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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 6 février 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 603) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Les membres de l'administration communale de Mazée demandent la création d'un tribunal de première instance à Philippeville. »

« Même demande des membres de l'administration communale de Treignes. »

« Même demande du conseil communal de Petite-Chapelle. »

« Même demande du conseil communal de Dourbes. »

« Même demande du conseil communal et d'électeurs de Gourdinne. »

« Même demande de l'administration communale de Walcourt. »

« Même demande de l'administration communale de Hanzinelle. »

« Même demande de l'administration communale de Vierves. »

« Même demande du conseil communal de Boussut en-Fagne. »

« Même demande du conseil communal de Farcienne. »

« Même demande du conseil communal de Hanzinne. »

« Même demande du conseil communal de Mariembourg. »

« Même demande du conseil communal et d'électeurs à Cul-des-Sarts. »

« Même demande du conseil communal de Nismes. »

« Même demande du conseil communal de Thy-le-Bauduin. »

« Même demande des membres du conseil communal et d'électeurs à Clermont. »

« Même demande du conseil communal de Rognée. »

« Même demande de l'administration communale et d'habitants de Somzée. »

« Même demande de l'administration communale de Vaucelle. »

« Même demande de l'administration communale de Niverlée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. de Baillet-Latour. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur de Winter, ancien combattant de septembre, brigadier des douanes à Kleybeekstraet, demande une récompense honorifique ou une indemnité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Herderen demande que les houilles, les fontes et les fers soient soumis à un simple droit fiscal qui n'excède pas 10 p. c. de la valeur. »

« Même demande du conseil communal de Genoels-Elderon. »

« Même demande du conseil communal de Roclenge-Looz. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.


« Le sieur Galellier présente des observations concernant le projet de loi sur l'enseignement agricole. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Des instituteurs dans le canton d'Oostroosebeke demandent que l'usage de la langue flamande soit obligatoire dans la correspondance administrative, dans les cours et tribunaux et dans l'enseignement agricole des provinces flamandes. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Neerpelt déclare adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »

« Même déclaration d'habitants de Perck. »

« Même déclaration des membres de l'administration communale de Schrick. »

« Même déclaration d'habitants de Ramscappelle. »

« Même déclaration des sieurs Brauwers et Hoenen, membres de la société dite Korenbloem à Tirlemont. »

- Même renvoi.


« L'administration communale et des habitants de Bocholt demandent que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole et dans le projet de loi qui doit être présenté sur l'organisation des cours d'assises. »

« Même demande de l'administration communale de Schoore. »

« Même de l'administration communale de Saint-Georges. »

« Même demande du conseil communal d'Aerseele. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Roulers demande que la langue flamande soit obligatoire dans les cours d'assises et dans l’enseignement agricole des provinces flamandes. »

« Même demande des sieurs Brauwer, de Smedt et autres membres de la société littéraire dite de Vriendschap, à Roulers. »

« Même demande des sieurs Havrie, Monque et autres membres de l'administration de cette société. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux de Sottegem prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand avec embranchement sur Grammont. »

« Même demande des bourgmestre, échevins et conseillers communaux d'Erwelegen. »

« Même demande des membres de l'administration communale d'Audenhove-Saint-Géry. »

« Même demande des membres de l'administration communale de Bottelaere. »

« Même demande des membres du conseil communal de Munte. »

« Même demande d'habitants de Bottelaere. »

« Même demande des membres du conseil communal de Lemberge. »

- Renvoi à la commission des pélilions.


« Le sieur Waeghemans, ancien militaire, demande une indemnité ou une gratification. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur François-Hubert-Adam Kayser, instituteur communal à Journal, né à Stradbredimus (grand-duché dé Luxembourg), demande la naturalisation avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Boulot prie la Chambre de rejeter ou d'ajourner le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale, jusqu'à ce que l'octroi soit remplacé par un impôt de capitation et que les lois sur la contribution personnelle et sur les patentes aient été revisées. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal d'Onhaye demande la révision de la loi sur les dépôts de mendicité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le ministre de la justice adresse à la Chambre les pièces de l’instruction relative à la demande en naturalisation ordinaire du sieur Lorent (Scipion). »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Rapport sur une pétition

M. Vander Donckt, rapporteur - Messieurs, par requête datée de Bruxelles, le 31 décembre 1853, le sieur Raeymackers réclame l’intervention de la Chambre pour obtenir l'autorisation de se présenter devant le prochain jury combiné d'examen, ou une dispense qui lui permette d'être admis au service médical de l'armée en qualité de pharmacien de troisième classe.

Il ne sera pas sans intérêt de vous faire remarquer que l'article 6 de la loi du 10 mars 1847 exige des pharmaciens qui veulent entrer dans l’armée, un diplôme obtenu avec distinction.

La loi du 15 juillet 1849 sur les jurys porte :

« Les grades sont conférés et les diplômes délivrés sur l'avis conforme du jury. Les décisions du jury une fois prononcées et constatées par le diplôme sont sans appel. »

Or, il résulte des termes de la pétition que l'impétrant s'est présenté devant le jury d'examen et a été reçu d'une manière satisfaisante et que, partant, il ne se trouve pas dans les conditions voulues pour être reçu pharmacien dans l'année, la loi s'étant réservé de choisir les pharmaciens de l'armée parmi ceux qui auraient obtenu leur diplôme avec distinction.

Le sieur Raeymaekers et d'autres pharmaciens civils se sont adressés par pétition au département de l'intérieur aux mêmes fins, cette affaire a fait l'objet d'un examen sérieux et approfondi. M. le ministre s'est adressé à son collègue de la justice et a pris l'avis de la commission des présidents des jurys d'examen universitaire où siégeaient des magistrats de l'ordre le plus élevé. Ces autorités ont été d'un avis unanime que la demande des pétitionnaires ne pouvait être prise en considération.

Par les motifs qu'il est contraire en principe à l'essence du diplôme de pouvoir être reproduit ou redemandé, une fois concédé, ce diplôme confère un titre absolu, dont les distinctions créées dans un but d'émulation ne modifient pas la nature et qui ne peut pas être effacé par un nouvel examen subi dans le bul d'obtenir un diplôme semblable avec une mention plus honorable. Il ne peut pas dépendre du diplômé de faire considérer son diplôme comme non-avenu ; ce diplôme est un acte authentique résultant d'une sorte de juridiction conférée par la loi au corps qui l'a délivré, et cet acte ne peut pas être arbitrairement effacé.

Le système opposé mènerait fatalement à cette conséquence absurde que le jury, qui doit pouvoir examiner les récipendiaires à toutes fins, devrait pouvoir par voie de conséquence les ajourner ou les rejeter tandis qu'il ne saurait jamais révoquer le premier diplôme ; en d'autres termes que tel pharmacien porteur d'un diplôme pourrait à la nouvelle (page 604) épreuve être ajourné ou refusé par le jury et voir s'évanouir entre ses mains un document dont il aurait déjà pu faire emploi, et quelle est l'autorité qui aura qualité pour demander, recevoir ou annuler l’un des deux diplômes ? Mue par les considérations qui précèdent, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projets de loi portant les budgets des dotations, de la dette publique et des ministères de la guerre et des affaires étrangères de l’exercice 1855

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le budget du département de la guerre pour 1855, le budget des affaires étrangères pour le même exercice ainsi que le budget des dotations et le budget de la dette publique.

Les autres budgets suivront d'ici à peu de jours.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation des projets de budgets qu'il vient de déposer.

Ces projets et les motifs qui les accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1854

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Voirie vicinale

Article 57

M. le président. - La discussion continue sur l'article 57 et les amendements qui s'y rattachent.

M. Coomans. - J'aurais désiré entendre l'opinion définitive du gouvernement sur l'amendement que nous avons signé, je voudrais savoir si décidément le gouvernement refuse de se rallier à notre proposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le gouvernement refuse.

M. Coomans. - Je le regrette infiniment, il me semble que nous ne pouvons pas faire des deniers publics appliqués à l'agriculture un meilleur usage que celui qui est demandé par les signataires de l'amendement. Notre voirie vicinale, pour être totalement empierrée avec le concours des provinces et des communes, exigerait encore une somme qu'on peut évaluer approximativement à 25 ou 26 millions de francs.

Certes nous ne demandons pas que l'Etat fasse immédiatement un pareil sacrifice ; ce serait peut-être impossible ; bien qu'on pût examiner si, au point de vue financier même, l'intérêt de l'Etat ne demanderait pas l'exécution prompte de ce travail. En effet, au point de vue financier il n'y a pas de doute que si toute la voirie vicinale était empierrée, comme le sont déjà plusieurs centaines de lieues, il n'en résultât un bénéfice notable, non seulement pour les cultivateurs et pour les consommateurs des villes, mais encore pour le fisc.

Les propriétés rurales augmenteraient de valeur dans une proportion considérable, et l'impôt suivrait ; car il y a beaucoup de terres dont la culture est aujourd'hui difficile ou même abandonnée, qui produiraient de beaux revenus. Toutefois, nous ne demandons pas des millions, nous demandons 200,000 francs de plus au budget de l'intérieur.

Comme l'a fait observer samedi l'honorable M. Vandenpeereboom, 200,000 francs se trouvent aisément quand on y met de la bonne volonté, et pour des objets bien moins importants que la voirie vicinale.

Je ne comprends pas, quand on insiste avec tant de force au nom des intérêts agricoles pour le maintien d'un haras officiel (institution dont les résultats agricoles sont extrêmement douteux, pour me servir d'une expression modérée), qu'on puisse repousser une allocation nonvelle de 200 mille fr., pour la voirie vicinale.

Remarquez que ces 200 mille fr. ne sont pas destinés à empierrer des routes nouvelles où l'on n'a pas encore mis la main à l'œuvre.

Du tout, messieurs, ils sont destinés à achever ou même à continuer simplement des travaux déjà entrepris. Ce n'est pas moi qui vous le dis, messieurs, c'est l'honorable M. Piercot lui-même qui, l'an dernier, affirmait, d'après des pièces officielles, qu'il fallait aujourd'hui un million de francs, non pas pour entreprendre des travaux nouveaux, mais pour exécuter des travaux déjà entrepris. Je constate le signe d'assentiment que me fait l'honorable ministre.

Nous avons une foule de routes vicinales, où nous avons déjà jeté beaucoup d'argent qui reste improductif au point de vue des barrières et au point de vue de l'agriculture, parce qu'elles sont inachevées. J'en parle en connaissance de cause. Dans l'arrondissement de Turnhout, par exemple, une grande route vicinale, décrétée depuis deux ou trois ans, reste inachevée. Il y a deux tronçons qui aspirent à se relier.

Eh bien, messieurs, si nous venons demander quelques milliers de francs de plus, ce n'est pas, je le répète, pour obtenir des travaux nouveaux, quelque utiles qu'ils soient en ce moment ; c'est pour mettre le gouvernement à même d'exécuter ceux qu'il a entrepris et qu'il lui importe d'achever, au point de vue de sa dignité comme au point de vue de l'intérêt public.

Je demande à l'honorable ministre si les travaux qui sont en souffrance aujourd'hui pourraient être, je ne dis pas achevés, mais continuées avec les 500,000 fr. qui figurent au budget ? S'ils ne peuvent pas être continués, ne faut-il pas, messieurs, fournir au gouvernement le moyen de remplir ses engagements envers des localités pauvres qui espéraient depuis nombre d'années être dotées à leur tour de routes viables ?

On nous oppose le mauvais état de nos finances. On a déjà répondu à cette objection. Mais si elle avait quelque valeur, j'en ferais une autre qui a cent foi plus de valeur ; je veux parler de la triste situation de nos populations rurales. C'est précisément parce que nous sommes en état de crise que vous devez donner des développements à vos constructions de roules vicinales ; tout l'argent consacré aux routes vicinales est distribué en main-d'œuvre au profit des populations qui en ont le plus besoin.

Ce n'est donc pas dans la crise que l'on peut trouver une objection sérieuse à notre demande ; au contraire ; je dis que la crise vient nous appuyer.

Je concevrais, messieurs, qu'on la repoussât, si l'on se montrait bien sévère sur d'autres articles du budget, si l'on se montrait bien avare des deniers des contribuables, mais il n'en est pas ainsi ; loin de là ; il y a dans le budget de l'intérieur une foule d'articles que nous pourrions supprimer sans que personne s'en plaignît, taudis que cet article-ci, insuffisant de l'aveu de tout le monde, de l'aveu de la Chambre entière, de l'aveu du gouvernement, peut être, sans dommage, pour le trésor, majoré de 200,000 fr.

Messieurs, à propos de la voirie vicinale, je prendrai la liberté de demander un renseignement à M. le ministre de l'intérieur.

De grands projets d'amélioration de voirie vicinale étaient préparés dans les environs de la ville de Bruxelles. Depuis qu'il s'agit d'incorporer les faubourgs à la ville, on a ajourné, peut-être abandonné ces projets. Je demande à l'honorable ministre de l’intérieur de prendre à cet égard une décision prompte. Si le projet d'incorporation des faubourgs n'est pas décidé dans un sens ou dans un autre d'ici à très peu de temps, il en résultera de très grands dommages pour tout le monde. Je prie le gouvernement de porter toute son attention sur ce point et de résoudre le problème, me réservant d'ailleurs d'appuyer ou de combattre librement les vues qu'il formulera.

M. de Mérode. - L'honorable M. Vaudenpeereboom a parfaitement démontré que dans les dépenses publiques l'agriculture n'avait obtenu qu'une bien faible part. Il en est de même à l'égard de la protection douanière largement concédée aux industries manufacturières, métallurgique ou d'extraction de combustible minéral, protection que je suis loin de blâmer, et que je ne critique qu'au seul point de vue de justice distributive déniée à l'exploitation agricole Lorsqu'on nous arrachait des millions pour des créations moins pressantes, moins utiles que les travaux modestes et de répartition plus juste applicables à la voirie vicinale, je ne manquai point de faire valoir tous les motifs qui militaient pour la préférence que méritaient ces dernières ; mais le vent soufflait en faveur du grandiose, et le moins pressant très coûteux l'emporta sur le nécessaire à bon marché.

Maintenant que les ressources de l'Etat sont absorbées par les combinaisons les plus hautes et non pas certes les mieux entendues, M. Vandenpeereboom vous assure que le tréor public ne doit pas être traité avec plus de ménagement à l'égard des unes que des autres.

Et, selon lui, le vide créé dans les finances, puisqu'il est large, peut être élargi sans qu'on s'en inquiète.

Je voudrais pour mon compte procéder autrement, et je ne refuserais pas les 200,000 francs en plus, réclamés pour chemins vicinaux, si l'on voulait accroître les recettes en proportion de cette somme ; quand on produit ici de semblables demandes, M. le ministre des finances devrait en profiter immédiatement pour adresser aussi les siennes en faveur de sa caisse qui ne possède point la qualité d'inépuisable.

Mais vous savez avec quelle facilité on rejette sur l'avenir le payement d'une foule de choses, même dans les années les plus heureuses, comme si les périodes futures devaient être certainement capables de porter leur propre fardeau et celui du passé.

Pour ma part, au contraire, je suis convaincu que l'imprévoyance est un des plus dangereux générateurs de la misère.

Nous avons entassé depuis quelques années emprunts sur emprunts. Nous avons ainsi poussé d'une manière factice l'accroissement de la population au-delà des proportions de nos moyens de subsistance ; et, de la sorte, le paupérisme, bien loin de diminuer, ne fait que grandir. Les plaintes de l'honorable M. Rodenbach et bien d'autres le prouvent suffisamment. Quand vous aurez tiré sur le trésor public une nouvelle lettre de change de 200,000 francs, sans y mettre les 200,000 francs, vous aurez accru la pauvreté pour le futur contingent. Et dans ce système, on recule le saut pour sauter de plus haut un peu plus tard, et voilà tout.

La défense du pays exigeait plusieurs millions ; lorsqu'on vota sous le nom de dérivation la canalisation de la Meuse et autres excentricités de travaux publics qu'il était raisonnable d'ajourner, on refusa de montrer alors le chiffre des frais indispensables au service militaire, on écarta sans façon l'examen qui leur était dû, pour enlever à la fin d'une session, en quelques heures, les magnificences de créations transcendantes et multiples. Les besoins défensifs du pays sont ils moindres ? Est-il plus aisé d'y pourvoir depuis qu'où s'est ainsi volontairement fermé les yeux sur leur compte ? On peut assurément répondre non ! C'est pourquoi je ne saurais donner qu'un assentiment conditionnel à la proposition de MM. Vandenpeereboom, Rodenbach et autres représentants ; et ma condition, c'est une ressource équivalente, préalablement assurée pour le payement de ce que coûterait l'adoption de leur demande.

J'ajoute un mot sur un besoin qui se manifeste de plus en plus en Belgique avec une croissante évidence, c'est le besoin de l'émigration ; les journées sont à 75 centimes pour les travaux de terrassements, et bien des ouvriers ne trouvent pas même les moyens de les gagner. On a recours aux soupes économiques, à toutes les inventions possibles pour sustenter ceux qui manquent d'aliments. N'est ce pas là une situation bien affligeante et qui est devenue permanente dans un grand nombre (page 605) de communes ? Cependant des contrées vastes et fertiles existent au monde attendant encore des cultivateurs, des habitants ; et les Belges semblent résolus à se concentrer éternellement sur leur sol restreint et surchargé de bras qui manquent d'un travail suffisamment rémunérateur. La mer baigne pourtant nos rivages et lorsque d'immenses vaisseaux se construisent en Angleterre pour porter au loin l'excédant des populations qu'elle ne pourrait nourrir, chez nous le sommeil de nonchalance casanière reste profond, et je ne vois remplacer une ressource capitale et durable que par de bien faibles et transitoires palliatifs.

M. Vander Donckt. - Je regrette profondément la marche du gouvernement dans cette circonstance à propos de l'allocation sur la voirie vicinale. Vous me permettrez encore de donner lecture d'un passage du discours qu'a prononcé l'honorable ministre de l'intérieur dans votre session dernière.

« Le crédit de 492,000 fr. est depuis quelque temps reconnu insuffisant pour encourager les travaux jugés même les plus urgents. Tous les rapports venus des provinces s'accordent sur ce point, et il est devenu impossible de pourvoir aux nécessités les mieux constatées. »

Ensuite, après plusieurs autres considérations, faisant allusion à des localités où ces besoins se faisaient sentir plus particulièrement, l'honorable ministre dit :

« Messieurs, j'ai cru devoir vous présenter ces considérations pour que vous examiniez s'il ne serait pas utile de donner au gouvernement quelques moyens nouveaux de venir en aide à la voirie vicinale. »

Messieurs, qu’est-il résulté de cette proposition dans la session dernière ? L'amendement a été renvoyé à la section centrale. Celle-ci a faitson rapport. Ce rapport tendait-il au rejet ? Nullement. Mais sur les observations de l’honorable ministre des finances, votre section centrale vous a dit que pour le moment il était difficile d'augmenter l'allocation, qu'elle avait résolu de vous proposer d'ajourner l'examen de la question d'une augmentation de crédit en faveur de la voirie vicinale au budget de 1854, dont la présentation était prochaine.

Ainsi, messieurs, la section centrale de cette époque, bien loin de trouver non fondées les réclamations qui avaient été produites dans cette enceinte, partageait entièrement les convictions des honorables membres qui avaient demandé une augmentation d'allocation, d'autant plus qu'ils étaient parfaitement encouragés par les paroles de l'honorable ministre de l'iulérieur.

Aujourd'hui, que nous arrive-t-il ? Comme dans la session dernière, on vient nous opposer une fin de non-recevoir ; on vient nous dire qu'il n'y a pas d'argent, le trésor est à sec. Et quant à ce trésor, qui est toujours à sec, lorsque nous réclamons en faveur des campagnes, je dois vous rappeler ce qui s'est passé dans la session dernière. On avait ajourné la proposition relative à la voirie vicinale : pour ne pas dire qu'on n'en voulait pas, on n'avait pas de fonds ; le trésor était à sec ; et avant la fin de la session ou vous proposait (je ne blâme pas ces allocations, je les constate), un subside très considérable pour le monument du Congrès, et l'on trouvait des fonds. On vous demandait une allocation pour l'érection d'un monument à la Reine, et on trouvait des fonds.

On n'en avait pas du tout alors qu'ii s'agissait de l'allocation pour la voirie vicinale et on en a trouvé pour d'autres objets qui n'étaient pas, il faut bien l'avouer, d'une aussi grande urgence ni d'une aussi grande utilité que la voirie vicinale. Aujourd'hui que nous avons de nouveaux motifs bien plus impérieux pour vous demander encore cette augmentation, en quelque sotte promise par l'honorable ministre de l'intérieur dans la dernière session, on vient nous répéter que le trésor est à sec, que nous ne pouvons pas faire cette dépense dans les circonstances actuelles, que les finances de l'Etat ne le permettent pas, qu'il faut encore ajourner, etc.

L'honorable ministre de l'iulérieur a envoyé une circulaire dans les provinces pour les engager, ainsi que les communes et les particuliers, à faire de sacrifices pour la classe ouvrière, dont il signale la position précaire, résultant de la grande cherté des vivres ; eh bien, messieurs, cette circulaire sera stérile si elle n'est arrosée de bonne volonté de la part du gouvernement, si le gouvernement ne commence par donner l'exemple.

Les provinces nous diront : Notre trésor est à sec, nous ne pouvons rien faire ; les conseils communaux surtout dans les Flandres nous diront : Nous sommes écrasés par cette énorme contribution que nous payons annuellement aux dépôts de mendicité, aux hôpitaux et aux hospices, et nous nous trouvons dans l'impossibilité de faire de nouveaux sacrifices. Si, au contraire, le gouvernement accorde des subsides, les provinces, les communes et les particuliers feront des efforts même au-delà de leurs moyens pour venir au secours de la classe ouvrière.

Messieurs, lorsque les hommes valides qui, pendant la saison morte, se trouvent sans travail et sans ressources, lorsqu'ils viennent vous demander, les bras croisés : Donnez-nous le moyen d'utiliser nos forces ; nous ne demandons pas l'aumône, nous demandons du travail ; eh bien, c'est par une fin de non-recevoir qu'on voudrait les accueillir.

Je dis que vous ne pouvez pas les repousser, car, en définitive, il y a là de quoi perdre la popularité du gouvernement même. Ces hommes que vous repoussez dans la misère, que vous repoussez dans la mort, ne peuvent avoir ni respect ni amour pour un gouvernement qui les traite avec tant de dureté.

Messieurs, j'ose espérer que le gouvernement reviendra à de meilleurs sentiments, qu'il fera lui-même aussi un effort et qu'il reconnaîtra que si l'Etat fait annuellement des sacrifices énormes pour des travaux facultatifs, pour des dépenses de luxe et dont la plus grande partie ne profite qu'aux grandes villes, nous avons le droit aussi d'élever la voix en faveur des campagnards malheureux qui sont aujourd'hui dans l'impossibilité de pourvoir à leur subsistance jusqu'à la moisson prochaine. J'espère que le gouvernement se mettra d'accord avec nous pour proposer une augmentation du crédit de la voirie vicinale. Je n'insisterai pas davantage sur l'utilité de ce crédit qui a été suffisamment prouvée par les honorables préopinants.

Mais, messieurs, dans la crise actuelle, vouloir lésiner sur les moyens de donner, non l'aumône, mais du pain aux travailleurs pauvres, ce serait une triste économie et j'ose espérer que le gouvernement saura faire cette distinction glorieuse entre l'économie sociale qui a un cœur et l'économie sordide qui n'a que des calculs. J'ai dit.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, personne, je pense, ne révoquera en doute une sympathie pour les chemins vicinaux ; je me fais gloire d'être l'auteur de l'article qui est actuellement en discussion. C'est en 1840, que pour la première fois, et après une lutte très vive, j'obtins de la Chambre une somme de 100,000 fr. Ce crédit fut sucessivement augmenté, et aujourd'hui, à mon grand regret, je dois m'opposer à ce qu'on l'augmente davantage. Ce n'est pas que j'aie changé d'avis : je pense, comme j'ai toujours pensé, que le meilleur emploi qu'on puisse faire des deniers publics, dans l'intérêt de l'agriculture, c'est de remployer à l'amélioration de la voirie vicinale.

Mais, messieurs, il y a un terme à ces sacrifices ; et à l'heure qu'il est, l'adoption de l'augmentation de 200,000 fr. aurait pour double conséquence d'accroître l'embarras financier où nous nous trouvons et d'inaugurer un principe nouveau, diamétralement contraire à celui qui régit la matière depuis 1840. Je tâcherai de prouver la vérité de ces deux faits.

Quant à la situation financière, je n'ai pas besoin de la dérouler de nouveau devant vous. Le déficit était de 20 millions, d'après la situation du trésor au mois de septembre dernier ; eh bien, la session ne sera pas close sans que le déficit ne s'élève à 33 millions environ.

Je vous le demande, messieurs, dans la situation politique où se trouve l'Europe, dans l'incertitude de l'avenir, le ministre des finances n'a-t-il pas un devoir rigoureux à remplir en vous priant de ne pas augmenter le déficit déjà si considérable ?

Y a-t-il dans cette enceinte un membre qui puisse m'assurer qu'une crise financière ne viendra pas faire retirer de nos caisses, à mesure de leur échéance, tous les bons du trésor qui sont en circulation, et nous obliger ainsi à passer par un emprunt onéreux ? Eh bien dans une pareille situation, il y aurait danger à voter des dépenses qui n'ont pas le caractère d’une rigoureuse nécessité. (Interruption.)

Un honorable membre parle de ce qui a suivi les événements de 1848. La chance nous a été favorable, nous pouvons en bénir le ciel ; mais si elle avait tourné contre la Belgique, je ne sais ce qui serait advenu de nous.

Ce n'est pas parce que nous avons échappé à un péril que nous devons en faire naître un autre.

Qu'on ne vienne par dire : « L'emploi le plus productif qu'on puisse faire des deniers publias, ce sont les travaux publics. »

Car avant de songer à faire des bénéfices, il faut veiller à ce qu'on ne s'expose pas à faire banqueroute.

Maintenant, messieurs, veuillez faire attention à ce fait : à l'heure qu'il est les budgets des communes et des provinces sont arrêtés pour l'année 1854. Il n'est plus au pouvoir ni des gouverneurs ni des députations permanentes de rien modifier aux budgets des provinces ; il n'est plus au pouvoir des conseils communaux de faire inscrire dans leurs budgets de 1854 de nouveaux centimes additionnels, attendu qu'ils ne pourraient plus être mis en recouvrement. A l'heure où nous sommes, tous les budgets, tant des provinces que des communes, ont été arrêtés dans la prévision d'un subside égal à celui de l'année dernière.

Maintenant que demande-t-on par l'amendement ? Qu'on mette à la disposition du ministre de l'intérieur, pour être répartis entre les communes et les provinces, 200,000 fr. de plus.

Je dis que la conséquence inévitable d'un pareil amendement est de déclarer qu'à l'avenir, pour ces deux cent mille francs du moins, on n'exigera plus leur intervention, leur concours ; c'est un principe nouveau qu'on introduirait et que je considère connue désastreux.

Jusqu'ici les provinces ne suivent pas toutes la même règle. Dans le Brabant, par exemple, nous exigeons toujours que les communes et les particuliers fassent les deux tiers de la dépense ; dans d'autres plus heureuses, notamment dans le Luxembourg, on n'exige pas que les communes et les particuliers fournissent tout à fait les deux tiers de la dépense ; mais toujours esl-il qu'en règle générale, depuis 1840, on a toujours exigé que la plus grande partie de la dépense fût faite par les communes et les particuliers ; cette règle n'a éprouvé que de très rares exceptions. Aujourd'hui, on déclarerait que, pour les deux cent mille francs qui font l'objet de l'amendement, les dépenses seraient faites exclusivement par l'Etat, c'est-à-dire que le gouvernement ferait, sans l'intervention de la province, de la commune et des particuliers, le pavage communal ; c'est un système dangereux.

Savez-vous quelles seraient les conséquences, si les communes pouvaient espérer que le gouvernement est disposé à entrer dans uue pareille voie ? Elles ne s'imposeraient plus ni les corvées ni les sacrifices d'argent qu'elles s'imposent aujourd'hui : les particuliers eux-mêmes, (page 606) les riverains des chemins vicinaux, qui aujourd'hui s'imposent de très grands sacrifices, n'en feraient plus.

Pour améliorer la voirie vicinale, les communes et les particuliers sont très disposés à céder des terrains pour des redressements de routes, à fournir des corvées et à contribuer à la dépense dans une très large proportion ; quand les travaux se feront aux frais du trésor public, les particuliers dont les terrains seront nécessaires pour le redressement de la route exigeront la haute valeur, il n'y aura plus de voiturage, plus de corvées, plus de concours, en un mot, et ce qui est pis encore, le trésor n'aurait pas même la surveillance de l'emploi des fonds, ce serait la commune à qui on allouerait la somme qui l'emploierait sous sa surveillance, sous son inspection. Le bon entretien qui est presque aussi important que la construction, et qui seul peut perpétuer le pavage d'un chemin, cet entretien finirait par tomber sur le trésor public, car quel intérêt aurait la commune à veiller à l'entretien d'une route construite par l'Etat ? Elle dirait : Le trésor qui l'a faite a intérêt à l'entretenir ! Et elle la laisserait se dégrader comptant que l'Etat viendrait à son secours quand il s'agirait de la réparer.

Je le répète, ce serait un système désastreux dans lequel on entrerait. En deux mots donc, au moment où nous sommes arrivés, en février 1854, allouer pour la voirie vicinale 200 mille fr. de plus qu'on ne pouvait prévoir quand les budgets des communes ont été votés, quand les provinces ont alloué des subsides pour concourir avec l'Etat aux constructions de routes, c'est introduire un principe nouveau en matière de construction de chemins vicinaux. Ce motif seul serait suffisant pour que la Chambre n'adoptât pas l'augmentation de 200 mille fr. qui est proposée.

M. Deliége. - Je ne me lève pas pour répondre à la nouvelle sortie de l'honorable comte de Mérode contre les travaux qui se font à la Meuse. Grâce à votre vote, les travaux à la Meuse sont actifs en ce moment ; ils donnent de l'ouvrage à de nombreux ouvriers des campagnes qui en manqueraient ; ils sont exéeutés aux applaudissements des habitants pauvres de la province et surtout de la ville de Liège, qui, chaque année, voient leur maison envahie par les eaux ; ils s'effectueront aux applaudissements de nos pauvres bateliers, dont plusieurs ont perdu la vie au passage de nos ponts ; ils s'effectueront aux applaudissements du commerce qui devait mettre 5 ou 6 heures à faire un trajet d'une demi-lieue.

Je bornerai là mes observations en réponse à l'honorable comte de Mérode. La Chambre a voté à la presque unanimité les travaux à faire à la Meuse.

Je n'y reviendrai plus, je me renfermerai dans la question qui vous est soumise. Trois propositions sont faites : l'une, qui émane du gouvernement, consiste à affecter 500 mille fr. à la voirie vicinale ; une autre faite par l'honorable M. de Renesse qui propose d'augmenter de 100 mille francs le crédit demandé par le gouvernement, et la troisième, qui a été développée par M. Van Renynghe, consiste à augmenter de 200 mille fr. le chiffre du gouvernement.

Parmi les questions que soulève l'objet du débat, il y a des points qui sont incontestables : le premier, c'est l'utilité, la nécessité de l'intervention du gouvernement pour l'amélioration de notre voirie vicinale ; tout le monde est d'accord sur ce point, M. Pirmez, comme M. Julliot, l'a déclaré dans plusieurs circonstances.

Tout le monde reconnaît qu'il y a nécessité de la part du gouvernement d'intervenir.

Il y a un autre point tout aussi incontestable, c'est l'étendue des besoins ; cette étendue est constatée par les rapports des inspecteurs voyers ; elle est constatée par les rapports des commissaires d'arrondissement ; elle est constatée par les rapports des députations provinciales, des gouverneurs ; elle a été constatée par M. le ministre de l'intérieur lui-même, qui s'est écrié l'an dernier, lors de la discussion de son budget, que ce ne serait pas 500 mille francs qu'il faudrait, mais un million, si on voulait faire face à tous les besoins. Il est donc nécessaire d'augmenter l'allocation portée au budget.

Devant cette nécessité, il n'est pas possible que nous ne répondions pas aux réclamations qui se font jour dans les campagnes.

On nous dit : Il faut moraliser le peuple, et reporter le trop plein des villes sur les campagnes ; mais alors faites des chemins afin que dans les campagnes on puisse circuler ; on dit qu'il faut des écoles ; nous construisons de beaux bâtiments d'éeoles, et souvent il n'y a pas de chemins pour y aller ; nos ouvriers qui sont obligés d'aller à de grandes distances pour gagner leur vie, reviennent en hiver à leur logis dans un état déplorable.

Il faut aviser aux moyens de faire cesser une situation pareille. On a dit que l'étendue des besoins était une mauvaise base, qu'il faudrait trop d'argent pour suffire à tous les besoins ; mais nous ne demandons pas que l'Etat fasse tous les frais, nous demandons seulement qu'il donne de manière à engager les communes, les provinces et les particuliers à donner pour améliorer la voirie vicinale.

Je sais que M. le ministre vient de dire : Il est impossible, aujourd'hui que les budgets des communes sont votés, que les subsides des provinces sont votés, il est impossible, a-t-il dit, que les communes et les provinces donnent une somme double de celle que le gouvernement pourrait donner si l'amendement était adopté.

Je dis qu'il est parfaitement possible que les communes et les provinces donnent leur contingent ; il y a une infinité de communes qui ont voté des sommes sous condition de subsides. Donnez à ces communes sous condition qu'elles mettent la main à l'œuvre ; sous condition qu les provinces interviennent et ces communes et les provinces regarderont le subside que vous leur aurez accordé comme le plus grand des bienfaits.

Je reconnais que notre situation financière n'est pas bonne. Je sais M. le ministre des finances vous l'a dit, qu'il y a aujourd'hui un déficit de 33 millions dans le trésor. J'ajouterai à ce que M. le ministre des finances a dit qu'il faudra faire une dépense extraordinaire de 15 millions (car cela résulte d'un rapport qui nous a été distribué) pour mettre nos places fortes parfaitement en état.

Je sais aussi qu'il y a dans les caisses de l'Etat pour onze millions de billets qui sont comptés pour de la belle et bonne monnaie, contre laquelle on ne pourrait aujourd'hui les échanger.

Ainsi d'une part 33 millions, d'autre part 11 et 15, 26 millions. Total 59 millions. Soit à peu près 60 millions

Mais il faut prendre attention à l'état malheureux où se trouvent les ouvriers dans nos campagnes.

Dans l'intérêt de ces malheureux qui ne peuvent travailler, qui n'ont que peu de travail, par la raison que le battage du grain n'occupera pas longtemps nos ouvriers, je pense que l'on devrait admettre une augmentation de 100,000 fr. qui figurerait à la colonne des dépenses extraordinaires.

Ce sont les circonstances malheureuses où nous sommes, la cherté des vivres et de tous les objets nécessaires à la vie qui me portent à vous le demander. Je crois qu'après tant de dépenses que nous avons votées, il est impossible de refuser aux ouvriers des campagnes du travail pour une misérable somme de 100,000 fr. que les provinces et le commerce ne manqueront pas de porter à 300,000 francs.

M. de Steenhault. - J'avais demandé la parole pour soutenir les amendements qui ont été présentés. Mais, en présence des déclarations et des données de M. le ministre des finances, je recule devant la responsabilité qui doit en découler, d'autant plus que je ne suis pas disposé à voter de nouveaux impôts. J'ai voté contre l'augmentation de l'impôt foncier. Je compte voter également contre le nouvel impôt sur les distilleries. Pour être logique et conséquent, je ne puis pas voter de nouvelles charges.

Je saisis cette occasion pour dire un mot du rapport que nous a adressé M. le ministre de l'inférieur sur la répartition de l'allocation pour la voirie vicinale. Je ne voudrais pas que l'on pût considérer mon silence comme l'approbation tacite des idées qui y sont émises et du système qu'on y défend.

Je ne veux pas, au reste, amener aujourd'hui par mes observations une discussion sur ce point. Elle serait probablement assez longue, et je doute que le pays ait beaucoup à gagner à des discussions prolongées telles que celles dont le budget de l'intérieur est, cette année, l'occasion. Je ne pense pas qu'il ait à se féliciter de la compensation qu'il devrait trouver dans les économies qu'on y a introduites.

(page 629) M. de La Coste. - Dans différentes sessions on a fait des observations sur la manière dont est réparti le crédit destiné à la voirie vicinale. M. le ministre de l'intérieur nous a promis d'étudier cette question et nous voyons en effet par les pièces soumises à la Chambre, qu'il a recherché quel serait le meilleur mode de répartition. Mais le résultat de ses investigations a été qu'il n'y a rien de mieux à faire que ce qui a été pratiqué jusqu'ici.

Je conviens qu'il est difficile d'ôter aux provinces ce dont elles jouissent actuellement.

Chaque province a eu part égale dans le crédit alloué aux budgels précédents ; il serait difficile, je le répète, d'opérer sur la part de l'une ou de l'autre une réduction ; mais évidemment les efforts que l'on a tentés sont bien impuissants en présence de la tâche à remplir, et si le gouvernement, portant une attention plus spéciale sur cet objet, destine dorénavant une somme plus considérable aux chemins vicinaux ou si les Chambres augmentent le crédit, il me semble qu'il serait bien temps de s'arrêter dans la voie où l'on est entré, et de chercher un autre mode de réparlilion.

On propose un supplément d'allocation de 200,000 fr. Quelle sera la part de chaque province dans cette augmentation ? 22 mille fr. environ.

Supposez que, dans telle province, il y ait trois arrondissements (il y a des provinces où il y en a davantage), cela fera 7 mille fr. environ par arrondissement. Je vous demande ce que l'on peut faire de pareille somme dans un grand arrondissement, dans un arrondissement quelquefois plus considérable qu'une partie de territoire qui porte le nom de province, et les charges qui pèseront de ce chef sur cet arrondissement seront sans doute hors de proportion avec les avantages qu'il en retirera.

J'avoue qu'il n'est pas facile de trouver une combinaison convenable. Chacun, lorsqu'il combinera divers éléments, étudiera si le résultat correspond à ses vœux. Cependant, je voudrais du moins que le gouvernement employât une partie de la somme d'une autre façon et d'après d'autres bases qu'il n'a été fait les auie'cs précédentes.

Il faut, selon moi, que l'on ait égard aux besoins. Les besoins ne sont pas partout les mêmes. Il y a des provinces où la voirie vicinale est dans un état très satisfaisant ; il y a des provinces qui ont les matériaux sous la main, et où l'empierrement d'un chemin peut se faire à très peu de frais. Il en est d'autres où l'on doit faire venir de loin les matériaux et où l'on n'a d'autre ressource que le pavage qui doit se faire à de très grands frais. Certaines provinces, sans doute, méritent tout notre intérêt par cette circonstance que le pavement de la voirie vicinale contribue à amener le défrichement des terres incultes.

Mais quand des parties du territoire où les terres sont bien cultivées et ont un grand degré de fertilité, naturelle ou acquise par le travail, manquent de communications, on doit s'y intéresser encore davantage ; car il y a là une richesse considérable qui ne demande qu'à se développer, qu'à entrer dans la circulation générale du royaume. Dans le système actuel, il y a des parties de territoire infiniment arriérées sous ce rapport ; beaucoup plus arriérées que les provinces ou les arrondissements, où les terres sont en friche, et par conséquent très peu productives. Je crois que, si l'on augmente encore le crédit, il faudra nécessairement l'affecter, en partie du moins, à venir particulièrement au secours de ces territoires abondants ea produits, mais qui manquent de communications.

En un mot, je voudrais qu'on trouvât le moyen, sans rien ôter aux provinces qui profitent de l'égalité de répartition, d'ajouter à la part de celles qui sont lésées. Par l'application de ce procédé, en profitant à cet effet de l'augmentation des crédits, on arriverait à de bons résultats. M. le ministre de l'intérieur, qui s'est occupé de la question, n'a pas trouvé de solution convenable. Je le prie de s'en occuper encore, et de chercher la solution dans le sens que je viens d'indiquer.

(page 606) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Une partie des réflexions que vient de présenter à la Chambre l’honorable M. de La Coste, a dirigé la gouvernement, lorsqu'il a fait la répartition du fonds de la voirie vicinale. Il est vrai que jusqu'à présent on n'a pas trouvé de système plus équitable que la répartition par parts égales entre les provinces. Après bien des essais qui ont été faits, ainsi que vous avez pu vous en convaincre par le document imprimé qui a été distribué à la Chambre, il a été reconnu que la répartition égale par provinces était la moins mauvaise de toutes.

Indépendamment de ce mode de répartition, le gouvernement a compris qu'il y avait des mesures spéciales à prendre en faveur des provinces qui s'imposeraient plus que d'autres, ou qui s'imposeraient extraordinairement relativement à leurs ressources. C'est pour cela que le gouvernement tient en réserve une somme de 30 à 40 mille francs pour faire une répailition en faveur de ces provinces. C'est par ce moyen que nous avons pensé qu'on atteindrait le mieux la justice distributivc qui est le but de nos efforts.

Messieurs, je liens à rappeler à la Chambre qu'il n'y a pas la moindre contradiction entre le langage que le gouvernement a teuu devant vous dans la session dernière et celui qu'il tient aujourd'hui.

Lorsque, dans le cours de la dernière session, interpellé sur l'étendue des besoins qu'éprouvait la voirie vicinale, j'ai fait connaître à la Chambre la situation des choses, j'ai évalué à près d'un million les fonds nécessaires à l'achèvement des travaux déjà commencés. Ces besoins étaient réels, mais il fallait du temps pour y pourvoir.

Messieurs, je regrette de devoir repousser une proposition qui se présente sous un aspect aussi favorable à l'agriculture. Mais il faut bien compter avec le trésor, et vous venez d'entendre l'organe rude des intérêts du trésor vous dire que dans les circonstances actuelles il y aurait imprudence à augmenter le crédit dont il s'agit.

Messieurs, puisque j'ai la parole, je répondrai à quelques (page 607) observations qui ont été présentées par deux honorables membres à la fin de la dernière séance.

L'un d'eux a demandé ce que le gouvernement comptait faire pour aider la ville de Bruxelles à exécuter les travaux de la rue de la Loi ; il a demandé si le crédit pour la voirie vicinale devait être affecté en partie à ces travaux.

Le département de l'intérieur n'est intéressé pour aucune partie dans les travaux dont il s'agit. Il y a deux départements qui doivent intervenir dans les travaux dont il s'agit. C'est d'abord le département des travaux publics. Pourquoi ? Parce que la rue de la Loi est le commencement d'une grande communication destinée à relier la ville de Bruxelles à la route de première classe vers Louvain et en même temps à la route qui conduit vers Wavre. Or, cette double rectification, qui est commandée par l'intérêt public, rentre dans les attributions du département des travaux publics et ce département interviendra par un subside pour concourir avec la ville à couvrir les frais qui en résulteront.

Le département de la guerre est à son tour intéressé dans l'exécution de cette rue, à raison de l'établissement d'un champ de manœuvre. Il sera fait droit à un intérêt considérable qui affecte le département de la guerre et qui exige son concours.

Un autre honorable membre a demandé que l'on hâtât l'instruction des affaires qui intéressent la voirie vicinale, de manière que les crédits pussent être mis à la disposition des communes pour le moment de la bonne saison, pour le mois de mars. C'est dans cet ordre que l'instruction des affaires est poursuivie et depuis deux mois les recommandations les plus pressantes ont été adressées à MM. les gouverneurs pour que, d'ici à la fin de février, toutes les affaires fussent instruites et pussent être l'objet d'une décision immédiate.

L'honorable M. Coomans a demandé que le gouvernement s'occupât le plus tôt possible des questions qui se rattachent au projet d'annexion des faubourgs à la capitale, parce qu'il y a de grands intérêts de voirie vicinale tenus en suspens, et qu'il importe de prendre une prompte résolution à cet égard.

La question de l'annexion des faubourgs à la capitale est en ce moment à l'étude, et cette étude est assez avancée pour que je puisse déclarer que d'ici à peu de jours, le gouvernement prendra une résolution et saisira la Chambre d'un projet de loi. C'est alors que nous pourrons faire aussi état des recommandations qui viennent d'être présentées au sujet de certaines routes vicinales qui tombent dans la circonscription nouvelle à assigner à la ville de Bruxelles.

M. Osy. - Messieurs, de tous temps, mes sympathies ont été pour les chemins vicinaux ; je crois qu'un des plus grands avantages qu'on puisse procurer au pays, c'est l'accroissement de ses voies de communication, etsurtout des voies de communication qui tendet à relier nos villages aux grandes routes.

Mais il y a une borne à tout. Comme vous l'a dit l'honorable ministre des finances, nous avons commencé par voter en 1840 une somme de 100,000 fr Cette somme, nous l'avons successivement accrue jusqu'à 500,000 fr. Mais il faut considérer qu'en votant 500,000 fr. pour les chemins vicinaux, nous en votons de fait 1,500,000. Caries provinces, les communes et les particuliers sont obligés de faire le double de ce que nous allouons au budget. Or, je crois qu'en dépensant, dans notre petit pays 1,500,000 fr. chaque année en faveur de la voirie vicinale, nous ferons beaucoup de bien.

Messieurs, outre que nous devons tenir compte de la situation du trésor de l'Etat, nous devons aussi consulter celle du trésor des provinces et des communes. Les provinces et les communes auront cette année de grands sacrifices à faire pour venir au secours de la classe nécessiteuse ; il ne faut donc pas les surcharger de nouvelles dépenses.

L'honorable ministre des finances vous a dit quelle était la situation actuelle du trésor. Plusieurs fois dans le cours de la session je vous ai indiqué le chiffre que vient de vous citer l'honorable ministre. Nous avons en effet commencé la session avec un déficit de 27 millons. Par la loi sur les substances alimentaires, nous avons réduit nos recettes de plus d'un million. Vous aurez à voter une somme de près de 2 millions pour le département de la guerre. En outre par suite du renchérissement du prix de la houille, des denrées alimentaires et des fourrages, nous avons dû augmenter considérablement le budget des travaux publics et celui de la guerre ; de manière que notre découvert, à l'heure qu'il est, est de près de 33 millions.

Mais ne perdons pas de vue que le trésor se trouve en outre à découvert, comme on vous l'a très bien dit, d'une somme de 11 millions, les circonstances n'ayant pas permis à M. le ministre des finances de réaliser les 11 millions d'actions qui se trouvent dans les caisses de l'Etat.

Il est vrai aussi que M. le ministre de la guerre a annoncé à la section centrale qu'il aurait besoin d'une somme extraordinaire de 15 millions. Mais cette somme sera échelonnée sur plusieurs exercices. On ne peut donc la faire figurer dans le déficit, pas plus qu'on ne peut y faire figurer la somme qui sera encore nécessaire à M. le ministre des travaux publics pour achever le chemin de fer ; et cette somme sera beaucoup plus considérable que celle qui sera nécessaire pour le département de la guerre.

Nous devons bien le reconnaître aujourd'hui, on a, en 1851, voté des dépenses très considérables, beaucoup moins urgentes que les besoins que connaissait très bien le gouvernement pour la guerre et pour les travaux publics. S'il y avait une discussion sous ce rapport, je prouverais que c'est de là que provient le déficit dont nous nous plaignons aujourd'hui.

Messieurs, je crois que la prudence exige que nous n'augmentions pas le budget proposé par M. le ministre de l'intérieur. Vous voyez les efforts que nous faisons pour en venir à des économies. Toujours le gouvernement se refuse à en faire. Nous avons voulu borner la dépense détestable que l'on fait pour les écoles agricoles. Eh bien, messieurs, voilà que tout d'un coup le gouvernement a été obligé d'augmenter ce budget d'une somme de 25,000 francs. Lorsque te moment sera venu, nous prouverons qu'il y a encore des dépenses contraires à la loi, eh bien, je suis persuadé que ces dépenses seront encore défendues par le gouvernement.

Comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, tous les budgets des provinces et des communes sont arrêtés, et je ne crois pas qu'il serait prudent de les engager à faire des dépenses au-delà de ce qui a été prévu dans l'attente du subside de 500 mille francs accordé l'année dernière pour les chemins vicinaux.

M. Coomans. - Messieurs, je regrette que l'honorable ministre des finances se livre à des hypothèses très arbitraires que je croyais avoir repoussées d'avance. J'avais dit qu'il ne s'agissait pas d'appliquer les 200,000 fr. à des travaux nouveaux, que, conséquemment, il ne s'agissait pas d'introduire un principe nouveau, et que, le gouvernement, n'aurait pas éprouvé le moindre embarras à dépenser cette somme, puisqu'elle ne devait être appliquée qu'à remplir des engagements pris depuis longtemps par lui. J'affirme, ayant l'honorable ministre de l'intérieur pour garant, que les 200,000 fr. ne suffisent pas même, puisque l'année dernière il fallait un million pour mettre le gouvernement à même de remplir ses engagements.

Je reconnais avec M. le ministre des finances qu'il est juste, qu'il est indispensable que les provinces, les communes et parfois les particuliers contribuent pour une part dans les travaux de la voirie vicinale. Avons-nous dit jamais le contraire ? Je sais qu'il est bon de maintenir les principes actuellement en vigueur, d'exiger un tiers, par exemple, des communes, en ayant égard à l'équité et à l'intérêt général ; mais, messieurs, il ne s'est pas agi de tout cela, il s'est agi de mettre le gouvernement à même de remplir ses engagements, et je demande à M. le ministre de l'intérieur s'il est à même de les remplir aujourd'hui, s'il léserait avec les 200,000 fr. que nous proposons d'accorder ? La réponse doit être négative.

Mais, dit encore M. le ministre des finances, les budgets sont clos. D'abord je pourrais répondre que les communes sont toujours libres de voter des dépenses nouvelles et que, dans leur prochaine session, les conseils provinciaux pourraient régler cette affaire.

Mais, messieurs, il y a bien autre chose ; beaucoup de communes font des offres, ayant déjà été autorisées à faire des dépenses pour la voirie vicinale ; l'argent est là, le gouvernement n'a qu'à le prendre et ce n'est pas avec la modique somme de 200,000 francs qu'il sera embarrassé, puisque, je le répète, il faut un million.

Mais, messieurs, il y a des localités où la part de la province et de la commune a été fournie et où c'est le gouvernement qui est en demeure de fournir la sienne, où l'on exhorte en vain le gouvernement à remplir ses engagements. Je pourrais citer des chemins vicinaux, en Campine, par exemple, décrétés et commencés depuis deux ans et qui se trouvent encore dans un état d'imperfection que je pourrais appeler scandaleux.

On nous dit que les budgets communaux étant faits, nous arrivons trop tard avec une demande d'augmentation de subside. Mais cet argument on nous l'opposait l'an dernier : l'an dernier les budgets étaient clos ; ils étaient clos en 1853 ; ils sont clos en 1854 ; quand nous demanderons quelque chose en 1855, ils seront clos ; ils seront toujours clos, et nous forclos. C'est là un argument éternel, il devrait bien finir une fois cependant, comme toutes les choses de ce bas monde et surtout les mauvaises.

Je le répète, messieurs, il n'y a rien à répondre à l'exposé des faits que j'ai présenté ; à moins de nier l'évidence, toute l'argumentation de M. le ministre des finances tombe s'il ne s'agit pas de faire des routes nouvelles.

Que de beaux discours, messieurs, nous avons entendus contre le faible droit de douane prélevé sur les grains étrangers ! Mais si les honorables orateurs s'intéressaient pratiquement aux choses rurales, et les examinaient de près, ils sauraient que le détestable état de notre voirie vicinale prélève sur les consommateurs un impôt bien autrement considérable que l'impôt de douane. L'impôt que payent les consommateurs du chef des mauvais chemins, de la boue et du sable, s'élève à 5, 6 et 8 p. c. Je pourrais citer des villages en assez grand nombre où naguère, avant l'empierrement de certaines routes, il en coûtait 2 fr. pour transporter un sac de blé au marché le plus voisin, c'est-à-dire 7, 8 ou 10 p. c, selon le prix du blé.

Cet impôt-là est bien plus lourd que l'impôt de douane, il nuit davantage aux consommateurs et il ne profite à personne parce qu'il n’empêche pas le cultivateur de suer, de briser sa charrette et d'éreinter ses chevaux.

Vous pouvez, comme l'a très bien dit mon honorable ami M. de Naeyer, ajouter beaucoup sans vous faire tort, au capital agricole en améliorant la voirie vicinale : un village qui ne possède que 50 ou 60 chevaux aura alors une force locomotive équivalente à celle de 70 ou de 100 chevaux. (page 608) Il n'est pas de capital appliqué qui produise un plus grand intérêt que cette dépense-là.

Mais, messieurs, si nous votons les 200,000 fr. et si le gouvernement est embarrassé de les dépenser en sauvegardant les principes, rien ne force M. le ministre à faire la dépense ; nous mettons cette somme à sa disposition, s'il peut l'appliquer conformément au principe administratif dont on fait tant de bruit, il l'appliquera ; s'il ne le peut pas, il gardera la somme en caisse.

Du reste, j'affirme, toujours d'après les déclarations de l’honorable M. Piercot, qu'il n'aura pas le moindre embarras, attendu qu'en trois ou quatre jours les 200,000 francs seront appliqués, et parfaitement appliqués, la caisse de la voirie vicinale étant complètement vide, encore plus vide que la caisse de l'Etat.

Puis, messieurs, j'ai pris la liberté d'interrompre l'honorable ministre des finances lorsqu'il évoquait le fantôme du déficit, de la banqueroute, à propos de ces pauvres 200,000 fr. : à une autre époque, la crise était un argument en faveur de dépenses qui se comptaient par millions.

Que nous disait-on, lorsqu'on nous invitait à voter un emprunt de 26 millions ? On nous disait : Votez ces millions, précisément parce que nous sommes dans un état de crise, parce que l'horizon est sombre ; parce que nous sommes devant des éventualités redoutables ; il faut donner du pain à l'ouvrier ; quant à l'argent, nous le trouverons bien quelque part. En effet, on a trouvé 26 millions ; on a trouvé 50 millions ; on trouve tout ce qu'on veut, lorsqu'on veut.

Mais alors que la crise ne nous a pas arrêtés dans des temps beaucoup plus dangereux que ceux où nous vivons aujourd'hui, j'aime à le dire, alors que la crise ne nous a pas arrêtés pour faire des dépenses d'une utilité plus ou moins problématique, des dépenses de 26 millions pour travaux à exécuter par l'Etat, et de 50 millions pour travaux garantis à l'industrie privée, comment raisonnablement nous arrêterions-nous devant une dépense de 200,000 fr. pour des travaux reconnus unanimement de première nécessité ?

On nous convie à attendre de meilleurs jours pour ajouter quelque chose à la dotation de la voirie vicinale ; mais les discours que nous entendons ne sont pas de nature à nous donner beaucoup d'espérance. Je crois que le déficit s'accroît de jour en jour, de discours en discours ; il n'était tantôt que de 33 millions dans la bouche de M. le ministre des finances ; il est déjà de 60 millions dans la bouche de l’honorable M. Deliégc......(Interruption.) Je ne sais pas au juste ce qui en est, je penche pour l'assertion de l'honorable ministre des finances. Mais je dis qu'il est très vraisemblable que l'année prochaine, dans deux ans, dans trois ans, ce déficit n'aura pas disparu ; au contraire. Or, si l'on nous renvoie, pour les améliorations à introduire dans la voirie vicinale, à un budget équilibre, nous pourrions attendre à tout jamais. C'est ce que nous ne sommes pas disposés à faire.

Je regrette infiniment qu'avant le vote sur le haras, le gouvernement ne nous ait pas déclaré que son intention était de repousser la demande d'une augmentation de crédit pour la voirie vicinale. J'aime à croire que le résultat du vote eût été tout autre ; car, messieurs, il ne faut pas connaître les campagnards pour ignorer qu'ils ne nous pardonneraient pas d'avoir donné 202,000 fr. aux haras plutôt que d'en gratifier la voirie vicinale. Lorsque nous parlons au nom de l'agriculture, lorsque nous votons au nom de l'agriculture, nous devrions écouler les vœux des campagnards, qui ne sont pas douteux en cette circonstance.

Du reste, ceci est pour nous un avertissement. Quant à moi, si ce subside nous est refusé, je ne voterai pas la moindre augmentation en faveur de quoi et pour qui que ce soit dans aucun budget ; et je renouvellerai volontiers, l'année prochaine, les hostilités contre le haras. Le haras est une institution de luxe, ou, tout au plus, d'une utilité secondaire qu'il ne faut pas favoriser au détriment de la voirie vicinale, qui est à l'agriculture ce que les artères sont au corps humain.

Je termine en suppliant la Chambre de ne pas nous refuser l'allocation demandée, quelle que soit la situation du trésor. Si cette situation est mauvaise (et je n'en disconviens pas), la faute n'en est pas aux campagnes qui ne retirent pas du budget le quart des écus qu'elles y versent.

M. Tesch. - Messieurs, comme je désire que la discussion du budget de l'intérieur soit terminée avant la fin de la session, je serai très court.

Messieurs, je voterai tout ce qu'on demandera pour la voirie vicinale. Je suis d'avis que de toutes les dépenses qui figurent au budget, c'est une des pius utiles ; et que de tous les subsides que l'Etat alloue, c'est celui qui produit le plus de bien ; je voterais un million, si on le proposait ; je voterai donc pour l'amendement de MM. A. Vandenpeereboom, Rodenbach et Van Renynghe.

M. Vilain XIIII. - C'est le seul bon.

M. Tesch. - Je ne suis pas aussi absolu que l'honorable M. Vilain XIIII ; mais je dis qu'à mon sens, de tous les subsides donnés à l'agriculture c'est le meilleur.

Messieurs, j'ai demandé la parole, lorsque l’honorable M. de La Coste a réclamé une allocation plus forte pour son arrondissement, et a insinué que ce surcroît d'allocation à lui attribuer devait être pris sur les sommes attribuées aux autres provinces. Je suis d'autant moins de cet avis, que les raisons de l'honorable membre ne sont rien moins que fondées.

L'honorable M. de La Coste dit qu'il y a des provinces où il est très facile de construire des chemins vicinaux, parce qu'on a des matériaux sous la main. Cette observation s'adressait assez directement à la province de Luxembourg, quoique dans certaines parties de cette province les pierres soient aussi rares que dans l'arrondissement de Louvain.

Mais l'honorable membre perd de vue qu'à raison de son étendue, la province de Luxembourg a beaucoup plus de chemins vicinaux à faire que les autres parties du pays. Quand, par exemple, dans l'arrondissement de Louvain, il ne faut qu'un chemin vicinal de 200 mètres pour rejoindre un village à un autre village voisin, il y a très souvent dans le Luxembourg une lieue à faire pour mettre en communication uu chef-lieu de commune avec ses sections.

L'avantage auquel a fait allusion l'honorable membre est donc largement compensé par la plus grande étendue de chemins à construire.

L'honorable M. de La Coste nous a dit aussi que, pour favoriser le défrichement, il était sans doute très utile de faire des chemins vicinaux ; mais que les localités qui ont des terres en pleine production méritent bien plus encore qu'on s'occupe d'elles ; et que l'Etat s'impose de plus grands sacrifices pour elles que pour les parties du pays où se trouvent des terres incultes et qui ne peuvent produire que dans l'avenir. Mais je répondrai à l'honorable collègue que les communes sur le territoire desquelles se trouvent ces terres en plein rapport peuvent aussi s'imposer beaucoup plus que les communes dont les territoires sont composés de terres incultes. Le propriétaire de ces terres fertiles peut faire beaucoup plus de dépenses, peut être beaucoup plus imposé que celui qui ne possède que des terres dans lesquelles il doit enfouir un capital pour les faire produire.

Je suis, du reste, d'avis avec M. le ministre des finances et M. le ministre de l'intérieur, que l'Etat ne peut donner des subsides aux localités qu'en raison des efforts qu'elles font elles-mêmes pour la voirie vicinale, et sous ce rapport, l’arrondissement et la province que j'ai l'honneur de représenter ici, ne sont certainement pas en retard. Il n'est pas une province qui paye autant de centimes additionnels que celle de Luxembourg pour la voirie vicinale et pour d'autres branches d'administration, et il serait souverainement injuste qu'on donnât plus à d'autres provinces qui s'imposeraient des sacrifices moindres que le Luxembourg.

Il me reste un mot à dire à l'honorable M. Osy. L'honorable membre a déclaré que le déficit du trésor devait être imputé à l’ancienne administration. Je ne veux pas en ce moment ouvrir une discussion à ce sujet. Mais quand l’honorable M. Osy voudra s’attacher à prouver son allégation, je suis très convaincy que l’ancienne administration et notamment mon honorable ami, M. Pierre, démontreront très clairement que c’est là une assertion des plus inexactes.

M. Prévinaire. - Messieurs, j'ai demandé la parole au moment où l'honorable M. de La Coste faisait aussi une petite invasion en dehors du terrain sur lequel la question des chemins vicinaux s'est trouvée jusqu'aujourd’hui.

Jusqu'ici l'allocation a été inscrite au budget à titre de subside et d’encouragement pour la voirie vicinale. Je m'étonne que l’honorable M. de La Coste, ait voulu transporter la question sur un autre terrain. L'honorable membre sait aussi bien que personne que les chemins, vicinaux sont un intérêt essentiellement communal, et que vouloir déplacer le système, changer la proportionnalité en ce qui concerne l'interention de l’Etat, le concours des intéressés, de la commune et de la province, serait détruire le motif de l’intervention de l'Etat. Evidemment, cette intervention ne se justifie qu'à titre d'eurouragement. Vouloir, parce que certaines provinces ont fait de très grands sacrifices pour améliorer leurs voies de communication., argumenter de leur diligence et de leur grande intelligence de leurs intérêts pour les faire tourner contre elles et leur dire : « Vous avez bien fait, mais, à l'avenir, vous n'aurez plus de part à l'intervention de l’Etat ; cette part tournera au profit d'autres provinces, d'autres localités, » serait un procédé très injuste.

Messieurs, si j'ai cru devoir contribuer à relever cette argumentation, c'est parce qu'il m'a paru résulter du rapport de la section centrale l'intention de faire refluer vers le département des travaux publics le service des chemins vicinaux, qui, selon moi, appartient au département de l'intérieur ; c'est parce que j'ai vu l'intention de porter ce service sur un terrain nouveau, que j'ai cru devoir insister sur ce point, que les sommes que nous allouons pour construction de chemins vicinaux, que l’intervention de l’Etat dans ces dépenses ne se justifie que comme encouragement.

Si on construisait des routes de quatrième classe avec un concours plus large de la part de l'Etat, vous détruiriez toute raison d'intervention de la part de communes. Est-ce à dire qu'il faut que l'Etat cesse de porter une grande attention aux chemins vicinaux ? Non certes, mais je veux que ce service reste au département de l'intérieur, et c'est dans un intérêt tout d'économie ; moi qui ai eu occasion de visiter des parties importantes de nos campagnes, j'ai vu des communes où il y avait trois générations de chemins vicinaux superposés.

Quand on enfonçait la pioche, on trouvait à 6 pieds de profondeur des traces de construction de chemins qui avaient disparu faute d'entretien. Aujourd'hui, pour faire quelque chose de bon, on est obligé de refaire le tout. Et pour conserver ce qu'on fait, il faut un entretien bien organisé. Or, cette organisation qui manquait vous allez l’avoir en maintenant le service au département de l'intérieur.

(page 609) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Quel que soit le sort réservé à l'amendement, la Chambre ne peut pas adopter la limitation indiquée par le sous-amendemenL de M. de Steenhault. Il est impossible qu'on accorde aux provinces qui ont pu commencer des travaux à la faveur d'une situation financière plus prospère, un privilège sur les communes auxquelles leur situation financière permettrait seulement à l'avenir de voter des fonds pour l'amélioration de la voirie vicinale ; il faut que toutes les communes puissent avoir une part égale, proportionnelle à leurs sacrifices dans les faveurs que la Chambre peut voter.

Si vous adoptez la majoration proposée, les fonds doivent être aussi libres dans les mains du gouvernement que l'allocation générale.

M. de Steenhault. - Messieurs, l'année dernière quand j'ai proposé une augmentation de 100,000 fr. pour la voirie vicinale, j'ai dit combien il était important de terminer les travaux commencés, car beaucoup se détériorent dans l'état où on les laisse, et si on ne les achève pas ils seront entièrement perdus.

M. Bidot a trouvé des chemins en construction couverts d'un pied de terre et de boue ; si vous ne les achevez pas, ce seront des travaux perdus ; vous aurez fait des sacrifices considérables pour la voirie vicinale, et ce sera à recommencer. Je ne pense pas qu'on puisse s'opposer à ce que l'augmentation proposée soit affectée à l'achèvement des travaux commencés.

- L'amendement n'est pas adopté.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. de La Coste. - Je demande la parole contre la clôture.

Suivant le conseil de l'honorable M. Tesch, je suis prêt à remettre ma réponse à la session prochaine. Je veux seulement constater que j'ai frappé si juste que M. Tesch a nommé la province de Luxembourg et l'arrondissement de Louvain dont je n'avais pas parlé.

M. Frère-Orban. - Je n'ai rien à dire sur la clôture ; je voulais faire une simple observation sur ce que l'honorable M. Osy a dit pendant que je n'étais pas ici. Je ne veux pas discuter la question qu'il a soulevée, mais uniquement faire une réserve. Je demande à la Chambre la permission de l'énoncer.

M. Osy. - Je n'ai aucune raison pour empêcher M. Frère de parler ; mais comme je n'ai dit que deux mots en passant de la situation financière, si l'honorable membre entre dans la question, je serai obligé de demander la parole pour lui répondre. Je l'engage à laisser cette discussion pour le moment, nous aurons occasion de la reprendre dans très peu de jours.

M. Frère-Orban. - Si la Chambre le permet... (Interruption.)

Je dirai, à propos de la demande de clôture, que M. Osy ayant introduit incidemment dans la discussion un point important sur lequel je crois devoir faire des réserves, je demande à être autorisé à les produire.

Je ne veux pas discuter, je me bornerai à déclarer en deux mots que les énonciations de M. Osy sont de tous points inexactes.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

- Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

M. le président. - Deux amendements sont présentés.

Le premier, qui porte le crédit pour la voirie vicinale à 700,000 fr., le deuxième, qui augmente le crédit de 500,000 fr. proposé par le gouvernement, de 100,000 fr. portés à la colonne des charges extraordinaires ; le troisième, de la section centrale, qui propose la division de l'article.

- Le chiffre de 700,000 fr. est d'abord mis aux voix.

L'appel nominal étant demandé, il est procédé à cette opération. En voici le résultat :

67 membres sont présents.

5 s'abstiennent.

62 prennent part au vote.

33 répondent oui.

29 répondent non.

La Chambre adopte.

Ont répondu oui : MM. Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Ansiau, Brixhe, Clep, Coomans, David, de Haerne, de La Coste, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Ruddere, Desmaisières, de Wouters, Jacques, Jouret, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Magherman, Malou, Mascart, Pierre, Rodenbach, Tesch, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.) et Vander Donckt.

Ont répondu non : MM. Van Grootven, Veydt, Vilain XIIII, Anspach, Coppieters ‘T Wallant, Dautrebande, de Baillet (H.), de Brouckart, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), Dequesne, de Royer, de Theux, Devaux, Frère-Orban, Lange, Laubry, Lebeau, Loos, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Roussel (A.), Rousselle (Ch.) et Delfosse.

Se sont abstenus : MM. de Renesse, de Steenhault, Dumortier, Prévinaire et Rogier.

M. président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.

M. de Renesse. - Messieurs, à la séance de samedi, j'ai donné le motif qui m'empêchait d'accorder l'augmentation de 200,000 fr. proposée pour la voirie vicinale, que j'eusse désirée pouvoir voter, si la situation financière actuelle avait été plus prospère ; croyant cependant qu'il fallait accorder une certaine augmentation par suite de la crise alimentaire, j'avais proposé d'allouer une somme supplémentaire de 100,000 francs, pour pouvoir donner cette année du travail extraordinaire aux populations ouvrières de nos campagnes.

Connaissant toutefois toute l'utilité des travaux de la voirie vicinale, je n'ai pas voulu voter contre la nouvelle allocation proposée par plusieurs de nos honorables collègues ; j'ai préféré m'abstenir.

M. de Steenhault. - Je n'ai pas voté contre, parce que je reconnais l'utilité de l'allocation dont mes discours précédents prouvent que je suis un des plus chauds partisans.

Je n'ai pas voté pour, parce que je ne veux pas m'enlever la liberté de contester toute aggravation d'impôt qui la plupart du temps tournent au détriment des campagnes qu'on veut soulager ici.

M. Dumortier. - En principe, je suis extrêmement partisan de l'amélioration de la voirie vicinale, et j'étais disposé à m'associer à l'opinion des honorables MM. Coomans et Tesch. Mais il y a une autre question que je mets au-dessus de toutes les autres ; c'est l'équilibre du budget. De même que dans d'autres circonstances je n'ai pu, pour ne pas rompre cet équilibre, voter des dépenses dont j'appréciais l'utilité, de même j'ai dû m'abstenir de voter, par cette considération, l'augmentation du crédit proposé.

M. Prévinaire. - Je me suis abstenu par les considérations qu'a fait valoir l'honorable préopinant et aussi par cette considération qu'en fait d'augmentation de crédits je désire me régler presque toujours sur l'opinion du gouvernement, parce qu'il est seul juge du concours que l'on peut attendre des communes.

M. Rogier. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Prévinaire.

- L'article 57 est adopté avec la division ci-après, proposé par la section centrale :

« Art. 57.

« a. Encouragements divers pour l'amélioralioa de la voirie vicinale : fr. 680,000.

« b. Salaire des agents temporaires attachés au service de la voirie vicinale. - Confection de plans ; impressions et travaux spéciaux : fr. 12,800.

« Ensemble : 692,800. »

Chapitre XIII. Industrie

La Chambre passe à la discussion sur le chapitre XIII, Industrie.

Discussion générale

M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuierai le crédit de 100,000 fr. proposé en faveur de l'industrie linière, parce que l'érection des ateliers pour la fabrication des toiles dans les Flandres a produit d'assez bons résultats et a puissamment contribué à diminuer le vagabondage.

Dans beaucoup de nos petites villes et de nos communes rurales, grâce à ces ateliers d'apprentissage, une partie des enfants de la classe pauvre apprennent actuellement un métier, ce qu'ils ne pouvaient pas faire précédemment. Malheureusement leur nombre est encore restreint.

Mais tout en approuvant cette allocation, je crois devoir saisir cette occasion pour engager fortement M. le ministre à attirer l'attention de MM. les gouverneurs des Flandres et surtout des inspecteurs sur la nécessité de varier, dans l'intérêt de la classe ouvrière, la fabrication des produits, en introduisant dans les ateliers modèles et d'apprentissage d'autres industries que celle de la toile ; car nous avons infiniment de peine à soutenir, sous ce rapport, la concurrence avec l'Allemagne et surtout avec l'Angleterre qui exporte annuellement en Amérique seule pour au-delà de 50 millions de fr. de toiles, tandis que l'exportation belge, pour cette contrée, n'est que de quelques centaines de mille francs.

Je citerai, entre autres, une industrie en grande partie abandonnée à Roubaix, où elle a été remplacée par la fabrication d'autres produits et dont Tournai, Mouscron, Courtrai et la banlieue se sont emparés. Ce déplacement d'industrie doit attirer l'attention du gouvernement ; car on m'a assuré qu'il y a déjà sur la frontière 64 établissements qui fabriquent des étoffes à pantalons, industrie qui s'élève approximativement de 6 à 7 millions par année, et dont la main-d'œuvre seule est de plus de 1 million. Ces étoffes à pantalons s'exportent en grande partie en Amérique par le port d'Anvers et surtout en transit par le Havre et par Hambourg. Si cette industrie se multipliait davantage, elle serait pour les Flandres ce que la fabrication de drap est pour Verviers, pour Liège et ses environs.

En terminant, je répéterai que l'on doit varier la fabrication des tisssus dans les ateliers de la Flandre, et y introduire celle des étoffes à pantalons, notamment dans les districts de Roulers et de Thielt, et autres communes populeuses du centre de la Flandre occidentale, telles que Rumbeke, Ledeghem, Staeden, Hooglede, Lichtervelde, Ardoye, Moorslede, Ingelmunster et la ville d'Iseghem.

Il serait très facile aux inspecteurs d'envoyer dans ces diverses communes de bons contremaîtres, que l'on pourrait se procurer sans grands frais à Mouscron et dans sa banlieue.

J'aime à croire que M. le ministre aura égard à mes observations, et je me permets de lui recommander d'une manière toute spéciale les améliorations que je viens d'énumérer.

- La discussion sur le chapitre est close.

Articles 58 à 60

« Art. 58. Traitement de l'inspecteur et des membres du comité consultatif pour les affaires d'industrie : fr. 7,600. »

- Adopté.


« Art. 59. Enseignement industriel : fr. 51,850. »

- Adopté.


« Art. 60. Achat de modèles et de métiers perfectionnés. (page 610) - Inspection des établissements dangereux ou insalubres ; expertises des machines pour lesquelles on demande l’exemption des droits d'entrée ; voyages et missions ; publications utiles ; prix ou récompenses pour des ouvrages technologiques ou d'économie industrielle ; subsides en faveur d'industries nouvelles ; caisses de prévoyance : fr. 25,000. »

- Adopté.

Article 61

« Art. 61. Subsides en faveur de l'industrie linière et de la classe des tisserands et des fileuses ; distribution de métiers, etc. (charge extraordinaire) : fr. 100,000. »

M. Rogier. - Messieurs, à la fin de l'année 1851, le gouvernement a publié un rapport sur la situation des ateliers établis dans les Flandres et soutenus sur les fonds du budget. Je demande à M. le ministre de l'intérieur s'il ne jugerait pas convenable de continuer cette publication qui offre beaucoup d intérêt et s'il ne pourrait pas, dans le courant de cette session, nous fournir un nouveau rapport sur les ateliers d'apprentissage dans les deux Flandres. Il trouvera, je crois, les éléments de ce rapport, dans les publications qui déjà ont été faites soit par les députations des provinces, soit par ses agents spéciaux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est un travail dont on est occupé. Je crois que d’ici à peu de temps il pourra être publié.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 62

« Art. 62. Primes et encouragements aux arts mécaniques et à l'industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, n°6, sur les fonds provenant des droits de brevet ; frais de bureau ; partie des frais de location de la maison située rue Royale, occupée par l'administration des brevets : fr. 12,700. »

M. le président. - La section centrale propose de supprimer du libellé les mots : « frais de bureau, partie des frais de location de la maison située rue Royale, occupée par l'administration des brevets, » et de réduire le chiffre à 10,400 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, il m'est impossible de me rallier à la double proposition de la section centrale, parce que si elle était adoptée, il y aurait un déficit que le gouvernement ne saurait comment combler.

Voici, messieurs, comment cette proposition est née. La section centrale avait proposé au gouvernement d'opérer un transfert de l'article 62 à l'article 3 matériel. Il s'agissail d'une somme de 2,300 fr. destinée à payer la moitié des frais de location de l'hôtel de la rue Royale. Cet hôtel a été loué spécialement à l'occasion du service des brevets, et comme un autre service, celui de l'industrie, y a été annexé, le crédit du matériel général du ministère est entré dans les frais de location pour moitié, de sorte que le crédit général de 40,000 fr. paye 2,300 fr. dans ce loyer et que le service des brevets paye l'autre moitié.

L'honorable rapporteur de la section centrale a cru qu'il était plus régulier de faire payer tout le loyer par le service du matériel. Le gouvernement n'y a pas vu d'obstacle, mais à la condition qu'un transfert en fût la conséquence et qu'une somme de 2,500 fr. fut portée de l'article 62 à l'article 3. La section centrale a trouvé très convenable le transfert du service, mais elle n'a pas trouvé également opportun d'opérer le transfert de la somme.

Messieurs, cela ne peut être sérieux. Si le gouvernement se prête à une mesure qui a pour but un peu plus de régularité dans la comptabilité, on doit lui laisser le moyen de payer une dépense indispensable.

Je crois que ce qu'il y aurait de mieux à faire, ce serait de laisser pour cette année les choses dans l'état où elles sont. Si vous retranchez de l'article les mots : « frais de location », la cour des comptes ne pourrait plus liquider le montant de la dépense. Qu'en résulterait-il ? La demande d'un crédit supplémentaire. Car je vous le déclare, je n'ai pas de fonds pour la payer sur un autre article.

Quant aux mots « frais de bureau » que la section centrale voudrait voir disparaître de l'article, ce n'est pas plus possible que pour les mots « frais de location ». Il s'agit de couvrir la dépense du comité consultatif des affaires industrielles ; il s'agit d'achat de livres et d'autres objets nécessaires à ce comité. Comment voulez-vous qu'on paye la dépense, si vous supprimez les mots « frais de bureau » ?

Messieurs, il y a une observation qui me paraît de nature à mettre fin à ce débat. Le service des brevets est sur le poinl d'être réorganisé ; puisque vous voterez bientôt définitivement la nouvelle législation sur cette matière.

D'ici à l'année prochaine, nous saurons quelle sera la dépense à faire pour assurer ce service. Il ne s'agira plus d'une dépense de 12,000 fr., mais d'une dépense d'au moins 20,000 fr. Comme nous ne connaissons pas exactement le chiffre, nous laissons les choses dans l'état où elles sont. Plus tard nous aurons à faire à la Chambre une proposition qui comprendra non seulement l'augmentation de la dépense, mais aussi les frais de bureau.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a proposé deux réductions : l'une concerne la moitié de l'allocation d'une maison rue Royale. Il me semble que cette question a été vidée lors de la discussion de l'article 3, et je ne conçois pas qu'on y revienne. Quant aux frais de bureau que le gouvernement impute sur cet article, ce procédé est irrégulier. Il est difficile à justifier ; en effet, il y a au budget de l'intérieur un article, l'article 3 qui doit suffire à toutes les dépenses de frais de bureau y compris ceux qui résultent de la délivrance des brevets. La section centrale propose donc de supprimer du libellé les mots : « frais de bureau ». Elle vous a fait cette proposition, pour maintenir un principe dont le gouvernement ne doit pas se départir, c'est que l'article 3 doit pourvoir à toutes les dépenses de frais de bureau. La somme est peu considérable ; die ne mérite pas qu'on s'y arrête longtemps, mais il s'agit d'un principe qui doit être respecté ; l'administration n'est que trop disposée à étendre ses ressources.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, il ne doit pas y avoir d'équivoque ; M. le rapporteur entend-il que les mots « frais de location » restent dans le libellé ?

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je suis obligé de maintenir la résolution de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Quant aux frais de bureau, quoiqu'il ne s'agisse que de 400 francs, toujours faut-il un crédit pour payer ces 400 francs. Ces frais de bureau concernent exclusivement les brevets. L'article 3 est destiné au matériel du ministère en général, mais les brevets forment un service à part, qui a toujours été payé sur un fonds spécial. Les 400 francs dont il s'agit font partie de ce fonds spécial et par conséquent, je ne les trouverais pas sur l'article 3.

M. Coomans. - Je crois qu'au fond l'honorable ministre est d'accord avec l'honorable rapporteur : de part et d'autre, on veut maintenir ce qui est ; la section centrale ne veut pas mettre M. le ministre dans l'impossibilité de payer ces frais, mais, dans dans l'intérêt d'un principe qui sauvegarde la bonne gestion des deniers publics, l'honorable rapporteur insiste pour qu'on ne mêle pas des crédits essentiellement différents. N'y aurait-il pas moyen de dire : « Pour matériel et frais de bureau, etc. » ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Alors, il faudrait transférer la somme.

M. Coomans. - Cela vaudrait toujours mieux que de porter atteinte à un principe que tout le monde trouve bon, indispensable, en faveur duquel la Chambre s'est prononcée à différentes reprises.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je crois qu'il faut cette année encore laisser les choses dans l'état où elles se trouvent ; au budget de 1855 vous aurez un service régulier et nous connaîtrons exactement la somme qui sera nécessaire.

- L'article 62, tel qu'il a été proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Article 63

« Art. 63. Musée de l'industrie. Traitement du personnel : fr. 19,748. »

M. le président. - La section centrale propose le chiffre de l'année dernière qui était de 17,748 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, l'augmentation de 2,000 fr. provient de la nécessité de créer au Musée de l'industrie un cours de chimie pratique à l'usage de l'industrie. Il y a eu jusqu'à présent un cours de chimie, mais c'est un cours théorique seulement ; il s'agit, à la demande d'un grand nombre d'industriels et de tous ceux qui s'occupent de cette matière, d'organiser un enseignement pratique, un laboratoire de chimie, c'est-à-dire un cours tout à fait utile à notre industrie, où tous les jeunes gens qui ont fait à l'université un cours de chimie théorique, puissent venir compléter leurs études au point de vue de l'industrie, et notamment de l'industrie des impressions.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a fait observer que nous votons des fonds pour donner des cours de chimie dans plusieurs établissements ; elle a pensé qu'il n'est pas nécessaire d'en créer encore un nouveau au musée de l'industrie. Elle propose, par conséquent, le rejet de l'augmentation de 2,000 fr.

On dira, comme de coutume, que l'augmentation est peu considérable ; mais toutes ces augmentations peu considérables, en se répétant souvent, grossissent insensiblement le budget, car le gouvernement ne propose jamais de réductions. Il faut savoir mettre obstacle à ces crédits qui grandissent annuellement et qui finissent par obliger la législature à créer des impôts nouveaux. Que la législature se prononce, et l'administration sera obligée de ne pas accueillir aussi facilement toutes les demandes qui tendent à créer des traitements impossibles plus tard à expulser du budget.

M. Veydt. - L'allocation de 1853 est de 17,748 fr. Le gouvernement propose de l'augmenter de 2,000 francs.

Cette modique somme mettrait le laboratoire de chimie du musée de Bruxelles en état de rendre de plus grands services. Il y aurait un enseignement spécial d'expérimentation, un enseignement de la chimie appliquée à l’industrie et à l'agriculture.

C'est une erreur de croire que ces leçons feraient double emploi ou concurrence avec d'autres cours de chimie. Les cours universitaires sont au niveau de la science, sans doute ; mais ils sont plus théoriques que pratiques. Ici ce serait le contraire. Des jeunes gens déjà instruits, porteurs même d'un diplôme, viendraient apprendre à faire des expériences, et s'initier à des connaissances pour lesquelles les occasions manquent dans l'état actuel des choses. Il y a là une lacune qui peut être comblée utilement et à très peu de frais.

M. Dumortier. - Messieurs, je suis loin d'être opposé aux sciences et à tout ce qui s'y rapporte ; cependant il y a des limites où il faut s'arrêter : il y a des cours de chimie dans les quatre universités ; veut-on donc en mettre partout ? Y aura-t-il des élèves ? Je conçois qu'on (page 611) fasse un cours dans un établissement où il y a des élèves, mais il n'y a pas d'élèves au musée de l'industrie. Et, comme le disait mon honorable ami M. de Man, ce n'est, il est vrai qu'une somme de 2,000 fr. mais de 2,000 fr. en 2,000 fr. on vient à grossir énormément le budget ; je n'ai pas cru pouvoir, uniquement pour maintenir l'équilibre, voter le supplément de 200,000 fr. qu'on demandait pour la voirie vicinale qui a cependant toutes mes sympathies. Quand on vole de nouvelles dépenses, on crée la nécessité de nouveaux impôts.

Je suis loin de m'opposer au développement des sciences, je crois avoir donné des preuves du contraire, mais je crois que dans cette circonstance il n'y a pas lieu d'admettre la proposition du gouvernement, attendu qu'il y a un cours de chimie à l'université de Bruxelles, à l'Athénée et à l'école militaire, et qu'il est dès lors inutile d'attacher un semblable cours à un établissement de la même ville qui n'a pas d'élèves.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, les cours de chimie qui existent à Bruxelles sont des cours scientifiques. Il s'agit de créer un cours pratique que l'industrie réclame. Un autre intérêt s'attache à cette création. Dans l'étal actuel des choses, le gouvernement, pour les manipulations chimiques, pour les expériences à faire, doit recourir à des chimistes étrangers. Au moyen de l'allocation que je demande, il sera pourvu à ce besoin.

M. Dumortier. - Il n'y a pas deux espèces de chimie, pas plus qu'il n'y a deux espèces d'histoire naturelle. L'enseignement est à la fois pratique et théorique. Or, je le répète, vous avez, à Bruxelles, un cours de chimie et à l'université, et à l'athénée, et à l'école militaire. C'est bien assez, il ne faut pas un cours spécial pour les manipulations chimiques ; toute la chimie, c'est de la manipulation. Et à cet égard je ferai remarquer que lorsque nous réviserons la loi sur l'enseignement supérieur, il faudra que nous arrivions à ce résultat, de rendre les examens beaucoup plus pratiques, et de forcer ainsi à l'étude pratique des sciences. C'est ainsi que vous favoriserez le développement des hautes études.

M. Van Overloop. - Messieurs, ii s'agit d'une dépense qui a un caractère communal. Si vous organisez un cours de chimie industrielle à Bruxelles, aux frais de l'Etat, pourquoi la ville de Gand ne viendrait-elle pas vous demander un semblable cours qui aujourd'hui se donne à ses frais ?

M. Rogier. - L'Etat contribue pour 10,000 fr. dans les frais de l'école industrielle de Gand.

M. Van Overloop. - Il n’importe ; je constate en fait qu'à Gand sont organisés, aux frais de la commune, des cours de physique, de chimie et de mécanique. Si cette dépense est à la charge de la ville de Gand, pourquoi devrions-nous faire supporter par le trésor public les frais d'un cours de chimie à Bruxelles ? Autre chose est accorder un subside, autre chose organiser un cours aux frais exclusifs de l'Etat.

- La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.