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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 29 mai 1832

(Moniteur belge n°152, du 31 mai 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

A une heure, la séance est ouverte.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

Après l’appel nominal, on lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Un de MM. les secrétaires donne communication des lettres adressées à la chambre.


« M. Delacou redemande que le ministre de la guerre soit forcé de s’expliquer sur les décisions qu’il a prises à son égard. (On rit.)

Demande de congé

Nécessité pour M. Goblet de se faire réélire en raison de son nomination comme ministre plénipotentiaire

M. le président. - Le général Goblet écrit la lettre suivante :

« M. le président.

« Chargé par le Roi d’une mission temporaire à Londres, je prie la chambre de vouloir bien m’accorder un congé dont il m’est impossible de préciser la durée.

« Veuillez, M. le président, être mon interprète auprès de la chambre et agréer l’assurance des sentiments de considération avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc.

« Signé, Goblet. »

- Plusieurs membres. - Mais la chambre ne peut lui accorder de congé ; il n’est plus représentant.

M. le président. - M. le général Gobet n’a qu’une mission temporaire.

- Plusieurs membres. - Peu importe ! S’il est ministre ou ambassadeur il est rétribué ; il doit être remplacé s’il est salarié !

M. le président. - Ce n’est pas à la chambre à soulever cette question.

M. H. de Brouckere. - A qui donc appartient le droit de soulever la question, si ce n’est à la chambre ?

M. Seron. - C’est une question constitutionnelle et il s’agit d’un membre de la chambre !

M. Ch. de Brouckere. - Si un membre fait une motion relative à la position du général Goblet, je conviens que c’est à la chambre à décider la question ; mais je désirerais qu’elle ne fût posée qu’en présence du général Goblet, ou plutôt en présence des ministres ; eux seuls connaissent si les fonctions conférées sont salariées ou ne le sont pas.

- Plusieurs membres. - Mais il y a un arrêté !

M. Delehaye. - La qualité de M. Goblet est connue par un arrêté ; et c’est cet arrêté qui a fait dire à un de nos collègues que ce que nous gagnerions à la nomination de M. Goblet, c’est que nous aurions rétribuer deux personnes au lieu d’une. Dès qu’un député accepte des fonctions salariées, il ne fait plus partie de la chambre ; il faut qu’il se soumette à une réélection.

M. de Robaulx. - Peu importe que ce soit une fonction temporaire qui soit confiée ; peu importe que celui à qui elle est conférée reçoive ou ne reçoive pas d’appointements ; d’après l’esprit de la constitution toutes fonctions salariées, ou qui par leur nature sont salariées, soumettent celui qui les accepte à une réélection. M. Goblet est nommé ambassadeur à Londres ; ou si vous voulez, il remplace notre ambassadeur à Londres ; sa position n’est pas équivoque ; un arrêté inséré dans le Moniteur la détermine ; il n’y a pas de question à agiter. Je m’oppose à ce qu’un congé lui soit donné par la chambre, parce qu’il n’en est plus membre.

M. Dumortier. -Nous ne pouvons discuter actuellement la question. Avant de savoir si les fonctions sont salariées, ou ne le sont pas, il faudrait que le ministre des affaires étrangères fût entendu. Je ferai encore une observation à la chambre pour lui montrer qu’elle doit ajourner le débat. Lorsque M. de Theux a été nommé ministre de l’intérieur, vous savez qu’une demande formelle a été faite relativement à sa réélection ; je dis qu’une proposition semblable doit être présentée à la chambre sur la réélection de M. Goblet.

M. Ch. de Brouckere. - L’arrêté concernant M. le général Goblet est dans le Moniteur, soit. Mais d’après cet arrêté l’article 36 de notre constitution peut-il être applicable ? Cet article est ainsi conçu : « Les membres de l’une ou de l’autre des deux chambres, nommés par le gouvernement à un emploi salarié, qu’il accepte, cesse immédiatement de siéger et ne reprendre ses fonctions qu’en vertu d’une nouvelle élection. »

Il résulte de là que si le général Goblet est salarié, il doit se soumettre à la réélection ; mais qui a dit que la mission dont on l’a chargé donnait lieu à un traitement ? Ce n’est pas le ministre des affaires étrangères ; c’est un député qui a dit que tout l’avantage que nous retirerons de la mission de M. Goblet sera que nous aurons deux employés salariés au lieu d’un. Le ministre des affaires étrangères n’a pas répondu à cette observation qui était accompagnée d’une autre question ; on demandait si nous aurions deux ministres ou deux ambassadeurs à la fois : M. le ministre des affaires étrangères a répondu que M. Van de Weyer avait rendu de grands services mais il n’a nullement déclaré que le général Goblet avait un traitement, avait une fonction salariée. Cette question du traitement nous ne pouvons la résoudre sans la présence d’un ministre, et surtout sans la présence du ministre des affaires étrangères. En effet si M. Van de Weyer conserve sa qualité, M. le général Goblet ne saurait être considéré comme ayant un titre auquel une rétribution serait attachée.

M. Jullien. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. Jullien. - La motion d’ordre que j’ai à faire, est pour demander que la discussion soit suspendue jusqu’à ce que le ministre des affaires étrangères soit appelé. Sans doute que l’article 36 de la constitution soumet à la réélection les membres de la chambre qui acceptent des fonctions salariées ; mais pour appliquer ce principe, il faut savoir si M. le général Goblet est pourvu d’un emploi, si cet emploi est salarié. L’arrêté qui le concerne ne répond pas à ces questions ; M. le ministre des affaires étrangères seul peut y répondre.

M. Destouvelles. - J’admets d’autant plus la motion faite par M. Jullien, que déjà M. Goblet s’est trouvé dans une position semblable et que la chambre n’a pas exigé sa réélection. On se rappelle que ce général a été chargé d’une mission à Londres, pour la négociation de la démolition des forteresses ; et il n’est venu dans l’idée de personne de demander qu’il fût soumis à une réélection. Au reste, les questions que l’on adresserait au ministre des affaires étrangères, trancheraient la difficulté qui nous occupe ; si d’après les réponses du ministre, il résultait qu’un traitement sera accordé à M. Goblet, comme ministre plénipotentiaire, il tombera dans le cas de l’article 36 de la constitution ; il n’y tombera pas s’il ne reçoit qu’une indemnité pour frais de déplacement.

M. H. de Brouckere. - La question agitée est fort importante ; c’est une question sur laquelle nous avons besoin de renseignements. Remettons-en la solution à demain ; quand les ministres seront présents, nous aurons les renseignements nécessaires pour pouvoir prononcer.

M. Pirson. - Je demande la parole.

M. Jaminé. - Comme c’est moi qui, dans la séance d’hier, ai fait aux ministres les interpellations que l’on a rappelées dans celle-ci. J’ai prêté une attention scrupuleuse aux réponses du ministre, et je me souviens que M. de Muelenaere a gardé le silence sur ce que j’avais dit relativement au traitement de M. Goblet, et qu’il n’a répondu que sur ce qui concernait M. Van de Weyer.

M. Pirson. - Je demande que le ministre des affaires étrangères soit appelé aujourd’hui même. Messieurs, je parlerai du comité secret puisque les journaux en parlent. Les journaux de ce matin disent que le ministre des affaires étrangères n’a rien répondu aux interpellations qui lui ont été faites et que, de plus, il a déclaré ne pouvoir rien répondre en public aux questions qui désormais lui seraient adressées.

Là-dessus, je lui ai répondu… Il n’est pas nécessaire que je fasse connaître ce que j’ai répondu. (On rit)... J’ai dit que je ferais mes réflexions en public... (On rit encore.) Mais aujourd’hui j’ai à faire des observations d’un ordre plus élevé... Je donnerai même lecture de l’interpellation que j’ai à adresser au ministère si la chambre le veut.

- Voix. - Oui ! oui !

- D’autres voix. - A demain ! à demain ! les interpellations !

M. Pirson. - Il s’agit du voyage du Roi dans mon interpellation. (Oh ! oh !) Il ne faut pas dire oh ! avant de savoir ce que c’est... (Hilarité générale.)

- Plusieurs voix. - Dites ce que c’est.

M. Pirson. - Je veux demander s’il a été pourvu à la signature du Roi en son absence ; je veux demander comment pourraient être faits les actes royaux, s’ils devenaient nécessaires. La signature des ministres ne peut remplacer la signature du Roi ; ils ne peuvent faire un acte royal. Jusqu’ici, on ne nous a pas informés du voyage du Roi à l’étranger, mais je passe sur cette inconvenance car j’ai des interpellations plus importantes à faire sur l’action de l’administration.

Je développerai une motion si l’on veut.

M. le président. - On peut remettre la discussion.

M. Delehaye. - Puisque M. Pirson dit avoir une motion fort importante à faire, je crois qu’il faut l’entendre. C’est en effet une chose grave que le voyage du Roi ; il faut donc que sa haute action administrative soit remplacée pour que la marche des affaires ne soit pas entravée.

M. Destouvelles. - Dans tous les cas il me paraît utile que l’on remette à demain les motions. Si M. Pirson a des questions importantes à adresser au ministre des affaires étrangères, il est convenable qu’il les lui communique avant la séance, afin d’obtenir une réponse si tant est que le ministre puisse y répondre en public. Vous savez que les ministres ont demandé, qu’en général, communication leur fût faite des questions sur lesquelles on voulait les interroger ; et ce désir me paraît naturel.

Je demande la remise à demain de la discussion relative au congé de M. Goblet, et je prie M. Pirson de faire connaitre au ministre des affaires étrangères les interpellations qu’il a à lui faire.

M. Pirson. - Messieurs, puisque la chambre ne paraît pas vouloir m’entendre aujourd’hui, et qu’elle paraît désirer que mes interpellations soient communiquées d’avance au ministre des affaires étrangères, je vous déclare que je vais faire publier ma proposition par les journaux, puisque ce sont eux qui font nos affaires maintenant. (On rit.)

Messieurs, voulez-vous m’entendre aujourd’hui ?

M. Jaminé. - Je crois qu’il faut entendre M. Pirson actuellement.

M. Pirson. - Je demande que le ministre des affaires étrangères… (A demain ! à demain !)

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande que M. Pirson veuille bien déposer sur le bureau la question qu’il veut adresser au ministre ; ce dépôt est, je crois, dans les convenances parlementaires.

M. de Robaulx. - Est-ce comme ministre ou comme député que vous parlez ?

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - C’est comme on voudra.

M. de Robaulx. - C’est à notre choix ; ainsi ce n’est ni comme ministre ni comme député... (On rit.)

M. Pirson. - Je ne déposerai pas sur le bureau la question que j’ai à adresser ; je la ferai imprimer dans les journaux ; on en fera ensuite ce qu’on voudra.

- Tous ces débats incidents se terminent là et n’ont pas d’autre suite.

Projet de loi portant organisation du service de la douane

L’ordre du jour est la discussion du projet de loi relatif aux lignes de douanes.

Discussion générale

M. de Nef. - Je demande la parole.

M. H. de Brouckere. - Nous ne pouvons discuter cette loi en l’absence du ministre des finances.

M. Ch. de Brouckere. - M. le ministre des finances est au sénat ; il ne peut être en deux endroits à la fois ; mais il y a ici, au nombre des membres de la chambre, un administrateur qui pourra donner les renseignements dont on aura besoin.

M. Duvivier. - Je ne suis pas précisément chargé de défendre le projet de loi ; j’en parlerai comme député et comme administrateur, je pourrai entrer dans quelques détails, s’ils sont nécessaires. M. le ministre aura remis un amendement ; j’en exposerai les motifs ; j’en soutiendrai le contexte ; mais je le répète, je ne parlerai que comme député.

M. de Nef. - Messieurs, il y a quelque temps, à l’occasion d’une pétition adressée à cette chambre, j’eus l’honneur de faire remarquer l’importance du plus ou moins de profondeur du rayon et de signaler les graves inconvénients qui pourraient naître dans plusieurs localités, où le pouvoir exécutif aurait compris dans le rayon des établissements ou des populations considérables.

Depuis lors, je dois reconnaître que les agents, chargés par le ministère de former le tracé du rayon, sont revenus à des idées beaucoup plus modérées, qui gêneront moins les habitants des frontières et seront aussi plus conformes à l’esprit du projet de loi en discussion ; toutefois j’aurais préféré que la nouvelle ligne et sa profondeur eussent été déterminées par la loi elle-même, pour prévenir ainsi toute fixation arbitraire.

Quant à la profondeur du rayon, je pense avec M. le ministre qu’un myriamètre doit suffire partout pour empêcher la fraude, si l’on a soin de former un bon personnel composé d’employés actifs et surtout incorruptibles, et si dans le nouveau système de douanes on se décide à régler les droits d’après le poids et non d’après la déclaration de la valeur. J’espère que l’on parviendra alors à combattre la fraude d’une manière efficace, et à faire cesser un abus qui non seulement est nuisible au trésor mais encore plus au commerce, en ce qu’il est impossible que les marchandises déclarées, et sur lesquelles les droits ont été perçus soutiennent la concurrence avec celles qui ont été fraudées.

Je ferai encore une observation sur l’article premier du projet en discussion ; d’après cet article, le pouvoir exécutif est seulement autorisé à tracer le cours du rayon à la distance au plus d’un myriamètre de l’extrême frontière de terre ; il lui resterait donc défendu de tracer aucun rayon hors de cette distance ; cependant l’ennemi occupe encore sur notre territoire différents endroits, qui sont à plus d’un myriamètre de distance de l’extrême frontière ; les environs de la citadelle d’Anvers, la tête de Flandres sont dans ce cas ; ces endroits communiquent journellement avec la Hollande et doivent par conséquent être surveillés pour y empêcher la fraude ; or, si l’article reste tel qu’il est dans le projet, il sera absolument impossible d’exercer la moindre surveillance à l’égard de ces diverses localités, puisque le pouvoir exécutif ne pourrait prendre aucun arrêté, qui tendrait à modifier la loi, et que s’il prenait même un arrêté semblable, il serait inconstitutionnel et par suite ne pourrait être appliqué par les cours ou tribunaux.

Il existe, à la vérité, un arrêté du régent en date du 4 mars 1831, et qui fixe un rayon aux environs de la citadelle d’Anvers, mais je pense, messieurs, que cet arrêté se trouverait en contradiction avec les termes de la loi, et qu’il serait par suite sans force et sans application ; je proposerai donc d’ajouter à l’article premier, le paragraphe suivant : « le pouvoir exécutif pourra également tracer des rayons provisoires à la distance d’un myriamètre au plus des endroits actuellement occupés par l’ennemi sur le territoire de la Belgique. »

M. Davignon. - Messieurs les nombreuses réclamations sur la fraude vraiment scandaleuse qui s’est faite sur nos frontières ont, à ce qu’il paraît, éveillé l’attention du gouvernement. L’arrêté royal du 9 courant, réglant le mode de répartition du produit des amendes et confiscations en matière de douane est une amélioration, dont la nécessité se faisait sentir depuis longtemps. C’est une sauvegarde contre les entreprises de malveillante ; c’est un stimulant qui fera son effet ; c’est un parfait vers une meilleure situation, et je considère aussi comme telle la loi maintenant en discussion.

La deuxième ligne de douanes établie par la loi du 26 août 1822 dans l’intérieur à 3 et 4 lieues de la frontière est complètement illusoire. On ne pourrait lui conserver l’existence qu’au détriment du trésor, et sans avantage pour le commerce.

Le simple rayon que l’on nous propose d’établir, remplira-t-il mieux le but dans un pays d’une étendue aussi circonscrite que le nôtre ? C’est ce que l’expérience nous prouvera si le projet est adopté. Mais avant tout, il faut qu’il soit pourvu à l’exacte surveillance par un personnel suffisant, compact et composé d’employés probes, actifs et dévoués ; c’est pour cette composition que j’appellerai l’attention de M. le ministre et de M. l’administrateur-général ; ils en connaissent trop l’importance pour qu’il soit nécessaire d’entrer dans de longs détails pour la démontrer.

Par le changement proposé l’étendue actuelle de territoire réservé est double ; quelques intérêts particuliers et de localité pourront en souffrir, mais, comme l’explique très bien M. le rapporteur de la section centrale, c’est un inconvénient inévitable, il faut bien en faire le sacrifice à l’intérêt général. Il est bon de dire cependant que cela ne consiste qu’en un peu plus d’entraves que dans la situation actuelle dont les fraudeurs auront assurément à se plaindre, en formalités un peu plus gênantes, sans doute, mais, comme nous l’assure M. le ministre, dans son exposé des motifs, le gouvernement fera tout ce qui sera possible pour concilier les intérêts de commerce et des populations des frontières avec les garanties et la protection dues à l’industrie nationale et au trésor.

Je crois inutile, messieurs, pour ne pas abuser des moments de la chambre, de faire valoir d’autres considérations que celles que la section centrale nous présente par l’entremise de son rapporteur ; vous les avez sous les yeux.

Je m’associe aux vœux qu’elle émet pour la révision de la législation actuelle sur les douanes.

Le moment n’est pas venu de toucher à notre tarif ; prenons d’abord des mesures et des mesures énergiques pour constituer définitivement l’Etat ; alors seulement nous pourrons, avec quelques chances de succès, tenter les moyens d’établir avec nos voisins, comme le dit M. le rapporteur, des traités de commerce sur les bases d’une juste réciprocité, de concessions mutuelles et de compensations respectives.

Je me proposais de demander à la chambre, s’il ne conviendrait pas d’établir des pénalités pour les contraventions ; mais M. le ministre présentera, me dit-on, un amendement dans ce sens. J’attendrai les éclaircissements de la discussion pour me prononcer. Je me borne, pour le moment, à ces simples observations ; de plus longs développements seraient ici chose superflue. J’ai dit.

M. Hye-Hoys. - Messieurs, je doute beaucoup que le gouvernement atteigne le but qu’il se propose en supprimant un rayon de douanes.

Je demanderai à M. le ministre des finances, s’il croit qu’en effet une seule ligne suffira, et sera suffisamment surveillée par un personnel bien organisé ; car, messieurs, ne perdons pas de vue que nous aurons une douane d’une longue étendue, qui sera très difficile à observer du côté de la Hollande, qui a un système à elle tout opposé au nôtre, et qui est nouveau pour la Belgique.

Jamais notre pays ne s’est trouvé dans cette position envers la Hollande avant la réunion à la France. Nous n’avions point autrefois des fabriques nombreuses à la mécanique, nous n’étions pas encore les rivaux de l’Angleterre et de la France ; sous ce rapport notre position commerciales est donc toute différente aujourd’hui.

Eh bien ! messieurs, nonobstant qu’alors les droits d’entrée étaient modérés, on n’est jamais parvenu à empêcher une fraude ruineuse pour le commerce par la frontière de la Flandre hollandaise, je n’entends pas parler ici du haut commerce, mais plutôt de nos commerçants détaillants ; pourquoi autrefois la foire du Sas-de-Gand était-elle si importante et si renommée ? Parce qu’on y apportait une masse de marchandises qui y furent promptement enlevées, et introduites ensuite en fraude dans le pays. Aussi je suis du nombre de ceux qui pensent qu’une grande faute politique a été commise en ne s’emparant point de cette partie de territoire quand on en avait l’occasion, et qui devait à jamais appartenir à la Belgique, d’autant plus que les 2/3 du sol sont la propriété belge.

J’aime à ne pas douter que nous maintiendrons un système de douane comme nos voisins les Français, Anglais et Prussiens, pour protéger notre industrie manufacturière, et pour cela nous avons besoin comme j’en ai émis le vœu dans une autre occasion, d’une douane forte et serrée.

Enfin, la Hollande admet les marchandises de manufactures étrangères moyennant un droit de 4 p. c., tandis que nous les imposons de 20, 25, et même 50 p. c. de la valeur.

Vous voyez donc, messieurs, qu’il n’y a pas à balancer, que si nous ne voulons pas anéantir notre industrie mercantile, nous devons en attendant le rapport de la commission sur le système général, empêcher que nos manufactures ne se ruinent totalement.

Avant de donner mon assentiment au projet de loi qui est soumis, j’attendrai la fin des débats.

M. de Robaulx. - Messieurs, à la lecture du projet, il semble que l’on veuille introduire quelque amélioration dans la législation des douanes et surtout augmenter la surveillance. Je conçois que plus on rétrécit le rayon à surveiller et plus on augmente les moyens d’éviter la fraude. Cependant, messieurs, avant d’admettre trop légèrement cette disposition il faut réfléchir que l’on met en interdit un myriamètre de territoire tout autour de la Belgique.

On sait à combien de vexations les habitants sont soumis, lorsque les exécuteurs de la loi des douanes sont plus exigeants que la loi elle-même. Dans les dispositions du projet, on permet les visites domiciliaires la nuit comme le jour. Il résulte de là qu’il n’y aura pas un domicile, malgré les bons principes proclamés par la constitution, qui ne puisse être soumis à ces visites. Vous augmentez en outre du double le rayon réservé, en sorte que vous allez mettre véritablement en interdit, la plus grande partie du territoire.

Une autre disposition qui me fera voter contre la loi, c’est le droit de suite. Le deuxième paragraphe de l’article 4 est ainsi conçu :

« Les préposés des douanes pourront en outre, en cas de poursuite de la fraude, la saisir même en-deçà du rayon ci-dessus fixé, pourvu qu’ils l’aient vue pénétrer et qu’ils l’aient suivie sans interruption. »

Vous le voyez, il faut s’en remettre à la foi d’agents plus que subalternes.

Les douaniers intéressés à faire des prises sont maintenant autorisés à poursuivre indéfiniment dans l’intérieur ; ainsi on vous propose d’étendre le second rayon dans toute la profondeur de la Belgique. Telle est la conséquence du droit de suite.

Je n’attaque pas les employés de la douane en général ; mais il n’est que trop vrai qu’ils font facilement des procès-verbaux faux ; j’en ai tenu. On pourra donc vous dresser procès-verbal dans lequel on assurera avoir vu la fraude, afin d’avoir le prétexte de la suivre ; vous mettrez, par votre loi, les employés entre leur serment et la vérité, et je crois que le serment aura tort quand il sera contraire à leurs intérêts.

Je voterai contre la loi.

M. Duvivier. - Par le projet, il y a augmentation de l’un des deux rayons de surveillance établis par la législation existante, et il y a amélioration réelle en ce qu’on applique à un rayon double les mêmes formalités qu’on appliquerait au rayon qui était fixé. Ce rayon n’était pas suffisant ; c’est cette raison qui a déterminé l’administration à proposer un juste milieu (on rit) entre les rayons anciens et ceux qui seraient nécessaires pour éviter toute fraude Toutes les formalités majorées au rayon d’une lieue seront applicables à deux ; mais la chose est indispensable. Pour prouver qu’il en doit être ainsi, je rappellerai les principes posés dans le rapport.

Il faut une gêne quelconque pour amener le bien général du pays.

Cependant que l’on ne vienne pas insinuer que les dispositions de la loi apporteront des gênes inutiles ou vexeront le moins du monde les habitants, forcés d’être soumis à une gêne pour le bien général du pays.

Si des vexations avaient lieu les auteurs en seraient punis. J’écarterai donc de la discussion ce qui a été dit sur ce point.

Quant aux visites domiciliaires, je ne sais où le préopinant a trouvé qu’elles pouvaient se faire se faire la nuit. Les employés des douanes ont bien accès dans les domiciles, mais c’est dans les usines et non chez les particuliers. Les usines leur sont ouvertes ; et, cependant, ils ne peuvent y pénétrer qu’avec l’officier public. Les visites domiciliaires sont maintenues dans toute législation : dans la législation de nos voisins, elles sont autorisées ; elles n’ont lieu qu’entre le lever et le coucher du soleil ; elles ne peuvent être faites qu'en présence d’un agent municipal ou du juge de paix. Je pense que toutes ces garanties sont plus que suffisantes pour éviter aux habitants des vexations.

Et ici je fais un appel aux habitants des rayons soumis à la surveillance pour qu’ils fassent connaître les auteurs des vexations s’il y en a de commises. Ils verront avec quelle vigueur elles seront réprimées.

Le droit de suivre la fraude est un droit chez nos voisins et chez nous. Il est évident que si les employés ne l’ont pas perdue de vue, ils peuvent la saisir. Il y a trop d’intérêt pour les manufacturiers et pour le trésor à poursuivre les fraudeurs. Ils ne peuvent être impunis parce qu’ils auraient remporté le prix de la course sur les douaniers.

J’ai entendu avec le plus vif regret dire que les employés feraient de fausses déclarations dans leurs procès-verbaux. Mais ce cas est prévu. Si des faits semblables parvenaient à la connaissance de l’orateur qui en a parlé, je demanderai qu’il les fasse connaître, qu’il emploie la force de son talent pour les signaler et pour appuyer les réclamations, et il verra si les coupables seront poursuivis et punis.

M. de Robaulx. - Je demande la parole pour un fait qui m’est personnel.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. de Robaulx. - Il est inconvenant de venir ici m’inviter à signaler des faux dans les procès-verbaux, et à appuyer les réclamations de mon talent ; je parle des faux dans les procès-verbaux comme législateur ; mais je ne suis point chargé de les dénoncer.

M. Duvivier. - Je n’ai voulu rien dire de choquant en invitant l’orateur à appuyer de la force de son talent les réclamations auxquelles de faux procès-verbaux donneraient lieu ; j’ai voulu dire que les faux seraient punis.

M. de Robaulx. - Je demeure dans un rayon où les visites se font ; là j’ai vu discuter des procès-verbaux inexacts ; j’ai tenu des procès-verbaux contre lesquels on s’est inscrit en faux. Eh bien, je dirai que là on a fait visite domiciliaire la nuit. Je crois que les employés se font accompagner du juge de paix ; mais qu’il y ait juge de paix ou officier municipal, ce n’est pas là une garantie suffisante ; toujours est-il qu’ils ont droit de venir chez moi à toute heure.

C’est une inconstitutionnalité à laquelle on doit prendre garde avant de l’établir.

La fraude la plus considérable se fait en esprit... Ce n’est pas en cet esprit dont on a tant besoin, (on rit.) c’est de l’esprit-de-vin, de l’eau-de-vie, cette fraude se commet à l’aide de vessies ; les employés pourront désormais poursuivre l’esprit jusqu’à Bruxelles, d’après le droit de suite. Jugez si cela est convenable.

M. A. Rodenbach. - Je crois devoir repousser de toutes mes forces le projet ministériel, et celui de la section centrale. Voici, en peu le mots, mes motifs péremptoires.

Le ministre prétend que, par un rayon unique, il éliminera la contrebande, mon opinion à ce sujet est diamétralement opposée. Je le prouverai par des faits.

C’est presque toujours dans la première ligne de douanes que les préposés attaquent et mettent en déroute les bandes de fraudeurs. Une fois dispersés les contrebandiers se jettent çà et là dans la seconde ligne, et ce n’est que dans le second rayon que les douaniers en embuscade dans les fossés, dans les bois, etc. font des prises par suite du choc qui a eu lieu en première ligne. Je crois, messieurs, les assertions que j’avance tellement fondées, que si le ministre ou son administrateur-général voulait produire les registres du contentieux, on y verrait que sur 20 grandes prises 15 se font dans le second rayon que l’on veut inconsidérément supprimer.

Je ne conçois pas l’étrange esprit fiscal qui a pu présider à la rédaction de ce projet de loi, qui est tout à l’avantage de la contrebande, et ruineux pour notre industrie commerciale et manufacturière. Jusqu’à présent les fraudeurs devaient parcourir quatre lieues pour arriver avec leur charge à destination, dorénavant ils n’auront plus que deux lieues de marche, il s’en suivra qu’au lieu de faire dans une nuit une seule opération, ils en feront deux.

Je pense que de pareils arguments suffiront pour laisser notre pitoyable douane en statu quo jusqu’à révision du nouveau système d’impôts ; car je préfère encore le mauvais au détestable.

Je prie M. l’administrateur général de répondre catégoriquement, puisqu’il est chargé de la part du ministre de défendre le projet.

M. Delehaye. - L’expérience nous a prouvé que les lois provisoires ne produisaient aucun bien. J’ai la conviction que la loi actuelle améliorera peu la situation des industriels, et je suis convaincu qu’elle empêchera peu la fraude ; pour l’empêcher il faudrait diminuer les droits sur certaines marchandises et puis il faudrait permettre au gouvernement de saisir d’autres marchandises partout où elles se trouvent. Si vous ne prenez pas ces mesures, vous ne produirez rien d’utile pour le commerce et l’industrie.

On a vanté le succès obtenu par la France avec sa législation. Elle a frappé de 15 p. c. l’entrée de nos dentelles ; eh bien ! au vu et au su du gouvernement, l’entrée des dentelles par la fraude se faisait à 5 p. c. Les commerçants aimaient mieux payer cet impôt aux fraudeurs que de payer 15 au gouvernement. Des plaintes ont été faites ; le gouvernement les a accueillies ; il a diminué les droits et la fraude n’a plus lieu.

Autre exemple, les cotons suisses, qui se vendent en Belgique à plus bas prix qu’en Suisse, sont introduits en fraude. Si vous ne les saisissez pas partout où ils se trouvent, vous n’empêcherez pas leur entrée.

En France, tous les cotons sont soumis à l’estampille. Je voudrais que partout où ils ne porteraient pas cette marque de plomb, ils fussent saisis, je crois que les personnes qui ne veulent pas frauder aimeront mieux s’exposer à un petit embarras qu’à être ruinées.

Je voterai donc contre le projet, parce qu’il est provisoire.

M. Jullien. - Depuis 1816, on n’a fait autre chose que de faire et défaire des lois sur les douanes et sur les accises. Dans une période de huit années, de 1814 jusqu’à 1822, on compte deux ou trois lois générales, et la dernière, celle de 1822, est la plus détestable de toutes celles que jamais législateur ait pu faire. C’est un vaste réseau qui a été jeté sur l’industrie du pays, et dans lequel on est certain de prendre en contravention tous les contribuables.

La loi est incompréhensible. Indépendamment du génie fiscal qui y règne, elle renferme la plus grande obscurité. Les particuliers poursuivis sous quelque prétexte que ce soit sont obligés de transiger ou bien on les ruinerait à force de poursuite. Telle est la législation qui régnait sous le gouvernement déchu ; et je puis vous en parler, car j’ai eu plus d’une occasion de m’élever contre cet odieux système.

Que nous propose-t-on ? On nous propose de coudre des pièces, de mauvais lambeaux à cette mauvaise loi ; on devrait ne plus revenir à cette législation, et se souvenir des principes posés dans la loi du 22 juillet 1791, qui a été le droit commun de la France et de la Belgique pendant 18 ans, qui est encore le droit commun en France, et que l’on a signalée partout comme un modèle de clarté et de précision. Pourquoi ne revient-on pas à cette loi, en y ajoutant ce qui, d’après nos progrès, devrait y être ajouté ? Mais au lieu de cela, on nous propose de faire un rayon unique, parce que, dit-on, il empêchera mieux la fraude. Je croirais à ce raisonnement si on l’employait autrement. Je suis sûr qu’on l’a employé en présentant la loi qui ordonnait un second rayon. On n’a pas manqué de dire que par le second rayon on saisirait la fraude qui échapperait au premier.

Mais dira-t-on : nous n’avons qu’une armée de 5,000 douaniers et ils ne suffisent pas pour observer dans les deux rayons. Un rayon unique sera plus compact. Cette raison bonne aujourd’hui, comment a-t-elle pu être mauvaise ? Car le personnel n’a pas changé.

Un des principaux motifs qui me feront rejeter la loi, c’est celui qui a été indiqué par M. de Robaulx. C’est le droit de suite. En donnant ce droit aux employés, ils poursuivront la fraude partout où ils voudront. En principe quand une marchandise a franchi les bureaux de douanes, elle doit être aussi libre que toutes les autres. Vous ne manquerez pas d’employés qui vous diront avoir vu des marchandises entrer. Il n’y a pas longtemps que j’ai vu saisir, à quatre lieues dans l’intérieur, une grande quantité de draps qui venaient de France. Ils étaient dans un magasin, ils étaient la propriété d’un particulier qui les avait achetés. Ils ont été vendus à Bruges.

Dans un temps où les magistrats étaient amovibles, on les encourageait par des récompenses, et il est arrivé que les mesures les plus odieusement fiscales, étaient soutenues et appliquées par les tribunaux.

Si vous admettez le droit de suite, je ne sais où l’employé s’arrêtera ; il viendra saisir au cœur de Bruxelles. Limitez ce droit ; dites qu’il s’étendra à une lieue, à une demi-lieue.

On aura beau dire ; quand vous serez poursuivi en vertu de ce droit, vous ferez la preuve contraire. Comment la fera-t-on ? Des témoins attesteront que les douaniers n’ont pas vu quand ceux-ci attesteront qu’ils ont vu ; la décision sera toujours en faveur du fisc. Il sera impossible d’établir un alibi, c’est-à-dire de prouver que les marchandises étaient dans tel lieu, quand les douaniers assuraient qu’elles étaient dans tel autre.

Comme l’a dit M. Delehaye, pour dissimuler la fraude, diminuez les droits ; les soieries, les spiritueux, les sels sont l’objet de la contrebande ; pourquoi ? Parce que les droits sont exorbitants ; parce que vous prenez 15 p. c. sur les spiritueux ; parce qu’ils ne sont pas moins forts sur les soieries et sur les sels. Si les droits étaient fixés sur les spiritueux à 5 p. c. ce qui réduirait le produit à 4 p. c. parce qu’il faut laisser 1 p. c. à la fraude, le fisc percevrait autant car en finances, deux et deux ne font pas quatre.

Il faut nous débarrasser de la législation de 1822 et revenir aux principes de la législation de 1790.

D’après ces considérations, et celles qu’ont fait valoir les préopinants, je voterai contre la loi.

M. Duvivier. - Je ne contesterai pas la nécessité de réviser la législation des douanes. Cette vérité est reconnue, et diverses commissions ont été instituées dans ce but : l’une composée des membres de cette chambre, l’autre formée en dehors, recherchent surtout ce qu’il convient de faire pour l’industrie. Quant à la nécessité de réviser les lois générales sur l’exportation, l’importation, le transit, ce travail me paraît nécessaire ; mais il ne pourra se faire que dans un temps plus tranquille et où il y aura moins de désordre. Actuellement je dois faire observer à l’honorable préopinant que l’une des considérations qu’il a fait valoir tombe devant la nécessité où se trouve l’administration depuis plusieurs années.

Depuis 1816, il s’est opéré des fusions dans les diverses administrations ; après ces fusions il devenait indispensable de faire des lois. Vous savez qu’on a réduit plusieurs administrations en une.

La loi de 1791, dit-on, est un modèle en fait de douanes ; cela est vrai ; elle équivaut à la loi de frimaire an VII pour l’enregistrement et à l’ordonnance de 1669 pour les eaux et forêts, et dont les dispositions sont encore suivies ; mais la législation de 1791 a été suivie de tant de partielles, qu’elles feraient un volume, et qu’il ne reste de cette loi que les principes généraux qui sont en vigueur. Il faudrait donc, dans une révision, embrasser toutes ces lois et toutes les ordonnances.

Voilà les difficultés du travail. Il n’est pas impossible ; mais on voit combien de temps et de soins il réclame. Je crois avoir, par ces détails, suffisamment répondu aux observations présentées par les honorables préopinants.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne pourrai donner mon assentiment au projet de loi que je crois peu propre à remplir le but qu’on se propose. Assurément ce n’est pas en réduisant de deux en un les rayons de douanes, que l’on pourra plus facilement mettre à exécution des mesures de surveillance d’autant plus importantes que toutes les fois que l’on veut résumer les moyens d’exécuter les lois sur le transit, sur les accises et sur les droits à l’entrée et à la sortie, il faut toujours en revenir à cet axiome, qu’une bonne ligne de douanes est indispensable pour cela. Je crois donc que le projet, loin d’atteindre le but proposé, sera préjudiciable à l’industrie et au commerce.

Je ne répéterai pas tout ce que les honorables préopinants vous ont dit à ce sujet, mais je dois dire que pour que la fraude scandaleuse qui se fait à la frontière soit efficacement réprimée, il faut que l’on ajoute des brigades à cheval aux brigades à pied qui existent actuellement. Vous sentez en effet, messieurs, qu’avec des frontières aussi étendues que les nôtres du côté de la Hollande et dans un pays découvert comme la Campine où l’on voit un homme à une lieue de distance, il sera bien facile aux fraudeurs d’échapper. Ce n’est donc pas en restreignant la ligne que vous éviterez la fraude.

Je ne puis admettre le système de l’honorable M. Delehaye qui voudrait que l’on pût saisir, partout où on la trouverait, la marchandise introduite par contrebande dans le pays. Ce système, suivi en France, y a produit une infinité de réclamations et de vexations sans nombre, que je serais fort fâché de voir se reproduire en Belgique.

Sans doute, je suis d’avis que l’on punisse sévèrement les fraudeurs et surtout que l’on ne transige jamais avec eux, car ce sont précisément les transactions qui encouragent les fraudeurs ; mais d’une punition juste et nécessaire à mettre le royaume en interdit, il y a loin. On arriveriez-vous avec un système qui permettrait de saisir à l’un sa culotte, à l’autre son mouchoir (hilarité générale), sous prétexte que ces objets seraient entrés en fraude ? Messieurs, j’espère que jamais pareille honte ne sera imposée à la Belgique.

Je ne conçois pas non plus ce qui a pu porter la section centrale à supprimer quelques dispositions du projet primitif, qui me paraît à beaucoup d’égards préférable à celui qu’elle lui a substitué. Aussi dans le projet ministériel, on disait que les boutiques, usines et fabriques qui se trouveraient établies dans le rayon au moment de la mise à exécution de la loi ne seraient pas soumises à l’autorisation préalable.

Cette disposition était fort sage, je ne vois pas quel motif a pu la faire supprimer et enlever ainsi toute garantie aux industriels établis dans le rayon, sur la foi de l’ordre de choses existant. Je ferai remarquer que, par la loi de 1822, il est défendu d’établir des dépôts de marchandises dans l’intérieur du rayon ; la commission, en supprimant l’article du projet ministériel, est venue remettre en question l’existence de toutes les industries établis dans le rayon. L’article 2 du ministère porte : « Toutes les dispositions de la loi générale précitée, qui concernent le territoire mentionné à l’article 177, sont rendues applicables au rayon d’un myriamètre à tracer en vertu de l’article précédent. »

La section centrale a conservé cette disposition dans l’article 4 du projet, mais elle en a retranché la deuxième partie qui était ainsi conçue : « Sauf que les boutiques, usines, fabriques qui se trouveront établies au moment où la présente loi sera mise à exécution, ne seront pas soumises à l’autorisation préalable. »

Cette mesure me semblait très sage, pourquoi donc la supprimer ? Parce que, dit la section centrale, la loi aurait eu sans cela un effet rétroactif. Mais où est-il ? Les habitants du rayon avaient un droit acquis avant la loi, vous le leur conserver, ce n’est assurément pas rétroagir. C’est en leur enlevant leur droit que vous rétroagiriez, ce serait mettre une foule de commerçants, de boutiquiers, de marchands sur la paille en attendant qu’ils pussent obtenir une nouvelle autorisation.

L’honorable M. de Robaulx vous a signalé les vices du droit de suite que la section centrale a admis dans le projet ; je n’ajouterai qu’un mot à ce qu’il vous a dit : ne vous y trompez pas, messieurs, les vexations sans nombre que ce droit a occasionnées en France, vous les allez voir naître en Belgique et chaque jour amènera des vexations nouvelles et des procès et des contestations sans fin. J’ai habité la ligne des douanes et souvent j’ai été témoin que les douaniers ne se faisaient aucun scrupule d’attester des faits évidemment faux. L’honorable M. Duvivier nous a dit que de pareils abus ne sont pas à craindre parce que l’administration ne les tolérera pas ; mais M. Duvivier ne sera pas toujours à la tête de l’administration, il ne restera pas cinquante ans chargé de faire exécuter la loi (hilarité), et la loi peut durer 50 ans et au-delà ; c’est donc une faible garantie que nous aurions là. Par ces considérations, je voterai contre le projet de loi.

M. A. Rodenbach. - Puisque M. Duvivier s’est chargé de défendre le projet en l’absence du ministre, je le prie de répondre aux objections que je lui ai présentées, et sur lesquelles il n’a pas répondu un seul mot. Pour lui en rafraîchir la mémoire, je lui dirai que c’est toujours dans la deuxième ligne des douanes que les fraudeurs étaient arrêtés, parce qu’ils attaquent toujours en masse la première ligne et parviennent à la dépasser. Je lui ai dit aussi que s’il voulait consulter ses registres, il y verrait que sur 20 grands procès, je ne parle pas ici des petits procès sans importance, mais des grands procès seulement ; eh bien, sur 20 de ces grands procès, il verra qu’il y en a 15 qui ont été faits, pour des cas constatés dans le second rayon.

M. Duvivier. - Je vais répondre deux mots pour satisfaire l’honorable préopinant, c’est précisément parce que les contrebandiers attaquent la première ligne que la deuxième les attrape, car les cris, le bruit qui se fait aux premiers postes, donnent l’éveil aux seconds et il est plus difficile d’échapper à ces derniers.

Aujourd’hui que tout le personnel sera rapproché, que les intervalles d’un poste à l’autre seront moins considérables puisqu’ils ne seront répandus que sur une profondeur de deux lieues au lieu de quatre, il est constant que l’appel des premiers aura plus facilement de l’écho dans les seconds, et qu’il sera plus difficile d’échapper à la surveillance. Quant aux procès-verbaux dont a parlé l’honorable membre, je pourrais en faire l’objet de mes recherches pour le satisfaire ; je lui ferai cependant observer qu’il serait impossible de savoir si les contraventions ont été constatées dans la première ou dans la deuxième ligne. Nous savons bien à quel poste ont été dressés les procès-verbaux, mais nous ne savons pas si c’est à la première ou deuxième ligne que les fraudeurs ont été surpris.

M. Delehaye. - Messieurs, je n’aurais pas demandé la parole une seconde fois si l’honorable M. Dumortier n’avait présenté sous un jour peu favorable l’opinion qu’il avait émise.

Il a dit que la mesure dont j’ai parlé d’estampiller les marchandises serait honteuse pour le gouvernement. Mais je le demande, où est la honte là-dedans ? Le gouvernement français l’a mise en pratique, en est-il résulté quelque honte pour la France ? Mais en Belgique aujourd’hui même, n’exige-t-on pas que les poids et mesures soient marqués ? Quelqu’un a-t-il songé à taxer cette précaution de honteuse ? Mais, dit M. Dumortier, on pourra donc venir prendre un mouchoir à un particulier, ou d’autres objets à son usage ? Non sans doute, et cela ne résulte en aucun façon de ce que j’ai dit.

J’ai parlé d’estampilles à apposer aux marchandises pour pouvoir les reconnaître et les saisir chez les négociants, mais jamais chez les particuliers. Je n’ai pas même d’ailleurs fait de proposition formelle à ce sujet, dans la conviction où j’étais que la chambre se montrerait peu disposée à l’accueillir. Mais il n’est pas moins vrai que le vœu de tous les grands fabricants serait de voir établir une semblable mesure.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, toutes les objections faites contre le projet de loi semblent tendre à dire qu’il faudrait supprimer toute ligne de douanes. Je sais, aussi bien que personne, tout ce que les lignes de douanes ont d’odieux et de gênant, mais à l’existence des douanes se tient une multitude d’intérêts sacrés que vous ne pouvez trahir. Ces intérêts, vous devez les maintenir et les défendre de toute atteinte, sans cela vous détruiriez de fond en comble une foule d’existences.

Tous les reproches qu’on faut au système des douanes sont très fondés et très réels, et on peut en ajouter encore un autre à tous ceux qu’on a articulés, et celui-ci est le plus grave. C’est que les lignes de douanes sont un foyer de corruption et démoralisation, pour le commerce, l’industrie et pour tous les habitants des frontières. C’est un fait constant qu’au délit de fraude et de contrebande, il ne s’attache aucune idée flétrissante. C’est là un délit artificiel et on ne confondra jamais l’auteur d’un semblable délit avec celui qui aurait foulé aux pieds les lois de la morale.

Or, messieurs, c’est un grand mal que de créer des délits artificiels, parce qu’on peut les commettre sans honte comme sans remords, mais enfin de quoi s’agit-il dans la loi ? Tout le monde demande que la fraude soit réprimée et que le personnel de surveillance soit renforcé. Si vous voulez un système efficace et vraiment répressif, il faut en subir les conséquences, ne pas se récrier contre la gêne et les autres inconvénients qu’il entraîne à sa suite. La corruption des employés, les intérêts du fisc, l’avidité de ceux qui se livrent à la contrebande vous font une loi de subir cette gêne.

A cet égard, quand le projet a été discuté dans la section centrale, on nous a fait de tristes aveux ; il est tel employé qui, n’ayant que 800 fl. d’appointements, a trouvé le moyen d’acheté un bien de 30 mille fl. Devant un tel scandale, l’administration est sourde et aveugle et l’employé conserve sa pace ; dans la discussion du budget on a trouvé exagérée l’armée de 5,000 employés qu’exigent vos lignes de douanes ; eh bien ! messieurs, ces employés, tout nombreux qu’ils sont, ne suffisent pas au service, et d’après la manière dont ils sont dirigés, ils ne font pas même de service. En France il y a un service de nuit, fait par des patrouilles de douaniers qui se croisent dans tous les sens. Allez sur nos côtes, vous verrez que, quand la nuit est arrivée, nos douaniers vont se coucher et laissent les fraudeurs libres de se livrer à leurs opérations.

Nous aurons donc beau faire des lois pour réprimer la fraude ; aussi longtemps que l’administration ne prendra pas des mesures plus efficaces pour la réprimer, elle marchera haut la main et franchira tous les obstacles que nous tâcherons de lui opposer. La section centrale a pensé comme le gouvernement qu’une seule ligne de douanes serait plus puissante à empêcher la contrebande que deux, et je le pense de même, les postes plus rapprochés pourront exercer une surveillance plus active.

Mais, a dit un honorable membre, quand deux rayons de douane ont été trouvés insuffisants, comment persuadera-t-on qu’un seul suffira ? La chose est facile à comprendre. Si au lieu d’éparpiller vos employés dans un espace de 4 lieues, vous les concentrez dans un espace de 2 lieues, vous doublez leurs forces. Que dis-je ? vous ne les doublez pas, mais vous les quadruplez, car c’est en raison du carré de la distance à garder qu’il faut calculer l’augmentation des surveillants, ainsi là où 4 employés suffiraient pour garder deux lieues, il en faudra 16 en doublant la distance. Vous voyez donc que ce problème que vous aviez cru insoluble reçoit une solution très simple par cette explication.

Un autre membre a attaqué la modification apportée à l’article 2 par la section centrale. Si l’honorable membre avait recouru au rapport de la section centrale, il n’aurait pas fait son objection. La section centrale, en supprimant la seconde partie de l’article 2, a eu pour objet de faire disparaître de la loi une disposition complétement inutile.

Que résultait-il, en effet, de cette deuxième partie de l’article ? Que les boutiques, usines et fabriques actuellement existantes ne seront pas soumises à l’autorisation préalable, voulue par la loi de 1822. Il était inutile de le dire, parce que la loi ne rétroagissant pas, il est évident que les droits acquis n’en peuvent recevoir aucune atteinte, d’où par conséquent l’inutilité d’en faire la déclaration expresse dans la loi.

Mais, dit-on, l’affranchissement de la partie de territoire, qui va être distraite du rayon, par son rétrécissement ne se trouve pas consacré par le projet de loi de la section centrale, comme il l’était par le projet ministériel. Mais il est par trop évident que dès que l’une des deux lignes disparaît et que celle qui reste va être tracée en dedans de certaines limites, tout ce qui se trouvera hors de ces limites sera affranchi par le fait et sans qu’il soit besoin que la loi le dise.

Une autre critique a été adressée au projet touchant le droit de suite. La disposition proposé à cet égard par la section centrale n’est pas nouvelle ; elle a été puisée dans la loi de 1791 dont tout le monde reconnaît la sagesse et que plusieurs membres ont présentée comme la loi modèle. Je partage leur opinion à cet égard, mais non pas leur répugnance pour la disposition relative au droit de suite, je regarde même cette disposition comme la meilleure de la loi. Elle ne fait en effet que consacrer une maxime de droit criminel que personne ne contestera, celle du flagrant délit qui entraîne nécessairement le droit de suite, sans lequel tout crime demeurerait impuni. Une fois la fraude découverte, il faut pouvoir la suivre pour la réprimer, c’est là un principe de droit criminel comme je le disais tout à l’heure, et je ne vois pas, quand ce principe est admis en toute matière, pourquoi on ferait une exception en matière des douanes, et en faveur des contrebandiers. Je pense que ces explications suffiront pour justifier le projet des reproches qui lui ont été adressés, et à part quelques légères modifications dont je le crois susceptibles, je déclare que je voterai pour son adoption.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, le projet a été combattu par des arguments bien différents, et même par des arguments opposés entre eux. Un des premiers reproches faits au projet, et qui devraient être considéré comme péremptoire s’il était fondé, c’est celui d’être inconstitutionnel. On a dit qu’il consacrerait la violation du domicile ; il est vrai que la constitution, article 10, dit : « Le domicile est inviolable, aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu » ; mais ce même article ajoute ; « Que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit. » La loi peut donc consacrer la violation du domicile en certain cas, il n’y a donc pas d’inconstitutionnalité dans le projet.

Un membre a dit que pour avoir un système de douane convenable, il faudrait non seulement étendre la ligne dans une profondeur de deux lieues, mais dans tout le royaume soit en faisant estampiller les marchandises, soit de tout autre manière, et en même temps d’autres membres s’élevaient contre le droit de suite.

DéjàM. d'Elhoungne a fait observer que cette disposition avait été puisée dans la loi de 1791, dont plusieurs membres ont vanté les sages dispositions. J’ajouterai à ce qu’a dit l’honorable préopinant que quand le droit de suite ne serait pas dans la loi, il n’en existerait pas moins, par la seule force du principe du flagrant délit dont il a parlé en termes parfaitement justes. C’est ainsi que, quoique le droit de suite ne fût pas consacré par la loi de 1822, des procès-verbaux ont été souvent dressés hors des rayons, et les tribunaux, les considérant comme constatant des cas de flagrant délit, les ont déclarés bons et valables.

Il y a maintenant deux lignes, dit-on, et on ne connaît comme désormais une seule suffira, quand les deux étaient insuffisantes. D’un autre côté, on dit qu’en n’en adoptant qu’une avec le droit de suite, au lieu de restreindre la ligne, c’est réellement l’étendre. Ainsi encore, le projet est combattu par des arguments opposés. Remarquez, messieurs, que le gouvernement avait par l’ancien loi un espace double à sa disposition et qu’il pouvait le restreindre en rapprochant ses employés, il n’avait pas besoin d’une loi pour cela.

Mais alors, dira-t-on, pourquoi en demander une ? Pour que la deuxième lieue soit assimilée à la première. Dans cette première lieue il est défendu d’établir des usines, dans les trois autres on ne le peut qu’avec une autorisation préalable. On ne le pourra pas maintenant dans toute l’étendue des deux lieues. En rendant la circulation des eaux-de-vie libre dans l’intérieur, il ne fallait plus de document à la deuxième lieue ; il en faudra maintenant dans toute l’étendue du rayon.

Or, c’est la plus grande fraude qui se fasse à la frontière. On ne les introduit, ont dit quelques membres, en si grande quantité, que parce que le système des douanes est vicieux. Ce n’est pas là la raison ; c’est parce que la loi sur la fabrication des eaux-de-vie indigène est défectueuse. Quand le droit sera diminué, vous verrez cesser la fraude parce qu’on n’aura plus intérêt à la faire.

M. A. Rodenbach. - On la fera toujours, il y a cent pour cent à gagner.

M. Ch. de Brouckere. - Il n’y aura plus cent pour cent, quand les droits seront réduits, et je le répète, la fraude ne se fera plus.

M. A. Rodenbach. - Tout de même.

M. Ch. de Brouckere. - En résumé, messieurs, il est certain que la surveillance sera plus facile si vous concentrez les surveillants sur un espace de moins d’étendue. Vous vous récriez contre l’armée de 5,000 employés, et cependant elle est et serait insuffisante si vous persistiez dans le système actuel au lieu que par l’adoption du projet, vous rendez cette armée plus compacte, et vous y gagnerez et sous le rapport de l’activité du service, et sous le rapport de la surveillance que les supérieures seront plus à même d’exercer.

Une autre disposition de la loi a été l’objet des critiques de quelques membres. Ils se sont étonnés de ce que le long des côtes le rayon ne serait que d’un demi-myriamètre, tandis qu’il serait d’un myriamètre entier sur les frontières de terre. La raison de cette différence est toute simple : sur la côté la surveillance est facile, parce qu’il est aisé de voir de loin les bateaux fraudeurs ; il n’en est pas de même sur les frontières de terre où la vue souvent bornée par des bois permet aux fraudeurs de se cacher et leur donne beaucoup de facilité pour échapper à la surveillance.

Enfin on fait un dernier reproche à la loi, c’est d’être provisoire. On voudrait que le tarif des droits d’entrée et de sortie fût modifié dès aujourd’hui, mais on confond deux choses entièrement distinctes. La loi qui fixe le tarif des droits d’entrée n’a rien de commun avec celle qui fixe le rayon des douanes. Ainsi on peut considérer cette loi comme définitive sous ce rapport.

C’est un mal, dit-on, de ne faire qu’une loi partielle pour les douanes quand il faudrait réviser la loi de 1822, qui est si mauvaise. Ce mal, je le reconnais ; mais pour refaire une loi qui ne compte pas moins de 300 articles, je vous le demande, le temps est-il bien opportun alors que nous avons à faire la loi judiciaire, la loi provinciale et plusieurs autres lois que nous prescrit la constitution ? Si on s’était avisé de présenter une loi sur les douanes on s’en serait dégoûté du premier coup, par l’impossibilité bien reconnue de s’en occuper. En définitive, tout le monde se plaint de la fraude, la chambre doit s’empresser d’adopter une loi qui fasse cesser ces plaintes.

M. Poschet. - Tous ceux qui habitent les frontières sont persuadés que la concentration des forces des employés des douanes procurera un très bon résultat. La meilleure preuve que vous puissiez trouver de l'utilité de cette concentration, c’est d’aller demander aux assureurs, combien ils prendraient pour faire franchir les deux lignes de la douane belge, et combien pour la première ligne seulement de la douane française ; je suis certain qu’ils demanderont 6 ou 8 p. c. de plus pour franchir cette dernière que pour franchir les deux autres. En fortifiant votre ligne comme on l’a fait en France, vous obtiendrez les mêmes résultats. Pour moi, je suis très convaincu de l’utilité de concentrer les employés des douanes, et je voterai pour le projet.

M. de Robaulx. - Qu’on concentre les forces, personne ne l’empêche.

M. Legrelle. - Je voterai pour le projet de loi, mais à une condition. C’est que l’article 2 du projet ministériel sera conservé, et que les usines existantes actuellement dans le rayon ne seront pas soumises à une autorisation préalable. Cela n’existe pas dans le projet de la section centrale, et c’est à tort je crois. Je ne ferai pas maintenant la critique des amendements introduits au projet par la section centrale, c’est sur le projet ministériel que la discussion s’ouvrira et nous pourrons alors discuter ces amendements. Sans cela je me verrais à regret forcé de voter contre la loi.

M. Jullien. - Messieurs, quand on a proposé la loi de 1791, comme une loi modèle, on n’a pas dit qu’il fallait en prendre tout, même les inconvénients ; on n’a pas dit, par conséquent, qu’il fallait y prendre la disposition qui consacre le droit de suite.

Il est incontestable qu’en France, ce droit a donné lieu à des procès-verbaux dont la fausseté a été reconnue, mais qu’il a été impossible de prouver juridiquement, et quand on vient me parler de la corruption, de la démoralisation des employés de douanes, comment voulez-vous que je ne tremble pas, si vous me mettez à leur merci ? Certainement la cupidité leur fera dire qu’ils ont vu ce qu’ils n’ont pas vu réellement, et ce que ddit M. d'Elhoungne du flagrant délit me touche peu.

Sans doute, son observation est juste et je m’y rallierais s’il s’agissait du droit de suite dans une distance de quelques toises. Mais s’il s’agit d’une ou de plusieurs lieues, je n’y saurais voir que des inconvénients très graves. Ce n’est pas sous ce rapport que la loi de 91 me paraît digne d’être imitée, je ne peux m’empêcher de me récrier, encore une fois, contre la loi de 1822, et contre son obscurité. Pour vous donner un exemple de cette obscurité, je vous lirai les articles 162 et 177 de cette loi, auxquels se réfère le projet actuel. Je veux vous en donner cet échantillon, car il est probable que plusieurs d’entre vous n’ont pas pris la peine de conférer la loi de 1822 avec celle qui est en discussion.

Voici l’article 162. Ici l’orateur donne lecture de cet article qui est fort long et peu intelligible. Il s’arrête vers le milieu de sa lecture et dit : Il faut respirer un peu, car il n’y a ni point ni virgule. (Hilarité générale.) L’orateur continue sa lecture et quand elle est terminée il ajoute : Voilà un des articles. Si vous l’avez compris, messieurs, je vous en fait mon compliment. (Nouvelle hilarité.) Quant à moi qui tenais le livre et qui l’ai lu, j’avoue que je n’ai pas eu autant d’intelligence. Et cependant cet article est le moins long des deux et il y en a beaucoup de cette force dans la loi, qui n’en referme pas moins de 300. Je vous avoue, messieurs, que je ne saurais voir dans la loi qu’un piège tendu au commerce et à l’industrie, je ne donnerai donc pas mon assentiment à un pareil projet.

M. de Robaulx. - Messieurs, j’ai entendu que, s’appuyant sur la loi de 1791,M. d'Elhoungne, membre de la section centrale et l’un des auteurs du droit de suite, voudrait nous faire consacrer ce droit. A ce propos, je me permettrai cette réflexion, et ceci s’applique à moi comme à bien d’autres membres de la chambre, c’est qu’il y a ici beaucoup trop d’avocats qui s’occupent de finances et qui, sous prétexte de régularité dans les lois, viennent nous induire à fausser les autres principes.

Cependant, messieurs, les avocats devraient savoir qu’il y a, en droit criminel, une maxime qui ordonne de restreindre la loi plutôt que de l’élargir. Ainsi, au lieu d’étendre le droit de suite, il faudrait le restreindre. En vain, dites-vous, qu’il est consacré par la loi de 1791. Savez-vous d’où vient l’erreur ? C’est qu’on ne fait pas attention que la loi de 1791 a été rendue sous la république, et qu’on ne l’interprétait pas comme on l’a interprétée plus tard sous l’empire. Alors, encore, on voyait les choses comme elles devaient l’être, et l’on interprétait la loi avec cette bonhomie qui a bientôt disparu sous le régime impérial. Le droit de suite ne fut d’abord que la conséquence naturelle du flagrant délit et on ne songea pas à l’entendre au-delà. Sous l’empire, tout a été changé. Sous prétexte du droit de suite, on a poursuivi les marchandises anglaises jusqu’au cœur de la France, et on en a livré au feu qui étaient depuis 10 ou 20 ans dans le pays.

Voilà, messieurs, où vous conduirait cette littérature de ceux qui veulent de l’harmonie dans les lois à la fiscalité la plus odieuse,et la plus vexatoire qui fut jamais. Voilà pourquoi je m’élève contre cette littérature qui vient nous proposer des amendements destructifs des vrais principes et qui, si vous les adoptiez, consacreraient d’odieuses fiscalités.

M. Mary. - Plusieurs orateurs ont défendu le projet de loi, ils ont fait l’éloge de la loi de 1791 ; nous l’avons même cité comme un modèle de clarté ; nous avons ajouté que, pressés par les circonstances, nous n’avions pu réviser la législature entière, et qu’il fallait attendre à une autre époque, où le pouvoir législatif serait moins surchargé, pour réviser les lois sur les douanes. La loi de 1791 n’a pas été portée au milieu de trouble politiques ; elle a été portée à une époque où les principes de justice et d’équité étaient dans tous les cœurs. L’assemblée nationale après avoir entendu son comité de commerce et d’agriculture porta cette loi ; ainsi elle fut rendue dans l’intérêt du commerce et de l’agriculture.

Quant au droit de suite, contre lequel on s’est récrié, c’est un décret impérial daté de Berlin qui en a réglé les poursuites et qui a ordonné que les marchandises anglaises trouvées dans l’intérieur seraient brûlées. Ainsi ce n’est pas la loi de 1791 qui a consacré de pareilles injustices. La loi de 1791 a donné les moyens de poursuivre la fraude. Il faut que les employés aient vu la fraude se commettre sur le territoire réservé et alors ils peuvent poursuivre sur le territoire qui ne l’est pas.

Messieurs, nous voulons que le fisc ne soit pas trompé ; alors donnons-lui les moyens d’arrêter la fraude. Il y a ici deux intérêts en présence : l’intérêt des fraudeurs et l’intérêt du fisc ; eh bien, nous devons nécessairement protéger le fisc, car c’est protéger à la fois et l’industrie et le trésor. Notre industrie, vous le savez, est accablée par la fraude, il lui est impossible de soutenir la concurrence ; et les fabricants les plus honnêtes n’ont à la fin d’autre ressource que celle que leur offre cette odieuse fraude.

On a invoqué la constitution qui défend les visites domiciliaires ; mais la constitution dit que ces visites ne peuvent avoir lieu qu’en vertu d’une loi et conformément à cette loi ; or, c’est une loi que nous faisons ; il n’y a donc rien d’inconstitutionnel.

On a dit qu’au lieu d’un rayon de douanes, on mettait toute la Belgique dans le rayon de douanes, par le droit de suite, droit nécessaire pour atteindre les fraudeurs. J’approuve l’opinion émise par M. Dumortier qui voudrait que l’on créât des brigades à cheval ; mais c’est là une mesure d’administration ; c’est à elle à savoir si les moyens que lui donne le budget lui permettent d’établir ces brigades assez coûteuses. Quant à nous, nous n’aurons pas à nous en occuper.

On a reproché à la section centrale d’avoir supprimé la deuxième partie de l’article 2 ; la suppression n’a eu lieu que parce qu’on a reconnu que le paragraphe, se trouvant dans une autre loi, était une superfluité.

Je crois ne pas devoir davantage réclamer votre attention ; et je me propose de défendre les articles lorsqu’ils seront mis en discussion.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Mon intention, messieurs, n’est que de vous présenter une courte observation sur l’abus qui exista sous l’empire français à propos du droit de suite. Déjà l’honorable M. de Brouckere vous a très bien dit que le droit de suite, n’était que la poursuite du flagrant délit qui est de droit commun. Dans tous les cas, je ne conçois pas comment sous notre législation les abus seraient à craindre, quand les procès-verbaux des préposés de douanes ne font foi que jusqu’à preuve contraire et non pas jusqu’à inscription de faux. Si avec cette législation, un employé se permettait d’affirmer des faits contraires à la vérité, il serait lui-même passible de l’action des tribunaux.

On a cité l’exemple de marchandises anglaises qui étaient depuis 10 ou 20 ans en France, et qui ont été brûlées, par suite de l’abus, dit-on, qui a été fait de la disposition de la loi de 91. C’est une erreur que d’en accuser cette loi. Il y avait en effet une loi spéciale sous la date du 10 brumaire an V qui prohibait toute importation d’articles du commerce provenant de manufactures anglaises et qui défendait la vente de ceux qui se trouvaient dans le pays et qui en ordonnait la réexportation. C’est en vertu de cette loi que les marchandises dont on a parlé ont été brûlées. Or ce n’est pas la loi de l’an V que la section centrale vous propose de mettre en vigueur, mais seulement la disposition de la loi de 1791 dont il est difficile d’abuser, et dont on a exagéré beaucoup trop les inconvénients. (Aux voix ! la clôture !)

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

Discussion des articles

M. Dumortier demande que la discussion s’établisse sur le projet ministériel.

M. le président. - Le ministre s’est rallié au projet de la section centrale.

- La proposition de M. Dumortier, combattue par M. Mary, est rejetée.

Article premier

M. le président. - Voici le texte de l’article premier (Voyez plus bas) et l’amendement proposé par M. de Nef.

M. d’Elhoungne fait observer que la disposition est inutile, car du moment que l’ennemi met le pied sur le territoire, les frontières changent en quelque sorte et les lignes de douanes sont de droit portées plus en arrière.

- L’amendement de M. de Nef est rejeté.

M. Fallon. - Je ne comprends pas bien l’utilité du dernier paragraphe de l’article premier. Par ce paragraphe on établit un rayon en pleine mer à deux fins, d’abord pour autoriser l’administraiton à établir des bâtiments croiseurs le long des côtes pour prévenir la fraude, conformément à l’article 2, et, en second lieu, pour donner, comme le veut l’article 3, ce droit de visite sur les bâtiments à l’ancre ou louvoyant à une distance déterminée. Dans le premier cas, il est fort inutile de faire intervenir la législature pour autoriser l’administration à établir une croisière ; l’administration étant chargée d’empêcher la fraude, c’est à elle d’employer les moyens qu’elle juge à propos pour atteindre ce but, elle n’a pas besoin d’une loi pour cela ; l’article 2 est donc inutile. L’article est inutile aussi en ce qu’il manque de sanction. En effet qu’importe que vous ayez le droit de visite, si quand vous trouvez des objets prohibés dans le navire, vous ne pouvez rien faire pour réprimer la fraude. Or, la loi ne vous autorise à rien à cet égard. L’article 3 est donc inutile.

M. Ch. de Brouckere appuie ces observations ; il fait remarquer en outre que par le mot « louvoyant » qui est dans l’article 3, on s’interdit en quelque sorte d’user de cet article, parce qu’il est certain que tous les navires que l’on voudra visiter soutiendront qu’ils ne louvoient pas. Il est impossible, dit-il, que nous votions l’article premier, sans savoir si une sanction pénale sera ajoutée à l’article 3.

M. d’Elhoungne. - Je partage l’avis des préopinants en ce qui concerne la dernière portée de l’article premier et l’article 2. Quant à l’article 3, peu de mots suffiront pour faire sentir la nécessité de le maintenir. La disposition qu’il consacre n’a pour objet que de mettre à même les douaniers de savoir si les petites embarcations qui s’approcheraient trop de la côte ont à bord de la contrebande ; dans le cas de l’affirmative, au moyen de signaux convenus on donnera l’éveil aux douaniers qui sont à terre, pour les tenir en garde contre le débarquement des marchandises. Par là, la surveillance devient facile et la fraude presque impossible. Vous voyez donc que quoique dépourvu de sanction pénale, l’article 3 remplit parfaitement son but en paralysant toute tentative de fraude. Je pense donc que sous ce rapport l’article premier pourrait être maintenu, en retranchant le dernier paragraphe.

Il y a une autre objection. On établit une différence entre le rayon, vers la frontière de terre, et le rayon vers les côtes. Là, le rayon serait d’un demi-myriamètre seulement. J’aime l’égalité en tout, car l’égalité c’est de la justice. Il y a donc là un changement à faire. Je trouve encore le premier paragraphe de l’article 4 superflu, voici ce qu’il porte :

« Toutes les dispositions de la lois générale précitée qui concernent le territoire mentionné à l’article 177 sont rendues applicables au rayon à tracer en vertu de l’article premier. »

Par cette disposition, le rayon des douanes ne pourrait être modifié par le gouvernement, et ce serait un mal ; car enfin, l’expérience peut prouver l’utilité d’avancer la ligne dans l’intérieur ou de la reculer, et le gouvernement doit être investi du droit de faire ces changements. C’est pour remédier à tous ces inconvénients que je proposerai de rédiger ainsi l’article premier.

« A dater du premier juillet prochain la deuxième ligne de douanes est supprimée, et le gouvernement pourra étendre le rayon du territoire réservé jusqu’à un myriamètre en-deçà de l’extrême frontière.

« Les dispositions qu’il prendra à cet égard seront insérées au Bulletin officiel, huit jours au moins avant leur mise à exécution. »

M. le président fait une seconde lecture de l’amendement de M. d'Elhoungne.

M. Duvivier. - L’amendement que je suis chargé de déposer répond à ce qu’a dit M. Fallon, sur la surveillance qui sera établie en vertu de l’article 3.

M. le président. - Cet amendement étant sur l’article 3, nous n’avons pas à nous en occuper.

M. Ch. de Brouckere. - Il y a corrélation de l’amendement à l’article premier.

M. le président. - Voici l’amendement déposé par M. Duvivier, et que propose M. le ministre des finances :

« Tout navire ou embarcation du port de 30 tonneaux ou au-dessous, qui sera trouvé dans la distance d’un demi-myriamètre de la côte, chargé de manufactures de marchandises prohibées par le tarif des douanes ou d’objets soumis aux droits d’accises, qui ne seraient pas couverts et justifiés par des expéditions ou documents délivrés en Belgique, sera saisi et confisqué, ainsi que la partie de sa cargaison qui constituerait cette contravention. »

M. Dumortier. - Ce n’est pas admissible.

M. Duvivier. - Cet amendement est pour remplir une lacune qui me semble exister. Si la surveillance se réduit à ce qu’a ddit M. d'Elhoungne, elle ne produira aucun résultat et ne fera que coûter beaucoup à l’administration. Il n’est pas nécessaire d’avoir des navires en mer ; de la côte on peut s’apercevoir des navires en fraude. Du moment que les embarcations s’approcheraient d’un demi-myriamètre de la côte, il y a lieu de les saisir si elles sont chargées de marchandises prohibées ou de marchandises soumises aux droits d’accise. Tel est le but de l’amendement que M. le ministre des finances m’a chargé de soumettre à l’assemblée.

M. Mary. - L’honorable M. Fallon voudrait la suppression de la fin de l’article premier, et par suite la suppression d’autres dispositions présentées par la section centrale. L’article donne à l’administration le droit d’avoir une croisière en mer ; c’est une mesure prise de la législation française et l’on s’est même servi de mots identiques pour que le ministre des finances puisse demander des fonds pour cette croisière en présentant le budget.

L’article 3 porte que les préposés ont droit de faire des visites sur les navires au-dessous de 50 tonneaux ; c’est une visite domiciliaire, car le navire est le domicile du navigateur ; mais la constitution permet ces visites quand c’est une loi qui l’autorise ; et c’est une loi que nous faisons ; le droit de visite peut donc être donné. La surveillance exige qu’elle soit faite.

Remarquez que dans le projet de loi qui vous est soumis, on ne demande pas la suppression de la seconde ligne de douanes, qu’on ne la demande pas de droit, mais qu’on demande d’avoir un rayon d’un myriamètre sur la frontière de terre et un demi-myriamètre sur la frontière de mer. L’administration peut mettre tant de lignes qu’on voudra.

Je persiste dans le maintien des articles.

M. d’Elhoungne. - L’on n’impose pas au gouvernement le devoir de fixer la limite à un myriamètre ou à un demi-myriamètre ; le gouvernement n’a qu’une faculté ; on peut espérer qu’il n’en abusera pas. Ainsi toutes les appréhensions du rapporteur doivent disparaître.

L’amendement demande que la limite soit uniformément déterminée à un myriamètre. Si cela n’était pas nécessaire, le gouvernement n’userait pas de cette limite et la réduirait à 5 kilomètres.

M. Ch. de Brouckere. - Je suis étonné que M. d'Elhoungne, qui ordinairement n’a pas confiance dans le pouvoir, veuille donner au gouvernement plus qu’il ne demande, c’est-à-dire la liberté de fixer comme il le voudra, la ligne de douane sur les côtes à un myriamètre ou à un demi-myriamètre, quand il n’a demandé qu’un demi-myriamètre. Ainsi, nous mettrons hors de la loi commune les terrains réservés, nous mettrions hors de la loi commune tous les habitants de la côté, qui sont à la distance d’un myriamètre.

En mer, la fraude est facile à saisir ; on voit les navires de loin, il n’en est pas de même de la fraude par terre. Dans les bois de Bon-Secours, c’est à cause de cette différence que nous revenons à d’autres proportions. Je n’accorderai pas au gouvernement une limite d’un myriamètre sur la côte, parce qu’il ne la demande pas ; il la demanderait, que je ne la lui accorderais pas davantage.

M. Serruys. - Par la loi de 1819, la ligne du côté de la mer était très étendue, le gouvernement l’a diminuée. La fraude en mer ne peut se commettre que sur de petites embarcations ; parce que notre côté est hérissée de boues, de sable, de façon qu’aucun navire ne peut en approcher. Les fraudeurs se tiennent à une lieue en mer ; ils jettent leurs marchandises à terre pendant la nuit.

Il est de toute nécessité qu’il y ait des navires dans le jour pour signaler les contrebandiers ; c’est pour ce motif encore que la visite des douanes est indispensable sur la côte même.

Les fraudeurs étant signalés, les douaniers font de fortes patrouilles, et il est impossible alors qu’ils ne soient pas pris. S’il en était autrement, la fraude serait très facile. Voilà pourquoi on n’a pas jugé nécessaire d’étendre la ligne de fraude a plus d’un demi-myriamètre.

M. Legrelle. - L’amendement de M. d'Elhoungne s’éloigne en certain point des dispositions proposées pour le gouvernement, et c’est pour cela que je le repousse. La fin de cet amendement est inutile, car il est inutile de dire que les dispositions de la loi seront insérées huit jours avant leur mise en exécution dans le Bulletin officiel, et quant au reste, il se rapproche tout à fait du projet primitif dont je préfère la rédaction.

Après ce qu’ont dit plusieurs orateurs, je crois qu’il est inutile de combattre ultérieurement la proposition de M. d'Elhoungne.

J’appuie la proposition du gouvernement ; mais en mettant que le gouvernement est autorisé à tracer le rayon des douanes à partir du 1er juillet prochain.

M. d’Elhoungne. - Je retire mon amendement parce qu’il ne reçoit pas l’assentiment de l’assemblée. Quant à l’amendement de M. Legrelle, on a fait remarquer deux choses, la ligne de douanes et la ligne de surveillance en mer.

M. Legrelle. - Je retire mon amendement.

M. Ch. de Brouckere. - Dans l’article premier, il faudrait mettre : « la loi du 16 août 1822 » au lieu de « la loi ci-dessus. »

M. Fallon. - J’appuie la proposition.

- L’amendement de M. de Brouckere est adopté.

Voici l’article premier présenté par la section centrale :

« Un rayon unique sera substitué au double rayon établi par la loi du 26 août 1822.

« Le pouvoir exécutif tracera, avant le 25 juin prochain, le cours de ce nouveau rayon de douanes, à la distance au plus d’un demi-myriamètre de la côte maritime.

« A partir de la côte, il y aura, sur un espace d’un myriamètre en mer, une surveillance déterminée par les deux articles suivants : »

Le premier paragraphe est adopté.

Le deuxième paragraphe est également adopté.

M. le président. - M. Fallon a demandé la suppression de l’article premier.

Cette suppression n’est pas admise.

L’article premier est mis aux voix et adopté dans son entier.

Article 2

« Art. 2. L’administration de la douane pourra tenir en mer pour croiser le long de la côte le nombre de bâtiments nécessaires pour prévenir et empêcher les introductions et exportations frauduleuses. »

M. Ch. de Brouckere. - Je demande la suppression de cet article. Le ministre des finances, quand il nous présentera son budget, nous donnera des aperçus sur ce que pourrait coûter une croisière, sur les avantages qu’elle peut avoir, et nous verrons alors s’il faut l’admettre.

M. Fallon. - Je demande la suppression de l’article 2. Quand on connaîtra notre loi on fabriquera des faux connaissements, de faux papiers. La visite des bâtiments peut seule faire connaître s’ils ont des marchandises prohibées.

M. Dumortier. - Je vois la nécessité d’avoir des préposés sur les embarcations ; mais je ne vois pas la nécessité de supprimer l’article 2.

M. Ch. de Brouckere. - Je demande simplement que l’administration pourra tenir en mer des préposés de la douane.

M. Lebeau. - C’est l’affaire de l’administration de faire surveiller en mer ; nous ne lui interdisons pas la faculté d’avoir une croisière. L’article 2 est inutile : les raisons alléguées par M. Mary, sont fondées sur une vaine subtilité qui ne saurait arrêter la chambre. On peut supprimer l’article.

M. Serruys. - Si vous voulez la loi il faut qu’il y ait des surveillants.

M. Lebeau. - Vous insérerez cette disposition dans l’article 3.

M. Serruys. - Si vous n’avez pas de croisière, vous ne connaîtrez jamais les fraudeurs.

M. Legrelle. - Le principe posé par M. Serruys peut être mis dans l’article 3 ; mais dire que le gouvernement pourra établir des croisières pour surveiller en mer, c’est comme si on disait que le gouvernement pourra établir des brigades pour surveiller les côtes.

- Plusieurs voix. - C’est vrai ! c’est vrai !

M. Mary. - L’article 2 est dans la loi française, et les législateurs n’ont pas voulu y mettre des subtilités. Nous faisons ici une loi de principes, et les budgets sont votés en vertu des lois de principes.

- L’article 2 mis aux voix est rejeté.

Article 3

M. le président fait lecture de l’article 3, ainsi conçu :

« Les préposés sur lesdites embarcations pour le service de la douane pourront visiter les bâtiments en dessous de cinquante tonneaux, étant à l’ancre ou louvoyant dans ladite distance d’un myriamètre de la côte, hors le cas de force majeure, et se faire représenter les connaissements et autres papiers de bord relatifs à leur chargement. »

M. Ch. de Brouckere et M. Lebeau. - Mais il y a un article 2 proposé par amendement.

M. le président. - C’est l’amendement du ministre.

M. Dumortier. - Il me semble qu’il faudrait d’abord voter sur l’article 3.

M. Duvivier. - Mon amendement forme une disposition additionnelle à l’article 3.

M. le président lit l’article 3 qui, par suite de la suppression de l’article 2, commençant ainsi : « les préposés de la douane pourront, etc. »

M. Ch. de Brouckere. - Je demande la suppression des mots « à l’ancre ou louvoyant » et des mots « hors le cas de force majeure ; » je voudrais qu’on mît au lieu de cela : « les bâtiments se trouvant dans la distance, etc., » parce que dès que vous aurez établi une exception, les capitaines des bâtiments diront toujours qu’ils ont été jetés là par un coup de vent ou par une voie d’eau, ou que la boussole les a trompés, en un mot ils trouveront toujours des raisons pour se soustraire à la visite.

M. Serruys. - Je crois devoir m’opposer à l’amendement de M. de Brouckere, parce que les douaniers pourraient, au moyen de la rédaction qu’il propose, se croire autorisés à arrêter les bâtiments qui ne feraient que passer, tandis qu’ils ne doivent pouvoir visiter que les navires suspects, et ce ne sont pas les bâtiments qui passent qui sont suspects, mais ceux qui étant à l’ancre ou louvoyant ne cherchent que le moment favorable pour débarquer leurs marchandises. Il faut donc conserver l’article tel qu’il est.

M. Legrelle. - C’est très juste.

M. Mary. - Je ne ferai aucune difficulté d’adopter l’amendement de M. de Brouckere, si on n’y ajoute pas une clause pénale.

M. Legrelle appuie les observations faites par M. Serruys.

M. Taintenier les appuie pareillement et soutient que hors deux cas prévus par l’article nous n’avons aucune juridiction à un myriamètre en mer.

M. A. Rodenbach. - Pour empêcher la fraude en Angleterre, la douane va jusqu’à 2 myriamètres en mer avec ses pataches et même jusqu’à 3.

M. Duvivier. - Il en est de même en France, mais là la peine de la confiscation du navire est permise en cas de fraude ; tandis qu’ici, n’ayant point de sanction pénale, vous aurez une surveillance à exercer qui ne vous exposera qu’à des frais sans que vous en retiriez aucun avantage.

M. Fallon fait observer que les usages allégués de la France et de l’Angleterre sont fondés sur le droit de la force, et il n’est pas d’avis que la Belgique use du même droit.

M. d’Elhoungne ne pense pas qu’une surveillance aussi large soit nécessaire aux intérêts du trésor. Il serait à craindre d’ailleurs que la Hollande, qui n’a jamais exercé un pareil droit, ne suivît en l’établissant l’exemple de la Belgique, et ne gênât par ce moyen la navigation de l’Escaut.

M. Ch. de Brouckere. - Je retire mon amendement.

- L’article 3, devenu l’article 2, du projet est mis aux voix et adopté.

La discussion est ouverte sur l’article additionnel de M. le ministre des finances ; elle est renvoyée à demain.

- La séance est levée à 4 heures et demie.