depuis plusieurs années.

D'un autre côté la nécessité de deux embranchements partant de Tamines et de Jemeppe sur Sambre est évidente pour quiconque connaît les localités. Les accidents de terrain et l'état des lieux rendent d'abord impossible la construction d'un seul chemin de fer avantageux pour les deux centres (Tamines et Jemeppe). Décréter une seule voie ferrée, c'est placer l'un ou l'autre de ces centres houillers dans des conditions fâcheuses de concurrence ruineuse et sous ce rapport ce serait manquer le but qu'on se propose en ouvrant ua débouché aux exploitations de la basse Sambre. Cette partie du pays est l'une des plus importantes de l'arrondissement de Namur.

C'est la seule où l'industrie prospère ; et elle n'attend que des voies ferrées pour voir la production s'accroîtra considérablement. Quarante concessions de houilles, quatre fabriques de produits chimiques, deux manufactures de glaces, de vastes carrières, des fours à chaux, quantité de minières atteindront, au moyen des travaux projetés, des développements que le défaut de communications rapides et économiques a paralysés jusqu'aujourd'hui.

Les voies nouvelles aboutiront, du reste, au chemin de fer de l'Etat, ce qui ne manquera pas d'augmenter notablement les produits de ce dernier.

Du reste quand le gouvernement reconnaît les nécessités qui justifiant l'amendement de ia section centrale, organe enu cela des voeux unanimes des sections, il est impossible que la chambre ne se rallie pas à une opinion que le gouvernement ne partage qu'après avoir étudié la question depuis des années.

Je n'hésite donc pas à espérer de voir enfin la vallée de la Sambre dotée des avantages qu'elle réclame et qui lui ont été promis depuis si longtemps.

M. Malou. - Messieurs, je désire faire une simple observation an sujet de l'amendement qui fixe a trente kilogrammes par mètre le poids (page 1610) minimum des rails qui pourront être employés. Je crois qu'il fait laisser au gouvernement le soin de régler ces questions ; en voici le motif : Un rail de 20 kilogrammes, par exemple, peut être meilleur, plus fort et plus durable qu'un rail de 34 kil. Les chemins de fer se perfectionnent tous les jours ; il y a un système qu'on essaye, qu'on applique déjà au chemin de fer en Belgique, et d'après lequel on peut employer des rails assez légers, parce qu'on y adapte des contre-forts en fer qui leur donnent une plus grande rigidité et plus de durée.

Je ne vois donc aucun motif pour lier le gouvernement et pour obliger les compagnies à des dépenses qui leur créent des difficultés. Il vaut mieux ne pas régler cet objet par la loi.

M. de Perceval. - Je n'abuserai pas longtemps de la patience de la chambre. Je serai bref ; je n'ai que quelques considérations à présenter à l'appui de l'amendement que j'ai déposé sur le bureau avec deux de mes honorables collègues, MM. Rogier et Loos, amendement qui consiste à concéder un chemin de fer de Malines à Schelle, sur l'Escaut, et passant par Waelhem, Rumpst, Boom et Niel.

Je dois faire remarquer tout d'abord que la concession de cette voie ferrée a déjà été présentée à la législature en 1847. Dans la séance du 6 mai, M. de Bavay, alors ministre des travaux publics, déposa un projet de loi tendant à accorder à la société veuve Van Enschodt, d'Anvers, la concession du chemin de fer dont nous demandons aujourd'hui l'exécution.

Messieurs, il importe de ne pas perdre de vue que si cette concession reçoit l'assentiment de la législature, elle apportera à la station centrale de Malines un affluent des plus importants, des plus féconds, des plus productifs pour le trésor. Car vous relierez au réseau national tout le petit Brabant, les communes si populeuses de Niel, de Schelle et de Boom, toutes localités où s'exercent des industries florissantes et considérables.

Les populations des communes longées et traversées par le chemin de fer dont nous demandons l'exécution, ainsi que la population de toutes les communes qui l'avoisinent, peuvent être évaluées sans exagération aucune à 200,000 âmes.

C'est la partie la plus active de la province d'Anvers ; elle mérite la sympathie de la chambre et toute la sollicitude du gouvernement.

Il existe sur les bords du Rupel que longera ce chemin de fer, un grand nombre d'importantes briqueteries. Les seules communes de Boom, Rumpst, Niel, Heximen, Schelle et Rupelmonde en comptent environ 600, desservies par 8 à 10 mille ouvriers.

Celles de Boom et de Niel particulièrement réunissent tous les genres de fabrication en terre cuite.

La cousommatien de leurs fabricats est immense. On en exporte annuellement pour la France et l'Allemagne au moins 50 mille tonnes ; et si on pouvait les y expédier sans rompre charge, cette exportation serait sans limites.

Dans la commune de Boom seule, il se fabrique, en moyenne, pour l'énorme somme de 12 millions de francs de cette marchandise. Mais là ne se borne pas l'industrie de cette contrée. Boom, Niel, Schelle, Tamise et Rupelmonde possèdent encore d'autres établissements industriels, des moulins, des tordoirs, des brasseries, etc., etc., et notamment des chantiers de construction.

Indépendamment d'un bon système de nouvelles et faciles communications, le chemin de fer projeté assure à ces contrées le transport des marchandises en dessous des prix actuels de la navigation, et il donne, je le répète, au chemin de fer de l'Etat un de ses meilleurs affluents.

Messieurs, j'aime à croire que le gouvernement acceptera notre proposition. Si M. le ministre jugeait convenable de la repousser, (ce que je ne puis admettre,) j'attendrai sa réponse pour combattre les arguments qu'il croira devoir produire contre cette demande de concession.

Au reste, je pense qu'aucun considération sérieuse tendant à la faire rejeter ou même à la faire ajourner, ne peut être sérieusement présentée.

Il est une dernière reflexion que je dois émettre à l'appui de notre amendement : c'est quo le chemin de fer dont il s'agit ne peut faire du tort à aucune voie fériée appartenant à l'Etat ni à une compagnie quelconque.

Il doit donc être bien accueilli par la législature et par M. le ministre des travaux publics.

Ai-je besoin d'ajouter, messieurs, que le concessionnaire ne réclame ni subside ni garantie d'un minimum d'intérêt ?

Ai-je besoin de dire enfin, en terminant, que toutes les enquêtes ont eu lieu, que la ligne de Malines à Schelle est toute étudiée, que tous les intérêts ont été consultés et débattus, que le cahier de charges, que les conventions sont arrêtés, en un mot, que cette ligne ne coûtera pas un centime au gouvernement et qu'elle n'est nullement nuisible aux railways de l'Etat ?

M. Prévinaire. - Messieurs, j'ai déposé un amendement qui tend à autoriser le gouvernement à concéder une voie ferrée qui prendrait son origine à la station de Groenendael pour se diriger sur Louvain, en passant par Tervueren.

Messieurs, cette demande en concession a une très grande importance ; elle intéresse notamment la capitale et la ville de Louvain, puisqu'elle est destinée à raccourcir de 50 p. c. le trajet entre ces deux villes. D'un autre côté, elle aurait pour effet de mettre un grand nombre de communes rurales populeuses en contact, d'une part, avec la capitale, d'autre part, avec les bassins houillers. Ce serait donc pour ces communes un très grand avantage de faire concéder cette ligne.

Je sais que cette ligne est peut-être de nature à porter un préjudice aux recettes du trésor ; le produit de la circulation des voyageurs entra Bruxelles et Louvain, par Malines, est très considérable et peut être altéré par cette concession.

Mais si cette considération était de nature à toucher sensiblement la chambre, nous devrions examiner avec infiniment plus de maturité tous les projets de concession qui nous sont présentés, car toutes les grandes lignes sont de nature à faire dévier une partie des transports qui affluent aujourd'hui au chemin de fer de l'Etat.

Quant à moi, cette considération est tout à fait secondaire ; nous avons à consulter l'intérêt général, nous devons surtout nous dire que si quelques lignes concurrentes viennent enlever momentanément quelques produits au chemin de fer de l'Etat, elles sont aussi de nature à produire, dans un avenir plus ou moine rapproché des résultats très avantageux pour le chemin de fer.

Je demande donc à le ministre des travaux publics s'il adhère à mon amendement qui, je le répète, intéresse grandement la capitale et la ville de Louvain, qui aurait de plus pour effet de mettre le château de Tervueren en contact avec Bruxelles, Louvain, Namur et Nivelles ; si ces considérations n'ont pas quelque poids auprès du gouvernement, si elles doivent fléchir devant une simple question de chiffre, je demanderai au gouvernement s'il n'y pas possibilité de faire exécuter cet embranchement par l'Etat.

M. le président. - M. Dumortier vient de déposer l'amendement suivant :

« Le gouvernement est autorisé à concéder aux mêmes conditions que le chemin de Jurbise à Tournai, un chemin de Hal à Ath par Enghien et de Tournai à la frontière française vers Lille. »

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je prie la chambre de vouloir bien s'arrêter dans cette voie d'amendements. Il y a une distinction à établir, si l'on s'en écarte on court à l'imprévu. Il y a deux sortes de chemins de fer, les chemins qui ont fait l'objet d'études administratives et qui ne peuvent pas porter préjudice au chemin de l'Etat. Un coup d'œil sur la carte suffit pour constater le caractère d'utilité des premiers. Ainsi je conçois que le gouvernement soit autorisé facultativement à concéder le chemin proposé par M. de Perceval, parce que pour ce chemin il y a eu un projet de loi, une convention, une instruction administrative complète et que la session est trop avancée pour que le gouvernement puisse saisir la chambre d'un projet de loi.

Il ne peut pas en être de même pour des chemins dont l'influence sur les revenus du trésor ne peut pas être appréciée par la chambre ni par le gouvernement. Ainsi M. Prévinaire voudrait donner au gouvernement la faculté de concéder un chemin de Bruxelles à Louvain ; cela peut être excellent pour un concessionnaire, j'en doute d'autant moins que les relations entre Louvain et Bruxelles figurent dans les recettes du chemin de fer pour 300 mille francs.

Je crois donc que c'est une excellente affaire, mais je dis qu'il y aurait danger réel à autoriser le gouvernement, même à simple titre de faculté, à concéder une semblable ligne, parce que l'amendement constituerait une sorte de préjugé en faveur de cette ligne. On viendrait s'en autoriser pour exiger que le gouvernement donne suite à une semblable concession.

Je dois éclairer la chambre sur les conséquences d'une semblable marche. J'ai d'autres raisons encore pour me prononcer contre ces propositions. Les lignes qu'elles concernent n'ont été l'objet d'aucune étude administrative et pourraient jeter la perturbation la plus complète dans notre railway national.

Le chemin de Saint-Ghislaia à Gand peut être très utile ; mais il faut bien, avant de prendre une résolution, s'éclairer sur toutes les conséquences de son exécution éventuelle.

Il faut l'examiner, au point de vue des relations existantes, et des prix de transport sur nos voies navigables. Cet examen, je suis décidé à l'ordonner et à provoquer une solution prompte ; mais d'ici là je conjure la chambre d'ajourner toute décision qui pourrait préjuger la résolution à prendre ultérieurement.

M. Orban. - Lorsque l'on vous fait une proposition contraire à votre règlement, elle peut être repoussée par la question préalable. Je crois que la question préalable peut être opposée, à plus forte raison, aux propositions qui sont contraires à la loi, contraires aux droits et aux prérogatives que les lois accordent à la chambre.

Or, messieurs, tel est, selon moi, le caractère de toutes les propositions de chemins de fer, formulées depuis un moment à l'occasion de la loi en discussion et qui tendent à autoriser le gouvernement en l'absence des chambres à concéder les lignes indiquées.

C'est une délégation indirecte des pouvoirs que la loi vous accorde. Il est évident, en effet, que ce n'est point là concéder législativement une ligne de chemins de fer, mais se dépouiller au profit du gouvernement du droit et de l'obligation que la lui vous confère.

Voyez, messieurs, comment on marche d'abus en abus.

Iï y a quelques jours, nous cherchions à faire prévaloir dans cette enceinte le système des enquêtes préalables. Nous soutenions qu'il était impossible de statuer en connaissance de cause sur de semblables demandes en l'absence des renseignements et des réclamations qui naissent d'une enquête. Il s'agit bien d'autre chose aujourd'hui. La (page 1611) chambre est appelée à se prononcer par voie d'amendement sur des demandes toutes nouvelles qui n'ont aucune analogie avec l'objet en discussion, qui sont à peine formulées, qui n'ont pas été examinées par le gouvernement, qui n'ont pas même fait dans la chambre l'objet de cet examen incomplet par les sections auquel sont soumises les moindres affaires.

J'espère que vous saurez vous arrêter à temps en repoussant par une mesure d'ordre toutes ces propositions qui tendent à s'introduire irrégulièrement dans la discussion.

M. le président. - (erratum, page 1611) M. Orban demande que la chambre décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les propositions faites comme ne constituant pas des amendements au projet en discussion.

M. Prévinaire. - J'appuie la motion de l'honorable M. Orban ; je demande le renvoi des amendements appuyés comme de ceux qui ne le sont pas. Ce serait une sorte de déni de justice que d'admettre à la discussion deux amendements relatifs à des lignes secondaires alors qu'on écarte celui que j'ai proposé, qui se rattache à une ligne tellement utile que le ministre trouve qu'il serait dangereux de la concéder à une compagnie et que c'est à ce point de vue que M. le ministre la combat, quand je me borne à demander au gouvernement de vouloir la faire étudier. Ce serait faire peu d'honneur à un amendement très sérieux.

Les considérations qu'on a fait valoir contre mon amendement sont de nature telle, qu'il faut les appliquer à tous les projets qui peuvent avoir le même résultat. Nous sommes en présence de projets de nature à porter préjudice aux lignes exploitées par l'Etat. Mon désir est d'obtenir pour les localités voisines de Bruxelles certains avantages que vont obtenir d'autres localités.

Je suis dans la motion quand je dis qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement que j'ai présenté. Qu'a-t-on voulu ? On n'a pas voulu décréter des chemins sans autoriser le gouvernement à les concéder.

Eh bien, ce pouvoir que je vous demande de donner au gouvernement, vous le lui avez donné dans un vote récent, contrairement à mon avis.

On a donné un pouvoir presque illimité au gouvernement, en l'autorisant à concéder une ligne de chemin de fer pariant d'un point indiqué et aboutissant au point qu'il plairait au gouvernement de déterminer. Ce pouvoir est tout au moins aussi exorbitant que celui dont il s'agit dans mon amendement.

M. Rogier. - Je ne puis appuyer la motion d'ordre de l'honorable M. Orban.

J'approuve en principe les propositions de l'honorable ministre des travaux publics en ce qui concerne les demandes de concessions de chemins de fer, et j'approuve la réserve que met l'honorable M. Orban dans ces questions. Mais il ne s'agit pas ici d'un projet tout nouveau et improvisé ; il s'agit d'un projet dont la chambre a été saisie en 1847, et dont elle n'a pas eu à s'occuper par suite de sa dissolution, d'un projet dont les études ont été faites et pour lequel une convention a été passée avec M. le ministre. Il s'agit d'un chemin de fer dont l'utilité ne peut être contestée par personne ; c'est un affluent très utile au chemin de fer de l'Etat, auquel il rattachera les communes populeuses et industrielles de Rumpst, Boom, Niel et Schelde.

Il met de plus les Flandres en communication avec le Brabant, avec Malines et la capitale ; donc il est utile à tous les points de vue. Je pense qu'en présence de pareilles considérations, il y a lieu de faire une exception en faveur de ce chemin de fer.

Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'on ne demande la garantie d'aucun minimum d'intérêt.

Ce chemin de fer aurait trois lieues et demie, il rendrait les plus grands services aux localités qu'il doit desservir, et apporterait de plus un aliment considérable au chemin de fer.

Quant à moi, je n'aurais pas donné ma signature à une proposition qui se serait présentée avec d'autres caractères. Je crois que ce projet mérite à tous égards la sollicitude de la chambre et du gouvernement.

M. de La Coste. - Si je n'ai pas appuyé la proposition de l'honorable M. Prévinaire, ce n'est pas que je ne m'intéresse pas au projet de chemin de fer dont il s'agit. Mais je suis persuadé qu'en jetant dans la discussion une foule de demandes qui n'ont pas été suffisamment étudiées, on ne ferait pas l'affaire des chemins de fer auxquels elles s'appliquent ; qu'on ne ferait point, par exemple, l'affaire du chemin de fer direct de Louvain à Bruxelles, mais qu'on risquerait d'entraver des entreprises sur lesquelles on est d'accord. On risquerait d'aboutir au même résultat où l'on était arrivé en France, où l'on a rendu longtemps impossibles des chemins de fer dont on reconnaissait l'utilité, parce que dès qu'ils étaient présentés, d'autres demandes surgissaient, et il en naissait des conflits qui empêchaient toute décision.

Quant aux amendements qui ont été présentés par des députés de mon arrondissement et d'autres honorables collègues, je demanderai comme l’honorable M. Rogier (et, je crois, pour des raisons au moins aussi fondées) qu'ils ne soient pas compris dans la motion que fait l'honorable M. Orban. Il y a d'abord l'amendement qui s'est produit dans plusieurs sections et qui a été accueilli par la section centrale et aussi par M. le ministre des travaux publics.

Cette affaire, messieurs, est complètement instruite. Si je ne craignais de prolonger la discussion, j'entrerais à ce sujet dans plus de détails et je ferais voir que l'instruction de cette demande est tout au moins aussi complète que celle de la concession qui est l'objet principal de cette discussion. Vient ensuite le chemin de fer de Louvain à Herenthals, qui a été discuté récemment à la chambre ; tout le monde ici a ce débat présent à l'esprit.

Lorsqu'il s'est agi du chemin de fer de la Campine, nul doute que si la société Leysen avait accepté dès lors cette extension de sa concession, il n'y aurait eu à cet égard aucune difficulté.

Ces amendements, en outre, se lient intimement au projet du gouvernement qui concerne le chemin de fer de la Sambre vers Landen. Celui de la Sambre à Diest par Tirlemont n'en est qu'un embranchement. Tout ces chemins de fer, y compris celui de Louvain à Herenthals, sont des rayonnements des bassins houillers, des gîtes métallurgiques de !a Sambre vers la Campine, ce sont des ramifications d'un même chemin de fer. Je ne conçois pas dans quel intérêt on les séparerait. Je le répète, ce sont là des demandes parfaitement instruites, aussi instruites chacune que celle que le gouvernement nous a soumise.

Je demande donc qu'à l'égard de ces chemins de fer on n'adopte pas la motion d'ordre.

M. Dumortier. - Je crois que quand le gouvernement vient proposer des concessions de chemins de fer, qui sont de nature à nuire au chemin de fer de l'Etat, on ne doit s'opposer à ce qu'on examine des chemins de fer qui peuvent améliorer la situation du chemin de fer de l'Etat.

La proposition que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau a ponr objet la concession d'un chemin de fer qui, dans une discussion récente, a obtenu les sympathies d'un grand nombre de membres de cette chambre. Ce ne sera qu'un acte de justice de le comprendre dans le projet de loi ; car si vous voulez donner 3 ou 4 chemins de fer au district de Nivelles, c'est bien le moins qu'on fasse quelque chose pour les autres districts.

On ne peut pas dire que ce chemin de fer n'a pas été étudié ; car il a été étudié sur le terrain, comme aucun chemin de fer ne l'a été.

Dans le cas où la motion d'ordre de l'honorable M.Orban serait adoptée, je demande que le chemin de fer de Hal à Ath, par Enghien, ne soit pas compris dans l'ordre du jour, puisque ce chemin de fer aura pour effet d'établir une ligne droite au profit du chemin de fer de l'Etat, tandis que d'autres lignes ont établi des lignes droites au détriment du chemin de fer de l'Etat. Il faut donc réparer ce mal ; ma proposition n'a pas d'autre but.

Je désirerais connaître de la bouche de l'honorable ministre des travaux publics quelles sont les propositions qu'il appuie, quelles sont celles qu'il n'appuie pas. J'ai entendu qu'il repousse la proposition de l'honorable M. Prévinaire. Je désirerais connaître les uns après les autres quels sont les amendements auxquels il se rallie, quels sont ceux auxquels il ne se rallie pas.

M. le président. - Si la question préalable n'était pas adoptée, M. Dumortier aurait la parole pour développer son amendement.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je dois également combattre la question préalable, puisque je suis disposé à me rallier à certains amendements qui ont été proposés par d'honorables membres.

L'honorable M. Dumortier désire connaître quels sont les amendements auxquels je me rallie ; messieurs, la réponse est toute naturelle. Je me rallie aux amendements qui ont fait l'objet d'une instruction et qui ne peuvent dans aucun cas apporter la moindre perturbation dans les recettes de nos chemins de fer, qui ne peuvent pas troubler l'économie générale de nos relations établies. Je range dans cette catégorie la demande de concession d'un chemin de fer de Malines à Schelle et la demande de concession qui fait l'objet de l'amendement des honorables députés de Louvain.

Jusqu'à présent il n'y a que ces deux amendements auxquels je puis me rallier. Il en est deux auxquels je ne puis me rallier.

M. le président. - Celui de M. Prévinaire n'a pas été appuyé. Il se trouve définitivement écarté.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Reste, en ce cas, celui de l'honorable M. Dumortier. Je ne puis m'y rallier parce que, comme je l'ai dit il y a quelques jours, si je devais me prononcer sur le vu de l'instruction administrative à laquelle il a été procédé à l'égard du chemin de fer de Hal à Tournai par Enghien, je devrais me prononcer contre. Car il résulte de cette instruction que ce chemin de fer doit nuire et n'a pas un caractère d'utilité assez grand pour déterminer le gouvernement à en autoriser la concession et que dans tous les cas l'exploitation devrait se faire pour compte de l'Etat, ce qui constituerait une charge trop considérable.

M. le président. - Il me paraît résulter de votre discours que vous n'êtes pas tout à fait opposé à la question préalable ; vous demandez la division.

M. Orban. - Le but de ma motion est d'écarter ces propositions de chemin de fer qui surgissent pendant la discussion et qui sont de nature à annuler les droits et les prérogatives de la chambre en cette matière.

Or, quels sont ces droits et ces prérogatives ? Ils consistent dans le pouvoir, pour le corps législatif, de concéder les lignes de chemins de fer de plus de 10 kilomètres. Eh bien ! pour qu'il y ait une concession., il faut qu'il y ait d'abord un demandeur en concession. Je ne conçois pas qu'on accorde une concession quand il n'y a pas de demande faite.

Je comprends que la chambre statue sur une concession, quand elle est mise en présence d'un contrat dont elle peut apprécier les clauses.

(page 1612) En effet, statuer en l'absence de ces éléments indispensables, ce serait remplir aveuglement notre mission.

Il est évident dès lors que j'écarte toute espèce de demande qui surgit inopinément et qui n'est appuyée sur aucun élément, sur aucune demande de concession et sur aucun cahier des charges, et qui tend à accorder au gouvernement la faculté de traiter avec des concessionnaires éventuels. Car le résultat de propositions ainsi formulées, c'est de vous dépouiller, en ce qui concerne ces chemins de fer, de la faculté que vous avez de les concéder, pour accorder ce droit au gouvernement.

M. Veydt. - Messieurs, le but que je voulais atteindre me semble déjà en partie atteint par le second discours de l'honorable M. Orban. Je voulais engager cet honorable membre à n'écarter par la question préalable que les chemins de fer qui surgissent inopinément, pour lesquels aucune étude ni pour la chambre, ni pour le département des travaux publics, n'a été faite.

Messieurs, avec la marche que suit la chambre, c'est aujourd'hui de l'honorable ministre de ce département que dépend complètement l'appréciation et même le vote des chemins de fer en Belgique. J'ai fait des efforts pour empêcher la chambre de persévérer dans cette voie ; je crains que dans un avenir prochain elle n'ait des conséquences fâcheuses. Mais aujourd'hui qu'une opinion contraire à la mienne a prévalu, je suis résolu à ne plus faire d'opposition ; toutes les fois que M. le ministre m'aura dit : J'ai étudié tel chemin de fer ; j'ai tous les éléments qui établissent son utilité ; j'en connais toutes les conséquences ; vous pouvez m'en croire. J'adopte, sur sa parole.

Messieurs, les mêmes choses se sont produites au sein des sections centrales que j'ai mission de présider. Nous avons, à différentes reprises, fait des objections à M. le ministre, mais comme il avait parfaitement étudié les questions, qu'il avait des données qui nous manquaient par suite du système qui est suivi, il a pu presque toujours nous répondre victorieusement, et vos sections centrales sont arrivées à faire des propositions conformes aux projets présentés par le gouvernement ou n'offrant avec eux que de légères différences.

Messieurs, durant l'examen du projet de loi dont nous nous occupons, quand il s'est agi de la ligne de Malines à Schelle qui fait l'objet de l'amendement des honorables MM. Rogier, Loos et de Perceval, j'ai mis de côté, et l'honorable M. de Brouwer a agi comme moi, mes sympathies pour cette ligne ; je lui ai opposé, en section centrale, ce que j'appellerai une question de principe, en disant que si nous venions ajouter aux propositions du gouvernement, nous irions beaucoup trop loin ; que ce n'était pas là notre rôle. J'ai fait remarquer à mes collègues, qui m'ont appuyé de leur adhésion, que nous n'étions pas saisis de ces projets, qu'ils étaient trop étrangers à la loi en discussion pour que nous prissions l'initiative. Nous avons fait, il est vrai, une seule exception, que l'honorable M. de La Coste vous a déjà signalée, et c'est parce qu'il s'agissait d'une modification ou plutôt d'un complément de tracé au projet dont nous étions saisis ; mais il ne devait pas en être de même, dans mon opinion, pour d'autres chemins de fer.

A présent que les tendances de la majorité des membres de la chambre ne sauraient être un moment douteuses pour moi, ce qua la section centrale a craint de faire, il appartient à la chambre d'en prendre l'iniatiative ; je n'y mets que cette seule condition que l'organe du gouvernement, l'honorable ministre des travaux publics, que j'envisage, moi, dans le système qui a prévalu, comme l'arbitre des lignes de chemins de fer, quand même elles auraient un parcours de cinquante kilomètres, que cet honorable ministre, dis-je, vienne nous déclarer que les études sont faites, que les avis du comité, qui est son conseil, sont favorables, qu'il n'y a lésion de droit ni d'intérêt légitime pour les lignes de l'Etat ; qu'il s'agit d'affaires sérieuses, que les conditions en sont arrêtées ou sur le point de l'être et qu'il y a des hommes dignes de confiance pour accepter ces conditions.

Or, toutes ces conditions sont remplies pour le chemin de fer de Malines à Schelle. D'eutres membres pourront dire s'il en est de même, toujours d'accord, bien entendu, avec le gouvernement, pour d'autres lignes qu'ils désirent avoir ajouter au projet en discussion.

S'il est satisfait à ces préliminaires indispensables, je ne veux plus être un obstacle à ce que la chambre passe outre.

Voilà, messieurs, la distinction que je fais. Je n'appuie donc la motion de l'honorable M. Orban qu'avec la division indiquée tout à l'heure par M. le ministre, c'est-à-dire pour autant qu'elle concerne des chemins de fer nouveaux qui, au dire du gouvernement, n'ont pas encore pu être suffisamment étudiés et sont, en quelque sorte, encore improvisés même pour lui.

M. Rousselle. - Messieurs, je suis vraiment surpris du discours que vient de prononcer mon honorable ami M. Veydt ; nous avons combattu ensemble pour faire admettre par la chambre le système d'enquête sur les concessions de chemins de fer. Aujourd'hui ce système est totalement abandonné. Et dans quel système entrons-nous ? Avant la loi de 1845, lorsque le gouvernement concédait lui-même les chemins de fer, il ne pouvait le faire qu'après des enquêtes publiques. Aujourd'hui par des propositions incidentes, à l'occasion de projets de loi étudiés et par lesquels le gouvernement vient saisir la chambre de la proposition d'octroyer une concession,o n veut introduire dans ces projets des articles que l'on appelle des amendements, pour autoriser le gouvernement à faire lui-même les concessions, et à les faire sans enquête. Il ne faut plus d'enquête publique ; on se borne à une instruction administrative.

Je ne sais pas, messieurs, ce que deviennent, avec un pareil système, les lois que la chambre a portées.

J'appuie donc la proposition de l'honorable M. Orban dans toute sa teneur, dans toute sa force. Je demande avec lui que la chambre ne vote que sur la proposition formelle du gouvernement de donner des concessions à des concessionnaires connus, avec des conditions, avee des cahiers des charges approuvés. Mais quant aux propositions qui tendent à donner au gouvernement, soit par voie d'amendement, soit du consentement du ministre, la faculté de concéder directement d'autres lignes que celles qu'il nous apporte étudiées et qu'il soumet à notre sanction, je maintiens que la question préalable doit être admise.

M. Mercier. - L'honorable M. Rousselle en revient encore à l'enquête. Or, la chambre s'est prononcée sur ce point ; elle a déclaré qu'il ne fallait pas d'enquête ; c'est donc une question jugée.

Aucune règle n'est tracée à la chambre par la loi ;elle doit, me paraît-il, puiser dans sa conscience les décisions qu'elle a à prendre. Lorsque M. le ministre des travaux publics vient déclarer et prouve qu'un chemin de fer ne peut être nuisible aux recettes des lignes de l'Etat, que d'autres honorables membres connaissant les localutés rendent le même témoignage ; que d'ailleurs ces localités sont loin de nous être étrangères ; qu'enfin après avoir entendu apprécier les explications qui nous sont données, nous nous jugeons assez éclairés pour nous former une opinion bien précise sur un projet ; il est évident que nous pouvons voter en toute sécurité, surtout quand il a fait l'objet d'une instruction spéciale de la part du gouvernement, il nous suffit d'avoir la conviction que le projet est utile, qu'il ne peut nuire à aucun intérêt.

Du reste, messieurs, j'admets pleinement la distinction faite par M. la ministre des travaux publics : quand une ligne, bien que présentant une apparence d'utilité, n'a pas été étudiée, quand le gouvernement déclare même qu'elle serait nuisible aux revenus de l'Etat, je dis qu'alors il y aurait de l'imprévoyance et du danger à ne pas suspendre notre jugement ; nous ne pouvons, contre l'opinion que le gouvernement s'est formée, prendre la responsabilité de la concession d'une telle ligne.

Evidemment, messieurs, la situation est tout autre lorsque déjà la ligne a fait l'objet d'une étude spéciale par l'autorité compétente, telle que celle qui a eu lieu tant pour les chemins de fer compris dans les propositions de la section centrale, que pour les deux amendements auxquels le gouvernement s'est rallié. Je demande donc qu'on passe à la discussion de ces propositions.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je tiens à faire une déclaration à la chambre. Si, contre mon attente, la chambre adoptait un amendement ayant pour objet d'autoriser la concession de certaines lignes qui, dans ma conviction, devraient nuire aux lignes existantes, exploitées par l'Etat, je ne me croirais pas tenu à concéder de semblables lignes et je prends ici l'engagement d'en faire l'objet de projets spéciaux que je soumettrais à la chambre dans la prochaine session.

M. Dumortier. - L'honorable M. Veydt a commencé par dire une vérité qu'on ne sauvait assez proclamer, c'est que dans la situation actuelle, la graude question des chemins de fer, si importante et pour le trésor public et pour tous les intérêts du pays, est laissée exclusivement à l'arbitrage ministériel.

Je m'attendais donc, à la suite de cette prémisse, dont personne ne peut contester la vérité, je m'attendais, dis-je, à ce que l'honorable M. Veydt conclût d'une manière tout opposés à celle dont il a conclu.

M. Veydt. - La chambre s'est prononcée.

M. Dumortier. - Nous avons, l'honorable M. Veydt et moi, insisté vivement pour l'enquête, et chacun doit regretter maintenant la décision que la chambre a prise à cet égard.

A l'enquête que l'on fait pour une lieue de pavé communal, on a substitué pour les chemins de fer les plus importants, quoi ? L'avis du conseil des ponts et chaussées. De manière qu'en définitive, toutes les grandes questions de chemin de fer se trouvent abandonnées à l'arbitrage du conseil des ponts et chaussées, représenté, dans cette enceinte, par M. le ministre des travaux publics. Les intérêts du trésor, les intérêts des populations, tout cela n’est plus rien, quand le conseil des ponts et chaussées viendra dire : Il convient de faire tel chemin de fer ; on le fera ; quand le conseil des ponts et chaussées viendra dire : Il ne convient pas de faire tel chemin de fer ; on ne le fera pas.

Un chemin de fer, fùt-il excellent, si le conseil des ponts et chaussées y est défavorable, ce chemin de fer ne se fera pas, et un chemin de fer, fût-il détestable, si le conseil des ponts et chaussées l'approuve, il sera décrété.

Je dis, messieurs, que ce système c'est l'abdication du pouvoir parlementaire, en matière da chemins de fer.

Messieurs, il faut de deux choses l'une : ou bien exiger une étude rigoureuse et une enquête égale pour tous, ou bien admettre que la chambre est toujours libre de voter comme elle l'entend, sauf ensuite au gouvernement à ne pas sanctionner la loi ou à ne pas user de la faculté qui lui serait donnée de concéder telle ou telle ligne. Mais quant au système dans lequel on semble vouloir entrer et qui consisterait à n'admettre que les projets appuyés par le ministre, je le répète, un pareil système c'est l'abdication des prérogatives parlementaires en matière de chemins de fer.

Eh bien, de cette abdication je ne veux pas, et quand je parlerai qui à l'heure sur le fond, je démontrerai à quels résultats fâcheux on arriverait en s'y laissant entraîner.

(page 1613) Savez-vous, messieurs, ce qu'on fait ? Et l'honorable M. Rogier a rendu un très grand service en appelant l'attention de la chambre sur ce point. On fait tous tronçons séparés et plus tard peut-être tous ces tronçons formeront une grande ligne qui fera une concurrence ruineuse au chemin de fer de l'Etat. C'est surtout en présence d'une telle situation qu'il importe à la chambre de conserver tous ses droits.

Si la chambre veut entrer dans la voie de l'examen approfondi de toutes les questions, je le désire, j'ai voté dans ce sens et je le ferai encore ; mais si la chambre repousse l'enquête, jamais je n'admettrai le •rincipe que rien ne peut se faire ici sans la permission de M. le ministre des travaux publics.

M. Rogier. - Je ne viens pas, messieurs, justifier tous les projets de lois qu'on veut repousser par la question préalable ; je demande seulement grâce pour le chemin de fer que je propose et qui réunit toutes les conditions désirables pour être concédé.

Ainsi on dit qu'il faut une enquête, il y a eu une enquête ; il faut une convention, il y a une convention ; il faut un projet de loi, il y a un projet de loi, qui a été déposé en 1847 ; il faut un concessionnaire, il y a un concessionnaire ; et M. le minstre vient de me dire que la convention qui avait été faite avec ce concessionnaire sera modifiée dans un sens favorable à l'intérêt public.

Voilà, messieurs, les motifs qui m'ont déterminé à appuyer le projet dont il s'agit ; je partage, d'ailleurs, les opinions qui viennent d'être émises.

Je demande donc que le projet de loi qui remplit toutes ces conditions ne soit pas victime de projets plus ou moins contestables dont on voudrait l'entourer. J'appuierai, du reste, tous les chemins de fer qui se présenteront dans les conditions de celui que je recommande en ce moment à la chambre.

En un mot, messieurs, je demande qu'on divise la proposition de l'honorable M. Orban, et qu'on ne l'applique pas indistinctement, aveuglément à toutes les concessions.

- Plus de cinq membres demandent la clôture de la discussion sur la question préalable.

M. Moncheur (sur la clôture). - L'honorable M. Rogier demande grâce pour un des chemins de fer, celui qu'il a proposé, parce que, dit-il, il se trouve dans les conditions nécessaires pour pouvoir être concédé. Messieurs, j'aurai le même motif pour demander non pas grâce, mais justice pour deux chemins de fer sur lesquels la section centrale a fait un rapport et un rapport favorable. Ces chemins de fer sont ceux de Jemeppe à Diest et d Jemeppe à Flenrus ou Ligny. Je désire prouver, s'il y avait doute à cet égard, que la question préalable ne peut pas être appliquée à ces chemins de fer.

M. Coomans. - Je voudrais engager mon honorable ami le débuté de Neufchâteau a accepter la division.

M. le président. - Elle est de droit lorsqu'elle est demandée.

M. Coomans. - Je crois que nous parviendrions facilement à nous mettre d'accord. En effet, messieurs, il y a deux projets qni méritent la préférence sur d'autres, ou moins sous le rapport de l'instruction préalable qu'ils ont subie ; c'est ce que je me propose de développer si la chambre ne prononce pas la clôture.

- La discussion est close.

M. le président. - La division étant demandée, je mettrai aux voix la question préalable, amendement par amendement.

- La question préalable est mise aux voix sur l'amendement de MM. Landeloos et autres membres ; elle n'est pas adoptése

La question préalable sur l'amendement présenté par MM. de Perceval, Rogier, Loos, etc., est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

La question préalable.sur l'amendement présenté par M. Dumortier est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - La chambre reprend la discussion générale. La parole est à M. Osy.

M. Osy. - Messieurs, la chambre vient de faire sagement en écartant les amendements relatifs à des chemins de fer qui ne sont pas étudiés, pour lesquels il n'y a pas de concessionnaires et qui peuvent nuire aux recettes du chemin de fer de l'Etat.

Tel n'est pas le caractère du chemin de fer de Malines à Schelle sur l'Escaut. Aussi, j'avais proposé, dans la première section, de reprendre le projet de 1847 ; je suis charmé que M. le ministre des travaux publics se soit rallié à la proposition de M. de Perceval, proposition que j'avais faite moi-même en section et qui avait obtenu l'appui de la section centrale.

En ce qui concerne les chemins de fer de Fleurus à Landen et de Groenendael à Nivelles, je remarque avec satisfaction que le gouvernement a exigé le cautionnement préalable, avant de soumettre les projets de loi à la chambre ; comme je crois que ces chemins de fer sont très utiles, je donnerai mon approbation au projet du gouvernement.

M. Dumortier. - Messieurs, je dois dire quelques mots au sujet du projet de loi qui est en discussion, et à ce propos j'ai quelques considérations générales à faire valoir.

Lorsque j'entends le gouvernement dire que les chemins de fer proposés en ce moment ne sont que des affluents au chemin de fer de l'Etat et ne doivent nuire en rien à cette grande entreprise, qu'au contraire ils sont destinés à augmenter les produits du railway national, la première chose que je fais, c'est de prendre et d'examiner la carte ; car je n'ai pas une foi absolue dans les paroles ministérielles ; et si vous aviez pensé de même, vous n'auriez pas été dernièrement induits en erreur par M. le ministre des travaux publics quand il vous a dit, par exemple, que, de Bruxelles à Ath, par le chemin de fer de Dendre-et-Waes, et avec le tracé qui vous était soumis, il n'y avait qu'une différence d'une lieue, comparativement au même trajet par la ligne de Hal, tandis qu'il y a une différence de plus de trois lieues.

Je prends donc la carte et je suis frappé d'un fait : c'est que, depuis quelque temps, et surtout par le projet de loi en discussion que le ministre représente comme si avantageux au trésor, nous sommes occupés à enlever à l'Etat toutes les lignes internationales au moyen de petites concessions qu'on accorde pièce à pièce et dont nous ne saisissons pas la portée, tandis que les ingénieurs civils qui mus par l'attrait du bénéfice, étudient ces questions d'une manière infiniment plus approfondie, plus sage et plus juste que le corps des ponts et chaussées, finissent par créer de toutes parts une série de chemins de fer qui feront de notre railway national un simple petit chemin de fer d'une localité à l'autre en nons enlevant tous les transports internationaux.

Ainsi, par exemple, nous avons créé un chemin de Bruxelles à Namur qui nous a coûté des sommes énormes ; eh bien, ce chemin de fer n'existera plus pour mémoire, le jour où la voie directe de Bruxelles à Namur sera construite ; celle partie de notre chemin de fer deviendra alors complètement inutile.

Il en sera de même de la direction sur Gand par Malines ; cette direction disparaîtra au moyen du chemin de fer direct qui a été concédé à la compagnie de Dendre-et-Waes ; et vous savez à quelles conditions dures et ruineuses pour l'Etat cette concession a été accordée.

Voilà pour le passé. Voyons maintenant les faits récents.

Lorsque nous avons adopté le chemin de fer du grand Luxembourg, le cahier des charges, annexé à la loi, portait que ce chemin de fer devait passer par Wavre. Vous vous rappellerez encore à quelles vives discussions la pétition de la ville de Wavre a donné lieu dans cette enceinte, lorsque le gouvernement et la société ont annoncé l'intention de s'écarter des clauses du cahier des charges, ainsi que du tracé adopté par le pouvoir législatif. Cette intention a été, en effet, réalisée : au lieu de faire passer le chemin de fer par Wavre, on l'a fait passer par Ottignies.

Or, savez-vous quelle est la véritable pensée de cette modification qui a ému si profondément et à bon droit la ville de Wavre ? C'est que le nouveau tracé accordé par le gouvernement, en violation de la loi, et malgré une requête de la ville de Wavre qui avait été renvoyée au ministre avec ordre d'exécuter la loi ; c'est que ce nouveau tracé amène ce résultat fatal qu'on ira plus rapidement de Bruxelles à Liège par les chemins de fer concédés de Namur que par le chemin de fer de l'Etat, en suivant la ligne de l'Est. (Interruption de M. le ministre des travaux publics.)

Il ne s'agit pas d'Erquelinnes ; il s'agit de l'acte par lequel vous vous êtes mis au-dessus de la loi, en décrétant que le chemin de fer passerait non plus par Wavre, mais par Ottignies, contrairement au vote exprès de la législature.

Quand le chemin passait par Wavre il était plus long d'une lieue et demie ; vous avez, contrairement à la loi, contrairement au vote de la chambre au sujet de la pétition de Wavre, modifié le tracé de manière qu'on ira plus vite de Bruxelles à Liège par Namur que par le railway de l'Etat. De Bruxelles à Liège par le chemin de fer de l'Etat, il y a 114 kilomètres, par le tracé de la société il y a de Bruxelles à Namur 54 kilomètres et de Namur à Liège 61 kilomètres, en tout 115 ; un de plus que par le chemin de fer de l'Etat. Mais comme oa n'a pas de rampes énormes à monter et de plans inclinés à descendre, bien qu'il y ait un kilomètre de plus, on ira plus vite par Namur que par le chemin de l'Etat.

On me dit : Vous l'avez voté ; si cela est, c'est un tort que j'ai eu de croire à la parole des ministres ; cela prouve combien la chambre aurait dû tenir au droit d'enquête, d'investigation et que nous ne devons pas nous en rapporter à ce que disent les ministres en fait de chemin de fer. Au surplus ne déplaçons pas la question et voyons les suites de la violation de la loi. En effet, si la loi avait été exécutée comme elle avait été votée, le préjudice futur dont je me plains n'arriverait pas ; ce fait prouve combien est léger l'examen qui se fait au département des travaux publics. Si le gouvernement était venu dire ce que je dévoile en ce moment, pas un seul de nous n'aurait voter ce projet de loi destiné à enlever à l'Etat les transports de Bruxelles à Liège.

Maintenant examinons le projet en discussion. On propose quatre chemins de fer à travers le district de Nivelles. Il y e peu de jours on a dépossédé le Hainaut et le district de Bruxelles a son profit ; aujourd'hui on propose quatre chemins nouveaux ; quelle sera la portée de ces chemins ? D'enlever au railway national la route directe sur Paris. En effet vous avez concédé depuis longtemps à travers le district de Nivelles le chemin de Bruxelles à Namur, et celui de Louvain à Charleroi et enfin de Wavre sur Manage. Voilà trois chemins concédés passant par le district de Nivelles.

Je ne parle pas de celui présenté il y a quelques jours. Nivelles a grand appétit, il fallait encore qu'il prît ceux de l'arrondissement de Bruxelles et du Hainaut.

Maintenant, que demande-t-on ? Un chemin de Groenendael à Nivelles. Vous savez où est Groenendael, c'est un peu plus loin que Boitsfort. En continuant de Nivelles à Charleroi et de Charleroi à Erquelinnes, on a 12 lieues de moins à parcourir pour aller de Bruxelles à Paris qu'en passant par le chemin, de fer de l'Etat, Douai et Amiens. Voila comment (page 1614) notre ligne internationale de Paris à Bruxelles va être délaissée peur une ligne concédée à des particuliers. C'est donc l'abandon des intérêts de l'Etat qu'on vous propose. Ce n'est pas tout, le chemin de l'Etat sur Charleroi va être à son tour abandonné, vous n'aurez plus qu'à en enlever les rails et rendre le terrain à la culture.

De Bruxelles à Charleroi par Braine-le-Comte, il y a 75 kilomètres ; par Ottignies, il n'y en a que 64 ; différence 11 kilomètres de moins ; de manière que les transports de Charleroi sur Bruxelles vous échappent. Voilà, messieurs, ces lignes qu'on vous déclare des affluents au profit du chemin de fer de l'Etat ; voilà comment ces tracés sont si admirablement étudiés au département des travaux publics. Tout cela s'est fait sans vues d'ensemble et sections par sections sur la proposition du grand arbitre des chemins de fer, M. le ministre des travaux publics. A une section, on en ajoute une autre, et on finit par avoir voté une grande ligne directe qui nous enlèvera les transports internationaux et amènera la ruine du chemin de l'Etat.

Encore une fois, voilà ces travaux si parfaitement étudiés et qui doivent améliorer nos recettes.

Mais si l'un de nous a l'audace de proposer une ligne directe au profit de l'Etat et qui doit réparer les désastres causés à nos recettes, le ministre la repousse, il déclare qu'il n'y a pas même lieu de l'examiner.

Messieurs, je demande qu'on examine avec maturité le tracé qui nous est proposé et qu'on l'ajourne afin de s'assurer qu'il ne se substitue pas à notre ligne directe internationale, que l'Etat a le plus graud intérêt de conserver.

Ce n'est pas tout ; un antre chemin vous est encore demandé. C'est celui de Hasselt vers Maestricht.

Vous savez bien que vous avez voté une dépense énorme pour un chemin international de Bruxelles à la frontière prussienne ; la section de Liège à Verviers a coûté 32 millions ; nous avons intérêt à ce que cette ligne continue à produire quelque chose, nous ne pouvons pas contribuer à la rendre infructueuse ; ce serait manquer à notre mandat, à notre devoir que d'aliéner les produits d'une ligne qui a coûté des sommes énormes non encore amorties, dont nous payons les intérêts.

On nous propose, disais-je, une ligne de Hasselt à Maestricht ; vous savez que de Maestricht à Aix-la-Chapelle il y a une ligne plus rapide que celle de Liège à Aix-la-Chapelle ; comme ces chemins sont sans plan incliné, sens difficulté, vous aurez là une concurrence redoutable.

On propose ensuite un chemin de Louvain à Ilercnthals ; vous l'avez admis, il ne s'agira que de faire un chemin d'Aerschot par Diest vers Hasselt peur enlever au chemin de la Vesdre toute circulation et la donner à la concession. On propose un chemin de Louvain à Herenthals, par Aerschot, il suffira de faire un embranchement d'Aerschot sur Hasselt pour avoir enlevé au railway national toute la circulation entre Anvers, Aix-la Chapelle et Cologne. Tout cela montre la réserve qu'on doit apporter quund on propose des concessions de chemin de fer, puisqu'elles peuvent aboutir à ruiner notre chemin national.

Ce que la Belgique doit conserver avant tout, ce sont les lignes internationales, parce que ce sont les lignes politiques. Ce que la Belgique peut abandonner jusqu'à un certain point, ce sont les lignes de l'intérieur.

Mais quand vous aurez abandonné les têtes de pont, quand vous aurez concédé des chemins de fer formant des lignes internationales plus courtes que le railway de l'Etat, les chemins de fer concédés n'étant pas soumis à la même surveillance que le chemin de fer de l'Etat, n'exposerez-vous pas notre indépendance et notre nationalité à je ne sais quelle catastrophe, en permettant à l'ennemi de pénétrer jusqu'au cœur de notre territoire ?

Je dis qu'il y a là un extrême danger.

J'aurais voulu qu'on remît le tableeu de toutes les demandes de concession, afin que nous peissons voir cù nous mènent toutes ces demandés dont nous ne saisissons pas l'ensemble et que le conseil des ponts et chaussées ne voit même pas, alors que les demandeurs en concession, alléchés par l'appât du bénéfice, qui est leur seul but, voient plus clair que nous dans cet ensemble, où nous épuisons vainement toute notre intelligence, puisqu'il ne nous est pas connu ; car il y a d'autres demandes de concessions que celles dont il est question ici.

J'en citerai une autre qu'on appelle la Grande Jonction et qui fait encore partie de ce projet de loi que M. le ministre dit si avantageux au trésor en ne créant que des affluents. Quel en serait le résultat ? On nous propose un chemin de fer de Fleurus à Landen. De Landen à Hasselt il y a un chemin de fer. On projette en outre un chemin de fer de Landen à Maeseyck qui se relierait à Dusseldorf. Quel en serait le résultat ? Que vous auriez créé, au grand détriment de l'Etat, la ligne directe entre l'Allemagne septentrionale et la France, et que, pour les relations internationales, vous auriez encore ici perdu toute espèce de contrôle sur les hommes et les choses.

Ce qui se rattache aux lignes internationales ne doit pas faire l'objet de concessions particulières, il doit rester à l'Etat ; et je viens de vous montrer que tous les transports internationaux vont nous échapper pour être accordés à des sociétés particulières, sans, paraît-il, que le ministre le soupçonne.

Est-ce ainsi que le gouvernement devrait agir ? N'est-ce pas l'abdication la plus complète des droits du pays ? On repousse l'enquête préalable, et l’on dit que la chambre la fait. On sait bien que la chambre ne la fait pas et que nos habitudes ne nous permettent pas de nous livrer isolément à une enquête.

On nous prive ainsi de toute garantie, et l'on constitue le ministre des travaux publics le grand concessionnaire, l'arbitre suprême de toutes les concessions de chemins de fer.

Aussi voyez les conséquences funestes du système que nous suivons. Les lignes maintenant en discussion, admises par le conseil des ponts et chaussées et que le ministre vient à trois reprises différentes de déclarer comme constituant des affluents au railway national, sont en réalité destinées à enlever à cette grande entreprise tous les transports internationaux de Paris vers la capitale et vers l'Allemagne, en réduisant le chemin de fer de l'Etat à n'être plus qu'un réseau secondaire et d'un minime produit, incapable de faire face à ses dépenses.

Voilà où l'on arrive en substituant à l'enquête, à un travail d'ensemble, l'examen aveugle du conseil des ponts et chaussées.

Ce système est essentiellement vicieux, car il aura pour résultat de mettre l'intérêt privé, qui est toujours extrêmement intelligent, en possession des lignes internationales, ce qui réduira à néant le produit de« notre chemin de fer, et nous obligera à suppléer au déficit au moyen d'emprunts, ou de nouveaux impôts.

Je dis donc que le chemin de fer de Fleurus à Landen et celui de Landen à Maeseyck tendent à enlever tous les voyageurs de Paris vers l'Allemagne septentrionale, que le chemin de fer de Nivelles à Groenendael tend à enlever au chemin de fer international tous les voyageurs venant de Charleroi, et constituera la ligne la plus directe entre la France et Bruxelles. Je dis que ces chemins de fer sont de nature à porter le plus grave préjudice aux intérêts du trésor public et de notre chemin de fer, que par conséquent ils ne sont pas de la catégorie de ceux qu'on doit concéder. Je crois donc qu'il serait sage d'ajourner cette discussion, puisque ces chemins enlèveraient au réseau de l'Etat les relations internationales qu'il importe avant tout de lui conserver.

M. le président. - M. Sinave propose d'autoriser le gouvernement à concéder le chemin de fer de Bruges à Blankenberghe.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.