Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés
Bibliographie et liens
Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du vendredi 12 mai 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative à l’organisation des élections dans
l’arrondissement de Nivelles (Gendebien, Eloy de Burdinne, de Brouckere, Eloy de Burdinne, de Brouckere, Pirmez, Gendebien, de Theux, Gendebien, de Theux, Simons, de Brouckere)
3) Proposition de loi relative aux droits d’entrée sur le tabac (C. Vuylsteke, Dumortier)
4) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Service de santé de
l’armée (Willmar) (de Jaegher),
modifications au tarif des douanes, chemin de fer de Gand à Lille (de Theux), chemin de fer de Gand à Lille, impôt sur le
sucre (Dumortier), ajournement de la session (Eloy de Burdinne, de Jaegher, Desmaisières, d’Huart), impôt
sur les sucres (Berger, Eloy de
Burdinne, Desmaisières, Dubus,
Rogier, Desmet, Liedts,
Donny, Eloy de Burdinne, Pirmez, Dumortier, Desmaisières, Gendebien, Rogier, d’Huart, Gendebien)
5) Proposition de loi visant à établir une incompatibilité entre le
mandat de parlementaire et les fonctions de gouverneur et de commissaire de
district (Dumortier, Lardinois,
Pollénus, Dumortier, d’Huart, de Brouckere, Pollénus, Dumortier, de Theux, Pollénus, de Brouckere, Dolez, Devaux)
(Moniteur belge n°133, du 13 mai
1837 et Moniteur belge n°134, du 14 mai 1837)
(Présidence de M.
Raikem.)
M. Kervyn
fait l’appel nominal à une heure, et donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
Il présente ensuite l’analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le conseil communal de la ville de Saint-Nicolas demande la
réforme de la loi électorale. »
________________
« Le sieur Jean-Philippe Lohest, ancien
militaire pensionné, demande un emploi. »
________________
- Ces deux requêtes sont renvoyées à la
commission des pétitions.
________________
« Le sieur L. Verlinden-Claeys adresse des observations sur le projet de loi
relatif au tarif des douanes, en ce qui concerne la bonneterie. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion de la loi portant des modifications au tarif des douanes.
________________
« Le sieur Michel-Nicolas Beunet, né en France et exerçant en Belgique la profession
d’instituteur depuis 1818, demande la nationalisation ordinaire. »
- Renvoyé à M, le ministre de la justice.
________________
« Le sieur Dally demande de nouveau
la naturalisation ordinaire. »
- Renvoyé à la commission des
naturalisations.
________________
« M. Bergeron annonce à la chambre qu’il
n’entend pas donner suite à sa demande en grande naturalisation. »
- Pris pour notification.
PROPOSITION
DE LOI RELATIVE A L’ORGANISATION DES ELECTIONS DANS L’ARRONDISSEMENT DE
NIVELLES
M. Gendebien
monte à la tribune et donne, d’après l’autorisation des sections, lecture de la
proposition suivante :
« Léopold, etc.
« Art. premier. Par dérogation à
l’art. 19 de la loi du 3 mars 1831, les électeurs des cantons de Wavre,
Jodoigne et Perwelz, se réuniront à Wavre, chef-lieu
du canton de ce nom, pour l’élection des membres des deux chambres
législatives. Ils formeront une ou plusieurs sections s’il y a lieu.
« Art. 2. Le juge de paix du canton
de Wavre, ou l’un des suppléants, par ordre d’ancienneté, présidera le collège
électoral, ou l’une des sections s’il y en a plusieurs ; dans ce dernier cas,
la section présidée par le juge de paix ou son suppléant désignera les membres
des bureaux qui nommeront leur secrétaire.
« Art. 3. Le dépouillement du scrutin
se fera dans chaque section ; le résultat sera arrêté et signé par le bureau.
Il sera immédiatement transmis par les membres du bureau de chaque section, au
bureau présidé par le juge de paix ou son suppléant ; il fera, en présence de
l’assemblée, le recensement général des votes.
« Art. 4. Le bureau principal du
collège électoral du district de Nivelles est et restera à Nivelles.
« Art. 5. Le lendemain de l’élection,
le juge de paix ou son suppléant portera au bureau principal, à Nivelles, le
procès-verbal et toutes les de l’opération électorale ; il assistera au
recensement général qui devra commencer dans les 24 heures de l’arrivée de ce
magistrat.
« Art 6. Toutes les dispositions de
la loi du 3 mars 1831, auxquelles il n’est pas expressément dérogé par la
présente, continueront à recevoir leur exécution.
« Mandons, etc. »
M. le président.
- Quand M. Gendebien désire-t-il développer sa proposition ?
M. Gendebien.
- Si la chambre veut bien me le permettre, je lui soumettrai dès à présent mes
développements, qui sont d’ailleurs très courts. (Parlez ! parlez !)
Messieurs, de nombreuses pétitions, des
pétitions de presque toutes les communes formant les cantons de Wavre,
Jodoigne, Perwelz, sont arrivées à la chambre ;
plusieurs de ces communes et en autre autres celle de Wavre ont envoyé des
pétitions à plusieurs reprises ; leur demande est si évidemment fondée que je
ne puis comprendre comment on pourrait hésiter à l’admettre. Le conseil
provincial du Brabant, dans sa session de
« Les réclamations des habitants de
Wavre, Jodoigne et Perwelz sont appuyées en ce qui
concerne la demande de division du conseil milice et du canton électoral ; dans
le cas ou la division du canton électoral souffrirait des difficultés, le
conseil émet le vœu d’une démarche soit faite auprès du gouvernement, pour que
le chef-lieu soit transféré de Nivelles à Wavre. »
Vous voyez donc, messieurs, que le conseil
provincial a été d’avis que le chef-lieu électoral devrait être transféré de
Nivelles à Wavre, tandis que je demande seulement la division des opérations.
Cette décision, veuillez bien le remarquer, a été prise à l’unanimité. Voici,
messieurs, en peu de mots, quelques considérations que je me permets de vous
présenter pour appuyer la décision unanime du conseil provincial du Brabant,
considérations qui reposent sur la supposition du transfert du chef-lieu de
Nivelles à Wavre, et qui par conséquent s’appliquent à plus forte raison à ma
proposition, à laquelle je demande seulement la division en transférant le
chef-lieu de Nivelles à Wavre, il n’y aurait plus dans tout le district que
12,741 habitants, c’est-à-dire le dixième de la population totale, ni auraient
plus de cinq lieues à faire pour arriver au chef-lieu ; si, au contraire, le
chef-lieu reste à Nivelles, il y aura plus de 50,595 habitants, formant 48
communes, c’est-à-dire la moitié des communes et les quatre dixièmes de la
population, qui auront plus de cinq lieues à faire pour se rendre au chef-lieu.
Ainsi, messieurs, le chef-lieu étant transféré à Wavre, un dixième seulement
des habitants du district auront plus de cinq lieues à faire pour s’y rendre,
tandis que s’il reste à Nivelles, quatre dixièmes des habitants seront dans ce
cas.
Si, en laissant subsister le bureau
principal à Nivelles, nous permettons aux électeurs des cantons de Wavre,
Jodoigne et Perwelz de se réunir à Wavre, la
disproportion sera encore bien plus forte, puisque ces électeurs n’auront plus
à faire, terme moyen, que la cinquième partie du chemin qu’ils doivent faire
actuellement.
Voici, messieurs, une autre observation :
la population du district est de 127,881 ; sur ce nombre 79,216 réclament non
pas seulement la division que le propose, mais ils acclament, et à juste titre,
le transfert du chef-lieu de Nivelles à Wavre ; 32,862 seulement s’opposent à
cette demande. Vous voyez, messieurs, que les trois quarts des habitants
réclament le changement et qu’un quart seulement s’y opposent. Pour les
électeurs, il en est de même ; ils sont au nombre de 1,188 ; 654 réclament le
changement ; 396 seulement s’y opposent. Quant au nombre des communes, 71
communes demandent le transfert du chef-lieu de Nivelles à Wavre ; 35 seulement
en demandent le maintien. Vous comprenez facilement, messieurs, que toutes les
raisons données pour le transfert du chef-lieu de Nivelles à Wavre se
renforcent pour l’établissement de la division que je demande : dès lors, il
n’est d’ailleurs plus personne qui ait intérêt à s’y opposer, tout le monde est
d’accord.
La ville de Nivelles, seule, pourrait
peut-être se plaindre de n’avoir plus, pendant 24 heures ou deux fois 24
heures, quelques campagnards à héberger. Or, je vous demande si cet intérêt
tant soit peu égoïste peut prévaloir sur les réclamations de la totalité du
district ? Je pense donc, messieurs, que tous les motifs se réunissent en
faveur de ma proposition.
Les faits nombreux, les
observations pleines de sens que vous avez remarquer dans les pétitions qui
vous ont été adressées, me dispensent d’entrer dans de plus longs
développements et me permettent d’économiser votre temps que réclament d’autres
projets à l’ordre jour.
- La proposition de M. Gendebien est appuyée.
M. le président.
- La discussion est ouverte sur la prise en considération de cette proposition,
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je partage l’opinion de
l’honorable M. Gendebien sur le fond de la proposition ; moi aussi je pense que
les habitants de certains cantons du district de Nivelles sont sujets à des
déplacements plus ou moins pénibles, plus ou moins impossibles à l’exercice de
leurs droits politiques ; mais, messieurs, je ne m’arrête pas seulement à
vouloir qu’une partie des électeurs de ce district soient affranchis de
l’inconvénient de devoir se transporter au loin ; je ne voudrais pas seulement
qu’il y eût un bureau électoral à Wavre, mais je voudrais de plus qu’il y en eût
un soit à Perwelz, soit à Jodoigne ; je voudrais même
qu’il y en eût un dans chaque chef-lieu de canton ; et vous avouerez,
messieurs, que si vous accordez un bureau électoral à Wavre, les autres cantons
auront le droit d’en réclamer un également ; il faut être juste, il ne faut de
privilège pour personne.
Ce n’est pas seulement dans le district de
Nivelles que l’inconvénient dont on se plaint, existe ; il est des localités
dont les électeurs ont 10 ou 15 lieues à parcourir pour pouvoir exercer leurs
droits politiques ; cela a lieu, par exemple, dans la province de Liège. Je
voudrais donc qu’il fût pris une mesure qui accordât à tous les chefs-lieux de
canton ce qu’on demande.
M. de
Brouckere. - J’appuie la prise en considération de la proposition de
l’honorable M. Gendebien, sauf à m’expliquer plus tard sur son contenu lorsque
la discussion sera ouverte sur le fond de la question ; mais je crois que nous
ne devons point nous arrêter à l’observation faite par l’honorable préopinant
auquel je succède ; car il va, lui, au-devant d’un vœu que les habitants de Perwelz n’ont jamais manifesté ; nous avons reçu des
pétitions des habitants de Perwelz et de Jodoigne, et
la seule chose qu’ils demandent, c’est d’avoir un bureau électoral à Wavre. Je
ne sais pas, messieurs, pourquoi nous ferions plus que les intéressés eux-mêmes
demandent.
Quant à ce qu’a ajouté
l’honorable préopinant, qu’il serait plus juste encore que les élections se
fissent partout dans chaque chef-lieu de canton, c’est là une question de la
plus haute gravité, c’est la question du changement de la loi électorale tout
entière. Or, ce n’est pas à l’occasion d’une question de localité que la
chambre voudra s’occuper de changer totalement le système de la loi électorale
; une pareille proposition ne peut avoir qu’un seul résultat, c’est de nuire à
la proposition qu’elle semble appuyer. Je crois donc que l’honorable M. Eloy de
Burdinne, qui paraît partager l’opinion de M. Gendebien, s’il veut que cette
opinion trouve de l’appui, doit s’abstenir de présenter la modification dont il
a parlé.
Ce que la chambre doit
faire aujourd’hui, c’est tout simplement de prendre en considération la
proposition de M. Gendebien ; quand viendra la discussion de cette proposition,
nous aurons à exprimer une opinion que chacun de nous conservera libre jusqu’à
cette époque.
M. Eloy de Burdinne. - J’aurai l’honneur
de faire observer au préopinant qu’il est arrivé à la chambre des pétitions de
différentes localités qui demandent que les élections se fassent dans les
chefs-lieux de cantons. J’ai entendu l’analyse de ces pétitions ; or, si nous
voulons y faire droit, il faut bien qu’un de nous prenne l’initiative et fasse
une proposition à cet égard. Je le répète donc, je voudrais qu’il fût fait
droit à toutes les réclamations qui ont le même objet que la proposition de M. Gendebien.
M. de
Brouckere. - Je ne m’oppose nullement à ce que l’honorable M. Eloy de
Burdinne fasse la proposition dont il a parlé : qu’il dépose sur le bureau un
projet de loi tendant à changer totalement la loi électorale, libre à lui ;
mais je dis que ce n’est pas à l’occasion de la proposition de M. Gendebien,
qui concerne une seule localité, qu’on peut s’occuper d’un projet qui
changerait toute la loi électorale, Voilà, messieurs, la simple observation que
j’ai faite.
(Moniteur belge n°134, du 14 mai 1837) M.
Pirmez. - Je ne viens pas non plus, messieurs, m’opposer la proposition
de l’honorable M. Gendebien : mais je vois bien, par le commencement de la
discussion, laquelle elle donne lieu que cette proposition est de nature à
mettre en question toute la loi électorale : M. Gendebien propose une
modification pour Wavre, M. Eloy de Burdinne annonce une semblable proposition
pour d’autres communes.
Au reste, nous ne discutons pas en ce
moment le fond de la proposition ; si j’ai présenté ces observations, c’est que
la proposition tend à changer tout à fait la loi électorale. Si vous allez
fractionner les collèges électoraux, vous entrez dans un système nouveau.
M. Gendebien.
- Je ferai remarquer à l’honorable préopinant qu’il ne s’agit pas de
fractionner le collège électoral de Nivelles ; il s’agit seulement de diviser
l’opération matérielle, d’en déplacer une partie. Le chef-lieu électoral reste
à Nivelles ; seulement les électeurs de trois cantons iront déposer leurs votes
à Wavre, et les électeurs de trois autres cantons à Nivelles. Le résultat des élections
n’en sera pas moins constaté et proclamé par un recensement général à Nivelles.
J’arrive maintenant à la proposition de M.
Eloy de Burdinne ; cette proposition, comme l’a déjà fait remarquer M. de
Brouckere, est tout à fait en dehors de la mienne. C’est une question très
grave que celle qu’a soulevée M. Eloy ; elle affecte les bases du système
électoral, et nous n’avons pas assez de temps pour aborder et terminer la
discussion de cette question. Ma proposition, au contraire, est toute simple.
Il suffit, pour l’adopter, d’y mettre tant soit peu de bonne volonté, et de
savoir comparer les quelques chiffres que j’ai présentés, pour se convaincre de
la nécessité de l’adopter.
Je ferai remarquer en outre qu’il est
urgent de prendre une décision, parce que les élections doivent avoir lieu le
deuxième mardi du mois prochain. Si l’on ne compte pour rien les pétitions de
la grande majorité des électeurs du district de Nivelles, si vous ne comptez
pour rien la décision prise à l’unanimité par le conseil provincial du Brabant,
alors je pense qu’il n’y a plus aucune espèce de réclamation qui puisse se
produire ici avec des chances de réussite.
Il n’y a eu jusqu’ici qu’une réclamation
semblable à celle des électeurs du district de Nivelles.
L’arrondissement de Maestricht a demandé
d’être divisé en deux, Eh bien, cela s’est fait sans la moindre difficulté ;
cela s’est fait même par arrêté royal. Eh bien, s’il y a d’autres localités qui
se trouvent dans une position analogue, eh bien, qu’elles réclament, nous
examinerons leur position. Si, comme on paraît le craindre, des réclamations
générales s’élèvent, eh bien, il sera encore de notre devoir alors d’examiner
s’il y a lieu de prendre une décision générale. Mais jusqu’à ce que la
nécessité de cette mesure se fasse sentir, je ne vois pas pourquoi on sortirait
de la proposition toute simple que j’ai eu l’honneur de faire. (Aux voix ! aux voix !)
- La proposition de M. Gendebien est mise
aux voix ; elle est prise en considération.
M.
le président. - Désire-t-on le renvoi de la proposition aux sections ou
à une commission ?
M. Gendebien.
- Messieurs, vous sentez qu’il est impossible de renvoyer la proposition en
sections, nous ne pourrions avoir de rapport avant notre séparation. Ma
proposition est si simple qu’une commission ne délibérera pas plus de cinq
minutes pour l’adopter ; tandis que la marche nécessairement plus lente de la
double opération dans les sections et dans la section centrale, l’ajournera
jusqu’à la session prochaine.
Il me semble que si l’on veut sincèrement
éviter à une grande partie des électeurs de Nivelles le désagrément de faire 10
et 11 lieues, si l’on veut tenir compte de leurs justes réclamations, il faut
nécessairement renvoyer à une commission.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je n’entrerai pas dans le fonds de la
question. Je crois cependant que, comme la proposition de M. Gendebien est le
premier pas dans une voie qui peut déranger l’économie de la loi électorale, il
est bon que l’attention de la chambre soit appelée sur cette proposition.
Je ferai remarquer que l’arrondissement de
Louvain présente sous ce rapport les mêmes difficultés que celui de Nivelles.
Le canton de Diest et celui de Léau sont aussi à une très grande distance du
chef-lieu d’arrondissement.
M.
Gendebien. - Il me semble que si M. le ministre de l’intérieur avait
prêté quelque attention à mes développements, il se serait convaincu que ma
proposition ne soulève pas une question de principe, mais qu’elle n’est qu’une
simple question d’utilité locale.
Les habitants du royaume, autres que les
intéressés qui habitent les localités, n’ont aucun intérêt à examiner la
question qui se rattache simplement à un fait local.
Si maintenant l’on ne veut pas délibérer
sur ma proposition avant de se séparer, qu’on le dise franchement, nous ne
prolongerons pas la discussion. Mais si l’on veut sincèrement faire droit aux
réclamations de l’immense majorité des électeurs du district de Nivelles ; si
l’on veut prendre en quelque considération la décision unanime du conseil
provincial du Brabant, il faut renvoyer ma proposition à une commission, seul
moyen d’y statuer avant les élections.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable M. Gendebien dit que les
habitants des autres provinces du royaume sont désintéresses dans la question.
Je n’admets pas cela. Je pourrais citer, notamment dans le Limbourg, des
cantons très éloignés des chef-lieux
d’arrondissement. Il est vrai que dans ces différentes localités on a pris
jusqu’à présent patience, tout en se plaignant ; mais on a cru probablement que
le moment n’était pas encore venu d’occuper la législature de la révision de la
loi électorale. Je ne doute pas que du moment que la chambre aura fait un
premier pas, elles ne reçoivent des réclamations de presque tous les districts.
Je pense donc, messieurs, qu’il y a
réellement lieu que la chambre examine sérieusement la proposition de
l’honorable M. Gendebien. Je ne
me prononce, quant à présent, ni pour ni contre ; tout ce que je demande, c’est
que la question soit méditée et que l’on en connaisse bien toutes les
conséquences.
M.
Simons. - Messieurs, il est fâcheux que la proposition n’ait pas été
présentée plus tôt. Je trouve quelque chose de juste dans le projet. Cependant,
je crois qu’elle mérite d’être examinée attentivement. Il ne s’agit pas ici de
la seule localité de Nivelles, mais il s’agit d’un principe qui a été adopté
dans la loi. En effet, par la loi du 31 mars 1831, il a été admis en principe
que toutes les élections auraient lieu aux chefs-lieux. Pourquoi ? Parce qu’on
a voulu que les bureaux électoraux fussent présidés par un membre du tribunal.
Or, dans le cas dont il s’agit, le bureau secondaire ne serait présidé que par
un juge de paix. Vous voyez donc que réellement la question ne se restreint pas
à la seule localité de Nivelles ; mais la proposition implique en quelque sorte
une modification au système général.
Ce qui existe pour Nivelles, se rencontre
dans d’autres localités. Et si la chambre croit qu’il y ait des motifs réels
pour revenir d’un principe qui a été adopté dans la loi électorale après un mûr
examen, je pense qu’il est de toute nécessité que chaque membre puisse méditer
la question.
M. de
Brouckere. - Messieurs, ce que vient de dire l’honorable préopinant ne
peut rester sans réponse. En effet, tout son discours est basé sur une erreur,.Selon
lui, lorsqu’on a fait la loi électorale de 1831, l’on aurait décidé que les
élections auraient toujours lieu dans les chefs-lieux de district, par ce seul
motif que le collège électoral devait être présidé par un membre du tribunal .
Eh bien, la loi électorale n’a pas dit que les élections auraient lieu aux
chefs-lieux d’arrondissement judiciaire, mais bien aux chefs-lieux de district
administratifs ; comme Ath, Soignies, Virton, etc., qui n’ont pas de tribunal
de première instance. Vous voyez donc, messieurs, que tout ce qu’a dit
l’honorable préopinant est basé sur une erreur.
Ensuite, selon le même membre, vous allez
violer le principe de la loi électorale ; ce sera la première fois qu’on sera
entré dans cette voie, et Dieu sait où cela nous conduira. C’est là encore une
erreur. Il est fort étonnant qu’elle soit commise par M. Simons qui est, lui,
commissaire d’un district qui a été scindé en deux. En effet, il y a déjà eu
une exception à la loi électorale, relativement à l’arrondissement de Maestricht.
Dans cet arrondissement, il y a deux bureaux électoraux, l’un à Tongres et à Fauquemont. Et bien, c’est précisément ce que demande M.
Gendebien, relativement à l’arrondissement de Nivelles.
En résumé, il n’est pas question
aujourd’hui d’examiner la proposition au fond ; il n’est question que de savoir
si elle sera examinée par les sections ou par une commission.
Prononcer le renvoi aux sections, c’est
décider que les prochaines élections se feront à Nivelles comme aujourd’hui ;
tandis que si vous ordonnez le renvoi à une commission, cette commission
pourra, avant que la chambre se sépare, présenter des conclusions sur le parti
qu’il convient de prendre.
- La chambre ordonne le renvoi de la
proposition à l’examen des sections.
PROPOSITION
DE LOI RELATIVE AU DROIT D’ENTREE SUR LES TABACS
M. C. Vuylsteke lit la proposition suivante dont les sections ont
autorisé la lecture.
« Projet de loi
« Léopold, etc.
« Par modification spéciale au tarif
des douanes, le droit d’entrée sur les tabacs est fixé comme suit :
« Tabacs d’Ukraine et autres pays de
l’Europe, en feuilles, non séparés, les
« Les autres dispositions du tarif
des douanes sur la matière sont maintenues.
« Mandons, etc. »
M. Dumortier.
- Cette proposition pourrait être présentée comme amendement dans la discussion
du tarif des douanes.
M. C. Vuylsteke - Messieurs, je partagerais entièrement l’opinion de
l’honorable préopinant, si elle pouvait conduire à la discussion de ma
proposition ; je pense, au contraire, que sa demande aurait pour résultat une
fin de non-recevoir.
Je me hâte de déclarer que je suis loin de
supposer cette intention de l’honorable membre, mais je pense que ses
considérations produiraient cet effet ; car, d’après la marche que la
discussion sur les modifications à apporter au tarif des douanes a prise, il
est à présumer qu’elle occupera encore quelques-unes de nos séances ; or, comme
la chambre paraît décidée à s’ajourner indéfiniment sous peu, on est porté à
croire qu’elle bornera son examen uniquement aux propositions du gouvernement,
et dans ce cas tous les amendements sont renvoyés aux calendes grecques, ce qui
me porte surtout à le croire, c’est que déjà nous avons ajourné à la fin de la
discussion de ce projet de loi un amendement présenté par les honorables
collègues, MM. Verdussen et Rodenbach, tendant à imposer des droits d’entrée
sur la chicorée. D’ailleurs, je ferai remarquer que si je transformais ma
proposition en amendement, il pourrait arriver que la chambre, indécise sur le
vote à émettre sur ce point, à défaut de renseignements suffisants, renvoyât
cet amendement à l’examen, soit des sections, soit d’une commission. La
proposition que je fais en ce moment prévient les discussions qui pourraient
avoir lieu à cet égard ; c’est un moyen de vous épargner un temps précieux. Au
surplus, le projet de loi présenté par le gouvernement n’a eu pour objet que de
lever les mesures exceptionnelles établies par le gouvernement du roi Guillaume
contre
Je soumettrai à la chambre une dernière
observation ; savoir que je ne pense pas que l’urgence de l’adoption de ma
proposition soit telle, qu’il faille l’intercaler dans le projet de loi
présente par le gouvernement. L’effet de ma proposition ne peut être immédiat ;
les produits de la dernière récolte étant déjà vendus, elle ne pourra donc
produire de l’effet que pour les récoltes futures. D’ici là, nous aurons le
temps d’examiner. D’après ces considérations, je prie la chambre de vouloir
bien me permettre de développer immédiatement ma proposition. (Parlez ! parlez !)
- L’honorable membre présente les
développements de sa proposition.
La proposition de M. Constant Vuylsteke
est prise en considération et renvoyée à l’examen des sections
FIXATION
DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) (pour une motion d’ordre). - Je dois prier la chambre
de se prononcer sur deux objets très importants, concernant le dépôt de la
guerre.
Le rapport de la section centrale sur le
service de santé a été distribué hier. Il serait à désirer que la chambre
délibérât sans retard sur ce rapport ; car il est à craindre que prochainement
la chambre ne se trouve plus en nombre pour délibérer ; et au 30 juin il n’y
aura plus de fonds pour le service de santé.
D’un autre côté, le rapport sur le
transfert doit être distribué aujourd’hui. Il est également de la plus grande
importance que le transfert soit voté ; sinon, il n’y aura pas de camp cette
année. Cependant il faut qu’il y ait un camp, il faut qu’il y ait des manœuvres
comme les années précédentes.
Ce sont donc deux
délibérations importantes.
Je ne veux pas interrompre la discussion
de projets de loi dont je reconnais également l’importance, notamment celui du
tarif des douanes.
Je prie donc la chambre de fixer une
séance du soir aujourd’hui pour s’occuper du service de santé, et une séance du
soir demain, pour continuer cette discussion ou pour délibérer sur le projet de
loi de transfert.
M.
de Jaegher. - Si les objets dont vient de parler M. le ministre de la
guerre ont l’importance qu’il y attache, je crois que le but qu’il se propose
ne sera pas atteint par la fixation de séances du soir. Je vous proposerai donc
de fixer la séance de meilleure heure demain, soit à 10 heures. Je crains que
la semaine prochaine nous ne nous trouvions plus en nombre, car j’entends de
part et d’autre énoncer l’intention de se retirer.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - J’entends dire qu’il y a chance que la chambre ne
se trouve pas en nombre la semaine prochaine. Je dois dire cependant que la
chambre a encore à s’occuper de délibérations importantes. La discussion du
tarif des douanes est avancée ; il importe qu’elle soit achevée. D’autre part,
la chambre a à s’occuper du projet de loi sur le chemin de fer de Gand vers
Lille. Il importerait beaucoup que ce projet fût discuté, avant que la chambre
se sépare.
Je pense donc que l’on peut attendre du
zèle de la chambre qu’elle continuera les délibérations pendant quelques jours
encore, pour s’occuper d’objets qui ont vraiment une très grande importance.
M. Dumortier.
- Je puis annoncer à la chambre que la commission chargée de l’examen du projet
de loi relatif au chemin de fer, a terminé son travail et nommé son rapporteur,
qui présentera bientôt son travail. Cependant, on ne peut méconnaître que
beaucoup de membres ont l’intention de se retirer. On conçoit, en effet, que
les élections devant avoir lieu dans un mois, les membres qui doivent être
soumis à une réélection, désirent, dans leur intérêt, se trouver chez eux. Je
pense donc qu’il y a lieu de fixer une séance du soir.
Il y a un autre objet
d’une grande importance sur lequel la chambre devrait également se prononcer ;
c’est la question des sucres, car tous les jours nous votons des dépenses qui
s’élèvent à des millions : il faut bien, pour faire face à ces dépenses, qu’il
y ait de l’argent dans le trésor public ; or, dans l’état actuel des choses, le
trésor éprouve un préjudice annuel de 4 millions. Le vote du projet est également
intéressant pour la fabrication indigène du sucre de betteraves ; car on sait
que la betterave doit être plantée au printemps.
Comment ! le renvoi à la commission a été
prononcé le 16 janvier dernier ; nous voici arrivés au 12 mai et nous n’avons
pas de rapport. Pour moi, j’insiste pour que la commission des sucres présente
ses conclusions, afin que la chambre, avant de se séparer, s’occupe de cet
objet important.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ferai observer que si la chambre continue
encore ses délibérations pendant 8 ou 10 jours, elle aura terminé les objets
les plus importants. De cette manière, nous aurons eu une session utile en
résultats.
M. Eloy
de Burdinne. - Je ne partage pas l’opinion que l’on a émise, que la
chambre se séparerait quand elle a à s’occuper de travaux urgents. Je compte
trop sur le zèle de la chambre, pour avoir une telle pensée. Ce n’est pas dans
un moment où de toutes parts, dans le pays, on réclame des lois urgentes, que
les membres qui doivent être soumis à une réélection voudront se retirer avant
que ces lois aient été votées. Ces honorables membres feront plus dans
l’intérêt de leur élection en restant à leur poste, qu’en allant chez eux solliciter
des suffrages.
M.
de Jaegher. - Ce n’est pas moi qui donnerai l’exemple du départ. Loin
d’exprimer le désir que la chambre se sépare, j’en ai exprimé du regret. Du
reste je crois que l’opinion de M. Eloy de Burdinne est une erreur.
M. Eloy
de Burdinne. - J’ai meilleure opinion que la chambre que M. de Jaegher.
M.
Desmaisières. - On vient de me remettre à l’instant, à revoir,
l’épreuve de la dernière feuille du rapport. Déjà depuis ce matin on a tiré les
autres feuilles. Je pense qu’avant peu d’heures il sera distribué aux membres
de la chambre.
Je ne veux pas traiter la question de
séparation de la chambre. Je pense dans tous les cas qu’il n’y a pas lieu
d’avoir une séance du soir, puisqu’on ne pourrait discuter le transfert ; on
pourrait discuter demain les deux objets dont a parlé M. le ministre de la
guerre.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne tiens pas à ce qu’il y ait séance du soir
aujourd’hui, si on peut demain se réunir de meilleure heure. Mais il est
indispensable que l’un et l’autre objet soient votés avant que la chambre se
sépare. Si la chambre veut prendre l’engagement de rester réunie encore quelque
temps, je ne tiens pas à une discussion immédiate. Si la chambre doit se
séparer bientôt, je demande que la discussion ait lieu sans retard. Je ne
demande pas mieux que ce soit demain à 10 heures, puisque cela paraît convenir
à la chambre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous demandons que la séance soit fixée pour
demain, à 10 heures, afin qu’elle puisse être plus longue et nous permettre de
faire plus de besogne ; mais il est bien entendu que ce n’est pas dans la
crainte que la chambre se sépare après-demain que cette motion a été présentée.
Il y a une quantité de projets urgents à discuter outre ceux que M. le ministre
de l'intérieur vient de rappeler, et nous ne pouvons convenablement nous
séparer avant qu’ils soient votés. J’insiste à cet égard, parce que je ne veux
pas que M. Gendebien croie que nous avons voulu écarter tout à l’heure sa
proposition par une fin de non-recevoir, au moyen du renvoi en sections. Je
désire que celles-ci examinent cette proposition et qu’un rapport soit présenté
à la chambre.
Nous ne sommes pas encore
arrivés au milieu du mois, et nous pouvons très bien continuer nos
délibérations au moins pendant toute la semaine prochaine.
Au point où la matière de nos projets de
loi est élaborée, il vous faut très peu de temps pour être fixé sur plusieurs
projets importants.
Alors, messieurs, nous aurons rempli notre
devoir, nous aurons bien mérité du pays. Voilà, selon moi, le meilleur moyen de
réclamer la confiance des électeurs.
Je me plais à croire que
les craintes exprimées dans un but louable par M. de Jaegher sont gratuites et
ne se justifieront pas. Nous consacrerons, je l’espère, la semaine prochaine
aux travaux importants et urgents qui nous restent à terminer.
M.
Berger. - Répondant à M. Dumortier, j’ai l’honneur d’annoncer à
l’assemblée que la commission des sucres a terminé son examen ; qu’elle a nommé
son rapporteur ; si l’assemble décide que le rapporteur peut ne présenter qu’un
seul résumé, alors on vous fera connaître les conclusions de la commission très
prochainement.
M. Eloy
de Burdinne. - La question est pressante ; tout ce que l’on pourrait
joindre aux conclusions de la commission, nous l’avons lu dans les mémoires que
les industriels et le haut commerce nous ont adressés. Que le rapporteur fasse
son travail pour le commencement de la semaine prochaine, il fera chose
extrêmement utile. Je demanderai donc que le rapporteur fasse connaître
immédiatement les conclusions de la commission.
M.
Desmaisières. - Mes honorables collègues de la commission des sucres
m’ont, malgré moi, chargé du soin de faire le rapport ; si le travail devait se
borner à faire connaître à la chambre les décisions de la commission, sans
aucune espèce de commentaire, demain on pourrait vous présenter le rapport ;
mais je ne crois pas que ce soit là l’intention de la chambre. Dès qu’il faut
accompagner les décisions des motifs sur lesquelles on les a fondées, il faut
faire connaître à la chambre les législations des pays voisins sur la matière,
et les effets qu’aurait la proposition faite sur les sucres relativement à ces
législations.
Le travail ne peut donc être aussi court
qu’on le dit ; il doit même être long ; aussi est-ce à regret que j’ai vu mes
collègues me choisir pour faire connaître leurs opinions.
M.
Dubus. - Je crains que si la commission ne fait pas son rapport
immédiatement, son travail ne devienne inutile. On paraît assez généralement
d’accord qu’il faut modifier la loi existante en ce qui concerne l’exportation
des sucres ; on trouve que le rendement des sucres n’est pas exact, que l’on
suppose un déchet beaucoup trop fort ; une proposition a été faite par un
honorable député de Verviers pour remédier aux abus ; mais on a cru ne pas
devoir l’adopter sans un examen préalable, parce qu’il semblait à plusieurs
membres que cette proposition n’atteignait pas encore le but. C’était donc dans
la prévision que la commission ferait promptement son rapport qu’on lui a
renvoyé la question, parce qu’on ne veut pas laisser subsister l’abus plus
longtemps, et priver le trésor de tout revenu ; les consommateurs paient
plusieurs millions, et le trésor ne peut continuer à les restituer aux
fabricants. Que l’on nous fasse un rapport quelconque, et la chambre verra quel
parti elle doit prendre. J’aimerais mieux des conclusions sans développements
que la perpétuation d’un abus.
M. Rogier. - Je ne puis croire que la proposition
de M. Eloy de Burdinne, appuyée par l’honorable préopinant, ait des chances de
succès. Il est sans exemple qu’on limite le travail d’un rapporteur. A quoi bon
avoir fait une espèce d’enquête sur cette question, si on ne voulait pas
quelques lignes dans le rapport ? Je m’étonne que le préopinant, qui a
l’habitude d’approfondir toutes les matières, demande que la commission
présente ses conclusions sans les motiver.
M. Desmet.
- Je demande la parole pont appuyer la proposition faite par M. Dubus. Nous sommes certains que la
session ne durera pas longtemps ; la question des sucres est claire, évidente,
et il n’est pas nécessaire d’un grand rapport pour l’apprécier ; qu’on nous
fasse un rapport verbal, et cela peut suffire.
M.
le président. - Avant tout, il faut que la chambre prononce sur la
proposition qui a été faite d’une réunion à 10 heures du matin.
- La chambre décide que la réunion aura
lieu demain à 10 heures du matin.
M. Liedts.
- Je crois que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de nous occuper des
lois qui sont à l’ordre du jour. La question des sucres nous a paru si grave
que nous l’avons renvoyée à une commission spéciale ; et maintenant on demande
que nous établissions notre jugement sur un rapport de deux lignes ; mais cette
demande est impossible à admettre. Ce serait la première fois, depuis que la
chambre existe, que nous prescrivions à un rapporteur l’étendue de son travail
; il faut lui laisser le temps de l’élaborer. Je persiste à demander que l’on
passe à l’ordre du jour.
M.
Donny. - Il est réellement étonnant de voir plusieurs membres de cette
assemblée, qui n’ont pris connaissance de la question concernant les sucres que
par des brochures, venir dire qu’elle est claire et ne présente aucune
difficulté, alors que, dans le même instant, ceux qui ont fait partie de la
commission vous déclarent que la question est compliquée, et qu’il est impossible
de faire un rapport en peu de temps. J’appuie l’opinion de ceux qui ont soutenu
qu’on ne pouvait limiter le temps qu’un rapporteur croyait devoir mettre à son
travail.
M. Eloy de Burdinne. - On nous accuse
d’être très pressés, je crois au contraire que nous sommes très patients, car
c’est du mois de décembre dernier que nous sommes saisis de la proposition
faite sur les sucres. Je demande le rapport pour lundi, si on ne veut pas faire
un rapport laconique demain ; et si on ne veut pas faire de rapport
prochainement, je demanderai que la discussion s’établisse sur la proposition
de M. Lardinois.
M. Pirmez.
- La question est sans doute compliquée, et on peut l’envisager sous différents
points de vue. Par exemple, on peut demander comment agiront les agriculteurs
relativement à la culture de la betterave pendant cette année ? Un rapport
sur-le-champ fera connaître les résolutions de la commission, et nous pourrons
nous déterminer en conséquence. Une décision prompte est indispensable.
M. Dumortier.
- Il y a un fait patent, c’est que la fraude enlève au trésor annuellement
trois ou quatre millions. Hier, vous avez voté une dépense de trois millions ;
sur quoi l’hypothèquera-t-on cette dépense ? sur les bons du trésor ?
Eh bien, ces bons du trésor, il faut les
payer ainsi que les intérêts. Il faut donc faire arriver au trésor public les
ressources nécessaires pour faire face à cette dépense. Quand on vous présente un
moyen de remplir ce but sans augmenter les charges des contribuables, vous
devez vous empresser de le saisir.
Il y a ici une vérité qu’on ne peut pas
méconnaître ; c’est qu’il y a longtemps qu’on aurait dû prendre une décision
sur ma proposition, car je l’ai présentée quand nous discutions les voies et
moyens. J’avais proposé un amendement pour augmenter le rendement des sucres.
Vous avez renvoyé cet amendement à une commission, et on a tellement reconnu
l’urgence de résoudre la question qu’il soulevait, que la commission fut nommée
le 15 janvier. Voilà cinq mois que cette commission en est saisie, et nous
n’avons pas encore de rapport.
Si la commission voulait
examiner la matière de plus en plus, elle pourrait gagner le 1er janvier
prochain. Elle aurait mis un an pour examiner cette question. Cela n’est pas
admissible. Je demande que la commission soit engagée à faire imprimer ses
conclusions ; nous verrons si nous pouvons les mettre à l’ordre du jour.
Il faut terminer ce litige. Il faut que
les industriels, qui se livrent à la culture de la betterave, sachent à quoi
s’en tenir. Tous les fabricants ont leurs sucres dans leurs magasins sans
pouvoir en vendre une livre à cause de la prime accordée aux sucres exotiques.
Il faut en finir si vous ne voulez pas ruiner cette industrie qui est très
importante pour le pays.
M.
Desmaisières. - Quant à moi personnellement, je ne ferais aucune
objection à déposer les conclusions de la commission, car je me trouverais déchargé
d’un travail énorme. Mais, quant à la question en elle-même, je pense que la
chambre ne doit pas procéder de cette manière sans manquer à ce qu’elle doit au
pays.
La question est tellement grave que depuis
les vacances de Pâques, nous nous sommes réunis presque tous les jours, et ce
n’est que hier que nous avons pu arriver à des conclusions Ce n’est que hier
que j’ai été, malgré moi, je le répète, nommé rapporteur. Il me serait
impossible de soumettre à la chambre un rapport quelconque ; je ne pourrais
faire que déposer les conclusions. Je ne pense pas que ce soit ce que veut la
chambre.
M. Gendebien.
- M. Dumortier a fait une partie des observations que je me proposais de
présenter, je me bornerai à ajouter quelques mots à ce qu’il a dit.
Messieurs, le pays a réclamé aussi de vous
deux choses : d’abord le soin du trésor. Or, il est un fait patent, c’est que
la fraude enlève de trois à quatre millions au trésor. Si la loi était exécutée
franchement, loyalement, cela ne se verrait pas. Le produit de l’impôt sur le
sucre ne se trouverait pas réduit à 120,000 fr. Nous devons, en second lieu, au
pays une protection pour la culture de la betterave ; et nous ne devons pas à
son préjudice et au préjudice du trésor, encourager la culture de la canne à
sucre.
Voilà ce que nous devons au pays.
Maintenant, s’il s’agissait d’établir
d’une manière absolue, fixe et définitive, le point où doit s’arrêter le droit
de restitution, je conviendrais qu’il faut discuter mûrement la question ; mais
il s’agit seulement d’arrêter ou de diminuer la fraude ou l’abus de la loi. Or,
voici un fait : il y a deux ans, cet impôt produisait 1,750,000 fr. sous le
régime de la même loi, et pour 1837 on annonce où il serait tout au plus de
120,000 fr. Il est probable même qu’il ne produira rien. Il n’est même pas
possible qu’on restitue un jour plus qu’on n’aura reçu.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On ne le peut pas.
M.
Gendebien. - Je n’en sais rien, je crois même que je pourrais justifier
mes appréhensions. Quand on est descendu de 3 millions à 120,000 fr., le pas à
faire pour arriver à zéro n’est pas bien grand.
Le premier devoir de la chambre, c’est
d’examiner s’il y a moyen de prendre une décision sur les conclusions de la
commission ; si après examen, elle juge qu’elle ne peut pas prendre de
décision, du moins elle se sera acquittée d’un devoir, celui d’examiner.
Hier, nous avons voté deux ou trois
millions pour une localité ; aujourd’hui cette localité devrait se montrer
moins exigeante quand il s’agit encore de prendre 3 ou 4 millions dans le
trésor.
Quand il s’est agi de venir au secours des
habitants des polders, j’ai été au-delà des demandes du gouvernement et de la
députation d’Anvers, parce que je croyais la chose juste. Aujourd’hui on me
permettra de n’être pas d’accord avec eux et de défendre les intérêts du
trésor, si évidemment compromis.
M. Rogier.
- je ne sais pourquoi on revient toujours sur le vote d’hier en le présentant
comme ne profitant qu’à une localité. Il est vrai qu’il concerne la province
d’Anvers, mais il concerne aussi une grande partie de
J’ai pris la parole pour relever
l’assertion très inexacte, avancée par deux honorables préopinants,
relativement à la fraude de 4 millions qui se ferait dans la localité d’Anvers,
au moyen des sucres raffinés.
D’abord il y a une exagération à porter à
4 millions une somme qui est évaluée, par le ministre des finances, à 1,700,000
fr. C’est une petite exagération du double : passe pour cela.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole.
M. Rogier.
- On dit que c’est la fraude qui enlève ces millions au trésor ; il n’en est
rien. Les raffineurs usent, profitent de la loi, mais ne fraudent pas. Il
importe que la réputation des raffineurs ne soit pas légèrement attaquée ;
voilà ce que j’avais à dire.
Je répète que je ne puis considérer comme
sérieuse la proposition de mettre à l’ordre du jour une question aussi
importante que celle des sucres. Cette question n’est pas de celles qu’on peut
résoudre dans une séance. Le rapporteur qui a examiné la question à fond vous
le déclare. Je ne comprends pas ce grand empressement à vouloir faire discuter
en un jour une loi qui, infailliblement, sera l’objet de très longs débats dans
cette enceinte.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois relever une erreur échappée à l’honorable
préopinant pour qu’on ne puisse pas plus tard, lors de la discussion qui
interviendra dans la question des sucres, arguer de mon silence pour m’opposer
les paroles que vous venez d’entendre.
Messieurs, en évaluant à 2 1/2 kil. de
sucre brut par habitant la consommation qui s’en fait en Belgique, cela suppose
10 millions de kilogrammes. Et d’après les renseignements que j’ai pris, on
peut admettre ce chiffre pour exact. Or, 10 millions de kil. à 37 fr. les 100
kil. (droit sur le sucre brut), feraient 3,700,000 fr. d’impôt. Voilà ce que le
sucre devrait rapporter, si le droit de douane pouvait rentrer en totalité au
trésor.
Maintenant je vous prie de remarquer si le
produit n’a été évalué, il y a deux ans, qu’à 1,750,000 fr., c’est que la haute
décharge des droits a déjà été appliquée alors à de fortes quantités de sucres
à l’exportation, et que la différence au préjudice du fisc, entre le rendement
légal et le rendement réel au raffinage, étant multipliée et étendue à des
quantités plus fortes, la diminution du produit de la douane devait l’accroître
dans la même proportion.
Messieurs, il y a erreur
de part et d’autre, quand on dit d’un côté que c’est la fraude seule qui enlève
au trésor la totalité de l’impôt sur le sucre, et de l’autre côté qu’il n’y a
pas de fraude. Je pourrais vous le démontrer à l’instant même, mais pour cela
je devrais aborder le fond de la question sur la législation des sucres, et ce
serait sortir de la discussion actuelle.
Quoi qu’il en soit, je dois croire,
d’après le sens du discours de M. Gendebien, qu’en parlant de fraude, il a
entendu faire allusion au vice du système de la loi, vice dont profitent ceux
qui usent de cette loi.
M. Gendebien.
- Oui ; non seulement on use, mais on abuse de la loi.
- La discussion est close.
La chambre consultée décide que la
commission sera invitée à présenter demain un rapport contenant ses
conclusions.
PROPOSITION
DE LOI VISANT A ETABLIR UNE INCOMPATIBILITE ENTRE LE MANDAT DE PARLEMENTAIRE ET
LES FONCTIONS DE GOUVERNEUR ET DE COMMISSAIRE DE DISTRICT
M.
Dumortier est appelé à la tribune pour lire une proposition dont la
lecture a été autorisée par les sections.
Elle est ainsi conçue :
« Art. unique. Tout gouverneur ou
commissaire de district élu membre de l’une ou de l’autre chambre par l’un des
districts ou par le district où il exerce ses fonctions, devra opter entre ses
fonctions administratives et celles de représentant ou de sénateur.
« Néanmoins, les gouverneurs et
commissaires de district qui, à l’époque du 1er janvier 1837, étaient membres
de l’une ou de l’autre chambre, pourront continuer à y être élus, sans être
soumis à cette formalité. »
M.
Lardinois. - Pas de privilège.
- La proposition de M. Dumortier est
appuyée.
La discussion est ouverte sur la prise en
considération de cette proposition.
M. Pollénus.
- Je crois, messieurs, devoir m’opposer à la prise en considération de la
proposition de l’honorable M. Dumortier.
Si j’ai bien compris cette proposition, elle tend à établir une véritable cause
d’exclusion et partant une condition nouvelle d’exigibilité ; or, messieurs, si
nous faisons bien attention à l’art. 50 de la constitution, les conditions
d’éligibilité ne peuvent être établies que par la loi constitutionnelle
elle-même ; les formalités seules de l’élection sont du domaine de la loi
particulière.
Voici ce que porte cet article 50 :
« 1° Etre Belge de naissance ou avoir
reçu la grande naturalisation ;
« 2° Jouir des droits civils et
politiques ;
« 3° Etre âgé de 25 ans accomplis ;
« 4° Etre domicilié en Belgique.
« Aucune autre condition
d’éligibilité ne peut être requise. »
Il résulte de cet article, messieurs, que
nous ne pouvons par une loi particulière établir des conditions d’éligibilité
autres que celles qui sont déterminées par la constitution. Nous pouvons, il
est vrai, reconnaître certaines incompatibilités, mais seulement pour autant
qu’elles résultent de la nature même des choses ou des positions.
A en juger d’après une
simple lecture de la proposition, il me semble que les deux dispositions dont
elle se compose sont en contradiction entre elles et s’entredétruisent. En
effet, messieurs, par une première disposition, l’honorable membre propose
d’exclure des fonctions législatives les gouverneurs et les commissaires de
district qui seraient nommés à l’une ou l’autre des deux chambres dans leurs
arrondissements respectifs ; et, par une seconde disposition, il propose
d’établir que ceux de ces fonctionnaires qui sont actuellement membres de l’une
ou de l’autre chambre, pourront continuer à y siéger, à recevoir de nouveaux
mandats.
L’honorable auteur de la proposition
convient donc que l’état de choses qu’il veut faire cesser n’a offert jusqu’à
présent aucun inconvénient ; il approuve donc le passé ; je ne conçois pas sur
quoi il fonde l’exclusion qu’il propose pour l’avenir. L’honorable membre
craint l’influence de ces fonctionnaires ; mais si c’est l’influence que vous
redoutez, il faut dès lors frapper un plus grand nombre de fonctionnaires ; il
faut même aller plus loin, car les fonctionnaires publics n’ont pas le monopole
de l’influence ; je ne conçois donc pas pourquoi l’honorable M. Dumortier borne
sa proposition aux deux catégories qu’il indique.
M. Dumortier.
- Je ne m’opposerais nullement à ce que l’on étendît la disposition que je
propose à d’autres fonctionnaires ; je le verrais au contraire avec plaisir.
M. Pollénus.
- L’honorable auteur de la proposition dit qu’il consentirait volontiers à y
voir comprendre d’autres fonctionnaires ; mais c’est à lui à s’expliquer et à
compléter sa pensée.
Je dis donc que, d’après le système de
l’honorable membre, il faudrait étendre l’exclusion qu’il propose à un bien
plus grand nombre de catégories ; il faudrait l’étendre, par exemple, aux
procureurs-généraux, aux procureurs du Roi, aux bourgmestres des villes, etc.,
fonctionnaires cependant auxquels on veut bien faire grâce ; car eux aussi
peuvent exercer quelque influence.
Vous redoutiez l’influence ! Mais si
l’influence est pour vous un motif d’exclusion, vous ne pouvez borner votre
système aux seuls fonctionnaires publics ; pour être conséquent, il faut
l’étendre à un plus grand nombre de catégories de citoyens, aux banquiers, par
exemple. (On rit.)
Des voix. - Aux curés !
M. Pollénus.
- Messieurs, c’est très sérieusement que je cite les banquiers, car l’influence
financière est aussi une influence et une influence bien puissante encore, et
qui de plus apparaît à certaines personnes comme étant bien redoutable.
Messieurs, il ne fait pas perdre de vue
que la constitution de 1830, dont on invoque souvent et à juste titre la
sagesse, a déterminé les conditions d’éligibilité ; contentons-nous des
prévoyances du corps constituant qui a si bien compris les mœurs et les besoins
du peuple belge.
N’oubliez pas, d’ailleurs, que la
constitution autorise expressément les ministres à être membres des chambres
législatives. Les ministres cependant sont placés au faîte du pouvoir, et
réunissent, à ce titre, toutes les conditions d’une influence véritable ; eux,
qui dirigent l’exercice de l’autorité publique, doivent être admis sans
restriction ; et vous voulez exclure deux catégories de fonctionnaires
administratifs, qui n’exercent qu’une faible part de l’autorité, sous la
direction de ces mêmes ministres ; il y aurait là une véritable anomalie, que
repousse le texte et l’esprit de notre pacte fondamental. Non, messieurs, les
influences qui ne s’appuieraient point sur les mœurs du pays, n’auront jamais
ici rien de bien redoutable ; nous pouvons avoir foi dans la moralité de nos
élections.
Messieurs, si j’ai pris la parole à l’occasion
de cette proposition, c’est qu’il m’a paru que le moment était venu de
repousser d’injustes attaques qui, bien imprudemment parfois, ont été dirigées
contre une catégorie de fonctionnaires administratifs ; mais ceux qui les
attaquent sans cesse trouvent-ils donc qu’on est autre, qu’on présente
seulement des garanties d’indépendance, de moralité, lorsqu’on cesse d’être
commissaire d’arrondissement, par exemple ? Cruelle et imprudente censure qui
retombe de tout son poids sur ceux qui les font !
Rappelez-vous, messieurs, que l’honorable
auteur de la proposition veut bien que les gouverneurs et les commissaires
d’arrondissement qui ont fait partie de l’une ou de l’autre chambre, avant la
présente année, puissent continuer à y siéger, à y être réélus sans exception
ni restriction ; mais cette exception, proposée par M. Dumortier lui-même, ne
détruit-elle pas complètement la proposition d’exclusion, ou, pour parler plus
exactement, la condition nouvelle d’éligibilité qu’il cherche à introduire à
leur égard ? Où donc puise-t-on les motifs d’exclusion si l’on accepte le passé
comme devant commander l’exception proposée ? L’auteur de la proposition a
certes été dominé par cette pensée qui nous est commune, que les fonctionnaires
dont il s’agit, ont souvent donné au pays des preuves non équivoques d’une
honorable indépendance, prennent souvent une part fort utile aux différents
travaux législatifs.
Messieurs, ces hommes
qu’on attaque, si, en dehors de cette chambre, ils occupent une position
révocable, savent vous montrer, non pas par des paroles seulement, qu’en eux il
est des qualités pour lesquelles ils ne le cèdent en rien à leurs honorables
adversaires. Une conscience inamovible, l’indépendance de caractère, voilà le
point essentiel, voilà la véritable garantie ; et croyez-moi, cette conscience
on ne l’abdique point en acceptant, même sous la condition de révocation, la
mission de protéger l’ordre et de concourir à l’exécution des lois du peuple
belge.
Vous parlez
d’indépendance ! Mais ceux qui n’occupent point de fonctions publiques sont-ils
dont par ce seul fait plus indépendants que ceux qui occupent ces fonctions ?
Ceux qui convoitent les places, les faveurs, seraient-ils plus indépendants,
offriraient-ils plus de garantie que ceux qui ont fait l’expérience du fardeau
et de la responsabilité qu’entraîne toujours l’exercice de toute autorité ? Si
telle était votre pensée, détrompez-vous, les garanties d’indépendance ne sont
pas où vous croyez les voir. C’est pour ces motifs que je voterai contre la
prise en considération de la proposition de M. Dumortier.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je demanderai qu’on mette fin à ce
débat. Ainsi que la chambre le fait toujours en semblable occasion, je propose
que, sans rien préjuger, l’assemblée vote la prise en considération de la
proposition de M. Dumortier, et qu’elle en ordonne ensuite le renvoi aux
sections, qui examineront s’il y a lieu de l’étendre ou de la restreindre, de
l’adopter ou de la rejeter.
M. de
Brouckere. - Messieurs, j’appuie la proposition de M. le ministre des
finances.
Lorsque j’ai demandé la parole, j’avais
particulièrement en vue de faire voir que la plupart des observations faites
par l’honorable M. Pollénus concernant le fond de la question.
Messieurs, il n’y a véritablement qu’un
seul motif dont la chambre doive s’occuper à l’occasion de la prise en
considération. Car si dans la proposition de M. Dumortier, il y avait une
inconstitutionnalité, il est évident qu’on devrait décider qu’il n’y a pas lieu
de la prendre en considération ; mais du moment que l’on prouve qu’elle n’est
pas inconstitutionnelle, c’en est assez pour que la chambre la prenne en
considération, et surtout si la chambre se rappelle que la proposition
primitive n’a été rejetée qu’à une faible majorité.
Or, je vais prouver en deux mots que la
proposition n’est pas inconstitutionnelle.
On s’est appuyé, pour soutenir l’opinion
contraire, sur l’art. 50 de la constitution. Cet article nous dit quelles sont
les conditions nécessaires pour être éligible à la chambre des représentants.
Le dernier paragraphe porte : « Aucune autre condition d’éligibilité ne
peut être réclamée. »
Eh bien, messieurs, j’en appelle à tout
homme de bonne foi, la proposition de M. Dumortier a-t-elle pour objet d’exiger
une condition d’éligibilité ? En aucune manière. Si la chambre adopte la
proposition de M. Dumortier, tous les Belges qui réuniront les conditions
voulues par l’art. 50 de la constitution seront éligibles ; seulement, s’ils
acceptent le mandat de député, ils devront résigner les fonctions de gouverneur
ou de commissaire de district, en cas qu’ils occupent de semblables fonctions.
Vous voyez donc bien que la proposition n’est pas inconstitutionnelle.
Ce raisonnement me paraît bien clair ; et
je crois qu’on peut difficilement le réfuter. Mais s’il ne suffisait pas pour
convaincre l’honorable préopinant, je lui rappellerai que la chambre elle-même,
à une immense majorité, si pas à l’unanimité, s’est déjà décidée contre son
opinion. En effet, dans la loi de 1832 sur l’organisation judiciaire, il a été
décidé qu’il y avait incompatibilité entre les fonctions de membre de la cour
de cassation, et celles de membres de la chambre des représentants. Eh bien,
lorsqu’on a discuté cet article, un honorable membre qui est aujourd’hui membre
de la cour de cassation s’est levé pour soumettre à la chambre un dote
résultant de l’art. 50 de la constitution. On lui a répondu à peu près dans le
sens des observations que je viens de faire à l’honorable préopinant ; et comme
je l’ai déjà dit, la chambre presque entière s’est levée pour donner gain de
cause au système que je défends.
Je pourrais encore
rappeler ce qui s’est passé relativement à la cour des comptes en 1830. On
savait bien alors quel était l’esprit de la constitution. Eh bien, en 1830, on
n’a pas hésité à déclarer que les membres de la cour des comptes ne pouvaient
pas être membres de l’une des deux chambres.
Ainsi il n’y a rien d’inconstitutionnel
dans la proposition de M. Dumortier qui ne veut consacrer qu’une
incompatibilité de plus et c’est à cette seule considération que je m’attache,
parce que toutes les autres concernent le fond de la question. (Aux voix ! aux voix !)
M. Pollénus.
- Messieurs, je demande à faire une simple observation, pour démontrer que
l’opinion que j’ai défendue, relativement à l’art. 50 de la constitution, n’a
pas été condamné, comme le prétend M. de Brouckere, par deux décisions unanimes
de la chambre.
J’ai admis, dans les explications que j’ai
données tout à l’heure que certaines incompatibilités pouvaient résulter de la
nature de telles ou telles fonctions. Et sur quel motif s’est-on fondé, lorsque
la chambre a décidé que les membres de la cour de cassation et ceux de la cour
des comptes ne pouvaient pas faire partie de la chambre ? On a cru devoir
exclure les membres de la cour des comptes, parce que la chambre était en
quelque sorte juge des actes de la cour des comptes. Les membres de la cour de
cassation n’ont pu non plus faire partie de la chambre, parce qu’en vertu de la
constitution la cour de cassation juge les ministres que la chambre met en
accusation. Un membre de la cour de cassation qui serait en même temps membre
de la chambre, serait en pareil cas juge et partie ; ce qui est contraire aux
principes.
La chambre a donc eu
grand raison d’admettre ces deux incompatibilités qui dérivent de la nature des
choses ; mais cette double décision de la législature n’est pas contraire,
comme le prétend l’honorable préopinant, à l’opinion que j’ai défendue. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre vote la prise en
considération de la proposition de M.
Dumortier.
M.
le président. - Désire-t-on le renvoi de la proposition aux sections ou
à une commission ?
M. Dumortier.
- Messieurs, il est indispensable que ma proposition soit renvoyée à une
commission. Car si la chambre en ordonnait le renvoi aux sections, il est
manifeste que la loi ne pourrait pas être mise à exécution au 1er juin
prochain. Il est de toute nécessité de faire examiner le projet par une
commission qui serait chargée de faire un rapport dans le plus bref délai. La
question, au reste, n’est pas nouvelle, et a déjà subi l’épreuve d’une longue
discussion.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, la proposition est trop importante pour
être simplement renvoyée à une commission. Il est à désirer que la chambre soit
mise à même d’émettre son avis dans les sections. Quant au motif d’urgence
qu’invoque M. Dumortier, il est nul, puisque l’honorable membre fait remontrer
sa proposition au premier janvier 1837…
Des voix. - Vous vous trompez,
c’est au 1er juin.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - C’est vrai. Ma dernière observation est sans objet.
M. Pollénus.
- Aux motifs qui viennent d’être développés par M. le ministre de l'intérieur,
j’ajouterai qu’il n’y a qu’un instant que la chambre a renvoyé aux sections une
proposition qui ne concernait guère que quelques cantons électoraux du district
de Nivelles. Je vous le demande, la proposition de M. Dumortier n’a-t-elle pas
une autre portée que celle de M. Gendebien ? Et pourquoi on voudrait renvoyer
la première à une commission, tandis que l’autre a été renvoyée aux sections.
M. Dumortier.
- Ma proposition est toute simple.
M. Pollénus.
- Il n’en est pas moins vrai qu’elle est beaucoup plus grave que celle qui a
été renvoyée tout à l’heure aux sections. (Aux
voix ! aux voix !)
M. le président
consulte l’assemblée sur la question de savoir si la proposition sera renvoyée
à une commission ou aux sections.
- Une double épreuve par assis et levé est
douteuse ; il est en conséquence procédé à l’appel nominal.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 80
Oui, 39
Non, 41.
En conséquence, la proposition sera
renvoyée à une commission.
Ont répondu oui : MM. Beerenbroeck,
Bekaert, Coghen, Coppieters Cornez de Grez, de Behr, de Jaegher, de Longrée, F.
de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Sécus, Desmanet
de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Donny, Duvivier, Eloy de
Burdinne, Ernst, Fallon, Hye-Hoys, Lardinois, Mast de Vries, Milcamps,
Polfvliet, Pollénus, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Ullens,
Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq et Raikem.
Ont répondu non. - MM.
Andries, Berger, Corneli, Dams, de Brouckere, Dechamps, de Man d’Attenrode, de
Meer de Moorsel, de Puydt, Desmaisières, Desmet, Doignon, Dolez, Dubois, Dubus
(aîné), B. Dubus, Dumortier, Frison, Gendebien, Heptia, Jadot, Keppenne,
Kervyn, Lehoye, Liedts, Manilius, Meeus,
Morel-Danheel, Pirmez, Raymaeckers, A. Rodenbach, Seron, Smits, Stas de Volder,
Thienpont, Troye, Vandenbossche, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Watlet et Zoude.
M. le président.
- Par qui veut-on que la commission soit nommée ? par la chambre, par les
sections ou par le bureau ?
M. de
Brouckere. - Je crois rendre un service au bureau en proposant que la
commission soit nommée par la chambre ou par les sections. C’est une question
extrêmement délicate dans laquelle beaucoup de personnes ont déjà exprimé leur
opinion, de telle manière que si la commission était nommée par le bureau, elle
serait l’expression de son opinion et non de l’opinion de la chambre. Je crois
rendre service en le déchargeant du soin de nommer cette commission.
M.
le président. - Le bureau ne demande pas mieux.
M. de
Brouckere. - J’en étais persuadé. Je demande donc que la commission
soit nommée par la chambre.
Une commission comme celle-là doit être
nommée par la chambre elle-même.
Un membre. - Il faut la faire
nommer par les sections.
M.
Dolez. - Je demande la parole pour faire une observation bien simple. C’est
que la nomination de la commission par les sections irait contre la décision
que la chambre vient de prendre. La chambre vient d’ordonner le renvoi à une
commission, pour éviter les lenteurs des sections ; si vous faites nommer la
commission par les sections, vous retombez dans les lenteurs que vous vouliez
éviter ; vous anéantiriez ainsi par une décision ultérieure une décision
précédente. Je crois qu’il n’y a pas d’autre moyen de constituer la commission
que de la faire nommer par la chambre.
- La chambre décide que
la commission sera composée de sept membres et nommée par elle-même.
M. le président.
- Sera-ce à la majorité absolue ou à la majorité relative ?
Quelques membres. - A la majorité
relative !
M. Devaux.
- La décision que vient de prendre la chambre prouve qu’elle attache à la
proposition une très grande importance. Le premier vote sur le renvoi à une
commission le prouve également. Par conséquent je crois que la chambre doit
nommer la commission à la majorité absolue, parce que la majorité relative ne
signifie rien. Autant vaudrait s’en remettre au hasard, tirer la commission au
sort, que de la nommer à la majorité relative. Si vous voulez une commission
qui représente l’opinion de la chambre, il faut qu’elle soit nommée à la
majorité absolue : sans cela il valait mieux la nomination par les sections ;
elle aurait représenté quelque chose.
La majorité relative, c’est l’effet du
hasard qui réunit quelques voix sur quelque têtes.
- La chambre décide que la commission sera
nommée à la majorité absolue.
On procède au scrutin pour cette
nomination.
En voici le résultat :
Nombre des votants : 80.
Majorité absolue, 41.
M. Devaux a obtenu 38 suffrages.
M. Fallon 37.
M. de Brouckere 35.
M. Gendebien 31.
M. Milcamps 30.
M. Dubus (aîné) 29.
M.
Mast de Vries 23.
M.
Raikem 22.
M.
Verdussen 22.
M. Dumortier 21.
M. de Behr 20.
Aucun membre n’ayant obtenu la majorité on
procède à un second tout de scrutin. En voici le résultat :
Nombre des votants : 75.
Majorité absolue, 38.
M. Fallon a obtenu 56 suffrages.
M.
Raikem 43.
M. de
Brouckere 43.
M. Devaux 42.
M. Dubus (aîné) 37.
M.
Milcamps 35.
M.
Gendebien 34.
M.
Mast de Vries 33.
M.
Verdussen 29.
M. Dumortier 28.
En conséquence, MM. Fallon, Raikem, de
Brouckere et Devaux sont proclamés membres de la commission.
Un scrutin de ballottage est ouvert entre
MM. Dubus (aîné), Milcamps, Gendebien, Mast de Vries, Verdussen et Dumortier,
qui ont obtenu le plus grand nombre de voix, après ceux qui ont réuni la
majorité absolue.
Le nombre des votants est de 65.
D’après le dépouillement de ce troisième
scrutin, MM. Dubus (aîné), Gendebien, Mast de Vries sont proclamés membres de
la commission ; laquelle est par conséquent composée de MM. Fallon, de
Brouckere, Devaux, Raikem, Dubus (aîné), Gendebien et Mast de Vries.
La séance est levée à 5 heures.